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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Italy (Judgment) French Text [2015] EUECJ C-653/13 (16 July 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/C65313.html Cite as: ECLI:EU:C:2015:478, [2015] EUECJ C-653/13, EU:C:2015:478 |
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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
16 juillet 2015 (*)
«Manquement d’État – Environnement – Directive 2006/12/CE – Articles 4 et 5 – Gestion des déchets – Région de Campanie – Arrêt de la Cour – Constat d’un manquement – Inexécution partielle de l’arrêt – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Astreinte – Somme forfaitaire»
Dans l’affaire C‑653/13,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 10 décembre 2013,
Commission européenne, représentée par Mmes D. Recchia et E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,
partie défenderesse,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur), MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 avril 2015,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour:
– de constater que, en n’ayant pas adopté toutes les mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), dans lequel la Cour a déclaré que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 5 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9), cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE;
– de condamner la République italienne à verser à la Commission une astreinte d’un montant de 256 819,20 euros (à savoir 85 606,40 euros par jour et par catégorie d’installation), moins la réduction éventuelle résultant de la formule de dégressivité proposée, par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), à compter de la date du prononcé du présent arrêt jusqu’au jour de l’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115);
– de condamner la République italienne à verser à la Commission une somme forfaitaire dont le montant résulte de la multiplication d’un montant journalier de 28 089,60 euros par le nombre de jours durant lesquels l’infraction a persisté, à compter du jour du prononcé de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), le 4 mars 2010, jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt rendu dans la présente affaire, ainsi que
– de condamner la République italienne aux dépens.
Le cadre juridique
2 Les considérants 2, 6 ainsi que 8 à 10 de la directive 2006/12 se lisent comme suit:
«(2) Toute réglementation en matière de gestion des déchets doit avoir comme objectif essentiel la protection de la santé de l’homme et de l’environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets.
[...]
(6) Pour atteindre un haut niveau de protection de l’environnement, il est nécessaire que les États membres non seulement veillent de manière responsable à l’élimination et à la valorisation des déchets, mais aussi qu’ils prennent des mesures visant à limiter la production de déchets, notamment en promouvant des technologies propres et des produits recyclables et réutilisables, en prenant en considération les débouchés existants ou potentiels des déchets valorisés.
[...]
(8) Il importe que [l’Union européenne], dans son ensemble, soit capable d’assurer elle-même l’élimination de ses déchets et il est souhaitable que chaque État membre tende individuellement vers ce but.
(9) Pour atteindre ces objectifs, des plans de gestion des déchets devraient être établis dans les États membres.
(10) Il convient de réduire les mouvements de déchets, et, à cette fin, les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires dans le cadre de leurs plans de gestion.»
3 L’article 4 de la directive 2006/12 dispose:
«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, et notamment:
a) sans créer de risque pour l’eau, l’air ou le sol, ni pour la faune et la flore;
b) sans provoquer d’incommodités par le bruit ou les odeurs;
c) sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.
2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets.»
4 L’article 5 de cette directive prévoit:
«1. Les États membres prennent les mesures appropriées, en coopération avec d’autres États membres lorsque cela s’avère nécessaire ou opportun, en vue de l’établissement d’un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination, en tenant compte des meilleures technologies disponibles qui n’entraînent pas de coûts excessifs. Ce réseau doit permettre à [l’Union] dans son ensemble d’assurer elle-même l’élimination de ses déchets et aux États membres de tendre individuellement vers ce but, en tenant compte des conditions géographiques ou du besoin d’installations spécialisées pour certains types de déchets.
2. Le réseau visé au paragraphe 1 doit permettre l’élimination des déchets dans l’une des installations appropriées les plus proches, grâce à l’utilisation des méthodes et technologies les plus appropriées pour garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé publique.»
5 L’article 7 de la directive 2006/12 dispose:
«1. Pour réaliser les objectifs visés aux articles 3, 4 et 5, les autorités compétentes visées à l’article 6 sont tenues d’établir dès que possible un ou plusieurs plans de gestion des déchets. Ces plans portent notamment sur:
a) les types, les quantités et les origines des déchets à valoriser ou à éliminer;
b) les prescriptions techniques générales;
c) toutes les dispositions spéciales concernant des déchets particuliers;
d) les sites et installations appropriés pour l’élimination.
2. Les plans visés au paragraphe 1 peuvent, par exemple, inclure:
[...]
c) les mesures appropriées pour encourager la rationalisation de la collecte, du tri et du traitement des déchets.
3. Les États membres collaborent, le cas échéant, avec les autres États membres et la Commission, à l’établissement de ces plans. Ils les communiquent à la Commission.
[...]»
