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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Fedtke v EESC (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-157/16 (17 November 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T15716.html Cite as: EU:T:2016:666, [2016] EUECJ T-157/16, ECLI:EU:T:2016:666 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)
17 novembre 2016 (1)
« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Acte purement confirmatif – Faits nouveaux et substantiels – Charge de la preuve »
Dans l’affaire T‑157/16 P,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 5 février 2016, Fedtke/CESE (F‑107/15, EU:F:2016:15), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,
Ingrid Fedtke, ancienne fonctionnaire du Comité économique et social européen, demeurant à Wezembeek-Oppem (Belgique), représentée par Me M.-A. Lucas, avocat,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant
Comité économique et social européen (CESE), représenté par Mmes M. Pascua Mateo, K. Gambino, X. Chamodraka, MM. A. Carvajal et L. Camarena Januzec, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,
partie défenderesse en première instance,
LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),
composé de MM. M. Jaeger, président, M. Prek et G. Berardis (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la requérante, Mme Ingrid Fedtke, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 5 février 2016, Fedtke/CESE (F‑107/15, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:F:2016:15), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant à l’annulation des décisions du Comité économique et social européen (CESE) des 7 avril 2014, 30 septembre 2014 et 22 avril 2015, concernant son souhait d’être maintenue en activité jusqu’à l’âge de 66 ans.
Cadre juridique
2 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 52 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), dans la version résultant du règlement (UE, Euratom) n° 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15), se lit comme suit :
« Sans préjudice des dispositions de l’article 50, le fonctionnaire est mis à la retraite :
a) soit d’office, le dernier jour du mois durant lequel il atteint l’âge de 66 ans,
b) soit à sa demande, le dernier jour du mois pour lequel la demande a été présentée lorsqu’il a atteint l’âge de la retraite ou que, ayant atteint un âge compris entre 58 ans et l’âge de la retraite, il réunit les conditions requises pour l’octroi d’une pension à jouissance immédiate, conformément à l’article 9 de l’annexe VIII. L’article 48, deuxième alinéa, deuxième phrase, s’applique par analogie.
Toutefois, à sa demande et lorsque l’autorité investie du pouvoir de nomination considère que l’intérêt du service le justifie, un fonctionnaire peut rester en activité jusqu’à l’âge de 67 ans, voire, à titre exceptionnel, jusqu’à l’âge de 70 ans, auquel cas il est mis à la retraite d’office le dernier jour du mois au cours duquel il atteint cet âge.
Lorsque l’autorité investie du pouvoir de nomination décide d’autoriser un fonctionnaire à rester en activité au-delà de l’âge de 66 ans, cette autorisation est octroyée pour une durée maximale d’un an. Elle peut être renouvelée à la demande du fonctionnaire. »
3 En outre, l’article 23, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut prévoit ce qui suit :
« Lorsque l’article 52, [premier alinéa, sous] a), du statut s’applique et sans préjudice des dispositions de l’article 50, le fonctionnaire entré en service avant le 1er janvier 2014 est mis à la retraite d’office le dernier jour du mois au cours duquel il atteint l’âge de 65 ans. »
Faits à l’origine du litige
4 Les faits pertinents à l’origine du litige sont exposés dans l’ordonnance attaquée dans les termes suivants :
« 4 La requérante, née le 3 mai 1949, est entrée au service du CESE le 1er août 1975. Au moment de sa mise à la retraite, le 31 décembre 2014, elle était fonctionnaire de grade AST 9.
5 Par note du 13 janvier 2014, adressée par la voie hiérarchique au secrétaire général faisant fonction du CESE, la requérante a demandé à être maintenue en activité jusqu’à l’âge de 66 ans, en application de l’article 52, deuxième alinéa, du statut.
6 Le même jour, le chef d’unité de la requérante a adressé une note au secrétaire général faisant fonction du CESE en affirmant que, compte tenu de l’expérience et des prestations de la requérante, son maintien en activité jusqu’à l’âge de 66 ans était “clairement” dans l’intérêt du service.
7 Par décision du 7 avril 2014, transmise le jour même à la requérante, le secrétaire général du CESE (ci-après le “secrétaire général”) a fixé la date de mise à la retraite de la requérante au 31 décembre 2014 (ci-après la “décision du 7 avril 2014”).
