Zentralverband des Deutschen Backerhandwerks v Commission (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-49/14 (07 October 2015)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T4914.html
Cite as: ECLI:EU:T:2015:755, EU:T:2015:755, [2015] EUECJ T-49/14

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 octobre 2015 (*)

« Indication géographique protégée – ‘Kołocz śląskiʼ ou ʽKołacz śląski’ – Procédure d’annulation – Base juridique – Règlement (CE) n° 510/2006 – Règlement (UE) n° 1151/2012 – Motifs d’annulation –Droits fondamentaux »

Dans l’affaire T‑49/14,

Zentralverband des Deutschen Bäckerhandwerks eV, établi à Berlin (Allemagne), représenté par Mes I. Jung, M. Teworte-Vey, A. Renvert et J. Saatkamp, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Guillem Carrau et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2013/663/UE de la Commission, du 14 novembre 2013, concernant le rejet d’une demande d’annulation d’une dénomination enregistrée dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées prévu au règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil [Kołocz śląski/Kołacz śląski (IGP)] (JO L 306, p. 40),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, Zentralverband des Deutschen Bäckerhandwerks eV (association centrale des artisans boulangers allemands), est une association qui défend, conformément à ses statuts, les intérêts économiques des artisans boulangers allemands au niveau local, régional et fédéral à l’égard des institutions de l’Union européenne.

2        Le 20 novembre 2008, la République de Pologne a déposé une demande d’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » au titre de l’article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 93, p. 12).

3        La demande d’enregistrement a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 5 novembre 2010 (JO C 299, p. 7, ci-après le « document unique »).

4        Le 22 juillet 2011, en l’absence d’opposition, la Commission européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 733/2011 enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées [Kołocz śląski/Kołacz śląski (IGP)] (JO L 195, p. 32).

5        Le 1er février 2012, le requérant a introduit auprès du Deutsches Patent- und Markenamt (office des brevets et des marques allemand, ci-après le « DPMA ») une demande d’annulation de l’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » conformément à l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 510/2006.

6        Par lettre du 27 mars 2012, le DPMA a informé le requérant qu’il existait des doutes concernant la question de savoir si les arguments avancés à propos de la recevabilité de sa demande d’annulation de l’enregistrement au titre de l’article 12 du règlement n° 510/2006 pouvaient être pris en considération.

7        Après avoir reçu une lettre du requérant du 24 avril 2012 ainsi que d’autres lettres ultérieures dans lesquelles celui-ci consolidait sa conception juridique, le DPMA a publié, le 21 septembre 2012, la demande d’annulation au Markenblatt (bulletin des marques allemand).

8        Par décision du 31 janvier 2013, à l’issue d’une enquête, le DPMA a constaté que la demande d’annulation déposée par le requérant était conforme aux exigences fixées par le règlement n° 510/2006 et a transmis cette demande au ministère de la Justice allemand. Ce dernier a transmis, le 15 février 2013, la demande d’annulation à la Commission, qui l’a reçue le 18 février 2013.

9        Par lettre du 8 avril 2013, le directeur général de la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission a fait savoir au ministère de la Justice allemand ce qui suit :

« Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que la demande d’annulation que vous avez transmise est irrecevable. »

10      Par courriel du ministère de la Justice allemand du 29 avril 2013, cette lettre a été transmise au requérant.

11      Par courriel du 7 juin 2013, le requérant a demandé à la Commission, afin de clarifier la nature juridique de cette lettre, de lui indiquer s’il s’agissait, en l’espèce, d’une décision contraignante ou d’une décision comportant seulement une appréciation non contraignante.

12      Par lettre du 13 juin 2013, le directeur de la direction H de la DG « Agriculture et développement rural » lui a répondu que la lettre du 8 avril 2013 constituait « la première réaction des services de la Commission dans le cadre de l’examen de la demande d’annulation susmentionnée entrepris par la Commission ». En outre, il a fait savoir que « [d]es décisions formelles seraient adoptées concernant des systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, [c]onformément à l’article 52 du règlement (UE) n° 1151/2012 ». Enfin, il a indiqué que « [l]adite lettre n’a[vait] pas été publiée ».

