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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> FS v EESC (Judgment) French Text [2016] EUECJ F-102/15 (12 May 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/F10215.html Cite as: [2016] EUECJ F-102/15, EU:F:2016:117, ECLI:EU:F:2016:117 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
12 mai 2016 (*)
« Fonction publique – Agents temporaires – Article 41 de la charte des droits fondamentaux – Droit d’accès de toute personne au dossier la concernant – Accès aux documents relatifs à une tentative de médiation – Tentative de médiation lancée par le président alors en fonctions du CESE et conduite sous les auspices d’un ancien président du CESE – Droit d’accès au rapport établi à l’issue de cette médiation – Enquête administrative ouverte postérieurement à la médiation – Article 3 de l’annexe IX du statut »
Dans l’affaire F‑102/15,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
FS, agent temporaire du Comité économique et social européen, demeurant à Overijse (Belgique), représentée par Mes L. Levi et A. Tymen, avocats,
partie requérante,
contre
Comité économique et social européen (CESE), représenté par Mmes K. Gambino, X. Chamodraka et M. Pascua Mateo ainsi que MM. A. Carvajal et L. Camarena Januzec, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),
composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, E. Perillo et J. Svenningsen (rapporteur), juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 février 2016,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 9 juillet 2015, FS a introduit le présent recours tendant en substance, d’une part, à l’annulation des décisions du président du Comité économique et social européen (CESE), des 10 septembre et 19 novembre 2014, lui refusant l’accès, en substance, à des écrits échangés entre un membre du CESE et le président alors en fonctions de celui-ci ainsi qu’à la documentation relative à une prétendue enquête qui aurait été menée par ce membre antérieurement à l’ouverture, le 6 octobre 2014, d’une enquête administrative, au sens de l’article 86 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), la visant. D’autre part, la requérante demande la condamnation du CESE à la réparation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi.
Cadre juridique
2 Aux termes de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, « [t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ».
3 L’article 41 de la charte des droits fondamentaux, intitulé « Droit à une bonne administration », dispose :
« 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.
2. Ce droit comporte notamment :
[…]
b) le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ;
[…] ».
Faits à l’origine du litige
Les antécédents du litige ayant donné lieu à l’affaire F‑50/15
4 Le 18 décembre 2006, la requérante a été engagée en tant qu’agent temporaire pour occuper un emploi relevant du groupe de fonctions des administrateurs (AD), de grade AD 8, auprès du secrétariat du Groupe des employeurs du CESE (ci-après le « Groupe I »). Le contrat d’engagement (ci-après le « contrat d’engagement initial »), conclu pour une durée indéterminée sur le fondement de l’article 2, sous c), et de l’article 8, troisième alinéa, du régime applicable aux autres agents (ci-après le « RAA »), prévoyait qu’elle devait effectuer un stage de six mois conformément à l’article 14 du RAA.
5 Par un avenant n° 1 au contrat d’engagement initial, daté du 9 juin 2011, il a été convenu entre les parties que le CESE « engage[ait désormais la requérante] en qualité d’agent temporaire pour exercer les fonctions de [c]hef d’unité adjoin[t] au sein du [s]ecrétariat du Groupe I, avec effet au 1er juillet 2011 ». Pour les besoins de ce changement d’affectation, elle a été reclassée au grade AD 9.
6 Le 10 juillet 2012, M. K. est devenu président du Groupe I et a pris ses fonctions en avril 2013.
7 Du 1er mars 2013 au 26 juillet 2013, la requérante a été en congé de maternité après la naissance de son enfant intervenue le 17 mars 2013. Le 19 mars 2013, elle a été informée du fait que le CESE avait, après examen de sa candidature, décidé de l’engager en tant que chef d’unité au secrétariat du Groupe I.
8 Ainsi, avec effet au 1er mai 2013 et alors que la requérante était toujours en congé de maternité, elle a été engagée en qualité d’agent temporaire de grade AD 12 pour exercer les fonctions de chef d’unité au secrétariat du Groupe I, et ce au titre d’un nouveau contrat (ci-après le « nouveau contrat d’engagement »). Dans ce contexte, il a également été convenu entre les parties que le contrat d’engagement initial serait résilié avec effet au 30 avril 2013.
9 À l’issue de son congé de maternité, prolongé par un congé annuel, la requérante a pris ses nouvelles fonctions de chef d’unité le 10 septembre 2013.
