BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
||
You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> A (Judgment) French Text [2017] EUECJ C-522/16 (19 October 2017) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/C52216.html Cite as: EU:C:2017:778, ECLI:EU:C:2017:778, [2017] EUECJ C-522/16 |
[New search] [Help]
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
19 octobre 2017 (*)
« Renvoi préjudiciel – Union douanière et tarif douanier commun – Règlement (CEE) n° 2913/92 – Article 201, paragraphe 3, second alinéa, ainsi que article 221, paragraphes 3 et 4 – Règlement (CEE) n° 2777/75 – Règlement (CE) n° 1484/95 – Droits additionnels à l’importation – Montage artificiel destiné à éviter les droits additionnels dus – Caractère faux des données à la base d’une déclaration en douane – Personnes pouvant être tenues pour responsable de la dette douanière – Délai de prescription »
Dans l’affaire C‑522/16,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), par décision du 30 septembre 2016, parvenue à la Cour le 7 octobre 2016, dans la procédure
A
contre
Staatssecretaris van Financiën,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, D. Šváby et M. Vilaras (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour A, par M. C.H. Bouwmeester, en qualité de conseiller fiscal,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et H. Stergiou, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs et J. Van Holm, advocaten,
– pour la Commission européenne, par MM. A. Caeiros et F. Wilman, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 62, de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, ainsi que de l’article 221, paragraphes 3 et 4, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO 2000, L 311, p. 17) (ci‑après le « code des douanes »), lus en combinaison, d’une part, avec le règlement (CEE) no 2777/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille (JO 1975, L 282, p. 77), tel que modifié par le règlement (CE) n° 806/2003 du Conseil, du 14 avril 2003 (JO 2003, L 122, p. 1) (ci‑après le « règlement n° 2777/75 ») et, d’autre part, avec le règlement (CE) n° 1484/95 de la Commission, du 28 juin 1995, portant modalités d’application du régime relatif à l’application des droits additionnels à l’importation et fixant des prix représentatifs, dans les secteurs de la viande de volaille et des œufs ainsi que pour l’ovalbumine, et abrogeant le règlement n° 163/67/CEE (JO 1995, L 145, p. 47), tel que modifié par le règlement (CE) n° 684/1999 de la Commission, du 29 mars 1999 (JO 1999, L 86, p. 6) (ci‑après le « règlement n° 1484/95 »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances, Pays-Bas) au sujet de plusieurs avis de paiement des droits additionnels à l’importation et de la taxe sur le chiffre d’affaires.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le code des douanes
3 L’article 4 du code des douanes prévoyait :
« Aux fins du présent code, on entend par :
[...]
9) dette douanière : l’obligation pour une personne de payer les droits à l’importation (dette douanière à l’importation) ou les droits à l’exportation (dette douanière à l’exportation) qui s’appliquent à des marchandises déterminées selon les dispositions communautaires en vigueur ;
10) droits à l’importation :
– les droits de douane et les taxes d’effet équivalent prévus à l’importation des marchandises,
– les impositions à l’importation instituées dans le cadre de la politique agricole commune ou dans celui des régimes spécifiques applicables à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles ;
[...]
16) régime douanier :
a) la mise en libre pratique,
[...] »
4 Aux termes de l’article 62 du code des douanes :
« 1. Les déclarations faites par écrit doivent être établies sur un formulaire conforme au modèle officiel prévu à cet effet. Elles doivent être signées et comporter toutes les énonciations nécessaires à l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées.
2. Doivent être joints à la déclaration tous les documents dont la production est nécessaire pour permettre l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées. »
5 L’article 79 du code des douanes était ainsi libellé :
« La mise en libre pratique confère le statut douanier de marchandise communautaire à une marchandise non communautaire.
Elle comporte l’application des mesures de politique commerciale, l’accomplissement des autres formalités prévues pour l’importation d’une marchandise ainsi que l’application des droits légalement dus. »
6 L’article 201 du code des douanes prévoyait :
« 1. Fait naître une dette douanière à l’importation :
a) la mise en libre pratique d’une marchandise passible de droits à l’importation
ou
b) le placement d’une telle marchandise sous le régime de l’admission temporaire en exonération partielle des droits à l’importation.
2. La dette douanière naît au moment de l’acceptation de la déclaration en douane en cause.
3. Le débiteur est le déclarant. En cas de représentation indirecte, la personne pour le compte de laquelle la déclaration en douane est faite est également débiteur.
Lorsqu’une déclaration en douane pour un des régimes visés au paragraphe 1 est établie sur la base de données qui conduisent à ce que les droits légalement dus ne soient pas perçus en totalité ou en partie, les personnes qui ont fourni ces données, nécessaires à l’établissement de la déclaration, en ayant ou en devant avoir raisonnablement connaissance que ces données étaient fausses, peuvent être également considérées débiteurs conformément aux dispositions nationales en vigueur. »
7 L’article 221 du code des douanes disposait :
« 1. Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.
[...]