13      Par sa décision d’exécution 2013/663/UE, du 14 novembre 2013, concernant le rejet d’une demande d’annulation d’une dénomination enregistrée dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées prévu au règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil [Kołocz śląski/Kołacz śląski (IGP)] (JO L 306, p. 40, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande d’annulation, en ce qu’elle ne remplissait pas les conditions prévues par l’article 54, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO L 343, p. 1).

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2014, le requérant a introduit le présent recours.

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler la décision attaquée.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours, le requérant invoque, en substance, deux moyens, tirés, respectivement, de l’application d’une base juridique erronée et de la violation du règlement n° 1151/2012.

 Sur le premier moyen, tiré de l’application d’une base juridique erronée

18      Le requérant divise son premier moyen en deux branches, portant, respectivement, sur l’application des règlements rationae temporis ainsi que sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande d’annulation au regard de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 510/2006.

19      Dans le cadre de la première branche portant sur l’application des règlements dans le temps, le requérant estime que la demande d’annulation de l’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » aurait dû être examinée au regard du règlement n° 510/2006.

20      Il se prévaut, à cet égard, de la doctrine et de la jurisprudence concernant les règles de recevabilité qui s’appliquent à la date de l’introduction d’un recours et s’efforce de les transposer à sa demande d’annulation de l’enregistrement en cause.

21      Aussi relève-t-il que l’application du règlement n° 1151/2012 porte atteinte aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Ce serait le moment de l’introduction de la demande auprès du DPMA et non le moment de la transmission de ladite demande à la Commission qui serait déterminant.

22      La Commission réfute les arguments du requérant.

23      Il convient de rappeler que le règlement n° 510/2006 a été abrogé et remplacé, le 3 janvier 2013, par le règlement n° 1151/2012 (voir article 59, premier alinéa, du règlement n° 1151/2012).

24      En l’occurrence, s’il est vrai que le requérant a introduit sa demande d’annulation de l’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » le 1er février 2012 auprès du DPMA sous l’empire du règlement n° 510/2006, il n’en demeure pas moins que ladite demande a été transmise par le ministre de la Justice allemand à la Commission le 15 février 2013 et que la décision attaquée a été adoptée par la Commission le 14 novembre 2013, c’est-à-dire après l’entrée en vigueur du règlement n° 1151/2012.

25      Se pose, dès lors, la question de savoir si une procédure d’annulation, qui a été engagée avant la date d’entrée en vigueur du règlement n° 1151/2012, mais qui s’est poursuivie après cette date, est régie par l’article 12 du règlement n° 510/2006 ou par l’article 54 du règlement n° 1151/2012.

26      À cet égard, il convient de rappeler que, en règle générale, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que le point de départ de l’application dans le temps d’un acte de l’Union soit fixé à une date antérieure à celle de sa publication, sauf lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l’exige et que la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir arrêt du 22 décembre 2010, Bavaria, C‑120/08, Rec, EU:C:2010:798, point 40).

27      Ainsi, si les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, il n’en est pas de même des règles de fond (voir, par analogie, arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, Rec, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée).

28      En effet, les règles de droit matériel de l’Union doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu’un tel effet doit leur être attribué (voir arrêt Bavaria, point 26 supra, EU:C:2010:798, point 40 et jurisprudence citée). Cette conclusion s’impose indépendamment des effets favorables ou défavorables que lesdites règles pourraient avoir pour l’intéressé (voir, en ce sens, arrêts du 29 janvier 1985, Gesamthochschule Duisburg, 234/83, Rec, EU:C:1985:30, point 20, et du 7 février 2002, Kauer, C‑28/00, Rec, EU:C:2002:82, point 20).

29      En revanche, la législation de l’Union s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancienne (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1986, Licata/CES, 270/84, Rec, EU:C:1986:304, point 31, et du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer, C‑162/00, Rec, EU:C:2002:57, point 50).

30      Par conséquent, la procédure d’annulation litigieuse était, dès l’entrée en vigueur du règlement n° 1151/2012, régie par l’article 54 dudit règlement, et ce nonobstant le fait que ladite procédure avait été engagée sous l’empire du règlement n° 510/2006.