10 Par un avenant n° 1 au nouveau contrat d’engagement, daté du 10 février 2014, signé par la requérante et l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement du CESE (ci-après l’« AHCC »), et se référant expressément à l’article 14, paragraphe 1, second alinéa, du RAA, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2014, les parties ont convenu que « la durée du stage prévu [à l’article 2 du nouveau contrat] [était] prolongée de douze semaines », soit « de la période équivalente à celle durant laquelle [la requérante] n’a[vait] pas pu exercer ses fonctions de [c]hef d’[u]nité au [s]ecrétariat du Groupe I, compte tenu de son congé de maternité ». En conséquence, la date d’échéance de la « période de stage » évoquée dans cet avenant a été fixée au 30 avril 2014.
11 Par courriel du 18 mars 2014, M. K. a informé la requérante du fait qu’il « venait de finaliser l’évaluation de [ses] performances en tant que chef d’unité en stage ». Dans ce contexte, il lui a fait savoir qu’il considérait que ses « compétences de management étaient […] insuffisantes ».
12 Le 25 mars 2014, la requérante aurait eu une altercation verbale avec M. K. aux abords d’une salle de réunion du CESE. Selon la requérante, M. K. l’aurait molestée au cours de cette altercation (ci-après l’« incident du 25 mars 2014 »).
13 Le lendemain, 26 mars 2014, M. K. a adressé une lettre (ci-après la « lettre de M. K. ») au président alors en fonctions du CESE, au secrétaire général du CESE (ci-après le « secrétaire général ») et au directeur des ressources humaines et des services intérieurs du CESE (ci-après le « directeur des ressources humaines ») dans laquelle il expliquait qu’il avait pris connaissance de rumeurs portant atteinte à sa réputation. Dans un « exposé des faits » annexé à cette lettre, M. K. livrait sa version des circonstances ayant précédé l’incident du 25 mars 2014 ainsi que du déroulement de celui-ci. Sur la base de cette version des faits, il priait les destinataires de sa lettre d’apporter toute l’attention qu’il convenait à cette question.
14 Du 26 mars au 4 août 2014, la requérante a été placée en congé de maladie par son médecin. Au cours de ce congé de maladie, la requérante a été contactée par Mme S., ancien président du CESE et membre actuel du CESE, qui avait été chargée par le président alors en fonctions du CESE, M. M., de prendre contact avec la requérante au sujet de l’incident du 25 mars 2014.
15 Le 28 avril 2014, la requérante a eu un entretien avec Mme S. Il ressort d’un courriel que celle-ci a adressé à la requérante le 17 mai 2014 qu’elle avait été chargée par le président alors en fonctions du CESE d’une « mission de médiation » visant à faire en sorte que la requérante accepte, premièrement, de ne plus être chef d’unité ; deuxièmement, la demande de M. K. visant à ce qu’elle n’occupe plus un bureau au 7ème étage de l’immeuble principal du CESE, et, troisièmement, d’être désormais chargée de tâches spéciales en tant qu’administrateur de grade AD 12.
16 Le 21 mai 2014, la requérante a reçu de l’AHCC un projet d’avenant n° 2 à son nouveau contrat d’engagement, prévoyant sa réaffectation sur un poste hors encadrement avec effet rétroactif à la date du 9 avril 2014 (ci-après l’« avenant n° 2 »). À ce stade, cet avenant n° 2 a été signé par l’AHCC, mais n’a pas été contresigné par la requérante.
17 Le 25 mai 2014, le CESE a communiqué à la requérante la version finale de la « fiche d’évaluation des capacités d’encadrement des chefs d’unité en stage » la concernant, laquelle incluait la décision du président du CESE de ne pas la confirmer dans ses fonctions de chef d’unité (ci-après la « décision de non-confirmation » ou la « décision du 25 mai 2014 ») et prévoyait que la requérante devait être réaffectée sur un emploi hors encadrement (ci-après la « décision de réaffectation sur un emploi hors encadrement »). Le 21 août 2014, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de la décision de non-confirmation et de l’avenant n° 2. Par décision du 18 décembre 2014, le président du CESE a, en qualité d’AHCC, rejeté cette réclamation.