6 La directive 2006/12 a procédé, dans un souci de clarté et de rationalité, à une codification de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), cette dernière ayant été elle-même, par la suite, abrogée et remplacée par la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO L 312, p. 3). Les articles 4 et 5 de la directive 2006/12 ont été repris, en substance, aux articles 13, 16 et 36 de la directive 2008/98.
L’arrêt Commission/Italie
7 Dans l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), la Cour a accueilli un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, qui est devenu l’article 258 TFUE, et a constaté que, en n’ayant pas adopté, pour la région de Campanie, toutes les mesures nécessaires pour garantir que les déchets soient valorisés et éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, et en particulier en n’ayant pas établi un réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 5 de la directive 2006/12.
La procédure précontentieuse au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE
8 Dans le cadre du contrôle de l’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), le 23 mars 2010, les services de la Commission ont demandé aux autorités italiennes des informations sur les mesures prises aux fins de son exécution.
9 Le 3 juin 2010, les autorités italiennes ont adressé une note contenant le rapport portant sur les actions effectuées, ou en cours d’adoption, en vue de réaliser un réseau intégré d’installations d’élimination des déchets en Campanie.
10 Les 22 juillet et 8 novembre 2010, compte tenu des informations fournies, les services de la Commission ont exprimé de fortes réserves quant au caractère adéquat des mesures envisagées.
11 Le 19 janvier 2011, les autorités italiennes ont envoyé une copie du projet de plan régional de gestion des déchets solides urbains de la région de Campanie.
12 Le 24 janvier 2011, les services de la Commission ont de nouveau fait part de leurs préoccupations quant à l’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115).
13 Les 21 janvier, 14 février, 30 mars et 22 septembre 2011, de nombreux envois de versions actualisées du projet de plan de gestion des déchets se sont succédés.
14 Après avoir examiné toutes les informations fournies par les autorités italiennes, la Commission, estimant que la République italienne n’avait pas encore adopté toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), a, par lettre de mise en demeure du 30 septembre 2011, invité cet État membre à présenter, dans un délai de deux mois, ses observations à cet égard. Le 6 décembre 2011, ce délai a été prorogé et porté au 15 janvier 2012.
15 La République italienne a répondu à ladite lettre de mise en demeure par plusieurs communications et a adressé, par notes des 27 avril et 22 juin 2012, la documentation relative au projet de programme de mise en œuvre de la gestion de la période de transition allant de l’année 2012 à l’année 2016 préparée par la région de Campanie.
16 Le 24 juillet 2012, la Commission, estimant que ledit programme de mise en œuvre était incomplet, a demandé à la République italienne de le parfaire avant le 15 septembre 2012 et d’envoyer, à compter de cette date, des rapports trimestriels sur son exécution.
17 Les 17 décembre 2012 ainsi que 20 mars et 26 juin 2013, la République italienne a envoyé à la Commission des rapports trimestriels successifs concernant l’état d’avancement du programme pour la période de transition allant de l’année 2012 à l’année 2016.
18 Considérant qu’un problème structurel continuait d’exister et que la République italienne n’avait pas pris, dans le délai imparti, toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), la Commission a, le 10 décembre 2013, introduit le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
Sur la violation de l’article 4 de la directive 2006/12
19 La Commission rappelle que, entre le mois de juin 2010 et celui de mai 2011, de multiples problèmes de collecte des déchets en Campanie ont été signalés et se sont soldés par l’amoncellement, plusieurs jours durant, de tonnes de déchets sur les voies publiques de Naples (Italie) et d’autres villes de Campanie. L’accumulation de déchets sur la voie publique se serait également poursuivie au cours des mois de juin à août 2011.
20 Elle fait également valoir que, dans cette région, une grande quantité de déchets historiques se sont accumulés et doivent encore être «caractérisés» et éliminés. Il s’agirait d’environ six millions de tonnes d’«écoballes», dont l’élimination nécessitera vraisemblablement une période supérieure à dix ans.
21 Selon la République italienne, à l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, à savoir le 15 janvier 2012, il n’existait plus de risques pour la santé et pour l’environnement, de sorte qu’il n’y avait plus de violation des principes visés à l’article 4 de la directive 2006/12, puisque, à cette date, aucun déchet ne jonchait les voies publiques de la région de Campanie depuis des mois et les épisodes critiqués qui avaient eu lieu au milieu de l’année 2011 avaient eu un caractère ponctuel et ne se sont plus reproduits depuis.
22 Concernant la situation des «écoballes», la République italienne a reconnu, lors de l’audience, que leur élimination n’a pas encore eu lieu en raison des énormes problèmes administratifs, fonctionnels, voire politiques, que pose une activité d’une telle ampleur. Même si l’élimination des «écoballes» nécessitera probablement un délai d’environ quinze ans, elle affirme que ces déchets historiques sont stockés dans de bonnes conditions, sont constamment surveillés et que les responsables interviennent immédiatement, chaque fois que des risques possibles pour l’environnement ou pour la santé sont susceptibles de survenir.