3. La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Ce délai est suspendu à partir du moment où est introduit un recours au sens de l’article 243 et pendant la durée de la procédure de recours.
4. Lorsque la dette douanière résulte d’un acte qui était, au moment où il a été commis, passible de poursuites judiciaires répressives, la communication au débiteur peut, dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur, être effectuée après l’expiration du délai de trois ans prévu au paragraphe 3. »
Le règlement n° 2777/75
8 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 2777/75 énumère les produits régis par l’organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille.
9 L’article 5 de ce règlement dispose :
« 1. Afin d’éviter ou de réprimer les effets préjudiciables sur le marché dans la Communauté pouvant résulter des importations de certains produits visés à l’article 1er paragraphe 1, l’importation, au taux du droit prévu au tarif douanier commun, d’un ou de plusieurs de ces produits est soumise au paiement d’un droit à l’importation additionnel, si les conditions découlant de l’article 5 de l’accord sur l’agriculture, conclu en conformité avec l’article 228 du traité dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay sont remplies, sauf lorsque les importations ne risquent pas de perturber le marché communautaire ou que les effets seraient disproportionnés par rapport à l’objectif recherché.
2. Les prix de déclenchement, au-dessous desquels un droit à l’importation additionnel peut être imposé, sont ceux transmis par la Communauté à l’Organisation mondiale du commerce.
Les volumes de déclenchement devant être dépassés pour l’imposition d’un droit additionnel à l’importation sont déterminés, notamment, sur la base des importations dans la Communauté dans les trois années précédant celle dans laquelle les effets préjudiciables visés au paragraphe 1 se présentent ou risquent de se présenter.
3. Les prix à l’importation à prendre en considération pour l’imposition d’un droit à l’importation additionnel sont déterminés sur la base des prix à l’importation caf de l’expédition considérée.
Les prix à l’importation caf sont vérifiés à cette fin sur la base des prix représentatifs pour le produit en question sur le marché mondial ou sur le marché d’importation communautaire pour le produit.
4. La Commission arrête les modalités d’application du présent article selon la procédure prévue à l’article 17. Ces modalités portent notamment sur :
a) les produits auxquels des droits à l’importation additionnels sont appliqués aux termes de l’article 5 de l’accord sur l’agriculture ;
b) les autres critères nécessaires pour assurer l’application du paragraphe 1 en conformité avec l’article 5 dudit accord. »
Le règlement n° 1484/95
10 Le règlement n° 1484/95 dans sa version initiale a été adopté sur le fondement, notamment, de l’article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2777/75..
11 L’article 1er du règlement n° 1484/95 prévoit :
« Les droits additionnels à l’importation visés à l’article 5 paragraphe 1 [du règlement] [...] n° 2777/75 [...], ci-après dénommés « droits additionnels », sont appliqués aux produits visés à l’annexe I et originaires des pays y indiqués.
Les prix de déclenchement correspondants visés à l’article 5 paragraphe 2 [du règlement] [...] n° 2777/75 [...] sont ceux figurant à l’annexe II. »
12 L’article 3 de ce règlement dispose :
« 1. Le droit additionnel est établi sur la base du prix à l’importation caf de l’expédition considérée conformément aux dispositions de l’article 4.
2. Lorsque le prix à l’importation caf par 100 kilogrammes d’une livraison donnée est supérieur au prix représentatif applicable, visé à l’article 2, paragraphe 1, l’importateur présente aux autorités compétentes des États membres d’importation au moins les preuves suivantes :
– le contrat d’achat ou tout autre document équivalent,
– le contrat d’assurance,
– la facture,
– le certificat d’origine (le cas échéant),
– le contrat de transport,
– et en cas de transport maritime, le connaissement.
3. Dans le cas visé au paragraphe 2, l’importateur doit constituer la garantie visée à l’article 248, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission [, du 2 juillet 1993 (JO 1993, L 253, p. 1)], égale aux montants des droits additionnels qu’il aurait payés si le calcul de ceux-ci avait été effectué sur la base du prix représentatif applicable au produit concerné [...].
4. L’importateur dispose d’un délai de un mois à compter de la vente des produits en cause, dans la limite d’un délai de six mois de la date d’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique, pour prouver que l’expédition a été écoulée dans des conditions telles qu’elles confirment la réalité des prix visés au paragraphe 2. Le non-respect de l’un ou l’autre des délais susdits entraîne la perte de la garantie constituée. Toutefois, le délai de six mois peut être prolongé par l’autorité compétente d’un maximum de trois mois sur demande dûment justifiée de l’importateur.
La garantie constituée est libérée dans la mesure où les preuves relatives aux conditions d’écoulement sont apportées à la satisfaction des autorités douanières.
Dans le cas contraire, la garantie reste acquise en paiement des droits additionnels.
