IMG v Commission (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-381/15 (02 February 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T38115.html
Cite as: ECLI:EU:T:2017:57, EU:T:2017:57, [2017] EUECJ T-381/15

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Édition provisoire

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

2 février 2017 (*)

« Protection des intérêts financiers de l’Union – Mesures renforcées d’audit et de monitoring et signalement de vérification dans le cadre du système d’alerte précoce (SAP) – Décision suspendant la possibilité pour la requérante de conclure avec la Commission des contrats en gestion indirecte compte tenu des doutes existant quant à son statut d’organisation internationale – Recours en annulation – Acte non susceptible de recours – Défaut d’intérêt à agir – Irrecevabilité partielle – Droits de la défense – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Sécurité juridique – Confiance légitime – Recours en indemnité »

Dans l’affaire T‑381/15,

International Management Group (IMG), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes L. Levi et A. Tymen, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Baquero Cruz et Mme S. Bartelt, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la lettre de la Commission dans laquelle celle-ci ordonne de procéder à des mesures renforcées d’audit et de monitoring et à un signalement de vérification, et refuse à la requérante la possibilité de conclure avec la Commission des contrats en gestion indirecte et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi du fait de l’adoption des mesures prévues par ladite lettre,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 octobre 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission européenne, conformément à l’article 7, paragraphe 6, du règlement (UE, Euratom) n° 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) n° 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), du fait qu’il avait ouvert une enquête (enquête OF/2011/1002) liée au statut juridique de la requérante, International Management Group (IMG), en tant qu’« organisation internationale » au sens du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2002 »).

2        Le 24 février 2014, le secrétariat général de la Commission a transmis cette information au directeur général de la direction de la coopération internationale et du développement de la Commission (ci-après le « directeur général »), en attirant l’attention de ce dernier sur la possibilité d’adopter des mesures conservatoires, conformément à l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 883/2013.

3        Le 26 février 2014, le directeur général a adopté, en sa qualité d’ordonnateur délégué, des mesures conservatoires, en raison de doutes qui existaient quant au statut juridique de la requérante en tant qu’« organisation internationale », au sens du règlement financier de 2002.

4        Le 25 avril 2014, le directeur général a envoyé un courrier à la requérante (ci-après le « courrier de la Commission du 25 avril 2014 ») dans lequel il rappelle, d’abord, que, à la suite des questions soulevées par le Parlement européen à l’occasion de la décharge annuelle du budget 2012 et touchant au statut d’organisation internationale de la requérante, la Commission a échangé plusieurs courriers avec cette dernière, à compter du 16 décembre 2013 jusqu’au 4 avril 2014. Ces échanges auraient visé à permettre à la requérante d’établir qu’elle constituait une organisation internationale au sens du règlement financier de 2002. Ensuite, le directeur général indique que cinq États membres de l’Union européenne ont contesté l’affirmation de la requérante selon laquelle ils seraient membres, ou auraient été fondateurs, de l’organisation internationale que celle-ci déclare être. De plus, le secrétariat général de l’Organisation des Nations unies (ONU) aurait considéré que la requérante n’était pas une agence spécialisée. En outre, il existerait des doutes quant aux pouvoirs dont disposaient les personnes qui représentaient leurs pays lorsque la requérante a été établie. Enfin, le directeur général indique que, à la lumière des éléments qui précèdent, il a donné instruction à ses services, en sa qualité d’ordonnateur responsable, de suspendre les procédures contractuelles impliquant la requérante, jusqu’à ce que son statut juridique soit clarifié.

5        Le 24 juin 2014, la requérante a été informée par lettre de l’OLAF du 17 juin 2014 que ce dernier avait ouvert une enquête, dans laquelle il était considéré comme une « personne concernée » au sens du règlement n° 883/2013. Dans cette lettre, l’OLAF l’informait que l’enquête était liée à de « possibles irrégularités dans l’attribution de fonds de l’UE [à la requérante] liées au statut juridique de [celle-ci] dans le cadre, entre autres, de l’application de l’article 53, paragraphe 1, [sous] c), du règlement financier [de 2002] ».

6        Le 11 juillet 2014, le directeur général a indiqué au requérant que l’OLAF menait une enquête à son égard.

7        Le 9 décembre 2014, l’OLAF a établi son rapport final (ci-après le « rapport final de l’OLAF »), que la Commission a reçu le 15 décembre 2014. Le rapport final de l’OLAF comprenait une série de recommandations pour suites administratives et financières. Dans son rapport final, l’OLAF considère, en substance, que la requérante n’est pas une « organisation internationale » au sens du règlement financier de 2002 et qu’elle pourrait même ne pas avoir une personnalité juridique propre. L’OLAF recommande donc à la Commission d’imposer des sanctions administratives et financières à la requérante et de procéder à la récupération des sommes qui lui ont été versées.