31      En outre, le champ d’application du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être étendu au point d’empêcher, de façon générale, une réglementation nouvelle de s’appliquer aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la réglementation antérieure (voir, en ce sens, arrêt Pokrzeptowicz-Meyer, point 29 supra, EU:C:2002:57, point 55).

32      Dans ces circonstances, le requérant ne pouvait légitimement s’attendre à ce que le règlement n° 1151/2012 n’exerce aucune influence sur la procédure d’annulation en cours.

33      Partant, il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la Commission n’a pas méconnu, en l’espèce, l’adage tempus regit actum, ni les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

34      Il en ressort également que la légalité de la décision attaquée doit être appréciée au regard du règlement n° 1151/2012.

35      Par conséquent, il n’y a plus lieu d’examiner la seconde branche du premier moyen, portant sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande d’annulation au regard de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 510/2006.

36      Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du règlement n° 1151/2012

37      Selon le requérant, les boulangers allemands seront, du fait de l’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski », empêchés de fabriquer des « Schlesischer Streuselkuchen » et de les vendre sous cette dénomination. Le requérant s’oppose à ce que des boulangers et des boulangeries en Allemagne soient, à la suite de la publication du document unique comportant la traduction de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski », empêchés de commercialiser des « Schlesischer Streuselkuchen ».

38      Le requérant avance cinq arguments à l’appui de son moyen.

39      En premier lieu, le requérant considère que les motifs d’annulation ne sont pas limités aux deux hypothèses mentionnées à l’article 54 du règlement n° 1151/2012. Le choix du terme « notamment » dans le considérant 61 du même règlement démontrerait que ces motifs ne sont pas censés être exhaustifs. Aussi, il ressortirait d’une lecture combinée du règlement n° 510/2006 et du règlement n° 1151/2012 que des motifs d’opposition pourraient être invoqués comme motifs d’annulation.

40      En deuxième lieu, le requérant considère que l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski », qui se traduirait en allemand par « Schlesischer Streuselkuchen », n’aurait pas dû faire l’objet d’un enregistrement au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1151/2012, puisque « Schlesischer Streuselkuchen » constitue une dénomination générique au sens de l’article 3, point 6, de ce règlement.

41      En troisième lieu, le requérant affirme que le respect des conditions du cahier des charges n’est plus assuré. Premièrement, l’aire géographique aurait été délimitée de façon erronée. Deuxièmement, en présence d’une dénomination générique, un lien entre une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique du produit et l’origine géographique, visé à l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1151/2012 ferait défaut.

42      En quatrième lieu, le requérant revendique une violation des droits fondamentaux, que les boulangers allemands, qu’il représente, tirent des articles 2, 12 et 14 du Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (la Loi fondamentale allemande) ainsi que des articles 15, 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, du fait de l’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski », puisque ledit enregistrement porte atteinte à leur existence économique.

43      En cinquième lieu, le requérant estime que l’assimilation des termes « Schlesischer Streuselkuchen » au « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » empêche la commercialisation du produit en cause par les boulangers allemands en raison d’une protection de la dénomination lorsque celle-ci est traduite.

44      La Commission conteste les arguments du requérant en considérant que ceux-ci ne sont en aucun cas des motifs d’annulation, mais sont des motifs d’opposition qui ne peuvent être pris en compte au soutien d’une demande d’annulation.

45      À cet égard, la Commission rappelle que les motifs pouvant fonder un droit à l’annulation ne sont pas les mêmes que ceux invocables au cours de la procédure d’opposition. En effet, les motifs ayant trait à la demande d’annulation sont, selon la Commission, strictement encadrés par l’article 54 du règlement n° 1151/2012.

46      De surcroît, la Commission estime que la demande d’annulation de l’enregistrement introduit par le requérant doit, en tout état de cause, être rejetée comme non fondée.

47      Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, l’argument relatif à la protection de la dénomination lorsque celle-ci est traduite, conformément à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1151/2012, puisque la prétendue mauvaise traduction de l’indication géographique protégée dans la version allemande du document unique constitue le fondement des arguments du requérant relatifs à l’existence d’une dénomination générique et au non-respect du cahier des charges du produit.

