GSA and SGI v Parliament (Order) French Text [2015] EUECJ T-321/15_CO (17 July 2015)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T32115_CO.html
Cite as: EU:C:2015:516, [2015] EUECJ T-321/15_CO, ECLI:EU:C:2015:516

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ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

17 juillet 2015 (*)

« Référé - Marchés publics de services - Procédure d’appel d’offres - Sécurité incendie, assistance aux personnes et surveillance extérieure sur le site du Parlement à Bruxelles - Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution du marché à un autre soumissionnaire - Demande de sursis à exécution - Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T-321/15 R,

Gruppo Servizi Associati SpA (GSA), établie à Rome (Italie),

Security Guardian’s Institute (SGI), établie à Louvain-la-Neuve (Belgique),

représentées par Me E. van Nuffel d’Heynsbroeck, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par Mme P. López-Carceller et M. B. Simon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande, en substance, de sursis à l’exécution, d’une part, de la décision du 12 juin 2015 par laquelle le Parlement a déclaré non conforme l’offre que les requérantes avaient remise pour l’attribution du marché EP/DGSAFE/UIB/SER/2014-014 portant sur des prestations de sécurité incendie, d’assistance à personnes et de surveillance extérieure sur le site du Parlement à Bruxelles et, d’autre part, de la décision par laquelle ce marché a été attribué à la société Securitas,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        À la suite de l’appel d’offres ouvert EP/DGSAFE/UIB/SER/2014-014, lancé par le Parlement européen le 10 décembre 2014 et publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne du 20 décembre 2014 pour le marché public « Prestations de sécurité incendie, d’assistance aux personnes (domaine 1) et de surveillance extérieure (domaine 2) sur le site du Parlement à Bruxelles 2014/S 246-433095 », les requérantes, Gruppo Servizi Associati SpA (GSA) et Security Guardian’s Institute (SGI), ont déposé, sous la forme de groupement économique, une offre pour les deux domaines du marché en cause.

2        Le cahier des charges relatif au marché en cause précise que le contrat à conclure avec l’attributaire couvre le « domaine 1 », à savoir la « sécurité incendie des personnes et des biens, en application des réglementations contre les risques d’incendie et de panique, et d’assistance aux personnes, y compris le dispatching de sécurité incendie » ainsi que le « domaine 2 », à savoir la « surveillance extérieure permanente et continue, statique ou par rondes prédéfinies incluant le constat des anomalies rencontrées, le contrôle du verrouillage de toutes les issues extérieures des immeubles et le pointage des équipements de contrôle des rondes dans l’ordre prévu ». En outre, le cahier des charges prescrit une exigence d’autorisation pour exécuter ces prestations, en ces termes :

« 1.      Tout soumissionnaire doit justifier de son autorisation à produire l’objet visé par le marché […] Il fournira dans son offre l’habilitation de sécurité délivrée par l’autorité nationale compétente conformément à la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage et à ses mises à jour subséquentes.

2.      En cas de groupement économique, la justification de l’autorisation à produire l’objet visé par le marché sera demandée à chacun des membres. »

3        Le cahier des charges déclare donc applicable à l’ensemble des services couverts par le marché en cause la loi belge du 10 avril 1990, telle que modifiée, réglementant la sécurité privée et particulière (ci-après la « loi du 10 avril 1990 »), selon laquelle les entreprises de gardiennage et de sécurité doivent disposer d’une autorisation d’exercer accordée par les autorités compétentes belges.

4        Ainsi qu’il ressort également du cahier des charges, d’une part, le prix est le seul critère d’attribution du marché en cause et, d’autre part, les prestations faisant l’objet du domaine 1 représentent quantitativement 76 % du marché. Il s’agit d’un marché récurrent qui est actuellement exécuté par la société Securitas, le Parlement ayant fixé au 15 juillet 2015 la reprise effective des prestations par le nouveau contractant.

5        La requérante GSA est active en Italie sur le marché de la lutte contre l’incendie, ce qui représente environ la moitié de son activité. La requérante GSI, de taille moyenne, est active en Belgique sur le marché du gardiennage d’immeuble. Aucune des requérantes ne disposant d’une capacité suffisante pour participer seule à la procédure d’attribution du marché litigieux, elles ont décidé de remettre une offre en groupement économique. En effet, GSA n’est pas titulaire de l’autorisation d’exercer des activités de gardiennage en Belgique, requise pour exécuter l’objet du marché, tandis que SGI, en raison de sa taille réduite, ne réalise pas un chiffre d’affaires annuel de 10 000 000 euros, tel que prescrit par le cahier des charges au titre de la capacité financière des soumissionnaires.

6        Considérant que les prestations de sécurité incendie et d’assistance aux personnes (domaine 1) ne relevaient pas de la loi du 10 avril 1990 et ne devaient donc pas être exécutées sous le couvert d’une autorisation comme entreprise de gardiennage ou de sécurité, GSA a dénoncé, en janvier 2015, la condition d’autorisation prescrite, en alléguant une restriction non justifiée à la concurrence.