Sur la violation de l’article 5 de la directive 2006/12
23 En se fondant sur les informations fournies par les autorités italiennes elles-mêmes, selon lesquelles, pour répondre aux besoins d’élimination des déchets urbains de la région de Campanie, il convient de développer trois types d’installations, à savoir les décharges, les thermovalorisateurs et les sites de traitement des déchets organiques, la Commission soutient, en substance, que, à la date de référence pour constater le manquement, dans cette région, les capacités de traitement des déchets manquantes par catégorie d’installation étaient de 1 829 000 tonnes s’agissant des décharges, de 1 190 000 tonnes en ce qui concerne les installations de thermovalorisation et de 382 500 tonnes pour les installations de traitement des déchets organiques.
24 S’agissant du principe d’autosuffisance, la Commission fait valoir que les tentatives de la République italienne de déplacer le débat de l’échelle régionale à l’échelle nationale sont inutiles puisque cette question a déjà été clarifiée dans l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115, points 61 à 69), selon lequel, compte tenu du choix de la République italienne de procéder à une gestion des déchets à l’échelle régionale, les régions doivent se doter, dans une mesure et pour une durée significative, d’infrastructures suffisantes pour couvrir leurs besoins en termes d’élimination des déchets. Si chaque région comptait sur la coopération des autres régions et sur celle de l’ensemble du système national d’élimination des déchets, le risque de crise de ce système s’accroîtrait.
25 En outre, d’une part, la production de déchets urbains de la région de Campanie constituerait 8,41 % de la production nationale, c’est-à-dire une part non négligeable de cette production, et, d’autre part, la population de ladite région représenterait environ 9 % de la population nationale.
26 La Commission souligne que, malgré les progrès réalisés en ce qui concerne la collecte différenciée et les installations de traitement des déchets organiques, à l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, des carences structurelles en termes d’installations d’élimination des déchets, indispensables en région de Campanie, persistaient.
27 De plus, bien que les transferts de déchets hors région aient permis à la République italienne d’éviter, dans la plupart des cas, la résurgence de nouvelles crises, cette institution estime que la République italienne n’a pas encore pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115).
28 S’agissant des critiques relatives aux décharges, aux thermovalorisateurs et aux installations de traitement des déchets organiques, la République italienne conteste les chiffres avancés par la Commission et fait observer que des progrès ont été réalisés dans tous ces secteurs, même si le système de traitement des déchets dans la région de Campanie n’est pas encore autosuffisant. C’est pour cette raison que les autorités italiennes auraient mis en œuvre un programme de mesures transitoires reposant sur la coopération interrégionale et transfrontalière, jusqu’à la mise en service de toutes les installations de gestion des déchets nécessaires prévue pour l’année 2016.
29 En ce qui concerne le respect du principe d’autosuffisance, la République italienne ne partage pas la lecture faite par la Commission de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) et fait valoir que cet arrêt ne peut être interprété en ce sens que les sources de droit pertinentes de l’Union doivent conduire à établir l’existence d’une sorte de principe d’«autosuffisance régionale».
30 En outre, à la date d’échéance prévue par la lettre de mise en demeure, il n’y avait plus, selon elle, de violation de ce principe, tel que défini à l’article 5 de la directive 2006/12, puisque la capacité nationale nécessaire à l’élimination et à la valorisation des déchets urbains mixtes avait été atteinte.
31 Cet État membre souligne, notamment, que, s’agissant de la collecte différenciée, celle-ci a évolué dans la région de Campanie de 41,5 %, pour l’année 2012, à 50 %, au mois de décembre 2013, alors que la moyenne européenne de collecte différenciée, pour l’année 2012, s’élevait à 34 %.
Appréciation de la Cour
32 À titre liminaire, il convient de rappeler que, le traité FUE ayant supprimé, dans la procédure en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, l’étape relative à l’émission d’un avis motivé, la date de référence pour apprécier l’existence d’un tel manquement est celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition (voir arrêt Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 45 et jurisprudence citée).
33 Dans la présente affaire, la Commission ayant émis la lettre de mise en demeure le 30 septembre 2011, la date de référence pour apprécier l’existence du manquement est celle de l’expiration, après prorogation par la Commission, du délai fixé dans cette lettre, à savoir le 15 janvier 2012.
34 Dans le cadre d’une telle procédure, il incombe à la Commission de fournir à la Cour les éléments nécessaires pour déterminer l’état d’exécution par un État membre d’un arrêt en manquement. Dès lors que la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître la persistance du manquement, il appartient à l’État membre concerné de contester de manière substantielle et détaillée les données présentées et leurs conséquences (voir arrêt Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 48 et jurisprudence citée).