 Sur la protection de la dénomination enregistrée lorsqu’elle est traduite

48      Le requérant soutient que l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » bénéficie, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1151/2012, d’une protection contre la vente de produits sous la dénomination allemande « Schlesischer Streuselkuchen ».

49      Il se prévaut, à cet égard, du fait que, aux points 3.2, 3.3, 5.1, 5.2 et 5.3 du document unique, les termes « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » ont été erronément traduits par « Schlesischer Streuselkuchen ».

50      L’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1151/2012 dispose que les dénominations enregistrées sont protégées contre « toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que ‘genre’, ‘type’, ‘méthode’, ‘façon’, ‘imitation’, ou d’une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ».

51      En l’espèce, le point de désaccord principal entre les parties porte sur la question de savoir si la dénomination « Schlesischer Streuselkuchen » doit être considérée comme la traduction allemande de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » et si elle doit, dès lors, bénéficier de la protection prévue par l’article 13 du règlement n° 1151/2012.

52      En premier lieu, il y a lieu d’observer, à l’instar de la Commission, que « Schlesischer Streuselkuchen » n’est pas la traduction fidèle ou littérale de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski ».

53      À cet égard, force est de constater que « Schlesischer Kuchen » constitue la traduction correcte de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski ».

54      En deuxième lieu, le fait que, dans la version allemande du document unique, la dénomination « Schlesischer Streuselkuchen » se trouve à plusieurs reprises juxtaposée à l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » renforce l’argument de la Commission selon lequel il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une traduction. En effet, d’un point de vue purement linguistique, il convient de relever qu’une traduction aurait, en principe, dû figurer en lieu et place de l’indication géographique protégée en cause dans le document unique.

55      En troisième lieu, il y a lieu de constater que le règlement d’exécution n° 733/2011, enregistrant par la suite l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski », ne fait aucunement mention de, ou référence à, la dénomination « Schlesischer Streuselkuchen ».

56      Eu égard aux constatations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la mention de la dénomination « Schlesischer Streuselkuchen » dans la version allemande du document unique constitue une erreur rédactionnelle.

57      Partant, il convient de considérer que l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » ne couvre pas les « Schlesischer Streuselkuchen », de sorte que l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1151/2012 ne serait pas opposable aux boulangers allemands qui fabriquent et commercialisent des « Schlesischer Streuselkuchen ».

 Sur la prétendue limitation des motifs d’annulation

58      L’annulation d’un enregistrement est régie par l’article 54 du règlement n° 1151/2012. Ledit article dispose, en son paragraphe 1, que :

« La Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une personne physique ou morale ayant un intérêt légitime, adopter des actes d’exécution afin d’annuler l’enregistrement d’une appellation d’origine protégée, d’une indication géographique protégée ou d’une spécialité traditionnelle garantie dans les cas suivants :

a)      lorsque le respect des conditions du cahier des charges n’est pas assuré,

b)      lorsqu[’]aucun produit n’a été mis sur le marché sous la spécialité traditionnelle garantie, l’appellation d’origine protégée ou l’indication géographique protégée pendant au moins sept ans. »

59      Le considérant 61 du règlement n° 1151/2012 explique, dans ce contexte, qu’« [i]l y a lieu de raccourcir et d’améliorer, notamment en ce qui concerne la prise de décision, la procédure d’enregistrement des appellations d’origine protégées, des indications géographiques protégées et des spécialités traditionnelles garanties, y compris les périodes d’examen et d’opposition[ ; que l]a Commission, assistée dans certains cas des États membres, devrait être responsable de la prise de décision en matière d’enregistrement[ ; qu’i]l convient que des procédures soient établies afin de permettre la modification du cahier des charges du produit après l’enregistrement ainsi que l’annulation des dénominations enregistrées, notamment si le produit ne respecte plus le cahier des charges correspondant ou si une dénomination n’est plus utilisée sur le marché ».