18 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 27 mars 2015, la requérante a introduit un recours, enregistré sous la référence F‑50/15, FS/Commission, tendant en substance, d’une part, à l’annulation de la décision de non-confirmation et de la décision de réaffectation sur un emploi hors encadrement, ainsi que, d’autre part, à la condamnation du CESE à la réparation du préjudice matériel et moral qu’elle estimait avoir subi.
Les demandes d’accès aux documents et données la concernant formulées par la requérante
19 Au cours des échanges ayant eu lieu entre l’ancien président du CESE, Mme S. et la requérante, cette dernière a pris connaissance de l’existence de la lettre de M. K. Elle en a déduit qu’une véritable enquête administrative, telle que prévue par les dispositions statutaires, avait été ouverte à son égard. Partant de cette prémisse, elle a demandé, par lettre du 12 juin 2014 adressée au président alors en fonctions du CESE et au secrétaire général, la communication de la « lettre/plainte [de M. K.] qui aurait été à l’origine de l’intervention de [Mme S.] ».
20 Le 1er septembre 2014, la requérante a repris fonctions en tant qu’administrateur au sein du secrétariat du Groupe I, conformément au contenu de l’avenant n° 2.
21 Le 10 septembre 2014, le président alors en fonctions du CESE a rejeté la demande de la requérante visant à obtenir communication de la lettre de M. K. (ci-après la « décision du 10 septembre 2014 »). À cet égard, le président alors en fonctions du CESE a indiqué à la requérante que les règles en matière d’accès aux données personnelles ne sauraient être interprétées, en l’absence de procédure soumise au principe du contradictoire, comme lui donnant accès à des communications échangées entre tiers, en l’occurrence Mme S. et lui-même, et ce même lorsque l’intéressée est nommément désignée dans ces communications. Ainsi, une lettre, telle que celle réclamée par la requérante, échangée entre un membre du CESE et son président relèverait de la sphère privée de ces derniers et serait protégée par le secret des correspondances.
22 Par une seconde demande, en date du 23 septembre 2014, présentée au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, la requérante a, d’une part, sollicité, de nouveau, la communication de la lettre de M. K. et, d’autre part, la communication du mandat qui aurait été donné à Mme S. ainsi que du rapport final que cette dernière aurait établi. En l’absence de réponse de la part du CESE, la requérant a réitéré, par lettres des 20 et 30 octobre 2014, sa seconde demande, du 23 septembre 2014, de communication desdits documents.
23 Entre-temps, le secrétaire général avait, le 6 octobre 2014, décidé d’ouvrir une enquête administrative, au sens de l’article 86 du statut, visant la requérante, afin de déterminer si elle avait fait circuler au sein du CESE des rumeurs non fondées concernant, entre autres, une agression physique qu’elle aurait subie de la part de M. K. le 25 mars 2014. En outre, le 18 décembre 2014, le président du CESE et le secrétaire général, ce dernier en sa capacité d’AHCC, ont décidé d’ouvrir une enquête administrative complémentaire à celle ouverte le 6 octobre 2014 afin de vérifier la véracité des faits dénoncés par la requérante dans la réclamation du 21 août 2014 qui fait l’objet de l’affaire F‑50/15, FS/Commission.
24 Par décision du 19 novembre 2014, le président alors en fonctions du CESE a, en sa qualité d’AHCC, rejeté la seconde demande, du 23 septembre 2014, de communication de documents (ci-après la « décision du 19 novembre 2014 »). En ce qui concerne, en premier lieu, la demande de communication de la lettre de M. K., le président alors en fonctions du CESE a observé qu’il y avait déjà répondu par la négative dans sa décision du 10 septembre 2014. S’agissant, en second lieu, de la demande de communication de la documentation relative à une enquête qui aurait été menée par Mme S., le président alors en fonctions du CESE a affirmé que, jusqu’à l’intervention de la décision du 6 octobre 2014 par laquelle une enquête administrative au sens de l’article 86 du statut avait été ouverte, la requérante n’avait aucunement fait l’objet d’une telle enquête administrative. Ainsi, avant la décision du 6 octobre 2014, le CESE n’aurait adopté aucune décision d’ouverture d’enquête ni confié un mandat d’enquête et aucun rapport final d’enquête n’aurait été établi. Selon le président alors en fonctions du CESE, la documentation sollicitée par la requérante ne se référait en réalité « qu’à une mission de médiation [qu’il avait] personnellement confiée à [Mme S.] afin d’explorer toute possibilité de trouver une solution consensuelle et convenable pour toutes les parties ». Ainsi, il concluait que la demande de la requérante ne pouvait pas être accueillie.