35 En premier lieu, s’agissant des griefs de la Commission tirés du non-respect de l’article 4 de la directive 2006/12, il y a lieu de rappeler que, selon cet article, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement.
36 Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, l’obligation d’éliminer les déchets sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement fait partie des objectifs mêmes de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement, tel que cela résulte de l’article 191 TFUE. En particulier, l’absence de respect des obligations résultant de l’article 4 de la directive 2006/12 risque, par la nature même de ces obligations, de mettre directement en danger la santé de l’homme et de porter préjudice à l’environnement et doit, dès lors, être considérée comme particulièrement grave (voir en ce sens, notamment, arrêts Commission/Grèce, C‑387/97, EU:C:2000:356, point 94; Commission/France, C‑121/07, EU:C:2008:695, point 77, et Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 98).
37 En l’occurrence, il est établi que, ainsi que la République italienne l’a reconnu elle-même lors de l’audience, le problème de la «caractérisation» et de l’élimination des «écoballes», d’une quantité, non contestée par les parties, d’environ six millions de tonnes, n’était pas résolu à la date de référence pour constater le manquement, le 15 janvier 2012. De plus, il n’est pas contesté que l’élimination de ces déchets historiques nécessitera un délai d’environ quinze ans à partir de la date où les installations nécessaires à cet effet seront construites.
38 Or, il convient de rappeler, à cet égard, que les déchets ont une nature particulière, si bien que leur accumulation, avant même qu’ils ne deviennent dangereux pour la santé, constitue, compte tenu notamment de la capacité limitée de chaque région ou localité à les recevoir, un danger pour l’environnement (arrêt Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 105).
39 S’agissant de l’argumentation de la République italienne tirée des difficultés administratives, fonctionnelles, voire politiques, auxquelles elle aurait été confrontée pour l’élimination des déchets historiques en cause, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (voir arrêt Commission/Grèce, C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 29 et jurisprudence citée). Ladite argumentation ne saurait dès lors prospérer.
40 Il convient, en second lieu, d’examiner les griefs de la Commission tirés du non-respect de l’article 5 de la directive 2006/12, selon lequel le réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination établi par les États membres, en coopération avec d’autres États membres, «doit permettre à l’[Union] dans son ensemble d’assurer elle-même l’élimination de ses déchets et aux États membres de tendre individuellement vers ce but», en vertu du principe d’autosuffisance, ce réseau devant «permettre l’élimination des déchets dans l’une des installations appropriées les plus proches», selon le principe de proximité.
41 À cet égard, en ce qui concerne la situation des décharges, des thermovalorisateurs et des installations de traitement des déchets organiques, les chiffres avancés par la Commission portant sur les capacités prétendument manquantes sont contestés par la République italienne.
42 Toutefois, ainsi qu’il ressort des informations mises à disposition par la République italienne lors de l’audience, environ 22 % des déchets urbains non différenciés produits dans la région de Campanie étaient encore envoyés, au cours de l’année 2012, pour leur traitement et leur valorisation en dehors de cette région. Utilisant cette même source d’informations, la Commission considère que ce pourcentage est plutôt supérieur à 40 %, puisqu’elle prend également en compte la proportion de déchets organiques traités en dehors de ladite région, qui serait égale à 19,3 % pour l’année 2012.
43 Il est donc manifeste que, à la date de référence pour constater le manquement, le nombre d’installations ayant la capacité nécessaire pour le traitement des déchets urbains dans la région de Campanie était insuffisant, le traitement d’une partie importante desdits déchets étant dépendant de transferts interrégionaux et interétatiques.
44 Or, ainsi que la Cour l’a déjà souligné, lorsqu’un État membre a singulièrement fait le choix dans le cadre du ou de ses «plans de gestion des déchets», au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2006/12, d’organiser la couverture de son territoire sur une base régionale, il convient d’en déduire que chaque région dotée d’un plan régional devra assurer, en principe, le traitement et l’élimination de ses déchets au plus près du lieu de leur production. En effet, le principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, principe établi pour l’action de l’Union en matière d’environnement à l’article 191 TFUE, implique qu’il appartient à chaque région, commune ou autre entité locale de prendre les mesures appropriées afin d’assurer la réception, le traitement et l’élimination de ses propres déchets et que ceux-ci doivent donc être éliminés aussi près que possible du lieu de leur production, en vue de limiter leur transport autant que faire se peut (arrêt Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 67).