8        Le 16 décembre 2014, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2014) 9787 final, portant modification de la décision d’exécution initiale, dans laquelle, en substance, la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH a été sélectionnée en lieu et place de la requérante, pour conclure, le cas échéant, le contrat visant à mettre en œuvre en gestion indirecte un programme d’action au Myanmar/Birmanie. La requérante a introduit un recours en annulation devant le Tribunal contre cette décision de la Commission dans l’affaire T-29/15.

9        Le 2 mars 2015, la Commission a informé le directeur général de l’OLAF des suites réservées au rapport final de l’OLAF. Par lettre confidentielle du 18 mars 2015, elle a également informé le président de la commission de contrôle budgétaire du Parlement, en réponse à une demande de cette dernière, des suites réservées au rapport final de l’OLAF.

10      Le 8 mai 2015, la Commission a informé la requérante, par lettre signée par trois directeurs de ses services, d’une part, que l’OLAF avait conclu dans son rapport final que la requérante n’était pas une organisation internationale et qu’elle ne disposait peut-être pas de la personnalité juridique, et, d’autre part, des suites que celle-ci entendait donner au rapport final de l’OLAF (ci-après la « lettre attaquée »). La lettre attaquée est divisée en trois parties ayant trait, premièrement, aux recommandations administratives, deuxièmement, aux recommandations financières et, troisièmement, aux autres mesures.

11      En premier lieu, s’agissant des recommandations administratives, la Commission indique dans la lettre attaquée, premièrement, que, en raison de l’incertitude juridique qui entoure la notion d’ « organisation internationale » au sens du règlement financier (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le [règlement financier de 2002] (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2012 ») dans la présente affaire, il est difficile de considérer, à ce stade et sur la base des preuves disponibles, que la requérante se serait faussement présentée en tant qu’organisation internationale en vue d’obtenir des fonds publics. Il ne serait pas possible, en outre, de déterminer si la requérante est, ou non, une organisation internationale, de sorte qu’il ne saurait être envisagé, à ce stade de la procédure administrative, de lui infliger des sanctions administratives ou financières. Toutefois, selon la Commission, cette appréciation pourrait évoluer dans le futur si de nouveaux éléments venaient à établir une fraude.

12      Deuxièmement, la Commission estime, en substance, que la requérante dispose d’une personnalité juridique, ou du moins d’une capacité juridique suffisante, pour remplir ses fonctions.

13      Troisièmement, s’agissant de la mise en œuvre par la requérante des fonds financés par l’Union, la Commission indique qu’elle a accepté la recommandation de l’OLAF touchant à des audits renforcés et à des activités de monitoring. Par ailleurs, elle indique qu’un signalement de vérification dans le système d’alerte précoce (ci-après le « SAP ») a été introduit pour la requérante. L’objectif limité de ce signalement serait d’informer les ordonnateurs de la vérification qui pourrait être appliquée.

14      En deuxième lieu, s’agissant des recommandations financières, premièrement, la Commission indique qu’elle ne demandera pas le remboursement des fonds qui ont été alloués à la requérante sous contrat en gestion directe et qu’elle n’envisage pas, sur la base des preuves disponibles, de demander le recouvrement des fonds alloués à la requérante en gestion indirecte.

15      Deuxièmement, selon la Commission, les contrats conclus avec la requérante et qui sont en cours continueront à être mis en œuvre, de sorte que celle-ci réglera les sommes dues à la requérante pour les activités que cette dernière aura effectivement accomplies. Selon la Commission, la mise en œuvre des contrats en cours fera l’objet d’un monitorage poussé et de « mesures appropriées additionnelles » pour protéger les intérêts financiers de l’Union, telles que des audits systématiques, des paiements divisés, et des demandes de garanties financières, lorsque « cela [sera] justifié », à la lumière des tâches à accomplir, des montants et des risques financiers en jeu dans chaque contrat en cours. La Commission indique qu’elle ne déboursera les fonds qu’après avoir audité ou vérifié de manière adéquate que les activités ont bien été mises en œuvre.

16      En troisième lieu, s’agissant des autres mesures, la Commission indique, dans la lettre attaquée, que, jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant au statut d’organisation internationale de la requérante, les services de la Commission ne concluront pas de nouveaux contrats avec elle sur la base de la procédure spéciale prévue par le règlement financier de 2012 pour les organisations internationales en gestion indirecte. Toutefois, la requérante continuera d’être éligible pour se porter candidat dans le cadre de procédures normales pour de nouveaux contrats avec la Commission lorsqu’elle remplira les critères d’éligibilité. La Commission indique qu’elle prendra en considération si d’autres mesures sont nécessaires dans l’hypothèse où de nouvelles informations deviendraient disponibles. Elle attire, en outre, l’attention de la requérante sur le fait que cette lettre contient des informations ayant trait aux enquêtes de l’OLAF qui sont protégées par la confidentialité et le secret professionnel. Par ailleurs, la Commission considère que la suite donnée par ses services aux recommandations de l’OLAF ne porte pas atteinte à la situation juridique de la requérante. Toutefois, dans un souci de transparence, la Commission propose à la requérante de la rencontrer pour l’informer oralement des mesures adoptées par les ordonnateurs en ce qui concerne les contrats en cours et pour lui donner l’opportunité de s’exprimer.

