Repsol Lubricantes y Especialidades and Others v Commission (Judgment) French Text [2014] EUECJ T-562/08 (12 December 2014)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/T56208.html
Cite as: [2014] EUECJ T-562/8, [2014] EUECJ T-562/08, EU:T:2014:1078, ECLI:EU:T:2014:1078

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 décembre 2014 (*)

 « Concurrence – Ententes – Marché des cires de paraffine – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition des marchés – Preuve de l’existence de l’entente – Durée de l’infraction – Lignes directrices de 2006 pour le calcul du montant des amendes – Égalité de traitement – Présomption d’innocence – Imputabilité du comportement infractionnel – Responsabilité d’une société mère pour les infractions aux règles de la concurrence commises par ses filiales – Influence déterminante exercée par la société mère – Présomption en cas de détention d’une participation de 100 % »

Dans l’affaire T‑562/08,

Repsol Lubricantes y Especialidades, SA, anciennement Repsol Lubricantes YPF y Especialidades, SA, établie à Madrid (Espagne),

Repsol Petróleo, SA, établie à Madrid,

Repsol, SA, anciennement Repsol YPF, SA, établie à Madrid,

représentées par Mes J. M. Jiménez-Laiglesia Oñate, J. Jiménez-Laiglesia Oñate et S. Rivero Mena, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre, Mme F. Castilla Contreras et M. C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2008) 5476 final de la Commission, du 1er octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39181 – Cires de bougie), ainsi qu’une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 décembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

 Procédure administrative et adoption de la décision attaquée

1        Par la décision C (2008) 5476 final, du 1er octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que les requérantes, Repsol Lubricantes y Especialidades, SA, anciennement Repsol Lubricantes YPF y Especialidades, SA (ci-après « Rylesa »), Repsol Petróleo SA et Repsol, SA, anciennement Repsol YPF, SA (ci-après « Repsol YPF ») (ci-après, prises ensemble, « Repsol »), avaient, avec d’autres entreprises, enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), en participant à une entente sur le marché des cires de paraffine dans l’EEE et sur le marché allemand du gatsch.

2        Les destinataires de la décision attaquée sont, outre Repsol, les sociétés suivantes : Eni SpA ; Esso Deutschland GmbH, Esso société anonyme française, ExxonMobil Petroleum and Chemical BVBA et Exxon Mobil Corp. (ci-après, prises ensemble, « ExxonMobil ») ; H&R ChemPharm GmbH, la H&R Wax Company Vertrieb GmbH et Hansen & Rosenthal KG (ci-après, prises ensemble, « H&R ») ; Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG ; MOL Nyrt. ; Sasol Wax GmbH, Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol Ltd (ci-après, prises ensemble, « Sasol ») ; Shell Deutschland Oil GmbH, Shell Deutschland Schmierstoff GmbH, Deutsche Shell GmbH, la Shell International Petroleum Company Ltd, The Shell Petroleum Company Ltd, Shell Petroleum NV et The Shell Transport and Trading Company Ltd (ci-après, prises ensemble, « Shell ») ; RWE Dea AG et RWE AG (ci-après, prises ensemble, « RWE »), ainsi que Total SA et Total France SA (ci-après, prises ensemble, « Total ») (considérant 1 de la décision attaquée).

3        Les cires de paraffine sont fabriquées en raffinerie à partir de pétrole brut. Elles sont utilisées pour la production de produits tels que des bougies, des produits chimiques, des pneus et des produits automobiles, ainsi que pour les industries du caoutchouc, de l’emballage, des adhésifs et du chewing-gum (considérant 4 de la décision attaquée).

4        Le gatsch est la matière première nécessaire à la fabrication des cires de paraffine. Il est produit dans les raffineries en tant que sous-produit de la production d’huiles de base à partir de pétrole brut. Il est également vendu aux clients finaux, par exemple aux producteurs de panneaux de particules (considérant 5 de la décision attaquée).

5        La Commission a commencé son enquête après que Shell Deutschland Schmierstoff l’a informée, par lettre du 17 mars 2005, de l’existence d’une entente en la saisissant d’une demande d’immunité en vertu de la communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 ») (considérant 72 de la décision attaquée).

6        Les 28 et 29 avril 2005, la Commission a procédé, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), à des vérifications sur place dans les locaux de « H&R/Tudapetrol », d’Eni, de MOL, ainsi que dans ceux appartenant aux sociétés des groupes Sasol, ExxonMobil, Repsol et Total (considérant 75 de la décision attaquée).

7        Entre le 25 et le 29 mai 2007, la Commission a adressé une communication des griefs aux sociétés figurant au point 2 ci-dessus, dont les requérantes (considérant 85 de la décision attaquée). Par lettre du 2 août 2007, Rylesa a répondu à la communication des griefs au nom des requérantes.

8        Les 10 et 11 décembre 2007, la Commission a organisé une audition à laquelle Rylesa a participé (considérant 91 de la décision attaquée).

9        Dans la décision attaquée, au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a estimé que les destinataires, constituant la majorité des producteurs de cires de paraffine et de gatsch au sein de l’EEE, avaient pris part à une infraction unique, complexe et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, qui couvrait le territoire de l’EEE. Cette infraction consistait en des accords ou en des pratiques concertées portant sur la fixation des prix et sur l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial affectant les cires de paraffine (ci-après le « volet principal de l’infraction »). En ce qui concerne RWE (par la suite Shell), ExxonMobil, MOL, Repsol, Sasol et Total, l’infraction affectant les cires de paraffine concernait également la répartition de clients ou de marchés (ci-après le « deuxième volet de l’infraction »). En outre, l’infraction commise par RWE, ExxonMobil, Sasol et Total portait également sur le gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand (considérants 2, 95, 328 et article 1er de la décision attaquée).

10      Les pratiques infractionnelles se sont matérialisées lors de réunions anticoncurrentielles appelées « réunions techniques » ou parfois réunions « Blauer Salon » par les participants et lors des « réunions gatsch » dédiées spécifiquement aux questions relatives au gatsch.

11      Les amendes infligées en l’espèce ont été calculées sur la base des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), en vigueur au moment de la notification de la communication des griefs aux sociétés figurant au point 2 ci-dessus.

12      La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81, paragraphe l, [CE] et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, pendant les périodes indiquées, à un accord continu et/ou une pratique concertée dans le secteur des cires de paraffine dans le marché commun et, à partir du 1er janvier 1994, dans l’EEE :

[…]

Repsol YPF Lubricantes y especialidades SA : du 24 juin 1994 au 4 août 200[4] ;

Repsol Petróleo SA : du 24 juin 1994 au 4 août 200[4] ;

Repsol YPF SA : du 24 juin 1994 au 4 août 200[4] ;

[…]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

Eni SpA : 29 120 000 EUR ;

Esso Société anonyme française : 83 588 400 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

ExxonMobil Petroleum and Chemical BVBA et ExxonMobi1 Corporation pour 34 670 400 EUR dont conjointement et solidairement avec Esso Deutschland GmbH pour 27 081 600 EUR ;

Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG : 12 000 000 EUR ;

Hansen & Rosenthal KG conjointement et solidairement avec H&R Wax Company Vertrieb GmbH : 24 000 000 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

H&R ChemPharm GmbH pour 22 000 000 EUR ;

MOL Nyrt. : 23 700 000 EUR ;

Repsol YPF Lubricantes y Especialidades SA conjointement et solidairement avec Repsol Petróleo SA et Repsol YPF SA : 19 800 000 EUR ;

Sasol Wax GmbH : 318 200 000 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol [Ltd] pour 250 700 000 EUR ;

Shell Deutschland Oil GmbH, Shell Deutschland Schmierstoff GmbH, Deutsche Shell GmbH, Shell International Petroleum Company Limited, The Shell Petroleum Company Limited, Shell Petroleum NV et The Shell Transport and Trading Company Limited : 0 EUR ;

RWE-Dea AG conjointement et solidairement avec RWE AG : 37 440 000 EUR ;

Total France SA conjointement et solidairement avec Total SA : 128 163 000 EUR. »

 Groupe Repsol et liens entre les requérantes

13      Repsol est un groupe international de sociétés des secteurs gazier et pétrolier. Jusqu’au 1er janvier 2002, Repsol Derivados, SA était la société du groupe Repsol qui était active sur le marché de la production et de la vente de cires de paraffine et de gatsch (décision attaquée, considérant 36).

14      De 1975 au 24 octobre 2001, Repsol Derivados était détenue par Repsol Petróleo et, ensuite, du 24 octobre 2001 au 1er janvier 2002, par Repsol Productos Asfalticos, SA. Le 1er janvier 2002, cette dernière a changé son nom en Repsol YPF Lubricantes y Especialidades (Rylesa), et a absorbé Repsol Derivados (décision attaquée, considérant 37).

15      Rylesa est détenue par Repsol Petróleo. Au cours de la période de l’enquête, Repsol YPF détenait 99,97 % des parts de Repsol Petróleo. Repsol YPF est la société faîtière du groupe Repsol. Depuis le 1er janvier 2002, l’intégralité de la production et de la vente de cires de paraffine et de gatsch a été réalisée par Rylesa (décision attaquée, considérant 37).

 Procédure et conclusions de parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, il a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions et à produire certains documents. Les parties ont répondu aux questions dans le délai imparti et ont produit certains documents. Cependant, la Commission a indiqué qu’elle ne pouvait pas produire la copie ou le transcript de certaines déclarations confidentielles déposées dans le cadre de son programme de clémence.

18      Par ordonnance du 5 novembre 2012, adoptée en vertu, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 65, sous b), et de l’article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal (troisième chambre) a ordonné que la Commission produise les transcriptions ou les copies des déclarations confidentielles mentionnées au point 17 ci-dessus. Ces documents pouvaient être consultés par les avocats de la requérante au greffe du Tribunal avant l’audience.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 décembre 2012.

20      Eu égard aux liens factuels avec les affaires T‑540/08, Esso e.a./Commission, T‑541/08, Sasol e.a./Commission, T‑543/08, RWE et RWE Dea/Commission, T‑544/08, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, T‑548/08, Total/Commission, T‑550/08, Tudapetrol/Commission, T‑551/08 H&R ChemPharm/Commission, T‑558/08, Eni/Commission, et T‑566/08, Total Raffinage et Marketing/Commission, ainsi qu’à la proximité des questions juridiques soulevées, le Tribunal a décidé de ne prononcer l’arrêt dans la présente affaire qu’à la suite des audiences dans lesdites affaires connexes, dont la dernière a eu lieu le 3 juillet 2013.

21      Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 1er et 2 de la décision attaquée dans la mesure où ils les concernent ;

–        réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée à un niveau approprié ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

23      À l’appui de leur recours, les requérantes avancent quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs de droit et d’appréciation des faits en ce qui concerne l’imputabilité de l’infraction commise par Rylesa à Repsol Petróleo et à Repsol YPF. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne l’identification des produits concernés et d’une erreur d’appréciation et d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne l’appréciation de la valeur des ventes. Le troisième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la participation de Rylesa à un accord ou à une pratique concertée relatifs à la répartition des clients ou des marchés, d’une violation des droits de la défense, du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation à cet égard. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation des faits relative à la date à laquelle Rylesa a cessé de participer à l’infraction.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation des faits en ce qui concerne l’imputabilité de l’infraction commise par Rylesa à Repsol Petróleo et à Repsol YPF

24      Les requérantes font valoir que la Commission a illégalement imputé la responsabilité pour les agissements de Rylesa à sa société mère, Repsol Petróleo, et à la société faîtière du groupe, Repsol YPF.

 Sur le premier grief, concernant l’interprétation erronée de la Commission quant aux principes régissant l’imputation aux sociétés mères de la responsabilité pour les agissements anticoncurrentiels des filiales

25      Les requérantes contestent les principes appliqués par la Commission dans la décision attaquée en ce qui concerne l’imputation à Repsol Petróleo et à Repsol YPF de la responsabilité pour les agissements anticoncurrentiels de Rylesa et de Repsol Derivados.

26      Dans la décision attaquée, la Commission a attribué à Rylesa la responsabilité directe pour l’infraction en cause pour toute la durée de la participation du groupe Repsol, dans les termes suivants :

« […]

(423) Il a été établi […] que, pendant toute la durée de l’infraction, Repsol a participé à la collusion via des salariés de Repsol Derivados […] et de [Rylesa.]

[…]

(425) Repsol Derivados […] a été absorbée par Rylesa le 1er janvier 2002 […] Par conséquent, Rylesa doit être considérée comme le successeur de Repsol Derivados […] pour la responsabilité de ses activités antérieures au 1er janvier 2002 […] »

27      Ensuite, la Commission a également imputé à Repsol Petróleo et à Repsol YPF la responsabilité pour l’infraction en cause, sur la base des considérations suivantes :

« […]

(427) Rylesa était une filiale à 100 % de Repsol Petróleo […] de 1975 au 31 mai 1995 et, par la suite, une filiale à 99,99 % de cette société, Repsol Comercial de Productos Petroliferos SA détenant 0,01 % de son capital.

(428) Pendant la période considérée, Repsol YPF […] était actionnaire à 99,97 % de Repsol Petróleo […] Repsol YPF est la société [faîtière] du groupe Repsol.

(429) Dans le cas d’une filiale à 100 %, on peut présumer que la société mère a exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et que ladite filiale a nécessairement respecté la politique définie par la société mère […]

(430) Cette présomption est renforcée en l’espèce par des éléments de preuve selon lesquels, pendant toute la durée de [la] période en cause, Repsol Petróleo […], le propriétaire direct de Rylesa, a effectivement contrôlé Rylesa, désigné ses conseils d’administration et approuvé ses comptes annuels […]. Repsol Petróleo […] était aussi propriétaire de Repsol Derivados […] (de 1975 au 24 octobre 2001) jusqu’à ce que Rylesa lui succède juridiquement. En conséquence de la propriété de Repsol Derivados […], Repsol Petróleo […] exerçait, conformément à la législation espagnole (‘Ley de Sociedades Anónimas’), un contrôle sur le capital d’exploitation de sa filiale […] »

28      Les requérantes contestent la thèse de la Commission selon laquelle il existe un régime de responsabilité qui s’applique automatiquement à tout le groupe de sociétés. La Commission ne saurait valablement se fonder sur les seuls liens capitalistiques et les droits et obligations prévus dans le droit espagnol des sociétés afin de présumer que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement commercial de sa filiale. Elles invoquent à cet égard le principe de responsabilité individuelle des sociétés et celui d’individualité des peines.