60      Le requérant allègue que les motifs invocables pour la demande d’annulation ne sont pas délimités par le texte de l’article 54 du règlement n° 1151/2012. Il ressortirait clairement de l’utilisation du terme « notamment » dans le considérant 61 dudit règlement qu’une annulation a posteriori d’un enregistrement doit être possible, notamment, mais non exclusivement, lorsque le produit ne respecte plus le cahier des charges correspondant ou si une dénomination n’est plus utilisée.

61      La Commission admet que le requérant pourrait avoir un intérêt à demander l’annulation de l’indication géographique protégée. Toutefois, elle n’aurait pu procéder à une telle annulation que dans le respect des deux conditions visées à l’article 54 du règlement n° 1151/2012. Aucune de ces conditions n’étant remplie, la Commission a considéré la demande d’annulation introduite par le requérant comme étant non fondée et l’a rejetée.

62      À titre liminaire, il convient de rappeler que les procédures d’opposition et les procédures d’annulation, bien que complémentaires, ne poursuivent pas le même but. Dans le cadre de la procédure d’opposition, prévue à l’article 51 du règlement n° 1151/2012, toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime, établie ou résidant dans un État membre autre que celui dont émane la demande, peut s’opposer à la demande d’enregistrement en invoquant les motifs énumérés à l’article 10 du règlement n° 1151/2012. Cette procédure permet de compléter la procédure d’examen de la demande d’enregistrement effectuée par la Commission. À cet égard, il est constant entre les parties que la procédure d’opposition permet de garantir l’exactitude et la légalité des dénominations proposées à l’enregistrement, de prendre en compte des intérêts contradictoires et d’arbitrer des conflits d’intérêts (voir article 12 du règlement n° 510/2006 et article 51 du règlement n° 1151/2012). La procédure d’annulation, en revanche, permet de contester une dénomination une fois qu’elle a été enregistrée.

63      Il en résulte que, même dans l’hypothèse où l’article 54 du règlement n° 1151/2012 devrait être interprété en ce sens qu’il ne contient pas de limitation des motifs d’annulation invocables, des motifs d’opposition ne pourraient en aucun cas être invoqués à l’appui d’une procédure d’annulation, puisqu’ils relèvent exclusivement de la procédure d’opposition.

64      Afin de pouvoir garantir le bon déroulement de la procédure administrative et de tenir compte des intérêts des différentes personnes concernées, la Commission ne saurait tenir compte, dans une procédure d’annulation, des motifs d’opposition qui n’ont pas été invoqués dans les délais ainsi que des faits invoqués à l’appui de ceux-ci. En effet, afin de préserver l’effet utile des dispositions relevant de la procédure d’opposition, visant à prendre en compte des objections relatives à une demande d’enregistrement (voir point 62 ci-dessus), la procédure d’annulation ne peut servir à « remplacer » tardivement la procédure d’opposition.

65      L’argument du requérant selon lequel la Commission aurait méconnu le fonctionnement de la procédure d’annulation en ce qu’elle ne se serait pas explicitement prononcée dans la décision attaquée à la suite des préoccupations qu’il avait soulevées dans le cadre de la procédure d’annulation ne saurait prospérer. En effet, il y a lieu de relever que, dans l’exemple invoqué par le requérant à l’appui de son argument, la Commission s’est prononcée sur de telles préoccupations dans son règlement d’exécution (UE) n° 901/2012, du 2 octobre 2012, enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées [Štajersko prekmursko bučno olje (IGP)] (JO L 268, p. 3), à la suite d’une procédure d’opposition, et non d’annulation.

66      En outre, la Commission a précisé, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, qu’il était, certes, possible de rectifier a posteriori un enregistrement illégal dans le cas où l’illégalité était soumise à son attention. Cependant, le fait qu’un acte illégal puisse être révoqué, dans le respect de la confiance légitime du titulaire de ce droit qui en a bénéficié dans l’intervalle, résulte du principe général du droit administratif et non d’une demande d’annulation.

67      Par conséquent, l’enregistrement de l’indication géographique protégée ne peut être remis en cause dans le cadre d’une procédure d’annulation par des parties intéressées qui invoqueraient des motifs relatifs au respect initial des conditions matérielles d’enregistrement, qui auraient donc pu être avancés dès la publication du document unique.

