Euroscript - Polska v Parliament (Judgment of the Court of First Instance) (French Text) [2014] EUECJ T-48/12 (16 July 2014)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/T4812.html
Cite as: ECLI:EU:T:2014:680, EU:T:2014:680, [2014] EUECJ T-48/12

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ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 juillet 2014 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services de traduction vers le polonais – Décision modifiant la décision de placer la requérante en première position sur la liste des soumissionnaires retenus – Attribution du contrat-cadre principal à un autre soumissionnaire – Demande de réévaluation – Délai – Suspension de la procédure – Transparence – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T-48/12,

Euroscript – Polska Sp. z o.o., établie à Cracovie (Pologne), représentée par Me J.-F. Steichen, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme L. Darie et M. P. Biström, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Parlement du 9 décembre 2011 modifiant la décision du 18 octobre 2011 de classer la requérante en première position sur la liste des soumissionnaires retenus et de lui attribuer le contrat principal dans le cadre de la procédure d’appel d’offres PL/2011/EU, concernant la prestation de services de traduction vers le polonais (JO 2011/S 56-090361), et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de cet appel d’offres,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse et A. M. Collins (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La passation des marchés de services du Parlement européen est soumise aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), ainsi qu’aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) nº 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution ») dans leurs versions applicables aux faits de l’espèce.

 Règlement financier

2        L’article 100, paragraphe 2, du règlement financier prévoit ce qui suit :

« Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

Toutefois la communication de certains éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. »

3        L’article 103 du règlement financier énonce ce qui suit :

« Lorsque la procédure de passation d’un marché se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, les institutions la suspendent et prennent toutes les mesures nécessaires, y compris l’annulation de la procédure.

Si, après l’attribution du marché, la procédure de passation ou l’exécution du marché se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, les institutions peuvent s’abstenir de conclure le contrat, suspendre l’exécution du marché ou, le cas échéant, résilier le contrat, selon le stade atteint par la procédure.

[…] »

 Modalités d’exécution

4        L’article 149 des modalités d’exécution dispose :

« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché ou d’un contrat-cadre ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, y inclus les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché ou un contrat-cadre ou à mettre en place un système d’acquisition dynamique pour lequel il y a eu mise en concurrence ou de recommencer la procédure.

2. Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

3. Pour les marchés passés par les institutions communautaires pour leur propre compte, d’une valeur égale ou supérieure aux seuils visés à l’article 158 et qui ne sont pas exclus du champ d’application de la directive 2004/18/CE, le pouvoir adjudicateur notifie, simultanément et individuellement à chaque soumissionnaire ou candidat évincé, par lettre, par télécopie ou courrier électronique, que leur offre ou candidature n’a pas été retenue, à l’un ou l’autre des stades suivants :

a)      peu de temps après l’adoption de décisions sur la base des critères d’exclusion et de sélection et avant la décision d’attribution, lorsque les procédures de passation de marché sont organisées en deux étapes distinctes ;

b)      en ce qui concerne les décisions d’attribution et les décisions de rejet d’une offre, le plus tôt possible après la décision d’attribution et au plus tard dans la semaine qui suit.

Le pouvoir adjudicateur indique dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la candidature ainsi que les voies de recours disponibles.

Les pouvoirs adjudicateurs notifient, en même temps qu’ils informent les candidats ou soumissionnaires évincés du rejet de leur offre, la décision d’attribution à l’attributaire en précisant que la décision notifiée ne constitue pas un engagement de la part du pouvoir adjudicateur concerné.

Les soumissionnaires ou candidats évincés peuvent obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet, sur demande écrite, par lettre, par télécopie ou par courrier électronique et pour tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, sans préjudice des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement financier. Les pouvoirs adjudicateurs répondent dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception de la demande. »

5        L’article 153 des modalités d’exécution prévoit ce qui suit :

« 1. La suspension du marché prévue à l’article 103 du règlement financier a pour objet de vérifier la réalité des erreurs et irrégularités substantielles ou fraudes présumées. Si elles ne sont pas confirmées, l’exécution du marché est reprise à l’issue de cette vérification.