5. Si, à l’occasion d’une vérification, les autorités compétentes constatent que les conditions du présent article n’ont pas été respectées, elles procèdent au recouvrement des droits dus conformément à l’article 220 du [code des douanes]. Pour l’établissement du montant des droits à recouvrer ou restant à recouvrer, il est tenu compte d’un intérêt courant à partir de la date de mise en libre pratique de la marchandise jusqu’à celle du recouvrement. Le taux d’intérêt appliqué est celui en vigueur pour les opérations de récupération en droit national. »
13 L’article 4 du règlement n° 1484/95 dispose :
« 1. Lorsque la différence entre le prix de déclenchement en cause visé à l’article 1, paragraphe 2, et le prix à l’importation caf de l’expédition considérée :
a) est inférieure ou égale à 10 % du prix de déclenchement, le droit additionnel est égal à zéro ;
b) est supérieure à 10 % mais inférieure ou égale à 40 % du prix de déclenchement, le droit additionnel est égal à 30 % du montant en sus des 10 % ;
c) est supérieure à 40 % mais inférieure ou égale à 60 % du prix de déclenchement, le droit additionnel est égal à 50 % du montant en sus des 40 %, auxquels est ajouté le droit additionnel visé au point b) ;
d) est supérieure à 60 % mais inférieure ou égale à 75 % du prix de déclenchement, le droit additionnel est égal à 70 % du montant en sus des 60 %, auxquels sont ajoutés les droits additionnels visés aux points b) et c) ;
e) est supérieure à 75 % du prix de déclenchement, le droit additionnel est égal à 90 % du montant en sus des 75 %, auxquels sont ajoutés les droits additionnels visés aux points b), c) et d). »
14 Le prix de déclenchement et le prix représentatif pour chaque produit visé par le règlement n° 1484/95 étaient indiqués, respectivement, à l’annexe II et à l’annexe I de ce règlement.
Le droit néerlandais
L’AWR
15 L’article 22e de l’Algemene wet inzake rijksbelastingen (loi générale sur les impôts de l’État), du 2 juillet 1959 (Stb. 1959, n° 301), dans sa version applicable jusqu’au 1er février 2008 (ci-après l’« AWR »), énonce :
«1. Lorsque le montant exact des droits à l’importation légalement dus n’a pas pu être déterminé en raison d’un acte passible de poursuites judiciaires répressives, l’avis de paiement peut être établi dans les cinq ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière.
2. Le paragraphe 1 n’est pas applicable à l’égard des personnes dont l’acte ou l’omission ne visait pas à éluder les droits à l’importation. »
La loi sur la douane
16 L’article 48, paragraphe 1, de la Douanewet (loi sur la douane), du 2 novembre 1995 (Stb. 1995, n° 553), dans sa version applicable jusqu’au 1er août 2008, dispose :
« 1. Toute personne qui :
a. dépose une déclaration légalement requise incorrecte ou incomplète ;
b. est légalement tenue de :
1°. fournir des informations, des données ou des indications, et ne les fournit pas ou les fournit de manière incorrecte ou incomplète ;
[...]
est punie d’une peine de détention de six mois maximum ou d’une amende de troisième catégorie. »
Le décret sur la douane
17 L’article 54 du Douanebesluit (décret sur la douane), du 4 mars 1996 (Stb. 1996, n° 166), est ainsi libellé :
« Lorsqu’une déclaration en douane visée à l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes [...], est établie sur la base de données qui conduisent à ce que les droits dus à l’importation ne soient pas perçus en partie, la personne qui a fourni ces données, nécessaires à l’établissement de la déclaration, en ayant ou en devant avoir raisonnablement connaissance que ces données étaient fausses, peut également être considérée débitrice des droits à l’importation dus. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
18 Au cours des années 2005 et 2006, la société F, dont le siège social se situe en Allemagne, a fait établir plusieurs déclarations pour la mise en libre pratique aux Pays-Bas de lots de viande de poulet crue congelée en provenance notamment du Brésil et de l’Argentine.
19 Pendant cette période, toutes les parts de la société F appartenaient à la société D, également établie en Allemagne. A, son fils B et une tierce personne X étaient tous actionnaires de la société D et faisaient partie du conseil d’administration de cette dernière. Jusqu’au mois de février 2005, A était l’administrateur de la société F et a ensuite été remplacé dans cette fonction par X.
20 La société F avait acheté les produits concernés par les déclarations de mise en libre pratique mentionnées au point 18 du présent arrêt auprès de la société K, établie en Uruguay. Lesdites déclarations étaient accompagnées des factures établies par la société K et le prix indiqué sur les déclarations était celui facturé par la société K à la société F. Le prix payé par cette dernière société, converti en prix à l’importation caf conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 2777/75, était à chaque fois supérieur au prix de déclenchement, ce qui avait pour conséquence qu’aucun droit additionnel à l’importation visé par les règlements nos 2777/75 et 1484/95 n’était dû.
21 La société F vendait ensuite l’ensemble de ces produits à la société G, établie en Suisse et, pour se conformer à son obligation découlant de l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1484/95, présentait aux autorités douanières néerlandaises les factures correspondantes à ces ventes. Le prix facturé par la société F à la société G était systématiquement supérieur à celui facturé par la société K à la société F. 99 % des actions de la société G appartenaient au fils de A, B, qui était également l’administrateur de la société G.
