Zink v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ F-77/15 (11 April 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/F7715.html
Cite as: ECLI:EU:F:2016:74, [2016] EUECJ F-77/15, EU:F:2016:74

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ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

11 avril 2016 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Indemnité de dépaysement – Erreur administrative ayant entraîné le non-versement de l’indemnité de dépaysement pendant plusieurs années – Acte faisant grief – Bulletins de rémunération ne reflétant pas une décision – Article 82 du règlement de procédure – Fin de non-recevoir d’ordre public – Irrégularité de la procédure précontentieuse – Demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut – Délai raisonnable »

Dans l’affaire F‑77/15,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Richard Zink, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Bamako (Mali), représenté par Mes J.-N. Louis et N. de Montigny, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. S. Bohr et Mme F. Simonetti, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. K. Bradley (rapporteur), président, H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 18 mai 2015, M. Richard Zink demande l’annulation de la décision du 23 juillet 2014 de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de la Commission européenne (PMO) de limiter le paiement de l’indemnité de dépaysement erronément omis depuis le 1er septembre 2007 à la période de cinq ans précédant la date de la découverte de l’erreur.

 Cadre juridique

2        L’article 62 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« Dans les conditions fixée à l’annexe VII [du statut] et sauf dispositions expresses contraires, le fonctionnaire a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon du seul fait de sa nomination.

Il ne peut renoncer à ce droit.

Cette rémunération comprend un traitement de base, des allocations familiales et des indemnités. »

3        L’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut est rédigé ainsi :

« L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire est accordée :

a)       [a]u fonctionnaire :

–        qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, et

–        qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. […] »

 Faits à l’origine du litige

4        Le requérant, fonctionnaire de la Commission, est entré en service en 1988 et a été détaché dans l’intérêt du service en tant qu’agent temporaire à l’Agence européenne pour la reconstruction (AER) du 1er mars 2001 au 31 août 2007, pour y exercer les fonctions de directeur.

5        Le 1er septembre 2007, le requérant a réintégré les services de la Commission au siège à Bruxelles (Belgique) et, le 13 décembre 2007, il a été affecté à la délégation de la Commission à Kinshasa (République démocratique du Congo) en tant que chef de la délégation.

6        Le 21 septembre 2007, le requérant a signé une fiche destinée à la section « Rémunérations » de l’unité « Rémunérations et gestion des droits pécuniaires individuels » du PMO (ci-après le « PMO.1 ») de laquelle il ressort, entre autres, qu’il avait droit à l’indemnité de dépaysement (ci-après la « fiche du PMO du 21 septembre 2007 »).

7        Au mois de février 2012, le requérant a été nommé chef de la délégation de l’Union européenne à Bamako (Mali).

8        Au mois de mai 2014, le chef de l’administration de la délégation de l’Union européenne à Bamako s’est aperçu que sur les bulletins de rémunération du requérant ne figurait pas la rubrique « IDE » attestant du versement de l’indemnité de dépaysement et cela, après vérification avec le requérant, « déjà en 2008 ».

9        Par courriel du 8 juillet 2014 adressé au PMO, le requérant a demandé un traitement rapide de son dossier, indiquant qu’il avait découvert que l’indemnité de dépaysement lui avait été payée pour la dernière fois en août 2007 et qu’il considérait que le versement de ladite indemnité, dont il avait été assuré par les services de la délégation à Kinshasa qu’il reprendrait avec son salaire du mois de juin 2014, représentait « seulement une très petite part du montant auquel [il] a[vait] droit et qu[’il] réclam[ait] ».

10      Par courriel du 23 juillet 2014, un agent du PMO a répondu au requérant que plusieurs raisons faisaient obstacle à ce que l’indemnité de dépaysement lui soit versée rétroactivement : premièrement, l’indemnité de dépaysement aurait dû lui être accordée à compter du 1er septembre 2007 ; deuxièmement, les bulletins de rémunération doivent être considérés comme des actes faisant grief et les délais fixés par les articles 90 et 91 du statut sont impératifs ; troisièmement, tout fonctionnaire est réputé connaître les règles concernant son traitement. L’agent du PMO ajoutait que l’indemnité de dépaysement lui serait néanmoins versée pour la période de cinq ans précédant sa demande, soit avec effet à compter du mois de mai 2009, mais qu’il s’agissait d’une décision prise à titre gracieux ne pouvant pas fonder des prétentions pour la période antérieure (ci-après la « décision du 23 juillet 2014 »).

11      Le requérant a reçu une somme correspondant à l’indemnité de dépaysement pour la période allant du 1er mai 2009 au 31 mai 2014 avec son traitement du mois d’août 2014.