7        Dans sa lettre de réponse du 6 février 2015, le Parlement a justifié la condition litigieuse en faisant état de son souci de contracter avec un soumissionnaire soumis aux contraintes d’intégrité et de moralité que garantissait la loi du 10 avril 1990. Bien que cette loi ne soumette pas les agents de sécurité incendie à l’obligation de disposer d’une autorisation d’exercer, le Parlement l’aurait toujours exigée, car, au-delà des compétences nécessaires à l’exercice de la fonction d’agent incendie (brevet, permis feu, secourisme, etc.), la législation belge ne donnerait au pouvoir adjudicateur aucune des assurances d’intégrité et de moralité requises. Par ailleurs, les exigences en matière de capacité professionnelle auraient également comme finalité, justifiée par les nécessités opérationnelles, la polyvalence des agents du domaine 1 qui seraient susceptibles d’exercer des missions de surveillance, voire de contrôle d’accès, en cas d’événements majeurs ou d’augmentation du niveau d’alerte, pour le remplacement des agents du domaine 2.

8        Les requérantes n’ont pas accepté cette explication. Par lettre du 19 février 2015, elles ont dénoncé, notamment, une violation de la libre prestation des services et le caractère disproportionné de l’exigence d’une autorisation d’exercer comme entreprise de gardiennage pour prester des services qui n’y sont pas soumis. Néanmoins, elles ont remis une offre comportant un partage des prestations par domaine, GSA devant exécuter les prestations de sécurité incendie et d’assistance aux personnes (domaine 1) et SGI les prestations de surveillance externe des immeubles (domaine 2). À cette offre était jointe une copie de la demande d’autorisation comme entreprise de gardiennage que GSA avait adressée, le 19 février 2015, aux autorités compétentes belges, à savoir le Service public fédéral Intérieur (ci-après le « SPF Intérieur »).

9        Par courrier du 22 avril 2015, le Parlement a informé les requérantes du meilleur classement de leur offre et de son intention de leur attribuer le marché en cause, à condition que GSA puisse démontrer la détention de l’autorisation d’exercer l’activité de gardiennage, délivrée en vertu de la loi du 10 avril 1990 et à fournir pour le 10 juin 2015 au plus tard. Le Parlement a précisé que, s’il n’était pas en possession du document demandé à la date indiquée, l’offre des requérantes serait rejetée pour non-conformité aux exigences du cahier des charges.

10      S’agissant de l’autorisation à délivrer en vertu de la loi du 10 avril 1990, les requérantes ont produit, d’une part, un courriel du SPF Intérieur du 15 avril 2015 indiquant que le délai de traitement de ce type de demande était d’environ six mois à un an et, d’autre part, un courriel de GSA du même jour faisant état d’un entretien téléphonique avec le SPF Intérieur, qui aurait souligné que la demande d’autorisation de GSA n’avait pas été traitée, compte tenu des particularités du marché en cause : l’autorisation comme entreprise de gardiennage ne serait pas nécessaire pour exécuter des prestations de sécurité incendie et de secours aux personnes ; la détention d’une autorisation comme entreprise de gardiennage pourrait même constituer un obstacle légal à l’exercice d’autres activités ne relevant pas du gardiennage et de la surveillance d’immeuble.

11      GSA a alors entrepris des démarches pour acquérir une entreprise belge bénéficiant déjà d’une autorisation comme entreprise de gardiennage, en vue de pouvoir exécuter le marché en cause par le biais d’une poursuite des activités de cette entreprise.

12      Cependant, par un courriel du 12 juin 2015, le Parlement a informé les requérantes, d’une part, de sa décision de rejeter leur offre pour défaut de conformité au cahier des charges, motif pris de ce que GSA ne disposait pas de l’autorisation du SPF Intérieur d’exploiter une entreprise de gardiennage et de sécurité, et, d’autre part, de sa décision d’attribuer le marché en cause à la société Securitas (ci-après les « décisions attaquées »).

13      Dans le cadre d’un échange de courriers subséquent entre les requérantes et le Parlement, ce dernier a exposé, le 16 juin 2015, que la proposition d’acquisition, par GSA, d’une entreprise belge bénéficiant d’une autorisation comme entreprise de gardiennage ne lui était jamais parvenue et n’aurait, de toute manière, jamais pu être acceptée, puisqu’elle aurait modifié l’offre initiale des requérantes, ce qui serait strictement interdit en matière de marchés publics.

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2015, les requérantes ont introduit un recours visant à l’annulation des décisions attaquées. À l’appui de ce recours, elles ont soulevé deux moyens. Le premier est tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité, en ce que la condition de détention d’une autorisation prescrite par la loi du 10 avril 1990 ne serait pas justifiée. Le second moyen, présenté à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de la libre prestation des services et des principes sous-jacents d’égalité et de proportionnalité, en ce que cette condition rendrait excessivement difficile, voire impossible, la participation d’une entreprise dont l’offre porte sur un service qui n’y est pas soumis.

