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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Export Development Bank of Iran v Council (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-89/14 (30 November 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T8914.html Cite as: ECLI:EU:T:2016:693, [2016] EUECJ T-89/14, EU:T:2016:693 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
30 novembre 2016 (1)
« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran – Gel des fonds – Nouvelle inscription du nom de la requérante après annulation par le Tribunal de l’inscription initiale – Erreur de droit – Erreur de fait – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Proportionnalité – Égalité de traitement »
Dans l’affaire T‑89/14,
Export Development Bank of Iran, établie à Téhéran (Iran), représentée par Me J.-M. Thouvenin, avocat,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et M. Bishop, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par
Commission européenne, représentée par M. A. Aresu et Mme D. Gauci, en qualité d’agents,
partie intervenante,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision 2013/661/PESC du Conseil, du 15 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 306, p. 18), et du règlement d’exécution (UE) n° 1154/2013 du Conseil, du 15 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 306, p. 3), pour autant que ces actes concernent la requérante, et, à titre subsidiaire, à l’annulation de la décision 2013/661 et du règlement d’exécution n° 1154/2013 pour autant que ces actes concernent la requérante à compter du 20 janvier 2014,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,
greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 juin 2016,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La requérante, Export Development Bank of Iran, est une banque iranienne.
2 La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci-après la « prolifération nucléaire »).
3 Le 26 juillet 2010, le nom de la requérante a été inscrit sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39). L’inscription de son nom était motivée, en substance, par le fait qu’elle aurait fourni des services financiers à des sociétés liées à la prolifération nucléaire et aurait aidé des entités désignées à contourner les mesures restrictives les visant.
4 Par voie de conséquence, le nom de la requérante a été inscrit, au même motif, sur la liste figurant à l’annexe V du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2007, L 103, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 (JO 2010, L 195, p. 25).
5 Le règlement n° 423/2007 ayant été abrogé par le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2010, L 281, p. 1), le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe VIII de ce dernier règlement.
6 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 7 janvier 2011, la requérante a introduit deux recours, enregistrés sous les références T‑4/11 et T‑5/11, tendant, notamment, à l’annulation de l’inscription de son nom sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010.
7 Le 23 janvier 2012, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2012/35/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO 2012, L 19, p. 22). L’article 1er, point 7, de cette décision a introduit la nouvelle disposition de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, prévoyant le gel des fonds des « autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II ».
8 Le règlement n° 961/2010 a été abrogé par le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2012, L 88, p. 1). Le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe IX de ce dernier règlement. Les motifs retenus à l’égard de la requérante n’ont pas été modifiés à cette occasion.
9 En outre, en vue de mettre en œuvre l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 a prévu le gel des fonds des personnes, des entités et des organismes qui ont été reconnus « comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financier, ou qui lui sont associés ».
10 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 31 mai 2012, la requérante a adapté ses conclusions et complété son argumentation dans les affaires ayant donné lieu, depuis lors, à l’arrêt du 6 septembre 2013, Export Development Bank of Iran/Conseil (T‑4/11 et T‑5/11, non publié, EU:T:2013:400), afin de demander l’annulation de l’inscription de son nom sur la liste de l’annexe IX du règlement n° 267/2012.
11 Par arrêt du 6 septembre 2013, Export Development Bank of Iran/Conseil (T‑4/11 et T‑5/11, non publié, EU:T:2013:400), le Tribunal a annulé l’inscription du nom de la requérante figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, en relevant, en partie, une insuffisance de motivation et, en partie, une erreur d’appréciation.
12 Par lettre du 10 octobre 2013, le Conseil a communiqué à la requérante son intention de réinscrire son nom sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 (ci-après les « listes »), sur le fondement du critère prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, visant les personnes et entités fournissant un appui au gouvernement iranien (ci-après le « critère litigieux »). Le Conseil a fait valoir, à cet égard, que la requérante était une entreprise détenue par le gouvernement iranien et qu’elle fournissait un soutien financier à ce dernier.
13 Par lettre du 31 octobre 2013, la requérante a demandé au Conseil de ne pas procéder à la réinscription de son nom sur les listes. Elle a fait valoir, à cet égard, que le Conseil n’avait pas expliqué, de manière suffisamment précise, les raisons pour lesquelles il considérait qu’elle apportait un appui au gouvernement iranien et a contesté l’existence d’un tel appui. En outre, la requérante a demandé au Conseil de lui accorder un accès aux informations et aux documents pris en considération par ce dernier dans le contexte de la réinscription envisagée.
14 Par décision 2013/661/PESC du Conseil, du 15 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413 (JO 2013, L 306, p. 18, ci-après la « décision attaquée »), le nom de la requérante a été réinscrit sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413.
15 Par voie de conséquence, par le règlement d’exécution (UE) n° 1154/2013 du Conseil, du 15 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO 2013, L 306, p. 3, ci-après le « règlement d’exécution attaqué »), le nom de la requérante a été réinscrit sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012.
