Italy v Commission (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-527/13 (24 June 2015)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T52713.html
Cite as: [2015] EUECJ T-527/13, EU:T:2015:429, ECLI:EU:T:2015:429

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ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

24 juin 2015 (*)

« Aides d’État – Prélèvement laitier – Aides accordées par l’Italie aux producteurs de lait – Régime d’aides lié au remboursement du prélèvement laitier – Décision conditionnelle – Non‑respect d’une condition ayant permis de reconnaître la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur – Aide de minimis – Aide existante – Aide nouvelle –Modification d’une aide existante – Procédure de contrôle des aides d’État – Obligation de motivation – Charge de la preuve »

Dans l’affaire T‑527/13,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. S. Fiorentino et P. Grasso, avvocati dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Grespan, D. Nardi et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2013/665/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant le régime d’aides d’État SA.33726 (11/C) [ex SA.33726 (11/NN)] mis à exécution par l’Italie (report de paiement du prélèvement laitier) (JO L 309, p. 40),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood (rapporteur) et E. Bieliūnas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Afin de permettre aux producteurs de lait italiens de s’acquitter du prélèvement supplémentaire de 1 386 475 000 euros dû à l’Union européenne en raison du dépassement du quota laitier attribué à la République italienne au cours des campagnes 1995/1996 à 2001/2002, cet État membre a demandé au Conseil de l’Union européenne de l’autoriser à instituer un régime d’aides d’État en application de l’article 88, paragraphe 2, troisième alinéa, CE.

2        Par décision 2003/530/CE, du 16 juillet 2003, relative à la compatibilité avec le marché commun d’une aide que la République italienne entend accorder à ses producteurs de lait (JO L 184, p. 15, ci-après la « décision du Conseil »), le Conseil a autorisé cet État membre à « se substitu[er] à ces producteurs pour verser à [l’Union] le montant dû par ces derniers à [l’Union] au titre du prélèvement supplémentaire sur le lait et les produits laitiers pour les campagnes 1995/1996 à 2001/2002 » (article 1er de la décision du Conseil). Il l’a également autorisé à « [permettre aux intéressés] d’apurer leur dette [à l’égard de la République italienne] par un report de paiement sans intérêts, échelonné sur plusieurs années » (article 1er de la décision du Conseil).

3        Cette déclaration de compatibilité a été assujettie à deux séries de conditions. En premier lieu, le Conseil a imposé aux autorités italiennes de déclarer le montant correspondant au prélèvement supplémentaire dû par les producteurs de lait au Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), d’une part, et de déduire l’encours de leur dette à l’égard de l’Union et les intérêts s’y rapportant des dépenses financées par le FEOGA, d’autre part (article 2 de la décision du Conseil). En second lieu, il a exigé que les producteurs de lait remboursent intégralement leur dette à l’égard de la République italienne sous la forme d’annuités constantes, d’une part, et pendant une période ne dépassant pas quatorze ans à compter du 1er janvier 2004, d’autre part (article 1er de la décision du Conseil).

4        Dans ce contexte, les autorités italiennes ont adopté le decreto-legge n. 49, riforma della normativa in tema di applicazione del prelievo supplementare nel settore del latte e dei prodotti lattiero-caseari (décret-loi n° 49, portant réforme de la réglementation concernant l’application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers), du 28 mars 2003 (GURI n° 75, du 31 mars 2003, p. 4), ainsi que le decreto ministeriale del 30 luglio 2003,disposizioni per il versamento del prelievo supplementare, dovuto e non versato per i periodi dal 1995/1996 al 2001/2002 di cui all’art. 10, comma 34, della legge n. 119/2003 (décret ministériel du 30 juillet 2003 portant disposition pour le versement du prélèvement supplémentaire, dû et non versé pour la période de 1995/1996 à 2001/2002 visée à l’article 10, alinéa 34, de la loi n. 119/2003) (GURI n° 183, du 8 août 2003, p. 33). Les dispositions combinées de ces deux actes ont prévu, en substance, que le montant du prélèvement supplémentaire pris en charge par la République italienne lui serait intégralement remboursé par les producteurs de lait, sans être assorti d’intérêts, sous la forme de tranches de paiement annuelles de même montant échelonnées sur une période ne dépassant pas quatorze ans (ci-après le « système d’échelonnement des paiements »).

5        Après avoir modifié ces dispositions à plusieurs reprises, notamment pour permettre aux intéressés de solliciter l’échelonnement de leur dette sur une période pouvant aller jusqu’à trente ans, puis en reportant de six mois le paiement de la tranche annuelle arrivant à échéance le 30 juin 2010, les autorités italiennes ont adopté la legge n. 10, Conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 29 dicembre 2010, n. 225, recante proroga di termini previsti da disposizioni legislative e di interventi urgenti in materia tributaria e di sostegno alle imprese e alle famiglie (loi n° 10, de conversion en loi, avec modifications, du décret-loi n° 225, du 29 décembre 2010, portant prorogation de délais prévus par des dispositions législatives et d’interventions urgentes en matière fiscale et de soutien aux entreprises et aux familles), du 26 février 2011 (GURI n° 47, du 26 février 2011, supplément ordinaire n° 53), qui est entrée en vigueur le lendemain. Celle-ci a notamment introduit un paragraphe 12 duodecies dans l’article 1er du decreto-legge n. 225, prévoyant que, « [a]fin de faire face à la grave crise touchant le secteur laitier, ont été reportés au 30 juin 2011 les délais pour le paiement des montants à échéance du 31 décembre 2010 visés dans les plans d’échelonnement prévus par le décret-loi n° 49 » et la réglementation subséquente (ci-après le « report de paiement »).

6        Les autorités italiennes ont informé la Commission européenne que l’« équivalent-subvention » de cette mesure avait été imputé sur l’aide de minimis prévue pour cet État membre par l’annexe du règlement (CE) n° 1535/2007 de la Commission, du 20 décembre 2007, concernant l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides de minimis dans le secteur de la production de produits agricoles (JO L 337, p. 35). Selon elles, ce dispositif a profité à 1 291 producteurs de lait sur les 11 271 bénéficiaires du système d’échelonnement des paiements, soit une proportion de 11,45 %. En outre, l’aide individuelle obtenue à ce titre a été comprise dans une fourchette allant de 0,08 à 694,19 euros. Enfin, elle est demeurée inférieure à 100 euros pour 1 187 des 1 291 producteurs de lait concernés et inférieure à 12 euros pour 559 d’entre eux.