12      Par lettre du 11 septembre 2014, transmise par voie électronique au chef d’unité et au chef d’unité adjoint du PMO.1, le conseil du requérant a demandé le versement au requérant du montant de l’indemnité de dépaysement pour la période allant du 1er septembre 2007 au 30 avril 2009, majoré des intérêts moratoires à compter du 1er septembre 2007 et jusqu’au jour du paiement, au taux de la Banque centrale européenne (BCE) augmenté de deux points. Dans cette lettre, le conseil du requérant précisait que « [l]a présente constitu[ait], bien entendu, une réclamation au titre de l’article 90, [paragraphe] 2, du statut [contre la décision du 23 juillet 2014] ».

13      Par lettre du 24 septembre 2014, le chef d’unité du PMO.1 a indiqué au requérant qu’il ne pouvait pas donner une suite positive à sa « demande » du 11 septembre 2014.

14      Par lettre du 23 octobre 2014, le requérant a adressé au directeur général de la direction générale « Ressources humaines et sécurité » de la Commission une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 23 juillet 2014, en y annexant sa lettre du 11 septembre 2014 et la réponse du chef d’unité du PMO.1 du 24 septembre 2014 et en précisant que « [l]a présente constitue […] une réclamation ampliative et confirmative ».

15      La réclamation du 23 octobre 2014 été rejetée par décision du 9 février 2015 du directeur faisant fonction de la direction « Affaires juridiques, communication et relations avec les parties prenantes » de la direction générale « Ressources humaines et sécurité » de la Commission, agissant en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »).

 Conclusions des parties et procédure

16      Le requérant demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 23 juillet 2014 en ce qu’elle limite le paiement rétroactif de l’indemnité de dépaysement à une période de cinq ans ;

–        condamner la Commission à lui payer l’arriéré d’indemnité de dépaysement depuis le 1er septembre 2007 augmenté des intérêts moratoires calculés au taux fixé par la BCE pour les principales opérations de refinancement majoré de deux points sur les sommes déjà versées et celles encore dues, à compter de leur échéance respective, et ce jusqu’à complet paiement ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

18      Par lettre du 18 juin 2015, le greffe du Tribunal a transmis aux parties une proposition du juge rapporteur les invitant à trouver une solution à l’amiable au litige. Cette proposition n’a pas abouti.

19      L’audience dans la présente affaire s’est tenue le 24 septembre 2015. À l’issue de celle-ci, le président de la deuxième chambre du Tribunal a clôturé la procédure orale et mis l’affaire en délibéré. Par ordonnance du 3 mars 2016, le Tribunal (deuxième chambre) a rouvert la procédure orale afin de permettre aux parties, en application de l’article 82 du règlement de procédure, de présenter des observations sur la fin de non-recevoir d’ordre public tirée de l’irrégularité de la procédure précontentieuse, dans la mesure où le préjudice que le requérant estime avoir subi aurait été causé non pas par une décision de la Commission, mais par un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel et où, par conséquent, le requérant aurait dû introduire une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut dans un délai raisonnable.

20      Par mémoire d’observations parvenu au greffe du Tribunal le 11 mars 2016, la Commission a répondu qu’il y avait lieu de constater l’irrégularité de la procédure contentieuse et, en conséquence, de faire droit à la fin de non-recevoir envisagée.

21      Par mémoire d’observations du 15 mars 2016, le requérant a fait valoir que, en tout état de cause, il avait saisi l’AIPN d’une demande visant au versement de l’indemnité de dépaysement non payée dans un délai raisonnable à compter du moment où il avait eu connaissance de la situation dont il se plaint et a conclu au rejet de la fin de non-recevoir envisagée.

22      Par lettre du greffe du Tribunal du 17 mars 2016, les parties ont été informées de la clôture de la procédure orale et de la mise en délibéré de l’affaire.

 Sur la recevabilité du recours

 Arguments des parties

23      Dans le cadre de la procédure précontentieuse, la Commission a fait valoir que, selon la jurisprudence, les bulletins de rémunération du requérant sont des actes faisant grief à l’encontre desquels il aurait dû introduire une réclamation dans le délai statutaire de trois mois.

24      Dans sa requête, le requérant conteste les arguments de la Commission en considérant que la jurisprudence qui admet que les bulletins de rémunération puissent être considérés comme des actes faisant grief n’est pas pertinente pour la présente affaire. En effet, cette jurisprudence concernerait le cas où les bulletins de rémunération reflètent une décision ayant un caractère pécuniaire adoptée par l’administration, alors que, dans son cas, l’indemnité de dépaysement ne lui a pas été versée en raison d’une erreur administrative et que, partant, il n’y a eu aucune décision lui supprimant cette indemnité.