15      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle elles concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

-        procéder inaudita altera parte, dans l’attente de l’adoption de l’ordonnance qui mettra fin à la procédure de référé, au sursis à l’exécution des décisions attaquées ;

-        dans l’hypothèse où seul le second moyen serait jugé sérieux, ordonner, dans l’attente de l’adoption de l’ordonnance qui mettra fin à la procédure de référé, d’une part, le sursis à l’exécution des décisions attaquées et, d’autre part, la reprise de la procédure en octroyant aux soumissionnaires, dont les sociétés requérantes, un délai de fourniture de la preuve de l’autorisation d’exercer une activité réglementée par la loi belge du 10 avril 1990 qui tienne compte des particularités des entreprises concernées et des délais généralement appliqués par les autorités compétentes pour octroyer cette autorisation ;

-        ordonner toute autre mesure provisoire jugée utile ;

-        condamner le Parlement aux dépens.

16      Par ordonnance du 25 juin 2015, le président du Tribunal a accordé le sursis à exécution demandé jusqu’à la fin de la procédure de référé.

17      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 9 juillet 2015, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

-        rejeter la demande en référé ;

-        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Considérations générales

18      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce dans le respect des règles prévues par l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires [voir ordonnance du 15 juin 2015, Close et Cegelec/Parlement, T-259/15 R, Rec (Extraits), EU:T:2015:378, point 12 et jurisprudence citée].

19      En outre, l’article 156, paragraphe 3, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le juge des référés peut ordonner le sursis à exécution et d’autres mesures provisoires s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut (voir ordonnance Close et Cegelec/Parlement, point 18 supra, EU:T:2015:378, point 13 et jurisprudence citée).

20      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (voir ordonnance Close et Cegelec/Parlement, point 18 supra, EU:T:2015:378, point 14 et jurisprudence citée).

21      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

22      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

 Sur l’urgence

23      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. Cependant, il n’est pas suffisant d’alléguer que l’exécution de l’acte dont le sursis est sollicité est imminente, mais il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature. Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins être prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance Close et Cegelec/Parlement, point 18 supra, EU:T:2015:378, point 20 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, si les requérantes s’efforcent d’établir, chiffres à l’appui, la gravité du préjudice financier qu’elles subiraient en cas de rejet de la demande en référé, elles se sont abstenues de démontrer le caractère irréparable de ce préjudice. Dans ce contexte, elles soutiennent que la condition d’un préjudice irréparable résultant de la perte d’un marché public n’est pas conciliable avec les impératifs découlant de la protection provisoire effective qui doit être accordée en matière de marché publics, si la violation alléguée du droit des marchés publics est sérieuse et si le requérant risque d’en subir un préjudice dont seule la gravité doit être établie.

25      Le juge des référés ne peut qu’en conclure que les requérantes ne sont pas parvenues à établir le caractère irréparable du préjudice allégué.

26      Il s’ensuit que la condition relative à l’urgence fait défaut en l’espèce.

27      Cependant, dans la mesure où, en matière de marchés publics, l’exigence de démonstration de la survenance d’un préjudice irréparable ne peut, en règle générale, être satisfaite par le soumissionnaire évincé que de manière excessivement difficile, il ne saurait être exigé de la part d’un tel soumissionnaire d’établir que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, à condition qu’il parvienne à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C-35/15 P(R), Rec, EU:C:2015:275, point 41].

28      Cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif, ne saurait, toutefois, être opéré de manière illimitée, étant donné que doivent être conciliés les intérêts du soumissionnaire évincé avec ceux du pouvoir adjudicateur et de l’adjudicataire. Il s’ensuit que l’assouplissement en question ne s’applique, en principe, que pendant la phase précontractuelle, pour autant que le délai de suspension prévu à l’article 171, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO L 362, p. 1, ci-après le « règlement délégué ») - qui s’élève en l’espèce à dix jours calendaires, les décisions attaquées ayant été communiquées par un moyen électronique (voir point 12 ci-dessus), - ait été respecté (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Vanbreda Risk & Benefits, point 27 supra, EU:C:2015:275, points 34 et 42).

29      S’agissant de l’application de ces principes au cas d’espèce, il ressort du dossier, d’une part, que le Parlement a informé les requérantes, en date du 12 juin 2015, tant de sa décision de rejeter leur offre que de sa décision d’attribuer le marché en cause à la société Securitas et, d’autre part, que le recours visant à l’annulation de ces décisions ainsi que la présente demande en référé ont été introduits le 22 juin 2015. Il s’ensuit que les requérantes ont respecté le délai de suspension de dix jours calendaires, applicable en vertu de l’article 171, paragraphe 1, du règlement délégué. En particulier, elles ont disposé d’informations suffisantes pour faire utilement usage de ce délai aux fins d’introduire leur recours en annulation et la demande en référé, du fait que le différend qui les oppose au Parlement, à savoir la question de la légalité de l’exigence d’une autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990, a fait l’objet d’un échange de courriers entre les parties dès le mois de janvier 2015. Dans ces conditions, l’assouplissement de la condition relative à l’urgence se justifie, à condition que les requérantes puissent établir l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux.