7        Par décision C (2011) 10055 final, du 11 janvier 2012, relative à l’aide d’État SA.33726 (11/C) [ex SA.33726 (11/NN)] – Report de paiement du prélèvement laitier en Italie, dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 10 février 2012 (JO C 37, p. 30), la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. En premier lieu, elle a en substance indiqué qu’elle entretenait des doutes relatifs à la qualification du report de paiement au regard de l’article 107 TFUE, ainsi qu’à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. En second lieu, elle a exposé que ce report de paiement entraînait une violation d’une des conditions prévues par la décision du Conseil, que cette violation transformait l’ensemble du système d’échelonnement des paiements institué par les autorités italiennes en aide nouvelle, en tant qu’elle concernait les producteurs de lait ayant bénéficié du report de paiement, et que la compatibilité de cette aide nouvelle avec le marché intérieur n’était pas non plus établie.

8        Par la décision 2013/665/UE du 17 juillet 2013, concernant le régime d’aides d’État SA.33726 (11/C) [ex SA.33726 (11/NN)] mis à exécution par l’Italie (report de paiement du prélèvement laitier) (JO L 309, p. 40, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a considéré, à l’issue de l’échange intervenu avec les autorités italiennes pendant la procédure administrative, que chacune des deux mesures en cause, à savoir, le report de paiement, d’une part, et le système d’échelonnement des paiements, d’autre part, constituait une aide nouvelle, illégale et incompatible avec le marché intérieur (article 1er de la décision attaquée). Elle a, en conséquence, ordonné à la République italienne de procéder à la récupération immédiate et effective des sommes accordées aux producteurs de lait ayant bénéficié du report de paiement, assorties d’intérêts (articles 2 et 3 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête présentée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2013, la République italienne a introduit le présent recours.

10      La République italienne conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée en son intégralité ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée en tant qu’elle lui enjoint de récupérer les aides individuelles accordées, en application du régime d’aides préalablement autorisé par la décision du Conseil, aux producteurs de lait italiens ayant bénéficié du report de paiement ;

–        condamner la Commission aux dépens.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de ses conclusions, la République italienne invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement n° 1535/2007. Le second moyen est tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du même règlement, de la violation de l’article 1er, sous c), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), de la violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 (JO L 140, p. 1) et d’une insuffisance de motivation.

 Sur le premier moyen

13      La République italienne soutient que la décision attaquée est entachée d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement n° 1535/2007, selon lequel « [l]es aides de minimis ne peuvent pas être cumulées avec des aides d’État pour les mêmes dépenses admissibles si ce cumul conduit à une intensité d’aide dépassant le niveau fixé dans les circonstances spécifiques de chaque cas par la réglementation [de l’Union]. » En effet, la Commission aurait conclu que l’octroi du report de paiement enfreignait cette disposition en partant du postulat que le système d’échelonnement des paiements préalablement autorisé par le Conseil constituait le niveau maximal d’aide pouvant être accordé aux producteurs de lait. Or, la décision du Conseil n’aurait en aucun cas interdit aux autorités italiennes d’instituer en tant que de besoin de nouvelles mesures de soutien en leur faveur. Dès lors, la Commission aurait estimé à tort que la disposition en cause s’opposait à ce qu’une aide nouvelle leur soit accordée. Par ailleurs, elle aurait elle-même reconnu que cette aide devait être considérée comme étant de minimis.

14      La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

15      L’article 3 du règlement n° 1535/2007 prévoit, en son paragraphe 1er, que « [s]ont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article [107, paragraphe 1, TFUE] et comme non soumises, de ce fait, à l’obligation de notification prévue à l’article [108, paragraphe 3, TFUE] les aides qui satisfont aux conditions énoncées aux paragraphes 2 à 7 du présent article ».

16      À cet égard, il convient de relever que, si c’est à la Commission qu’il incombe de prouver qu’une mesure remplit les conditions requises pour être qualifiée d’aide d’État, c’est ensuite à l’État membre qui a dispensé ou qui projette de dispenser cette aide qu’il revient de démontrer que cette mesure échappe à une telle qualification ou qu’elle est compatible avec le marché intérieur.

17      À ce titre, il est de jurisprudence constante qu’il lui incombe notamment de fournir à la Commission tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation qu’il sollicite sont remplies (arrêts du 28 avril 1993, Italie/Commission, C‑364/90, Rec, EU:C:1993:157, point 20, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec, EU:C:2004:234, point 81), en établissant soit que la mesure en cause peut être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur en application des dispositions de l’article 107, paragraphe 3, TFUE (arrêts du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, T‑132/96 et T‑143/96, Rec, EU:T:1999:326, point 140, et du 15 juin 2005, Regione Autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec, EU:T:2005:219, point 129), soit même qu’elle échappe à la qualification d’aide d’État énoncée par l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 29 avril 2004, Pays-Bas/Commission, C‑159/01, Rec, EU:C:2004:246, point 43, et du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, Rec, EU:C:2011:732, points 143 à 152).

18      Lorsque l’État membre concerné reste en défaut de rapporter la preuve du bien-fondé de la dérogation qu’il sollicite, et à plus forte raison lorsqu’il manque à son obligation de produire les informations pertinentes à cet égard, dont l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1535/2007 rappelle qu’elle vaut spécialement dans le cas où les États membres font valoir que des aides accordées à des entreprises opérant dans le secteur de la production agricole revêtent un caractère de minimis, la Commission est en droit de conclure que l’octroi de cette dérogation n’apparaît pas justifié (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, Rec, EU:C:2002:363, points 77 à 80).

19      En l’espèce, la décision attaquée retient que le report de paiement constitue une aide d’État (considérants 28 à 32) et ne peut pas être considéré comme revêtant un caractère de minimis (considérants 33 à 42), contrairement à ce que soutenaient les autorités italiennes (considérants 14 à 20).

20      Cette conclusion repose sur trois séries de considérations.

21      Premièrement, la Commission a considéré que, bien que les aides individuelles liées au report de paiement puissent, analysées isolément, être regardées comme étant de minimis, la République italienne ne lui avait pas soumis les éléments de preuve permettant d’établir le bien-fondé de son allégation selon laquelle les producteurs de lait ayant tiré avantage de ce report n’avaient pas reçu d’autres aides de minimis les conduisant à bénéficier d’un montant total d’aide supérieur au plafond prévu par l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1535/2007 (considérants 34 et 35, première à troisième phrases, de la décision attaquée), dont le second alinéa dispose que, « [s]i le montant d’aide total accordé pour une mesure d’aide excède le plafond [de 7 500 euros par période de trois exercices fiscaux] visé au premier alinéa, ce montant d’aide ne peut bénéficier du présent règlement, même pour la fraction n’excédant pas ce plafond ».