29      Elles contestent l’interprétation des principes régissant l’imputation de la responsabilité aux sociétés mères pour les agissements des filiales qui découle de l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission (T‑112/05, Rec. p. II‑5049). Selon elles, la Commission doit examiner dans chaque cas si la filiale appliquait, dans tous les aspects matériels, les instructions imparties par la société mère ou vérifier l’exercice effectif d’un pouvoir de direction. Ce serait seulement dans le cas où la société mère ne nie pas l’exercice effectif d’un pouvoir de direction sur sa filiale, ou lorsque la société mère a adopté un comportement qui permet légitimement à la Commission de supposer l’exercice d’un tel pouvoir, que celle-ci peut être dispensée de l’obligation de prouver l’imputabilité à la société mère de la responsabilité pour le comportement de sa filiale.

30      En revanche, si tel n’est pas le cas, la Commission serait obligée d’établir l’absence d’autonomie effective de la filiale, même par voie d’indices. Le fait de recueillir de tels indices ne serait pas, dès lors, une simple faculté, mais la condition de l’imputabilité de la responsabilité en cause.

31      Il convient de relever que les arguments des requérantes sont incompatibles avec les principes issus de la jurisprudence en la matière.

32      S’agissant de la responsabilité solidaire d’une société mère pour le comportement de sa filiale, il convient de rappeler que la circonstance qu’une filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 132).

33      En effet, le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de celle-ci et de son mode de financement (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 54, et la jurisprudence citée).

34      Le juge de l’Union a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 33 supra, point 55, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 29 juin 2000, DSG/Commission, T‑234/95, Rec. p. II‑2603, point 124). Il a ainsi souligné que, aux fins de l’application des règles de la concurrence, la séparation formelle entre deux sociétés, résultant de leur personnalité juridique distincte, n’était pas déterminante, ce qui s’imposait étant l’uniformité ou non de leur comportement sur le marché. Il peut donc s’avérer nécessaire de déterminer si deux ou plusieurs sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes forment ou relèvent d’une seule et même entreprise ou entité économique qui déploie un comportement unique sur le marché (arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 31 supra, point 140, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 85).

35      Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 33 supra, point 56).

36      Ainsi, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère, en raison de leur appartenance à la même entreprise, lorsque cette filiale ne définit pas de façon indépendante son comportement sur le marché, parce qu’elle est sous l’influence déterminante de la société mère à cet égard, compte tenu en particulier des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 33 supra, point 58, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 527).

37      Le comportement sur le marché de la filiale est sous l’influence déterminante de la société mère notamment dans le cas où la filiale applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère à cet égard (arrêts de la Cour Imperial Chemical Industries/Commission, point 32 supra, points 133, 137 et 138, et du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, point 27).

38      Le comportement sur le marché de la filiale est, en principe, également sous l’influence déterminante de la société mère lorsque celle-ci ne retient que le pouvoir de définir ou d’approuver certaines décisions commerciales stratégiques, le cas échéant par ses représentants dans les organes de la filiale, tandis que le pouvoir de définir la politique commerciale stricto sensu de la filiale est délégué aux dirigeants chargés de la gestion opérationnelle de celle-ci, choisis par la société mère et qui représentent et promeuvent ses intérêts commerciaux (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, Rec. p. II‑5741, points 138 et 139).

39      Lorsque l’uniformité du comportement sur le marché de la filiale et de sa société mère est assurée, notamment dans les cas décrits aux points 37 et 38 ci-dessus, ou par d’autres liens économiques, organisationnels et juridiques unissant les sociétés, elles font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, selon la jurisprudence mentionnée au point 33 ci-dessus. Le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 33 supra, point 59).

40      Les requérantes allèguent à tort que la Commission ne saurait valablement avoir recours à une présomption fondée sur la détention de l’entièreté du capital de la filiale par la société mère et qu’elle devrait examiner si la filiale appliquait les instructions imparties par la société mère ou établir l’exercice d’une influence déterminante sur le comportement commercial de la filiale par la voie d’autres indices.

41      En effet, il y a lieu de rappeler que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence en vigueur dans l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon indépendante sur le marché (voir arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 33 supra, points 60 et 61, et la jurisprudence citée).

42      La société mère qui détient la quasi-totalité du capital de sa filiale se trouve, en principe, dans une situation analogue à celle d’un propriétaire exclusif en ce qui concerne son pouvoir d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui l’unissent à ladite filiale. Par conséquent, la Commission est en droit d’appliquer à cette situation le même régime probatoire, à savoir recourir à la présomption selon laquelle ladite société mère a fait un usage effectif de son pouvoir d’exercice d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Certes, il n’est pas exclu que, dans certains cas, les actionnaires minoritaires puissent disposer, à l’égard de la filiale, de droits permettant de remettre en cause l’analogie susvisée. Cependant, outre le fait que de tels droits ne se rattachent généralement pas à des parts tout à fait minimes, telles que celles en cause en l’espèce, aucun élément de cette nature n’a été rapporté par les requérantes en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T‑217/06, Rec. p. II‑2593, point 53).

43      Au demeurant, les requérantes ne sauraient valablement prétendre que la présomption en cause constitue une violation de la responsabilité individuelle des sociétés et du principe d’individualité des peines.

44      Certes, en vertu du principe d’individualité des peines et des sanctions, qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de la concurrence de l’Union, une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 63).

45      Toutefois, ce principe doit se concilier avec la notion d’entreprise et avec la jurisprudence selon laquelle le fait que la société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés. Ainsi, il doit être constaté que, dans le cas où la responsabilité de la société mère est établie par la présomption non renversée d’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de sa filiale, comme en l’espèce, ladite société mère est personnellement sanctionnée pour l’infraction qu’elle est censée avoir commise elle-même en raison des liens économiques, organisationnels et juridiques étroits qui l’unissaient avec la filiale, résultant de la détention de la totalité du capital de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Metsä-Serla e.a./Commission, point 37 supra, point 34).

46      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier grief des requérantes.

 Sur le deuxième grief, tiré de l’imputation de la responsabilité de Rylesa à Repsol YPF, société faîtière du groupe Repsol

47      Les requérantes contestent l’imputabilité des agissements de Rylesa à Repsol YPF en arguant que, en tout état de cause, il n’existe aucun lien d’actionnariat direct entre ces deux sociétés, Rylesa étant une filiale de Repsol Petróleo et n’étant ainsi détenue qu’indirectement par Repsol YPF. Par conséquent, cette dernière ne remplirait pas les critères définis par la décision attaquée, car elle ne nomme pas les membres de l’organe d’administration de Rylesa ni n’approuve ses comptes annuels, cette activité étant exercée par Repsol Petróleo, de sorte que seul un lien par le biais de Repsol Petróleo existerait. Cependant, cette dernière ne serait pas une simple société de portefeuille de Repsol YPF, mais elle exercerait d’importantes activités sur plusieurs marchés de l’énergie. Ainsi, elle ne serait pas un simple intermédiaire pour le contrôle de Repsol YPF sur Rylesa.

48      À cet égard, il suffit de rappeler la jurisprudence selon laquelle la présomption de responsabilité tirée de la détention, par une société, de l’entièreté du capital d’une autre société s’applique non seulement dans les cas où il existe une relation directe entre la société mère et sa filiale, mais également dans des cas où, comme en l’espèce, cette relation est indirecte eu égard à l’interposition d’une autre société (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, Rec. p. I‑1, point 90).

49      Dès lors, il convient de rejeter également le deuxième grief des requérantes.

 Sur le troisième grief, tiré des preuves avancées devant la Commission pour démontrer l’autonomie commerciale de Rylesa

50      Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir examiné les preuves de l’autonomie du comportement de Rylesa par rapport à Repsol Petróleo et de s’être limitée à retenir l’existence d’une responsabilité sur la base de la législation espagnole sur les sociétés anonymes et des règles impératives en matière de comptes consolidés des groupes de sociétés (considérants 441, 442 et 445 de la décision attaquée). Une telle approche ne serait pas compatible avec le devoir d’examen réel de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de la filiale, ni avec les obligations d’examen objectif des faits, de garantie des droits de la défense et de respect des exigences de motivation et du principe de bonne administration. En agissant de la sorte, la Commission aurait attribué une responsabilité objective aux sociétés mères au mépris du principe d’individualité des peines.

51      Selon la jurisprudence, afin de renverser la présomption d’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, il incombait aux requérantes de soumettre tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre Rylesa et Repsol Petróleo qu’elles considéraient comme étant de nature à démontrer qu’elles ne constituaient pas une entité économique unique. Lors de son appréciation, le Tribunal doit en effet tenir compte de l’ensemble des éléments soumis, dont le caractère et l’importance peuvent varier selon les caractéristiques propres à chaque cas d’espèce (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 33 supra, point 74, et arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, Eni/Commission, T‑39/07, Rec. p. II‑4457, point 95).

52      La présomption en cause repose sur les constats selon lesquels, d’une part, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, une société détenant la totalité du capital d’une filiale peut, au vu de cette seule part de capital, exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, l’absence d’exercice effectif de ce pouvoir d’influence peut normalement le plus utilement être recherchée dans la sphère des entités à l’encontre desquelles la présomption opère (arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 60).

53      En premier lieu, il y a lieu d’examiner le grief des requérantes tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée.

54      Selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêts de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35, et Elf Aquitaine/Commission, point 52 supra, point 145).

55      En l’espèce, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas répondu à leurs arguments avancés dans leur réponse à la communication des griefs afin de démontrer l’autonomie commerciale de Rylesa.

56      Il y a lieu de rappeler que les requérantes ont avancé essentiellement trois groupes d’arguments au cours de la procédure administrative. Premièrement, Repsol Petróleo n’aurait pas influencé le comportement de Rylesa sur le marché des paraffines, puisque celui-ci était défini par ses propres dirigeants, et Repsol Petróleo n’avait pas connaissance de la participation des dirigeants de Rylesa à l’infraction. Deuxièmement, le négoce des cires de paraffine était de faible importance par rapport au chiffre d’affaires total réalisé par Rylesa, par Repsol Petróleo et par Repsol YPF, et il n’avait pas de lien entre cette dernière activité et les activités principales de Rylesa et de Repsol Petróleo. Troisièmement, les droits et les prérogatives conférés aux actionnaires majoritaires par la loi espagnole relative aux sociétés anonymes n’étaient pas de nature à permettre à Repsol Petróleo d’exercer une influence déterminante sur le comportement de Rylesa sur le marché.

57      Dans la décision attaquée, la Commission a examiné ces arguments des requérantes et a considéré ce qui suit :

« […]

(440) Quant aux arguments avancés pour affirmer que Rylesa a agi de manière autonome, [ils reposent, pour la plupart,] sur la capacité de Rylesa à agir de manière autonome dans le cadre de la gestion courante de ses activités commerciales. L’exercice d’une influence déterminante sur la politique commerciale d’une filiale ne requiert pas une intervention quotidienne dans la gestion de l’exploitation de la filiale. La direction d’une filiale peut très bien être confiée à la filiale elle-même, ce qui n’exclut pas que la société mère impose ses objectifs et politiques, ce qui affecte les performances du groupe ainsi que sa cohérence, et sanctionne tout comportement s’écartant desdits objectifs et politiques […]

(441) Par ailleurs, conformément à la législation espagnole […], Repsol Petróleo […] a exercé, en tant que propriétaire de Rylesa, un contrôle sur les actifs commerciaux de sa filiale via un certain nombre de pouvoirs, notamment l’approbation des comptes annuels et l’application des résultats, l’augmentation ou la réduction de capital, la transformation, la fusion ou le partage et la modification des statuts de la société et la nomination des administrateurs de la société […]

      […]

(445) L’argument selon lequel la cire de paraffine est une activité très marginale tant au sein du groupe Repsol que de Rylesa et représente dès lors un intérêt mineur n’est pas probant quant à décider du caractère d’autonomie effective d’une filiale. Le fait que la société mère elle-même ne participe pas aux différentes activités n’est pas déterminant quant à la question de savoir s’il convient de la considérer comme une entité économique unique avec les unités opérationnelles du groupe. Le partage des tâches est un phénomène normal au sein d’un groupe de sociétés. [De plus,] les résultats financiers de Rylesa sont consolidés avec ceux du groupe Repsol, ce qui implique que ses pertes ou profits, bien que marginaux en comparaison des résultats totaux du groupe, sont reflétés dans les pertes et profits du groupe dans son ensemble. [T]out avantage issu de l’entente était reflété par les pertes et profits du groupe Repsol dans son ensemble. Le fait que l’activité paraffine ne représente qu’une petite proportion du chiffre d’affaires du groupe ne prouve en aucune manière que le groupe accordait une totale autonomie à Rylesa dans la définition de son comportement sur le marché […] »

58      Dès lors, il convient de constater que la Commission a effectivement examiné les arguments des requérantes visant à démontrer l’autonomie commerciale de Rylesa. Ainsi, l’argument tiré d’une insuffisance de motivation doit être rejeté.

59      En deuxième lieu, il convient d’examiner les allégations des requérantes selon lesquelles la Commission a violé le principe de bonne administration et commis une erreur d’appréciation en considérant que leurs arguments n’étaient pas susceptibles d’établir l’autonomie commerciale de Rylesa.

60      Premièrement, il y a lieu de relever que les allégations – même à les supposer vraies, mais en tout état de cause nullement étayées dans la requête – selon lesquelles Repsol Petróleo n’a pas influencé le comportement de Rylesa sur le marché des paraffines, celui-ci était défini par ses propres dirigeants et Repsol Petróleo n’avait pas connaissance de la participation des dirigeants de Rylesa à l’infraction ne sont pas susceptibles d’exonérer Repsol Petróleo de sa responsabilité pour les agissements de Rylesa.

61      À cet égard, il convient de rappeler que ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise telle que décrite par la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés. Ainsi, la démonstration du fait que la politique commerciale stricto sensu et la gestion quotidienne de la filiale sont entièrement confiées aux organes et aux gestionnaires de celle-ci ne suffit pas pour renverser la présomption d’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 29 supra, points 58 et 83).

62      À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que le fait qu’une filiale dispose de sa propre direction locale et de ses propres moyens ne prouvait pas, en soi, qu’elle définissait son comportement sur le marché de manière indépendante par rapport à sa société mère. La division des tâches entre les filiales et leurs sociétés mères, et, en particulier, le fait de confier la direction opérationnelle aux dirigeants locaux d’une filiale à 100 %, est une pratique habituelle des entreprises de grande taille et composées d’une multitude de filiales détenues, ultimement, par la même société faîtière. Dès lors, dans le cas de la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de la filiale directement impliquée dans l’infraction, les éléments de preuve apportés à cet égard ne sont pas susceptibles de renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement de la filiale par la société mère et par la société faîtière (voir, en ce sens, arrêt Alliance One International/Commission, point 38 supra, points 130 et 131).