16 La motivation suivante a été retenue en ce qui concerne la requérante dans la décision attaquée et dans le règlement d’exécution attaqué (ci-après, ensemble, les « actes attaqués ») :
« Entreprise d’État fournissant un soutien financier au gouvernement iranien. »
17 Par lettre du 18 novembre 2013, le Conseil a informé la requérante de la réinscription de son nom sur les listes. À cette occasion, il a répondu aux observations présentées par la requérante dans la lettre du 31 octobre 2013 ainsi qu’à sa demande d’accès au dossier. Le Conseil a observé, notamment, que, selon lui, dès lors que la requérante était détenue par le gouvernement iranien et qu’elle exerçait des activités commerciales, ledit gouvernement tirait profit de ses bénéfices. S’agissant de l’accès au dossier, le Conseil a transmis à la requérante trois documents liés à la procédure de réinscription de son nom sur les listes.
18 Par la décision 2014/21/PESC, du 20 janvier 2014, modifiant la décision 2010/413 (JO 2014, L 15, p. 22), et par le règlement (UE) n° 42/2014, du 20 janvier 2014, modifiant le règlement n° 267/2012 (JO 2014, L 15, p. 18), le Conseil a temporairement suspendu ou allégé certaines mesures restrictives à l’encontre de l’Iran.
Procédure et conclusions des parties
19 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 février 2014, la requérante a introduit le présent recours.
20 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 juin 2014, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien du Conseil. Par ordonnance du 17 juillet 2014, le président de la première chambre du Tribunal a admis son intervention. Le 7 août 2014, la Commission a déposé son mémoire en intervention.
21 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties principales à déposer certains documents et leur a posé des questions écrites par lettre du 8 avril 2016. Les parties principales ont répondu à l’invitation du Tribunal dans le délai imparti.
22 Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 2 mai 2016, la présente affaire et l’affaire T‑65/14, Bank Refah Kargaran/Conseil, ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.
23 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 juin 2016.
24 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement d’exécution attaqué, pour autant qu’il la concerne ;
– annuler la décision attaquée, pour autant qu’elle la concerne ;
– déclarer inapplicable à son égard le règlement n° 267/2012 ;
– déclarer inapplicable à son égard la décision 2010/413 ;
– à titre subsidiaire, annuler les actes attaqués pour autant qu’ils la concernent à compter du 20 janvier 2014 ;
– condamner le Conseil aux dépens.
25 Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
26 Dans la requête, la requérante a invoqué quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation lors de l’adoption du règlement d’exécution attaqué. Le deuxième moyen est tiré de l’inapplicabilité à la requérante, sur le fondement de l’article 277 TFUE, du règlement n° 267/2012 et de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 ayant servi de fondement juridique à l’adoption des actes attaqués. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit, d’une erreur de fait, d’une violation des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective ainsi que d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, lors de la réinscription de son nom sur les listes par les actes attaqués. Le quatrième moyen, soulevé à titre subsidiaire, est tiré de l’illégalité de l’inscription du nom de la requérante sur les listes à partir du 20 janvier 2014.
27 Dans la réponse aux questions écrites posées par le Tribunal le 8 avril 2016, la requérante a indiqué que, à la suite de l’arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil (C‑440/14 P, EU:C:2016:128), elle renonçait à ses arguments et à ses moyens qui avaient été rejetés par la Cour et que, en conséquence, elle se désistait de ses premier et deuxième moyens.
28 Partant, du fait de ce désistement, il y a lieu de considérer que la requérante a renoncé à soulever une exception d’illégalité à l’encontre du règlement n° 267/2012 et de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les troisième et quatrième chefs de conclusions.
29 Par conséquent, il convient d’examiner le bien-fondé du troisième moyen, venant à l’appui des premier et deuxième chefs de conclusions soulevés à titre principal, et du quatrième moyen, venant à l’appui du cinquième chef de conclusions soulevé à titre subsidiaire.
Sur les premier et deuxième chefs de conclusions, visant à l’annulation des actes attaqués pour autant qu’ils concernent la requérante
30 Le troisième moyen, avancé à l’appui des premier et deuxième chefs de conclusions, se divise en cinq branches. La requérante fait valoir que la réinscription de son nom sur les listes est viciée, premièrement, par une erreur de droit, deuxièmement, par une erreur de fait, troisièmement, par une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective, quatrièmement, par une violation du principe de proportionnalité et, cinquièmement, par une violation du principe d’égalité de traitement.
31 Il convient d’examiner les différentes branches du troisième moyen dans l’ordre dans lequel elles ont été présentées, à l’exception de celle tirée d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de la requérante, qui sera examinée avant celle tirée d’une erreur de fait.
Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit
32 La requérante soutient que le Conseil a commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré qu’il pouvait la viser par les mesures restrictives sur le fondement du critère litigieux en vertu du seul fait qu’elle apporterait un soutien financier au gouvernement iranien en transférant, en tant qu’entreprise d’État, une partie de ses bénéfices à son actionnaire.