25 Le 1er décembre 2014, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation à l’encontre des décisions des 10 septembre et 19 novembre 2014.
26 Par lettre du 25 mars 2015, notifiée à la requérante le 4 avril suivant, le secrétaire général a, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut et à l’issue de l’enquête ouverte le 6 octobre 2014, communiqué à la requérante un rapport d’enquête, accompagné du compte rendu de l’audition de Mme S. ayant eu lieu le 18 décembre 2014, tout en l’informant qu’elle serait invitée à une audition organisée en vertu de l’article 3 de l’annexe IX du statut sauf si elle optait pour la possibilité de formuler par écrit ses commentaires au sujet du rapport en question. Selon ce rapport, « il apparaît que [la requérante et M. K.] ont eu, le 25 mars 2014, une violente altercation verbale aux abords d’une salle de réunion[ ;] toutefois, aucun élément de preuve ne vient attester que [M. K.] aurait agressé physiquement [la requérante] ».
27 Par décision du 27 mars 2015, reçue par la requérante le 31 mars suivant, le secrétaire général, agissant en qualité d’AHCC, a rejeté la réclamation du 1er décembre 2014 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »). Selon l’AHCC, la correspondance échangée entre Mme S. et le président alors en fonctions du CESE, M. M., au sujet de la mission informelle de médiation qu’avait menée Mme S. à la demande de M. M., ne faisait pas partie du dossier d’enquête administrative au sens de l’article 86 du statut.
Procédure et conclusions des parties
28 Par décision du 30 septembre 2015, le Tribunal a chargé le juge rapporteur d’explorer les possibilités de régler le litige par la voie d’un règlement amiable, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 90, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure.
29 En l’absence d’accord entre les parties dans le cadre du règlement amiable, le juge rapporteur a, après un échange de correspondances et à l’issue de la réunion informelle tenue dans les locaux du Tribunal le 30 novembre 2015, décidé la reprise de la procédure.
30 À la suite de l’audience de plaidoiries, les parties ont, par lettre du greffe du 19 février 2016, été invitées à répondre à des mesures d’organisation de la procédure décidées par le juge rapporteur. À ce titre, elles ont été priées de prendre position sur le point de savoir si, ainsi que cela avait été abordé lors de l’audience, le Tribunal était compétent pour connaître du premier moyen d’annulation soulevé dans la requête, compte tenu des arrêts du 13 décembre 2012, Commission/Strack (T‑197/11 P et T‑198/11 P, EU:T:2012:690) et du 10 septembre 2015, Réexamen Missir Mamachi di Lusignano/Commission (C‑417/14 RX‑II, EU:C:2015:588). Par ailleurs, le CESE a été prié de fournir la seconde « lettre adressée par M. [K.] le 15 septembre 2014 » au secrétaire général, dont mention était faite dans la décision du 6 octobre 2014. Enfin, le Tribunal a prié le président du CESE de lui fournir copie du rapport de Mme S., dont l’existence avait été confirmée par le CESE lors de l’audience, afin d’être en mesure d’apprécier le bien-fondé du motif invoqué par le CESE pour refuser à la requérante l’accès à ce document, en l’occurrence la protection de la confidentialité des correspondances.
31 Les parties ont déféré à ces mesures d’organisation de la procédure et ont pu chacune prendre position sur leurs réponses écrites respectives. Le CESE a notamment fourni la lettre du 15 septembre 2014 de M. K. ainsi que le rapport de Mme S., lequel est daté du 21 juillet 2014. Conformément à l’article 47, paragraphe 3, du règlement de procédure, ce dernier n’a toutefois pas été transmis à la partie requérante.
32 Dans sa réponse écrite aux questions du Tribunal, s’appuyant sur l’arrêt du 10 septembre 2015, Réexamen Missir Mamachi di Lusignano/Commission (C‑417/14 RX‑II, EU:C:2015:588), la partie requérante a soutenu que le premier moyen d’annulation qu’elle soulevait, relatif à une violation des articles 12 et 13 du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001 L 8, p. 1), était recevable. En revanche, dans sa réponse écrite audites questions, la partie défenderesse a finalement conclu que ce moyen était irrecevable, au motif, en substance, que, au regard de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 13 décembre 2012, Commission/Strack (T‑197/11 P et T‑198/11 P, EU:T:2012:690), une demande formulée au titre de ce règlement, telle que celles présentées en l’espèce par la requérante, devait respecter les exigences prévues dans ce règlement et que le refus d’accès à des données personnelles opposé par une institution de l’Union ne pouvait, même en ce qui concerne un fonctionnaire ou agent de l’Union, être contesté que devant le Tribunal de l’Union européenne dans les délais et les formes prévus par l’article 263 TFUE.