25      Le requérant rappelle qu’une éventuelle décision lui supprimant l’indemnité de dépaysement aurait dû lui être communiquée en application de l’article 25 du statut, ce qui n’a pas été le cas.

26      Il s’ensuit, selon le requérant, que ses bulletins de rémunération ne sauraient être considérés comme des actes faisant grief et que le seul acte faisant grief serait la décision du 23 juillet 2014, décision qu’il a contestée en introduisant une réclamation dans le délai de trois mois prévu par l’article 90, paragraphe 2, du statut.

27      Dans ses observations du 15 mars 2016 sur la fin de non-recevoir d’ordre public envisagée par le Tribunal, le requérant rappelle que c’est en mai 2014 qu’un agent de la délégation à Bamako a remarqué l’absence de paiement de l’indemnité de dépaysement et qu’il a lui-même demandé le paiement de ladite indemnité le 28 mai 2014. Dans ces circonstances, il considère avoir respecté un délai raisonnable pour l’introduction de la demande en application de l’article 90, paragraphe 1, du statut, lequel délai court à compter du moment où le fonctionnaire concerné a eu connaissance de la situation dont il se plaint, ainsi qu’il ressortirait de l’arrêt du 11 mai 2010, Nanopoulos/Commission (F‑30/08, EU:F:2010:43, point 118). Par ailleurs, le requérant réaffirme qu’il a travaillé dans des conditions particulièrement difficiles tant pendant son détachement à l’AER qu’en tant que chef de la délégation à Kinshasa et que chef de la délégation à Bamako.

28      Dans son mémoire en défense, la Commission conclut à l’irrecevabilité du recours en soutenant qu’il ressortait déjà clairement du bulletin de rémunération commun pour les mois de septembre et octobre 2007 que l’indemnité de dépaysement n’était pas versée au requérant et que ce bulletin de rémunération constituait une décision au sens de l’article 90 du statut. Le requérant aurait donc dû contester ce bulletin de rémunération et il serait forclos à le faire dans le cadre du présent recours.

29      En outre, la Commission ajoute que, selon la jurisprudence, tout fonctionnaire normalement diligent est censé connaître le statut et, plus particulièrement, les règles régissant son traitement et que, compte tenu du grade du requérant et de son expérience, il aurait dû facilement détecter l’absence de mention relative à l’indemnité de dépaysement dans ses bulletins de rémunération ainsi que la différence sensible entre la rémunération perçue jusqu’au mois d’août 2007 et celle perçue à partir de septembre 2007.

30      Lors de l’audience et dans les observations sur la fin de non-recevoir d’ordre public envisagée par le Tribunal qu’elle a déposées le 11 mars 2016, la Commission a soutenu que, si le Tribunal devait considérer que les bulletins de rémunération du requérant à compter du bulletin de rémunération commun pour les mois de septembre et octobre 2007 n’étaient pas susceptibles de lui faire grief, le requérant aurait dû introduire une demande en application de l’article 90, paragraphe 1, du statut dans un délai raisonnable, ce que, en l’espèce, il n’aurait pas fait.

 Appréciation du Tribunal

31      En vertu de l’article 82 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public.

32      Les conditions de recevabilité d’un recours au titre des articles 90 et 91 du statut étant d’ordre public, il appartient, le cas échéant, au juge de l’Union de les examiner d’office, sous réserve d’avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations (arrêt du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 130 et jurisprudence citée).

33      Il est de jurisprudence constante que constituent des actes faisant grief les seules mesures émanant de l’autorité compétente qui produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de l’intéressé, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci, et qui fixent définitivement la position de l’institution (arrêts du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a., T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 46, et du 8 octobre 2014, Bermejo Garde/CESE, T‑530/12 P, EU:T:2014:860, point 45).

34      Plus spécifiquement, si un bulletin de rémunération, de par sa nature et son objet, n’a pas, en tant que tel, les caractéristiques d’un acte faisant grief, dès lors qu’il ne fait que traduire, en termes pécuniaires, la portée de décisions juridiques antérieures relatives à la situation du fonctionnaire, sur le plan de la procédure, un tel bulletin peut constituer un acte produisant des effets juridiques précis à l’égard de son destinataire. Ainsi, la communication du bulletin de rémunération a pour effet de faire courir les délais de réclamation et de recours contre une décision administrative lorsque ce bulletin fait apparaître clairement l’existence et la portée de cette décision. Dans ces conditions, les bulletins de rémunération, transmis mensuellement et contenant le décompte des droits pécuniaires, peuvent constituer des actes faisant grief, susceptibles de faire l’objet d’une réclamation et, le cas échéant, d’un recours (arrêts du 27 juin 1989, Giordani/Commission, 200/87, EU:C:1989:259, point 13 ; du 19 septembre 2008, Chassagne/Commission, T‑253/06 P, EU:T:2008:386, point 139 ; ordonnances du 13 septembre 2013, Conticchio/Commission, T‑358/12 P, EU:T:2013:525, point 23 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2015, van Oudenaarden/Parlement, F‑139/14, EU:F:2015:64, point 29 et jurisprudence citée).