22      Deuxièmement, la Commission a estimé, à titre complémentaire comme le montre l’emploi du terme « également » (considérant 35, troisième phrase, de la décision attaquée), que ces aides n’étaient pas les seules mesures à prendre en compte aux fins de la vérification du respect du plafond en question. En effet, elle a considéré que le report de paiement était intervenu en violation de la décision du Conseil, que cette violation rendait une partie des aides individuelles accordées aux producteurs de lait en vertu du système d’échelonnement des paiements autorisé par le Conseil illégales et qu’il fallait aussi tenir compte de ces dernières dans le cadre de ladite vérification (considérant 35, troisième phrase in fine à cinquième phrase, et considérant 50 de la décision attaquée).

23      Troisièmement, et toujours à titre complémentaire comme le montre l’emploi de l’expression « [e]n outre » (considérant 36 de la décision attaquée), la Commission a expliqué que le report de paiement conduisait, du fait de son cumul avec le système d’échelonnement des paiements, à accorder aux producteurs de lait des aides d’une « intensité » dépassant le niveau applicable dans les circonstances spécifiques de l’espèce (considérants 36 à 42 de la décision attaquée), en violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement n° 1535/2007.

24      Or, la République italienne critique cette troisième considération, fondée sur l’article 3, paragraphe 7, du règlement n° 1535/2007, mais n’avance pas d’arguments permettant d’invalider l’analyse menée en parallèle par la Commission au regard du paragraphe 2 de cet article (voir point 21 ci-dessus).

25      En effet, elle se borne, dans le cadre du présent moyen, à relever que, dans la décision attaquée, la Commission a admis que les aides individuelles liées au report de paiement pouvaient être considérées comme revêtant un caractère de minimis si elles étaient examinées isolément (point 46 de la requête). Cependant, la Commission a ajouté que ces aides devaient être appréhendées en lien avec les autres aides de minimis ayant pu bénéficier aux producteurs de lait, et non de manière isolée (voir point 21 ci-dessus).

26      Ensuite, la République italienne admet elle-même, dans le cadre de son second moyen, que l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1535/2007 interdit que différentes aides revêtant chacune un caractère de minimis puissent être qualifiées globalement d’aide de minimis lorsqu’elles s’additionnent et que leur montant total excède le plafond qu’il prévoit (point 53 de la requête).

27      Enfin, la République italienne affirme, dans son second moyen, que, « tel que démontré dans le premier moyen de recours, les conditions prévues par [l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1535/2007] ne sont pas remplies », que, « [e]n effet, la preuve n’est pas rapportée de ce que la mesure contestée ait conduit à un montant total de l’aide accordée qui excéderait le plafond visé à [cet article] » et qu’« [i]l existe au contraire des données qui montrent précisément l’inverse » (point 52 de la requête). Cependant, elle n’avance pas, dans le cadre du présent recours, ni ne démontre avoir avancé, dans le cadre de la procédure administrative, d’arguments ou d’éléments de preuve permettant de considérer, ou même simplement de vérifier, qu’elle n’a pas accordé d’autres aides de minimis conduisant à un dépassement du plafond fixé par cette disposition, comme le relève à juste titre la Commission. Au contraire, en réponse aux questions posées par le Tribunal au titre des mesures d’organisation de la procédure, puis lors de l’audience, elle se borne à faire valoir, en substance, que les aides découlant du report de paiement sont d’importance si minime qu’il convient de présumer que le plafond en cause n’a pas été dépassé. Or, un tel argument ne peut pas prospérer, en l’absence de toute information relative aux autres aides ayant pu bénéficier aux producteurs de lait concernés et compte tenu des exigences probatoires découlant de la jurisprudence (voir points 17 et 18 ci-dessus) et des dispositions combinées de l’article 3, paragraphes 1 et 2, et de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1535/2007.

28      Dès lors que la Commission a pu retenir, dans le cadre de l’analyse rappelée au point 21 ci-dessus, que les aides liées au report de paiement ne pouvaient pas être considérées comme ayant été octroyées en conformité avec l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1535/2007, faute pour les autorités italiennes d’avoir attesté à suffisance de droit du respect de cette disposition, il est indifférent qu’elle ait estimé à tort ou à raison, dans le cadre de l’analyse rappelée au point 23 ci-dessus, que l’octroi de ces aides contrevenait par ailleurs à l’article 3, paragraphe 7, de ce règlement.

29      Par voie de conséquence, le présent moyen ne peut qu’être rejeté comme inopérant.

 Sur le second moyen

30      La République italienne invoque deux séries de griefs dans le cadre du second moyen.

31      En premier lieu, elle soutient que la décision attaquée est entachée d’une violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1535/2007. Tout d’abord, il ne serait pas démontré que les producteurs de lait ayant bénéficié du report de paiement ont obtenu, du fait du cumul de cette mesure avec d’autres mesures, un montant total d’aide supérieur au plafond prévu par cet article. Ensuite, ce dernier serait exclusivement applicable aux cas de figure dans lesquels le cumul de différentes mesures constituant chacune une aide de minimis aboutit à un montant total d’aide supérieur au plafond qu’il énonce. Enfin, même en supposant que l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1535/2007 soit applicable à toute situation de cumul d’aides, que celles-ci revêtent un caractère de minimis ou non, il ne constituerait pas une base juridique permettant à la Commission d’enjoindre à un État membre ayant accordé une aide de minimis de récupérer non seulement cette aide, lorsqu’elle a été octroyée illégalement, mais aussi le montant d’une précédente aide ayant donné lieu à une décision d’autorisation.

32      En second lieu, la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit, et à tout le moins d’une insuffisance de motivation, en ce que la Commission enjoint à la République italienne de récupérer non seulement les aides individuelles liées au report de paiement, mais également une partie de celles octroyées antérieurement, en vertu du système d’échelonnement des paiements. En effet, eu égard à la portée limitée de ce report, la Commission aurait dû l’analyser isolément, en tant qu’aide nouvelle au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999, au lieu de considérer qu’il affectait la substance même du régime d’aides préalablement autorisé par le Conseil et, par voie de conséquence, de décider que l’ensemble de ce régime d’aides existant était à qualifier d’aide nouvelle et illégale à l’égard des producteurs de lait ayant bénéficié du report de paiement. Par ailleurs, la Commission aurait dû conclure que cette aide nouvelle était dispensée de l’obligation de notification prévue par le traité FUE, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 794/2004.

33      En réplique, la République italienne ajoute, en substance, que les arguments invoqués en défense par la Commission confirment le bien-fondé de ses griefs.

34      La Commission estime, en substance, que ces deux séries de griefs sont non-fondées, pour les unes, et inopérantes, pour les autres.

35      En premier lieu, les autorités italiennes seraient restées en défaut, pendant toute la procédure administrative, de prouver le bien-fondé de leur allégation selon laquelle les aides liées au report de paiement n’ont pas entraîné un dépassement du plafond fixé par l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1535/2007, de sorte que la Commission n’aurait pas commis d’erreur en n’appliquant pas cette disposition.

