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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> CX v Commission (Judgment) French Text [2015] EUECJ F-27/13 (18 June 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/F2713.html Cite as: ECLI:EU:F:2015:60, EU:F:2015:60, [2015] EUECJ F-27/13 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)
18 juin 2015 (*)
« Fonction publique – Procédure disciplinaire – Rôle et compétences respectifs du conseil de discipline et de l’AIPN – Sanction disciplinaire – Rétrogradation suivie d’une décision de promotion – Proportionnalité de la sanction »
Dans l’affaire F‑27/13,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
CX, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Enghien (Belgique), représenté par Me É. Boigelot, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme C. Ehrbar, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),
composé de MM. E. Perillo (rapporteur), faisant fonction de président, R. Barents et K. Bradley, juges,
greffier : M. P. Cullen, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 septembre 2014,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 27 mars 2013, CX demande en substance, d’une part, l’annulation de la décision du 5 juin 2012 par laquelle la Commission européenne lui a infligé la sanction de la rétrogradation du grade AD 9 au grade AD 8 et, d’autre part, la condamnation de la Commission à réparer les préjudices qu’il estime avoir subis.
Cadre juridique
2 Le cadre juridique est constitué de l’article 11, premier alinéa, des articles 12, 12 ter, 13 et 17 bis, paragraphe 2, de l’article 21, premier alinéa, et de l’article 86 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), ainsi que des articles 3, 4 et 9, paragraphe 1, sous f), des articles 10 et 13, paragraphe 3, de l’article 16, paragraphe 1, et des articles 18 et 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut.
Faits à l’origine du litige
3 Le requérant est entré au service de la Commission en qualité de fonctionnaire stagiaire de grade A 8 le 1er septembre 1996. Il a occupé différents postes d’administrateur dans le domaine de la communication et était affecté, en dernier lieu, à la direction générale (DG) « Communication », direction « Citoyens », au sein de l’unité « Information des citoyens et communication interne », en tant que fonctionnaire de grade AD 9.
4 Le 20 novembre 2008, le directeur général de la DG « Communication » a adressé une note au directeur général du personnel et de l’administration en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), expliquant qu’il avait reçu de Mme V., recteur de l’université Athenaeum de Bucarest (Roumanie), un « dossier » mettant en cause les activités du requérant dans le cadre d’un contrat conclu en 2007 entre l’université et la société Euro MC2 S.P.R.L. (ci-après la « société Euro MC2 »), société détenue par l’épouse du requérant et le frère de cette dernière (ci-après le « contrat conclu entre la société Euro MC2 et l’université Athenaeum »). Le directeur général de la DG « Communication » précisait qu’il lui semblait que les éléments dudit dossier laissaient penser que le requérant exerçait des activités extérieures sans autorisation et contraires aux dispositions du statut. Il demandait par conséquent l’ouverture d’une enquête administrative de l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC).
5 À la demande de l’AIPN, l’IDOC a conduit une enquête administrative, au cours de laquelle il a entendu le requérant le 16 juin 2009 et lui a transmis ses conclusions le 27 octobre 2009, avant la finalisation du rapport d’enquête.
6 Le 13 novembre 2009, l’IDOC a remis son rapport d’enquête à l’AIPN (ci-après le « rapport d’enquête de l’IDOC »), concluant à l’existence, prima facie, d’activités professionnelles extérieures non autorisées, d’absences irrégulières pendant lesquelles le requérant aurait, dans certains cas, exercé de telles activités, d’une publication sans autorisation et d’un conflit d’intérêts. Le rapport d’enquête de l’IDOC recommandait de procéder à une audition du requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut.
7 Le 16 décembre 2009, l’IDOC a procédé à l’audition du requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, au cours de laquelle celui-ci a confirmé avoir transmis avec retard certaines pièces justificatives de ses absences et donné, sans autorisation préalable, des conseils informels non rémunérés dans le cadre d’une campagne présidentielle se déroulant dans un État membre de l’Union ainsi que deux interviews à la radio et un séminaire à Bruxelles (Belgique) le 28 novembre 2008. En revanche, le requérant a contesté les autres faits qui lui étaient reprochés et notamment l’exercice d’activités au nom ou pour le compte des sociétés de son épouse, en particulier la société Euro MC2.
8 Le 21 mai 2010, l’AIPN a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant.
9 Le 6 juillet 2010, l’AIPN a remis un rapport au conseil de discipline, au titre de l’article 12 de l’annexe IX du statut, proposant d’infliger au requérant la sanction de la rétrogradation (ci-après le « rapport du 6 juillet 2010 »).
10 L’audition du requérant devant le conseil de discipline a eu lieu le 8 septembre 2010.
11 Le 29 septembre 2010, le conseil de discipline a rendu un avis (ci-après l’« avis du conseil de discipline » ou le « premier avis du conseil de discipline ») dans lequel il « constat[ait] qu’il [était] avéré que [le requérant] a[vait] violé […] les articles 12 ter, 13, 17 bis, paragraphe 2, [et les articles] 59 et 60 du [s]tatut […] » et que « ces agissements, pris isolément, n’auraient sans doute pas – et, du reste, n’[avaie]nt pas – donné lieu à l’ouverture de procédures disciplinaires ». Le conseil de discipline indiquait dans son avis que « [néanmoins] l’ensemble de ces agissements, seraient-ils isolés ou anciens, [devaient] être considérés comme révélateurs d’un comportement plus global […] constitu[tif] [d’]une infraction à l’obligation fondamentale [prévue par] l’article 11 du [s]tatut […] [de] ‘régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts [de l’Union]’ ».