2. Est constitutive d’une erreur ou d’une irrégularité substantielle toute violation d’une disposition contractuelle ou réglementaire résultant d’un acte ou d’une omission qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget communautaire. »

6        Aux termes de l’article 158 bis, paragraphe 1, des modalités d’exécution, il est prévu ce qui suit :

« Le pouvoir adjudicateur ne procède à la signature du contrat ou du contrat-cadre, couvert par la directive 2004/18/CE, avec l’attributaire qu’au terme d’une période de quatorze jours de calendrier.

Cette période court à compter de l’une ou l’autre des dates suivantes :

a)      le lendemain de la date de notification simultanée des décisions d’attribution et de rejet,

b)      lorsque le contrat ou le contrat-cadre est attribué à la suite d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché, le lendemain de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis d’attribution visé à l’article 118.

Le cas échéant, le pouvoir adjudicateur peut suspendre la signature du contrat pour examen complémentaire si les demandes ou commentaires formulés par des soumissionnaires ou candidats écartés ou lésés, ou toute autre information pertinente reçue, le justifient. Les demandes, commentaires ou informations en question doivent être reçus pendant la période prévue au premier alinéa. Dans le cas d’une suspension, tous les candidats ou soumissionnaires sont informés dans les trois jours ouvrables suivant la décision de suspension.

Sauf dans les cas prévus au paragraphe 2, tout contrat signé avant l’expiration de la période prévue au premier alinéa est nul et non avenu. »

 Appel d’offres

7        L’appel d’offres PL/2011/EU (ci-après l’« appel d’offres ») avait pour objet la prestation de services de traduction de l’anglais, du français, de l’allemand, de l’italien et de l’espagnol vers le polonais au bénéfice du Parlement, de la Cour des comptes de l’Union européenne, du Comité économique et social européen ainsi que du Comité des régions de l’Union européenne. Il était composé, d’une part, de l’invitation à soumissionner et, d’autre part, du cahier des charges.

8        Le point 23 du cahier des charges, qui renvoie aux articles 93 et 94 du règlement financier, précise les critères d’exclusion du présent marché.

9        Selon le point 24 du cahier des charges, le soumissionnaire se voyant attribuer le contrat dispose d’un délai de dix jours ouvrables à partir de la notification de l’attribution provisoire du contrat pour fournir la preuve qu’il n’est pas concerné par les situations mentionnées au point 23 du cahier des charges.

10      Le point 26.3 du cahier des charges, intitulé « Attribution du contrat », prévoit ce qui suit :

« Les contrats sont attribués aux soumissionnaires ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, appréciée en fonction du critère d’attribution qu’est le rapport qualité-prix.

[…]

Une liste contenant un maximum de cinq soumissionnaires retenus sera dressée et le contrat principal sera attribué au soumissionnaire présentant l’offre économiquement la plus avantageuse. »

11      Le point 27 du cahier des charges, intitulé « Communication des résultats », dispose :

« Le pouvoir adjudicateur informera simultanément et individuellement chaque soumissionnaire écarté, par lettre avec accusé de réception et par courrier électronique ou télécopie, que son offre n’a pas été retenue. Le pouvoir adjudicateur indiquera dans chaque cas les motifs du rejet de 1’offre ainsi que les voies de recours disponibles.

Le pouvoir adjudicateur communiquera, simultanément aux notifications des rejets, la décision d’attribution à l’attributaire en précisant que celle-ci ne constitue pas un engagement de la part du pouvoir adjudicateur. Le contrat ne pourra être signé avant une période de quatorze jours de calendrier à compter du lendemain de la date de la notification simultanée des décisions de rejet et d’attribution. En tout état de cause, la décision d’attribution ne sera définitive que lorsque le soumissionnaire retenu aura présenté les preuves requises concernant les critères d’exclusion mentionnés au point 23 du présent cahier des charges et que celles-ci auront été acceptées par le pouvoir adjudicateur. Une telle acceptation sera toujours communiquée par écrit et permettra au soumissionnaire retenu de signer le contrat si le délai de quatorze jours calendrier s’est écoulé.

Tout contrat signé avant l’échéance de la période de quatorze jours calendrier est nul et non avenu.