36      En second lieu, la République italienne ferait une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, il ressortirait clairement des motifs et du dispositif de cet acte – ainsi que de la décision d’ouverture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE qui l’a précédée – que la Commission a examiné deux mesures distinctes, puis qualifié chacune d’entre elles d’aide nouvelle illégale et incompatible avec le marché intérieur. La première d’entre elles serait l’« aide liée au report de paiement » (considérant 13, premier et deuxième tirets, considérant 45 et considérant 57 de la décision attaquée). La seconde serait l’« aide nouvelle créée du fait de la violation de la décision [du Conseil] » (considérant 13, troisième tiret, et considérant 57 de la décision attaquée).

37      S’agissant de cette seconde mesure, la Commission aurait estimé à juste titre que les autorités italiennes avaient violé une des conditions énoncées par la décision du Conseil en octroyant un report de paiement aux producteurs de lait, que cette condition constituait un élément sine qua non de l’autorisation accordée par le Conseil et que sa violation rendait l’ensemble du système d’échelonnement des paiements non conforme à ladite décision, pour autant qu’il s’appliquait aux producteurs de lait ayant bénéficié du report. Elle en aurait conclu à bon droit que ce système devait être qualifié, dans cette mesure, de régime d’aides nouveau, illégal et incompatible avec le marché intérieur et que les aides individuelles accordées à ce titre devaient être récupérées parallèlement à celles liées au report de paiement. Il n’aurait pas été nécessaire, dans le cadre de cette analyse, d’examiner si le report de paiement affectait ou non la substance du système d’échelonnement des paiements ou si son caractère de minimis le dispensait de l’obligation de notification prévue par le traité FUE. La Commission aurait, enfin, suffisamment motivé sa décision sur l’ensemble de ces points.

38      Compte tenu des arguments échangés par les parties au cours de la procédure, il est nécessaire de préciser la portée du présent moyen avant d’examiner le grief relatif à la motivation de la décision attaquée, puis ceux relatifs à son bien-fondé.

 Sur la portée du moyen

39      En premier lieu, il convient de constater que, bien que chacun des griefs invoqués par la République italienne dans le cadre du présent moyen soit fondé sur la méconnaissance d’une disposition différente, ils ont en commun de reprocher également, en substance, à la décision attaquée de ne reposer sur aucune base juridique valable en ce qu’elle qualifie le système d’échelonnement des paiements d’aide nouvelle et illégale (article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée), et en ce qu’elle lui enjoint de récupérer cette aide [article 2, paragraphe 1 et paragraphe 4, sous a) à d), de la décision attaquée].

40      En deuxième lieu, cette critique est formulée dès le stade de la requête, même si les expressions « références normatives » et « point d’appui positif sur lequel la décision [de la Commission] aurait pu en principe se baser » n’apparaissent elles-mêmes qu’en réplique, en réponse aux arguments avancés par la Commission en défense.

41      Ainsi, la République italienne expose, à l’occasion de sa première série de griefs, que « la non-application de la mesure contestée par l’administration compétente, en d’autres termes [de] la charge des intérêts correspondant à la période de retard de paiement […] équivaudrait, à elle seule, à la conséquence maximale prévue par le traité pour les aides non autorisées, à savoir la suppression de l’aide accordée », que « la suppression de l’aide de minimis ne devrait pas également entraîner l’annulation de l’aide légalement octroyée » et qu’« il n’existe pas d’éléments susceptibles d’établir que les bénéficiaires de l’aide existante ayant profité de la mesure contestée soient tenus de restituer non seulement le montant correspondant à la mesure contestée, mais également celui reçu au titre de l’aide existante » (points 54 à 56 de la requête).

42      De même, elle soutient, dans sa seconde série de griefs, que l’« [o]n ne saurait non plus considérer que l’extension de la décision de récupération également à l’aide existante peut légitimement découler de l’existence d’une modification substantielle de cette aide, qui soit de nature à faire regarder les deux mesures comme une aide nouvelle unique, non notifiée à la Commission et donc illégale », qu’« [u]ne telle conclusion serait le résultat manifeste d’une dénaturation de la notion de ‘modification de l’aide existante’ » et que, « [e]n tout état de cause, la Commission est loin d’avoir fourni une motivation suffisante quant au fait que les conditions factuelles pour l’application de cette notion seraient remplies » (points 57 et 58 de la requête).

43      En troisième et dernier lieu, et en tout état de cause, il est de jurisprudence constante qu’un moyen ou un argument qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, que ce soit directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêts du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil, 108/81, Rec, EU:C:1982:322, point 25, et du 14 mars 2007, Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, T‑107/04, Rec, EU:T:2007:85, point 60).

44      Dans ces conditions, il convient de considérer que les arguments de la République italienne selon lesquels la défense de la Commission confirme que « [sa] décision s’avère dépourvue de références normatives qui puissent la justifier », dès lors que « l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1535/2007 […] constituait, tout bien considéré, l’unique point d’appui positif sur lequel la décision aurait pu en principe se baser », d’une part, et qu’« il est impossible de considérer [le report de paiement] comme un élément d’une nouvelle aide, faisant également perdre aux bénéficiaires le droit à l’aide autorisée par le Conseil », puisque la Commission n’a pas « démontr[é] que les critères correspondant à la notion de modification d’une aide existante étaient respectés », d’autre part (points 16, 17, 21 et 23 de la réplique), constituent l’ampliation, à la lumière du mémoire en défense, de l’argumentation présentée dès le stade de la requête.

 Sur le grief relatif à la motivation de la décision attaquée

45      Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés d’en comprendre les justifications et au juge d’en contrôler le bien-fondé. Elle doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, et notamment du contenu de l’acte en cause, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que ses destinataires ou d’autres personnes concernées peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est cependant pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit et de fait pertinents, puisque la question de savoir si elle satisfait à l’article 296 TFUE s’apprécie en tenant compte tant du libellé de cet acte que de son contexte juridique et factuel (arrêts du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, EU:C:1985:113, point 19, et du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, Rec, EU:C:2011:497, point 96). Il suffit ainsi que l’institution qui en est l’auteur expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision (arrêts du 14 juillet 1972, Cassella Farbwerke Mainkur/Commission, 55/69, Rec, EU:C:1972:76, points 22 et 23, et du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec, EU:T:2003:57, point 280).