8 Le 3 septembre 2014, la requérante a introduit une seconde demande visant à être maintenue en activité jusqu’à l’âge de 66 ans (ci-après la “demande du 3 septembre 2014”). Cette demande a été suivie, le lendemain, par une note du chef d’unité de la requérante adressée au secrétaire général qui faisait valoir, premièrement, qu’une telle demande ne devait pas être considérée comme exceptionnelle, à la lumière du nouveau statut, et, deuxièmement, que, si elle était acceptée, elle permettrait à la requérante de remplacer une de ses collègues, absente jusqu’au 1er juin 2015 pour cause de congé de maternité et de congé parental, tout en assurant la formation d’une nouvelle assistante qui serait recrutée sur son poste à compter du 1er janvier 2015.
9 Par note du 30 septembre 2014, le directeur de la direction des ressources humaines et des services intérieurs du CESE a informé la requérante que le secrétaire général l’avait chargé de répondre à la demande du 3 septembre 2014 et qu’après un “examen approfondi de la situation” il lui paraissait qu’il n’y avait pas de “raisons impérieuses de service” susceptibles de justifier son maintien en activité au-delà du 31 décembre 2014 (ci-après la “décision du 30 septembre 2014”). Par la même note, la requérante a été informée de ce que l’avis de son directeur, ses rapports de notation et l’avis de la commission paritaire sur sa demande de maintien en activité avaient été pris en considération par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’“AIPN”) lors de l’examen de sa demande du 13 janvier 2014.
10 Le 22 décembre 2014, la requérante a introduit une réclamation, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dirigée contre les décisions du 7 avril 2014 et du 30 septembre 2014. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 22 avril 2015. »
Procédure en première instance et ordonnance attaquée
5 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 23 juillet 2015, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 7 avril 2014, qui n’avait fait droit que partiellement à sa demande du 13 janvier 2014 (ci-après la « demande du 13 janvier 2014 ») de rester en activité jusqu’à l’âge de 66 ans, de la décision du 30 septembre 2014, qui avait rejeté sa demande du 3 septembre 2014, et, pour autant que de besoin, de la décision du 22 avril 2015 (ci-après la « décision du 22 avril 2015 »), qui avait rejeté sa réclamation du 22 décembre 2014, visant les décisions des 7 avril et 30 septembre 2014 (points 1 et 11 de l’ordonnance attaquée).
6 S’agissant de la procédure, il convient de rappeler que, par lettre du greffe du 3 décembre 2015, le Tribunal de la fonction publique a informé les parties, conformément à l’article 82 de son règlement de procédure, qu’il envisageait de soulever d’office la fin de non-recevoir d’ordre public tirée de ce que, en l’absence de faits nouveaux et substantiels intervenus après la décision du 7 avril 2014, laquelle n’avait pas été contestée dans le délai statutaire, la décision du 30 septembre 2014 était purement confirmative de la décision du 7 avril 2014. Dans ses observations du 18 décembre 2015, le CESE a conclu à l’irrecevabilité du recours, alors que la requérante, dans ses observations du 4 janvier 2016, a soutenu que son recours était recevable, dès lors que, après la décision du 7 avril 2014, plusieurs faits nouveaux étaient intervenus (points 13 à 15 de l’ordonnance attaquée).
7 S’agissant de l’issue du recours, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté celui-ci comme irrecevable sur la base, notamment, des considérations suivantes :
« 19 [L]a possibilité d’introduire une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut ne saurait permettre au fonctionnaire d’écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l’introduction de la réclamation et du recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d’une telle demande ultérieure, une décision antérieure qui n’avait pas été contestée dans les délais […]
20 Seule l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision qui n’a pas été contestée dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut […]
21 Selon la jurisprudence, pour avoir un caractère “nouveau”, il est nécessaire que ni le requérant ni l’administration n’aient eu ou n’aient été en mesure d’avoir connaissance du fait concerné au moment de l’adoption de la décision antérieure devenue définitive. Quant au caractère “substantiel”, il est nécessaire que le fait concerné soit susceptible de modifier de façon substantielle la situation du requérant qui est à la base de la demande initiale ayant donné lieu à la décision antérieure devenue définitive (arrêt du 12 mars 2009, Lafleur Tighe/Commission, F‑24/07, EU:F:2009:24, point 57).