17      Le 28 mai 2015, la requérante a été entendue par la Commission.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 juillet 2015, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 septembre 2015, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, conformément à l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

20      Par ordonnance du 29 janvier 2016, l’exception a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

21      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 octobre 2016, à l’issue de laquelle la phase orale de la procédure a été close.

22      Lors de l’audience, la requérante a présenté trois observations sur le rapport d’audience, dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre attaquée pour autant que la Commission y ordonne de procéder à des mesures renforcées d’audit et de monitoring et à un signalement de vérification et qu’elle lui refuse la qualité d’organisation internationale au sens du règlement financier de 2012 ;

–        condamner la Commission à la réparation de son préjudice matériel et moral ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable, en tout ou en partie ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      Par ailleurs, dans le cadre de la duplique, ainsi que lors de l’audience, la Commission a demandé que le rapport final de l’OLAF et l’avis de son service juridique du 16 janvier 2015 (ci-après l’« avis du service juridique de la Commission ») qui procède à une analyse juridique dudit rapport soient retirés du dossier devant le Tribunal, dans la mesure où ni l’OLAF ni la Commission n’ont communiqué ces documents, ni autorisé leur communication au public ou à la requérante, et qu’ils ont fait l’objet d’une fuite. La requérante s’oppose à cette demande.

 En droit

26      Par le présent recours, la requérante demande, d’une part, que la lettre attaquée soit annulée, conformément à l’article 263 TFUE, et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice matériel et moral qu’elle aurait subi, conformément à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

27      Le Tribunal examinera, tout d’abord, successivement les demandes en annulation et en indemnité de la requérante et statuera, ensuite, sur la demande de la Commission tendant à ce que le rapport final de l’OLAF et l’avis de son service juridique soient retirés du dossier.

 A– Sur la demande en annulation

28      Il convient d’examiner la recevabilité de la demande en annulation de la lettre attaquée, que la Commission conteste, avant d’en examiner le bien-fondé.

 1. Sur la recevabilité de la demande en annulation

29      La Commission fait valoir, en substance, que la lettre attaquée n’est pas de nature à faire grief à la requérante, car elle ne modifie pas sa situation juridique.

30      Dans le cadre de son exception d’irrecevabilité, la Commission avance deux principales fins de non-recevoir à cet égard.

31      En premier lieu, s’agissant de la demande d’annulation de la lettre attaquée pour autant que la Commission interdirait à la requérante de conclure de nouveaux contrats en gestion indirecte sur la base de la procédure applicable aux seules organisations internationales, la Commission fait valoir que cette demande est manifestement irrecevable pour deux raisons. Premièrement, la requérante ne disposerait d’aucun droit subjectif à conclure de nouvelles conventions avec elle, a fortiori selon les modalités particulières applicables aux organisations internationales. En effet, conformément à la lettre attaquée, la requérante serait toujours éligible à se porter candidate dans le cadre de procédures normales ouvertes à toute entité. Deuxièmement, la lettre attaquée ne serait qu’un acte purement confirmatif de la décision contenue dans le courrier de la Commission du 25 avril 2014, contre laquelle la requérante n’a pas introduit de recours, et dans laquelle la Commission l’informait de cette mesure conservatoire, qui reste provisoire et soumise à la condition de clarification satisfaisante du statut juridique de la requérante. La Commission n’aurait procédé à aucun nouvel examen de la situation de la requérante à la suite du rapport final de l’OLAF, de sorte que la lettre attaquée ne présenterait aucun élément nouveau.

32      En second lieu, s’agissant des deux autres mesures, à savoir, d’une part, les mesures renforcées d’audit et de monitoring en dehors d’un signalement de vérification et, d’autre part, le signalement de vérification lui-même, la Commission considère également qu’ils ne font pas grief à la requérante.

33      Premièrement, s’agissant des mesures d’audit et de monitoring renforcées, elles seraient couvertes par les contrats en cours conclus avec la requérante et ne comporteraient donc aucune modification de sa situation juridique. En effet, ces audits ne seraient pas réalisés en exécution de la lettre attaquée, mais sur la base du cadre contractuel existant, en particulier de l’article 16.4 des conditions générales contractuelles, qui met en œuvre l’article 40, sous g), du règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement financier 2012 (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après le « règlement financier délégué »), qui renvoie à l’article 61, paragraphe 3, du règlement financier de 2012. Cet article prévoirait que la Commission, l’OLAF ou la Cour des comptes de l’Union européenne ont notamment le pouvoir de faire des audits et des enquêtes, y compris des vérifications sur place.