45 Dans un tel réseau national défini par l’État membre, si l’une des régions ne dispose pas, dans une mesure et sur une durée significatives, d’infrastructures suffisantes pour couvrir ses besoins en termes d’élimination des déchets, il peut être déduit que de telles insuffisances graves au niveau régional sont susceptibles d’affecter ledit réseau national d’installations d’élimination des déchets, lequel ne présentera plus le caractère intégré et adéquat requis par la directive 2006/12 et devant permettre à l’État membre concerné de tendre individuellement vers l’objectif d’autosuffisance tel que défini à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive (arrêt Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 68).
46 En l’espèce, il convient de rappeler que la République italienne a fait elle-même le choix d’une gestion des déchets à l’échelle de la région de Campanie en tant qu’«aire territoriale optimale». En effet, ainsi qu’il ressort de la loi régionale de 1993 et du plan régional de gestion des déchets de 1997, tel que modifié par celui de 2007, il a été décidé, afin d’atteindre une autosuffisance régionale, d’obliger les communes de la région de Campanie à remettre les déchets collectés sur leurs territoires respectifs au service régional, une telle obligation pouvant au demeurant se justifier par la nécessité de garantir un niveau d’activité indispensable à la viabilité des installations de traitement afin de préserver l’existence de capacités de traitement concourant à la réalisation du principe d’autosuffisance au niveau national (arrêt Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 69)
47 Or, une déficience importante dans la capacité de la région de Campanie à éliminer ses déchets, dont la production en déchets urbains représente plus de 8 % de la production nationale, est de nature à compromettre sérieusement la capacité de la République italienne à tendre vers l’objectif d’une autosuffisance nationale (voir arrêt Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 70).
48 En outre, la Cour a constaté récemment que de nombreux sites de décharge se trouvant dans la quasi-totalité des régions italiennes n’ont pas encore été mis en conformité avec les dispositions portant sur la gestion des déchets en cause (arrêt Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 93). Une telle constatation va à l’encontre de l’argument de la République italienne selon lequel le manque d’autosuffisance régionale en Campanie pourrait être compensé par des transferts interrégionaux des déchets.
49 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), dans lequel la Cour a déclaré que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 5 de la directive 2006/12, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
Sur les sanctions pécuniaires
Argumentation des parties
50 Compte tenu du manquement allégué, la Commission propose que la Cour impose à la République italienne tant une astreinte qu’une somme forfaitaire. Aux fins du calcul des montants des sanctions proposées, la Commission s’est fondée sur les principes de sa communication du 13 décembre 2005, intitulée «Mise en œuvre de l’article [260 TFUE]» [SEC(2005) 1658], telle que mise à jour par la communication de la Commission, du 31 août 2012, intitulée «Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice dans le cadre de procédures d’infraction» [C(2012) 6106 final].
51 En ce qui concerne la gravité de l’infraction, la Commission propose un coefficient égal à 8, applicable à la détermination tant de l’astreinte que de la somme forfaitaire, en soulignant l’importance des dispositions en question, en tant qu’instrument fondamental aux fins de la protection de la santé de l’homme et de l’environnement. À cet égard, elle rappelle la jurisprudence de la Cour en matière d’élimination des déchets où celle‑ci s’est prononcée sur l’importance de l’article 4 de la directive 75/442, qui est, en substance, identique à l’article 4 de la directive 2006/12, constatant que l’absence de respect de cet article devait être considérée comme particulièrement grave (voir, en ce sens, arrêt Commission/Grèce, C‑387/97, EU:C:2000:356, point 94).
52 La Commission rappelle les conditions de sécurité préoccupantes des sites de stockage des «écoballes» et souligne que la non-exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) entraîne un risque majeur de pollution avec de possibles répercussions sur la santé de l’homme. En effet, une gestion inadéquate des déchets pourrait faire naître un risque de pollution du milieu ambiant par les substances libérées dans le sol, dans l’air et dans l’eau, quel que soit l’élément entrant en contact avec les substances nocives, tels la faune, la flore, l’air, les eaux de surface et les eaux souterraines. La contamination de l’environnement pourrait avoir des répercussions négatives sur la santé de l’homme.
53 La Commission signale qu’il existe une jurisprudence consolidée en matière d’élimination des déchets et que les dispositions enfreintes ont, dès lors, une portée claire et univoque. Elle reconnaît, toutefois, que la situation s’est légèrement améliorée par rapport à celle constatée dans l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115).
54 En ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission rappelle qu’elle a décidé de saisir la Cour du présent recours le 20 juin 2013, soit 39 mois après le prononcé de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), le 4 mars 2010, ce qui justifierait l’application du coefficient maximal de 3.
55 S’agissant du coefficient de capacité de paiement, appelé facteur «n», la Commission rappelle que celui-ci a été fixé à 16,72 dans sa communication du 31 août 2012, ce taux étant applicable à la détermination tant de l’astreinte que de la somme forfaitaire.