22 Dans la présente affaire, il ressort du dossier, premièrement, que, par la décision du 7 avril 2014, l’AIPN a fait droit en partie seulement à la demande de la requérante, puisqu’elle n’a autorisé son maintien en activité que jusqu’au 31 décembre 2014, sans lui permettre de rester en fonction du 1er janvier au 3[1] mai 2015 comme elle l’avait demandé.
23 Il s’ensuit que la décision du 7 avril 2014 fait grief à la requérante dans la mesure où elle lui refuse le maintien en activité au-delà du 31 décembre 2014 et que, en l’absence d’une réclamation dans le délai statutaire de trois mois, cette décision est devenue définitive […]
24 Il y a donc lieu de rejeter comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision du 7 avril 2014.
25 Deuxièmement, pour ce qui est des conclusions dirigées contre la décision du 30 septembre 2014, le Tribunal constate que la demande du 3 septembre 2014 visait en substance au réexamen de la décision du 7 avril 2014, devenue définitive. Or, selon la jurisprudence rappelée aux points 20 et 21 de la présente ordonnance, seule l’existence de faits nouveaux et substantiels pouvait justifier la présentation de cette seconde demande.
26 À cet égard, bien que dans la demande du 3 septembre 2014 la requérante n’ait pas indiqué les faits nouveaux et substantiels susceptibles de justifier sa présentation, elle se prévaut toutefois, en référence à la note du 4 septembre 2014 de son chef d’unité, de la modification du statut et de l’absence, jusqu’au 1er juin 2015, d’une de ses collègues en raison d’un congé de maternité puis d’un congé parental.
27 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le nouveau statut est entré en application le 1er janvier 2014, donc plus de quatre mois avant la décision du 7 avril 2014, de sorte que, en tout état de cause, un tel événement ne peut être considéré comme un fait nouveau pouvant permettre à la requérante de demander le réexamen de la décision du 7 avril 2014.
28 Ensuite, pour ce qui est de l’absence de la collègue de la requérante, force est de constater que celle-ci n’a [pas] fourni, ni dans sa requête ni dans ses observations du 4 janvier 2016 […], la moindre information quant à la date à laquelle l’administration avait pris ou aurait pu prendre connaissance de ce que cette personne allait partir en congé de maternité puis en congé parental, ni quant à la durée totale de ces congés ou à la situation familiale de cette personne.
29 Étant donné que, selon l’article 58 du statut, les femmes enceintes ont droit à un congé de vingt semaines et que, selon l’article 42 bis du statut, un congé parental peut durer jusqu’à six mois, ou douze mois dans certains cas, pour chaque enfant, le Tribunal ne peut pas exclure qu’au moment d’adopter sa décision, le 7 avril 2014, l’administration avait déjà connaissance de l’absence future de la collègue de la requérante, voire que celle-ci était déjà absente de son travail. En effet, comme l’a fait remarquer le CESE, la date approximative d’un accouchement est en règle générale connue plusieurs mois à l’avance. On peut s’attendre à ce qu’un fonctionnaire qui prévoit de s’absenter pendant une longue période prévienne sa hiérarchie longtemps à l’avance de la date du début de ses congés ainsi que de leur présumée durée.
30 Dans ces circonstances, la requérante n’a pas établi que l’absence de sa collègue était un fait nouveau dont ni elle-même ni l’administration n’avaient eu connaissance ou n’avaient été en mesure d’avoir connaissance au moment de l’adoption de la décision du 7 avril 2014.
31 Par conséquent, contrairement à ce que la requérante prétend, la demande de réexamen de la décision du 7 avril 2014, devenue définitive, n’était justifiée par aucun fait nouveau et substantiel.
32 La procédure précontentieuse n’ayant pas suivi un cours régulier, doivent être rejetées comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision du 30 septembre 2014, ainsi que les conclusions subsidiaires dirigées contre la décision [du 22 avril 2015]. »
Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties
8 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 14 avril 2016, la requérante a introduit le présent pourvoi.
9 Le 4 juillet 2016, le CESE a déposé son mémoire en réponse.
10 Le 25 juillet 2016, la phase écrite de la procédure a été close.
11 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a estimé qu’il était suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire et a décidé de statuer sur le pourvoi sans phase orale de la procédure, conformément à l’article 207, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.