Tout soumissionnaire écarté peut obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet de son offre, sur demande écrite par lettre, par télécopie ou par courrier électronique. Seuls les soumissionnaires ayant fourni une offre recevable pourront demander les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire. Sont jugées recevables les offres des soumissionnaires qui ne sont pas exclus et qui satisfont aux critères de sélection. Toutefois, la communication de certains éléments peut être omise dans le cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. »

12      Aux termes du point 28 du cahier des charges, intitulé « Suspension de la procédure », il est prévu ce qui suit :

« Si nécessaire, après la communication des résultats et avant la signature du contrat, les services ordonnateurs pourront suspendre la signature du contrat pour examen complémentaire dans le cas où les demandes ou commentaires formulés par des soumissionnaires écartés ou lésés, ou toute autre information pertinente reçue concernant la procédure, le justifient. Les demandes, commentaires ou informations en question doivent être reçus pendant la période de quatorze jours calendrier à compter du lendemain de la date de la notification simultanée des décisions de rejet et d’attribution ou, le cas échéant, la publication d’un avis d’attribution de marché. Dans le cas d’une suspension, tous les soumissionnaires sont informés dans les trois jours ouvrables suivant la décision de suspension. Suite aux examens complémentaires découlant de la suspension de la procédure, les services ordonnateurs pourront confirmer leur décision d’attribution, la modifier ou, le cas échéant, annuler la procédure. Toute nouvelle décision est motivée et portée à la connaissance, par écrit, de tous les soumissionnaires en lice. »

 Antécédents du litige

13      Le 22 mars 2011, le Parlement a lancé l’appel d’offres.

14      La requérante, Euroscript – Polska Sp. z o.o., une société polonaise active dans le domaine de la traduction, a présenté une offre dans le délai imparti.

15      Par lettre du 18 octobre 2011 (ci-après la « la décision initiale »), le Parlement a informé la requérante que son offre était sélectionnée et qu’elle se trouvait en première position sur la liste des soumissionnaires retenus. Conformément aux articles 23 et 24 du cahier des charges, la requérante était invitée à fournir des preuves relatives aux critères d’exclusion prévus à l’article 93 du règlement financier dans un délai de dix jours ouvrables à partir de la réception de la décision initiale. Cette dernière précisait ce qui suit :

« Nous […] nous réservons le droit de suspendre la signature du contrat pour examen complémentaire si les demandes ou commentaires formulés par des soumissionnaires écartés ou si toute autre information pertinente reçue le justifient, auquel cas vous serez informé.

Cette notification d’attribution du contrat ne constitue pas un engagement de notre part. Le pouvoir adjudicateur peut, jusqu’à la signature du contrat, soit se retirer du contrat soit annuler la procédure de passation de marché sans que cela ne vous ouvre le droit à compensation. »

16      Ce même jour, le Parlement a adressé à l’Agencja MAart, une société polonaise ayant également soumissionné dans le cadre de l’appel d’offres en cause, une lettre lui notifiant que son offre était retenue et qu’elle se trouvait en deuxième position sur la liste des soumissionnaires les mieux classés. Elle y était invitée, dans les mêmes termes que ceux de la décision initiale, à fournir les preuves relatives aux critères d’exclusion.

17      Par lettre du 24 novembre 2011, l’Agencja MAart a demandé au Parlement des détails sur l’évaluation de son offre, avant de solliciter, par lettre du 30 novembre 2011, la suspension de la procédure et le réexamen des offres retenues sur la base des éléments et des omissions concernant son offre, détaillés en annexe à sa lettre.

18      Le comité d’évaluation s’est réuni le 6 décembre 2011 afin de réexaminer l’offre de l’Agencja MAart. Celle-ci s’est vue attribuer 3,58 points de qualité supplémentaires.

19      À l’issue de cette réunion, le Parlement a adopté, le 8 décembre 2011, une nouvelle décision contenant la liste des soumissionnaires retenus aux fins de l’attribution du contrat. L’Agencja MAart était placée en première position et la requérante en deuxième position.

20      Par lettre du 9 décembre 2011, le Parlement a informé la requérante que son offre figurait désormais en deuxième position de la liste des soumissionnaires les mieux classés à la suite de l’attribution de 3,58 points de qualité supplémentaires à l’Agencja MAart (ci-après la « décision attaquée »).

