Amplexor Luxembourg v Commission (Order) French Text [2017] EUECJ T-211/17_CO (29 September 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T21117_CO.html
Cite as: EU:T:2017:683, [2017] EUECJ T-211/17_CO, ECLI:EU:T:2017:683

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ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

29 septembre 2017 (*)

« Référé – Marchés publics de services – Demande de mesures provisoires – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑211/17 R,

Amplexor Luxembourg Sàrl, établie à Bertrange (Luxembourg), représentée par Me J.-F. Steichen, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Estrada de Solà et O. Verheecke, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant à l’octroi de mesures provisoires visant, d’une part, le sursis à l’exécution de la décision du 13 février 2017 de l’Office des publications de l’Union européenne (OP) dans le cadre de l’appel d’offres n° 10651 en ce qu’elle place l’offre du consortium Jouve et Skrivanek au premier rang et, d’autre part, la suspension du contrat-cadre conclu entre l’OP et ledit consortium,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        L’Office des publications de l’Union européenne (OP) a publié, au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne, le 27 juillet 2016, une invitation à soumissionner pour la passation, à travers une procédure ouverte, d’un contrat-cadre pour le marché suivant: « AO 10651 Traitement d’avis en vue de leur publication dans le ʻSupplément au [Journal officiel]ʼ ».

2        Le 16 septembre 2016, le cahier des charges du marché en cause a été légèrement modifié en ce qui concerne quelques éléments liés à l’éventuelle reprise de l’activité par un soumissionnaire n’étant pas le contractant actuel.

3        La requérante, Amplexor Luxembourg Sàrl, est le contractant actuel et a participé à la procédure de passation du marché en cause.

4        Le 13 février 2017, l’OP a décidé d’attribuer le marché en cause et d’offrir la conclusion du contrat-cadre au consortium Jouve et Skrivanek, dont l’offre a été classée au premier rang, à la requérante, dont l’offre a été classée au deuxième rang, et à un autre consortium, dont l’offre a été classée au troisième rang, les services faisant l’objet du marché devant être sollicités auprès des attributaires ayant conclu le contrat-cadre selon le classement de leur offre (ci-après la « décision attaquée »).

5        Par courrier électronique du 13 février 2017, l’OP a informé la requérante de la décision attaquée. À cette lettre a été joint un extrait du rapport d’évaluation des offres. En outre, dans cette lettre, l’OP a indiqué que le contrat-cadre ne pouvait être conclu qu’après l’expiration du délai d’attente de dix jours calendaires commençant à courir le lendemain de l’envoi de ce courriel.

6        Par lettre du 22 février 2017, la requérante a demandé à l’OP de suspendre la signature du contrat-cadre et de retirer l’appel d’offres qui serait entaché d’un vice pouvant conduire à son annulation. Plus particulièrement, elle alléguait que le cahier des charges prévoyait, au bénéfice des soumissionnaires autres que le contractant actuel, « une enveloppe » d’un montant de 3 % du coût total de la phase de production, soit un montant avoisinant un million d’euros, pour couvrir les frais de reprise du marché, alors qu’elle, en tant que contractant actuel, ne pouvait bénéficier que d’une enveloppe de 0.3 %. Elle soutenait donc que, compte tenu de l’attribution de ces enveloppes de valeur inégale, l’OP avait violé le principe d’égalité de traitement. Elle faisait valoir en outre que l’attribution d’une enveloppe d’une valeur égale lui aurait permis de remettre une offre avec des activités de recherche et de développement plus conséquentes et à un coût inférieur. Elle soulignait aussi que les prix pour la reprise n’avaient pas été pris en compte dans la formule prévue pour l’évaluation des offres (meilleur rapport qualité-prix). Selon elle, puisque les montants correspondants à 3 % du coût total de production constituaient des deniers publics, il était anormal qu’ils n’entrent pas en considération pour l’évaluation des offres.