 Sur le fumus boni juris

30      Selon une jurisprudence bien établie, il est satisfait au critère d’un fumus boni juris, dès lors qu’il existe, au stade de la procédure de référé, une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas d’emblée, de sorte que, à première vue, le recours n’est pas dépourvu de fondement sérieux (voir, en ce sens, ordonnances du 13 juin 1989, Publishers Association/Commission, 56/89 R, Rec, EU:C:1989:238, point 31, et du 8 mai 2003, Commission/Artegodan e.a., C-39/03 P-R, Rec, EU:C:2003:269, point 40). En effet, la finalité de la procédure de référé étant de garantir la pleine efficacité de la décision définitive à intervenir, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par les juridictions de l’Union, le juge des référés doit se borner à apprécier « à première vue » le bien-fondé des moyens invoqués dans le cadre du litige au fond afin d’établir s’il existe une probabilité de succès du recours suffisamment grande [ordonnances du 19 décembre 2013, Commission/Allemagne, C-426/13 P(R), Rec, EU:C:2013:848, point 41, et du 8 avril 2014, Commission/ANKO, C-78/14 P-R, Rec, EU:C:2014:239, point 15].

31      S’agissant de la condition d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, elle est remplie lorsque la procédure de référé révèle que la partie défenderesse a commis une illégalité qui apparaît, à première vue, suffisamment manifeste et grave, dont la production ou la prolongation des effets doit, dans l’intérêt de la partie requérante, être empêchée dans les meilleurs délais [voir, en ce sens, ordonnance du 24 mars 2015, Europower/Commission, T-383/14 R, Rec (Extraits), EU:T:2015:190, point 61].

32      En l’espèce, les requérantes soulèvent deux moyens.

 Sur le moyen tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité

33      Par leur premier moyen, les requérantes reprochent au Parlement d’avoir violé les principes de proportionnalité et d’égalité en imposant aux soumissionnaires la condition de détention d’une autorisation prescrite par la loi du 10 avril 1990 pour exécuter un service qui n’est pas soumis à cette loi. Rappelant que ladite autorisation est requise par le cahier des charges pour la prestation des services incendie et d’assistance aux personnes malgré le fait que ces services ne relèvent pas, par nature, de cette loi, elles précisent que la procédure d’octroi d’une telle autorisation est particulièrement lourde et implique la soumission de l’entreprise concernée ainsi que de ses employés à des enquêtes poussées de sécurité, ce qui peut durer jusqu’à un an. Par ailleurs, en vertu de la loi du 10 avril 1990, il ne serait pas permis à l’entreprise autorisée d’exercer une activité autre que celle pour laquelle elle a obtenu l’autorisation.

34      Selon les requérantes, si le Parlement invoque des besoins de compétence, d’intégrité et de moralité ainsi que de polyvalence des prestataires des services non réglementés incendie et d’assistance aux personnes, ces besoins ne justifient pas l’exigence exorbitante de la condition litigieuse, d’autant qu’ils peuvent être satisfaits par des mesures moins contraignantes : le besoin de compétence pourrait être satisfait par une obligation de formation ; le besoin d’intégrité et de moralité du prestataire pourrait être satisfait par des mesures spécifiques exigeant que certains employés-cadres du soumissionnaire retenu soient en possession d’une habilitation de sécurité de niveau « secret UE », délivrée par une autorité nationale de sécurité ; le besoin de renfort occasionnel en cas de situation exceptionnelle pourrait être satisfait par un appoint du personnel du soumissionnaire retenu.

35      En soumettant également l’exécution de ces services non réglementés à la détention d’une autorisation délivrée en application de la loi du 10 avril 1990, alors que seule l’entreprise qui allait exécuter les services de surveillance extérieure des bâtiments devait être légalement autorisée, le Parlement aurait empêché que se constituent des groupements composés d’entreprises disposant des compétences pour exécuter le marché en cause. Ce faisant, le Parlement aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et violé le principe de proportionnalité ainsi que les principes d’égalité et d’ouverture des marchés publics à la concurrence la plus large.

36      Le Parlement affirme qu’il a toujours exigé l’autorisation prescrite par la loi du 10 avril 1990 pour la fourniture des services de sécurité dans ses locaux à Bruxelles (Belgique), y compris les services de sécurité incendie et d’assistance aux personnes, en ce que cette autorisation constituerait la garantie de l’intégrité, de la fiabilité, de la moralité et du professionnalisme du futur contractant et de ses agents. Selon le Parlement, les requérantes n’ont offert aucune garantie qui serait équivalente à l’autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990. Cette loi établirait une liste de conditions auxquelles doivent satisfaire, notamment, les personnes qui assurent la direction de l’entreprise concernée et ses agents.

37      Le Parlement précise que cette liste de conditions comprend l’exigence selon laquelle les intéressés ne peuvent avoir commis de faits qui, même s’ils n’ont pas entraîné une condamnation pénale, portent atteinte à leur fiabilité personnelle parce qu’ils constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle ou une contre-indication au profil souhaité. En outre, la loi du 10 avril 1990 imposerait l’ouverture d’une enquête administrative sur les conditions de sécurité auxquelles les intéressés doivent répondre, lorsqu’il y aurait des indices de manquement grave à la déontologie professionnelle ou de contre-indication au profil souhaité.