33 Elle explique, à cet égard, que le critère litigieux doit être interprété au regard de ses objectifs, tels qu’ils ressortent du considérant 13 de la décision 2012/35, ce qui implique qu’il peut seulement viser un soutien financier qui permet effectivement la poursuite de la prolifération nucléaire. De même, selon la requérante, le critère litigieux exige que l’entité concernée fournisse effectivement un appui au gouvernement iranien, le simple fait qu’elle est susceptible de le fournir éventuellement n’étant pas suffisant.
34 Or, le Conseil n’aurait pas apporté d’éléments démontrant qu’elle fournirait effectivement un soutien financier au gouvernement iranien.
35 La requérante ajoute que, dans la mesure où le gouvernement iranien ne poursuivait plus la prolifération nucléaire, la mise en œuvre du critère litigieux était, en tout état de cause, exclue. Elle se réfère, à cet égard, d’une part, à l’adoption, le 20 janvier 2014, de la décision 2014/21 et du règlement n° 42/2014, dans lesquels l’Union européenne aurait confirmé la suspension des activités nucléaires iraniennes et aurait, par conséquent, suspendu ou allégé certaines mesures restrictives prévues par la décision 2010/413 et par le règlement n° 267/2012.
36 D’autre part, lors de l’audience, la requérante a invoqué le rapport du directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), du 15 décembre 2015, intitulé « Évaluation finale des questions passées et présentes en suspens concernant le programme nucléaire iranien » (ci-après le « rapport de l’AIEA »), dont il ressortirait que ladite agence n’a pas d’indices crédibles de l’existence en Iran d’activités se rapportant à la mise au point d’un dispositif nucléaire explosif après 2009.
37 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.
38 Selon la jurisprudence, le critère litigieux ne vise pas toute forme d’appui au gouvernement iranien, mais les formes d’appui qui, par leur importance quantitative ou qualitative, contribuent à la poursuite des activités nucléaires iraniennes. Interprété, sous le contrôle du juge de l’Union, en relation avec l’objectif consistant à faire pression sur le gouvernement iranien afin de le contraindre à mettre fin à ses activités présentant un risque de prolifération nucléaire, le critère litigieux définit ainsi de manière objective une catégorie circonscrite de personnes et d’entités susceptibles de faire l’objet de mesures de gel des fonds (voir arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 79 et jurisprudence citée).
39 En effet, à la lumière de la finalité des mesures de gel des fonds, mentionnée au point 38 ci-dessus, il ressort sans ambiguïté du critère litigieux que celui-ci vise de manière ciblée et sélective des activités propres à la personne ou à l’entité concernée et qui, même si elles n’ont en tant que telles aucun lien direct ou indirect avec la prolifération nucléaire, sont cependant susceptibles de la favoriser, en fournissant au gouvernement iranien des ressources ou des facilités d’ordre matériel, financier ou logistique lui permettant de poursuivre les activités de prolifération (voir arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 80 et jurisprudence citée).
40 Il ressort expressément du considérant 13 de la décision 2012/35 que les mesures de gel des fonds devraient être appliquées aux personnes et aux entités fournissant un appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités de prolifération nucléaire. L’existence d’un lien entre la fourniture d’un appui au gouvernement iranien et la poursuite des activités de prolifération nucléaire est ainsi expressément établie par la réglementation applicable, le critère litigieux visant à priver le gouvernement iranien de ses sources de revenus, en vue de le contraindre à cesser le développement de son programme de prolifération nucléaire, faute de ressources financières suffisantes (voir arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 83 et jurisprudence citée).
41 Il ressort de cette jurisprudence que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le critère litigieux est susceptible de s’appliquer à toute entité apportant un appui, notamment sous forme d’un soutien financier, au gouvernement iranien. C’est donc à tort que la requérante soutient que le critère litigieux pourrait seulement viser un soutien financier permettant directement au gouvernement iranien de poursuivre des activités de prolifération nucléaire.
42 Quant à l’argument de la requérante selon lequel le Conseil n’aurait apporté aucun élément de fait démontrant qu’elle apportait un soutien financier au gouvernement iranien, il est inopérant dans le cadre de la présente branche, tirée d’une erreur de droit, et sera examiné dans le cadre de la deuxième branche, tirée d’une erreur de fait.
43 Par ailleurs, s’agissant des arguments de la requérante relatifs à la cessation de la prolifération nucléaire, il y a lieu de rappeler que la légalité d’un acte doit être appréciée en se situant au moment de son adoption (arrêt du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, EU:C:1979:29, point 7).
44 Or, d’une part, le rapport de l’AIEA a été publié le 15 décembre 2015, soit plus de deux ans après l’adoption des actes attaqués.