63      En outre, il résulte de la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus que l’imputation du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère ne nécessite pas la preuve que la société mère influe sur la politique de sa filiale dans le domaine ou dans l’activité spécifique ayant fait l’objet de l’infraction (arrêts du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 29 supra, points 58 et 83 ; du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑38/07, Rec. p. II‑4383, point 70, et du 16 novembre 2011, Groupe Gascogne/Commission, T‑72/06, non publié au Recueil, point 81). Il en ressort que l’absence d’une telle influence par la société mère sur la filiale ne saurait renverser la présomption d’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

64      Dès lors, les arguments des requérantes avancés à cet égard doivent être rejetés.

65      Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’argument des requérantes tiré de la faible proportion du chiffre d’affaires réalisé sur le marché des cires de paraffine par rapport au chiffre d’affaires total du groupe a également déjà été examiné par le Tribunal. Selon la jurisprudence, le fait que le domaine ou l’activité affectée par l’infraction ne représente qu’un faible pourcentage de l’ensemble des activités du groupe ou de la société mère n’est pas de nature à prouver l’autonomie de ladite filiale à l’égard de sa société mère et, dès lors, est sans incidence sur l’application de la présomption d’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 septembre 2009, Arkema/Commission, T‑168/05, non publié au Recueil, point 79, et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 144).

66      En outre, ainsi que la Commission le relève à juste titre, la faible importance des ventes des cires de paraffine par rapport au chiffre d’affaires de Repsol Petróleo et de Repsol YPF ne change pas le fait que les résultats de Rylesa dans ce domaine entrent dans les résultats consolidés de ces dernières sociétés. Ainsi, la profitabilité de ces activités revêt un intérêt pour les sociétés mères et pour le groupe dans son ensemble.

67      Il s’ensuit que le présent argument des requérantes ne peut être accueilli.

68      Troisièmement, il convient de relever que les requérantes ne se sont pas référées dans leurs écritures déposées devant le Tribunal à leur argument, avancé dans leur réponse à la communication des griefs, selon lequel les droits et les prérogatives conférés par la loi espagnole sur les sociétés anonymes aux actionnaires majoritaires n’étaient pas de nature à permettre à Repsol Petróleo d’exercer une influence déterminante sur le comportement de Rylesa sur le marché.

69      À cet égard, la Commission a constaté, au considérant 441 de la décision attaquée, que, en tant que propriétaire de Rylesa, Repsol Petróleo avait exercé « un contrôle sur les actifs commerciaux de sa filiale via un certain nombre de pouvoirs, notamment l’approbation des comptes annuels et l’application des résultats, l’augmentation ou la réduction de capital, la transformation, la fusion ou le partage et la modification des statuts de la société et la nomination des administrateurs de la société ». Les requérantes n’expliquent nullement les raisons pour lesquelles elles estimaient, dans leur réponse à la communication des griefs, que ces pouvoirs et leur exercice n’auraient pas été suffisants pour que Repsol Petróleo puisse contrôler le comportement commercial de Rylesa et, dès lors, pour considérer que ces sociétés constituaient une seule entité économique au sens de l’article 81 CE.

70      Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes selon lequel la Commission aurait violé le principe de bonne administration et commis des erreurs d’appréciation.

71      En troisième lieu, les requérantes ne sauraient valablement prétendre que la Commission aurait attribué une responsabilité objective aux sociétés mères, en n’examinant pas leurs arguments visant à démontrer l’autonomie commerciale de Rylesa.

72      Premièrement, il y a lieu de rappeler que la Commission a effectivement examiné les arguments avancés par les requérantes.

73      Deuxièmement, dans l’hypothèse où les requérantes entendent mettre en cause la nature de la responsabilité résultant de l’application de la présomption selon laquelle la société mère détenant la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de cette dernière, il y a lieu de souligner que ladite responsabilité découle de l’appartenance à la même entreprise au sens de l’article 81 CE. Dans une telle mesure, la jurisprudence ne s’intéresse pas à la question de savoir si la responsabilité de la société mère de la filiale directement impliquée dans l’infraction est objective ou non. Ce qui importe est que l’établissement de l’unité économique entre société mère et filiale implique que la société mère est personnellement sanctionnée pour l’infraction qu’elle est censée avoir commise elle-même (voir la jurisprudence citée au point 45 ci-dessus), étant donné que le sujet visé par le droit de la concurrence de l’Union est l’entreprise. Cet aspect de l’argumentation des requérantes est donc inopérant.

74      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que les arguments présentés par les requérantes afin de démontrer le comportement commercial autonome de Rylesa, tels que présentés dans la procédure administrative et devant le Tribunal, ne sont pas susceptibles de renverser la présomption d’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

75      En tout état de cause, il y a lieu de relever que la Commission a également apporté des indices supplémentaires tendant à démontrer l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de Rylesa par Repsol Petróleo et par Repsol YPF.

76      En effet, au considérant 430 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, pendant toute la durée de la période en cause, Repsol Petróleo, le propriétaire direct de Rylesa, avait effectivement désigné les conseils d’administration de celle-ci et approuvé ses comptes annuels.

77      Or, ces éléments sont pertinents du point de vue de la démonstration de l’existence d’une unité économique entre filiale et société mère et, sur cette base, de la responsabilité solidaire de la société mère pour l’infraction commise par la filiale.

78      En effet, la désignation effective des membres du conseil d’administration est un des moyens généralement utilisé afin d’assurer l’unicité du comportement de l’entreprise dans la poursuite des buts présentant un intérêt pour le groupe, un de ces derniers étant la profitabilité de toutes les activités de l’entreprise. De même, l’approbation des comptes par la société mère permet à cette dernière de contrôler si la poursuite des activités par la filiale reste compatible avec ses attentes.

79      En outre, le Tribunal a déjà jugé que, lorsque de tels mécanismes sont mis en place, la filiale doit tenir compte des réactions de son actionnaire unique et la société mère peut corriger les mesures qu’elle estime inappropriées. Dans de nombreux cas, une société mère n’a besoin d’intervenir activement dans la gestion ou la politique commerciale d’une filiale que lorsque cette gestion ou cette politique commerciale présentent des difficultés ou ne correspondent pas aux attentes de la société mère. Lorsque la santé économique et commerciale de la filiale est bonne, il peut suffire à la société mère de se tenir informée de l’évolution de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt Groupe Gascogne/Commission, point 63 supra, point 84). Ainsi, dans ces circonstances, le seul fait que la société mère n’a pas interféré avec les décisions commerciales de la filiale prises dans le domaine affecté par l’entente peut très bien être expliqué, surtout en l’absence de preuve contraire, par le fait que les dirigeants ont agi en conformité avec les attentes de la société mère et que les résultats produits dans le domaine concerné étaient satisfaisants.

80      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de confirmer la constatation de la Commission selon laquelle Repsol Derivados, Rylesa, Repsol Petróleo et Repsol YPF faisaient partie de la même entreprise durant la période de participation du groupe Repsol à l’infraction. Sur la base de cette constatation, la Commission a, dans la décision attaquée, imputé à bon droit à Repsol Petróleo et à Repsol YPF la responsabilité pour les agissements anticoncurrentiels de Rylesa et de Repsol Derivados.

81      Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne l’identification des produits concernés et d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne l’établissement de la valeur des ventes

 Sur la première branche, tirée de l’inclusion, par la Commission, des spécialités de paraffine dans les produits concernés par l’entente

82      Selon le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise, en rapport direct ou indirect avec l’infraction.

83      Les requérantes estiment que la Commission n’a pas justifié, dans la décision attaquée, l’inclusion du chiffre d’affaires réalisé par la vente des spécialités de paraffine dans la valeur des ventes utilisée pour le calcul du montant de l’amende. Elle n’aurait pas établi que ces produits faisaient l’objet de discussions lors des réunions techniques.

84      La référence aux répercussions sur le prix des spécialités qu’avaient les arrangements sur les prix concernant les cires de paraffine (considérant 283 de la décision attaquée) ne serait pas suffisante pour les inclure dans les produits concernés. De même, la référence par la Commission à des contacts bilatéraux ou à d’autres discussions entre participants en dehors des réunions techniques serait dépourvue de pertinence, puisque la Commission a choisi de n’enquêter que sur les réunions techniques.

85      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, au considérant 111 de la décision attaquée, la Commission a affirmé ce qui suit :

« Lors de la plupart des réunions techniques, les discussions sur les prix concernaient généralement les cires de paraffine […] et rarement seulement les différentes sortes de cire de paraffine (comme les cires de paraffine entièrement raffinées, les cires de paraffine semi-raffinées, les mélanges de cires/spécialités, les cires de paraffine solides ou les hydrocires). Il était de plus clair pour toutes les entreprises que les prix pour toutes les sortes de cire de paraffine augmenteraient du même montant ou du même pourcentage […] »

86      En outre, selon le considérant 283 de la décision attaquée, « les spécialités sont, avant traitement supplémentaire, des cires de paraffine entièrement raffinées, produites à partir de gatsch et, par conséquent, […] les arrangements pris sur les cires de paraffine raffinées avaient également des répercussions directes sur les spécialités ».

87      En premier lieu, force est de constater que le contenu des considérants 111 et 283 de la décision attaquée est fondé sur les déclarations des autres entreprises participant à l’entente contre lesquelles les requérantes n’avancent aucun argument spécifique.

88      Selon la déclaration de Shell du 26 avril 2005, à laquelle la Commission se réfère au considérant 111 de la décision attaquée, tous les types de cires de paraffine étaient concernés par les pratiques visant à la fixation des prix. En effet, Shell a déclaré que, lors des réunions techniques, il était généralement compris par les participants que les prix de tous les types de cires de paraffine seraient augmentés du même montant ou pourcentage.

89      Ensuite, dans sa déclaration du 23 décembre 2005, Total a affirmé que les hausses de prix avaient porté principalement sur les paraffines de qualité courante surtout utilisées dans le secteur des bougies. La bougie étant un des principaux débouchés de la paraffine en Europe, une variation de prix sur ce marché avait entraîné une variation des prix dans les autres applications.

90      Dans sa déclaration du 12 mai 2005, Sasol a également confirmé cette pratique en affirmant que les accords conclus au cours des réunions techniques fixaient plus ou moins la tendance pour d’autres secteurs. Les participants tentaient fréquemment de transposer de manière judicieuse les augmentations des prix décidées à l’occasion des réunions à d’autres secteurs.

91      Dès lors, les déclarations concordantes des participants à l’entente soutiennent et confirment le contenu des considérants 111 et 283 de la décision attaquée.

92      En deuxième lieu, il convient de souligner que la Commission disposait également des notes manuscrites témoignant que les spécialités faisaient l’objet de discussions concernant les prix lors des réunions techniques, malgré le fait que, selon les indications des participants, les cires de paraffine pour la fabrication des bougies représentaient la question soulevant le plus d’intérêt lors des réunions techniques, les prix des autres types de cires de paraffine ayant suivi les arrangements visant les cires de paraffine vendues aux fins de la fabrication de bougies.

93      En ce qui concerne la réunion technique du 24 juin 1994 à Budapest (considérant 132 de la décision attaquée), à laquelle Repsol ne nie pas avoir participé, la Commission a retrouvé une note de MOL. Il ressort de cette note que les discussions des participants portaient sur les cires pour papier, pour caoutchouc (en raison de la mention « anti-ozone ») et sur des cires pour câbles et, dès lors, sur des spécialités de paraffine. Une référence à cette note est insérée dans la note en bas de page n° 156 de la décision attaquée, sous le considérant 132.

94      Ensuite, pour ce qui est de la réunion technique des 22 et 23 février 1996 à Budapest (considérant 139 de la décision attaquée), la Commission dispose des preuves de la participation des requérantes. La note de MOL, mentionnée dans la décision attaquée, fait référence à la fourniture de paraffine pour la fabrication de vaseline à des fins « techniques » et « médicales » qui exigent des propriétés différentes. Ainsi, la Commission dispose de preuves du fait que les spécialités étaient également discutées lors de cette réunion technique.

95      S’agissant de la réunion technique des 26 et 27 juin 2001 à Paris (considérant 163 de la décision attaquée), les requérantes contestent y avoir participé. La note finale n° 145 de l’annexe de la décision attaquée contient à cet égard la mention selon laquelle « [s]elon l’agenda de M. GO, M. HA avait un rendez-vous les 26 et 27.06.01 à Paris ». Après vérification des documents pertinents, le Tribunal est en état de confirmer que le représentant des requérantes était présent à cette réunion technique.

96      Le compte rendu « Blauer Salon » de Sasol, relatif à cette réunion technique, à laquelle la décision attaquée fait référence, contient la mention « Fin août : annuler tous les prix au 30-9-01. Au 1-10-01+€7. Bois/Émulsions + caoutchouc/pneus = ci-après ». Ainsi, ce compte rendu comporte une référence aux cires pour caoutchouc et pour agglomérés utilisés dans les panneaux et, dès lors, aux spécialités de paraffine.

97      Les requérantes ne sauraient valablement opposer que les références par la Commission à des réunions techniques au cours desquelles les spécialités étaient discutées sont vagues et imprécises.

98      À cet égard, il convient de rappeler que, compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite les divers éléments de l’infraction commise. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes de l’espèce. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57 ; arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 64 et 65).

99      En troisième lieu, il convient de souligner que la démonstration faite par la Commission est, contrairement aux allégations des requérantes, une démonstration directe et pas seulement fondée sur les répercussions des discussions sur les prix des autres types de cires de paraffine sur les spécialités. En outre, elle est fondée sur les déclarations et preuves documentaires concernant les réunions techniques et non sur les contacts bilatéraux.

100    En quatrième lieu, les requérantes ne sauraient valablement alléguer qu’elles n’ont pas participé aux aspects de l’infraction impliquant les spécialités.

101    Selon la jurisprudence, s’agissant d’accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent, comme en l’espèce, lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction à l’article 81 CE est constituée lorsque ces réunions ont pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, pour prouver la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, point 98 supra, point 81, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 47).

102    La raison qui sous-tend cette règle est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 98 supra, point 82, et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, point 101 supra, point 48).

103    Ainsi, les requérantes n’ayant pas démontré leur distanciation du contenu anticoncurrentiel des réunions techniques concernant les spécialités, elles ne sauraient valablement remettre en cause leur responsabilité à cet égard.