12 Dans cet avis, le conseil de discipline a, en revanche, considéré qu’il n’était pas démontré à suffisance de droit que le contrat conclu entre la société Euro MC2 et l’université Athenaeum ainsi qu’un autre contrat conclu entre cette même société et la société SC Millenium Comtur S.R.L. (ci-après la « société Millenium Comtur ») le 1er février 2008 (ci-après le « contrat conclu entre la société Euro MC2 et la société Millenium Comtur ») avaient été signés de la main du requérant. En outre, selon le conseil de discipline, le dossier ne permettait pas non plus de conclure que les courriels transmis à l’université Athenaeum depuis la messagerie électronique de la société Euro MC2 avaient effectivement été envoyés par le requérant ni que le requérant lui-même avait exercé des activités au nom ou pour le compte des sociétés créées par son épouse. Le conseil de discipline a donc « observ[é] que les griefs les plus graves […] n’[avaie]nt pas été démontrés à suffisance de droit [et que] la sanction de rétrogradation permanente proposée [aurait été] disproportionnée par rapport aux faits effectivement avérés ».
13 Enfin, selon le conseil de discipline, le caractère fondamental de l’obligation prévue par l’article 11 du statut justifiait néanmoins qu’une sanction « conséquente » soit infligée au requérant, mais, compte tenu de sa situation personnelle et familiale, il n’y avait pas lieu de recommander une sanction qui « affecte[rait le requérant] de manière directe […] dans ses intérêts pécuniaires ».
14 Le conseil de discipline a donc conclu, à l’unanimité, qu’il convenait d’infliger au requérant la sanction de la suspension d’avancement d’échelon pendant douze mois. En outre, il a recommandé que le requérant suive à bref délai « une formation spécifique relative à la déontologie et l’éthique du service public de l’Union européenne ».
15 Le 7 juin 2011, l’AIPN a remis un rapport complémentaire au conseil de discipline au titre de l’article 12 de l’annexe IX du statut (ci-après le « rapport du 7 juin 2011 »), afin de lui soumettre des éléments d’information complémentaires portant sur la signature du contrat conclu entre la société Euro MC2 et l’université Athenaeum et celle du contrat conclu entre la société Euro MC2 et la société Millenium Comtur.
16 Après avoir entendu l’AIPN et le requérant le 14 juillet 2011, le conseil de discipline a rendu à l’unanimité, le 20 juillet 2011, un avis complémentaire (ci-après l’« avis complémentaire du conseil de discipline ») maintenant intégralement les constatations et conclusions qu’il avait faites dans son premier avis, estimant n’avoir été saisi d’aucun élément nouveau justifiant une modification de ce dernier.
17 Le 21 novembre 2011, l’IDOC a transmis au conseil de discipline le résultat de vérifications complémentaires effectuées à la demande de l’AIPN à la suite de l’audition du 14 juillet 2011, notamment les procès-verbaux des auditions de deux témoins, Mme R. et Mme V., tenues le 25 octobre 2011.
18 Le 28 novembre 2011, le conseil de discipline a précisé, en réponse à la note du 21 novembre 2011, n’avoir aucun commentaire à formuler (ci-après la « note du 28 novembre 2011 »).
19 Le 15 février 2012, le requérant a été entendu par l’AIPN tripartite composée du directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité », du directeur général de la DG « Communication » et du directeur général adjoint de la DG « Agriculture et développement rural ». Le requérant indique que l’audition s’est déroulée en l’absence de son avocat, lequel aurait été empêché.
20 Par décision du 5 juin 2012, l’AIPN a infligé au requérant la sanction de la rétrogradation du grade AD 9 au grade AD 8, avec effet au 1er juillet 2012 (ci-après la « décision attaquée »).
21 Dans la décision attaquée, l’AIPN a relevé qu’il existait « des indices concordants de l’exercice d’activités extérieures non autorisées pour le compte de la société Euro MC2, mais [elle a] constat[é] que ces éléments n’[avaient] pas conduit le [c]onseil de discipline à conclure à l’existence de preuves suffisantes de la signature par [le requérant] du contrat avec la société Euro MC2 ».
22 L’AIPN a conclu que le requérant avait, premièrement, été absent de manière irrégulière ; deuxièmement, exercé des activités extérieures sans autorisation préalable en intervenant à deux séminaires ; troisièmement, publié un article sans information préalable ; quatrièmement, omis de déclarer les activités de son épouse ; cinquièmement, pris le risque de porter atteinte à l’image et à la réputation de la Commission en prenant des initiatives en relation avec des personnalités publiques d’un État membre ; sixièmement, adopté un comportement global contraire au devoir de loyauté. L’AIPN a donc estimé que le requérant avait manqué aux obligations prévues par les articles 11, 12, 12 ter, 13 et 17 bis, paragraphe 2, et les articles 59 et 60 du statut.
23 Par décision du 25 juillet 2012, le directeur de la direction B de la DG « Ressources humaines et sécurité », en sa qualité d’AIPN, a promu le requérant au grade AD 10, dans le cadre de l’exercice de promotion de l’année 2010, avec effet rétroactif au 1er janvier 2010. La note accompagnant la décision du 25 juillet 2012 précisait qu’il « s’agi[ssai]t d’une promotion rétroactive purement technique qui n’a[vait] aucune influence sur la sanction disciplinaire […] et que [le requérant était] donc bien classé au niveau AD 8 depuis le 1er juillet 2012 ».
24 Le 3 septembre 2012, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.
25 Le 17 décembre 2012, l’AIPN a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
Conclusions des parties
26 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– annuler la décision de rejet de la réclamation ;
– condamner la Commission « au paiement, [à] titre d’indemnité pour préjudice moral et matériel et atteinte à la carrière du requérant, provisoirement évalué[e] à un [e]uro provisionnel sur un montant évalué, sous réserve d’augmentation ou de diminution en cours d’instance, à 20 000 [euros], sous réserve de majoration ou de diminution en cours de procédure » ;
– condamner la Commission aux dépens.
27 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
1. Sur l’objet du recours
28 Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8). En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation confirme en tout point la décision attaquée. Le deuxième chef de conclusions se confond donc avec le premier.
2. Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée
29 À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève six moyens, tirés, en substance :
– le premier, de la violation de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut ;
– le deuxième, du non-respect des prérogatives du conseil de discipline et de la procédure disciplinaire, de la violation des droits de la défense, du principe du contradictoire et de l’obligation de motivation ;
– le troisième, du non-respect d’un délai raisonnable et de l’erreur manifeste d’appréciation ;
– le quatrième, de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut et des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de confiance légitime, ainsi que de l’erreur manifeste d’appréciation ;
– le cinquième, de la violation du principe de sollicitude ;
– le sixième, du non-respect des règles en matière d’accès aux documents.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut
Arguments des parties
30 Le requérant soutient, premièrement, que l’AIPN n’a pas respecté le délai de deux mois prévu par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, la décision attaquée ayant été adoptée le 5 juin 2012, soit dix mois et demi après l’adoption, le 20 juillet 2011, de l’avis complémentaire du conseil de discipline. Même si le délai de deux mois n’est pas impératif, l’AIPN n’aurait pas respecté un délai raisonnable et aurait violé le principe de bonne administration.
31 La note du 28 novembre 2011 ne constituerait pas un « avis » du conseil de discipline au sens de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut. Même si cette note devait être prise en compte, plus de six mois se sont écoulés entre son adoption et celle de la décision attaquée, ce qui constituerait en toute hypothèse une violation du délai de deux mois prévu par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut.
32 Entre le 20 juillet 2011 et le 5 juin 2012, l’AIPN n’aurait fait qu’auditionner à nouveau deux témoins, le 25 octobre 2011. Ces auditions ne seraient qu’un acte de procédure auquel l’AIPN aurait, de surcroît, pu procéder beaucoup plus tôt.
33 Le requérant fait valoir, deuxièmement, que, si l’AIPN estimait que les deux auditions du 25 octobre 2011 révélaient des faits nouveaux, elle aurait dû rouvrir la procédure disciplinaire par le dépôt d’un nouveau rapport. En s’abstenant de rouvrir la procédure disciplinaire, la Commission aurait violé les droits de la défense du requérant, ces deux témoignages étant le principal élément de preuve sur lequel l’AIPN se serait basée pour estimer que le requérant avait participé aux activités de la société Euro MC2, et ce sans que le conseil de discipline ait été saisi de ces faits.
34 Troisièmement, dans sa réplique, le requérant soutient que l’audition de ces deux témoins aurait violé ses droits de la défense, dans la mesure où il n’a été ni informé de ces auditions ni invité à y participer ou à formuler des questions. Il conteste également la validité des deux témoignages, estimant qu’ils ont été recueillis dans des conditions irrégulières et qu’ils constituent un détournement de pouvoir.
35 Enfin, quatrièmement, le requérant estime qu’en ne respectant pas le délai prévu par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut la Commission a également commis une erreur manifeste d’appréciation et violé le devoir de sollicitude et les principes de sécurité juridique et de confiance légitime.
36 La Commission conclut au rejet du premier moyen.
Appréciation du Tribunal
37 Il convient en premier lieu de relever qu’il est constant que le délai prévu par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, aux termes duquel l’AIPN prend sa décision dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline, n’a pas été respecté en l’espèce. En effet, même à supposer, pour les seuls besoins du raisonnement, que la note du 28 novembre 2011 puisse constituer un « avis du conseil [de discipline] » au sens de cette disposition, force est de constater que la décision attaquée n’a été adoptée que plus de six mois plus tard, le 5 juin 2012.
38 Ceci étant, il est de jurisprudence constante que le délai prévu par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut n’est pas un délai péremptoire. À cet égard, la jurisprudence précise que cette disposition énonce une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des fonctionnaires, un retard injustifié dans l’adoption de la décision qui met fin à la procédure disciplinaire. Il en découle que les autorités disciplinaires ont l’obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent. Le non-respect de ce délai, qui ne peut être apprécié qu’en fonction des circonstances particulières de l’affaire, peut entraîner l’annulation de l’acte pris hors délai (arrêt François/Commission, T‑307/01, EU:T:2004:180, point 47, et la jurisprudence citée), notamment en cas de violation des droits de la défense (voir arrêt N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 125).
39 Il convient de rappeler qu’en l’espèce, pour étayer certains éléments de fait que le conseil de discipline avait considérés comme non établis dans son premier avis, l’AIPN lui a soumis, par le rapport du 7 juin 2011, des éléments d’information complémentaires portant notamment sur la signature du contrat conclu entre la société Euro MC2 et l’université Athenaeum et celle du contrat conclu entre la société Euro MC2 et la société Millenium Comtur. Le conseil de discipline ayant, dans son avis complémentaire, intégralement maintenu son premier avis, l’AIPN a estimé nécessaire de procéder à des vérifications ultérieures en faisant auditionner à nouveau deux témoins, Mme R. et Mme V., le 25 octobre 2011. Le 21 novembre 2011, l’IDOC a transmis au conseil de discipline le procès-verbal des auditions de Mme R. et de Mme V. ainsi que les observations écrites du requérant au sujet de ces auditions. Le conseil de discipline a répondu à l’AIPN par la note du 28 novembre 2011. Il s’agit donc d’un ensemble de mesures que l’AIPN a adoptées afin de mener, avec toute la diligence requise, la procédure disciplinaire en question.
40 Par ailleurs, il convient d’observer, comme l’indique la Commission, que le requérant a lui-même contribué au délai qui s’est écoulé entre l’avis complémentaire du conseil de discipline et la décision attaquée. En effet, lors de la seconde audition devant le conseil de discipline, il s’est prévalu d’éléments dont il disposait dès la première audition, concernant notamment la date de la signature du contrat conclu entre la société Euro MC2 et l’université Athenaeum. Il a, par ailleurs, demandé un report de l’audition devant l’AIPN tripartite en raison de ses congés annuels, de sorte que cette audition, initialement prévue le 27 janvier 2012, a eu lieu le 15 février 2012.