56 Quant au montant de l’astreinte journalière, la Commission propose une somme totale de 256 819,20 euros, obtenue par la multiplication du montant forfaitaire de base uniforme, fixé à 640 euros, avec le coefficient de gravité de l’infraction qui est de 8, le coefficient de durée qui est de 3 et le facteur «n» fixé à 16,72.
57 La Commission propose, en outre, la division par trois du montant de 256 819,20 euros, pour chaque catégorie d’installation, ce qui aboutirait au montant par catégorie de 85 606,40 euros. Dès lors, la République italienne serait tenue de payer la somme de 85 606,40 euros jusqu’à ce que des décharges d’une capacité de 1 829 000 tonnes soient mises en service, celle de 85 606,40 euros jusqu’à ce que des installations de thermovalorisation d’une capacité annuelle de 1 190 000 tonnes soient mises en service ainsi que celle de 85 606,40 euros jusqu’à ce que des installations de valorisation des déchets organiques d’une capacité annuelle de 382 500 tonnes soient également mises en service.
58 La Commission propose, en outre, la dégressivité de l’astreinte, évaluée sur une base semestrielle, pour tenir compte des progrès éventuels accomplis par la République italienne. Cette méthode de calcul consisterait à payer, tous les six mois, l’astreinte journalière de 85 606,40 euros due pour chaque catégorie d’installation multipliée par le rapport entre la capacité que les autorités italiennes devront encore mettre en service et 100 % de la capacité prévue et par le nombre de jours compris dans le semestre. La Commission suggère de calculer l’astreinte sur une base semestrielle en vue de l’évolution constante de la situation des décharges illégales en Italie.
59 S’agissant du montant de la somme forfaitaire, la Commission propose un montant journalier de 28 089,60 euros, obtenu par la multiplication du montant de base de la somme forfaitaire de 210 euros par le coefficient de gravité de 8 et par le facteur «n» de 16,72, qui serait multiplié par le nombre de jours de persistance de l’infraction entre le jour du prononcé de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) et celui de l’arrêt rendu dans la présente affaire.
60 La République italienne conteste n’avoir pas donné exécution à l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) et estime, par conséquent, qu’il n’y a pas lieu d’appliquer de sanctions.
61 En tout état de cause, si la Cour devait constater le manquement, la République italienne considère que les sanctions proposées par la Commission sont excessives.
62 Ainsi, s’agissant de la gravité de l’infraction, le coefficient 8 proposé par la Commission ne tiendrait pas entièrement compte des trois circonstances atténuantes dont les conditions seraient réunies en l’occurrence, à savoir la collaboration entre l’État membre et la Commission, la réactivité des autorités au manquement et la complexité de la situation à redresser. Un coefficient égal à 3 serait dans ce cas plus approprié.
63 Cet État membre rappelle également que la Commission a reconnu elle‑même que la situation factuelle n’était pas restée inchangée par rapport à celle qui existait à la date du prononcé de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) et que des progrès avaient été accomplis.
64 En ce qui concerne la durée de l’infraction, la République italienne souligne que, à son avis, 39 mois ne représentent pas une durée excessive au regard d’une situation aussi complexe que celle qui est examinée. Par conséquent, cet État membre considère que le coefficient de durée de l’infraction, même dans le cas où il serait intégralement fait droit au recours de la Commission, ne peut être supérieur à 2.
Appréciation de la Cour
Observations liminaires
65 Il y a lieu de rappeler qu’il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union (voir arrêts Commission/Espagne, C‑184/11, EU:C:2014:316, point 58 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 86).
66 La Cour ayant constaté que la République italienne ne s’est pas conformée à son arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), elle peut, en application de l’article 260, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, infliger à cet État membre le paiement d’une somme forfaitaire et/ou d’une astreinte (voir arrêt Commission/Grèce, C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 33 et jurisprudence citée).
Sur l’astreinte
67 Selon une jurisprudence constante, l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour (arrêt Commission/Belgique, C‑533/11, EU:C:2013:659, point 64 et jurisprudence citée).
68 En l’occurrence, il ressort des informations fournies par la République italienne et par la Commission que, à la date de l’audience, les installations nécessaires pour le traitement, dont la durée est estimée à quinze ans, d’un volume de 6 millions de tonnes des déchets historiques, n’avaient pas encore été construites.
69 En outre, il ressort des informations fournies lors de l’audience que, au cours de l’année 2013, la dernière année pour laquelle des données officielles sont disponibles, sur le total des déchets urbains produits en région de Campanie, 18,9 % des déchets urbains non différenciés et 19,9 % des déchets organiques avaient été traités en dehors de cette région.