35      Par ailleurs, il a déjà été jugé que la condition relative à l’existence d’une décision n’est pas remplie lorsque, comme dans la présente espèce, le non-paiement d’une indemnité n’implique pas nécessairement que l’institution concernée a refusé ce droit à l’intéressé (voir, concernant l’indemnité de dépaysement, arrêt du 22 septembre 1988, Canters/Commission, 159/86, EU:C:1988:432, point 7).

36      Il est donc nécessaire d’examiner si, en l’espèce, les bulletins de rémunération du requérant à compter de celui relatif au traitement pour les mois de septembre et octobre 2007 reflétaient une décision adoptée par l’administration relative à sa situation juridique au sens de la jurisprudence citée aux points précédents du présent arrêt, de sorte que la communication au requérant desdits bulletins aurait fait courir les délais de réclamation et de recours.

37      Bien que l’inexistence d’une décision à l’origine du non-paiement d’une indemnité et l’argument d’une erreur purement matérielle ne puissent être admis que dans des cas exceptionnels, il y a lieu de constater que, dans le cas d’espèce, les parties sont d’accord sur le fait que l’indemnité de dépaysement n’a pas été versée en raison d’une erreur de la part de l’administration dans l’encodage informatique des droits statutaires du requérant.

38      Il ressort en effet du dossier que le requérant percevait l’indemnité de dépaysement avant d’être détaché auprès de l’AER. Par la suite, il a continué à percevoir cette indemnité pendant son détachement. Toutefois, compte tenu du fait que, d’un point de vue administratif, lors de son détachement, le requérant était « non rémunéré par l’institution d’origine », selon la Commission, ses droits pécuniaires dans le système informatique de gestion du personnel de la Commission ont été clôturés. Lorsque, à l’issue de son détachement, le requérant a réintégré la Commission, le 1er septembre 2007, son droit à l’indemnité de dépaysement a été explicitement confirmé par le PMO, comme en atteste la fiche du PMO du 21 septembre 2007. C’est uniquement en raison d’une erreur qui, selon la Commission, avait « vraisemblablement une origine technique » que le droit du requérant relatif à l’indemnité de dépaysement n’a pas été rouvert dans le système informatique de gestion du personnel de la Commission.

39      Il y a donc lieu de constater, premièrement, que, depuis le 1er septembre 2007, la seule décision du PMO concernant l’indemnité de dépaysement du requérant est celle qui ressort de la fiche du PMO du 21 septembre 2007 et qui reconnaît que le requérant avait droit à cette indemnité et, deuxièmement, que le PMO n’a jamais adopté de décision privant le requérant du droit à l’indemnité de dépaysement. Il s’ensuit que les bulletins de rémunération du requérant à compter de celui pour les mois de septembre et octobre 2007 ne reflétaient aucune décision pécuniaire au sens de la jurisprudence rappelée au point 34 du présent arrêt, ni ne modifiaient sa situation juridique, ni ne fixaient définitivement la position de la Commission.

40      Par conséquent, ne reflétant pas une décision de l’AIPN, les bulletins de rémunération du requérant pour la période allant du 1er septembre 2007 au 31 mai 2014 n’ont pas pu avoir pour effet de faire courir le délai de réclamation.

41      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la solution retenue dans l’ordonnance du 20 mars 2014, Michel/Commission (F‑44/13, EU:F:2014:40), laquelle, selon la Commission, concernerait « un calcul erroné ». Dans cette affaire, la requérante contestait la prise en compte, par la Commission, de l’impôt grevant la pension de survie dont elle bénéficiait en déduction du montant de référence pour le calcul de l’indemnité de conditions de vie prévue par l’article 10 de l’annexe X du statut. Or, au point 22 de l’ordonnance susmentionnée le Tribunal a fait état de ce que le PMO avait informé la requérante de sa décision de « changer [l]a pratique administrative » contestée par la requérante. Une telle affirmation indique que la pratique administrative en cause n’était pas, comme le prétend la Commission, une erreur de calcul du type de celle commise dans la présente affaire, mais qu’il s’agissait d’une véritable décision administrative, décision que l’administration a reconnue incorrecte et a décidé de modifier.