41 Il ressort de tout ce qui précède que les vérifications effectuées par l’AIPN étaient justifiées au vu des éléments du dossier et que, dans les circonstances particulières de la présente affaire, la décision attaquée a été adoptée dans un délai raisonnable, que ce soit à compter de la note du 28 novembre 2011 ou de l’avis complémentaire du conseil de discipline.
42 En deuxième lieu, le grief tiré de l’absence de réouverture de la procédure disciplinaire et de la méconnaissance des droits de la défense ne saurait être accueilli. En effet, le requérant n’est pas parvenu à démontrer l’existence de faits nouveaux substantiels de nature à exiger une réouverture de la procédure disciplinaire (voir, en ce sens, arrêt D/Commission, T‑549/93, EU:T:1995:15, point 49). Comme l’a d’ailleurs indiqué la Commission, l’AIPN a demandé une nouvelle audition de deux témoins uniquement afin de vérifier un élément factuel qui avait été contesté lors de la saisine complémentaire du conseil de discipline. En outre, l’IDOC, qui a procédé à cette vérification ultérieure à la demande de l’AIPN, en a transmis le résultat au conseil de discipline, à savoir le procès-verbal des auditions de Mme R. et de Mme V. ainsi que les observations écrites du requérant sur ce procès-verbal, et lui a demandé de réagir à ces informations s’il l’estimait opportun à la lumière de ses précédents avis. Dans la note du 28 novembre 2011, le conseil de discipline n’a pas souhaité donner suite à cette invitation.
43 En troisième lieu, le grief par lequel le requérant conteste la validité des deux témoignages, estimant qu’ils ont été recueillis dans des conditions irrégulières, sans qu’il en soit informé ni qu’il ait été invité à participer à ces auditions et qu’ils constituent un détournement de pouvoir, n’a été soulevé, dans le cadre du présent moyen, qu’au stade de la réplique. Il ne se fonde pas sur des éléments nouveaux et ne constitue pas une ampliation de ce moyen. Il doit, dès lors, être déclaré irrecevable en application de l’article 43 du règlement de procédure dans sa version en vigueur à la date du dépôt du mémoire en réplique.
44 En tout état de cause, il convient de souligner, d’abord, que le requérant n’apporte aucun élément tendant à démontrer l’existence d’un détournement de pouvoir. Ensuite, il convient de rappeler que la décision attaquée repose sur une série d’indices concernant la participation du requérant aux activités de la société Euro MC2 en lien avec l’université Athenaeum et non pas uniquement sur les témoignages de Mme V. et de Mme R. lors des auditions du 25 octobre 2011.
45 En quatrième et dernier lieu, les griefs invoqués dans le cadre du premier moyen et tirés de l’erreur manifeste d’appréciation, de la violation du principe de sécurité juridique, du devoir de sollicitude et de la confiance légitime ne sont assortis d’aucun développement et doivent donc être rejetés comme non conformes aux prescriptions de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure en vigueur à la date du dépôt du présent recours.
46 Il découle de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen.
Sur le deuxième moyen, tiré du non-respect des prérogatives du conseil de discipline et de la procédure disciplinaire, de la violation des droits de la défense, du principe du contradictoire et de l’obligation de motivation
47 Le Tribunal considère que le deuxième moyen comporte, en substance, deux branches, tirées, l’une, du non-respect par l’AIPN du caractère contraignant de l’avis du conseil de discipline quant à la matérialité des faits et, l’autre, du non-respect de la procédure disciplinaire en raison de l’ajout d’une incrimination postérieurement à l’adoption de l’avis du conseil de discipline.
Sur la première branche du deuxième moyen, tirée du non-respect par l’AIPN du caractère contraignant de l’avis du conseil de discipline quant à la matérialité des faits
– Arguments des parties
48 Le requérant soutient qu’il ressort clairement de la jurisprudence que « l’avis […] du [c]onseil de [d]iscipline a un caractère contraignant » en ce qui concerne les faits : l’AIPN ne pourrait pas considérer un fait établi lorsque le conseil de discipline a estimé qu’il ne l’était pas. Le requérant considère qu’une telle solution traduit le principe de la séparation des compétences de poursuite et d’établissement des faits. À défaut, seraient vidés de sens la procédure prévue par l’annexe IX du statut et les droits qui en découlent pour le fonctionnaire concerné, tout particulièrement lorsque la sanction infligée est aussi grave qu’en l’espèce.
49 Par ailleurs, les points 125 et 187 du « Manuel de l’[IDOC] » du 15 juillet 2006 (ci-après le « manuel de l’IDOC ») expriment clairement cette position et permettraient donc d’établir l’existence d’obligations particulières pesant en ce sens sur la Commission.
50 En toute hypothèse, l’AIPN aurait, dans le rapport du 6 juillet 2010, confié définitivement au conseil de discipline la tâche d’établir la réalité des faits en précisant qu’elle « propos[ait] au conseil de discipline d’infliger une sanction portant rétrogradation [au requérant] s’il conclu[ait] à la réalité des faits incriminés ».
51 Or, dans son premier avis, le conseil de discipline aurait considéré que plusieurs éléments de fait n’avaient pas été démontrés à suffisance de droit, alors que, dans la décision attaquée, l’AIPN aurait, à l’inverse, considéré de tels faits comme établis. En se fondant sur des faits non établis, l’AIPN aurait donc commis une erreur manifeste d’appréciation.
52 La Commission conclut au rejet de la première branche du deuxième moyen.
– Appréciation du Tribunal
53 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, l’AIPN a effectivement considéré que certains faits, concernant en substance le rôle du requérant dans les activités de la société Euro MC2, étaient établis, alors que le conseil de discipline, après avoir examiné les mêmes circonstances factuelles, n’était pas parvenu à cette même conclusion. Il convient dès lors de vérifier si la décision attaquée est, de ce fait, entachée d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation.