104    À la lumière de ce qui précède, il convient de conclure que la Commission a démontré à suffisance de droit que l’infraction commise par les requérantes impliquait également les spécialités de paraffine.

105    Dès lors, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen.

 Sur la seconde branche, tirée d’une erreur d’appréciation et d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne le choix de la période de référence aux fins du calcul du montant de l’amende

106    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir calculé le montant de base de l’amende sur le fondement de la moyenne annuelle de la valeur des ventes réalisées durant les années 2001, 2002 et 2003. Cette méthode ne correspondrait pas à celle prévue dans les lignes directrices de 2006, selon laquelle le montant de l’amende est calculé sur la base de la valeur des ventes réalisées durant le dernier exercice complet de participation à l’infraction. La Commission aurait ainsi violé ses propres lignes directrices, le principe de confiance légitime et celui d’égalité de traitement. En outre, la décision attaquée contiendrait une motivation insuffisante et contradictoire à cet égard.

–       Sur la prétendue insuffisance de motivation

107    Tout d’abord, il convient d’examiner le grief des requérantes tiré de l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée.

108    Selon la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle.

109    Ainsi, dans le cadre des décisions individuelles, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 145, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 462).

110    La motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 109 supra, point 463, et Elf Aquitaine/Commission, point 52 supra, point 149).

111    Il est de jurisprudence constante que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719 point 63, et du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, points 166 et 178).

112    En outre, l’obligation de motivation au titre de l’article 253 CE exige que le raisonnement sur lequel est fondée une décision soit clair et non équivoque. Ainsi, la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 52 supra, point 151).

113    Lorsque, comme en l’espèce, une décision d’application des règles de l’Union en matière de droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction (voir, en ce sens, arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 52 supra, point 152, et la jurisprudence citée).

114    En premier lieu, il convient d’examiner les arguments des requérantes concernant l’insuffisance de motivation quant au choix des années 2001 à 2003 comme période de référence.

115    Conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, la Commission a indiqué, au considérant 629 de la décision attaquée, que, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, elle se fondait normalement sur la valeur des ventes réalisées sur le marché cartellisé par l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction.

116    Aux considérants 632 et 633 de la décision attaquée, la Commission a évoqué les arguments d’ExxonMobil et de MOL tirés du fait que les élargissements de l’Union, et en particulier celui de 2004, avaient exercé un fort impact sur la valeur des ventes de plusieurs participants. La Commission a répondu à ces arguments, au considérant 634 de la décision attaquée, dans les termes suivants :

« La Commission reconnaît que l’année 2004 représente, du fait de l’élargissement de l’Union européenne en mai, une année exceptionnelle. [Elle] considère qu’il est approprié de ne pas utiliser la valeur des ventes réalisées au cours de l’année 2004 comme base de calcul unique de l’amende, mais d’utiliser la valeur des ventes des trois derniers exercices de participation de l’entité à l’infraction. »

117    Dès lors, la raison pour laquelle la Commission a pris en compte la moyenne des valeurs des ventes réalisées sur les trois dernières années de participation à l’infraction, au lieu de la dernière année complète de participation, ressort clairement de la décision attaquée.

118    En deuxième lieu, les requérantes font néanmoins valoir que la Commission n’a pas motivé à leur égard son choix de prendre en compte la valeur des ventes réalisées par elles pendant la période comprise entre 2001 et 2003, au lieu de la seule année 2003.

119    À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence citée au point 111 ci-dessus, selon laquelle la motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.

120    Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la Commission est tenue de délimiter la période à prendre en considération de manière que les chiffres obtenus en ce qui concerne les entreprises impliquées soient aussi comparables que possible (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T‑319/94, Rec. p. II‑1331, point 42). En outre, force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a systématiquement utilisé la valeur des ventes réalisées pendant les trois dernières années de la participation à l’entente pour chacune des entreprises incriminées, conformément à la méthode qu’elle a retenue au considérant 634 de la décision attaquée.

121    Par conséquent, la décision attaquée, telle qu’interprétée dans son ensemble et dans son contexte, eu égard à l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée, permet de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a retenu la période allant de 2001 à 2003, au lieu de la seule année 2003, comme période de référence à prendre en compte en ce qui concerne les requérantes.

122    En troisième lieu, il convient d’observer que la motivation de la décision attaquée, ainsi qu’il ressort des points 115 et 116 ci-dessus, n’est pas affectée par une quelconque contradiction, contrairement aux allégations des requérantes.

123    Par conséquent, le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

–       Sur la prétendue violation des lignes directrices de 2006, du principe de confiance légitime et de celui d’égalité de traitement

124    Il y a lieu de noter que, dans leur requête, les requérantes invoquent une violation des lignes directrices de 2006, tandis que, dans leur réplique, elles semblent reconnaître le droit de la Commission de choisir une période de référence autre que le dernier exercice complet de la participation à l’infraction. En outre, les requérantes mentionnent également une violation des principes de confiance légitime et d’égalité de traitement.

125    En premier lieu, il convient de soulever d’emblée que, au regard du libellé même des lignes directrices, selon lequel « la Commission utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction », la Commission ne s’est pas obligée à prendre en compte systématiquement la valeur des ventes de la dernière année de participation à l’infraction.

126    Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé les lignes directrices de 2006.

127    En deuxième lieu, les requérantes n’invoquent aucune règle de droit en vertu de laquelle la Commission serait tenue de prendre en compte le chiffre d’affaires de la dernière année entière de participation d’une entreprise à l’infraction et qui serait d’ailleurs susceptible de générer une confiance légitime. Dès lors, elles ne sauraient valablement prétendre que la Commission a violé le principe de confiance légitime.

128    En troisième lieu, quant à la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il ressort de la décision attaquée que la Commission a choisi d’appliquer une méthode consistant en la prise en compte de la moyenne de la valeur des ventes des trois derniers exercices complets de participation à l’infraction pour deux raisons.

129    Premièrement, selon la décision attaquée, l’année 2004 était exceptionnelle en raison de l’élargissement de l’Union, qui a impliqué un changement quant à l’étendue du territoire à prendre en compte pour le calcul de la valeur des ventes.

130    Le Tribunal estime qu’il s’agit d’une raison valable et pertinente du point de vue du calcul du montant de l’amende, puisqu’elle vise à assurer que le montant final de l’amende reflète la gravité de l’infraction d’une manière appropriée, ainsi que le requiert l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003.

131    Deuxièmement, il ressort de la décision attaquée que, même pour les entreprises dont la participation a pris fin avant 2005, y compris les requérantes, la Commission s’est systématiquement fondée sur la moyenne de la valeur des ventes réalisées durant les trois derniers exercices complets de la participation à l’infraction.

132    Selon une jurisprudence constante, lors de la fixation du montant des amendes, la Commission doit respecter le principe d’égalité de traitement, selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 219, et du 16 juin 2011, Caffaro/Commission, T‑192/06, Rec. p. II‑3063, point 83).

133    En l’espèce, les entreprises sanctionnées dans la décision attaquée étaient dans une situation identique, dans la mesure où elles participaient à la même infraction. Cependant, certaines d’entre elles, comme les requérantes, étaient dans une situation différente par rapport aux autres, dans la mesure où leur participation à l’infraction a pris fin avant le 28 avril 2005, date des inspections effectuées par la Commission.

134    Il y a lieu de constater que l’approche de la Commission consistant en la prise en compte systématique des trois dernières années de la participation comme période de référence tient compte d’une manière juste de la similitude des situations en cause, en l’occurrence la participation à la même infraction, en respectant également les principes dégagés par la jurisprudence citée au point 120 ci-dessus, selon lesquels la Commission est tenue de délimiter la période de référence de manière que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible. En outre, ladite approche tient également compte d’une manière juste de la différence des situations, puisque la période de référence est adaptée à la fin de la participation à l’infraction à l’égard de chacune des entreprises sanctionnées.

135    Ainsi, le grief des requérantes tiré de la violation du principe d’égalité de traitement doit également être rejeté.

136    Au demeurant, les requérantes n’avancent aucun argument dont il ressortirait que la période de référence retenue par la Commission déformerait le poids de l’infraction commise par elles.

137    Partant, il convient de conclure que, en prenant en compte la moyenne annuelle de valeur des ventes des requérantes réalisées durant la période allant de 2001 à 2003, la Commission a agi en plein respect des lignes directrices de 2006 et de la jurisprudence applicable en l’espèce.

138    En outre, le Tribunal estime que la période de référence ainsi choisie reflète la gravité de l’infraction commise par les requérantes d’une manière appropriée.

139    Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la participation de Rylesa au deuxième volet de l’infraction, d’une violation des droits de la défense, du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation à cet égard

140    Le troisième moyen se divise en trois branches. La première branche est tirée d’une violation des droits de la défense, en raison du prétendu défaut de concordance entre la communication des griefs et la décision attaquée. La deuxième branche est tirée d’une erreur d’appréciation quant à la participation de Rylesa au deuxième volet de l’infraction. La troisième branche est tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement au regard de l’approche retenue par la Commission à l’égard de H&R et d’Eni.

141    Le Tribunal estime utile de commencer l’analyse par la deuxième branche du troisième moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur d’appréciation quant à la participation de Rylesa au deuxième volet de l’infraction

142    Les requérantes avancent que les preuves réunies par la Commission ne sauraient fonder une ferme conviction quant à leur participation au deuxième volet de l’infraction.

–       Sur les notions d’accord et de pratique concertée

143    Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

144    Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 256, et HFB e.a./Commission, point 36 supra, point 199).

145    Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même de la restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations (arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, Rec. p. II‑3355, point 45 ; voir également, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 36 supra, points 151 à 157 et 206).

146    La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre les entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 115, et Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158).

147    À cet égard, l’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature à soit influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’opérateur économique concerné est décidé à tenir lui-même sur le marché ou qu’il envisage d’adopter, lorsque ses contacts ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence (arrêt Heineken Nederland et Heineken/Commission, point 145 supra, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 146 supra, points 116 et 117).

–       Sur les principes d’appréciation des preuves

148    Selon la jurisprudence, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence de faits constitutifs d’une infraction (voir arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 98 supra, point 59, et la jurisprudence citée).

149    S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel, il est de jurisprudence constante que, lorsque le Tribunal est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, il doit exercer, de manière générale, un contrôle entier afin de vérifier si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, point 62, et la jurisprudence citée).

150    Dans ce contexte, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêts du Tribunal Dresdner Bank e.a./Commission, point 98 supra, point 60, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, Rec. p. II‑3871, point 58).

151    En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, lequel fait partie des droits fondamentaux qui constituent des principes généraux du droit de l’Union. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 150 supra, point 59 ; voir également, en ce sens, arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 98 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

152    Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence de l’infraction. Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 98 supra, points 62 et 63, et la jurisprudence citée).

153    Les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 185, et la jurisprudence citée).

154    Il convient de relever également que, en pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite de fixation de prix a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées au regard du fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation pour autant qu’elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 203).

155    En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 81 CE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72, et Hitachi e.a./Commission, point 150 supra, point 64).

156    Quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (arrêt Dalmine/Commission, point 155 supra, point 72).

157    Selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu (arrêts du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 1053 et 1838, et Hitachi e.a./Commission, point 150 supra, point 70).

158    Lorsque la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l’existence d’une infraction, il suffit à ces dernières de démontrer l’existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par elle pour conclure à l’existence d’une violation des règles de la concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 154 supra, point 186).

159    En revanche, dans les cas où la Commission s’est fondée sur des preuves documentaires, il incombe aux entreprises concernées non de présenter simplement une alternative plausible à sa thèse, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 154 supra, point 187). Une telle administration des preuves ne viole pas le principe de présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, point 181).

160    L’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum. Dès lors, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Même si la Commission découvre de telles pièces, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 98 supra, points 55 à 57 ; voir arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 98 supra, points 64 et 65, et la jurisprudence citée).

161    Il ressort du principe de libre administration des preuves que, même si l’absence de preuves documentaires peut s’avérer pertinente dans le cadre de l’appréciation globale du faisceau d’indices invoqués par la Commission, à elle seule, elle n’a pas pour conséquence de permettre à l’entreprise concernée de mettre en cause les allégations de la Commission en présentant une explication alternative des faits. Tel est seulement le cas lorsque les preuves présentées par la Commission ne permettent pas d’établir l’existence de l’infraction sans équivoque et sans qu’une interprétation soit nécessaire (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 150 supra, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 74).

162    La jurisprudence précitée est applicable, par analogie, en ce qui concerne l’article 53 de l’accord EEE.

–       Sur la décision attaquée

163    À titre liminaire, il convient de rappeler que, s’agissant du deuxième volet de l’infraction, consistant en la répartition des marchés géographiques et de la clientèle en ce qui concerne les cires de paraffine, la Commission a retenu, dans la décision attaquée, ce qui suit :

« […]

(108) En ce qui concerne les discussions relatives aux répartitions de marchés et de clientèle, ‘un accord général existait entre les fabricants de cire participants en ce qui concerne les principaux clients des autres opérateurs dans le marché domestique respectif’ […] pour la paraffine, et les entreprises ‘tentaient de protéger leur marché domestique en créant entre eux une atmosphère de confiance mutuelle et de bonne volonté’.

[…]

5.3.2.3. Attribution de clients et/ou répartition de marchés

(243) Il ressort des preuves décrites aux considérants (98), (108), (137) [réunion technique des 7 et 8 septembre 1995], 145 [réunion technique des 30 et 31 octobre 1997], (147) [réunion technique des 5 et 6 mai 1998], (168) [réunion technique du 18 décembre 2002] et 170 [réunion technique des 16 et 17 avril 2003] que ExxonMobil, MOL, Repsol, Sasol, Dea (par la suite Shell) et Total se répartissaient les clients et/ou les volumes à vendre à certains clients (‘répartition de clients’) et/ou certaines zones géographiques en tant que ‘marchés domestiques’ (‘répartition de marchés’).

(244) ExxonMobil, Sasol et Shell ont concédé l’existence de pratiques de répartition de clients et/ou de répartition de marchés […]. Dans leurs réponses à la communication des griefs, elles ont à nouveau confirmé ou n’ont du moins pas nié l’existence de ces pratiques. »

–       Sur les déclarations d’entreprises

164    Selon la jurisprudence, aucune disposition ni aucun principe général du droit communautaire n’interdisent à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises auxquelles il est reproché d’avoir participé à l’entente. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 81 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec sa mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 154 supra, point 192, et Hitachi e.a./Commission, point 150 supra, point 67).

165    Une valeur probante particulièrement élevée peut être reconnue aux déclarations qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue par l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 150 supra, point 71 ; voir également, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 154 supra, points 205 à 210).