42      Il résulte des considérations qui précèdent que la fin de non-recevoir soulevée par la Commission et tirée de ce que le requérant aurait dû introduire une réclamation contre le bulletin de rémunération commun pour les mois de septembre et octobre 2007 dans le délai de trois mois à compter de la réception dudit bulletin doit être rejetée.

43      Toutefois, il y a lieu de constater que, en l’absence d’une décision faisant grief au requérant, et plus spécifiquement d’une décision le privant de l’indemnité de dépaysement, le non-versement de ladite indemnité, à laquelle il avait pourtant droit, constitue néanmoins une faute de service de la Commission due au comportement négligent de ses services.

44      Selon une jurisprudence constante, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, lorsque le préjudice que le requérant estime avoir subi a été causé par un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel, il appartient à l’intéressé de saisir l’administration d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement. Ce n’est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle une réclamation peut être dirigée et ce n’est qu’après le rejet explicite ou implicite de cette réclamation qu’un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal (ordonnance du 10 novembre 2009, Tiralongo/Commission, T‑180/08 P, EU:T:2009:429, point 24 ; arrêts du 14 décembre 2010, Michail/Commission, F‑67/05 RENV, EU:F:2010:162, point 112, et du 19 juin 2013, CF/AESA, F‑40/12, EU:F:2013:85, point 57).

45      En outre, il a été jugé que, dans le silence de l’article 90, paragraphe 1, du statut, le délai pour introduire une demande au sens de cette disposition doit être raisonnable et que le caractère raisonnable du délai doit être apprécié eu égard aux circonstances propres à l’espèce et, notamment, à l’enjeu du litige pour l’intéressé, à la complexité de l’affaire et au comportement des parties (arrêt du 11 mai 2010, Nanopoulos/Commission, F‑30/08, EU:F:2010:43, points 116 et 117). Cependant, la jurisprudence admet que, pour procéder à cette appréciation, un point de comparaison peut être utilement tiré du délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne en matière d’action en responsabilité non contractuelle de l’Union (arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission, F‑95/09, EU:F:2011:9, point 52). Il convient enfin d’ajouter que, selon la jurisprudence, le délai pour l’introduction d’une demande court à compter de la survenance du fait générateur du dommage (arrêt du 14 décembre 2011, Allen e.a./Commission, T‑433/10 P, EU:T:2011:744, point 45) ou plus précisément à compter du moment où les effets dommageables de l’acte ou du comportement illicite se sont produits (arrêt du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F‑89/11, EU:F:2013:83, point 95), ou encore à compter de l’apparition des effets dommageables (arrêt du 23 octobre 2013, BQ/Cour des comptes, F‑39/12, EU:F:2013:158, point 39).

46      En l’espèce, les effets dommageables de l’erreur technique commise par les services de la Commission sont apparus lors du paiement au requérant de ses traitements relatifs aux mois de septembre et octobre 2007. C’est donc à compter de la date de ce paiement que le requérant disposait d’un délai raisonnable pour introduire une demande visant à corriger les effets de ladite erreur technique.

47      Toutefois, il apparaît que le requérant n’a demandé le versement de l’indemnité de dépaysement que le 8 juillet 2014, à savoir plus de six ans et huit mois après l’apparition des effets dommageables dus à l’erreur technique de la Commission. Or, un tel délai ne saurait être considéré raisonnable à la lumière de la jurisprudence évoquée au point 45 du présent arrêt.

48      Par ailleurs, le requérant ne saurait se prévaloir des conditions dans lesquelles il a travaillé lors de son détachement auprès de l’AER puis en délégation, à Kinshasa et à Bamako. En effet, il a déjà été jugé qu’un délai de cinq ans permet au fonctionnaire concerné de disposer d’un délai suffisamment long pour évaluer la légalité du fait dont il se plaint (ordonnance du 13 juillet 2010, Allen e.a./Commission, F‑103/09, EU:F:2010:88, point 38) et, quoi qu’il en soit, aussi difficiles que puissent avoir été les conditions de travail du requérant, ce dernier n’a pas démontré qu’il avait été confronté à une situation exceptionnelle qui l’aurait empêché de s’apercevoir de l’erreur de l’administration et d’introduire une demande en application de l’article 90, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2011, Sukup/Commission, F‑73/09, EU:F:2011:40, point 83).

49      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours n’a pas été précédé d’une procédure de réclamation régulière et doit, dès lors, être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

51      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Richard Zink supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

Bradley

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 avril 2016.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       K. Bradley


* Langue de procédure : le français.

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