38      Dans la mesure où les requérantes proposent une mesure moins contraignante pour la vérification de l’intégrité et de la moralité de l’adjudicataire et de son personnel, à savoir l’habilitation de sécurité de niveau « secret UE » délivrée par une autorité nationale de sécurité, le Parlement admet qu’il s’est réservé le droit, dans le cahier des charges, d’exiger que le chef de site, le chef de poste et les chefs d’équipe soient en possession d’une telle habilitation, qui apporterait effectivement des garanties supérieures à l’autorisation émise selon la loi du 10 avril 1990. Cependant, l’habilitation en question n’aurait été prévue par le cahier des charges que potentiellement. Par ailleurs, contrairement aux affirmations des requérantes, elle serait délivrée selon des modalités plus strictes que celles de la loi du 10 avril 1990, les procédures nationales prévues à cet effet étant en général beaucoup plus lourdes et longues que la procédure prévue par ladite loi. En tout état de cause, cette habilitation ne serait délivrée qu’en matière de protection des informations classifiées de l’Union, c’est-à-dire lorsque le contractant participe à un contrat nécessitant l’accès à des informations classifiées confidentielles ou secrètes ou lorsque les employés d’un contractant doivent, en raison de leurs fonctions aux fins de l’exécution d’un contrat classifié, accéder à de telles informations. Or, le contrat relatif au marché en cause ne serait pas un contrat de cette nature.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et que le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T-145/98, Rec, EU:T:2000:54, point 147, et du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T-148/04, Rec, EU:T:2005:274, point 47 et jurisprudence citée). Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu au pouvoir adjudicateur tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection (arrêt du 24 avril 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T-554/08, EU:T:2012:194, point 38).

40      En l’espèce, il est constant que la loi du 10 avril 1990 n’impose pas aux entreprises désireuses de prester des services de sécurité incendie et d’assistance aux personnes la détention d’une autorisation délivrée par les autorités compétentes belges.

41      Toutefois, il n’apparaît pas, à première vue, que les principes généraux de droit invoqués par les requérantes empêchent le Parlement de prévoir, de sa propre initiative, l’application de la loi du 10 avril 1990 à l’ensemble des services faisant l’objet de l’appel d’offres litigieux et d’exiger que les soumissionnaires désireux de se voir attribuer le marché public en cause détiennent l’autorisation d’exercer au titre de cette loi même en ce qui concerne les services de sécurité incendie et d’assistance aux personnes.

42      En effet, il semble légitime pour le Parlement - soulignant qu’il n’a ni les pouvoirs ni les moyens pour procéder lui-même aux vérifications nécessaires à cet effet - de ne s’appuyer que sur une autorisation délivrée par l’autorité publique nationale compétente qui atteste, officiellement, l’intégrité, la fiabilité, la moralité et le professionnalisme du futur adjudicataire et de ses employés. À cet égard, le Parlement a déjà exposé dans sa lettre du 6 février 2015, sans que les requérantes s’y soient opposées dans la demande en référé, qu’il était une institution transparente, ouverte et accessible aux citoyens qui accueillait chaque jour environ 12 000 personnes aux profils les plus différents (députés, chefs d’État, premiers ministres, hautes personnalités du monde politique, économique et académique, fonctionnaires, prestataires de services, simples visiteurs) et que, compte tenu de cette affluence quotidienne et des innombrables situations susceptibles d’en découler, les standards les plus hauts en matière de sécurité, tant générale qu’incendie, devaient être appliqués. Dans cette même lettre, le Parlement a précisé que, si le cahier des charges prévoyait deux domaines de services, les équipes respectives se côtoyaient sur le terrain jour et nuit et devaient travailler en synergie et complémentarité. Il a ajouté que le cahier des charges prévoyait, d’ailleurs, la fonction de chef de site unique pour les deux domaines.

43      Aucun des arguments présentés par les requérantes à l’encontre de l’exigence d’autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990 ne démontre, prima facie, la commission, par le Parlement, d’une erreur particulièrement manifeste d’appréciation ou un dépassement particulièrement évident du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu.

44      D’une part, si les difficultés rencontrées par les requérantes en l’espèce semblent trouver leur explication, notamment, dans la circonstance qu’elles ont déposé leur offre en tant que groupement économique et que la requérante GSA ne détient pas l’autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990, le fait pour le Parlement de ne pas dispenser ladite requérante de cette exigence ne saurait être qualifié d’illégalité manifeste et grave. En effet, l’offre des requérantes ayant prévu un partage des deux domaines du marché en cause, rien ne permet d’admettre que l’autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990, dont dispose la société belge SGI, couvre valablement la société italienne GSA, d’autant que les requérantes n’affirment pas appartenir à une structure juridique commune. De plus, compte tenu de ce que les requérantes ont partagé le marché en cause, GSA devant reprendre la part qui en représente quantitativement 76 %, il ne saurait être reproché au Parlement de ne pas s’être contenté de la seule autorisation détenue par SGI, à laquelle ne reviendrait qu’une part de 24 %.