45 De même, si ledit rapport constate que, au moment de sa publication, l’AIEA ne disposait pas d’indices crédibles de ce que la prolifération nucléaire avait été poursuivie par le gouvernement iranien après 2009, il ne tend pas à démontrer que le Conseil était ou pouvait être informé de l’abandon des activités liées à la prolifération nucléaire au moment de l’adoption des actes attaqués.
46 Au contraire, il ressort explicitement du rapport de l’AIEA que ses conclusions sont fondées sur des échanges d’informations avec les autorités iraniennes intervenues en 2015. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’adoption du régime des mesures restrictives visant la prolifération nucléaire résultait, en partie, du refus des autorités iraniennes de coopérer avec l’AIEA et de se soumettre aux inspections qui devaient être effectuées par cette dernière.
47 Dans ces circonstances, les faits constatés dans le rapport de l’AIEA ne peuvent pas être pris en considération lors de l’examen de la légalité des actes attaqués.
48 D’autre part, la décision 2014/21 et le règlement n° 42/2014 ont été adoptés le 20 janvier 2014 et sont, partant, postérieurs aux actes attaqués, adoptés le 15 novembre 2013.
49 En outre, au vu de la déclaration du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 20 janvier 2014, il y a lieu de considérer que, si l’adoption de la décision 2014/21 et du règlement n° 42/2014 représentait un pas intermédiaire dans les négociations concernant la prolifération nucléaire, elle n’impliquait pas que l’Union avait établi définitivement, au moment de leur adoption, voire au moment de l’adoption des actes attaqués, que le programme nucléaire iranien ne visait pas ladite prolifération.
50 Dans ces circonstances, l’adoption de la décision 2014/21 et du règlement n° 42/2014 n’est pas non plus un élément à la lumière duquel la légalité des actes attaqués devrait être examinée.
51 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche, tirée d’une erreur de droit.
Sur la troisième branche, tirée de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de la requérante
52 La requérante soutient que la réinscription de son nom sur les listes n’est pas motivée à suffisance de droit, ce qui implique une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective.
53 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.
54 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, si la présente branche est tirée formellement d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, elle concerne, en réalité, une violation de l’obligation de motivation.
55 À cet égard, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).
56 La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 et jurisprudence citée).
57 S’agissant d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel des fonds, la motivation doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 52). Ainsi, outre l’indication du critère d’inscription qui constitue la base juridique de la mesure adoptée, l’obligation de motivation à laquelle le Conseil est tenu porte sur les circonstances qui permettent de considérer que ce critère est rempli dans le cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 83).
58 Dans ce contexte, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée aux dispositions en vertu desquelles les mesures de gel des fonds ont été adoptées. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 53 et 54 et jurisprudence citée).
59 En l’espèce, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que le contenu de la lettre du 18 novembre 2013 ainsi que ses annexes constituent une partie intégrante de la motivation fournie par le Conseil et peuvent, dès lors, être pris en considération dans le cadre de l’examen de la présente branche. En effet, cette lettre répond explicitement aux observations de la requérante relatives à la réinscription de son nom sur les listes et lui a été communiquée individuellement, concomitamment avec les actes attaqués.
60 En ce qui concerne la requérante, les actes attaqués sont motivés comme suit :
« Entreprise d’État fournissant un soutien financier au gouvernement iranien. »
61 En outre, dans la lettre du 18 novembre 2013, le Conseil a observé que, selon lui, dès lors que la requérante était détenue par le gouvernement iranien et qu’elle exerçait des activités commerciales, ledit gouvernement tirait profit de ses bénéfices.
62 Pour contester le caractère suffisant de cette motivation, la requérante soutient, d’une part, que le motif selon lequel elle apporte un soutien financier au gouvernement iranien ne constitue qu’une reprise du critère litigieux, ce qui implique, selon la jurisprudence, qu’il ne constitue pas une motivation suffisante et, d’autre part, que la mention selon laquelle elle est une entreprise d’État ne serait pas susceptible de constituer une motivation suffisante, dès lors que le Conseil n’a identifié aucune opération concrète qu’elle aurait effectuée, ni fourni de précisions s’agissant de la nature du soutien concerné.
63 Tout d’abord, il y a lieu de relever que la motivation fournie dans les actes attaqués et dans la lettre du 18 novembre 2013, appréciée globalement, ne se borne pas à la reprise du critère litigieux, dès lors qu’elle précise que le soutien financier en question découle de ce que le gouvernement iranien détient la requérante et, à ce titre, tire profit des bénéfices de cette dernière.
64 Ensuite, la référence au « soutien financier au gouvernement iranien » permet d’identifier que le Conseil s’est fondé sur le critère litigieux pour inscrire le nom de la requérante sur les listes.
65 Enfin, si le Conseil n’a pas fourni des détails d’opérations concrètes, il a, néanmoins, précisé, dans la lettre du 18 novembre 2013, le mécanisme du soutien financier allégué, à savoir que le gouvernement tirait avantage des bénéfices de la requérante.