12 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’ordonnance attaquée ;
– renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique afin qu’il statue sur le fond du recours ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
13 Le CESE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le pourvoi ;
– lui adjuger le bénéfice de ses conclusions en première instance ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
14 À l’appui du pourvoi, la requérante invoque quatre moyens, tirés, en substance, le premier, d’une erreur de droit ou d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne les conditions requises pour qu’un fait soit considéré comme étant nouveau, le deuxième, d’une erreur de droit ou d’une dénaturation du dossier et d’une insuffisance de motivation en ce que le Tribunal de la fonction publique a considéré que les décisions du 30 septembre 2014 et du 22 avril 2015 étaient des actes purement confirmatifs sans vérifier si celles-ci comportaient des éléments nouveaux, le troisième, d’une erreur de droit ou d’une dénaturation du dossier et d’une absence de réponse à son argumentation, en ce que le Tribunal de la fonction publique n’a pas considéré comme étant nouveaux et substantiels, d’une part, le fait qu’elle avait prétendument élargi la base juridique de la demande et, d’autre part, le fait que l’administration n’avait prétendument pas prêté suffisamment attention aux modifications du statut et, le quatrième, de la violation des règles portant sur la charge de la preuve en ce qui concerne l’établissement du caractère nouveau de l’absence d’une de ses collègues en raison d’un congé de maternité et d’un congé parental.
Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit ou d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne les conditions requises pour qu’un fait soit considéré comme étant nouveau
15 La requérante conteste le bien-fondé du principe, que le Tribunal de la fonction publique a rappelé au point 21 de l’ordonnance attaquée et appliqué par la suite au cas d’espèce, selon lequel le caractère nouveau d’un fait avancé à l’appui d’une demande de réexamen d’une décision non contestée en temps utile requiert que ni le demandeur ni l’administration n’en aient eu connaissance ou n’aient été en mesure d’en avoir connaissance au moment de l’adoption de la décision antérieure devenue définitive. Ce principe se heurterait à la jurisprudence.
16 Le CESE conteste les arguments de la requérante.
17 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le caractère confirmatif ou non d’un acte ne saurait être apprécié uniquement en fonction de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu’il confirmerait, mais doit également l’être par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte répond (voir arrêt du 15 septembre 2011, CMB et Christof/Commission, T‑407/07, non publié, EU:T:2011:477, point 90 et jurisprudence citée).
18 Il ressort, en particulier, de cette jurisprudence que, si l’acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen de la décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure. En effet, l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive. À l’inverse, lorsque la demande de réexamen n’est pas fondée sur des faits nouveaux et substantiels, le recours contre la décision refusant de procéder au réexamen sollicité doit être déclaré irrecevable (voir arrêt du 15 septembre 2011, CMB et Christof/Commission, T‑407/07, non publié, EU:T:2011:477, point 91 et jurisprudence citée).
19 S’agissant de la question de savoir selon quels critères des faits doivent être qualifiés de nouveaux, il ressort de la jurisprudence que, pour avoir un tel caractère, il est nécessaire que ni la requérante ni l’administration n’aient eu ou n’aient été en mesure d’avoir connaissance du fait concerné au moment de l’adoption de la décision antérieure (voir arrêt du 15 septembre 2011, CMB et Christof/Commission, T‑407/07, non publié, EU:T:2011:477, point 92 et jurisprudence citée).
20 Ainsi, il y a lieu de constater que le principe rappelé par le Tribunal de la fonction publique au point 21 de l’ordonnance attaquée est reconnu non seulement par la jurisprudence dudit Tribunal citée au point en question, mais également par la jurisprudence du Tribunal.
21 À cet égard, il est certes vrai que, dans l’arrêt du 13 novembre 2014, Espagne/Commission (T‑481/11, EU:T:2014:945, point 38), invoqué par la requérante, le Tribunal précise qu’un élément doit être qualifié de nouveau tant lorsque celui-ci n’existait pas au moment de l’adoption de l’acte antérieur que lorsqu’il s’agit d’un élément déjà existant lorsque l’acte antérieur a été adopté, mais qui, pour quelque raison que ce soit, y compris un manque de diligence de la part de l’auteur de ce dernier acte, n’a pas été pris en considération lors de son adoption.