68      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner les arguments relatifs au fait que « Schlesischer Streuselkuchen » serait une dénomination générique et au prétendu non-respect des conditions du cahier des charges.

 Sur le prétendu fait que « Schlesischer Streuselkuchen » est une dénomination générique

69      Le requérant estime que l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski », qui se traduirait en allemand par « Schlesischer Streuselkuchen », n’aurait pas dû faire l’objet d’un enregistrement au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1151/2012, puisque « Schlesischer Streuselkuchen » constitue une dénomination générique au sens de l’article 3, point 6, de ce règlement. À cet égard, il présente des preuves concernant la situation existant en Allemagne ainsi que les facteurs qui auraient mené au caractère générique de la dénomination « Schlesischer Streuselkuchen » sur le territoire allemand.

70      En premier lieu, il convient de relever que l’argument du requérant ne saurait prospérer, puisqu’il porte sur un éventuel motif d’opposition, relevant du champ d’application de l’article 10, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1151/2012, qui ne peut être invoqué dans le cadre d’une procédure d’annulation.

71      En second lieu, il convient de constater, en tout état de cause, comme l’a fait la Commission à juste titre, que le requérant n’affirme pas que l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » est générique. Il en résulte qu’aucune violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1151/2012 ne saurait être constatée, dans la mesure où, en l’espèce, ce n’est pas la dénomination « Schlesischer Streuselkuchen » qui a été enregistrée, mais la dénomination « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski ».

72      Il ressort de tout ce qui précède que le requérant ne saurait faire valoir, à ce titre, une impossibilité pour les boulangers allemands de vendre des produits sous la dénomination « Schlesischer Streuselkuchen » en Allemagne.

 Sur le prétendu non-respect des conditions du cahier des charges

73      Le requérant est d’avis que l’annulation de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » peut être obtenue sur le fondement du motif d’annulation mentionné à l’article 54, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1151/2012.

74      Premièrement, le requérant prétend que, dans la mesure où l’aire géographique ne correspond effectivement pas aux spécifications du cahier des charges, le respect des conditions de ce dernier n’est plus assuré. Il précise que lesdites spécifications délimitent l’aire géographique de la Silésie de manière erronée, étant donné que les parties de la Silésie situées en Allemagne et dans la République tchèque ne seraient pas couvertes par la voïvodie d’Opole et certaines zones de la voïvodie de Silésie qui y sont mentionnées. Il ressortirait de l’article 7, paragraphe 1, sous c), lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1151/2012, qu’au moins une des étapes de production, à savoir la production, la transformation ou l’élaboration, doit avoir lieu dans l’aire géographique délimitée. Cette condition ne serait en principe pas satisfaite en cas de production des « Schlesischer Streuselkuchen » par des boulangers allemands.

75      Deuxièmement, le requérant affirme que, en présence d’une dénomination générique, un lien entre une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique du produit et l’origine géographique, visé à l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1151/2012 fait défaut. Il rappelle, à cet égard, que le cahier des charges doit contenir une preuve dudit lien, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1151/2012. Par conséquent, le respect des conditions du cahier des charges ne serait plus assuré.

76      La Commission conteste l’existence de toute erreur dans la délimitation de l’aire géographique ainsi que l’absence d’un lien entre la dénomination enregistrée et ladite aire géographique.

77      À cet égard, il y a lieu de relever que le cahier des charges du produit contient, notamment, la dénomination devant être protégée en tant qu’indication géographique telle qu’elle est utilisée dans le commerce ou dans le langage commun, et uniquement dans les langues qui sont ou étaient historiquement utilisées pour décrire le produit spécifique dans l’aire géographique délimitée [voir article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1151/2012], une description du produit [voir article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement] ainsi que la définition de l’aire géographique délimitée [voir article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement].

78      En l’espèce, l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » a été enregistrée en langue polonaise pour la voïvodie d’Opole et certaines zones de la voïvodie de Silésie (voir le document unique).

79      Or, cette délimitation ne s’oppose pas à ce que les boulangers allemands produisent dans l’ensemble de l’Allemagne des « Schlesischer Streuselkuchen » qui ne sont pas des « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » protégés par l’enregistrement (voir point 57 ci-dessus).