21      Par lettre du 12 décembre 2011, la requérante a demandé au Parlement, en vertu du règlement financier, de lui fournir les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre du soumissionnaire placé en première position. La requérante a demandé également au Parlement de lui communiquer la date à laquelle l’Agencja MAart avait fait appel de la décision la classant en première position des soumissionnaires les mieux classés, les raisons pour lesquelles l’Agencja MAart avait obtenu 3,58 points de qualité supplémentaires ainsi que la raison pour laquelle elle n’avait pas été informée de la suspension de la signature du contrat.

22      Le Parlement a répondu à la requérante par une lettre en date du 20 décembre 2011, dans laquelle il précisait que le comité d’évaluation avait attribué 94,9 points à l’Agencja MAart après que celle-ci eût obtenu 3 points de qualité supplémentaires pour sa prise en compte des commentaires du pouvoir adjudicateur et 0,58 points pour sa couverture de deux langues supplémentaires, à savoir le tchèque et le bulgare. Il a joint à cette lettre l’évaluation de l’offre de la requérante par le comité d’évaluation précisant le détail des 75,45 points attribués ainsi que les commentaires de celui-ci.

23      Par lettre adressée au Parlement le 22 décembre 2011, la requérante a réclamé au Parlement les caractéristiques relatives de l’offre du soumissionnaire le mieux placé ainsi que son nom et a réitéré ses demandes contenues dans sa lettre du 12 décembre 2011 et relatives à la date à laquelle l’Agencja MAart avait fait appel de la décision la classant en première position des soumissionnaires les mieux classés et à la raison pour laquelle elle n’avait pas été informée de la suspension de la signature du contrat de services de traduction.

24      Dans sa réponse adressée à la requérante le 12 janvier 2012, le Parlement a détaillé la nature et la chronologie des faits ayant conduit à la modification du classement des soumissionnaires retenus, en précisant qu’aucune suspension de la procédure n’était intervenue.

25      Par lettre du 12 janvier 2012, la requérante a une nouvelle fois demandé au Parlement de lui faire parvenir les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre du soumissionnaire le mieux placé. Elle a également fait valoir que la demande de l’Agencja MAart de réévaluer son offre était tardive et, dès lors, irrecevable, de sorte que le comité d’évaluation n’était plus habilité à prendre la décision du 6 décembre 2011.

26      Dans sa réponse du 18 janvier 2012, le Parlement a indiqué à la requérante que sa décision initiale ne constituait pas une décision d’attribution du contrat, celle-ci ayant été adoptée le 9 décembre 2011. Partant, ce serait à cette date que le délai de quatorze jours de calendrier aurait commencé à courir. Dans cette lettre, le Parlement a communiqué à la requérante le prix d’une page standard proposé par l’Agencja MAart et a joint l’évaluation de l’offre de cette dernière par le comité d’évaluation. Le Parlement l’a également informée que le contrat était entré en vigueur le 3 janvier 2012.

27      Par lettre du 18 janvier 2012, adressée à la direction générale de la traduction du Parlement, la requérante a fait valoir l’existence d’irrégularités dans la procédure d’attribution du contrat de services de traduction pour le polonais et a demandé au directeur général d’abroger la décision attaquée et de lui attribuer le contrat principal.

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2012, la requérante a introduit le présent recours.

29      La composition des chambres ayant été modifiée, l’affaire a été attribuée à la sixième chambre du Tribunal.

30      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’appel d’offres ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

32      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 30 janvier 2014.

34      Lors de l’audience, le Parlement a été invité à produire, dans un délai de trois semaines, la lettre qu’il avait adressée à l’Agencja MAart. Le Parlement a déféré à cette demande le 4 février 2014.

35      La requérante a présenté ses observations sur ce document le 14 février 2014.

36      La procédure orale a été close le 24 février 2014.

 En droit

37      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, respectivement, le premier, d’un détournement de pouvoir et, le second, de la violation des règles et principes de l’Union européenne. Il convient d’examiner d’abord le second moyen.