22 Cependant, en dépit de sa formulation très large, cette précision ne saurait être interprétée comme permettant à un fonctionnaire, qui s’est vu rejeter, en tout ou en partie, une première demande par une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») devenue définitive, d’invoquer comme faits nouveaux, à l’appui d’une seconde demande ayant le même but que la première, des éléments qui étaient déjà à sa disposition et qu’il a omis de présenter au soutien de sa première demande.
23 La jurisprudence rappelée au point 19 ci-dessus signifie, en revanche, que des éléments peuvent être considérés comme étant nouveaux lorsque l’administration les a ignorés par manque de diligence ou pour d’autres raisons, non imputables au demandeur.
24 S’il en était autrement, il serait porté atteinte non seulement à la jurisprudence rappelée aux points 17 à 19 ci-dessus, mais également à celle selon laquelle la faculté d’introduire une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut ne saurait permettre au fonctionnaire d’écarter les délais prévus par ces articles 90 et 91 pour l’introduction de la réclamation et du recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d’une telle demande ultérieure, une décision antérieure qui n’avait pas été contestée dans les délais (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1986, Becker/Commission, 232/85, EU:C:1986:428, point 8, et du 29 janvier 1997, Adriaenssens e.a./Commission, T‑7/94, EU:T:1997:7, point 27).
25 Par ailleurs, il doit être noté que, contrairement à ce que la requérante semble soutenir dans l’intitulé du premier moyen, le raisonnement exposé par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée en ce qui concerne le critère juridique appliqué afin d’établir s’il était en présence d’un acte purement confirmatif respecte l’obligation de motivation qui incombe audit Tribunal en vertu de l’article 36, première phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I de ce statut. En effet, la motivation contenue notamment aux points 19 à 21 et 25 de l’ordonnance attaquée permet à la requérante de prendre connaissance des motifs de cette ordonnance et au juge du pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle et respecte ainsi les conditions posées à cet égard par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2011, Zangerl-Posselt/Commission, T‑62/10 P, EU:T:2011:463, point 58 et jurisprudence citée).
26 Il s’ensuit que le Tribunal de la fonction publique a utilisé le critère juridique correct, décrit avec suffisamment de clarté, lorsqu’il a examiné si la requérante avait fondé la demande du 3 septembre 2014 sur des éléments nouveaux, si bien que le premier moyen doit être rejeté.
27 La question de savoir si, en appliquant ce critère aux circonstances de l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a commis des erreurs doit être évaluée dans le cadre des troisième et quatrième moyens, qu’il convient d’examiner avant le deuxième.
Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit ou d’une dénaturation du dossier et d’une absence de réponse à l’argumentation de la requérante, en ce que le Tribunal de la fonction publique n’a pas considéré comme étant nouveaux et substantiels, d’une part, le fait qu’elle avait prétendument élargi la base juridique de la demande et, d’autre part, le fait que l’administration n’avait prétendument pas prêté suffisamment d’attention aux modifications du statut
28 La requérante critique la considération du Tribunal de la fonction publique, exposée au point 27 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle, en substance, les changements, notamment, de l’article 52 du statut introduits par le règlement n° 1023/2013 ne sont pas des faits nouveaux permettant d’obtenir un réexamen de la décision du 7 avril 2014, puisque ce règlement était applicable dès le 1er janvier 2014. Selon la requérante, sa demande du 3 septembre 2014, complétée par la note du 4 septembre 2014 de son chef d’unité (ci-après la « note du chef d’unité ») (voir point 8 de l’ordonnance attaquée, repris au point 4 ci-dessus), n’invoquait pas les modifications du statut en tant qu’élément nouveau, mais élargissait la base juridique de la demande du 13 janvier 2014. En effet, alors que cette dernière aurait été fondée sur l’article 52 du statut, sans d’autres précisions, la demande du 3 septembre 2014 se référait spécifiquement à « l’article 52, point B, paragraphes 2 et 3, du nouveau statut ». Par ailleurs, la requérante souligne que, puisque la note du chef d’unité explique que le fait de faire droit à cette dernière demande la mettrait dans la même situation que les fonctionnaires recrutés après le 1er janvier 2014, qui, conformément à la nouvelle version de l’article 52, premier alinéa, sous a), du statut, sont mis à la retraite à l’âge de 66 ans, et non de 65 ans comme les autres fonctionnaires, il doit être considéré que, dans la décision du 7 avril 2014, l’AIPN n’avait pas tenu compte de cette modification.