166    Toutefois, la déclaration d’une entreprise à laquelle il est reproché d’avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises concernées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve, étant entendu que le degré de corroboration requis peut être moindre, du fait de la fiabilité des déclarations en cause (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 154 supra, points 219 et 220, et Hitachi e.a./Commission, point 150 supra, point 68).

167    En outre, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné qu’il est possible que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de la communication sur la coopération de 2002 en vue d’obtenir une immunité ou une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération de 2002 (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 150 supra, point 72 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70).

168    En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 154 supra, points 211 et 212 ; Bolloré e.a./Commission, point 65 supra, point 166, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 59).

169    À titre liminaire, il convient d’examiner le contenu des déclarations d’entreprises auxquelles les considérants 108 et 244 de la décision attaquée renvoient.

170    La déclaration de Shell du 24 juin 2005 contient plusieurs indications à l’égard de la répartition des clients et des marchés. Son représentant, M. S., a déclaré qu’il existait un accord général entre les entreprises participant à l’entente selon lequel chacune d’elles respectait les clients principaux des autres, se situant sur leurs territoires domestiques respectifs. Ce « respect » se traduisait dans l’absence d’effort pour vendre à ces clients domestiques à un prix inférieur à celui pratiqué par le participant auquel ledit client ou territoire appartenait. Si un participant violait cet accord, le fournisseur auquel le client ou le territoire appartenait se plaignait à la réunion technique suivante et demandait l’arrêt des ventes. Selon Shell, il était généralement compris que les clients situés en France étaient alloués à Total, ceux situés en Hongrie à MOL et ceux situés en Espagne à Repsol.

171    La déclaration de Shell du 14 juin 2006 contient davantage de précisions. Selon son représentant, M. SC., lors de certaines réunions techniques, les participants ont conclu des accords concernant certains clients de taille significative et importants. De plus, il existait un accord tacite, non écrit mais contraignant, selon lequel les clients situés dans un rayon allant de 50 à 100 kilomètres autour de l’usine de production d’un participant à l’entente appartenaient à ce dernier. Shell mentionne à cet égard la zone de Hambourg qui a été partagée entre elle-même et Sasol et mentionne en outre certains clients. Shell explique également que, lorsqu’un autre participant à l’entente tentait de vendre à ces clients réservés, elle et Sasol ont appliqué des représailles, en commençant à vendre aux clients réservés de cet autre participant. Il est également mentionné dans cette déclaration que les éventuelles incursions dans les territoires réservés aux autres participants ont été discutées lors des réunions techniques, et Shell donne un grand nombre d’exemples concrets de telles discussions, en précisant également les territoires respectivement réservés à certains participants.

172    Toujours dans la déclaration de Shell du 14 juin 2006, M. SC. affirme qu’il n’avait pas de « connaissance positive » de tels accords en ce qui concerne les marchés espagnol et italien. En tout état de cause, selon sa perception, ces marchés étaient généralement considérés comme les marchés domestiques respectifs de Repsol et d’Eni.

173    La réponse de Sasol du 18 décembre 2006 à la demande de renseignements de la Commission du 24 novembre 2006 contient davantage de précisions. Selon Sasol, les participants aspiraient à protéger leurs marchés domestiques. Par exemple, Total et Mobil revendiquaient le marché français, alors que les producteurs allemands, tels que Sasol, Hansen & Rosenthal et Shell, regardaient le marché allemand comme leur étant réservé. Les participants aux réunions techniques ont créé, à cette fin, une atmosphère de confiance et de bonne foi mutuelle. Sasol illustre également le mécanisme par lequel la répartition des marchés et des clients a été assurée lors des réunions techniques. Elle mentionne un incident au cours duquel Repsol a annoncé qu’elle possédait des volumes excédentaires de cires de paraffine résultant de sa propre production. Le représentant de Total a protesté contre la vente de ces volumes en France. Enfin, Sasol mentionne également des violations de ces arrangements et les efforts de ses employés responsables de la commercialisation des cires de paraffine afin de reconquérir les positions sur son marché domestique en sous-cotant les prix des autres entreprises qui avaient pénétré ledit marché en dépit de l’accord de répartition.

174    En premier lieu, les requérantes estiment que les déclarations d’entreprises sur lesquelles la Commission s’appuie sont vagues et contradictoires.

175    Force est de constater que les déclarations de Shell et de Sasol citées ci-dessus sont précises et concordantes en ce qui concerne les aspects principaux du deuxième volet de l’infraction. En particulier, elles indiquent que certaines régions géographiques et certains clients étaient attribués à certains participants à l’entente et qu’il était compris par tous les participants que les autres producteurs ne devaient pas fournir d’importantes quantités de cires de paraffine dans ces territoires et à destination de ces clients. Les deux déclarations de Shell et la réponse de Sasol donnent de nombreux exemples de l’attribution des régions géographiques et des clients à certains participants et elles ne sont nullement contradictoires.

176    S’agissant des prétendues contradictions alléguées par les requérantes, ces dernières relèvent d’abord que M. SC., de Shell, affirmait qu’il n’avait pas de « connaissance positive » d’accords quant à la répartition des marchés et des clients en ce qui concernait les marchés espagnol et italien. Elles en déduisent qu’elles n’ont pas participé au deuxième volet de l’infraction.

177    Cependant, il convient d’observer que les requérantes omettent de citer le reste des déclarations de M. SC. selon lequel, au regard de sa perception, ces marchés étaient généralement regardés comme les marchés domestiques respectifs de Repsol et d’Eni et que, en tout état de cause, Shell n’avait pas de clients sur ces territoires (voir point 172 ci-dessus).

178    Il y a lieu d’ajouter que le seul fait que M. SC. n’avait pas connaissance des accords concernant le marché espagnol ne prouve pas l’inexistence de tels accords. De plus, il existe, dans le même passage, une indication claire selon laquelle Shell considérait l’Espagne comme le territoire de Repsol et qu’elle n’aurait pas vendu de cires de paraffine à des clients espagnols. Or, de telles affirmations corroborent l’existence d’une pratique concertée en ce qui concerne les clients espagnols. En outre, dans la déclaration de Shell du 24 juin 2005, un autre représentant de cette dernière, M. S., faisait clairement état du fait que l’Espagne était considérée comme le territoire réservé de Repsol (voir point 170 ci-dessus), alors que Sasol donne un exemple du fonctionnement de la répartition des marchés dans la relation entre Repsol et Total (voir point 173 ci-dessus).

179    Dès lors, il convient de rejeter l’argument des requérantes tiré du caractère vague et contradictoire des déclarations sur lesquelles la Commission s’est fondée.

180    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que les déclarations auxquelles renvoie le considérant 108 de la décision attaquée sont incohérentes au regard d’autres déclarations ou preuves documentaires, de sorte qu’elles ne sont pas crédibles.

181    Premièrement, les requérantes citent la déclaration orale de Shell du 26 octobre 2005, qui témoignerait d’une attitude concurrentielle de Repsol et contredirait ainsi les déclarations auxquelles le considérant 108 de la décision attaquée se réfère. Selon cette déclaration, M. D. a dit au téléphone à Mme C., de Sasol, qu’elle ne devait pas s’inquiéter, étant donné que DEA ferait équipe commune plutôt avec Sasol afin de lutter contre la menace pour la concurrence que représentaient les « Européens du Sud », tels que l’entreprise italienne SER Sintesi, qui cherchaient à améliorer leur position sur le marché en offrant des prix très bas. La référence au terme « Schulterschluss » (équipe commune) signifiait, selon la même déclaration, que Dea et Sasol avaient un intérêt commun à tenter de maintenir un niveau de prix aussi élevé que possible, en dépit de la concurrence de l’Europe du Sud.

182    Force est de constater que cette déclaration ne contredit pas les autres déclarations, mentionnées au considérant 108 de la décision attaquée, qui témoignent de la participation de Repsol au deuxième volet de l’infraction. En effet, seule l’entreprise italienne SER Sintesi est mentionnée et les requérantes ne démontrent nullement que les observations de M. D. concernaient également Repsol ou le marché espagnol en général, aucun producteur espagnol n’étant mentionné. La seule référence à une concurrence venant de l’Europe du Sud ne démontre pas que M. D. considérait Repsol comme étant absente du deuxième volet de l’infraction, vu la multitude des producteurs établis dans la région en cause.

183    Deuxièmement, les requérantes se réfèrent à une partie de la déclaration orale d’ExxonMobil du 4 novembre 2006, dont les termes sont les suivants :

« Repsol est considérée comme le dissident européen. Elle perturbe le marché où elle travaille en collaboration étroite avec deux fabricants de mélange nationaux. La position agressive de Repsol en France et en Allemagne en réponse à l’entrée de Total et de THP [Schümann] en Espagne a desservi le marché. »

184    Force est de constater que ce passage est une citation d’un rapport interne d’ExxonMobil daté du 23 décembre 1992. Ainsi, ce rapport et les informations qui y sont contenues concernent une période antérieure au 24 juin 1994, début de la participation de Repsol à l’entente. Dès lors, elles ne sauraient compromettre la fiabilité et la véracité des informations contenues dans les déclarations auxquelles le considérant 108 de la décision attaquée renvoie. Il convient également de noter l’explication plausible fournie par la Commission selon laquelle c’est précisément cette attitude concurrentielle de Repsol qui a amené les participants aux réunions techniques à l’inviter aux discussions anticoncurrentielles.

185    Troisièmement, les requérantes citent un courrier interne d’ExxonMobil du 22 décembre 1999 qui comporte la phrase suivante :

« J’en conclus que l’activité de Repsol dans des territoires dans lesquels elle n’intervenait pas auparavant a) doit être à présent considérée comme une menace potentielle, et b) peut déranger nos prévisions d’augmentations de prix. »

186    À cet égard, il est indiqué dans la correspondance entre les employés d’ExxonMobil à laquelle les requérantes se réfère qu’il était question des ventes de Repsol sur le marché des pays du Benelux. Or, il ressort du dossier qu’il existait des territoires – par exemple, les pays du Benelux, le Royaume-Uni et la Scandinavie – qui n’étaient pas couverts par les répartitions des marchés et des clients. Par conséquent, la phrase citée par les requérantes ne saurait en soi compromettre la fiabilité et la véracité des déclarations auxquelles le considérant 108 de la décision attaquée se réfère.

187    Eu égard aux considérations qui précèdent, les arguments des requérantes tirés des incohérences entre les déclarations mentionnées au considérant 108 de la décision attaquée et d’autres déclarations ou preuves documentaires doivent être rejetés.

188    En troisième lieu, les requérantes font valoir que les déclarations concernent des faits qui n’ont pas été l’objet d’une enquête de la Commission, en particulier les accords bilatéraux ou multilatéraux existant en dehors des réunions techniques.

189    Force est de constater que les déclarations de Shell et de Sasol, dont le contenu est présenté aux points 170 à 173 ci-dessus, contredisent directement cette allégation des requérantes.

190    En effet, les déclarations concordent sur le fait que le comportement anticoncurrentiel concernant la répartition des marchés et des clients faisait l’objet des réunions techniques, même si les arrangements bilatéraux sont également mentionnés. Plus particulièrement, les indications concernant la répartition des marchés et des clients sont insérées dans le contexte des réunions techniques et, de plus, il existe des indications claires du fait que, lorsqu’une entreprise participant à l’entente avait violé ces arrangements, le sujet était discuté lors d’une réunion technique, et l’entreprise à laquelle le marché ou le client était alloué procédait aux représailles contre la première entreprise afin de maintenir l’allocation des marchés et des clients.

191    Dès lors, il y a lieu de rejeter cet argument.

192    En quatrième lieu, les requérantes font valoir que les déclarations en cause ne font pas référence à leur participation au deuxième volet de l’infraction.

193    Cette allégation est également directement contredite par le texte desdites déclarations.

194    En effet, Shell indique que les participants ont reconnu l’Espagne et les clients s’y situant comme étant le marché domestique de Repsol, vers lequel ils s’abstenaient de vendre les cires de paraffine. En outre, Sasol fait référence à un incident au cours d’une réunion technique, lors duquel Repsol a mentionné l’existence d’un surplus de production, alors que le représentant de Total a protesté contre le fait que ces quantités étaient vendues en France, ce marché étant alloué notamment à Total.

195    En outre, selon les indications de Shell et de Sasol, tous les participants aux réunions techniques avaient connaissance des accords ou des pratiques concertées concernant la répartition des marchés et des clients, de sorte que normalement elles n’ont pas fourni de grandes quantités à destination des marchés réservés à un autre participant.

196    Dès lors, il y a lieu de rejeter cet argument.

197    En cinquième lieu, les requérantes font valoir que la crédibilité desdites déclarations est mise en cause par l’intérêt des entreprises à l’origine de ces déclarations à diluer leur responsabilité pour ce type de comportement infractionnel.

198    En ce qui concerne le prétendu intérêt des entreprises faisant des déclarations devant la Commission, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 167 ci-dessus, le fait de demander à bénéficier de la communication sur la coopération de 2002 en vue d’obtenir une immunité ou une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait mettre en danger la possibilité pour le demandeur de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération de 2002.

199    De plus, les déclarations de Shell sur lesquelles la Commission s’est appuyée dans le cas d’espèce étaient fondées sur les témoignages des personnes participant aux réunions techniques, à savoir MM. S. (participant au cours de la période 1980-1999) et SC. (participant à partir de 1999), qui sont intervenus après mûre réflexion et qui incriminent également Shell, au nom de laquelle elles ont été faites. Ainsi, au sens de la jurisprudence citée au point 165 ci-dessus, ces déclarations sont particulièrement fiables.

200    En ce qui concerne la déclaration de Sasol auquel le considérant 108 de la décision attaquée se réfère, il y a lieu de souligner qu’il ne s’agit pas d’une déclaration volontaire déposée en vue d’obtenir le bénéfice de l’immunité ou une réduction du montant de l’amende, mais d’une réponse, datée du 18 décembre 2006, à une demande de renseignements émanant de la Commission. Les requérantes n’invoquent aucun argument qui pourrait remettre en question la véracité des informations y figurant. En plus, les entreprises faisant l’objet de l’enquête de la Commission sont tenues, en vertu de l’article 18, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, de répondre aux demandes de renseignements. Le caractère incomplet ou inexact de la réponse peut être sanctionné par une astreinte en vertu de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du même règlement. Qui plus est, les informations y figurant incriminent également Sasol. Dès lors, il y a lieu de considérer que les renseignements fournis dans ladite réponse sont aussi particulièrement fiables.