34      Deuxièmement, s’agissant du signalement de vérification, la Commission considère que, conformément à l’arrêt du 19 décembre 2012, Commission/Planet (C‑314/11 P, EU:C:2012:823), un tel signalement ne modifie pas de façon caractérisée la situation juridique d’une entité lorsque ses effets s’inscrivent dans le cadre d’obligations contractuelles préexistantes, sans introduire de nouvelles obligations.

35      Troisièmement, quant aux mesures mentionnées dans la lettre attaquée, à savoir les audits systématiques ou renforcés, les paiements divisés et les garanties financières, la Commission fait observer, d’une part, qu’elle n’a pas adopté de telles mesures pour l’ensemble des contrats et, d’autre part, que, en toute hypothèse, les audits systématiques ou renforcés, les mesures relatives aux paiements divisés, qui n’ont pas été adoptées, et les garanties, qui n’ont pas été exigées, sont couverts par les obligations contractuelles des conventions en cours.

36      Dans le cadre de son mémoire en défense, la Commission insiste, en outre, sur le fait que, contrairement à ce que soutient la requérante, les mesures autres que la mesure conservatoire visant à informer la requérante qu’elle ne peut plus conclure de conventions de financement selon les procédures applicables aux seules organisations internationales ne sont que des mesures qui pourraient être prises à l’avenir si elles étaient jugées nécessaires, mais qui ne se seraient pas encore concrétisées, de sorte qu’elles ne sauraient être considérées comme affectant directement la requérante.

37      La requérante conteste l’argumentation de la Commission.

38      En premier lieu, s’agissant des audits renforcés et des activités de monitoring, la requérante estime que la Commission considère à tort qu’ils ne lui feraient pas grief au motif que ces mesures seraient couvertes par les contrats en cours. À cet égard, la requérante fait valoir, d’abord, que les contrats en cours ont été conclus sous le régime du règlement financier de 2002 qui ne prévoit pas, à la différence du règlement financier de 2012, des audits financiers à proprement parler, mais uniquement des vérifications qui ne pourraient pas être obligatoires. Ensuite, l’imposition de vérifications constituerait une faculté, alors que la lettre attaquée en ferait une obligation. Enfin, les paiements seraient centralisés dans les mains du directeur général. Dans ces conditions, la requérante fait valoir que la lettre attaquée modifierait sa situation juridique.

39      En deuxième lieu, s’agissant du signalement de vérification, la requérante fait valoir qu’il s’agirait, conformément à la jurisprudence, de dispositions nouvelles détachables des liens contractuels l’unissant à la Commission, qui modifient sa situation juridique, et sont, en l’espèce, d’ordre financier, de trésorerie et d’ordre organisationnel.

40      En troisième lieu, s’agissant de la décision de ne plus conclure de contrats avec elle en raison des doutes que la Commission aurait quant à son statut d’organisation internationale, la requérante fait valoir que, d’une part, cette décision l’affecterait dans la mesure où, si elle peut toujours conclure des procédures « normales » ouvertes à toute entité, elle ne bénéficierait toutefois plus des attributs liés à son statut d’organisation internationale l’autorisant à conclure des conventions en gestion indirecte. D’autre part, la lettre attaquée ne serait pas un acte purement confirmatif du courrier de la Commission du 25 avril 2014. En effet, dès lors que, selon la jurisprudence, un acte n’est confirmatif que s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur et qu’il n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cet acte antérieur. Or, en l’espèce, de nouveaux éléments factuels, tels que le rapport final de l’OLAF, seraient apparus après l’adoption de l’acte antérieur. De plus, la requérante fait valoir que la Commission aurait procédé à un réexamen de sa situation à la suite dudit rapport.

41      Il convient de rappeler, d’abord, que, selon la jurisprudence, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9).

42      Ensuite, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d’un acte antérieur non attaqué dans les délais est irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 1988, Irish Cement/Commission, 166/86 et 220/86, EU:C:1988:549, point 16). Un acte est purement confirmatif d’un acte antérieur s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à celui-ci et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cet acte antérieur (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 1978, Herpels/Commission, 54/77, EU:C:1978:45, point 14, et ordonnance du 7 décembre 2004, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑521/03 P, non publiée, EU:C:2004:778, point 47).

43      En l’espèce, il convient d’examiner la recevabilité du recours introduit contre la lettre attaquée, pour autant que la requérante demande l’annulation de ladite lettre en ce qu’elle prévoit trois mesures qui, selon elle, modifient sa situation juridique.