29 Le CESE conteste les arguments de la requérante.
30 En premier lieu, il convient d’observer que, dans sa demande du 13 janvier 2014, la requérante s’est appuyée sur l’article 52 du statut et que les modifications introduites par le règlement n° 1023/2013 étaient applicables à compter du 1er janvier 2014, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, dudit règlement.
31 En second lieu, rien dans la décision du 7 avril 2014 ne permet de conclure que l’AIPN s’est fondée sur une version différente de l’article 52 du statut.
32 Ainsi, c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré que les modifications introduites par le règlement n° 1023/2013 ne constituaient pas un fait nouveau au moment de l’introduction de la demande du 3 septembre 2014.
33 Par ailleurs, à supposer que la requérante ait voulu soutenir que, dans la décision du 7 avril 2014, l’AIPN avait fait une interprétation incorrecte ou incomplète de l’article en question, il y a lieu d’observer que l’instrument dont celle-ci disposait pour obtenir de l’AIPN qu’elle revît sa position était l’introduction d’une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et ce dans le délai de trois mois prévu dans cette disposition. À défaut d’éléments nouveaux et substantiels, la requérante ne pouvait pas contourner ce délai en introduisant, plusieurs mois après l’expiration de celui-ci, une nouvelle demande portant, tout comme celle du 13 janvier 2014, sur l’application à son cas de l’article 52 du statut, et ce pour une période qui était déjà visée par cette dernière.
34 C’est dans le contexte d’une telle réclamation qu’elle aurait pu faire valoir les arguments ayant trait notamment à la comparaison de sa situation avec celle des fonctionnaires entrés en service après le 1er janvier 2014 et à l’application à son cas des dispositions figurant à l’article 52 du statut.
35 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des règles portant sur la charge de la preuve en ce qui concerne l’établissement du caractère nouveau de l’absence d’une collègue de la requérante en raison d’un congé de maternité et d’un congé parental
36 La requérante conteste les constatations du Tribunal de la fonction publique contenues aux points 28 à 30 de l’ordonnance attaquée, selon lesquelles l’absence de sa collègue en raison d’un congé de maternité et d’un congé parental ne pouvait pas être considérée comme étant un fait nouveau, dans la mesure où la requérante n’avait pas fourni d’éléments permettant d’établir si l’AIPN avait connaissance de cette situation lors de l’adoption de la décision du 7 avril 2014. Selon la requérante, le Tribunal de la fonction publique, en se limitant à relever qu’il ne pouvait pas exclure que, à ladite date, l’AIPN disposât déjà de ces informations, s’est fondé à tort sur des présomptions et lui a imposé une charge de la preuve impossible à satisfaire, dès lors qu’elle porterait sur des faits négatifs et concernant un tiers.
37 Le CESE rétorque que c’était à la requérante qu’il appartenait de prouver le caractère nouveau du fait ayant trait à l’absence de sa collègue sur lequel elle s’appuyait dans le contexte de sa demande du 3 septembre 2014.
38 Il convient d’observer que, certes, lorsqu’un fonctionnaire introduit une demande qui implique un réexamen d’une situation déjà réglée par une décision de l’AIPN devenue définitive, il lui incombe, en principe, de prouver que cette demande se fonde sur des faits nouveaux et substantiels.
39 Cependant, selon la jurisprudence, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 avril 2013, CISAC/Commission, T‑442/08, EU:T:2013:188, point 138 et jurisprudence citée).
40 En l’espèce, la note du chef d’unité annexée à la demande du 3 septembre 2014 mentionnait notamment le fait qu’une collègue de la requérante était, à ce moment-là, « en congé de maternité et en congé parental » et serait absente jusqu’au 1er juin 2015.
41 Ainsi que le fait valoir la requérante, c’était le CESE, et non elle-même, qui disposait des précisions concernant la date de début du congé de maternité et du congé parental de la collègue en cause et qui pouvait les produire devant le Tribunal de la fonction publique, le cas échéant à l’initiative de celui-ci, ce qui aurait permis d’établir avec certitude s’il s’agissait ou non d’un fait nouveau susceptible de justifier que l’AIPN réexamine sa décision concernant la date de mise à la retraite de la requérante. Or, le CESE n’a jamais produit ces précisions, ni n’a expliqué les raisons pour lesquelles il continuait à se limiter à des suppositions.