 Argument des parties

38      Dans le cadre de son second moyen, la requérante fait valoir que l’Agencja MAart était forclose lorsqu’elle a pris contact avec le Parlement puis demandé la réévaluation de son offre, dès lors qu’elle disposait, conformément au cahier des charges, d’un délai de quatorze jours courant à partir de la notification de la décision initiale pour réclamer au pouvoir adjudicateur que lui soient communiqués les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre de l’attributaire du marché. La décision initiale étant devenue définitive, elle estime que le Parlement ne pouvait lui refuser de signer le contrat qu’à condition de suspendre, d’annuler la procédure de passation de marché ou encore de renoncer à celui-ci.

39      Selon la requérante, tant le point 27 que le point 28 du cahier des charges évoquent un délai de quatorze jours, de sorte qu’il ne s’applique pas uniquement dans l’hypothèse d’une demande de suspension introduite par un soumissionnaire écarté. Il ressortirait au contraire de l’article 158 bis des modalités d’exécution que ce délai s’applique dans tous les cas, indépendamment de l’existence ou non d’une décision de suspension de la signature du contrat, excepté les cas visés au paragraphe 2 de cette disposition. Ledit délai aurait pour but de mettre un terme à la procédure d’adjudication afin d’éviter que celle-ci se prolonge indéfiniment. Dans ces conditions, la requérante soutient que le Parlement ne pouvait accueillir la demande de réévaluation présentée par l’Agencja MAart plus d’un mois après la décision initiale.

40      La requérante met en exergue le fait qu’elle avait fait parvenir au Parlement ses documents relatifs aux critères d’exclusion à l’expiration du délai de quatorze jours, de sorte que le Parlement était dans l’impossibilité de revenir sur sa décision initiale en l’absence de demande de suspension de la signature du contrat.

41      Le Parlement relève que l’Agencja MAart a demandé la réévaluation de son offre pendant la période d’évaluation des critères d’exclusion. Or, il n’existerait aucun délai de forclusion pour introduire une telle demande, celle-ci pouvant intervenir, comme cela a été le cas en l’espèce, jusqu’à la signature du contrat. Le Parlement relève également qu’aucune demande de suspension de la signature du contrat, qui, au demeurant, n’est qu’une faculté pour le pouvoir adjudicateur, n’a été introduite dans le délai de quatorze jours prévu à cet effet.

42      Selon le Parlement, la requérante opère une confusion entre, d’une part, le délai de quinze jours prévu à l’article 149, paragraphe 3, quatrième alinéa, des modalités d’exécution, qui concerne le délai dans lequel le pouvoir adjudicateur doit communiquer les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue au soumissionnaire ayant fait une offre recevable qui en fait la demande et, d’autre part, le délai de quatorze jours mentionné à l’article 158 bis, paragraphe 1, troisième alinéa, des modalités d’exécution, qui concerne les modalités de suspension de la signature du contrat pour examen complémentaire. Le Parlement soutient ne pas avoir commis d’erreur de droit en ne jugeant pas nécessaire de suspendre la signature du contrat. Même à supposer que le délai prévu à l’article 158 bis, paragraphe 1, troisième alinéa, des modalités d’exécution soit un délai de forclusion, le Parlement relève que l’Agencja MAart a communiqué ses observations avant l’adoption de la décision définitive d’attribution que constitue la décision attaquée.

43      Le Parlement estime avoir procédé à un examen objectif des offres soumises selon les modalités de l’appel d’offres. Il relève également que la requérante n’a pas introduit de demande de suspension de la signature du contrat après la notification de la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

44      Il résulte du cahier des charges que trois phases successives de la procédure de passation de marchés doivent être distinguées : une première phase durant laquelle sont mis en œuvre des critères de sélection définis au point 25, une deuxième phase au cours de laquelle les offres sont évaluées selon les critères d’attribution définis au point 26 et une troisième phase au cours de laquelle sont appliqués des critères d’exclusion définis au point 24.

45      Conformément au point 26.3 du cahier des charges, le comité d’évaluation dresse une liste contenant un maximum de cinq soumissionnaires retenus et attribue le contrat principal au soumissionnaire présentant l’offre économiquement la plus avantageuse.