80      Par conséquent, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que, tant que les « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » proviennent des régions délimitées dans le cahier des charges du produit, il ne pourra être affirmé que le respect dudit cahier des charges n’est plus assuré.

81      À titre subsidiaire, dans la mesure où, en soutenant que le respect des conditions du cahier des charges n’est plus assuré, le requérant soutient en réalité que la délimitation de l’aire géographique mentionnée est trop étroite et, par conséquent, erronée en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1151/2012, il convient de relever, à cet égard, que cet argument ne saurait prospérer, puisqu’il s’agit d’un éventuel motif d’opposition, relevant du champ d’application de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1151/2012, qui ne peut être invoqué dans le cadre d’une procédure d’annulation.

82      Par ailleurs, quant au grief tiré de la présence d’une dénomination générique, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a déjà pu constater, au point 70 ci-dessus, que cet argument ne saurait prospérer, puisqu’il s’agit d’un éventuel motif d’opposition, relevant du champ d’application de l’article 10, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1151/2012.

83      Partant, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant, tiré du prétendu non-respect des conditions du cahier des charges, dans son intégralité.

 Sur la prétendue violation des droits fondamentaux

84      Le requérant fait valoir une « atteinte injustifiée à l’existence économique » des boulangers allemands qu’il représente, qui fabriquent et commercialisent des « Schlesischer Streuselkuchen », causée par l’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski », ce qui constituerait une violation des droits fondamentaux, à savoir le droit à la liberté d’entreprise, le droit de propriété et le droit au libre exercice d’une activité professionnelle, consacrés par la Loi fondamentale allemande ou par la charte des droits fondamentaux.

85      La Commission considère qu’il n’y a aucune violation des droits fondamentaux, d’une part, car ceux-ci peuvent faire l’objet de limitations et, d’autre part, parce que le requérant ne justifie d’aucune restriction disproportionnée qui atteint la substance même de ces droits. L’enregistrement de la dénomination « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » n’affecte, selon elle, d’ailleurs en rien les boulangeries allemandes.

86      Il doit être rappelé que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, TUE, l’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la charte des droits fondamentaux, « laquelle a la même valeur juridique que les traités ».

87      La question relative à une atteinte éventuelle aux droits fondamentaux par un acte institutionnel de l’Union ne peut pas être appréciée autrement que dans le cadre du droit de l’Union lui-même (voir arrêt du 13 décembre 1979, Hauer, 44/79, Rec, EU:C:1979:290, point 14 et jurisprudence citée). L’argument tiré de la violation de la Loi fondamentale allemande ne saurait, dès lors, prospérer.

88      Il convient de rappeler que l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux admet que des limitations peuvent être apportées à l’exercice des droits et des libertés reconnus par ladite charte, tels que ceux consacrés aux articles 15, 16 et 17 de celle-ci, pour autant que ces limitations soient prévues par la loi, respectent le contenu essentiel desdits droits et libertés et, dans le respect du principe de proportionnalité, soient nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

89      Or, ainsi qu’il ressort des considérations qui précèdent, l’enregistrement de l’indication géographie protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » n’emporte pas une impossibilité, pour les boulangers allemands, de fabriquer et de commercialiser des « Schlesischer Streuselkuchen » dans l’ensemble de l’Allemagne, puisque ces produits ne sont pas couverts par l’enregistrement en cause.

90      En outre, il y a lieu de relever que, en l’espèce, le requérant n’allègue pas que l’impossibilité pour les boulangers allemands, qu’il représente, d’employer la dénomination « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » pour leurs produits représente une restriction de leur droit de propriété, de leur activité d’entreprise ou de leur liberté professionnelle.

91      Il doit, dès lors, être considéré que les droits fondamentaux visés aux articles 15, 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux ne sont pas violés, en l’espèce.

92      Partant, le second moyen doit être rejeté dans son intégralité comme non fondé.

93      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours doit être rejeté dans son intégralité comme non fondé, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Zentralverband des Deutschen Bäckerhandwerks eV est condamné aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 octobre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.

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