66 Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que les actes attaqués sont motivés à suffisance de droit et de rejeter, par conséquent, la troisième branche tirée d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de la requérante.
Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur de fait
67 La requérante fait valoir que la réinscription de son nom sur les listes est viciée par une erreur de fait et n’est, par conséquent, pas justifiée.
68 À titre liminaire, la requérante fait valoir qu’il convient de tenir compte de ce que lesdits motifs retenus dans les actes attaqués ont été introduits en octobre 2013, après que les mesures restrictives antérieures la visant avaient été annulées par le Tribunal en raison de ce que leur justification, liée à l’appui qu’elle aurait apporté à la prolifération nucléaire, en partie, n’était pas suffisamment précise et, en partie, n’était pas étayée par des preuves. Or, les nouveaux motifs, liés au prétendu soutien financier apporté au gouvernement iranien, s’écartent des motifs retenus antérieurement (mentionnés au point 3 ci-dessus), ce qui suggère, selon la requérante, qu’ils ont été élaborés ex post afin de justifier l’inscription continuelle de son nom sur les listes, nonobstant l’annulation des mesures restrictives antérieures la visant et indépendamment de l’existence d’un quelconque lien entre elle-même et la prolifération nucléaire. Par conséquent, les nouveaux motifs seraient douteux et sujets à caution.
69 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.
70 En l’espèce, certes, le Conseil a entendu maintenir les mesures restrictives visant la requérante nonobstant l’annulation opérée dans l’arrêt du 6 septembre 2013, Export Development Bank of Iran/Conseil (T‑4/11 et T‑5/11, EU:T:2013:400).
71 Toutefois, si le Conseil considère que, alors qu’une entité ne remplit pas le critère permettant l’adoption des mesures restrictives qui lui a été appliqué auparavant, elle remplit néanmoins un autre critère qui a été introduit entre-temps dans la réglementation pertinente, il est légitime pour lui de procéder à une nouvelle inscription du nom de l’entité concernée sur les listes en cause sur le fondement de ce critère.
72 Dans ce cas de figure, la réponse à la question de savoir si le Conseil a, effectivement, poursuivi un but légitime lié à la volonté d’empêcher la prolifération nucléaire et son financement ou s’il a, en revanche, abusé de son pouvoir pour maintenir les mesures restrictives visant l’entité concernée, sans rapport avec ledit but, dépend, en définitive, d’une part, de l’existence d’un lien suffisant entre le nouveau critère et l’objectif visant à empêcher la prolifération nucléaire et son financement et, d’autre part, de ce que l’entité concernée remplit ou non effectivement les conditions posées par ledit critère.
73 En l’espèce, d’une part, à la suite du désistement évoqué au point 28 ci- dessus, la requérante ne conteste plus que le critère litigieux est lié à l’objectif visant à empêcher la prolifération nucléaire et son financement. L’existence d’un tel lien est, en tout état de cause, confirmée par la jurisprudence citée aux points 38 et 40 ci-dessus.
74 D’autre part, la question de savoir si la requérante remplit les conditions posées par le critère litigieux se confond avec ses arguments visant à démontrer que les motifs retenus à son égard sont viciés par une erreur de fait.
75 À cet égard, le contrôle juridictionnel d’un acte prévoyant des mesures restrictives visant une personne ou une entité exige notamment que le juge de l’Union s’assure que l’acte en question repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ledit acte, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir ce même acte, sont étayés (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, points 58, 59 et 64 et jurisprudence citée).
76 À cette fin, il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 65 et jurisprudence citée).
77 C’est, en effet, à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 66 et jurisprudence citée).
78 À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67 et jurisprudence citée).
79 Si des informations ou des éléments de preuve pertinents sont produits, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne concernée à leur sujet (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 69 et jurisprudence citée).
80 La requérante fait valoir que le Conseil n’a pas établi que les bénéfices réalisés par elle, à les supposer avérés, étaient versés au gouvernement iranien et n’a pas démontré leur importance quantitative et qualitative.
81 À cet égard, la requérante conteste la recevabilité des annexes de la duplique et de la réponse du Conseil aux questions écrites posées par le Tribunal le 8 avril 2016, relatives à l’obligation, imposée par la législation en vigueur, à toutes les sociétés publiques iraniennes de transférer une partie de leurs bénéfices à la trésorerie nationale (ci-après le « transfert obligatoire »). Elle fait valoir que les documents en question sont rédigés en anglais et en persan et ne sont pas accompagnés de traductions vers la langue de procédure, à savoir le français.
82 La requérante ajoute que, en tout état de cause, le Conseil n’a pas apporté la preuve que les montants dus en vertu du transfert obligatoire avaient été effectivement versés à l’État iranien et qu’ils avaient été utilisés aux fins de la prolifération nucléaire.
83 De même, selon la requérante, dans la mesure où le transfert obligatoire est imposé par la législation iranienne, il ne peut pas constituer un soutien financier au sens du critère litigieux.