201    La force probante des déclarations de Shell et de Sasol est encore renforcée par le fait que, en ce qui concerne les grandes lignes de la description du deuxième volet de l’infraction, elles sont parfaitement concordantes.

202    Par conséquent, il convient de rejeter également les arguments des requérantes concernant la fiabilité des déclarations en cause.

203    Il ressort de ce qui précède que Sasol et Shell, par les déclarations dont le contenu apparaît fiable, ont soumis des informations précises et concordantes en ce qui concerne la répartition des marchés et des clients entre les participants de l’entente, y compris les requérantes.

–       Sur les preuves documentaires

204    Les requérantes font valoir que les indices figurant dans des documents cités dans le contexte de l’examen des réunions techniques particulières ne sont, dans la décision attaquée, ni clairs ni suffisamment nombreux pour établir que Rylesa a participé au deuxième volet de l’infraction.

205    Selon le considérant 244 de la décision attaquée, il ressort des preuves décrites aux considérants 98, 108 (renvoyant aux déclarations de Shell et Sasol examinées ci-dessus), 137 (concernant la réunion technique des 7 et 8 septembre 1995), 145 (concernant la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997), 168 (concernant la réunion technique du 18 décembre 2002) et 170 (concernant la réunion technique des 16 et 17 avril 2003) qu’ExxonMobil, MOL, Repsol, Sasol, Dea (par la suite Shell) et Total se répartissaient les clients ou les volumes à vendre à certains clients ou dans certaines zones géographiques en tant que « marchés domestiques ».

206    En outre, les versions linguistiques de la décision attaquée autres que la version espagnole mentionnent au considérant 244 également le considérant 147, renvoyant à la réunion technique des 5 et 6 mai 1998.

207    Selon la jurisprudence, lors de l’appréciation de la valeur probante des preuves documentaires, il convient d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T‑157/94, Rec. p. II‑707, point 312, et du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 181) ou par un témoin direct de ces faits (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 154 supra, point 207).

208    L’absence de date ou de signature d’un document ou le fait qu’il soit mal écrit ne lui enlève pas toute force probante, en particulier lorsque son origine, sa date probable et son contenu peuvent être déterminés avec suffisamment de certitude (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 124 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 86).

209    Il y a lieu d’examiner ci-après les preuves documentaires relatives aux différentes réunions techniques mentionnées dans la décision attaquée.

210    À titre général, il convient de relever que, ainsi que la Commission l’a retenu au considérant 215 de la décision attaquée, les notes de MOL ont été préparées durant les réunions par la personne y ayant assisté et leur contenu est structuré et relativement détaillé. Dès lors, la valeur probante de ces notes est très élevée. En ce qui concerne les comptes rendus des réunions « Blauer Salon » de Sasol, il s’agit de documents datant de l’époque des faits et ayant été rédigés in tempore non suspecto, soit peu après chaque réunion technique. Même si la personne qui les a rédigés n’était pas présente aux réunions techniques, elle s’est fondée sur les informations obtenues d’un participant. Dès lors, la valeur probante de ces comptes rendus est également élevée.

211    En ce qui concerne le considérant 145 de la décision attaquée, la Commission y cite, dans le contexte de la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997 à Hambourg, une note de MOL contenant notamment les indications suivantes :

« Mélangeurs (100 [marks allemands (DEM)] moins cher que les producteurs de bougies habituels)

Astor -> Schümann prix aujourd’hui 1 000 DEM départ usine

[Astor] -> Total 1 050 DEM CPT

Paramelt -> Total 1 100 DEM CPT

Iberceras -> Total 1 030 DEM. »

212    Il est constant entre les parties que Repsol était présente à cette réunion technique.

213    Les requérantes contestent cependant que cette note témoigne d’une répartition des clients.

214    Selon la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite des divers éléments de l’infraction commise. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. Or, la note en cause associe clairement les clients Astor, Paramelt et Iberceras à certaines entreprises participant à l’entente.

215    Ainsi, l’explication de la Commission, dans la décision attaquée, selon laquelle ces indications témoignent des discussions lors de cette réunion technique concernant la répartition des clients doit être confirmée. Par conséquent, cette note fait partie de l’ensemble des preuves tendant à démontrer l’existence du deuxième volet de l’infraction.

216    S’agissant du considérant 147 de la décision attaquée, la Commission y cite, dans le contexte de la réunion technique des 5 et 6 mai 1998 à Budapest, une note de MOL contenant notamment les indications suivantes :

« MOL - Eika max. 1 500 [tonnes] à

Vollmar 2-3000 [tonnes] à

L&G le plus large

Vollmar - Schümann 3-3,5 mille tonnes

↑      MOL   2,0-3 mille tonnes

Demande 15 000 à Total

Repsol. »

217    Les requérantes ne contestent pas la présence de Repsol à cette réunion technique.

218    Au considérant 147 de la décision attaquée, la Commission a interprété les indications figurant dans la note de MOL de la façon suivante :

« La note montre également que le partage de l’approvisionnement de Vollmar, un important client, a été discuté. La part de Schümann et de MOL a été convenue alors que Total et Repsol étaient apparemment également intéressées. »

219    Il y a lieu de confirmer cette interprétation. En effet, selon l’interprétation la plus plausible, la note, qui possède d’ailleurs une valeur probante très élevée, ainsi qu’il a été retenu au point 210 ci-dessus, indique que les participants ont discuté la demande entière venant de Vollmar (15 000 tonnes) et qu’ils ont réparti les ventes entre Schümann (3 000-3 500 tonnes) et Mol (2 000-3 000 tonnes). Il existe également une indication selon laquelle Repsol et Total étaient intéressées par les ventes à Vollmar. En outre, la première partie de la note indique que MOL a communiqué aux autres participants les volumes vendus à Eika, à Vollmar ainsi qu’à Langhammer et Gasda (L&G). Enfin, les déclarations de Sasol et de Shell font état d’accords de répartition des clients, concernant notamment la répartition des volumes à vendre à Vollmar.

220    Les requérantes ont réagi à cette note déjà dans leur réponse à la communication des griefs et répètent leurs arguments devant le Tribunal. Ainsi, elles allèguent que, dans la note, premièrement, ne figure aucune référence à un accord sur les ventes ou les pourcentages sur les mêmes livraisons destinées à ce client, deuxièmement, les références à des volumes sont imprécises, dans la mesure où, si Vollmar avait une demande de 15 000 tonnes, elles ne comprennent pas pourquoi le montant des quantités soi-disant réparties n’atteint même pas 7 000 tonnes, ni pourquoi aucune quantité n’a été attribuée à Total ou à Repsol, troisièmement, toutes les références de la note de MOL sont liées à des prix applicables sur le marché, y compris à ce fabriquant de bougies, et, quatrièmement, la position marginale de Rylesa, avec des livraisons qui n’atteignaient pas les 50 tonnes mensuelles, exclut tout lien de Rylesa avec la distribution à ce client.

221    À cet égard, il suffit de relever à nouveau que, selon la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite des divers éléments de l’infraction commise. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes.

222    Or, l’association des clients avec certaines entreprises participant à l’entente et les tonnages indiqués suffisent pour reconnaître que la présente note fait partie de l’ensemble des preuves tendant à démontrer l’existence des accords ou des pratiques concertées concernant la répartition des clients et des marchés, ainsi que la participation de Repsol à ce comportement infractionnel.

223    L’argument des requérantes selon lequel le fait que le considérant 147 ne soit pas mentionné au considérant 244 de la version espagnole de la décision attaquée ne saurait compromettre cette conclusion. En effet, la preuve elle-même, en l’occurrence la note de MOL, et son analyse figurent également au considérant 147 de la version espagnole de la décision attaquée. Il ressort clairement de l’analyse de la Commission, reproduite au point 218 ci-dessus, que la note de MOL a été prise en compte comme un élément de preuve tendant à démontrer l’existence du deuxième volet de l’infraction. Le fait que les requérantes ont bel et bien compris le contexte et l’importance de ladite note, déjà avant l’adoption de la décision attaquée, est démontré par les arguments qu’elles ont présentés à cet égard dans leur réponse à la communication des griefs (voir point 220 ci-dessus).

224    En ce qui concerne le considérant 168 de la décision attaquée, la Commission y examine un compte rendu « Blauer Salon » de Sasol qui, quant à sa date, comporte la mention « 17/18.12 ». Dans la communication des griefs, en suivant des indications fournies par Sasol, la Commission a supposé que cette note se rapportait à la réunion des 17 et 18 novembre 1995. Cependant, dans la décision attaquée, au regard de nouvelles indications de Sasol, la Commission a présumé qu’il concernait la réunion technique des 17 et 18 décembre 2002 à Budapest, étant donné qu’aucune autre réunion technique connue ne s’était tenue les 17 et 18 décembre.

225    Les requérantes font valoir que l’incertitude en ce qui concerne la date de la réunion technique à laquelle ce compte rendu se rapporte le prive de sa force probante.

226    Selon la jurisprudence citée au point 208 ci-dessus, l’absence de date ou de signature d’un document ou le fait qu’il soit mal écrit ne lui enlève pas toute force probante, en particulier lorsque son origine, sa date probable et son contenu peuvent être déterminés avec suffisamment de certitude. En outre, selon la jurisprudence citée au point 207 ci-dessus, lors de l’appréciation de la valeur probante des preuves documentaires, il convient d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits.

227    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 210 ci-dessus, les comptes rendus « Blauer Salon » de Sasol datent de l’époque de l’infraction et ont été rédigés in tempore non suspecto, soit peu après la réunion technique à laquelle elles se réfèrent, et étaient fondés sur les informations obtenues d’un participant. En outre, le contenu du compte rendu en cause est clair. Enfin, sa date probable peut être établie sur la base des indications de Sasol et du fait qu’aucune autre réunion technique n’avait lieu les 17 et 18 décembre. Ainsi, il conserve une valeur probante élevée.

228    Selon ledit compte rendu : « Repsol […] a des problèmes (55 000 tonnes par an de sa propre production) [,] [le représentant de Total] a immédiatement protesté contre des volumes additionnels/négociés […] Repsol semble être prête à y réfléchir. »

229    Indépendamment de la date de la rédaction du compte rendu en cause, il y a lieu de souligner que son contenu est révélateur des discussions entre Repsol et Total concernant la répartition des marchés ayant lieu lors d’une réunion technique, ainsi que la Commission l’a retenu à bon droit dans la décision attaquée. En effet, l’interprétation la plus plausible des observations figurant dans le compte rendu et qui sont mentionnées au point ci-dessus est que Repsol a cherché un débouché pour tout ou partie d’un volume de 55 000 tonnes de cires de paraffine, constituant sa propre production de cires de paraffine. Total, qui considérait la France comme étant son marché au moins en partie réservé, a protesté contre les ventes par Repsol sur son territoire, ce dernier constituant une cible naturelle des ventes de Repsol en raison de la proximité géographique de la France avec les usines de Repsol en Espagne. Il ressort d’ailleurs des déclarations d’entreprises que les coûts de transport limitaient la profitabilité des ventes de cires de paraffine à longue distance, de sorte que la pression concurrentielle, destinée à être réduite ou supprimée par l’entente, venait généralement des producteurs établis dans les pays voisins. L’indication selon laquelle « Repsol semblait] être prête à y réfléchir » démontre que la protestation anticoncurrentielle de Total a eu un certain résultat, également anticoncurrentiel, en ce qu’elle a influencé le comportement commercial de Repsol.

230    En outre, ainsi que le souligne à bon droit la Commission dans sa défense, le compte rendu en cause révèle, tout au moins, que Repsol était disposée à négocier avec Total la commercialisation de volumes supplémentaires de paraffine. Cela prouve que Repsol était au courant du fait que la répartition des clients ou des marchés était évoquée à l’occasion des réunions techniques. De plus, le compte rendu « Blauer Salon » ne mentionne aucun prix des cires de paraffine, mais se réfère uniquement au volume des produits commercialisés. Par conséquent, il n’est pas plausible de penser que les discussions anticoncurrentielles dont témoigne le compte rendu portaient sur le prix de vente de cette paraffine.

231    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la production de cires de paraffine par Repsol était inférieure à celle indiquée dans le compte rendu, la Commission évoque un rapport d’ExxonMobil qui confirme que le chiffre de 55 000 tonnes correspond à la production propre de Repsol.

232    Les requérantes contestent leur présence à la réunion technique du 18 décembre 2002. Cependant, il convient de souligner que le texte du compte rendu témoigne de la présence de Repsol à cette réunion technique, à la suite de laquelle il a été rédigé et est révélateur des discussions anticoncurrentielles auxquelles Repsol a participé. Ainsi, les arguments des requérantes mettant en cause leur présence à la réunion technique des 17 et 18 décembre 2002 sont d’ordre secondaire.

233    En tout état de cause, dans la note en bas de page n° 195 de l’annexe de la communication des griefs, la Commission s’est référée à une déclaration de Shell qui aurait mentionné la présence de Repsol à la réunion technique du 18 décembre 2002. Dans la note en bas de page n° 382 de la décision attaquée, outre la déclaration susmentionnée de Shell, la Commission a également mentionné une déclaration de Sasol. Or, l’absence de certains éléments de preuve souvent utilisés par la Commission afin de démontrer la présence des représentants des entreprises en cause aux réunions anticoncurrentielles ne saurait démontrer l’absence desdits représentants lorsqu’il existe d’autres preuves tendant à démontrer leur présence.

234    Enfin, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite des divers éléments de l’infraction commise. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes.

235    Or, le contenu du compte rendu en cause, ainsi qu’il ressort de l’analyse faite ci-dessus, justifie qu’il soit considéré comme faisant partie de l’ensemble des preuves tendant à démontrer l’existence des accords ou des pratiques concertées concernant la répartition des clients et des marchés, ainsi que la participation de Repsol à ce comportement infractionnel.

236    Eu égard à l’analyse qui précède, il convient de conclure que les notes manuscrites mentionnées aux considérants 145, 147 et 168 de la décision attaquée ont été prises en compte à juste titre par la Commission comme preuves tendant à démontrer l’existence du deuxième volet de l’infraction. En outre, la note examinée au considérant 168 de la décision attaquée constitue une preuve directe relative à l’implication de Repsol audit comportement anticoncurrentiel.

–       Appréciation globale des preuves concernant le deuxième volet de l’infraction

237    En premier lieu, il convient de relever que les éléments de preuve réunis par la Commission, consistant en des déclarations d’entreprises et des notes manuscrites contemporaines, constituent un ensemble de preuves précises et concordantes qui suffit pour établir l’existence du deuxième volet de l’infraction.