45      D’autre part, dans la mesure où les requérantes dénoncent l’impossibilité pratique pour GSA d’obtenir en temps utile l’autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990, eu égard à la durée excessive de la procédure devant l’autorité compétente, il convient de rappeler que la demande en référé qualifie expressément le marché faisant l’objet de l’appel d’offres litigieux de « marché récurrent ». En outre, il ressort du dossier que SGI a obtenu, le 12 août 2014, le renouvellement de son autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990. Dans ces circonstances, il aurait appartenu à GSA, en opérateur économique diligent et avisé envisageant de participer à un appel d’offres relatif aux services de sécurité et de gardiennage d’immeubles du Parlement à Bruxelles, de s’informer, le plus tôt possible, le cas échéant auprès de SGI, sur les conditions administratives préalables d’exercice de tels services en Belgique. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que GSA aurait fait preuve de la diligence requise en la matière.

46      En tout état de cause, il est constant que toute société constituée selon le droit d’un État membre autre que le Belgique et ayant son siège dans cet autre État peut également, au même titre qu’une société belge, demander l’octroi de l’autorisation prévue à la loi du 10 avril 1990. À cet égard, l’article 4 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette loi prévoit que, lorsque le demandeur de l’autorisation ne dispose pas d’un siège d’exploitation en Belgique, le ministre de l’Intérieur « tient compte, lors de l’appréciation de la demande, des garanties apportées dans le cadre de l’exercice légal et réglementé des activités auxquelles se rapporte la demande, dans un autre État membre de l’Union européenne ». Ainsi, la loi du 10 avril 1990 tient compte de l’arrêt du 9 mars 2000, Commission/Belgique (C-355/98, Rec, EU:C:2000:113), dans lequel la Cour a constaté que le Royaume de Belgique avait commis un manquement d’État, notamment, en imposant, dans le cadre de ladite loi, à toute entreprise établie dans un autre État membre l’obligation de disposer de l’autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990, « sans tenir compte des justifications et garanties déjà présentées par l’entreprise pour l’exercice de son activité dans l’État membre d’établissement ».

47      Or, les requérantes sont restées silencieuses, dans la demande en référé, sur d’éventuelles justifications et garanties pour l’exercice, par GSA, de son activité économique en Italie, qui auraient pu être présentées à l’autorité belge compétente afin de faciliter ou d’accélérer l’obtention de l’autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990. Plus particulièrement, elles n’ont pas présenté, ni même évoqué, dans la demande en référé, une autorisation d’exercer délivrée à GSA par une autorité italienne, qui aurait pu être considérée comme équivalente à l’autorisation belge et rendre éventuellement cette dernière superflue. De plus, elles se sont abstenues de démontrer être en possession d’une habilitation de sécurité de niveau « secret UE ». Par conséquent, à défaut d’avoir établi la détention d’une autorisation italienne ou d’une habilitation « secret UE », à supposer que cette dernière soit pertinente et utile dans le présent contexte, les requérantes ne sauraient valablement reprocher au Parlement d’avoir manifestement outrepassé son pouvoir d’appréciation en imposant, dans le cahier des charges, l’exigence d’une autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990, au lieu de prévoir d’autres autorisations nationales ou une habilitation « secret UE ».

48      Au demeurant, s’il est vrai que le jeu volumineux des annexes jointes à la demande en référé semble contenir plusieurs attestations et lettres de recommandation, il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place des requérantes, si les documents en question seraient éventuellement de nature à corroborer la demande en référé. En effet, il est de jurisprudence constante que, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration de la justice, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels une demande en référé est fondée doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande afin de permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Si différents points de ce texte peuvent être étayés et complétés par un renvoi à certains passages de pièces jointes, une référence générale à d’autres pièces ne saurait toutefois pallier l’absence des éléments essentiels dans la demande [voir ordonnances du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C-113/09 P(R), EU:C:2010:242, point 13 et jurisprudence citée, et du 10 juin 2014, Stahlwerk Bous/Commission, T-172/14 R, EU:T:2014:558, point 22 et jurisprudence citée].

49      Dans la mesure où les requérantes estiment que l’exigence d’une autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990 aurait pu être remplacée par une obligation de formation aux fins de satisfaire le besoin de compétence, le Parlement expose que cette autorisation est exigée non pour répondre à un besoin de compétence professionnelle, mais pour garantir l’intégrité, la fiabilité, la moralité et le professionnalisme du futur contractant et de ses agents, alors que la compétence professionnelle du personnel des soumissionnaires est visée par les critères de sélection définis par le cahier des charges et relatifs notamment à différents brevets et formations. Eu égard à cette réponse, il n’apparaît pas que le Parlement ait commis une illégalité manifeste et grave en renonçant à remplacer l’exigence d’autorisation litigieuse par une obligation de formation.

50      Il en va de même de l’argument par lequel les requérantes contestent la nécessité de la polyvalence des agents de la sécurité incendie en estimant que le besoin de renfort occasionnel en cas de situations exceptionnelles peut être satisfait par un appoint du personnel en charge des services de surveillance des bâtiments. En effet, il apparaît légitime pour le Parlement de vouloir disposer d’agents pouvant être mobilisés quasi immédiatement et connaissant le site, afin de pouvoir intervenir rapidement et efficacement en cas d’événements imprévus. Or, l’appoint du personnel de l’entreprise de gardiennage, tel qu’envisagé par les requérantes, ne pourrait pas être mobilisé aussi rapidement que le personnel de sécurité incendie qui est déjà sur place et qui a connaissance du site.