22 Les autorités douanières néerlandaises ont demandé des renseignements sur les reventes ultérieures des produits importés par la société F. À défaut de réponses satisfaisantes, elles ont considéré que les documents présentés par la société F ne permettaient pas de déterminer si le prix à l’importation caf facturé à cette société était supérieur au prix de déclenchement. Dans ces conditions, le 10 septembre 2008, le Minister van Landbouw, Natuur en Voedselkwaliteit (ministre de l’Agriculture, de la Nature et de la Qualité alimentaire, ci-après le « Ministre »), agissant en qualité d’autorité douanière, a émis une série d’avis de paiement (ci‑après les « avis d’imposition I ») adressés, notamment, à A, pour réclamer, en application de l’article 3, paragraphe 5, et de l’article 4 du règlement n° 1484/95, le paiement de droits additionnels portant sur les importations visées par les déclarations de mise en libre pratique concernées, ainsi que, pour une partie des produits en cause, le paiement de la taxe sur le chiffre d’affaires.
23 À la suite d’un contrôle complémentaire, les autorités douanières néerlandaises ont établi que les achats et les ventes des produits importés par la société F étaient toujours effectués selon un schéma déterminé. La société G achetait les produits concernés à des fournisseurs sud-américains, à des prix inférieurs au prix de déclenchement et les revendait à la société K à des prix largement supérieurs au prix de déclenchement. Cette dernière société vendait les produits à un prix légèrement supérieur à celui auquel elle les avait elle-même achetés à la société F, qui procédait alors à l’importation de ces produits en vue de leur mise en libre pratique dans l’Union européenne. La société F les revendait ensuite à la société G à un prix encore supérieur. La société G les vendait ensuite à la société D à un prix inférieur tant au prix auquel elle les avait achetés qu’au prix de déclenchement. Enfin, la société D vendait les produits à un client à un prix supérieur au prix auquel elle les avait achetés à la société G, mais inférieur, tant au prix que cette société G avait payé à la société F, au prix payé par la société F à la société K lors de l’importation des produits, qu’au prix de déclenchement.
24 Au regard de ces constatations et des liens étroits entre les sociétés D, F et G, les autorités douanières néerlandaises ont considéré que A avait mis en place, avec d’autres opérateurs, une chaîne de transactions par laquelle le prix initial des produits visés par le règlement n° 2777/75, achetés auprès de fournisseurs indépendants sud-américains, était artificiellement augmenté lors des transactions suivantes, de telle sorte que le prix à l’importation caf des produits en cause était supérieur au prix de déclenchement, afin d’éviter le paiement des droits additionnels visés par les règlements nos 2777/75 et 1484/95. Le Ministre a, dès lors, considéré que les contrats d’achat et de vente conclus entre les sociétés G et K, ainsi qu’entre les sociétés K et F, tout comme les contrats conclus entre les sociétés liées D, F et G, concernaient des transactions fictives. En conséquence, il a estimé que le prix facturé à G par les fournisseurs sud-américains initiaux devait servir de base pour le calcul du prix à l’importation caf et des droits additionnels éventuellement dus.
25 Dès lors que les prix à l’importation caf ainsi calculés étaient inférieurs au prix représentatif pris en considération lors de l’émission des avis d’imposition I, un montant de droits additionnels supérieur à celui réclamé dans lesdits avis était dû, pour chacune des déclarations soumises par la société F. Estimant que les dettes douanières en cause étaient nées à la suite du dépôt d’une déclaration incorrecte, au sens de l’article 48, paragraphe 1, de la loi sur la douane, le Ministre a considéré que les droits additionnels dus pouvaient, en vertu de l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes, lu en combinaison avec l’article 22e, paragraphe 1, de l’AWR, être réclamés au débiteur après l’expiration du délai de trois ans visé à l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes.
26 Par conséquent, les 7 et 10 mai 2010, le Ministre a adressé, notamment à A, des avis de paiement concernant les droits additionnels supplémentaires dus (ci-après les « avis d’imposition II »). Ces avis, de même que les avis d’imposition I, ont été adoptés sur le fondement de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes, lu en combinaison avec l’article 54 du décret sur la douane, au motif que les prix indiqués dans les déclarations de mise en libre pratique soumises par la société F provenaient des factures établies à l’instigation de A, alors que ce dernier avait ou devait avoir raisonnablement connaissance du fait que lesdites factures étaient fondées sur des transactions artificielles.
27 Les 22 septembre 2008 et 19 mai 2010, A a introduit devant l’autorité douanière compétente néerlandaise des recours, respectivement, contre les avis d’imposition I et les avis d’imposition II. Ces recours ont été rejetés par décisions du 16 janvier 2012, que A a contestées devant le Rechtbank Noord-Holland (tribunal d’arrondissement de la province de Hollande-Septentrionale, Pays‑Bas). Le recours de A devant cette dernière juridiction ayant été rejeté comme non fondé, A a interjeté appel de la décision de cette dernière devant le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam, Pays-Bas), qui a rejeté l’appel comme non fondé et confirmé le jugement de première instance. A s’est alors pourvu en cassation contre l’arrêt du Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), devant la juridiction de renvoi.