7        Par lettre du 6 mars 2017, l’OP a expliqué, en ce qui concerne le plafonnement différentiel pour les coûts de reprise, que la requérante bénéficiait d’un avantage substantiel en cas de renouvellement du contrat-cadre en question, car elle avait déjà à sa disposition les outils informatiques et organisationnels nécessaires. Il soulignait que c’était justement dans le but de rétablir l’égalité de traitement et d’assurer une juste concurrence entre le contractant actuel et les autres soumissionnaires que ces derniers avaient la possibilité de proposer un prix limité à 3 % du coût total de production afin de développer les outils nécessaires pour assurer les prestations du futur contrat-cadre, alors que, pour la requérante, en tant que contractant actuel, qui n’avait à réaliser que des adaptations mineures, ce prix était limité à 0.3 %. Ainsi, le plafonnement différentiel des coûts de la reprise ne créait pas de distorsion de concurrence, mais visait au contraire à garantir une égalité de traitement des soumissionnaires. Il indiquait enfin que, en tout état de cause, l’inclusion du prix pour la reprise dans l’évaluation financière n’aurait pas changé le classement en rang des offres des soumissionnaires lors de l’attribution du marché en cause, puisque, en pareille hypothèse, en ce qui concerne le rapport qualité-prix, l’offre de la requérante aurait obtenu une note de 94.90 points (au lieu de 93.73 points), alors que l’offre de consortium Jouve et Skrivanek aurait conservé une note de 97.97 points.

8        Le 7 mars 2017, l’OP a signé le contrat-cadre avec le consortium Jouve et Skrivanek.

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 avril 2017, la requérante a introduit un recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 30 juin 2017, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée en ce que l’offre du consortium Jouve et Skrivanek a été classée au premier rang ;

–        suspendre l’exécution du contrat-cadre conclu avec le consortium Jouve et Skrivanek ;

–        condamner la Commission européenne aux dépens ;

–        réserver à la partie requérante « tous autres droits, moyens et actions ».

11      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 17 juillet 2017, la Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        considérer que la requérante n’a pas d’intérêt à agir ;

–        en tout état de cause, rejeter la demande de sursis à l’exécution comme non fondée ;

–        réserver les dépens.

 En droit

12      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

13      L’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

14      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

15      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

16      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

17      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

18      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27).

19      Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

20      S’agissant, toutefois, du contentieux de la passation des marchés publics, il convient de tenir compte des particularités de ce contentieux aux fins d’apprécier l’urgence.

21      En effet, il ressort de la jurisprudence que, compte tenu des impératifs découlant de la protection effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, lorsque le soumissionnaire évincé parvient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il ne saurait être exigé de sa part qu’il établisse que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 41].

22      Toutefois, cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif, ne s’applique que pendant la phase précontractuelle, pour autant que le délai d’attente résultant de l’article 118, paragraphes 2 et 3, du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1) et de l’article 171, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement n° 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1) soit respecté. Dès lors que le contrat a été conclu avec l’attributaire après l’écoulement de ce délai et avant l’introduction de la demande en référé, l’assouplissement susmentionné ne se justifie plus [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, points 34 et 42].

23      En l’espèce, il n’y a pas besoin de trancher la question de savoir si l’assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’urgence peut être d’application si, comme en l’espèce, la requérante n’est pas un soumissionnaire évincé, mais l’une des attributaires, son offre étant classée au deuxième rang.

24      En effet, en tout état de cause, les conditions qui permettraient, selon la jurisprudence rappelée aux points 21 et 22, d’assouplir les conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, ne sont pas réunies en l’espèce.

25      À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que la Commission a notifié le 13 février 2017 à la requérante la décision attaquée et que le contrat-cadre a été conclu avec le consortium Jouve et Skrivanek le 7 mars 2017.

26      La décision attaquée ayant été envoyée par voie électronique le 13 février 2017, le délai d’attente de dix jours a débuté le 14 février 2017 et a donc pris fin bien avant la conclusion du contrat-cadre avec le consortium Jouve et Skrivanek, le 7 mars 2017, tandis que la présente demande en référé a été introduite seulement le 30 juin 2017.