33 Le 6 avril 2016, le Tribunal a clôturé la procédure orale et mis l’affaire en délibéré.
34 La requérante demande en substance au Tribunal :
– de déclarer le recours recevable ;
– d’annuler les décisions des 10 septembre et 19 novembre 2014 ;
– d’annuler la décision de rejet de la réclamation ;
– de condamner le CESE à l’indemniser du préjudice moral subi par l’octroi d’un montant évalué ex æquo et bono à 10 000 euros ;
– de condamner le CESE aux dépens.
35 Le CESE demande en substance au Tribunal :
– de rejeter le recours ;
– de condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur l’objet du recours
36 Des conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43).
37 Cependant, lorsque la décision de rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée, notamment lorsqu’elle modifie la décision initiale ou lorsqu’elle contient un réexamen de la situation de l’intéressé en fonction d’éléments de droit et/ou de fait nouveaux qui, s’ils étaient survenus ou avaient été connus de l’autorité compétente avant l’adoption de la décision initiale, auraient été pris en considération (voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 32, et du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 70), le Tribunal peut être amené à statuer sur les conclusions formellement dirigées contre la décision de rejet de la réclamation.
38 En l’espèce, il est constant que, concomitamment à la décision de rejet de la réclamation, la requérante a obtenu une copie de la lettre de M. K. de sorte que les conclusions en annulation de la décision du 10 septembre 2014 sont en réalité sans objet.
39 Quant à la seconde demande de communication de documents, formulée le 23 septembre 2014, il est constant que cette demande, réitérée dans une lettre du 20 octobre 2014, a été rejetée par la décision de l’AHCC du 19 novembre 2014. Or, à cet égard, même si la décision de rejet de la réclamation est purement confirmative de la décision du 19 novembre 2014 et qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation, la motivation figurant dans cette dernière décision précise certains motifs de la décision du 19 novembre 2014.
40 Par conséquent, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation devra également être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision du 19 novembre 2014, cette motivation étant censée coïncider avec ce dernier acte (voir arrêts du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 86, et du 16 juillet 2015 Murariu/AEAPP, F‑116/14, EU:F:2015:89, point 50).
Sur les conclusions en annulation
41 À l’appui de son recours, la requérante soulève formellement trois moyens, tirés :
– premièrement, d’une violation des articles 12 et 13 du règlement n° 45/2001, du principe de proportionnalité et du devoir de sollicitude ;
– deuxièmement, d’une violation des articles 7 et 41 de la charte des droits fondamentaux, du principe du contradictoire ainsi que des droits de la défense et du droit d’accès aux documents ;
– troisièmement, d’une violation de l’article 26 du statut.
42 À cet égard, le Tribunal considère opportun de traiter en premier lieu le deuxième moyen.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des articles 7 et 41 de la charte des droits fondamentaux, du principe du contradictoire ainsi que des droits de la défense et du droit d’accès aux documents
– Arguments des parties
43 La requérante fait valoir, en substance, que la prétendue procédure de « médiation » menée par Mme S. aurait dû être conduite dans le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense tels que consacrés par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux. Selon la requérante, la procédure qui a été diligentée et était prétendument constitutive d’une médiation « n’a[vait] pas été sollicitée par les “parties” et n’a[vait] pas présenté les garanties de confidentialité qui doivent caractériser une “vraie” médiation au sens de la directive n° 2008/52[/CE du Parlement européen et du Conseil,] du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale [(JO 2008, L 136, p. 3)] et du [c]ode de conduite européen pour les médiateurs ». À cet égard, elle fait valoir que le nombre et la qualité des personnes informées et impliquées dans la procédure permettaient, en soi, d’exclure que cette procédure ait pu constituer une simple médiation.