28 La juridiction de renvoi partage l’appréciation du Gerechtshof Amsterdam, selon laquelle les transactions en chaîne concernées par l’affaire au principal constituaient des pratiques abusives, au sens de l’arrêt du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 69 ainsi que jurisprudence citée), à savoir des opérations qui avaient été réalisées non pas dans le cadre de transactions commerciales normales, mais seulement dans le but de bénéficier abusivement des avantages prévus par le droit de l’Union, en particulier les règlements nos 2777/75 et 1484/95.
29 Compte tenu de cette appréciation, la juridiction de renvoi estime que, pour se conformer à l’obligation découlant de l’article 3, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1484/95, la société F aurait dû présenter aux autorités douanières néerlandaises les factures établies par les fournisseurs sud‑américains et adressées à la société G. La juridiction de renvoi nourrit, toutefois, des doutes quant à la question de savoir si l’omission de la société F de présenter ces factures équivaut à une fourniture des données « nécessaires à l’établissement de la déclaration [...] fausses », au sens de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes.
30 La juridiction de renvoi a également des doutes quant à la portée exacte de la notion de « personnes qui ont fourni [des] données [fausses] », au sens de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes. En particulier, elle se demande si cette notion s’applique également à une personne physique, telle que A, qui n’a pas fourni elle-même les données nécessaires à l’établissement de la déclaration douanière et ne peut pas non plus être tenue pour responsable de cette fourniture en tant qu’organe ou fonctionnaire d’une personne morale, mais qui était étroitement et sciemment impliquée dans la conception et le montage artificiel d’une structure de sociétés et de transactions commerciales dans le cadre de laquelle d’autres personnes ont fourni de telles données.
31 En outre, dès lors que, devant les juridictions néerlandaises, A a fait valoir qu’il n’a procédé de cette manière qu’après avoir obtenu la confirmation de spécialistes du droit des douanes de la conformité de cette structure aux règles de droit, notamment fiscales, applicables, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’incidence de cette circonstance quant à l’appréciation de la condition, énoncée à l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes, selon laquelle les personnes ayant fourni des données devait raisonnablement avoir connaissance du fait qu’elles étaient fausses.
32 La juridiction de renvoi s’interroge également sur l’interprétation des dispositions de l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes, en ce qui concerne, plus particulièrement, la question de savoir si le Ministre était en droit d’émettre les avis d’imposition II plus de trois ans après l’importation des produits concernés. Elle relève, à cet égard, que l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes, ne semble s’appliquer qu’aux situations dans lesquelles les marchandises ont été irrégulièrement introduites sur le territoire de l’Union, comme en cas de contrebande, et non aux situations telles que celle en cause au principal. Selon elle, il résulte de cette dernière disposition que, dans une situation telle que celle en cause au principal, la dette douanière naît lors du dépôt de la déclaration douanière, qui n’est pas un acte passible de poursuites judiciaires répressives.
33 Enfin, la juridiction de renvoi indique que, dans l’hypothèse où la Cour interprèterait l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes en ce sens que la prolongation du délai de prescription en vertu de cette disposition ne peut pas être invoquée lorsque les dettes douanières sont nées sur la base de l’article 201 du code des douanes, se pose alors la question de savoir si l’émission des avis d’imposition II était licite, dès lors que le délai de trois ans qui court à compter de la date de naissance de la dette douanière avait été suspendu, en vertu du paragraphe 3 de cet article, à la suite de l’introduction du recours de A contre les avis d’imposition I. Elle estime, toutefois, qu’il convient de déterminer si, conformément à cette disposition, l’introduction d’un recours permet aux autorités douanières, aussi longtemps que le recours est pendant, de réclamer des montants supplémentaires par rapport à ceux réclamés par l’avis d’imposition qui fait l’objet du recours.
34 C’est ainsi que le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 62 du code des douanes, lu en combinaison avec [...] les dispositions des règlements nos 2777/75 et 1484/95, doit-il être interprété en ce sens que les données nécessaires à l’établissement de la déclaration en douane, au sens de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes, comprennent également les documents à présenter aux autorités douanières visés à l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1484/95 ?
2) L’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes doit-il être interprété en ce sens que relève des personnes pouvant être considérées débitrices également la personne physique qui n’a pas effectué elle-même dans les faits l’acte décrit à cet alinéa (“[avoir] fourni les données nécessaires à l’établissement de la déclaration”) et ne peut pas non plus être tenue pour responsable de l’exécution de cet acte en tant qu’organe ou fonctionnaire, mais qui a été étroitement et sciemment impliquée dans la conception et le montage artificiel subséquent d’une structure de sociétés et de transactions commerciales dans le cadre de laquelle (d’autres personnes) ont ensuite “fourni les données nécessaires à l’établissement de la déclaration” ?