51      Les requérantes font valoir, enfin, que la loi du 10 avril 1990 ne permet pas à l’entreprise de gardiennage ayant obtenu l’autorisation d’exercer une activité autre que celle couverte par l’autorisation. Il serait donc à craindre que GSA, après avoir obtenu l’autorisation litigieuse, ne puisse pas exercer les services de sécurité incendie et d’assistance aux personnes.

52      Force est cependant de constater que les requérantes ont omis de préciser et d’étayer ce grief dans la demande en référé. Au lieu de présenter, par exemple, une lettre officielle du SPF Intérieur confirmant la portée large que les requérantes attribuent à cette interdiction, elles se sont limitées à faire état d’un courriel émis par GSA, le 15 avril 2015, qui se réfère à un entretien téléphonique avec cette autorité laquelle aurait mentionné l’interdiction légale (voir point 10 ci-dessus). En tout état de cause, l’interdiction légale redoutée par les requérantes s’appliquerait à tous les soumissionnaires et ne constituerait pas une discrimination de la seule requérante GSA.

53      Par conséquent, les requérantes n’ont pas démontré une violation manifeste et grave, par le Parlement, du principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires qui impose que toutes les entreprises participant à un marché public disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (voir arrêts du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C-19/00, Rec, EU:C:2001:553, point 34 ; du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C-470/99, Rec, EU:C:2002:746, point 93, et du 12 mars 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T-345/03, Rec, EU:T:2008:67, point 143).

54      Elles n’ont pas non plus démontré une telle violation caractérisée du principe de proportionnalité selon lequel les actes des institutions de l’Union ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêts du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T-13/99, Rec, EU:T:2002:209, point 411 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2008, Bayer CropScience e.a./Commission, T-75/06, Rec, EU:T:2008:317, point 22 et jurisprudence citée).

55      Il s’ensuit que, par leur premier moyen, tel que présenté dans la demande en référé, les requérantes n’ont prima facie pas établi l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux.

 Sur le moyen tiré d’une violation de la libre prestation de services et des principes sous-jacents d’égalité et de proportionnalité

56      Par le second moyen, soulevé à titre subsidiaire, les requérantes font valoir que la condition de détention d’une autorisation délivrée en vertu de la loi du 10 avril 1990 pour exécuter les prestations de services de sécurité incendie et d’assistance aux personnes a significativement entravé leur participation à la procédure d’attribution du marché public en cause, en les plaçant dans une position de retard par rapport au délai imparti par le Parlement (voir point 9 ci-dessus) et en les contraignant à entamer une procédure administrative entraînant des charges excessives, voire à rechercher des solutions exorbitantes. En effet, le Parlement aurait dû concilier son exigence temporelle - un délai de moins de six mois entre la publication de l’appel d’offres litigieux et l’attribution du marché en cause - avec les contraintes temporelles de la procédure administrative devant le SPF Intérieur, à savoir un délai de six mois à un an, à laquelle étaient soumises les entreprises intéressées.

57      Dans ce contexte, elles invoquent l’arrêt du 15 juillet 2010, Bâtiments et Ponts Construction et WISAG Produktionsservice (C-74/09, Rec, EU:C:2010:431, point 53), dans lequel la Cour a jugé que le droit de l’Union ne s’opposait pas à une réglementation nationale qui imposait à l’entrepreneur établi dans un autre État membre, aux fins de l’attribution d’un marché dans l’État membre du pouvoir adjudicateur, l’obligation d’être titulaire, dans ce dernier État membre, d’un enregistrement, à condition qu’une telle obligation n’entrave, ni ne retarde, la participation de l’entrepreneur au marché public en cause, ni n’engendre de charges administratives excessives, et qu’elle ait uniquement pour objet la vérification des qualités professionnelles de l’intéressé.

58      Enfin, rappelant que les services faisant l’objet de l’appel d’offres litigieux sont actuellement prestés en application d’un contrat en cours d’exécution, les requérantes considèrent que, en cas de suspension des décisions attaquées, le Parlement peut, comme il est de pratique générale lorsque l’attribution d’un marché public récurrent est retardée, prolonger ce contrat jusqu’à la date d’attribution de ce marché.

59      Le Parlement répond que le caractère disproportionné d’une mesure ne peut être établi que si au moins une autre mesure alternative capable d’atteindre les mêmes objectifs est moins lourde ou moins contraignante que celle dont la proportionnalité est remise en question. Or, les requérantes n’indiqueraient aucune mesure alternative qui soit susceptible de réaliser les objectifs poursuivis par l’exigence de l’autorisation selon la loi du 10 avril 1990 et qui puisse être considérée comme moins lourde ou moins contraignante.