46      En l’espèce, la décision attaquée expose à sept reprises, de façon claire et non équivoque, les raisons pour lesquelles la Commission a considéré, tant au moment de l’ouverture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE qu’au terme de celle-ci, d’une part, que le report de paiement était intervenu en violation d’une des conditions dont le Conseil avait assorti sa décision déclarant le système d’échelonnement des paiements compatible avec le marché intérieur et, d’autre part, qu’une telle violation « transformait » l’ensemble de ce régime d’aides existant en aide nouvelle illégale ou « créait » une telle aide, à l’égard des entreprises ayant profité dudit report (considérant 13, troisième tiret, considérant 28, considérant 35, troisième à cinquième phrases, considérant 42 in fine, considérant 45, deuxième phrase, considérant 50 et considérant 57 de la décision attaquée).

47      Ces motifs exposent à suffisance les considérations de fait et de droit revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée. En outre, ils ont permis à la République italienne de comprendre les justifications fondant le raisonnement de cette institution, compte tenu du contexte dans lequel ce raisonnement était intervenu et des règles juridiques régissant la matière concernée, puis de les contester utilement devant le juge de l’Union, comme en atteste le contenu de la requête et de la réplique. Enfin, ils suffisent pour permettre au Tribunal de contrôler le bien-fondé de ce raisonnement.

48      Partant, il y a lieu d’examiner les griefs relatifs au bien-fondé de la décision attaquée.

 Sur les griefs relatifs au bien-fondé de la décision attaquée

49      En premier lieu, compte tenu du raisonnement fondant la décision attaquée et rappelé par la Commission devant le Tribunal, il convient d’effectuer quatre constats.

50      Premièrement, il est constant que, jusqu’à ce que la Commission estime que le système d’échelonnement des paiements était à considérer comme une aide nouvelle, cette mesure constituait un régime d’aides existant, même si cette qualification n’est qu’implicitement rappelée par la décision attaquée, au considérant 4 et au considérant 13, troisième tiret, selon lesquels l’aide « approuvée par le Conseil » a été « transform[é]e » en « aide nouvelle » du fait du report de paiement.

51      Deuxièmement, il est constant que la déclaration de compatibilité dont bénéficiait ce régime d’aides existant n’était pas absolue, dès lors que le Conseil en avait assujetti l’autorisation au respect de certaines conditions.

52      Troisièmement, il n’est pas contesté que le report de paiement est intervenu en violation d’une de ces conditions et qu’il constitue, pris isolément, une aide nouvelle. En effet, dans le cadre de son premier moyen, la République italienne fait valoir que la décision du Conseil et la règle de minimis lui permettaient d’accorder une telle aide nouvelle. Dans le cadre de son second moyen, elle conteste, à titre subsidiaire, les conséquences juridiques attachées par la Commission au non-respect de la décision du Conseil, à savoir l’application de la qualification d’aide nouvelle à l’ensemble du système d’échelonnement des paiements, pour autant qu’il s’applique aux producteurs ayant bénéficié du report de paiement, ainsi que l’injonction faite à aux autorités italiennes de récupérer les aides individuelles accordées à ce titre. En revanche, elle ne remet pas en cause l’existence de cette violation.

53      Quatrièmement, il n’est ni contesté ni contestable qu’il revenait à la Commission de surveiller la mise en œuvre du régime d’aides autorisé par le Conseil, notamment en s’assurant du respect des conditions ayant permis à ce dernier de le déclarer compatible avec le marché intérieur et, en tant que de besoin, en tirant les conséquences de leur méconnaissance, comme l’avait rappelé la décision du Conseil elle-même (considérants 8 et 9, et article 3).

54      En effet, c’est sous la responsabilité de la Commission que le traité organise l’examen permanent et le contrôle des aides d’État et c’est à cette institution que les articles 107 TFUE et 108 TFUE réservent le rôle central de se prononcer sur la compatibilité de ces mesures avec le marché intérieur, par dérogation au principe général d’incompatibilité qu’ils énoncent, tout en investissant, à cet égard, le Conseil d’un pouvoir qui présente le caractère d’une exception et doit, en tant que tel, faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêts du 29 juin 2004, Commission/Conseil, C‑110/02, Rec, EU:C:2004:395, points 29 à 31, et du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a., C‑272/12 P, Rec, EU:C:2013:812, point 48). Or, cette exception se limite à permettre au Conseil de décider, si des circonstances exceptionnelles le justifient, qu’une aide instituée ou à instituer par un État membre doit être déclarée compatible avec le marché intérieur. Dès lors, c’est à la Commission, et à elle seule, qu’il appartient de veiller à la bonne exécution des aides ou des régimes d’aides existants, que ceux-ci aient été autorisés par elle ou par le Conseil.

55      En second lieu, compte tenu des arguments invoqués par la République italienne, il convient de déterminer si, en l’espèce, la Commission a ou non exercé cette compétence sous la forme prévue par le traité et selon les règles portant modalités d’application de celui-ci.

56      À cet égard, l’article 108 TFUE et le règlement n° 659/1999 lui donnent la possibilité de tirer plusieurs conséquences du non-respect d’une décision ayant déclaré une aide ou un régime d’aides compatible avec le marché intérieur sous réserve du respect de certaines conditions.

57      D’une part, il résulte de l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, et de l’article 23 du règlement n° 659/1999, que, si la Commission estime qu’un État membre ne se conforme pas à une telle décision, elle peut saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation aux articles 258 TFUE et 259 TFUE (arrêts du 12 octobre 1978, Commission/Belgique, 156/77, Rec, EU:C:1978:180, point 22, et du 4 février 1992, British Aerospace et Rover/Commission, C‑294/90, Rec, EU:C:1992:55, point 11).

58      Certes, ces dispositions ne prévoient expressément une telle faculté que dans le cas où la décision qui n’aurait pas été respectée a été adoptée par la Commission. Cependant, il faut considérer qu’il peut aussi en être fait usage dans le cas où c’est par le Conseil qu’une aide ou un régime d’aides a été déclaré compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE. En effet, il ne saurait être admis que la Commission ne soit pas en droit de saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de voir constater qu’un État membre ne s’est pas conformé à une décision prise au titre du contrôle des aides d’État dans l’hypothèse où le Conseil fait usage, à titre exceptionnel, de la compétence qu’elle exerce normalement. Au contraire, l’esprit et l’économie de l’article 108 TFUE impliquent que, dans un tel cas, les moyens d’action de la Commission ne soient pas limités à la procédure plus complexe prévue par l’article 258 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec, EU:C:1974:71, points 16 et 17). Partant, la voie de recours prévue par l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, qui constitue une variante du recours en manquement adaptée de manière spécifique aux problèmes particuliers que présentent les aides d’État (arrêts du 14 février 1990, France/Commission, C‑301/87, Rec, EU:C:1990:67, point 23, et du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T‑358/94, Rec, EU:T:1996:194, point 60), doit pouvoir être mise en œuvre en pareille hypothèse.