3) La condition “en ayant ou en devant avoir raisonnablement connaissance que les données étaient fausses”, visée à l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes, doit-elle être interprétée en ce sens que des personnes morales et physiques, qui sont des opérateurs économiques expérimentés, ne peuvent pas être tenues pour responsables du paiement des droits additionnels qui sont dus en raison d’un abus de droit, dès lors qu’elles n’ont créé la structure de transactions en vue de contourner les droits additionnels qu’après avoir reçu la confirmation d’experts renommés dans le domaine du droit des douanes que cette structure était juridiquement et fiscalement acceptable ?
4) L’article 221, paragraphe 4, du code des douanes doit-il être interprété en ce sens que le délai de trois ans n’est pas prolongé lorsqu’il est établi, après l’expiration du délai visé à l’article 221, paragraphe 3, première phrase, du code des douanes, que des droits à l’importation qui résultent, en application de l’article 201 du code des douanes, du dépôt d’une déclaration en douane pour la mise en libre pratique de marchandises, n’ont pas été perçus antérieurement en raison de la fourniture des données fausses ou incomplètes dans la déclaration ?
5) L’article 221, paragraphes 3 et 4, du code des douanes doit-il être interprété en ce sens que, lorsque le débiteur de la dette douanière a déjà reçu, par rapport à une déclaration en douane, une communication du montant des droits dus et que ledit débiteur a introduit un recours contre cette communication en vertu de l’article 243 du code des douanes, les autorités douanières sont habilitées à procéder, par rapport à la même déclaration en douane, en complément à la communication contestée en justice, à un recouvrement a posteriori des droits à l’importation légalement dus, sans se référer aux dispositions de l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
35 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes doit être interprété en ce sens que les documents dont la production est exigée par l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1484/95 constituent des données nécessaires à l’établissement de la déclaration en douane, au sens de cette disposition.
36 À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 201, paragraphe 1, du code des douanes prévoit que la mise en libre pratique d’une marchandise passible de droits à l’importation fait naître une dette douanière à l’importation.
37 Il y a également lieu de rappeler que, aux termes de l’article 62, paragraphe 2, du code des douanes, doivent être joints à la déclaration en douane tous les documents dont la production est nécessaire pour permettre l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées.
38 Il ressort de la décision de renvoi que le régime douanier pour lequel les marchandises en cause au principal avaient été déclarées est celui de la mise en libre pratique laquelle implique, conformément à l’article 79, second alinéa, du code des douanes, l’application des droits légalement dus. Il ressort de l’article 4, point 10, du code des douanes que ces droits incluent, notamment, les impositions à l’importation instituées dans le cadre de la politique agricole commune ou dans celui des régimes spécifiques applicables à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles.
39 Il ressort également de la décision de renvoi que les marchandises en cause au principal sont des lots de produits visés à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 2777/75. Or, ce règlement a été adopté sur la base des articles 42 et 43 CEE, devenus articles 42 et 43 TFUE, qui portent sur la politique agricole commune. Partant, les droits à l’importation additionnels institués conformément à l’article 5 de ce règlement doivent être regardés comme constituant des « impositions à l’importation instituées dans le cadre de la politique agricole commune », au sens de l’article 4, point 10, du code des douanes.
40 Par ailleurs, la juridiction de renvoi précise que, en l’occurrence, le prix à l’importation caf par 100 kilogrammes de livraison indiqué dans le document administratif unique était supérieur au prix représentatif. Or, dans de telles circonstances, l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1484/95 prévoit que l’importateur doit présenter à titre de preuve aux autorités compétentes des États membres d’importation, au minimum, les différents documents énumérés à cette disposition.
41 Il s’ensuit que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, la production des documents visés à l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1484/95 doit être considérée comme étant nécessaire pour permettre l’établissement de la déclaration en douane, au sens de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes.
42 Partant, il convient de répondre à la première question que, dans des circonstances telles que celles au principal, l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes doit être interprété en ce sens que les documents dont la production est exigée par l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1484/95 constituent des données nécessaires à l’établissement de la déclaration en douane, au sens de cette disposition.
Sur les deuxième et troisième questions
43 Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « débiteur » de la dette douanière, au sens de cette disposition, la personne physique qui a été étroitement et sciemment impliquée dans la conception et le montage artificiel d’une structure de transactions commerciales ayant eu pour effet de minorer le montant des droits à l’importation légalement dus, alors que, d’une part, elle n’a pas communiqué elle‑même les données qui ont servi de base à l’établissement de la déclaration en douane et, d’autre part, elle n’a procédé à la conception et à la mise en œuvre de ces transactions qu’après avoir obtenu, de la part d’experts du droit des douanes, l’assurance de la légalité de celles‑ci.
44 À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que, aux termes de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes, lorsqu’une déclaration en douane, pour les régimes douaniers concernés, est établie sur la base de données qui conduisent à ce que les droits légalement dus ne soient pas perçus en totalité ou en partie, les personnes qui ont fourni ces données, nécessaires à l’établissement de la déclaration, en ayant ou en devant avoir raisonnablement connaissance que ces données étaient fausses, peuvent être également considérées débiteurs conformément aux dispositions nationales en vigueur.