238    En ce qui concerne les arguments des requérantes, il convient de souligner que, de manière générale, ils concernent toujours un seul élément particulier des preuves réunies par la Commission, de sorte qu’elles ne donnent aucune explication plausible qui serait compatible avec l’ensemble desdites preuves. Or, selon la jurisprudence citée aux points 152 et 153 ci-dessus, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre aux critères de précision et de concordance pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence. En outre, les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble.

239    Ensuite, il convient de noter que, contrairement aux allégations des requérantes, les passages des déclarations d’entreprises et les notes manuscrites examinés ci-dessus se rapportent aux réunions techniques et non aux discussions bilatérales ou multilatérales en dehors des réunions techniques.

240    En outre, les requérantes n’expliquent pas pourquoi, en l’absence de tout accord de répartition des clients, ExxonMobil, Shell et Sasol ont en toute indépendance admis et décrit en détail une telle répartition, aggravant ainsi leur propre responsabilité.

241    En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler que certains passages des déclarations d’entreprises et la note manuscrite citée au considérant 168 de la décision attaquée mentionnent expressément l’implication de Repsol dans le deuxième volet de l’infraction.

242    En ce qui concerne les autres parties de ces éléments de preuve, qui mentionnent d’autres participants ou contiennent des remarques générales quant aux discussions relatives aux répartitions des clients et des marchés, les requérantes ne sauraient valablement prétendre que ces parties ne sont pas susceptibles de démontrer leur participation au deuxième volet de l’entente.

243    Selon la jurisprudence citée aux points 101 et 102 ci-dessus, s’agissant d’accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent, comme en l’espèce, lors de réunions d’entreprises concurrentes, la Cour a déjà jugé qu’une infraction à l’article 81 CE était constituée lorsque ces réunions avaient pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visaient, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, pour prouver la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur. La raison qui sous-tend cette règle est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait.

244    Cependant, les requérantes n’allèguent pas s’être publiquement distanciées du contenu des réunions anticoncurrentielles.

245    Dès lors, tous les éléments de preuve témoignant de discussions visant des accords ou des pratiques concertées relatives à la répartition de marchés et de clients, menées lors des réunions techniques auxquelles Repsol était présente, peuvent valablement être mis à la charge de cette dernière.

246    En troisième lieu, il convient d’examiner l’argument des requérantes selon lequel la démonstration relative au deuxième volet de l’infraction dans la décision attaquée repose sur des preuves faibles, les réunions techniques auxquelles les éléments de preuve se rapportent étant très espacées dans le temps.

247    Premièrement, à cet égard, il convient de souligner que les accords ou les pratiques concertées relatives aux répartitions des marchés et des clients, en l’occurrence le deuxième volet de l’infraction en cause, font partie d’une infraction unique et continue. Le volet principal de cette infraction consistait en l’espèce en des accords ou des pratiques concertées visant une fixation des prix des cires de paraffine et des échanges d’informations commerciales sensibles.

248    À cet égard, au considérant 267 de la décision attaquée, la Commission a mentionné ce qui suit :

« En l’espèce, le comportement en question constitue une infraction unique et continue à l’article 81 du traité et à l’article 53 de l’accord EEE. Les réunions techniques, les arrangements pris lors de ces réunions, leur (tentative de) mise en œuvre via (l’annonce de) l’augmentation des tarifs, le fait – pour certaines entreprises – de ne pas contacter les clients des autres participants, l’absence d’activité sur certains marchés et le contrôle, par voie de l’échange de lettres, de tarification constituaient une série d’efforts déployés constitutifs d’un ensemble d’arrangements collusoires, d’accords spécifiques et/ou de pratiques concertées. Les accords et/ou pratiques concertées en question font partie d’un plan global qui définissait les grandes lignes de l’action des participants sur le marché et restreignait leurs comportements commerciaux respectifs. Le plan global commun, son objet anticoncurrentiel commun et l’objectif économique unique de ces efforts visaient à réduire et empêcher la concurrence tarifaire, stabiliser ou augmenter les prix en convenant de tarifs minimum et d’augmentations tarifaires et, pour certaines entreprises, fidéliser les clients et s’assurer certains marchés. En résumé, l’objectif de ces efforts consistait à réduire de manière significative voire même à éliminer la pression de la concurrence dans le but ultime de réaliser de meilleurs bénéfices et, en dernier lieu, de stabiliser, voire d’accroître, les bénéfices. Ces actions avaient dès lors pour effet de réduire de manière significative et de fausser la concurrence en dénaturant le mouvement naturel des prix des cires de paraffine et – pour les entreprises identifiées au considérant (2) – du gatsch sur le marché EEE et de réduire la concurrence dans l’EEE par la répartition de clients et la répartition de marchés. »

249    En l’espèce, les requérantes ne reprochent pas à la Commission d’avoir erronément établi l’existence d’une infraction unique et continue ou l’existence d’un plan global, commun au volet principal et au deuxième volet de l’infraction, afin de « réduire et empêcher la concurrence tarifaire, stabiliser ou augmenter les prix en convenant de tarifs minim[aux] et [procéder à des] augmentations tarifaires et, pour certaines entreprises, fidéliser les clients et s’assurer certains marchés ». Elles ne contestent pas davantage avoir participé à 27 réunions techniques ayant un objet anticoncurrentiel durant la période comprise entre le 24 juin 1994 et le 4 août 2004. En outre, elles admettent expressément leur participation au premier volet de l’infraction.

250    Or, selon la jurisprudence, en l’absence d’une autre explication cohérente, lorsqu’il s’agit d’une infraction complexe, unique et continue, chaque manifestation corrobore la démonstration qu’une telle infraction a effectivement eu lieu (arrêt BPB/Commission, point 153 supra, point 249).

251    Ainsi, les différentes manifestations de l’infraction en cause doivent être appréhendées dans un contexte global qui explique leur raison d’être. Il s’agit d’une administration des preuves dans laquelle la valeur probante de différents éléments de fait est corroborée ou infirmée par les autres éléments de fait existants qui, conjointement, peuvent démontrer l’existence d’une infraction complexe, unique et continue (arrêt BPB/Commission, point 153 supra, point 250).

252    Dès lors, s’il est exact que les notes manuscrites retrouvées par la Commission ne concernent que trois réunions techniques auxquelles Repsol a participé, il n’en reste pas moins que celle-ci restait en contact avec ses concurrents et était engagée dans des pratiques anticoncurrentielles lors des réunions techniques auxquelles elle a régulièrement assisté tout au long de la période de sa participation à l’infraction. Un tel comportement pouvait bien rassurer les concurrents sur le fait que Repsol entendait respecter les arrangements concernant la répartition des marchés et des clients, dont l’existence est amplement démontrée par les déclarations d’entreprises et des preuves documentaires, malgré le faible nombre de ces dernières.

253    Deuxièmement, ainsi que la Commission l’observe à juste titre, une entente visant au partage des marchés ou des clients ne nécessite pas d’être renouvelée en permanence ou très fréquemment. Comme cela est indiqué au considérant 108 de la décision attaquée, les participants aux réunions techniques avaient conclu un accord général en vertu duquel ils respectaient leurs principaux clients sur leurs marchés nationaux respectifs. Il est plausible de penser que, aussi longtemps que les participants ont respecté les arrangements anticoncurrentiels, il n’était pas nécessaire de discuter le sujet de la répartition des marchés et des clients lors des réunions techniques. En revanche, le climat de confiance mutuelle, mentionné expressément par Sasol dans le contexte de la répartition des clients et des marchés, était assuré par la participation régulière des entreprises concernées aux réunions techniques.

254    Troisièmement, il convient de rappeler que les déclarations d’entreprises confirmant l’existence du deuxième volet de l’infraction ne concernent pas les réunions techniques spécifiques, mais se rapportent en général à la période infractionnelle.

255    Eu égard à ces considérations, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes tiré du fait que les réunions techniques auxquelles les éléments de preuve se rapportent étaient très espacées dans le temps.

256    En quatrième lieu, les requérantes relèvent que l’existence des arrangements concernant le principe de respect des marchés domestiques est contredite par leurs statistiques de ventes vers les autres États membres de l’Union et le fait que, en Espagne, elles étaient exposées à la concurrence de nombreuses autres entreprises.

257    Premièrement, à cet égard, il convient de relever, ainsi qu’il ressort des déclarations citées aux points 170 à 173 ci-dessus, que le marché domestique d’une entreprise ne correspondait pas nécessairement au territoire d’un pays membre déterminé, mais, dans certains cas, à la région située autour des lieux de production d’une entreprise donnée.

258    Deuxièmement, il ressort également de ces déclarations qu’il ne s’agissait pas d’un cloisonnement hermétique des marchés, ni de la fourniture exclusive des cires de paraffine à certains clients, mais plutôt d’un accord partiellement tacite de ne pas fournir les quantités significatives aux territoires et clients considérés comme appartenant à un autre producteur de cires de paraffine.

259    Troisièmement, les déclarations en cause révèlent des violations occasionnelles de l’accord tendant au respect des marchés domestiques, qui ont provoqué des représailles de la part de l’entreprise dont le territoire était concerné.

260    Quatrièmement, s’agissant de la situation concurrentielle en Espagne, il convient de souligner que les requérantes renvoient, à titre de preuve, aux points 71 à 76 de leur réponse à la communication des griefs, ainsi qu’à une annexe de ce document qu’elles n’ont pas déposée devant le Tribunal.

261    Or, selon une jurisprudence constante, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, doivent figurer dans la requête (ordonnance du Tribunal du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49). En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec. p. II‑2081, point 34, et du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec. p. II‑5527, point 57).

262    Dès lors, ces arguments sont irrecevables.

263    En tout état de cause, il y a lieu de noter que le Tribunal a déjà eu l’occasion d’examiner de tels arguments. Dans son arrêt Bolloré e.a./Commission, point 65 supra (point 451), il a jugé que le fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 194). La Commission n’était donc pas tenue d’examiner le détail de l’argumentation des parties visant à établir que les accords en cause n’avaient pas eu pour effet d’augmenter les prix au-delà de ce qui aurait été observé dans des conditions normales de concurrence et d’y répondre point par point.

264    Par analogie, il y a lieu de déduire de cette jurisprudence que, lorsque la Commission dispose de preuves directes en ce qui concerne des accords ou des pratiques concertées relatives à la répartition des marchés et des clients, cela suffit en soi pour constater que cette activité collusoire a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence. Dès lors, il n’incombe pas à la Commission d’examiner le niveau résiduel de la concurrence ni de le comparer à une situation hypothétique de concurrence sans restriction, afin de prouver l’existence de l’infraction qui est déjà clairement démontrée par un ensemble de preuves cohérentes.

265    Dès lors, cet argument doit également être rejeté quant au fond.

266    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la constatation de la Commission concernant la participation de Repsol à des accords ou à des pratiques concertées visant à répartir les marchés et les clients repose sur un ensemble d’éléments de preuve suffisants et, dès lors, de rejeter la deuxième branche du troisième moyen.

 Sur la première branche, tirée d’une violation des droits de la défense

267    Par la première branche du présent moyen, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas respecté leur droits de la défense en n’ayant pas indiqué dans la communication des griefs quelles étaient les preuves pertinentes relatives à leur participation au deuxième volet de l’infraction, concernant un accord ou une pratique concertée relatifs à la répartition des clients ou des marchés. En outre, la Commission mentionnerait dans la communication des griefs, dans le cadre de la présentation des preuves relatives au deuxième volet de l’infraction, des réunions techniques différentes de celles mentionnées dans la décision attaquée à cet égard.

268    Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation quant à l’existence d’une infraction au traité (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 10, et du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C‑310/93 P, Rec. p. I‑865, point 21).

269    L’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 reflète ce principe dans la mesure où il prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 98 supra, point 67), pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par elle et de faire valoir utilement leur défense avant que celle-ci n’adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 109, et la jurisprudence citée).

270    En l’espèce, les requérantes font valoir que la décision attaquée mentionne la réunion technique des 7 et 8 septembre 1995 (considérant 137 de la décision attaquée), celle des 30 et 31 octobre 1997 (considérant 145 de la décision attaquée), celle des 17 et 18 décembre 2002 (considérant 168 de la décision attaquée) et la réunion technique des 16 et 17 avril 2003 (considérant 170 de la décision attaquée) comme contacts prouvant la pratique de répartition des marchés ou des clients. Toutefois, à l’exception de la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997 qui a eu lieu à Hambourg, la communication des griefs ne fait pas référence à ces réunions techniques à titre de preuve du deuxième volet de l’infraction. Dès lors, la Commission aurait illégalement modifié les faits à cet égard par rapport à la communication des griefs, de sorte que les requérantes n’ont pas eu l’opportunité de s’exprimer sur lesdits faits.

271    Étant donné que, selon la décision attaquée, Repsol n’était pas présente à la réunion technique des 16 et 17 avril 2003 (considérant 170 de la décision attaquée) et que, en tout état de cause, les preuves relatives à cette réunion n’étaient pas nécessaires pour démontrer sa participation au deuxième volet de l’infraction, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner les arguments des requérantes à l’égard de cette réunion technique.

272    Au demeurant, il y a lieu de relever que, aux considérants 184 et 185 de la communication des griefs, la Commission a mentionné ce qui suit :

« […]

(184) Il ressort des éléments de preuve mentionnés aux considérant 100, 126 et 151 que les entreprises impliquées se sont réparti des clients et/ou des volumes à vendre à des clients spécifiques (‘répartition des clients’).

(185) Il ressort des considérants 93, 114 et 119 que les entreprises impliquées se sont réparti des zones géographiques en tant que ‘marchés domestiques’ (‘répartition des marchés’). »

273    Le considérant 93 de la communication des griefs examine et cite les déclarations de Shell et de Sasol, de la même manière que le considérant 108 de la décision attaquée, cité au point 163 ci-dessus. Dès lors, les requérantes avaient l’opportunité de s’exprimer sur le contenu desdites déclarations.

274    Ensuite, le considérant 126 de la communication des griefs, tout comme le considérant 145 de la décision attaquée, fait référence à la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997 et examine la note de MOL dont le contenu est cité au point 211 ci-dessus. Dès lors, les requérantes pouvaient également s’expliquer sur cet élément de preuve.

275    Le considérant 114 de la communication des griefs fait référence à une réunion technique qui aurait eu lieu les 17 et 18 novembre 1994. La Commission cite à ce considérant le compte rendu « Blauer Salon » de Sasol, examiné aux points 224 et suivants ci-dessus.