59      Lorsque la Commission procède de la sorte, ni l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, ni l’article 23 du règlement n° 659/1999 ne lui imposent d’autre obligation que celle d’établir à suffisance de droit que l’État membre concerné ne s’est pas conformé à tout ou partie des conditions ayant permis à la Commission ou au Conseil de déclarer l’aide ou le régime d’aides en cause compatible avec le marché intérieur.

60      D’autre part, il ressort de la jurisprudence que, si la Commission estime qu’un État membre qui a été autorisé à mettre à exécution une aide ou un régime d’aides a ultérieurement manqué à son obligation de respecter les conditions attachées à cette autorisation, elle n’a cependant pas en toute hypothèse l’obligation de saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne.

61      En particulier, lorsque, comme en l’espèce, le manquement que la Commission estime avoir été commis est lié à l’octroi d’une nouvelle aide, la Cour a jugé qu’elle était en droit de mettre en œuvre les pouvoirs que lui attribue l’article 108 TFUE aux fins de contrôler la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur. Dans ce cadre, la Commission doit prendre en considération tous les éléments pertinents, y compris, le cas échéant, le contexte déjà apprécié dans une décision antérieure et les conditions que cette décision a pu imposer à l’État membre concerné. En outre, elle peut tenir compte de tout nouvel élément de fait de nature à modifier l’analyse précédemment effectuée. En l’absence de tels éléments, elle est en droit de fonder sa nouvelle décision sur les appréciations portées dans la décision antérieure et sur l’inobservation des conditions imposées par celle-ci (arrêts du 3 octobre 1991, Italie/Commission, C‑261/89, Rec, EU:C:1991:367, points 2 à 4, 17 et 20 à 23, et British Aerospace et Rover/Commission, point 57 supra, EU:C:1992:55, points 11 à 14 ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 septembre 1995, TWD/Commission, T‑244/93 et T‑486/93, Rec, EU:T:1995:160, points 51 à 52, 56 et 59 à 60, et, sur pourvoi, arrêt du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec, EU:C:1997:241, points 25 à 27).

62      Toutefois, si la Commission met en œuvre ses pouvoirs de contrôle, il lui incombe de le faire dans le respect, d’une part, des procédures prévues par le traité et les règles prises pour son application (arrêts British Aerospace et Rover/Commission, point 57 supra, EU:C:1992:55, point 14, et TWD/Commission, point 61 supra, EU:T:1995:160, points 57 et 58) et, d’autre part, des exigences de fond auxquelles l’exercice de ces pouvoirs est subordonné.

63      En l’espèce, compte tenu des constats effectués aux points 49 à 53 ci-dessus et de l’économie du règlement n° 659/1999, telle qu’éclairée par la jurisprudence, la Commission avait la possibilité de recourir à plusieurs voies procédurales.

64      Premièrement, dès lors que le système d’échelonnement des paiements avait été autorisé par la décision du Conseil et constituait donc un régime d’aides existant au sens de l’article 1er, sous b), du règlement n° 659/1999, d’une part, et que le report de paiement était intervenu en violation d’une des conditions assortissant cette autorisation, d’autre part, la Commission était en droit, dans le cadre de l’examen permanent des régimes d’aides existants prévu par l’article 108, paragraphe 1, TFUE, d’examiner si, du fait d’une telle violation, ledit régime était encore compatible avec le marché intérieur ou non et, le cas échéant, d’en constater l’incompatibilité. À cet égard, il convient de relever, à titre surabondant, dans la mesure où la République italienne n’a en l’espèce pas contesté la proportionnalité de la décision attaquée et où il n’y a dès lors pas lieu d’examiner cette question, que la décision adoptée au terme de cette procédure doit respecter les principes généraux du droit, et en particulier le principe de proportionnalité applicable à tout acte des institutions de l’Union (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07 P, Rec, EU:C:2010:377, points 36 et 37, et du 17 juillet 2014, Westfälisch-Lippischer Sparkassen- und Giroverband/Commission, T‑457/09, Rec, EU:T:2014:683, points 346 et 347).

65      En conséquence, la Commission pouvait recourir à la « [p]rocédure relative aux régimes d’aides existants », prévue par le chapitre V du règlement n° 659/1999. Cependant, il est constant que la décision attaquée a été prise sur la base de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, comme cela ressort tant de ses visas que de ses motifs (considérants 4, 8, 13, 28, 33, 35, 37, 45 et 57 de la décision attaquée) et comme la Commission l’a confirmé en réponse à une question écrite posée par le Tribunal.

66      Deuxièmement, dès lors que le report de paiement était intervenu en violation de la décision du Conseil, la Commission était en droit, conformément à l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, de déterminer s’il convenait de considérer, ou non, que le système d’échelonnement des paiements autorisé par le Conseil avait été appliqué de façon abusive du fait d’une telle violation. À cet effet, elle pouvait recourir à la « [p]rocédure en cas d’application abusive d’une aide », prévue par le chapitre IV du règlement n° 659/1999.

67      En effet, bien que l’article 1er, sous g), du règlement n° 659/1999 se limite à qualifier d’« aide appliquée de façon abusive », « [a]ux fins du présent règlement », l’« aide [qui a été] utilisée par [son] bénéficiaire » en violation, notamment, d’une « décision conditionnelle », fondée sur l’article 7, paragraphe 4, de ce règlement, et à permettre à la Commission d’ordonner la suppression ou la modification de cette aide (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, Rec, EU:T:2005:166, points 84 à 86 et 95 à 97), il ressort de la jurisprudence que la notion d’« aide appliquée de façon abusive », figurant à l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, doit recevoir une portée plus large que la définition qu’en donne l’article 1er, sous g), du règlement n° 659/1999, dans la mesure où le non-respect, par un État membre, de conditions imposées lors de l’approbation d’une aide constitue également une forme d’application abusive (arrêt du 15 mars 2012, Ellinika Nafpigeia/Commission, T‑391/08, EU:T:2012:126, point 165, non contesté sur ce point dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt du 28 février 2013, Ellinika Nafpigeia/Commission, C‑246/12 P, EU:C:2013:133).

68      Néanmoins, il est constant que la Commission n’a pas fondé sa décision sur ces dispositions, comme elle l’a confirmé en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, mais qu’elle a estimé que le système d’échelonnement des paiements était devenu une aide nouvelle du fait du report de paiement et pour autant qu’il s’appliquait aux producteurs de lait ayant bénéficié de ce report. Or, cette qualification et celle d’aide appliquée de façon abusive sont exclusives l’une de l’autre, puisque seule une aide déjà existante peut donner lieu à une application abusive, ainsi que le rappelle le considérant 15 du règlement n° 659/1999.