46      Il ressort du dossier que la décision initiale a été prise en application des critères d’attribution définis au point 26 du cahier des charges. Par ailleurs, le Parlement a informé les soumissionnaires concernés, le 18 octobre 2011, que leur offre était retenue et leur a indiqué leur classement. Les lettres adressées à cette date à la requérante et à l’Agencja MAart énonçaient que le Parlement avait « notifié tous les soumissionnaires du résultat des phases de sélection et d’attribution de l’appel d’offre […] et demandé aux soumissionnaires retenus de fournir les documents nécessaires pour la phase d’exclusion ». Il était également précisé que « cette notification d’attribution du contrat ne constitu[ait] pas un engagement de [la] part [du Parlement] ».

47      Bien que décrite comme une « notification de l’attribution provisoire du contrat » au point 24 du cahier des charges, la décision initiale mettait un terme à la deuxième phase évoquée au point 44 ci-dessus et donnait ainsi aux soumissionnaires concernés la possibilité de prouver qu’ils satisfaisaient aux critères d’exclusion. Dans ces conditions, la décision initiale constituait une décision d’attribution au sens, d’une part, de l’article 149, paragraphe 3, troisième alinéa, des modalités d’exécution, dont la teneur est rappelée au deuxième alinéa du point 27 du cahier des charges, et, d’autre part, de l’article 158 bis, paragraphe 1, des modalités d’exécution, relatif au délai d’attente avant la signature du contrat, lequel prévoit, au paragraphe 1, sous a), de cet article, que le contrat ne peut être signé par le pouvoir adjudicateur qu’au terme d’une période de quatorze jours de calendrier, qui court à compter du lendemain de la date de notification simultanée des décisions d’attribution et de rejet. Ce délai est également réitéré au point 27 du cahier des charges.

48      Il convient en outre de rappeler que, conformément à l’article 158 bis, paragraphe 1, troisième alinéa, des modalités d’exécution, repris au point 28 du cahier des charges, les demandes ou commentaires formulés par des soumissionnaires ou candidats écartés ou lésés doivent être reçus par le pouvoir adjudicateur pendant ce délai de quatorze jours de calendrier courant à compter du lendemain de la date de notification simultanée des décisions d’attribution et de rejet et que, le cas échéant, le pouvoir adjudicateur peut suspendre la signature du contrat pour examen complémentaire si ces demandes ou commentaires formulés par des soumissionnaires ou candidats écartés ou lésés, ou toute autre information pertinente reçue, le justifient.

49      La décision d’attribution ayant été notifiée à la requérante et à l’Agencja MAart le 18 octobre 2011, le délai de quatorze jours a commencé à courir le 19 octobre 2011 et a expiré le 2 novembre 2011.

50      L’Agencja MAart a adressé, le 24 novembre 2011, une lettre au Parlement afin d’obtenir des détails sur l’évaluation de son offre.

51      Il convient de relever que l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution ne prévoit aucun délai pour adresser une telle demande. Par ailleurs, cette dernière ne visant pas à obtenir les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre la mieux placée ainsi que le nom de l’attributaire, l’article 149, paragraphe 3, dernier alinéa, des modalités d’exécution ne s’appliquait pas en l’espèce.

52      Sur le fondement des informations qu’elle a obtenues, l’Agencja MAart a ensuite adressé, le 30 novembre 2011, une lettre au Parlement, dans laquelle elle sollicitait la suspension de la procédure et le réexamen des offres retenues sur la base des éléments et des omissions qu’elle avait relevés concernant son offre.

53      Une telle demande relevait ainsi des dispositions de l’article 158 bis, paragraphe 1, troisième alinéa, des modalités d’exécution et devait par conséquent être reçue dans le délai de quatorze jours fixé par celles-ci.

54      Cette interprétation est corroborée par le fait que ni le règlement financier, ni les modalités d’exécution, ni le cahier des charges n’envisagent que les soumissionnaires peuvent adresser des « demandes, commentaires ou informations » au pouvoir adjudicateur en dehors du délai de quatorze jours prévu à l’article 158 bis, paragraphe 1, troisième alinéa, des modalités d’exécution, tel que rappelé au point 28 du cahier des charges.