27      En deuxième lieu, certes, le délai d’attente ne peut mettre les intéressés en mesure de contester en justice l’attribution d’un marché avant que le contrat ne soit conclu que si ces intéressés disposent d’éléments suffisants pour déterminer l’existence d’une éventuelle illégalité de la décision d’attribution [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 47].

28      Eu égard aux exigences du principe de sécurité juridique, cette exception à l’application purement mécanique du délai d’attente doit, cependant, être réservée à des cas de figure exceptionnels dans lesquels le soumissionnaire évincé n’avait aucune raison de considérer que la décision d’attribution du marché était entachée d’illégalité avant la conclusion du contrat avec l’attributaire [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 49].

29      Toutefois, à cet égard, force est de constater que la requérante ne saurait valablement faire valoir que, avant la conclusion du contrat-cadre avec le consortium Jouve et Skrivanek le 7 mars 2017, elle n’avait eu aucune raison de considérer que la décision attaquée était entachée d’illégalité.

30      En effet, les éléments de fonds que la requérante invoque pour établir le fumus boni juris dans la présente demande se recoupent avec ceux invoqués dans sa lettre du 22 février 2017 et se rapportent au fait que le cahier des charges prévoyait que les soumissionnaires autres que le contractant actuel pouvaient bénéficier d’un financement des coûts de reprise allant jusqu’à 3 % du coût total de production, tandis que pour le contractant actuel ce financement est limité à 0,3 %, et que les coûts de reprise n’étaient pas pris en considération pour l’évaluation du rapport qualité-prix des offres.

31      En outre, les éléments critiqués par la requérante ressortent des règles établies par le cahier des charges du marché en cause, tel que publié le 27 juillet et modifié le 16 septembre 2016, que l’OP a appliquées dans la décision attaquée. Dans ces conditions, par les allégations d’un traitement discriminatoire et d’un détournement de pouvoir dont serait entachée la décision attaquée, la requérante formule, en substance, une critique qui se dirige contre les règles établies par le cahier des charges, portées à sa connaissance le 27 juillet et le 16 septembre 2016.

32      Ainsi, la requérante qui a été informée le 13 février 2017 du fait que son offre avait été classée au deuxième rang et que celle du consortium Jouve et Skrivanek avait été classée au premier rang, était en mesure le 14 février 2017, de formuler une critique spécifique à l’égard du classement des offres dans la décision attaquée et a disposé d’informations suffisantes pour faire usage du délai d’attente aux fins d’introduire un recours en annulation assorti d’une demande de mesures provisoires avant la conclusion du contrat-cadre avec ledit consortium, le 7 mars 2017.

33      Une telle demande de mesures provisoires, déposée en temps utile, aurait pu permettre à la requérante d’obtenir éventuellement l’adoption d’une ordonnance, au titre de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure, avant même que l’autre partie ait présenté ses observations, pour la durée de la procédure de référé (voir, en ce sens, ordonnance du 15 juin 2015, Close et Cegelec/Parlement, T‑259/15 R, EU:T:2015:378, point 46).

34      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que l’assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’urgence en matière de marchés publics ne saurait être appliqué en l’espèce.

35      Partant, il convient encore d’analyser si la requérante, à défaut d’avoir introduit sa demande en référé pendant la phase précontractuelle, a établi à suffisance de droit que l’exécution de la décision attaquée engendrerait pour elle un préjudice grave et irréparable au sens de la jurisprudence rappelée au point 19 ci-dessus.

36      La requérante vise à démontrer un préjudice grave et irréparable par des arguments tirés du fait qu’elle devrait « probablement », se séparer d’une centaine d’employés hautement qualifiés ayant fait l’objet des formations pendant plusieurs années, correspondant à environ 7 % de son personnel, que le départ de ces salariés entrainerait la perte des compétences « particulièrement pointues », qu’elle perdra ainsi des compétences techniques acquises sur plus d’une dizaine d’années et ne sera plus en mesure de développer son système de production, ayant pour effet son exclusion de fait des marchés publics à venir ayant trait à la production du Supplément au Journal officiel.