69      Troisièmement, dès lors que la violation reprochée à la République italienne consistait en l’octroi d’une mesure susceptible d’être qualifiée d’aide nouvelle, la Commission était en droit de recourir à la « [p]rocédure en matière d’aides illégales », prévue par le chapitre III du règlement n° 659/1999, afin d’examiner cette mesure, comme elle a en l’occurrence décidé de le faire.

70      Toutefois, elle devait respecter, dans ce cadre, les conditions de fond lui permettant de qualifier non seulement le report de paiement pris isolément, mais également l’ensemble du système d’échelonnement des paiements préexistant, d’aide ou de régime d’aides nouveau et illégal.

71      À cet égard, l’article 1er, sous b) et c), du règlement n° 659/1999 qualifie d’aide existante « toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil », et d’aide nouvelle « toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ».

72      Conformément au traité et aux dispositions du chapitre II du règlement n° 659/1999 relatives à la « [p]rocédure concernant les aides notifiées », de telles modifications doivent être notifiées à la Commission préalablement à leur mise en œuvre, sous réserve des cas de dispense de notification prévus par l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 794/2004, et sont susceptibles, au terme de la procédure formelle d’examen, de faire l’objet d’une déclaration d’incompatibilité, ou « décision négative », fondée sur l’article 7, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999.

73      En l’absence de notification, elles constituent des aides illégales et peuvent faire l’objet, au terme de la « [p]rocédure en matière d’aides illégales », régie par le chapitre III du règlement n° 659/1999, non seulement d’une « décision négative », comme le prévoit l’article 13 de ce règlement, mais également d’une « décision de récupération », en vertu de son article 14.

74      Dans toutes ces hypothèses, ce n’est pas « toute aide existante modifiée », mais, conformément au texte non équivoque de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999 et ainsi que le rappelle une jurisprudence constante, seulement la modification en tant que telle qui est susceptible d’être qualifiée d’aide nouvelle (arrêts du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec, EU:T:2002:111, points 109 et 110, et du 16 décembre 2010, Pays-Bas et NOS/Commission, T‑231/06 et T‑237/06, Rec, EU:T:2010:525, point 177 ; voir également, en ce sens, arrêt du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C‑138/09, Rec, EU:C:2010:291, points 42 à 49). Pour sa part, la mesure antérieure, qui a pu être mise à exécution régulièrement, est regardée comme une aide existante ou un régime d’aides existant (arrêts du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C‑44/93, Rec, EU:C:1994:311, point 13, et du 17 juin 1999, Piaggio, C‑295/97, Rec, EU:C:1999:313, point 48).

75      Par exception, dans l’hypothèse où la modification affecte la substance même de l’aide existante ou du régime d’aides existant, cette mesure se trouve transformée dans son intégralité en aide nouvelle ou en régime d’aides nouveau. Toutefois, il ne saurait être question d’une telle modification substantielle lorsque l’élément nouveau est clairement détachable de la mesure préexistante (arrêts Government of Gibraltar/Commission, point 74 supra, EU:T:2002:111, points 111 et 114, et du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑332/06, EU:T:2009:79, point 128 ; voir également, en ce sens, sur pourvoi, arrêt Alcoa Trasformazioni/Commission, point 45 supra, EU:C:2011:497, points 111 et 112) ou qu’il est d’ordre purement formel ou administratif et n’est pas de nature à influer sur l’appréciation de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur (arrêt du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission, C‑271/13 P, EU:C:2014:175, points 31 à 38).

76      Il s’ensuit que la possibilité, pour la Commission, de qualifier d’aide nouvelle, et le cas échéant illégale, non seulement la modification d’une aide existante, mais également l’intégralité de l’aide existante sur laquelle porte cette modification, est soumise, quant au fond, à la condition que cette institution établisse que ladite modification affecte la substance même de la mesure préexistante. En outre, dans le cas où l’État membre concerné soutient, pendant la procédure administrative, soit que cette modification est clairement détachable de la mesure préexistante, soit qu’elle revêt un caractère purement formel ou administratif et n’est pas de nature à influer sur l’appréciation de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, la Commission doit justifier les raisons pour lesquels ces arguments ne lui paraissent pas fondés.

77      En l’espèce, trois constats doivent être effectués à cet égard.

78      Tout d’abord, les seuls considérants de la décision attaquée susceptibles de se rattacher à la question de savoir si le report de paiement affectait ou non la substance même du système d’échelonnement des paiements se bornent à indiquer que « [l]a Commission ne peut partager [l]e point de vue » des autorités italiennes selon lequel « le report de paiement doit être évalué comme une mesure isolée », au motif qu’il est « directement lié à » l’aide préalablement autorisée par le Conseil et « ne peut donc être considéré comme dépourvu de tout rapport » avec elle (considérants 38 et 39). Or, bien que l’existence d’un « lien direct » et d’un « rapport » entre le report de paiement et le système d’échelonnement des paiements soit incontestable, elle n’implique pas, en soi, que la seconde de ces mesures modifie substantiellement la première.

79      Ensuite, cette appréciation de la Commission est intervenue dans le cadre de l’examen d’une question distincte, portant sur le point de savoir si l’aide découlant du report de paiement devait ou non être appréciée isolément d’autres aides ayant pu bénéficier aux producteurs de lait aux fins de la vérification du respect du plafond de minimis prévu par l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999.

80      Enfin, la Commission elle-même confirme, dans le mémoire en défense (points 24, 32, 35 et 39) et dans la duplique (point 10), qu’elle n’a en aucun cas cherché à examiner si le report de paiement modifiait substantiellement le système d’échelonnement des paiements ou s’il en était au contraire détachable, dès lors qu’elle considérait que cette question était « dépourvue de pertinence » et « inopérante ».

81      Ce faisant, la Commission n’a pas seulement méconnu la notion d’« aide nouvelle » en requalifiant un régime d’aides existant d’aide nouvelle illégale sans respecter les conditions de fond énoncées par le règlement n° 659/1999 et la jurisprudence à ce sujet, comme le fait valoir la République italienne.

82      Elle a également, et par voie de conséquence, ordonné à tort que soient récupérées, auprès des producteurs de lait ayant bénéficié du report de paiement, non seulement cette aide nouvelle et illégale, mais également les aides individuelles accordées par ailleurs, en vertu dudit régime d’aides existant, comme le fait aussi valoir la République italienne.

83      Aucun des arguments invoqués par la Commission n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

84      En particulier, elle n’est pas fondée à soutenir que le non-respect, par les autorités italiennes, d’une des conditions assortissant la déclaration de compatibilité délivrée par le Conseil entraîne, en substance, la « requalification » du régime d’aides existant, qui bénéficiait jusqu’alors de cette approbation conditionnelle, en aide nouvelle et illégale.