276    Les requérantes font valoir que leurs droits de la défense sont violés du fait que, dans la décision attaquée, la Commission a adopté la position selon laquelle ledit compte rendu a été rédigé à la suite de la réunion technique des 17 et 18 décembre 2002.

277    Premièrement, il y a lieu de relever à cet égard que le contenu du compte rendu constituant un élément de preuve de la répartition des clients et des marchés a été cité tant dans la communication des griefs que dans la décision attaquée. Deuxièmement, il ressort des considérants 114 et 185 de la communication des griefs que la Commission entendait utiliser cet élément de preuve dans ce contexte. Troisièmement, selon la jurisprudence citée au point 208 ci-dessus, l’absence de date d’un document ne lui enlève pas toute force probante, en particulier lorsque son origine, sa date probable et son contenu peuvent être déterminés avec suffisamment de certitude. Or, en l’espèce, le contenu et l’origine du document pouvaient être établis avec certitude, de sorte que le compte rendu en cause pouvait être utilisé par la Commission comme preuve du deuxième volet de l’infraction même s’il n’était rattaché à aucune réunion technique.

278    Dès lors, il convient de conclure que les requérantes avaient l’opportunité de s’exprimer sur le contenu du compte rendu cité au considérant 168 de la décision attaquée et au considérant 114 de la communication des griefs, dont elles pouvaient comprendre le contexte et l’importance.

279    En ce qui concerne la note de MOL examinée par la Commission au considérant 147 de la décision attaquée, il convient de relever qu’elle est présentée comme preuve du deuxième volet de l’infraction au considérant 128 de la communication des griefs.

280    S’il est exact que le considérant 128 de la communication des griefs n’est pas mentionné aux considérants 184 et 185 de ladite communication, dans lesquels la Commission a procédé à une récapitulation des preuves concernant le deuxième volet de l’infraction, il n’en reste pas moins que le considérant 128 de la communication des griefs place cette note clairement dans le contexte dudit volet. En effet, selon ledit considérant, « la note montre que l’approvisionnement du gros client Vollmar a été partagé entre les sociétés présentes, la part de Schümann et de MOL a été définie alors que Total et Repsol étaient apparemment également intéressées ».

281    En outre, il convient de noter que les requérantes ont bel et bien compris le contexte et l’importance de cette note du point de vue de la démonstration du deuxième volet de l’infraction, étant donné qu’elles ont préparé des contre-arguments détaillés à cet égard dans leur réponse à la communication des griefs (voir point 220 ci-dessus).

282    Il ressort de ce qui précède que tous les éléments de preuve que le Tribunal juge suffisants pour l’établissement de la participation de Repsol au deuxième volet de l’infraction (voir l’examen de ce deuxième volet dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen) ont été présentés dans la communication des griefs et que la Commission a également indiqué leur contexte et leur importance du point de vue de la démonstration faite par elle. Dès lors, la décision attaquée n’a pas mis à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ces charges sont suffisamment étayées par les preuves sur lesquelles les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer.

283    Ainsi, il convient de conclure que les droits de la défense des requérantes n’ont pas été violés, de sorte que la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

284    Les requérantes considèrent que la décision attaquée viole le principe d’égalité de traitement. En effet, la présence de Repsol aux réunions techniques lors desquelles la répartition des clients et de marchés était discutée a été retenue contre elle, mais pas à l’encontre de certaines autres entreprises également présentes à ces réunions, comme H&R et Eni.

285    Selon la jurisprudence rappelée au point 132 ci-dessus, lors de la fixation du montant des amendes, la Commission doit respecter le principe d’égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

286    Cependant, en l’espèce, il ressort du dossier que Repsol était dans une situation différente de celle de H&R et d’Eni. En effet, ainsi qu’il ressort de l’examen des déclarations des entreprises et, en particulier, de notes manuscrites contemporaines, Repsol est nettement plus souvent mentionnée dans le contexte de la répartition des marchés et des clients qu’Eni ou H&R, auxquelles les documents en cause font à peine référence. En particulier, il convient de rappeler à cet égard les notes examinées aux points 216 et 228 ci-dessus.

287    En tout état de cause, selon la jurisprudence, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt de la Cour du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, Rec. p. 2225, point 14, et arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 203).

288    Dès lors, même à supposer que la Commission ait erronément considéré que les éléments de preuve disponibles ne suffisaient pas à établir la responsabilité d’Eni et de H&R pour le deuxième volet de l’infraction, une telle illégalité ne saurait entraîner l’annulation partielle de la décision attaquée à l’égard des requérantes, étant donné que la participation de Repsol audit volet était établie à suffisance de droit.

289    Dès lors, il y a également lieu de rejeter la troisième branche et, partant, le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation de fait en ce qui concerne la date de fin de participation à l’infraction

290    Les requérantes considèrent que la Commission a erronément déterminé la date de fin de leur participation à l’infraction. En effet, même si la dernière réunion technique à laquelle Repsol aurait participé était celle des 24 et 25 septembre 2003, la Commission a retenu le 4 août 2004 comme date fin de sa participation à l’infraction.

291    Au considérant 604 de la décision attaquée, la Commission a considéré à cet égard ce qui suit :

« Repsol déclare que la dernière réunion à laquelle elle a participé était la réunion des 24-25 septembre 2003 à Vienne et que cette participation avait pour objectif d’annoncer qu’il s’agissait de la dernière réunion à laquelle participait Repsol […] Repsol n’a fourni aucune preuve susceptible d’étayer cette déclaration et n’a pas non plus déclaré avoir effectivement fait cette annonce. Repsol admet néanmoins avoir reçu des invitations aux réunions suivantes, mais nie y avoir participé […] Les preuves dont dispose la Commission montrent également que Repsol a effectivement reçu des invitations aux réunions techniques organisées après septembre 2003 et jusqu’à ce que les inspections soient effectuées. Il s’agissait des réunions des 14 et 15 janvier 2004 et des 11 et 12 mai 2004 […] En ce qui concerne les réunions postérieures aux 11 et 12 mai 2004, Repsol n’a plus été invitée officiellement, mais Sasol a cherché à savoir, avant d’envoyer les invitations pour ces réunions, si Repsol serait en mesure d’assister à la réunion en question et s’est abstenue d’envoyer une invitation officielle accompagnée de l’ordre du jour à Repsol lorsque le représentant de cette dernière indiquait qu’il n’y assisterait pas. Repsol a décliné l’invitation à la réunion des 3 et 4 août 2004, car son représentant serait en congé à ce moment-là […] La Commission note qu’en 2004 la personne qui avait représenté Repsol lors des réunions techniques avait changé de poste et que son successeur était supposé assister aux réunions au nom de Repsol […] La Commission ne considère pas que Repsol se soit publiquement distanciée de l’entente […] Le fait qu’elle ait continué de recevoir des invitations officielles jusqu’à la réunion des 11 et 12 mai 2004 (même si elle peut ne pas y avoir participé) prouve qu’il n’était pas clair, aux yeux des autres participants ou de l’organisateur, Sasol, que Repsol n’avait plus l’intention de participer. La Commission fait aussi remarquer que les discussions menées lors des réunions des 14 et 15 janvier 2004, des 11 et 12 mai 2004 et des 3 et 4 août 2004 n’étaient pas fondamentalement différentes des réunions précédentes, mais que les participants ont continué de discuter des hausses de prix sans faire mention d’une quelconque tentative de Repsol de quitter l’entente […] et qu’il n’était pas inhabituel que des entreprises ne participent pas à certaines réunions pendant l’entente. Si Repsol était absente lors de la réunion des 3 et 4 août 2004, c’est parce que c’était la période de congés et donc que son représentant n’était tout simplement pas disponible. Par la suite, Repsol a renoncé à participer aux réunions et n’a plus reçu d’invitation officielle. Cela prouve que Sasol n’était apparemment pas certaine que Repsol faisait toujours partie de l’entente lorsqu’elle a envoyé les invitations après la réunion des 3 et 4 août 2004. La Commission considère dès lors que Repsol a le bénéfice du doute de la part de Sasol et que Repsol a participé à l’entente jusqu’au 4 août 2004 […] La Commission fait remarquer que le cas de Repsol est différent de celui de Total. En ce qui concerne cette dernière, la réservation de chambres d’hôtel pour les deux réunions des 3 et 4 novembre 2004 et des 23 et 24 février 2005 montre que Sasol était convaincue que Total assisterait à la réunion, alors qu’elle n’avait pas la même certitude au sujet de Repsol. »

292    En premier lieu, les requérantes contestent l’interprétation par la Commission de la jurisprudence pertinente en l’espèce. Elles font valoir que la Commission ne saurait en déduire un renversement de la charge de la preuve, c’est-à-dire qu’elle ne saurait exiger que l’entreprise ayant historiquement participé à une entente ait dû s’en distancier pour mettre fin à sa participation.

293    À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, il ne peut être conclu à la cessation définitive de l’appartenance d’une entreprise à l’entente que si elle s’est distanciée publiquement du contenu de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 241).

294    En outre, la Cour a jugé que c’était bien la compréhension qu’avaient les autres participants à une entente de l’intention de l’entreprise concernée qui était déterminante pour apprécier si cette dernière avait entendu se distancier de l’accord illicite (arrêt de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 120).

295    Dès lors, les arguments des requérantes concernant l’interprétation de la jurisprudence pertinente en l’espèce doivent être rejetés.

296    En deuxième lieu, les requérantes estiment que, en tout état de cause, elles se sont distanciées de l’entente après la réunion technique des 23 et 24 septembre 2003.

297    La thèse des requérantes est contredite par les faits mentionnés dans la décision attaquée. En effet, si les participants à l’entente n’avaient pas continué de considérer Repsol comme un participant à celle-ci après la réunion des 23 et 24 septembre 2003, Sasol, organisatrice des réunions techniques, ne l’aurait pas invitée officiellement aux réunions suivantes.

298    Ce n’est qu’après la réunion technique des 3 et 4 août 2004 que Sasol a cessé d’envoyer à Repsol les invitations officielles. Cette circonstance témoignant d’un changement de la perception des participants à l’entente quant à la participation de Repsol, la Commission a retenu à bon droit le 4 août 2004 comme date de fin de la participation de Repsol à l’entente.

299    En troisième lieu, les requérantes font valoir qu’ExxonMobil a été traitée d’une façon plus avantageuse, parce que le courriel de cette dernière a été pris en compte par la Commission comme marquant la date de fin de sa participation à l’infraction.

300    Selon ledit courriel, cité au considérant 600 de la décision attaquée :

« Les points à l’ordre du jour semblent présenter un intérêt pour [ExxonMobil]. Toutefois, il nous semble que ce groupe de concurrents se réunit sans le soutien d’une association professionnelle et n’a dès lors ni structure ni statut. Cette situation nous gêne et nous souhaiterions suggérer que ces réunions se déroulent sous la houlette de l’EWF [European Wax Federation] soit au sein du comité technique, soit en tant que sous-comité distinct. ExxonMobil ne participera pas à cette réunion en l’absence du soutien d’une association professionnelle réglementaire. »

301    Dès lors, il y a lieu de considérer que ce courriel d’ExxonMobil a été pris en compte à juste titre par la Commission comme une distanciation publique à l’égard de l’entente. En effet, ExxonMobil laissait entendre qu’elle percevait le caractère irrégulier des réunions techniques et identifiait cette circonstance comme la raison de son absence. En revanche, le courriel de Repsol ne faisait pas état de telles considérations, mais se bornait à indiquer l’indisponibilité de son représentant en raison de congés. Ainsi, les situations d’ExxonMobil et de Repsol n’étant pas comparables, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne saurait valablement être alléguée.

302    En tout état de cause, il y a lieu d’observer que le simple fait que Repsol n’a pas participé aux dernières réunions techniques ne démontre aucunement qu’elle n’a pas utilisé l’information sur les prix appliqués par ses concurrents, qu’elle a reçue lors des dizaines de réunions techniques précédentes auxquelles elle a assisté, et qu’elle n’a pas profité des accords de répartition des marchés et des clients mis en place lors de ces réunions techniques précédentes. Dès lors, les requérantes n’ont soumis aucune preuve démontrant que Repsol avait cessé de mettre en œuvre l’entente avant la date de la fin de sa participation telle que retenue dans la décision attaquée.

303    Il s’ensuit que le quatrième moyen doit également être rejeté et, dès lors, le recours en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée.

304    S’agissant de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal conclut que la requérante n’a démontré aucune erreur ni aucune irrégularité dans la décision attaquée qui justifierait la réduction du montant de l’amende. Il estime également que, au regard de toutes les circonstances de l’espèce, en particulier de la gravité et de la durée de l’infraction commise par la requérante, le montant de l’amende infligée à cette dernière est approprié.

305    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

306    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens de la présente instance, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Repsol Lubricantes y Especialidades, SA, Repsol Petróleo, SA et Repsol, SA supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2014.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure administrative et adoption de la décision attaquée

Groupe Repsol et liens entre les requérantes

Procédure et conclusions de parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation des faits en ce qui concerne l’imputabilité de l’infraction commise par Rylesa à Repsol Petróleo et à Repsol YPF

Sur le premier grief, concernant l’interprétation erronée de la Commission quant aux principes régissant l’imputation aux sociétés mères de la responsabilité pour les agissements anticoncurrentiels des filiales

Sur le deuxième grief, tiré de l’imputation de la responsabilité de Rylesa à Repsol YPF, société faîtière du groupe Repsol

Sur le troisième grief, tiré des preuves avancées devant la Commission pour démontrer l’autonomie commerciale de Rylesa

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne l’identification des produits concernés et d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne l’établissement de la valeur des ventes

Sur la première branche, tirée de l’inclusion, par la Commission, des spécialités de paraffine dans les produits concernés par l’entente

Sur la seconde branche, tirée d’une erreur d’appréciation et d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne le choix de la période de référence aux fins du calcul du montant de l’amende

– Sur la prétendue insuffisance de motivation

– Sur la prétendue violation des lignes directrices de 2006, du principe de confiance légitime et de celui d’égalité de traitement

Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la participation de Rylesa au deuxième volet de l’infraction, d’une violation des droits de la défense, du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation à cet égard

Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur d’appréciation quant à la participation de Rylesa au deuxième volet de l’infraction

– Sur les notions d’accord et de pratique concertée

– Sur les principes d’appréciation des preuves

– Sur la décision attaquée

– Sur les déclarations d’entreprises

– Sur les preuves documentaires

– Appréciation globale des preuves concernant le deuxième volet de l’infraction

Sur la première branche, tirée d’une violation des droits de la défense

Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation de fait en ce qui concerne la date de fin de participation à l’infraction

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.

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