44      En premier lieu, s’agissant de la demande de la requérante tendant à obtenir l’annulation de la lettre attaquée pour autant que cette dernière prévoit que, « jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant au statut [de la requérante] comme organisation internationale, les services de la Commission ne concluront pas de nouveaux contrats avec [elle] sur la base de la procédure spéciale prévue par le règlement financier pour les organisations internationales (gestion indirecte) », il y a lieu de constater que, comme la Commission l’admet par ailleurs, en ne reconnaissant plus à la requérante le statut d’« organisation internationale » au sens du règlement financier de 2012, elle prive cette dernière de la possibilité d’être sélectionnée et de participer à la réalisation des projets en gestion selon la procédure spéciale réservée aux organisations internationales, prévue à l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement financier de 2012. Cet article prévoit, en effet, que la Commission exécute le budget de manière indirecte (en « gestion indirecte »), lorsque ce mode d’exécution est prévu dans l’acte de base ou dans les cas visés à l’article 54, paragraphe 2, sous a) à d), dudit règlement, en confiant des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales et à leurs agences.

45      Il y a donc lieu de relever que la lettre attaquée modifie de façon caractérisée la situation juridique de la requérante pour autant que la Commission y conclut, en substance, que la requérante ne sera pas sélectionnée ou ne pourra pas participer à de nouveaux projets avec celle-ci sur la base de la procédure spéciale prévue par le règlement financier de 2012 pour les organisations internationales tant qu’il existera des doutes quant à son statut d’organisation internationale.

46      Les arguments que la Commission soulève à cet égard ne sauraient infirmer ce constat.

47      Premièrement, pour autant que la Commission fait valoir, en substance, que la requérante ne dispose d’aucun droit subjectif à contracter avec elle, il suffit de constater que la lettre attaquée a pour effet immédiat, direct et certain de priver la requérante de la possibilité d’être sélectionnée ou de participer à des projets en gestion indirecte, à la différence des autres entités que la Commission qualifie d’« organisations internationales ». Pour ce motif, la situation juridique de la requérante doit être considérée comme affectée, au sens de la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus.

48      Deuxièmement, le fait que, comme la Commission le relève dans la lettre attaquée, ainsi que dans son exception d’irrecevabilité et lors de l’audience, la requérante puisse continuer à poser sa candidature et à mettre en œuvre d’autres projets en gestion directe ne modifie en rien le constat que la lettre attaquée a pour effet juridique que la requérante ne peut plus être sélectionnée, même si cela n’était que provisoirement, pour accomplir des projets en gestion indirecte en qualité d’« organisation internationale », alors même que la requérante avait conclu de tels projets par le passé.

49      Troisièmement, s’il est vrai que, comme la Commission le fait observer, elle avait déjà, dans son courrier du 25 avril 2014, informé la requérante qu’elle ne pouvait plus participer à des procédures réservées aux seules organisations internationales, il n’en demeure pas moins que la lettre attaquée ne constitue pas un acte purement confirmatif dudit courrier, au sens de la jurisprudence citée au sens du point 42 ci-dessus.

50      En effet, comme il ressort explicitement de la lettre attaquée, la Commission a procédé à un réexamen de la situation de la requérante sur la base du rapport final de l’OLAF qui a été adopté après le courrier de la Commission du 25 avril 2014. En effet, la Commission a reconnu qu’elle a informé le Parlement et le Conseil, le 8 octobre 2015, qu’elle ne comptait pas signer de nouvelles conventions avec la requérante « eu égard aux nouveaux éléments factuels figurant dans le rapport final [de l’OLAF] ».

51      La lettre attaquée ne constitue donc pas, contrairement à ce que soutient la Commission, une simple réitération de sa position exprimée dans son courrier du 25 avril 2014, mais elle est le résultat du réexamen par la Commission de la situation de la requérante sur la base notamment des faits et des appréciations figurant dans le rapport final de l’OLAF.

52      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la lettre attaquée, pour autant qu’elle prévoit que la requérante ne peut plus prétendre réaliser des projets en gestion indirecte en tant qu’« organisation internationale » tant que les doutes existant, à cet égard, ne sont pas dissipés, constitue un acte modifiant de façon caractérisée la situation juridique de la requérante, qui repose sur des faits nouveaux par rapport à ceux ayant conduit à l’adoption du courrier de la Commission du 25 avril 2014.

53      Pour les motifs exposés aux points 43 à 52 ci-dessus, il y a donc lieu de constater que le présent recours est recevable pour autant que la requérante demande l’annulation de la lettre attaquée en ce que la Commission y conclut, en substance, qu’elle ne peut plus accomplir des projets en gestion indirecte en qualité d’« organisation internationale » tant que des doutes existent quant à son statut.