70 Compte tenu desdites données fournies par la République italienne et étant donné que celle-ci a fait le choix, dans le cadre de son plan de gestion des déchets pour la région de Campanie, d’organiser la valorisation et l’élimination des déchets sur une base régionale, il convient de constater que, même après la date de référence pour constater le manquement, à savoir le 15 janvier 2012, la région de Campanie ne disposait pas encore de la capacité nécessaire en termes d’installations de traitement pour éliminer et valoriser une partie importante des déchets urbains produits dans cette région. Dans cette perspective, l’argument de la République italienne selon lequel les chiffres avancés par la Commission concernant les capacités manquantes de différentes installations de traitement de déchets ne sont pas exacts ne saurait prospérer.
71 À la lumière de ces éléments, la Cour considère que la condamnation de la République italienne au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’assurer l’exécution complète de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) (voir, en ce sens, arrêt Commission/Grèce, C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 50 et jurisprudence citée).
72 S’agissant du montant et de la forme de cette astreinte, il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, conformément à une jurisprudence constante, de fixer l’astreinte de telle sorte que celle‑ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction constatée ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné. Les propositions de la Commission concernant l’astreinte ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. De même, des lignes directrices telles que celles contenues dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour. En effet, dans le cadre d’une procédure fondée sur l’article 260, paragraphe 2, TFUE, relative à un manquement qui persiste dans le chef d’un État membre nonobstant le fait que ce même manquement a déjà été constaté à l’occasion d’un premier arrêt rendu au titre de l’article 226 CE ou de l’article 258 TFUE, la Cour doit demeurer libre de fixer l’astreinte infligée au montant et sous la forme qu’elle considère adéquats pour inciter cet État membre à mettre fin à l’inexécution des obligations découlant de ce premier arrêt de la Cour (arrêts Commission/Grèce, C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 52, ainsi que Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 95 et jurisprudence citée).
73 Dans le cadre de l’appréciation de la Cour, les critères devant être pris en considération afin d’assurer la nature coercitive de l’astreinte en vue de l’application uniforme et effective du droit de l’Union sont, en principe, la durée de l’infraction, son degré de gravité et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, la Cour est appelée à tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts publics et privés en cause ainsi que de l’urgence qu’il y a à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations (voir arrêt Commission/Belgique, C‑533/11, EU:C:2013:659, point 69).
74 S’agissant du degré de gravité de l’infraction, il convient de retenir que, ainsi que l’admet expressément la Commission, la situation s’est légèrement améliorée par rapport à celle constatée dans l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) prononcé le 4 mars 2010. La Commission reconnaît ainsi que des progrès ont été réalisés, évoquant, notamment, la validation d’un plan régional de gestion des déchets par les autorités italiennes qui ont commencé à le mettre en œuvre.
75 Si la Cour avait ainsi constaté que, au 2 mars 2008, les déchets jonchant la voie publique dans cette région s’élevaient à 55 000 tonnes (arrêt Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 103), la Commission fait à présent uniquement état des épisodes plutôt isolés survenus durant quelques mois au cours des années 2010 et 2011, lorsque la quantité de déchets en attente de traitement jonchant la voie publique à Naples a oscillé entre 1 000 tonnes et 4 000 tonnes. Ces épisodes ne se seraient plus reproduits après l’année 2011, ce qui n’est pas contesté par la Commission.
76 Par ailleurs, tant les données fournies par la République italienne que celles communiquées par la Commission font état d’un taux de collecte différenciée supérieur à la moyenne européenne pour les années 2012 et 2013 en région de Campanie. Selon les éléments du dossier soumis à la Cour, cette évolution positive s’est poursuivie également au cours de l’année 2014. Il en résulte que des progrès importants ont été faits dans le domaine de la collecte différenciée.
77 Il ressort également dudit dossier que la République italienne a consenti des efforts d’investissements importants pour exécuter l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) et a coopéré avec la Commission au cours de la procédure.
78 Cela étant, d’une part, ainsi qu’il a été rappelé au point 36 du présent arrêt, l’absence de respect des obligations résultant de l’article 4 de la directive 2006/12 doit être considérée comme particulièrement grave. D’autre part, il est constant que la République italienne n’a pas encore entamé la construction de la plupart des installations nécessaires à l’établissement d’un réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination. En particulier, sur la base des informations communiquées lors de l’audience, une partie très importante des capacités nécessaires de traitement en décharge et des installations nécessaires pour le traitement de la fraction organique, telles que définies par la République italienne, n’a pas encore été mise en place. Aucune nouvelle installation de thermovalorisation n’a, en outre, été construite. Dans ces circonstances, force est de constater que l’infraction est particulièrement grave.
79 En ce qui concerne la durée de l’infraction, celle-ci doit être évaluée en ayant égard non pas à la date à laquelle la Cour est saisie par la Commission, mais à celle à laquelle la Cour apprécie les faits (voir arrêt Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 102 et jurisprudence citée).