37      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE [voir ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 24 et jurisprudence citée].

38      En deuxième lieu, il convient de souligner que les conséquences financières négatives, pour le soumissionnaire évincé, qui découleraient du rejet de son offre font, en principe, partie du risque commercial habituel auquel chaque entreprise active sur le marché doit faire face. Ainsi, le seul fait que le rejet d’une offre puisse avoir des conséquences financières négatives, même graves, pour le soumissionnaire évincé ne saurait donc justifier, en soi, les mesures provisoires demandées par ce dernier (ordonnance du 3 juillet 2017, Proximus/Conseil, T‑117/17 R, EU:T:2017:600, point 40 et jurisprudence citée).

39      Cette jurisprudence, visant le cas de figure d’un soumissionnaire évincé, s’applique, à plus forte raison, au cas d’espèce, la requérante n’étant pas le soumissionnaire évincé mais l’une des attributaires, dont l’offre a été classée au deuxième rang, et étant ainsi dans une position, à condition d’avoir conclu le contrat-cadre, où elle peut se voir être appelée, au cours de l’exécution du marché, à effectuer des services faisant l’objet du marché.

40      Ainsi, si le manque à gagner potentiel résultant du fait que l’offre a été classée seulement au deuxième rang ne saurait justifier, en soi, l’octroi d’une mesure provisoire, il doit en aller de même, à plus forte raison, en ce qui concerne les conséquences y résultant, à savoir le fait pour la requérante de devoir « probablement » réduire de manière importante son personnel, affecté actuellement à la production du Supplément au Journal officiel faisant l’objet du marché en cause (voir, en ce sens, ordonnance du 3 juillet 2017, Proximus/Conseil, T‑117/17 R, EU:T:2017:600, point 41 et jurisprudence citée).

41      En effet, la requérante fait ainsi uniquement état d’un risque inhérent à sa situation juridique en tant que contractant actuel et participant à une procédure de passation de marché qu’elle doit assumer en tant que risque commercial habituel, et qui, en soi, ne saurait, conformément à la jurisprudence rappelée au point 38, justifier l’octroi des mesures provisoires.

42      S’agissant encore de l’argument de la requérante selon lequel elle, en raison de la perte du personnel formé, ne sera plus en mesure de développer son système de production et serait ainsi de fait exclue des marchés publics à venir ayant trait à la production du Supplément au Journal officiel, il s’agit d’une affirmation aucunement étayée. Or, conformément à la jurisprudence, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir, en ce sens, ordonnance du 29 février 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, T‑732/15 R, non publiée, EU:T:2016:129, point 39 et jurisprudence citée).

43      En tout état de cause, il convient de relever que la requérante, en introduisant la demande en référé le 30 juin 2017, à savoir presque dix-huit semaines après l’expiration du délai d’attente, dix-sept semaines après la conclusion du contrat-cadre avec le consortium Jouve et Skrivanek et douze semaines après l’introduction du recours principal sans apporter des éléments démontrant que ce procédé soit justifié par les circonstances du cas d’espèce, a manqué à l’obligation de diligence d’une partie se prévalant de l’urgence de mesures provisoires, constituant un élément tendant à confirmer l’absence d’urgence à ordonner le sursis sollicité (voir, en ce sens, ordonnance du 24 novembre 2016, Enrico Colombo et Giacomo Corinti/Commission, T‑690/16, non publiée, EU:T:2016:696, point 56 et jurisprudence citée).

44      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, à défaut, pour la requérante, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris voire de procéder à la mise en balance des intérêts. Dans ces conditions, il n’est pas non plus besoin de se prononcer sur la question de la recevabilité de la demande en référé, soulevée par la Commission.

45      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 29 septembre 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


*      Langue de procédure : le français.

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