45 Il résulte de cette disposition que des données ayant servi de base à l’établissement d’une déclaration en douane doivent être considérées comme étant « fausses », au sens de cette disposition, lorsqu’elles ont conduit à ce que les droits à l’importation légalement dus ne soient pas perçus en totalité ou en partie.
46 Par conséquent, dès lors qu’une déclaration en douane est établie sur la base de données relatives à des transactions commerciales réalisées dans le but de minorer artificiellement le montant des droits à l’importation à acquitter, ces données doivent être considérées comme étant « fausses », au sens de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes, dès lors qu’elles conduisent à ce que les droits à l’importation additionnels, établis par le règlement n° 2777/75, ne soient pas perçus, en totalité ou en partie, pour les marchandises concernées.
47 S’agissant de la question de savoir si une personne qui est étroitement et sciemment impliquée dans la conception et le montage artificiel d’une structure de sociétés et de transactions commerciales à l’origine de telles données peut être considérée comme une personne qui a fourni ces données, aux fins de l’application de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes, il y a lieu de relever que, aux termes du paragraphe 3 de cet article, sont susceptibles d’être débitrices de la dette douanière non seulement le déclarant ou, en cas de représentation indirecte, la personne pour le compte de laquelle la déclaration en douane est faite, mais également les personnes qui ont fourni les données nécessaires à l’établissement de la déclaration.
48 Il s’ensuit que l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes vise à faciliter le recouvrement de la dette douanière en élargissant le cercle de personnes susceptibles d’être reconnues débitrices de celle-ci.
49 À cette fin, cette disposition a pour objet d’étendre la notion de « débiteur », au sens de cet article, à des personnes, autres que le déclarant, dont l’action a conduit les autorités douanières à établir de manière erronée le montant des droits légalement dus sur la base de fausses données.
50 Partant, dans des circonstances où il est établi que des personnes ont conçu un montage artificiel de structure de sociétés et de transactions commerciales dans le but de dissimuler aux autorités douanières la réalité des opérations concernées, interpréter l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes en ce sens que peuvent être regardées comme étant débitrices de la dette douanière, en vertu de cette disposition, uniquement les personnes qui ont communiqué les données nécessaires à l’établissement de la déclaration, irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par cette disposition.
51 Par conséquent, une personne qui a été étroitement et sciemment impliquée dans la conception et le montage artificiel d’une structure de sociétés et de transactions commerciales, ayant permis d’établir une déclaration en douane sur la base de données qui ont conduit à ce que les droits légalement dus pour les marchandises concernées par cette déclaration ne soient pas perçus, doit être considérée comme ayant été impliquée dans des actes liés à la fourniture desdites données. Elle constitue, donc, une personne ayant fourni de telles données, aux fins de l’application de l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes.
52 Par ailleurs, dès lors qu’une personne a été sciemment impliquée dans la conception et le montage artificiel de cette structure de sociétés et de transactions commerciales, celle-ci doit être considérée comme ayant raisonnablement connaissance du caractère faux des données générées par cette structure, lesquelles ont servi de base à la déclaration en douane. Est sans incidence, à cet égard, le fait que cette personne n’a procédé à la conception et au montage artificiel de la structure de sociétés et de transactions commerciales en cause qu’après avoir obtenu, de la part d’experts du droit des douanes, l’assurance de la légalité de celle-ci.
53 Dans ces conditions, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du code des douanes doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « débiteur » de la dette douanière, au sens de cette disposition, la personne physique qui a été étroitement et sciemment impliquée dans la conception et le montage artificiel d’une structure de transactions commerciales, telle que celle en cause au principal, ayant eu pour effet de minorer le montant des droits à l’importation légalement dus, alors qu’elle n’a pas communiqué elle-même les fausses données qui ont servi de base à l’établissement de la déclaration en douane, lorsqu’il résulte des circonstances que cette personne avait ou devait raisonnablement avoir connaissance du fait que les opérations concernées par cette structure avaient été réalisées non pas dans le cadre de transactions commerciales normales, mais uniquement dans le but de bénéficier abusivement des avantages prévus par le droit de l’Union. La circonstance que ladite personne n’a procédé à la conception et au montage artificiel de cette structure qu’après avoir obtenu, de la part d’experts du droit des douanes, l’assurance de la légalité de celle-ci est sans incidence à cet égard.
Sur la quatrième question
54 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le fait que la dette douanière à l’importation est née, conformément à l’article 201, paragraphe 1, de celui-ci, de la mise en libre pratique de marchandises passibles de droits à l’importation est de nature à exclure la possibilité d’effectuer la communication au débiteur du montant des droits à l’importation dus pour de telles marchandises après l’expiration du délai prévu à l’article 221, paragraphe 3, de ce code.
55 Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, en application de l’article 201, paragraphe 1, du code des douanes, fait naître une dette douanière à l’importation la mise en libre pratique d’une marchandise passible de droits à l’importation.