80 En l’occurrence, ainsi qu’il découle des points 68 à 70 du présent arrêt, la République italienne n’a pas pu démontrer que le manquement constaté dans l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) a effectivement pris fin. Force est donc de constater que, dans la mesure où le manquement reproché à la République italienne a perduré plus de cinq ans, ce manquement a persisté pendant une période considérable.
81 En vue de déterminer la forme de l’astreinte imposée au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, il appartient à la Cour de prendre en compte divers facteurs liés tant à la nature du manquement concerné qu’aux circonstances de l’affaire en cause (arrêt Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 105).
82 S’agissant de la proposition de la Commission d’imposer une astreinte de nature dégressive, il convient de relever que, même si pour garantir l’exécution complète de l’arrêt de la Cour, l’astreinte doit être exigée dans son intégralité jusqu’à ce que l’État membre ait pris toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement constaté, dans certains cas spécifiques, toutefois, une sanction qui tient compte des progrès éventuellement réalisés par l’État membre dans l’exécution de ses obligations peut être envisagée (voir, en ce sens, arrêts Commission/Belgique, C‑533/11, EU:C:2013:659, points 73 et 74 ainsi que jurisprudence citée, et Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 106).
83 Dans les circonstances particulières de l’espèce et eu égard, notamment, aux informations fournies à la Cour par la République italienne et par la Commission, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de fixer une astreinte dégressive.
84 S’agissant de la périodicité de l’astreinte, il convient de déterminer l’astreinte sur une base journalière afin de permettre à cette institution d’apprécier l’état d’avancement des mesures d’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115) par rapport à la capacité de traitement des déchets estimée encore nécessaire par la Commission par catégorie d’installations au jour du prononcé du présent arrêt sur la base des données objectives mises à disposition par la République italienne à cette fin dans un délai de 30 jours après la date dudit prononcé.
85 Au vu de ces circonstances et compte tenu de la nécessité d’inciter l’État membre en cause à mettre fin au manquement reproché, la Cour estime opportun, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer une astreinte journalière de 120 000 euros. Ce montant est divisé en trois parties, chacune d’un montant journalier de 40 000 euros, calculées par catégorie d’installation (décharges, thermovalorisateurs et installations de traitement des déchets organiques).
86 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de condamner la République italienne à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une astreinte de 120 000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115).
Sur la somme forfaitaire
87 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire (voir arrêt Commission/Grèce, C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 71 et jurisprudence citée).
88 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant éventuel de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre de l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 260 TFUE qui confère à la Cour un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’infliction ou non d’une telle sanction et de déterminer, le cas échéant, son montant (voir arrêt Commission/Espagne, C‑184/11, EU:C:2014:316, point 60 et jurisprudence citée).
89 Dans ces circonstances, il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer le montant de cette somme forfaitaire de sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction commise (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 117 et jurisprudence citée).
90 Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité de l’infraction constatée et la période durant laquelle celle-ci a persisté depuis le prononcé de l’arrêt l’ayant constatée ainsi que la capacité de paiement de l’État membre en cause (voir arrêt Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 118 et jurisprudence citée).
91 Dans le présent litige, les circonstances devant être prises en compte ressortent, notamment, des considérations figurant aux points 68 à 70 et 74 à 80 du présent arrêt.
92 Il convient également de tenir compte du fait que, outre la présente affaire faisant suite au défaut d’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), la Cour a été saisie de plus de 20 affaires en matière de déchets ayant abouti à une constatation de manquement de cet État membre à ses obligations découlant du droit de l’Union (voir arrêt Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 115).
93 Or, une telle répétition de comportements infractionnels d’un État membre, dans un secteur spécifique de l’action de l’Union, constitue un indicateur de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire (voir arrêt Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 116 et jurisprudence citée).
94 La Cour considère que l’ensemble des éléments juridiques et factuels entourant le manquement constaté est de nature à requérir, en l’espèce, l’adoption d’une mesure dissuasive telle que l’imposition d’une somme forfaitaire (voir arrêt Commission/Belgique, C‑533/11, EU:C:2013:659, point 61 et jurisprudence citée).
95 Eu égard à ce qui précède, la Cour considère qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 20 millions euros le montant de la somme forfaitaire que la République italienne devra acquitter.
96 Il convient, par conséquent, de condamner la République italienne à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une somme forfaitaire de 20 millions euros.
Sur les dépens
97 En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:
1) En n’ayant pas pris toutes les mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
2) La République italienne est condamnée à payer à la Commission européenne, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une astreinte de 120 000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115).
3) La République italienne est condamnée à payer à la Commission européenne, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une somme forfaitaire de 20 millions d’euros.
4) La République italienne est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: l’italien.
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