84 Enfin, la requérante rappelle que, au moment de l’adoption des actes attaqués, le gouvernement iranien ne poursuivait plus la prolifération nucléaire, ainsi qu’il ressort du rapport de l’AIEA. Cette circonstance serait, en outre, confirmée par l’adoption de la décision 2014/21 et du règlement n° 42/2014.
85 Le Conseil conteste les arguments de la requérante.
86 S’agissant de la recevabilité des annexes de la duplique et de la réponse du Conseil aux questions écrites posées par le Tribunal le 8 avril 2016, l’article 46, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure, dont les dispositions sont sensiblement analogues à celles de l’article 35, paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, prévoit ce qui suit :
« 2. Toute pièce produite ou annexée et rédigée dans une langue autre que la langue de procédure est accompagnée d’une traduction dans la langue de procédure.
3. Toutefois, dans le cas de pièces volumineuses, des traductions en extraits peuvent être présentées. À tout moment, le président peut exiger une traduction plus complète ou intégrale, soit d’office, soit à la demande d’une des parties. »
87 Au regard de l’objet de l’article 46, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure, il y a lieu de considérer que, en l’absence d’une demande d’une partie en ce sens, ce n’est que si la traduction dans la langue de procédure des annexes apparaît nécessaire au bon déroulement de la procédure qu’il incombe au greffier d’y faire procéder (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233, point 37 et jurisprudence citée).
88 En l’espèce, la requérante n’a pas demandé explicitement que le Tribunal exige du Conseil la traduction dans la langue de procédure des documents concernés.
89 En outre, le Tribunal n’estime pas qu’une telle traduction était nécessaire au bon déroulement de la procédure. En effet, interrogée sur ce point lors de l’audience, la requérante n’a pas fait état de ce que l’absence des traductions aurait rendu sa défense plus difficile.
90 Par ailleurs, s’agissant de l’annexe de la duplique, elle est constituée d’une circulaire du ministère des Affaires économiques et des Finances iranien, adressée aux entreprises et aux banques publiques iraniennes, rédigée en persan et accompagnée d’une traduction en anglais. Or, la requérante ne conteste ni être visée par la circulaire en question, ni connaître son contenu.
91 S’agissant des annexes de la réponse du Conseil aux questions écrites posées par le Tribunal le 8 avril 2016, elles incluent, d’une part, des extraits des rapports annuels de la requérante, rédigés en anglais, dont cette dernière, en qualité d’auteur, connaît, par définition, le contenu. Ces annexes incluent, d’autre part, un extrait du site Internet de la Banque centrale d’Iran, rédigé en anglais, selon laquelle la requérante est une banque gouvernementale spécialisée. Or, la requérante n’a pas fait valoir qu’elle ne connaissait pas le site en question ou qu’elle n’était pas en mesure de comprendre son contenu.
92 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que les annexes en question sont recevables.
93 Quant au fond, premièrement, il ressort de la circulaire annexée à la duplique que toutes les entreprises publiques iraniennes sont tenues de verser au Trésor public au moins 40 % de leurs bénéfices, en sus de l’impôt sur les revenus, en vertu du transfert obligatoire.
94 Deuxièmement, il ressort de l’extrait du rapport annuel de la requérante pour l’exercice 2011/2012, annexé à la réponse du Conseil aux questions écrites posées par le Tribunal le 8 avril 2016, qu’elle a réalisé des bénéfices correspondant à 49,73 millions de dollars des États-Unis (USD) au cours de l’exercice 2010/2011 et à 74,92 millions d’USD au cours de l’exercice 2011/2012. Toujours selon cet extrait, elle a transféré au gouvernement iranien, pendant l’exercice 2011/2012, des montants correspondant à 36,69 millions d’USD à titre de transfert obligatoire pour l’exercice 2010/2011 et à 43,16 millions d’USD à titre d’avance sur le transfert obligatoire pour l’exercice 2011/2012. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, qui n’étaye pas son allégation par des éléments concrets, le rapport annuel concerné fait état de ce que les montants en question ont été effectivement versés au gouvernement iranien.
95 Troisièmement, il y a lieu de considérer que de tels transferts constituent un soutien quantitativement important au gouvernement iranien. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence citée aux points 38 et 41 ci‑dessus que le Conseil n’est pas tenu de démontrer que les montants en question ont été utilisés aux fins de la prolifération nucléaire.
96 Quatrièmement, s’il est vrai que le transfert obligatoire est imposé par la législation iranienne, il n’en demeure pas moins que, étant applicable en sus de l’impôt sur le revenu aux seules sociétés publiques iraniennes, il ne saurait être considéré comme faisant partie du régime fiscal ou parafiscal général iranien. Dans ces circonstances, les montants payés en vertu du transfert obligatoire ne sauraient être assimilés aux impôts ou taxes parafiscales et échapper, à ce titre, à la qualification de soutien financier visé par le critère litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 183).