56 Conformément à l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes, la communication du montant des droits au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Néanmoins, le paragraphe 4 du même article prévoit la possibilité, pour les autorités douanières, de procéder à la communication au débiteur du montant des droits légalement dus après l’expiration du délai de trois ans, lorsque la dette douanière résulte d’un acte passible de poursuites judiciaires répressives.
57 Il découle du point 40 du présent arrêt que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, les droits additionnels institués conformément à l’article 5 du règlement n° 2777/75 relèvent de la dette douanière. Par conséquent, dans la mesure où le fait d’avoir fourni des données fausses est à l’origine de l’absence de perception de tels droits additionnels en tout ou en partie, il y a lieu de considérer qu’une telle dette douanière « résulte », au sens de l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes, de la fourniture de ces données.
58 À cet égard, s’il découle de l’article 201, paragraphe 1, du code des douanes, que la mise en libre pratique constitue l’un des faits générateurs de la dette douanière à l’importation énumérés à cet article, cette considération ne saurait impliquer qu’une telle dette ne « résulte » pas, au sens de l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes, d’actes tels que ceux en cause au principal.
59 En effet, rien n’indique que le législateur de l’Union ait entendu exclure du champ d’application de l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes les actes passibles de poursuites judiciaires répressives qui ont fait obstacle à la perception, en tout ou en partie, des droits de douane dans le cadre de la mise en libre pratique.
60 Une interprétation opposée serait de nature à fragiliser la réalisation de l’objectif de cette disposition, à savoir élargir les possibilités de recouvrement de la dette douanière.
61 Par conséquent, il doit être constaté que, dans les situations où l’article 201 du code des douanes trouve à s’appliquer, le délai de communication de trois ans prévu à l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes peut être écarté si les marchandises concernées ont été mises en libre pratique de façon illicite consécutivement à l’établissement d’une déclaration en douane fondée sur de fausses données et que cette circonstance est passible de poursuites judiciaires répressives.
62 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le fait que la dette douanière à l’importation est née, conformément à l’article 201, paragraphe 1, de celui-ci, de la mise en libre pratique d’une marchandise passible de droits à l’importation n’est pas de nature, à lui seul, à exclure la possibilité d’effectuer la communication au débiteur du montant des droits à l’importation dus pour de telles marchandises après l’expiration du délai prévu à l’article 221, paragraphe 3, de ce code.
Sur la cinquième question
63 Il résulte des indications de la juridiction de renvoi, résumées au point 33 du présent arrêt, que, si la Cour estime que l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes peut être invoqué à l’égard de dettes douanières nées sur la base de l’article 201 de ce code, il n’est pas nécessaire de répondre à la cinquième question. Partant, eu égard à la réponse apportée à la quatrième question, il n’y a plus lieu de répondre à la cinquième question.
Sur les dépens
64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
1) Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000, doit être interprété en ce sens que les documents dont la production est exigée par l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1484/95 de la Commission, du 28 juin 1995, portant modalités d’application du régime relatif à l’application des droits additionnels à l’importation et fixant des prix représentatifs, dans les secteurs de la viande de volaille et des œufs ainsi que pour l’ovalbumine, et abrogeant le règlement n° 163/67/CEE, tel que modifié par le règlement (CE) n° 684/1999 de la Commission, du 29 mars 1999, constituent des données nécessaires à l’établissement de la déclaration en douane, au sens de cette disposition.
2) L’article 201, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement n° 2700/2000, doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « débiteur » de la dette douanière, au sens de cette disposition, la personne physique qui a été étroitement et sciemment impliquée dans la conception et le montage artificiel d’une structure de transactions commerciales, telle que celle en cause au principal, ayant eu pour effet de minorer le montant des droits à l’importation légalement dus, alors qu’elle n’a pas communiqué elle-même les fausses données qui ont servi de base à l’établissement de la déclaration en douane, lorsqu’il résulte des circonstances que cette personne avait ou devait raisonnablement avoir connaissance du fait que les opérations concernées par cette structure avaient été réalisées non pas dans le cadre de transactions commerciales normales, mais uniquement dans le but de bénéficier abusivement des avantages prévus par le droit de l’Union. La circonstance que ladite personne n’a procédé à la conception et au montage artificiel de cette structure qu’après avoir obtenu, de la part d’experts du droit des douanes, l’assurance de la légalité de celle-ci est sans incidence à cet égard.
3) L’article 221, paragraphe 4, du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement n° 2700/2000,doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le fait que la dette douanière à l’importation est née, conformément à l’article 201, paragraphe 1, de celui-ci, de la mise en libre pratique d’une marchandise passible de droits à l’importation n’est pas de nature, à lui seul, à exclure la possibilité d’effectuer la communication au débiteur du montant des droits à l’importation dus pour de telles marchandises après l’expiration du délai prévu à l’article 221, paragraphe 3, de ce règlement, tel que modifié.
Signatures
* Langue de procédure : le néerlandais.
© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.
BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/C52216.html