54 À cet égard, il y a lieu de constater qu’aucune disposition du statut ne prévoit que l’avis du conseil de discipline soit contraignant pour l’AIPN quant à la réalité des faits incriminés. Il découle, au contraire, d’une lecture combinée des articles 18 et 25 de l’annexe IX du statut que l’avis du conseil de discipline, qui est un organe de caractère consultatif, ne lie pas l’AIPN à cet égard (voir, en ce sens, arrêt F./Commission, 228/83, EU:C:1985:28, point 16, et ordonnance Di Rocco/CES, T‑8/92, EU:T:1992:122, point 28).
55 En effet, aux termes de l’article 18 de l’annexe IX du statut, le conseil de discipline « émet à la majorité un avis motivé quant à la réalité des faits incriminés et, le cas échéant, quant à la sanction que les faits reprochés devraient selon lui entraîner », chaque membre du conseil pouvant « joindre à l’avis une opinion divergente ». Cette disposition ne prévoit pas que l’avis du conseil de discipline soit un avis conforme.
56 En revanche, l’article 25 de l’annexe IX du statut prévoit explicitement que, « [l]orsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive ». Il découle de cette disposition, qui consacre le principe selon lequel « le pénal tient le disciplinaire en l’état », que l’AIPN est en droit de se fonder sur des constatations factuelles opérées dans une décision pénale devenue définitive, même si le fonctionnaire en question conteste la matérialité de ces faits au cours de la procédure disciplinaire (arrêt Stevens/Commission, T‑277/01, EU:T:2002:302, point 76). Autrement dit, le législateur a entendu restreindre les pouvoirs de l’AIPN quant à l’appréciation de la réalité des faits faisant l’objet d’une procédure disciplinaire dans le cas précis où des poursuites pénales sont engagées parallèlement pour les mêmes faits. En revanche, il n’a pas prévu que l’AIPN ne pourrait pas s’écarter de tout ou partie de l’avis du conseil de discipline.
57 Comme le souligne à juste titre la Commission, le conseil de discipline n’est pas pour autant privé de sa fonction essentielle d’organe consultatif et le fonctionnaire concerné bénéficie d’une garantie fondamentale puisque l’AIPN a l’obligation de motiver tout choix de s’écarter de l’avis du conseil de discipline, y compris en matière d’appréciation des faits.
58 En conclusion, l’AIPN peut donc examiner et apprécier les faits faisant l’objet d’une procédure disciplinaire en des termes différents de ceux figurant dans l’avis du conseil de discipline, à condition de motiver de manière circonstanciée sa décision à cet égard (arrêt Bedin/Commission, F‑128/14, EU:F:2015:51, point 30).
59 Or, aucun des arguments avancés par le requérant ne permet d’infirmer cette conclusion.
60 En effet, premièrement, les arrêts cités par le requérant (arrêts D/Commission, EU:T:1995:15, points 48 et 49, et Tzoanos/Commission, T‑74/96, EU:T:1998:58, point 58) ne sont pas pertinents puisqu’ils concernent des cas où des faits nouveaux avaient été mis en lumière postérieurement à la saisine du conseil de discipline. Ils ne concernent pas l’hypothèse où, à périmètre de saisine du conseil de discipline constant, l’AIPN considère comme démontrés des faits que le conseil de discipline n’estime pas suffisamment établis.
61 Deuxièmement, le manuel de l’IDOC n’est, selon ses propres termes, destiné qu’« à faciliter la compréhension et l’application des règles en matière disciplinaire[, s]eul le libellé des textes juridiques publiés fai[sant] foi ». En toute hypothèse, ce texte ne saurait contredire les dispositions du statut précitées.
62 Enfin, en ce qui concerne l’existence d’une motivation circonstanciée par l’AIPN quant aux faits qu’elle considère pertinents afin d’établir la violation, de la part du requérant, de ses obligations statutaires, force est de constater que, dans la décision attaquée, l’AIPN a relevé, ainsi qu’il a été dit au point 21 du présent arrêt, qu’il existait « des indices concordants de l’exercice d’activités extérieures non autorisées pour le compte de la société Euro MC2, mais [elle a] constat[é] que ces éléments n’[avaient] pas conduit le [c]onseil de discipline à conclure à l’existence de preuves suffisantes de la signature par [le requérant] du contrat avec la société Euro MC2 ».
63 Il découle de tout ce qui précède que l’AIPN était en droit de s’écarter, dans la décision attaquée, de l’appréciation des faits figurant dans le premier avis et dans l’avis complémentaire du conseil de discipline et qu’il y a lieu, dès lors, de rejeter la première branche du deuxième moyen.
Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée du non-respect de la procédure disciplinaire en raison de l’ajout d’une incrimination postérieurement à l’adoption de l’avis du conseil de discipline
– Arguments des parties
64 Le requérant soutient que l’AIPN a ajouté une incrimination postérieurement à l’adoption des avis du conseil de discipline, en violation du principe de séparation des compétences entre l’AIPN et le conseil de discipline. En effet, ni le rapport de l’AIPN du 6 juillet 2010 ni celui du 7 juin 2011 ne reprocheraient au requérant d’avoir violé l’article 11 du statut, alors que ce grief figure dans la décision attaquée.
65 Or, selon le point 165 du manuel de l’IDOC, le rapport de l’AIPN portant saisine du conseil de discipline doit préciser les faits qui sont reprochés au fonctionnaire et les qualifier juridiquement, en indiquant clairement quel manquement à la règle est reproché. Ceci relève, selon le requérant, du respect du contradictoire et des droits de la défense.
