Kanyama v Council (Order) French Text [2017] EUECJ T-145/17_CO (23 March 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T14517_CO.html
Cite as: [2017] EUECJ T-145/17_CO, EU:T:2017:212, ECLI:EU:T:2017:212

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ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

23 mars 2017 (*)

« Référé – Mesures restrictives – République démocratique du Congo –Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑145/17 R,

Célestin Kanyama, demeurant à La Gombe (République démocratique du Congo), représenté par Mes O. Okito et A. Ouannès, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution du règlement (UE) 2016/2230 du Conseil, du 12 décembre 2016, modifiant le règlement (CE) n° 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2016, L 336 I, p. 1),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Il ressort des considérants de sa décision (PESC) 2016/2231, du 12 décembre 2016, modifiant la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2016, L 336 I, p. 7), que le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 17 octobre 2016, des conclusions faisant état d’une profonde préoccupation quant à la situation politique en République démocratique du Congo (ci-après la « RDC »).

2        En particulier, il condamnait vivement les actes d’une extrême violence qui avaient été commis les 19 et 20 septembre à Kinshasa, indiquant que ces actes avaient encore aggravé la situation d’impasse dans laquelle se trouvait le pays du fait de la non-convocation des électeurs à l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel fixé au 20 décembre 2016.

3        Le Conseil s’est également déclaré prêt à utiliser tous les moyens à sa disposition, y compris le recours à des mesures restrictives contre ceux qui étaient responsables de graves violations des droits de l’homme, incitaient à la violence ou qui faisaient obstacle à une sortie de crise consensuelle, pacifique et respectueuse de l’aspiration du peuple de la RDC à élire ses représentants.

4        Pour ces raisons, par sa décision 2016/2231, le Conseil a modifié sa décision 2010/788/PESC, du 20 décembre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la RDC et abrogeant la position commune 2008/369/PESC (JO 2010, L 336, p. 30), en instituant, notamment, des mesures restrictives consistant dans un gel des fonds des personnes visées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, telle que modifiée, et dans l’obligation des États membres d’empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire de ces personnes.

5        L’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, telle que modifiée, dispose :

« 2.      Les mesures restrictives prévues à l’article 4, paragraphe 1 [relatives à la défense de l’entrée et du passage en transit sur le territoire des États membres], et à l’article 5, paragraphes 1 et 2 [relatives au gel des fonds], sont instituées à l’encontre des personnes et entités :

a)      faisant obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en RDC, notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’état de droit ;

b)      contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en RDC ;

c)      associées à celles visées [sous] a) et b),

dont la liste figure à l’annexe II. » 

6        Le nom du requérant, M. Célestin Kanyama, figure, en tant que « Celestin Kanyama », sur la liste constituant l’annexe II de la décision 2010/788, telle que modifiée. La motivation suivante est indiquée dans la rubrique « Motifs de la désignation » :

« En tant que commissaire de la police nationale congolaise (PNC), Celestin Kanyama a été responsable du recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016 à Kinshasa. À ce titre, Celestin Kanyama a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en RDC. »

7        Aux fins de donner effet à la décision 2010/788, telle que modifiée par la décision 2016/2231, le Conseil a adopté le règlement (UE) 2016/2230, du 12 décembre 2016, modifiant le règlement (CE) n° 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la RDC (JO 2016, L 336 I, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

8        L’article 2 du règlement (CE) n° 1183/2005 du Conseil, du 18 juillet 2005, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la RDC (JO 2005, L 193, p. 1), résultant du règlement attaqué, dispose :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme figurant sur la liste de l’annexe I ou de l’annexe I bis, qui sont en leur possession ou qui sont détenus ou contrôlés par ceux-ci, directement ou indirectement, y compris par un tiers agissant pour leur compte ou sur leurs instructions.

2.      Aucun fonds ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes figurant sur la liste de l’annexe I ou de l’annexe I bis ni utilisé à leur profit. »

9        L’article 2 ter du règlement n° 1183/2005, résultant du règlement attaqué, dispose :

« 1.      L’annexe I bis comprend les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes désignés par le Conseil pour l’un des motifs suivants :

a)      faisant obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en RDC, notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’état de droit ;

b)      préparant, dirigeant ou commettant des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en RDC ;

c)      étant associés aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes visés [sous] a) et b).

2.      L’annexe I bis indique les motifs pour lesquels les personnes et entités figurant sur la liste y ont été inscrites.

[…] »

10      Le nom du requérant, en tant que « Celestin Kanyama », figure sur la liste constituant l’annexe I bis du règlement n° 1183/2005, résultant du règlement attaqué. La motivation qui figure dans la rubrique « Motifs de la désignation » est identique à celle qui est reproduite au point 6 ci-dessus.

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 2017, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement attaqué.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2017, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution du règlement attaqué pour autant qu’il le concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

 En droit

13      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

14      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

15      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

16      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

17      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile de demander au Conseil la présentation d’observations écrites ou d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

18      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

19      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

20      Lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie qui les sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 46 et jurisprudence citée).

21      Par ailleurs, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuves disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».

22      Ainsi, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 17 et jurisprudence citée).

23      En outre, compte tenu de la célérité qui caractérise, de par sa nature, la procédure de référé, il peut raisonnablement être exigé de la partie qui sollicite des mesures provisoires de présenter, sauf cas exceptionnels, dès le stade de l’introduction de sa demande, tous les éléments de preuve disponibles à l’appui de celle-ci, afin que le juge des référés puisse apprécier, sur cette base, le bien-fondé de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 18 et jurisprudence citée).

24      Aux fins de démontrer l’urgence, le requérant avance que le règlement attaqué adopte des mesures restrictives de ses droits, le soumettant, d’une part, à une interdiction d’entrée ou de passage en transit sur le territoire de l’Union et, d’autre part, à un gel de tous ses fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques. En tant que personne physique, le requérant serait directement atteint par ces mesures restrictives quant à sa liberté d’aller et venir, ce qui mettrait également en cause son droit au respect de sa vie privée et familiale, une telle atteinte constituant, par nature, un préjudice « peu réparable ». Il en irait de même en ce qui concerne le droit du requérant au respect de sa propriété, qui serait aussi atteint par les mesures restrictives.

25      Cette argumentation ne saurait établir l’urgence.

26      En effet, le requérant se borne, en substance, à décrire les effets juridiques propres aux mesures restrictives tels que prévus par le règlement attaqué et par la décision 2010/788, telle que modifiée, sans aucunement démontrer, de façon circonstanciée et appuyée par les éléments de fait et de preuve nécessaires, que ces mesures engendreraient pour sa personne un préjudice spécifique, pouvant être qualifié de grave et d’irréparable, et ce d’autant plus qu’il invoque un préjudice pour sa situation patrimoniale ainsi que pour sa vie privée et familiale sans fournir aucune information quant à sa situation financière personnelle ou à sa situation familiale.

27      Il résulte de ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin d’examiner si la condition tenant à l’existence d’un fumus boni juris est remplie, ni de procéder à la mise en balance des intérêts.

28      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 23 mars 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


*      Langue de procédure : le français.

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