44 En outre, la requérante souligne que, même en l’absence de toute disposition et de tout contexte appelant une application des droits de la défense, la partie intéressée par une procédure administrative, y compris de médiation, doit être mise en mesure, au cours de cette procédure, de prendre position et de faire utilement connaître son point de vue sur des données la concernant. Sur cette base, elle fait valoir qu’il appartenait au CESE de la mettre en mesure de faire utilement connaître son point de vue sur les éléments écrits établis et/ou échangés au cours de la procédure menée par Mme S., quand bien même cette procédure serait intervenue dans un contexte ne faisant pas expressément référence aux droits de la défense.
45 Enfin, la requérante soutient que le CESE a violé l’article 7 de la charte des droits fondamentaux en utilisant, dans le cadre de l’enquête administrative ouverte conformément à l’article 86 du statut, des informations la concernant, obtenues par Mme S. lors de leurs multiples échanges intervenus auparavant ainsi que des informations la concernant, obtenues lors des échanges intervenus entre Mme S., M. K. et le président alors en fonctions du CESE, M. M. En effet, Mme S. aurait révélé le contenu de ces informations lors de son audition par les personnes en charge de l’enquête administrative visant la requérante, ce qui aurait constitué une ingérence dans la vie privée de la requérante.
46 Le CESE conclut au rejet du deuxième moyen. En particulier, il estime que la requérante, par ce moyen, tend à démontrer la violation de droits procéduraux applicables dans le cadre d’une véritable enquête administrative lancée sur le fondement de l’article 86 du statut. Or, à cet égard, le CESE soutient que la prémisse même du moyen est erronée, car la mission menée par Mme S. ne saurait être assimilée à une enquête administrative au sens de l’article 86 du statut.
– Appréciation du Tribunal
47 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la charte des droits fondamentaux prévoit que toute personne dispose d’un droit d’accès au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires.
48 Par ailleurs, le caractère contradictoire d’une procédure disciplinaire, telle que celle ayant été ouverte, le 6 octobre 2014, à l’encontre de la requérante, et les droits de la défense dans une telle procédure exigent que celle-ci et, le cas échéant, son avocat puissent prendre connaissance de tous les éléments de faits sur lesquels l’administration est susceptible de s’appuyer dans la décision clôturant cette procédure, et cela en temps utile pour présenter leurs observations. En effet, le respect des droits de la défense exige que la partie intéressée soit mise en mesure de faire utilement connaître son point de vue sur la pertinence des faits, mais également qu’elle puisse prendre position, à tout le moins, sur les documents retenus par l’institution et qui révèlent des faits importants pour l’exercice de ses droits de la défense (voir arrêt du 17 mars 2015, AX/BCE, F‑73/13, EU:F:2015:9, point 115 et jurisprudence citée).
49 En l’espèce, la procédure disciplinaire, qui a, d’ailleurs, été ouverte après la première demande de la requérante, du 12 juin 2014, d’accès aux données la concernant, ne fait certes pas l’objet du présent recours et il sera loisible à la requérante, si elle devait décider d’introduire un recours contre l’éventuelle décision finale de sanction disciplinaire qui lui serait infligée par l’AHCC, de faire valoir, à l’appui d’un tel recours, ses griefs relatifs à un prétendu défaut d’accès aux documents échangés entre les anciens présidents du CESE que sont Mme S. et M. M. et sur lesquels l’AHCC se serait prétendument appuyée afin d’adopter une telle décision finale (voir, en ce sens, ordonnance du 8 avril 2003, Gómez-Reino/Commission, C‑471/02 P(R), EU:C:2003:210, point 65, et arrêt du 23 novembre 2010, Marcuccio/Commission, F‑65/09, EU:F:2010:149, point 42 et jurisprudence citée).
50 Cependant, le Tribunal relève que, lorsqu’il a confié à Mme S. la prétendue mission de médiation, M. M., alors président en exercice du CESE, a agi en sa qualité d’AHCC.
51 Ensuite, il résulte de la teneur du rapport de Mme S. que celle-ci a procédé à l’audition de plusieurs fonctionnaires et agents du CESE, de même que de membres du CESE, qu’elle a consigné dans son rapport les constatations factuelles résultant de son enquête et qu’elle a formulé des conclusions quant au point de savoir si M. K. avait agressé physiquement la requérante. Ces éléments indiquent que l’activité conduite par Mme S. à la demande du président alors en fonctions du CESE, M. M., n’est pas restée cantonnée à une médiation, mais s’apparente, au contraire, à une enquête administrative. De même, le Tribunal constate que le rapport de Mme S., établi le 21 juillet 2014, revêt les caractéristiques d’un rapport sur le fondement duquel l’AHCC a précisément décidé d’ouvrir ultérieurement l’enquête administrative proprement dite afin d’établir les faits dénoncés par M. K. dans ses lettres des 26 mars et 15 septembre 2014.