66 Le requérant souligne enfin qu’est dépourvu de toute pertinence le fait que le conseil de discipline ait, de sa propre initiative, ajouté le manquement à l’article 11 du statut. En requalifiant les faits qui lui étaient soumis, le conseil de discipline aurait, en effet, excédé sa compétence. Le requérant n’a, de surcroît, pas pu prendre position devant le conseil de discipline sur la violation de l’article 11 du statut, en violation de ses droits de la défense.
67 La Commission conclut au rejet de la seconde branche du deuxième moyen.
– Appréciation du Tribunal
68 Il y a lieu tout d’abord de relever que le requérant n’a pas évoqué dans sa réclamation le grief tiré du non-respect de la procédure disciplinaire en raison de l’ajout d’une incrimination postérieurement à l’adoption de l’avis du conseil de discipline. Il a uniquement noté que « l’AIPN [avait] tent[é] […] [d’]introduire de nouveaux [faits] qui n’[avaient] pas été soumis [au conseil de discipline] ou qu[e ce dernier] a[vait] écartés ».
69 Il y a donc lieu d’écarter la seconde branche du deuxième moyen comme irrecevable en raison du non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête (voir, en ce sens, arrêt Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 à 79).
70 En toute hypothèse, il convient de constater que l’argumentation du requérant manque en fait. En effet, dans son rapport au conseil de discipline du 6 juillet 2010, l’AIPN a précisé que les agissements du requérant pouvaient, prima facie, constituer des violations de plusieurs articles du statut, parmi lesquels figurait expressément l’article 11.
71 À titre surabondant, le Tribunal note également que le requérant a reçu l’avis du conseil de discipline, dans lequel ce dernier faisait état d’un comportement global du requérant susceptible d’enfreindre l’article 11 du statut, et que le requérant a été par la suite entendu par l’AIPN, y compris en ses observations sur cet aspect dudit avis.
72 La seconde branche du deuxième moyen doit, dès lors, être rejetée comme irrecevable et, en toute hypothèse, comme non fondée.
73 Partant, le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.
Sur le troisième moyen, tiré du non-respect d’un délai raisonnable et de l’erreur manifeste d’appréciation
Arguments des parties
74 La première branche du troisième moyen est tirée du non-respect d’un délai raisonnable, le requérant soulignant que l’ensemble de la procédure disciplinaire a duré plus de trois ans et demi et que cette durée serait due uniquement à l’« acharnement » de l’AIPN, l’enquête administrative ayant été menée à charge et de manière partiale.
75 Dans la seconde branche du présent moyen, le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation : l’AIPN aurait jugé crédibles trois témoins, à savoir Mme V., Mme R. et M. N., alors que le requérant aurait démontré qu’ils avaient menti à plusieurs reprises. La décision attaquée reposerait essentiellement sur leurs témoignages. Le requérant avance une série d’arguments tendant à décrédibiliser les trois témoins.
76 La Commission conclut au rejet du troisième moyen.
Appréciation du Tribunal
77 En premier lieu, il convient de rappeler qu’il découle du principe de bonne administration que les autorités disciplinaires ont l’obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent. La durée déraisonnable d’une procédure disciplinaire peut résulter tant de la conduite des enquêtes administratives préalables que de la procédure disciplinaire en tant que telle. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes (voir arrêt A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, EU:F:2010:2, points 390 à 393).
78 À la lumière de ces principes, il convient de vérifier si, en l’espèce, la procédure disciplinaire a été conduite dans un délai raisonnable.
79 Il y a lieu de rappeler que le rapport d’enquête de l’IDOC a été remis à l’AIPN le 13 novembre 2009. Le 16 décembre 2009, l’IDOC a entendu le requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut et, le 21 mai 2010, l’AIPN a décidé d’ouvrir la procédure disciplinaire. Le 6 juillet 2010, l’AIPN a remis son rapport au conseil de discipline. Le 29 septembre 2010, le conseil de discipline a rendu son premier avis, lequel a été suivi, après complément d’enquête, du rapport du 7 juin 2011 et de l’avis complémentaire du conseil de discipline le 20 juillet 2011. Le 21 novembre 2011, l’IDOC a transmis au conseil de discipline le résultat de vérifications complémentaires. Le requérant a été entendu par l’AIPN tripartite le 15 février 2012 et la décision attaquée a été rendue le 5 juin 2012.
80 Il ressort de ce rappel chronologique des faits qu’aucun délai déraisonnable n’a séparé une étape de l’instruction de la suivante au cours de la procédure disciplinaire et que, dans l’ensemble, ladite procédure n’a pas été menée dans un délai déraisonnable compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.
81 En second lieu, quant au grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, il convient de rappeler que, dans son avis, le conseil de discipline a considéré qu’il n’était pas démontré que le requérant avait lui-même exercé des activités au nom et pour le compte de la société Euro MC2 créée par son épouse. Le conseil de discipline a, en effet, estimé qu’il n’était pas établi, premièrement, qu’il avait signé le contrat conclu entre la société Euro MC2 et l’université Athenaeum, deuxièmement, qu’il avait lui-même envoyé des courriels à l’université Athenaeum et, troisièmement, qu’il avait signé le contrat conclu entre la société Euro MC2 et la société Millenium Comtur.
82 Dans la décision attaquée, l’AIPN a, au contraire, considéré qu’il existait des indices concordants de l’exercice d’activités extérieures non autorisées pour le compte de la société Euro MC2. L’AIPN a en effet estimé, premièrement, qu’il était suffisamment établi que le requérant avait signé le contrat conclu entre la société Euro MC2 et l’université Athenaeum ; deuxièmement, que, au vu de leur contenu, il était permis de considérer, avec un degré de probabilité très élevé, que les courriels envoyés à l’université Athenaeum avaient bien été rédigés et signés par le requérant lui-même ; troisièmement, que le requérant avait également signé le contrat conclu entre la société Euro MC2 et la société Millenium Comtur.