54      En deuxième lieu, s’agissant, d’une part, des mesures d’audit renforcé et de monitoring et, d’autre part, des mesures additionnelles pour protéger les intérêts financiers de l’Union, que cela soit dans le cadre de l’exécution des contrats en cours, tels que des audits systématiques, des paiements divisés et des demandes de garanties financières (ci-après les « mesures additionnelles »), ou même dans le cadre de contrats à venir, il y a lieu de constater qu’elles ne constituent pas des actes attaquables pour deux motifs distincts.

55      En effet, premièrement, force est de constater que, comme la Commission le fait valoir en substance et à juste titre, elle se contente d’indiquer dans la lettre attaquée que la Commission a accepté que les mesures en cause puissent être adoptées dans le cadre des contrats en cours, « si cela est justifié », mais elle n’impose pas que de telles mesures soient adoptées.

56      À cet égard, pour autant que, en réponse aux questions orales posées par le Tribunal, la requérante renvoie aux minutes de la réunion qu’elle a tenue avec la Commission, le 28 mai 2015, et desquelles il ressort que la Commission aurait indiqué que, « s’agissant des onze contrats en cours conclus entre la Commission et [la requérante], chacun des services concernés (DEVCO, NEAR and FPI) ont détaillé les mesures spécifiques adoptées », il y a lieu de constater que seule l’adoption de ces mesures dans le cadre de chacun de ces contrats et non l’information dans la lettre attaquée selon laquelle la Commission pourrait, le cas échéant, adopter de telles mesures dans le cadre desdits contrats est susceptible de produire des effets juridiques.

57      Dans ces conditions, force est de constater que l’information selon laquelle la Commission pourrait adopter des mesures d’audit renforcé et de monitoring ainsi que des mesures additionnelles dans le cadre des contrats en cours, ou même à conclure, si cela s’avère justifié, ne produit en tant que telle aucun effet juridique à l’égard de la requérante.

58      Deuxièmement, et en toute hypothèse, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel, dont ils sont indissociables, ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée en vertu de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 52 et jurisprudence citée).

59      Or, force est de constater que les mesures en cause s’inscrivent dans le cadre contractuel existant entre la Commission et la requérante, comme il ressort d’ailleurs des minutes de la réunion qu’elles ont tenue le 28 mai 2015 et auxquelles la requérante a renvoyé en réponse aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience.

60      En effet, tout d’abord, s’agissant des audits renforcés ou systématiques, et des mesures de monitoring que la Commission a été ou serait amenée à prendre dans le cadre de l’exécution des contrats en cours, ou à venir, force est de constater que, comme la Commission le fait observer, l’article 35, paragraphe 3, de son règlement (CE, Euratom), n° 2342/2002, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du [règlement financier de 2002] (JO 2002, L 357, p. 1), prévoit que les entités qui exécutent le budget en gestion indirecte communiquent à la Commission dans un délai fixé les informations qu’elle leur demande et la Commission précise ces obligations, selon les cas, dans les actes de délégation ou les conventions conclues avec ces entités. Or, en vertu de l’article 16.4 des conditions générales applicables aux conventions de contribution, dont il est constant qu’elles lient la Commission et lesdites entités, « conformément à ses règlements financiers, l’Union européenne, y compris sa Cour des comptes, peut entreprendre, y compris sur place, des contrôles [checks en anglais dans le texte] touchant aux actions financées par la partie contractante ». À cet égard, le fait que, comme le fait observer la requérante, ce dernier article prévoit que la Commission « peut », mais non « doit », faire des contrôles ne modifie nullement le constat que ces mesures de contrôle s’inscrivent dans le cadre contractuel qui lie la Commission et la requérante.

61      Ensuite, l’argument de la requérante selon lequel des « vérifications » ne constitueraient pas des audits au sens des réponses aux « questions fréquemment posées », disponibles sur le site Internet de la Commission, doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, force est de constater que les indications données par la Commission sur son site Internet sur le fait que des vérifications « ne sont pas un audit, mais un engagement procédural d’un commun accord » ne concernent que les « missions de vérifications des systèmes d’organisation de l’ONU » qui sont sans rapport avec les faits dans la présente affaire. La notion de contrôle (checks en anglais) est également distincte et est plus large que celle de « vérifications » (verification en anglais dans le texte) auxquelles il est fait référence sur le site Internet de la Commission. Par ailleurs, et en toute hypothèse, les réponses de la Commission aux « questions fréquemment posées », disponibles sur son site Internet, ne sauraient lier la Commission quant à l’étendue et à la nature des informations qu’elle est susceptible de demander, conformément à l’article 35, paragraphe 3, du règlement n° 2342/2002 aux entités avec qui elle conclut des projets.