42 Dès lors, il y a lieu de conclure que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit concernant la charge de la preuve lorsqu’il a écarté le caractère nouveau du fait, invoqué par la requérante, ayant trait à l’absence de sa collègue, en se limitant à relever qu’il « ne [pouvait] pas exclure que, au moment d’adopter sa décision, l’AIPN avait déjà connaissance de l’absence future de la collègue de la requérante, voire que celle-ci était déjà absente de son travail » (point 29 de l’ordonnance attaquée). En effet, la question que le Tribunal de la fonction publique aurait dû se poser, conformément aux principes régissant la charge de la preuve, était celle de savoir si ces circonstances étaient établies.
43 Par ailleurs, il convient de noter que cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du CESE selon lequel la note du chef d’unité permet d’établir que la collègue de la requérante visée dans cette note avait déjà accouché à la date de la demande du 3 septembre 2014, si bien qu’elle était probablement enceinte depuis au moins six mois au moment de l’expiration du délai de réclamation contre la décision du 7 avril 2014.
44 À cet égard, même à supposer que, en dépit de l’absence de production par le CESE de tout élément de preuve concernant la période pendant laquelle la collègue en cause était enceinte, la requérante ait été informée de la grossesse de celle-ci avant l’expiration dudit délai de réclamation, il y a lieu de noter que la requérante n’aurait pas pu en tirer la conclusion que l’absence de cette collègue couvrirait toute la période comprise entre le 1er janvier et le 31 mai 2015, visée par la demande du 3 septembre 2014. En effet, l’information relative à cette grossesse pouvait certes permettre à la requérante de savoir que la collègue en cause serait absente pendant la durée de son congé de maternité. Toutefois, d’une part, ce dernier pouvait couvrir, tout au plus, une partie limitée de la période susvisée. D’autre part, cette information ne permettait pas à la requérante de savoir si ladite collègue, à la suite de son congé de maternité, demanderait un congé parental, ni quelle serait la durée de la période visée par cette éventuelle demande. En effet, le congé parental n’était qu’une possibilité dont la collègue en cause disposait, sans pour autant être obligée d’y avoir recours.
45 Il s’ensuit que le présent argument du CESE, qui présuppose que la requérante eût été informée, déjà lors de l’expiration du délai de réclamation au mois de juin 2014, de l’intention de sa collègue de demander un congé parental à la suite de son congé de maternité, est en tout état de cause dépourvu de toute pertinence.
46 Les considérations qui précèdent permettent de reconnaître le bien-fondé du quatrième moyen, ce qui suffit pour annuler l’ordonnance attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième moyen.
Sur les conséquences de l’annulation de l’ordonnance attaquée
47 Aux termes de l’article 4 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), lorsque le Tribunal annule une décision du Tribunal de la fonction publique tout en considérant que le litige n’est pas en état d’être jugé, il renvoie l’affaire à une chambre autre que celle qui a statué sur le pourvoi.
48 En l’espèce, le Tribunal n’est pas en mesure de statuer sur la question de savoir si l’absence de la collègue de la requérante mentionnée dans la note du chef d’unité est un fait nouveau et substantiel, ce qui rendrait le recours recevable, ni, en cas de réponse affirmative à cette question, d’apprécier le fond de l’affaire. Dès lors, le litige n’étant pas en état d’être jugé, il y a lieu de renvoyer l’affaire à une chambre autre que celle qui a statué sur le présent pourvoi afin que le Tribunal statue en première instance sur le recours initialement introduit devant le Tribunal de la fonction publique par la requérante.
49 Dans ces circonstances, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)
déclare et arrête :
1) L’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 5 février 2016, Fedtke/CESE (F‑107/15), est annulée.
2) L’affaire est renvoyée devant une chambre du Tribunal autre que celle qui a statué sur le présent pourvoi.
3) Les dépens sont réservés.
Jaeger | Prek | Berardis |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 novembre 2016.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | D. Gratsias |
1 Langue de procédure : le français.
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