83 Or, l’examen de l’ensemble des pièces du dossier n’a révélé aucune erreur manifeste d’appréciation de la part de l’AIPN. Il est vrai que Mme V. et Mme R. ont initialement attesté, dans leurs témoignages, que le contrat conclu entre la société Euro MC2 et l’université Athenaeum avait été signé par le requérant le 25 octobre 2007, date à laquelle celui-ci était en fait à Bruxelles à la suite d’une opération chirurgicale du 23 octobre 2007. Il n’en reste pas moins qu’elles ont précisé par la suite que le contrat avait été signé à l’hôtel H. de Bruxelles. En outre, ce fait a été confirmé par un courriel signé du requérant. De surcroît, le requérant, qui a modifié sa version des faits au cours de la procédure disciplinaire, n’est pas parvenu à démontrer qu’il était plausible qu’il n’ait pas envoyé ledit courriel ou les autres courriels transmis à l’université Athenaeum, sous sa signature, depuis le compte de messagerie électronique de la société Euro MC2.
84 Compte tenu de ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté dans son intégralité.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut et des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi que de l’erreur manifeste d’appréciation
Sur la première branche du quatrième moyen, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation et du caractère disproportionné de la sanction par rapport aux faits qui ont été effectivement établis
85 Le requérant soutient que, comme l’indique le conseil de discipline, la sanction de la rétrogradation est disproportionnée si les faits concernant les activités du requérant dans le cadre de la société Euro MC2 ne sont pas établis.
86 Or, comme il a été constaté aux points 54 et 55 du présent arrêt, l’AIPN n’avait pas l’obligation de se conformer au premier avis ni à l’avis complémentaire du conseil de discipline quant à la réalité des faits incriminés. En outre, comme il ressort des points 81 à 83 du présent arrêt, la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
87 Il y a lieu, dès lors, de rejeter la première branche du quatrième moyen.
Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut et des principes de proportionnalité, de confiance légitime et de sécurité juridique
– Arguments des parties
88 Le requérant rappelle que, par une décision du 25 juillet 2012, l’AIPN l’a promu au grade AD 10 dans le cadre de l’exercice de promotion de l’année 2010, avec effet rétroactif au 1er janvier 2010 (ci-après la « décision de promotion »). Il soutient que la décision attaquée, qui le rétrograde au grade AD 8, lui fait donc perdre non pas un grade, mais deux, et que par conséquent son maintien au grade AD 8 est illégal. Par ailleurs, la décision de promotion ne comporterait aucune limitation de ses effets dans le temps. Lors de l’audience, le requérant a précisé que la note du 25 juillet 2012 accompagnant la décision de promotion (ci-après la « note du 25 juillet 2012 ») était, selon lui, une mesure d’application de la décision attaquée.
89 La Commission conclut au rejet de ce moyen en faisant d’abord valoir que la note du 25 juillet 2012 précise qu’il « s’agit d’une promotion rétroactive purement technique qui n’a aucune influence sur la sanction disciplinaire adoptée dans cette affaire et que [le requérant est] donc bien classé au niveau AD 8 depuis le 1er juillet 2012 ». La note du 25 juillet 2012 signifierait en définitive que la décision de promotion n’a eu d’effet qu’entre le 1er janvier 2010 et le 1er juillet 2012, date de prise d’effet de la décision attaquée. En outre, la Commission a fait valoir au cours de l’audience que la note du 25 juillet 2012 n’avait pas fait l’objet d’un recours.
– Appréciation du Tribunal
90 Il y a lieu, tout d’abord, de constater qu’en maintenant le requérant au grade AD 8, en dépit de la décision de promotion, la note du 25 juillet 2012 produit des effets juridiques obligatoires en modifiant de façon caractérisée la situation juridique du requérant. La note du 25 juillet 2012 constitue donc un acte qui lui fait grief (voir, en ce sens, arrêt Grünheid/Commission, F‑101/05, EU:F:2006:58, point 33, et la jurisprudence citée).
91 Ensuite, il y a lieu de constater qu’en soutenant que son maintien au grade AD 8 serait illégal, parce que décidé en violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut ainsi que des principes de proportionnalité et de sécurité juridique, le requérant vise, en réalité, à contester non pas la légalité de la décision attaquée, mais celle de la note du 25 juillet 2012 contre laquelle il n’a pas introduit de réclamation ni a fortiori de recours.
92 Or, si le Tribunal accueillait une telle argumentation, il permettrait au requérant de contourner les dispositions des articles 90 et 91 du statut (voir arrêt Wurster/EIGE, F‑20/12 et F‑43/12, EU:F:2013:129, point 55).
93 Partant, la seconde branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut et des principes de proportionnalité, de confiance légitime et de sécurité juridique, doit être rejetée comme irrecevable.
94 Ce n’est donc qu’à titre tout à fait surabondant que le Tribunal observe, en ce qui concerne les arguments portant sur la relation juridique existant entre la décision attaquée, d’une part, et la décision de promotion, d’autre part, ce qui suit.
95 La décision attaquée et la décision de promotion constituent deux actes administratifs distincts et autonomes, qui se fondent sur deux bases juridiques différentes, l’un sur l’article 86 et l’autre sur l’article 45 du statut. Aussi ces deux décisions poursuivent-elles deux objectifs différents et antagonistes, l’une de rétrograder le requérant, l’autre de le promouvoir.
96 Or, s’agissant de la sanction disciplinaire de la rétrogradation, il convient de préciser que, en règle générale, une telle sanction n’a de sens que par rapport au classement en grade que le fonctionnaire concerné détient au moment où cette sanction lui est appliquée et non pas par rapport à un classement qui, au moment de l’adoption de la décision disciplinaire, est susceptible d’être modifié par une décision de promotion avec effet rétroactif. Inversement, une décision de promotion est fondée sur les mérites du fonctionnaire concerné, tels qu’appréciés notamment sur la base des rapports dont il a fait l’objet au cours au moins des deux ans précédant la prise d’effet de la promotion, ces rapports portant précisément, en vertu de l’article 43 du statut, sur la compétence, le rendement et la conduite dans le service du fonctionnaire concerné.