52 Dans ces conditions, il doit être considéré que le rapport que Mme S. a remis au président du CESE aurait dû, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la charte des droits fondamentaux, être également remis à la requérante puisqu’il relevait de la notion de « dossier la concernant » au sens de cette disposition.
53 S’agissant du motif du refus d’accès au rapport de Mme S. évoqué par le CESE, à savoir la protection des correspondances entre membres du CESE et le secret professionnel, force est de constater que la teneur même de ce rapport confirme qu’il ne consistait pas en une correspondance professionnelle ou privée entre deux membres du CESE et portant sur les activités consultatives du CESE, mais bien d’un document concernant directement la requérante au sens de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux et qui a été porté à la connaissance du président du CESE aux fins, le cas échéant, d’exercer les pouvoirs de l’AHCC en matière disciplinaire vis-à-vis de la requérante.
54 Eu égard à ce qui précède, il convient d’accueillir le deuxième moyen et d’annuler la décision du 19 novembre 2014 pour méconnaissance de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.
Sur les premier et troisième moyens
55 Le deuxième moyen ayant été accueilli, justifiant l’annulation de la décision du 19 novembre 2014, il n’y a plus lieu de statuer sur le premier moyen, et notamment sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse à cet égard, ni sur le troisième moyen.
Sur les conclusions indemnitaires
56 Dans ses conclusions, la requérante demande au Tribunal de condamner le CESE à lui verser un montant de 10 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi.
57 Le CESE estime que, à l’instar des conclusions en annulation et en raison de leur lien étroit avec ces dernières, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées comme étant non fondées.
58 À cet égard, le Tribunal rappelle que, si l’annulation d’un acte entaché d’illégalité, tel que la décision du 19 novembre 2014, peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, tel ne saurait être le cas lorsque le requérant démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131, et du 19 mai 2015, Brune/Commission, F‑59/14, EU:F:2015:50, point 80).
59 En particulier, le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus peut, dans certaines circonstances, constituer un préjudice pouvant découler du seul fait que l’administration a commis une illégalité (arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 et 28, ainsi que du 16 juillet 2015, Murariu/AEAPP, F‑116/14, EU:F:2015:89, point 152).
60 En l’espèce, le Tribunal considère que, même si le rapport établi par Mme S. ne contient pas d’éléments particulièrement décisifs ou différents de ceux relatés dans le rapport d’enquête et dans le compte rendu de l’audition de Mme S. ayant eu lieu le 18 décembre 2014, lesquels ont bien été communiqués à la requérante, l’annulation de la décision du 19 novembre 2014, portant refus de communication de ce rapport à la requérante, n’est pas en tant que telle susceptible de compenser intégralement le préjudice moral résultant de la frustration de la requérante qui a été contrainte d’introduire le présent recours.
61 Dans les circonstances spécifiques de la présente affaire, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la requérante en l’évaluant ex æquo et bono à un montant de 1 000 euros.
62 Il s’ensuit que le CESE doit être condamné à indemniser la requérante d’une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi.
Sur les dépens
63 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
64 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le CESE doit être considéré comme étant la partie ayant succombé dans le cadre du présent recours. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé que le CESE soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le CESE doit supporter ses propres dépens et être condamné à supporter les dépens exposés par la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du 19 novembre 2014 du président du Comité économique et social européen (CESE) en tant qu’elle porte refus de communication à FS d’un rapport la concernant, établi par un ancien président du CESE à la demande du président alors en fonctions du CESE, est annulée.
2) Les conclusions en annulation sont sans objet pour le surplus.
3) Le Comité économique et social européen est condamné à indemniser FS d’une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi.
4) Le Comité économique et social européen supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par FS.
Van Raepenbusch | Perillo | Svenningsen |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mai 2016.
Le greffier | Le président |
W. Hakenberg | S. Van Raepenbusch |
* Langue de procédure : le français.
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