62      En outre, s’agissant des mesures additionnelles que la Commission serait susceptible de demander, si elle l’estime justifié, dans le cadre de l’exécution des contrats en cours, d’une part, force est de constater que la requérante ne conteste pas, à cet égard, l’argumentation de la Commission selon laquelle de telles modalités de paiement ou de garanties financières s’inscrivent directement dans le cadre de l’exécution des contrats en cours. D’autre part, il convient de constater que l’article 15 des conditions générales applicables aux conventions de contribution prévoit, par exemple, les modalités de paiements dans le cadre de l’exécution des contrats en cours.

63      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’ensemble des mesures visées au point 54 ci-dessus ne constituent pas des actes attaquables, au sens de l’article 263 TFUE.

64      En troisième lieu, s’agissant de l’inscription de la requérante dans le SAP par un signalement de vérification, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’une partie requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 17 avril 2008, Flaherty e.a./Commission, C‑373/06 P, C‑379/06 P et C‑382/06 P, EU:C:2008:230, point 25).

65      La Cour a reconnu que l’intérêt à agir d’une partie requérante ne disparaissait pas nécessairement en raison du fait que l’acte attaqué par cette dernière avait cessé de produire des effets en cours d’instance (arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 62).

66      La Cour a ainsi jugé, notamment, qu’une partie requérante pouvait conserver un intérêt à demander l’annulation d’une décision soit pour obtenir une remise en état de sa situation, soit pour amener l’auteur de l’acte attaqué à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et ainsi éviter le risque de répétition de l’illégalité dont l’acte attaqué est prétendument entaché (arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 63).

67      Selon la jurisprudence, la persistance de l’intérêt à agir d’une partie requérante doit être appréciée in concreto, en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (voir, par analogie, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 65).

68      En l’espèce, premièrement, force est de constater que, dans la mesure où, comme elle le fait valoir, la Commission a mis fin au signalement de vérification le 9 janvier 2016, cette mesure, qui avait été adoptée le 9 janvier 2015 pour une période de douze mois, ne produit plus d’effets juridiques, ce que la requérante reconnaît d’ailleurs.

69      Deuxièmement, il est constant qu’aucune nouvelle mesure de signalement n’a été adoptée par la Commission depuis le 9 janvier 2016. Par ailleurs, la requérante n’indique pas, et il ne ressort pas du dossier devant le Tribunal, que la Commission entendrait adopter une nouvelle mesure de signalement, de sorte que le risque de répétition de l’illégalité dont la lettre attaquée est prétendument entachée, en ce qui concerne l’adoption d’un signalement de vérification, n’est pas établi.

70      Troisièmement, d’une part, il importe de relever que la mesure de signalement constitue une mesure qui n’est pas portée à la connaissance du public et que la requérante ne fournit aucun argument ou preuve, tant dans le cadre de sa demande en annulation que dans celui de sa demande en indemnité, que son adoption aurait entraîné un préjudice matériel ou moral spécifique distinct des autres mesures dont il conteste la légalité, qui justifierait son intérêt à en obtenir l’annulation, alors même que cette mesure ne produit plus d’effets juridiques. Cette situation se distingue donc de celle exposée dans l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 83), dans laquelle la Cour a constaté, en substance, que, compte tenu de l’ampleur de l’atteinte à la réputation du requérant résultant de son inscription, qui est une mesure publique, sur la liste des personnes et des entités dont les fonds et autres ressources économiques doivent être gelés, son intérêt à agir contre un acte ne produisant plus d’effets juridiques subsiste lorsque le recours en annulation, s’il venait à prospérer, permettrait audit requérant de bénéficier d’une réhabilitation et, ainsi, d’une certaine forme de réparation de son préjudice moral. En l’espèce, tel ne serait pas le cas pour la requérante, la mesure de signalement en question n’étant pas portée à la connaissance du public, comme la Commission l’a rappelé lors de l’audience sans que la requérante le conteste.

71      D’autre part, il convient de rappeler que, à la différence également avec les faits dans l’affaire ayant donné lieu à l’adoption de l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331), qui ne concernait qu’une demande en annulation, le recours de la requérante vise, en l’espèce, tant une demande d’annulation qu’une demande en indemnité. En effet, dans une telle hypothèse, les arguments de la requérante visant l’illégalité de la mesure en cause peuvent directement être pris en compte dans le cadre de l’examen de la demande en indemnité et la requérante ne saurait donc valablement invoquer que la constatation d’une illégalité dans le cadre d’un recours en annulation lui procurerait un bénéfice dans l’éventualité d’un futur recours en indemnité.

72      Quatrièmement, en tout état de cause, les arguments que la requérante soulève, à cet égard, ne sauraient prospérer.