97 À cet égard, il convient aussi de relever que l’article 4 de l’annexe I des dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut prises par la Commission, dans leur version applicable au litige, dispose que la décision sur la promotion d’un fonctionnaire faisant l’objet d’une procédure disciplinaire « est suspendue jusqu’à ce que les résultats de cette procédure soient connus ».
98 La finalité de cet article 4 est donc celle de permettre le dialogue nécessaire entre les différentes AIPN concernées, dans le but principal d’assurer, en tout état de cause, une bonne administration des procédures tant en matière de promotion qu’en matière disciplinaire.
99 En effet, nulle part dans le statut il n’est prévu qu’une décision disciplinaire de rétrogradation prime d’office sur celle postérieure de promotion lorsque le destinataire des deux décisions est le même fonctionnaire ou agent.
100 Il convient également de considérer, toujours à titre surabondant, que la promotion est, par nature, un acte juridique qui n’admet ni condition, suspensive ou résolutoire, ni limitation dans le temps. En effet, à la lumière notamment des articles 4 et 6 du statut, il y a lieu de considérer que le statut ne permet pas la promotion pro tempore d’un fonctionnaire ou d’un agent, du 1er janvier d’une année donnée, par exemple, jusqu’au 1er juillet de l’année suivante. La « promotion rétroactive purement technique », invoquée par l’AIPN dans la note du 25 juillet 2012, est d’ailleurs une notion inconnue du statut.
101 Enfin, en ce qui concerne le choix de la sanction disciplinaire à infliger, il échet de constater que, conformément à l’article 9 de l’annexe IX du statut, l’AIPN compétente n’a pas le pouvoir de sanctionner le fonctionnaire concerné en lui fixant directement un « classement » dans un grade déterminé, mais elle a exclusivement le pouvoir de le rétrograder, soit temporairement soit définitivement, à partir du grade effectivement détenu par ce dernier au moment de l’application de ladite sanction.
Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude
102 Le requérant soutient qu’en ne tenant pas compte de son état de santé la Commission aurait violé le devoir de sollicitude.
103 Force est toutefois de constater que la réclamation ne contient aucune référence au devoir de sollicitude ni aucun des arguments présentés dans la requête au soutien de ce moyen.
104 Par suite, le cinquième moyen doit être rejeté comme irrecevable pour non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.
Sur le sixième moyen, tiré du non-respect des règles en matière d’accès aux documents
105 Le requérant soutient qu’il a demandé, à plusieurs reprises, l’accès à un courriel transmis par Mme C., une enquêtrice de l’IDOC, à Mme R., l’un des témoins entendus au cours de la procédure disciplinaire, et contenant, à première vue, un lien vers un site internet concernant un concours organisé par l’Office européen de sélection du personnel.
106 Pour sa part, la Commission fait valoir que la transmission dudit courriel, qui ne ferait pas à proprement parler « partie du dossier », n’aurait changé en rien la décision attaquée ou l’exercice des droits de la défense du requérant.
107 À cet égard, il convient de constater, tout d’abord, qu’aucune argumentation n’étaye l’allégation du requérant selon laquelle ce refus d’accès constituerait une violation du « principe du [r]èglement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement […], du Conseil et de la Commission ». Il y a donc lieu de la rejeter comme non conforme aux prescriptions de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure en vigueur à la date de dépôt du recours.
108 Ensuite, si l’existence de ce courriel est établie, ainsi que le refus de l’AIPN d’en donner l’accès au requérant, il est toutefois constant entre les parties que ledit courriel n’avait aucun lien avec l’enquête sur le requérant ou la procédure disciplinaire qui ont conduit à l’adoption de la décision attaqué. Dans ces conditions, il n’est pas démontré que le refus d’accès à ce courriel, même à le supposer illégal, aurait eu une influence quelconque sur la légalité de la décision attaquée.
109 Il y a lieu, dès lors, de rejeter le sixième moyen, en partie, comme irrecevable pour non-respect de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure en vigueur lors de l’introduction du présent recours et, en partie, comme inopérant.
3. Sur les conclusions indemnitaires
110 Dans ses conclusions indemnitaires, le requérant demande réparation du préjudice « matériel et moral confondu » découlant des « irrégularités et fautes » commises par la Commission et décrites dans ses moyens d’annulation, ainsi que la « prise en charge de ses frais ».
111 Or, l’ensemble des moyens d’annulation ayant été rejetés sans qu’aucune illégalité n’ait été constatée, le rejet des conclusions en annulation entraîne celui des présentes conclusions indemnitaires qui leur sont étroitement liées.
112 En outre, il convient de constater que les écritures du requérant ne donnent strictement aucune indication quant à la nature et la réalité du préjudice matériel prétendument subi et au lien de causalité entre l’illégalité et le préjudice allégués. La requête manque donc aux exigences posées par l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure en vigueur à la date du dépôt du recours (arrêt Gomes Moreira/ECDC, F‑80/11, EU:F:2013:159, point 133, et la jurisprudence citée).
113 Enfin, s’il faut comprendre la référence aux « frais » que le requérant aurait supportés comme couvrant les frais exposés aux fins de la procédure, il suffit, à cet égard, de constater que cette question doit être traitée au titre des dépens récupérables, faisant l’objet du quatrième chef de conclusions (ordonnance BY/AESA, F‑8/12, EU:F:2012:148, point 56).
114 Les conclusions indemnitaires doivent donc être rejetées.
Sur les dépens
115 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
116 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) CX supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.
Perillo | Barents | Bradley |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juin 2015.
Le greffier | Le président |
W. Hakenberg | R. Barents |
* Langue de procédure : le français.
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