97 Cinquièmement, il ressort des points 43 à 50 ci-dessus que ni les faits constatés dans le rapport de l’AIEA, ni l’adoption de la décision 2014/21 et du règlement n° 42/2014 ne constituent des éléments pertinents pour apprécier le bien-fondé des actes attaqués.
98 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante a fourni un soutien financier au gouvernement iranien au sens du critère litigieux, ce qui implique que c’est à juste titre que le Conseil l’a visée pour ce motif par des mesures restrictives.
99 Dès lors, il y a lieu de rejeter la deuxième branche, tirée d’une erreur de fait.
Sur la quatrième branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité
100 La requérante soutient que la réinscription de son nom sur les listes n’est pas compatible avec le principe de proportionnalité.
101 Premièrement, elle expose que, dans la mesure où le Conseil poursuit l’objectif consistant à empêcher le financement de la prolifération nucléaire par des mesures ciblées, les mesures restrictives sont seulement proportionnelles si elles visent le financement de cette dernière. Or, dans la mesure où elle n’est impliquée dans la prolifération nucléaire ni directement ni indirectement, en apportant un quelconque soutien financier au gouvernement iranien, les mesures restrictives la visant sont inappropriées.
102 Deuxièmement, la requérante estime que le Conseil dispose, sans doute, d’autres moyens moins sévères permettant de poursuivre ses objectifs. Ainsi, notamment, selon elle, il peut se borner à viser par des mesures restrictives les seules entités dont le soutien aux activités liées à la prolifération nucléaire peut être démontré, ainsi que l’y invite, par ailleurs, le considérant 13 de la décision 2012/35.
103 Troisièmement, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, la réinscription de son nom sur les listes n’était pas compatible avec le principe de proportionnalité dans la mesure où, au moment de l’adoption des actes attaqués, le gouvernement iranien ne poursuivait plus la prolifération nucléaire, ainsi qu’il ressort du rapport de l’AIEA. De même, les mesures restrictives la visant ne seraient plus proportionnelles à compter du 20 janvier 2014, date de l’adoption de la décision 2014/21 et du règlement n° 42/2014.
104 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.
105 En vertu du principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, la légalité de l’interdiction d’une activité économique est subordonnée à la condition que les mesures d’interdiction soient appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 179 et jurisprudence citée).
106 Premièrement, il y a lieu de rappeler que le critère litigieux vise à priver le gouvernement iranien de ses sources de revenus, en vue de le contraindre à cesser le développement de son programme de prolifération nucléaire, faute de ressources financières suffisantes (arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 83).
107 Or, il ressort de l’examen de la deuxième branche, tirée d’une erreur de fait, que la requérante a effectivement apporté un soutien financier au gouvernement iranien.
108 Dans ces circonstances, les mesures visant la requérante sont appropriées pour atteindre l’objectif consistant à empêcher la prolifération nucléaire, nonobstant le fait qu’elle n’est pas elle-même impliquée dans cette dernière.
109 Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel l’objectif poursuivi par le critère litigieux et consistant à priver le gouvernement iranien de ses sources de revenus, en vue de le contraindre à cesser la prolifération nucléaire, pourrait être assuré par le gel des fonds des seules entités dont le soutien aux activités liées à la prolifération nucléaire peut être démontré, vise en réalité à remettre en cause non la proportionnalité de sa réinscription sur les listes, mais celle du critère litigieux. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence mentionnée aux points 38 à 40 ci-dessus, le critère litigieux est conforme à la finalité des mesures de gel des fonds.
110 Troisièmement, il est, certes, vrai que la réinscription du nom de la requérante sur les listes a restreint, dans une certaine mesure, son droit de propriété et sa liberté d’exercer une activité économique, dès lors qu’elle ne pouvait pas, notamment, disposer de ses fonds situés sur le territoire de l’Union ou détenus par ses ressortissants, ni transférer ses fonds vers l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières.
111 Toutefois, il ressort de la jurisprudence que les droits fondamentaux en question ne sont pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles, causant ainsi des préjudices à des parties dont la responsabilité quant à la situation ayant conduit à l’adoption des mesures en cause n’a pas été établie. L’importance des objectifs poursuivis par la réglementation litigieuse est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, point 111 et jurisprudence citée).
112 En l’espèce, étant donné l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, les inconvénients causés à la requérante ne sont pas démesurés par rapport aux buts visés.
113 Tel est d’autant plus le cas que, d’une part, le gel des fonds ne concernait qu’une partie des actifs de la requérante, qui est établie en Iran et, d’autre part, la décision 2010/413 et le règlement n° 267/2012 prévoient certaines exceptions permettant notamment aux entités visées par des mesures de gel des fonds de faire face aux dépenses essentielles.
114 Quatrièmement, il ressort des points 43 à 50 ci-dessus que ni les faits constatés dans le rapport de l’AIEA, ni l’adoption de la décision 2014/21 et du règlement n° 42/2014 ne constituent des éléments pertinents pour apprécier le bien-fondé des actes attaqués.