60      S’agissant de l’arrêt Bâtiments et Ponts Construction et WISAG Produktionsservice, point 58 supra (EU:C:2010:431), le Parlement affirme qu’il concernait une situation où le délai de la procédure d’appel d’offres était déterminé par les autorités nationales à leur gré et où le délai de la procédure administrative nécessaire pour l’enregistrement de l’entreprise concernée dépendait, également, des seules autorités nationales. La présente affaire concernerait, en revanche, une situation où la marge de manœuvre du Parlement était très limitée. En tant que pouvoir adjudicateur, le Parlement n’aurait aucune influence sur la longueur des procédures de vérification devant les autorités nationales ou sur les délais fixés par la réglementation nationale applicable. Or, le Parlement ne pourrait pas attendre de façon indéfinie l’aboutissement de toutes les procédures qui sont nécessaires afin que tous les soumissionnaires potentiels puissent se conformer à toutes les conditions d’octroi du marché en cause.

61      À cet égard, force est de constater, d’abord, que l’argumentation prise des charges excessives qui auraient été imposées aux requérantes et des solutions exorbitantes qu’elles auraient dû rechercher n’a été ni précisée ni approfondie dans la demande en référé. Elle n’a pas non plus été étayée par des éléments de preuve concrets. Par conséquent, s’agissant d’une pure affirmation, cette argumentation doit être écartée.

62      Ensuite, il est ressorti de l’examen prima facie du premier moyen ci-dessus, d’une part, qu’il était légitime pour le Parlement d’imposer aux soumissionnaires d’être titulaires d’une autorisation délivrée en vertu de la loi du 10 avril 1990 et, d’autre part, que les requérantes n’étaient pas parvenues à établir qu’elles avaient fait preuve de la diligence requise pour obtenir, en temps utile, ladite autorisation, une autorisation équivalente délivrée par les autorités d’un autre État membre ou une habilitation « secret UE ». Elles n’ont pas non plus démontré qu’il existait, à l’égard de GSA, une mesure moins contraignante et lourde que l’exigence de l’autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au Parlement d’avoir commis une violation manifeste et grave de la libre prestation des services en n’attendant pas l’obtention, par GSA, de ladite autorisation de la part du SPF Intérieur, avant d’attribuer le marché en cause.

63      En tout état de cause, s’agissant plus particulièrement de la faculté, évoquée par les requérantes, de prolonger le contrat en cours d’exécution relatif au marché précédent en attendant l’attribution du marché en cause (voir point 58 ci-dessus), il ressort du dossier que le contrat relatif au marché précédent - qui avait été conclu avec la société Securitas le 10 mars 2012 pour une durée de douze mois et qui était tacitement reconductible d’année en année, sans toutefois pouvoir excéder une durée de cinq années - allait expirer le 14 juillet 2015, du fait que la société Securitas, par lettre du 2 octobre 2014, avait exclu toute nouvelle reconduction dudit contrat qui, selon ses termes, aurait pu rester en vigueur jusqu’en 2017. À la suite de cette dénonciation de contrat, le Parlement était tenu de lancer, dans les meilleurs délais, l’appel d’offres litigieux, afin de garantir la continuité des services de sécurité, d’assistance et de surveillance sur son site à Bruxelles, nécessaires au fonctionnement de l’institution, tout en sachant que le contrat du 10 mars 2012 ne pourrait pas, en cas de besoin, être prolongé au-delà du 14 juillet 2015. Pour ce motif supplémentaire, l’adoption des décisions attaquées par le Parlement ne saurait être qualifiée d’illégalité manifeste et grave.

64      Il s’ensuit que, par leur second moyen, tel que présenté dans la demande en référé, les requérantes n’ont prima facie pas davantage établi l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux.

65      À titre surabondant, il convient de relever, pour les besoins de la présente procédure de référé, que le Tribunal a décidé, dans l’affaire principale, d’entendre les parties en leurs observations en vue d’enclencher, d’office, une procédure accélérée au titre des articles 151 à 155 du règlement de procédure. Dans cette hypothèse, même si le Parlement a entre-temps signé le contrat relatif au marché en cause avec la société Securitas au lieu de prolonger l’ancien contrat qu’il avait conclu avec cette même société, la situation des requérantes serait de facto largement comparable, au regard de l’horizon temporel prévisible, à celle sollicitée à titre subsidiaire (voir point 15 ci-dessus) : en cas d’« annulation accélérée » des décisions attaquées, il ne saurait être exclu que les requérantes aient une chance de se voir attribuer le marché en cause, à condition que l’autorisation au titre de la loi du 10 avril 1990 soit entre-temps accordée à GSA.

66      Pour tous les motifs qui précèdent, la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit besoin de procéder à une mise en balance des différents intérêts en présence [voir, en ce sens, ordonnance du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C-364/99 P(R), Rec, EU:C:1999:609, point 61].

67      Dans ces circonstances, il y a lieu de rapporter l’ordonnance du 25 juin 2015 (voir point 16 ci-dessus).

68      Enfin, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 160 du règlement de procédure, le rejet de la présente demande en référé n’empêche pas les requérantes de présenter une nouvelle demande fondée sur des faits nouveaux qui seraient portés à leur connaissance, notamment, au cours de la procédure principale.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      L’ordonnance du 25 juin 2015 rendue dans l’affaire T-321/15 R est rapportée.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 17 juillet 2015.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.

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