85      En effet, ainsi que cela résulte de la jurisprudence rappelée aux points 57 à 62 et 74 à 75 ci-dessus, lorsque la Commission décèle le non-respect d’une décision ayant déclaré une aide ou un régime d’aides compatible avec le marché intérieur sous réserve de certaines conditions, elle peut, soit faire constater directement ce manquement par la Cour, soit, si celui-ci consiste en l’octroi d’une aide nouvelle, mettre en œuvre les pouvoirs lui permettant de contrôler cette dernière, à condition de respecter les exigences procédurales et matérielles y afférentes. Si la Commission choisit de mettre en œuvre ses pouvoirs de contrôle, elle doit en principe s’en tenir à l’examen de l’aide nouvelle. Ce n’est qu’à condition de démontrer que cette dernière a modifié la substance même d’une aide existante ou d’un régime d’aides existant que la Commission est, par exception, en droit de déclarer que l’ensemble de cette mesure préexistante, ainsi modifiée, est incompatible avec le marché intérieur, de constater qu’elle est illégale si ladite modification n’a par ailleurs pas été portée à sa connaissance préalablement à sa mise en œuvre et d’ordonner par voie de conséquence la suppression ou la modification de l’aide ou du régime d’aides ainsi modifié.

86      En revanche, la Commission n’est pas en droit d’estimer que le non-respect d’une condition imposée au moment de l’approbation d’un régime d’aides existant entraîne ipso facto la « requalification » de cette mesure en aide nouvelle, et encore moins de considérer cette dernière comme illégale ab initio et d’en ordonner la récupération comme s’il s’agissait d’une aide illégalement mise à exécution et non d’une aide préalablement autorisée.

87      En effet, ainsi que le rappelle la jurisprudence, toute aide existante est couverte par la décision d’autorisation dont elle a fait l’objet, sauf pour la Commission à considérer qu’elle a fait l’objet d’une application abusive (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec, EU:C:2004:240, point 47 et jurisprudence citée) ou que sa substance même a été modifiée par une aide nouvelle (voir points 74 et 75 ci-dessus). Sous réserve de ces deux hypothèses, une telle aide doit donc être considérée comme légale aussi longtemps que la Commission n’a pas constaté son incompatibilité avec le marché intérieur (arrêt du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, Rec, EU:C:2013:525, points 40 et 41 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission, T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, EU:T:2009:48, point 75).

88      Ensuite, c’est dans le but de permettre à la Commission – ou exceptionnellement au Conseil – de « reconnaître la compatibilité [d’une aide] avec le marché [intérieur] » que cette institution « peut assortir sa décision positive de conditions » et d’obligations, ainsi que cela résulte du libellé même de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999 ainsi que de la jurisprudence antérieure à l’adoption de ce règlement (arrêts TWD/Commission, point 61 supra, EU:T:1995:160, point 55, et TWD/Commission, point 61 supra, EU:C:1997:241, point 25). En l’espèce, c’est ainsi « pour autant que les conditions visées par [la décision du Conseil] » soient respectées que cette institution a « considér[é] comme compatible » « l’aide que la République italienne entend[ait] accorder à [s]es producteurs de lait » (considérant 8 de la décision du Conseil et considérant 10 de la décision attaquée). Eu égard à l’objectif poursuivi par de telles conditions, leur non-respect ultérieur ne peut conduire la Commission qu’à remettre en cause, en recourant à l’une des différentes voies procédurales prévues par le traité FUE et le règlement n° 659/1999, le bénéfice de la déclaration de compatibilité avec le marché intérieur accordé à la mesure en cause, et non sa qualification d’aide existante, sous réserve de l’exception rappelée au point 85 ci-dessus.

89      En outre, dès lors que les aides existantes peuvent, conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité (arrêts du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C‑387/92, Rec, EU:C:1994:100, point 20, et du 29 novembre 2012, Kremikovtzi, C‑262/11, Rec, EU:C:2012:760, point 49), cette déclaration d’incompatibilité ne peut produire d’effets que pour l’avenir (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1998, Ryanair/Commission, T‑140/95, Rec, EU:T:1998:201, point 86, concernant le non-respect d’une décision ayant approuvé sous conditions une aide appelée à être libérée par tranches successives, et du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, Rec, EU:T:2002:59, point 172).

90      À défaut, un régime d’aides régulièrement exécuté et des aides individuelles légalement accordées en vertu de celui-ci, avant que l’État membre concerné ne manque à ses obligations, seraient rétroactivement réputés constituer des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur. Un tel résultat équivaudrait à une révocation de la décision ayant autorisé la mise en œuvre de ces mesures. Or, ainsi que cela résulte du considérant 10 et de l’article 9 du règlement n° 659/1999, une telle sanction n’a été prévue par le législateur que dans l’hypothèse spécifique où une décision prise au titre du contrôle des aides d’État est fondée sur des informations inexactes.

91      Enfin, il convient de relever, d’une part, que le règlement n° 659/1999 a été adopté, notamment, afin d’assurer la sécurité juridique en matière procédurale, en particulier en ce qui concerne le traitement des aides existantes et des aides illégales (considérants 3, 4, 11, 14 et 17 du règlement n° 659/1999). D’autre part, ce règlement prévoit un ensemble de règles permettant à la Commission de s’assurer du respect des décisions adoptées au titre du contrôle des aides d’État, et notamment de faire face à un cas de figure tel que celui qui se présentait à elle en l’espèce ainsi que d’en tirer toutes conséquences de droit (voir les points 57, 64, 66 à 67 et 69 à 75 ci-dessus). Dans ce contexte, admettre la théorie avancée par la Commission dans la présente affaire reviendrait à lui permettre de contourner les procédures instituées par le législateur afin d’assurer, dans le respect du principe de sécurité juridique, l’effectivité du contrôle des aides d’État.

92      Eu égard aux considérations qui précèdent, le présent moyen doit être accueilli.

93      Partant, il convient, en premier lieu, de rejeter le chef de conclusions principal de la République italienne et, en second lieu, d’accueillir son chef de conclusions subsidiaire, en annulant l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée ainsi que ses articles 2 à 4 en tant qu’ils concernent, d’une part, le régime d’aides visé par l’article 1er, paragraphe 2, et, d’autre part, les aides individuelles accordées en application de celui-ci.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, les parties ayant toutes deux succombé en certains de leurs chefs de conclusions, elles supporteront chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2013/665/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant le régime d’aides d’État SA.33726 (11/C) [ex SA.33726 (11/NN)] mis à exécution par l’Italie (report de paiement du prélèvement laitier), est annulé.

2)      Les articles 2 à 4 de cette décision sont annulés en tant qu’ils concernent, d’une part, le régime d’aides visé par son article 1er, paragraphe 2, et, d’autre part, les aides individuelles accordées en application de ce régime d’aides.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La République italienne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 juin 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.

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