55      À cet égard, il convient de rappeler que la réalisation de l’objectif d’une procédure d’appel d’offres serait compromise s’il était loisible aux soumissionnaires d’adresser au pouvoir adjudicateur, à tout moment de la procédure, leurs demandes, commentaires ou informations, obligeant ainsi le pouvoir adjudicateur à y répondre et, le cas échéant, à suspendre ou à reprendre la procédure afin de corriger d’éventuelles irrégularités (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 30 septembre 2010, Strabag e.a., C-314/09, Rec. p. I-8769, point 37).

56      En l’espèce, il est constant que la lettre de l’Agencja MAart a été adressée au Parlement le 30 novembre 2011, c’est-à-dire plusieurs semaines après l’expiration du délai prévu par l’article 158 bis, paragraphe 1, troisième alinéa, soit le 2 novembre 2011. Dès lors, l’Agencja MAart était forclose lorsqu’elle a demandé la suspension de la procédure et le réexamen des offres retenues.

57      Il convient néanmoins d’observer que l’article 103, premier et deuxième alinéas, du règlement financier, énonce ce qui suit :

« Lorsque la procédure de passation d’un marché se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, les institutions la suspendent et prennent toutes les mesures nécessaires, y compris l’annulation de la procédure.

Si, après l’attribution du marché, la procédure de passation ou l’exécution du marché se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, les institutions peuvent s’abstenir de conclure le contrat, suspendre l’exécution du marché ou, le cas échéant, résilier le contrat, selon le stade atteint par la procédure. »

58      Par conséquent, même si le délai prévu par l’article 158 bis, paragraphe 1, troisième alinéa, était échu lorsque l’Agencja MAart a demandé la suspension de la procédure et le réexamen des offres retenues, le Parlement pouvait, s’il constatait une erreur substantielle, suspendre la procédure de passation du marché et, le cas échéant, procéder à une nouvelle évaluation des offres des soumissionnaires.

59      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence en matière de marchés publics, l’institution adjudicatrice doit respecter à chaque phase d’une procédure d’appel d’offres tant le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires que celui de transparence (arrêt de la Cour du 25 avril 1996, Commission/Belgique, C-87/94, Rec. p. I-2043, point 54, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T-203/96, Rec. p. II-4239, point 85). Ce dernier implique l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de rendre publiques toutes les informations précises concernant l’ensemble du déroulement de la procédure. Les objectifs de publicité que le pouvoir adjudicateur doit respecter dans le cadre de l’obligation de transparence sont, d’une part, de garantir que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances et, d’autre part, de protéger les attentes légitimes des soumissionnaires retenus (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 janvier 2009, Centro Studi Manieri/Conseil, T-125/06, Rec. p. II-69, points 86 à 89).

60      En l’espèce, force est de constater, d’une part, que le Parlement n’a pas suspendu la procédure en cours, mais s’est borné à convoquer une nouvelle réunion du comité d’évaluation le 6 décembre 2011, sans en avertir aucun des soumissionnaires auxquels la décision initiale avait été notifiée. Or, un tel réexamen d’une offre exigeait que le Parlement suspendît l’attribution du marché et en informât les soumissionnaires retenus, de manière à se soumettre à son obligation de transparence, ce qu’il n’a pas fait en l’espèce.

61      D’autre part, le Parlement a procédé, en méconnaissance de la procédure prévue par le règlement financier et les modalités d’exécution, à une nouvelle évaluation d’une seule des offres en présence, en l’occurrence celle de l’Agencja MAart, et non de l’ensemble des offres qui lui étaient soumises, occasionnant ainsi un traitement différent de l’offre de l’un des soumissionnaires participant à la procédure d’appel d’offres, en violation du principe d’égalité de traitement.

62      Partant, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le premier moyen.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Parlement européen du 9 décembre 2011 modifiant la décision du 18 octobre 2011 de classer Euroscript – Polska Sp. z o.o. en première position sur la liste des soumissionnaires retenus et de lui attribuer le contrat principal dans le cadre de la procédure d’appel d’offres PL/2011/EU, concernant la prestation de services de traduction vers le polonais (JO 2011/S 56 090361), est annulée.

2)      Le Parlement est condamné aux dépens.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juillet 2014.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      S. Frimodt Nielsen


* Langue de procédure : le français.

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