115 Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter la quatrième branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité.
Sur la cinquième branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement
116 La requérante soutient que le Conseil a violé le principe d’égalité de traitement en réinscrivant son nom sur les listes sur le fondement du seul fait qu’elle serait une entreprise d’État, alors que d’autres entreprises tout aussi susceptibles de verser une partie de leurs bénéfices à l’État iranien, que ce soit sous forme d’impôts ou sous celle de dividendes, n’ont pas été visées par des mesures restrictives.
117 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.
118 Selon la jurisprudence, le principe d’égalité de traitement constitue un principe fondamental de droit et interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 56).
119 En l’espèce, d’abord, il ressort de l’examen de la deuxième branche, tirée d’une erreur de fait, que la réinscription du nom de la requérante sur les listes n’est pas fondée sur le simple fait qu’elle serait une entreprise d’État ou qu’elle serait susceptible de payer des dividendes à son actionnaire, mais, en vertu du critère litigieux, sur l’appui financier qu’elle a effectivement fourni au gouvernement iranien.
120 Ensuite, la requérante ne fournit pas d’exemple concret d’autres entreprises qui se trouveraient dans une situation comparable et qui n’auraient pas été visées par des mesures restrictives. Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas en mesure de vérifier si ses allégations sont fondées en fait.
121 Enfin, en tout état de cause, il ressort de l’examen de la deuxième branche, tirée d’une erreur de fait, que la requérante remplit le critère litigieux, ce qui implique que le Conseil était en droit de la viser par des mesures restrictives. Dans ces circonstances, même à supposer que le Conseil ait effectivement omis d’adopter ou de maintenir des mesures restrictives à l’égard de certaines entreprises iraniennes se trouvant dans la même situation que la requérante, cette circonstance ne saurait être valablement invoquée par cette dernière, dès lors que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 59).
122 La requérante soutient, à cet égard, que la jurisprudence citée au point 121 ci-dessus n’est pas applicable au cas d’espèce, dès lors que les mesures restrictives la visant ne reposent pas sur une quelconque activité proscrite, telle que le fait d’apporter un appui à la prolifération nucléaire.
123 Or, il suffit de relever que l’application de la jurisprudence citée au point 121 ci-dessus ne dépend pas du critère sur lequel le Conseil s’est fondé pour l’adoption des mesures restrictives concernées.
124 Partant, il y a lieu de rejeter la cinquième branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement.
125 Par conséquent, il convient de rejeter le troisième moyen dans son ensemble, ainsi que les premier et deuxième chefs de conclusions, visant à l’annulation des actes attaqués pour autant qu’ils concernent la requérante.
Sur le cinquième chef de conclusions, soulevé à titre subsidiaire, visant à l’annulation des actes attaqués, pour autant qu’ils concernent la requérante, à compter du 20 janvier 2014
126 Dans son quatrième moyen, avancé à l’appui du cinquième chef de conclusions, la requérante fait valoir que, depuis le 20 janvier 2014, l’inscription de son nom sur les listes n’est plus justifiée dans la mesure où, à cette date, le Conseil a conclu que l’Iran ne poursuivait plus les activités liées à la prolifération nucléaire. Ce constat aurait amené le Conseil à lever partiellement les mesures restrictives en vigueur, par le biais de l’adoption de la décision 2014/21 et du règlement n° 42/2014. Dès lors, à partir de la même date, les mesures restrictives visant la requérante auraient perdu leur objet, elles seraient dénuées de fondement juridique et devraient, par conséquent, être annulées.
127 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.
128 Il y a lieu de relever que le cinquième chef de conclusions et le quatrième moyen, invoqué à son soutien, ne tendent pas à établir une quelconque erreur commise par le Conseil lors de l’adoption des actes attaqués, mais plutôt à critiquer le fait qu’il ne les a pas abrogés, explicitement ou implicitement, en retirant le nom de la requérante des listes, à l’occasion de l’adoption de la décision 2014/21 et du règlement n° 42/2014.
129 Or, le recours en annulation contre des actes ayant procédé à la réinscription du nom de la requérante sur les listes ne constitue pas une voie de recours appropriée pour faire valoir un tel grief, étant donné qu’il implique, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, un examen par rapport à la situation existant au moment de l’adoption des actes en question.
130 Dans ces circonstances, le quatrième moyen est inopérant.
131 Dès lors, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen et, par conséquent, le cinquième chef de conclusions visant à l’annulation des actes attaqués, pour autant qu’ils concernent la requérante, à compter du 20 janvier 2014.
132 Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient de rejeter le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
133 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.
134 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que la Commission supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Export Development Bank of Iran supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.
3) La Commission européenne supportera ses propres dépens.
Kanninen | Pelikánová | Buttigieg |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2016.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | H. Kanninen |
1 Langue de procédure : le français.
© European Union
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