73      Tout d’abord, pour autant que la requérante fait valoir qu’elle a dû réduire de moitié son personnel en 2013 ou qu’elle a enregistré un résultat négatif en 2014, un tel dommage ne saurait résulter du signalement de vérification qui a été adopté le 9 janvier 2015. Ensuite, pour autant que la requérante fait valoir que l’inscription dans le SAP entraîne qu’« un ou plusieurs échelons hiérarchiques supérieurs » à la Commission devra se prononcer pour tout appel d’offres et qu’une telle inscription jette la suspicion sur elle, il suffit de constater que, d’une part, une telle mesure qui est, comme la Commission l’a rappelé lors de l’audience sans que la requérante le conteste, interne à ses services n’est pas susceptible de porter préjudice à l’image de la requérante à l’égard de ses clients. D’autre part, la requérante n’apporte aucune preuve des coûts effectifs entraînés par cette mesure, ou même, à supposer que de tels coûts existent, qu’ils seraient liés audit signalement.

74      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, que pour autant que la requérante demande l’annulation de son inscription dans le SAP par un signalement de vérification, elle ne dispose plus d’un intérêt à agir.

75      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le recours en annulation est recevable pour autant qu’il vise la mesure dans la lettre attaquée par laquelle la Commission a décidé que la requérante ne pouvait plus prétendre réaliser des projets en gestion indirecte en tant qu’« organisation internationale » tant que des doutes existaient quant à son statut, et soit qu’il est irrecevable, soit qu’il n’y a plus d’intérêt à agir pour le surplus.

 2. Sur le bien-fondé de la demande en annulation

76      Au soutien de la demande en annulation, la requérante soulève huit moyens. Premièrement, elle invoque une violation de ses droits de la défense, dès lors que la Commission a adopté la lettre attaquée sans l’avoir préalablement entendue. Deuxièmement, elle allègue une violation du principe de proportionnalité résultant des mesures adoptées à son égard. Troisièmement, elle invoque, en substance, la violation du règlement financier de 2012 et du règlement financier délégué ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation résultant de la décision de la Commission lui refusant le statut d’« organisation internationale » au sens du règlement financier de 2012. Quatrièmement, la requérante estime que la Commission a violé son obligation de motivation dans la mesure où cette dernière a modifié son appréciation selon laquelle elle était une « organisation internationale » au sens du règlement financier de 2012. Cinquièmement, la requérante considère que la Commission a violé le principe de sécurité juridique, dans la mesure où cette dernière n’explique pas les raisons pour lesquelles elle considère que la requérante ne constitue plus une « organisation internationale » au sens du règlement financier de 2012. Sixièmement, la requérante invoque une violation du principe de protection de la confiance légitime, dès lors que toutes les prises de position préalables de la Commission convergeaient vers la reconnaissance de son statut d’« organisation internationale ». Septièmement, la requérante considère, en substance, que l’inscription de signalement, faite à son égard, est illégale, car elle repose sur la décision relative au SAP qui est elle-même illégale, comme cela découle de la jurisprudence. Huitièmement, et à titre subsidiaire, la requérante considère que l’inscription du signalement viole son droit d’être entendue, que la Commission ne l’a pas motivée et que cette dernière a commis une erreur manifeste d’appréciation.

77      À titre liminaire, d’une part, il convient de rappeler que, pour les raisons exposées aux points 64 à 74 ci-dessus, ne seront pas examinés dans le cadre de la demande d’annulation, le septième moyen, tiré du fait que l’inscription de signalement faite à l’encontre de la requérante est illégale, et le huitième moyen, tiré du fait que l’inscription de signalement violerait son droit d’être entendue, que la Commission ne l’aurait pas motivée et qu’elle aurait commis une erreur manifeste d’appréciation. D’autre part, pour des raisons de clarté, le Tribunal estime opportun d’examiner les moyens dans un ordre différent de celui retenu par la requérante, en examinant d’abord, les quatrième et troisième moyens, avant de procéder à l’examen des premier, deuxième, cinquième et sixième moyens.

–       Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

78      La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a violé l’article 296 TFUE et l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dans la mesure où la lettre attaquée ne contient pas de motivation. En effet, la lettre attaquée se contenterait d’indiquer que la requérante ne sera plus considérée comme une organisation internationale jusqu’à ce qu’il « existe une certitude absolue » quant à son statut, sans toutefois expliquer pour quelle raison une telle certitude absolue serait nécessaire.

79      Premièrement, le courrier de la Commission du 25 avril 2014 ne fournirait pas une motivation pertinente. D’une part, la motivation dans ledit courrier viserait une décision précédente à celle prise dans la lettre attaquée et elle n’aurait pas été reprise dans la lettre attaquée. D’autre part, la requérante n’aurait pas eu accès aux questions posées par l’OLAF aux États qui la constituent, ni à leurs réponses. En outre, il semblerait que les questions posées par la Commission n’aient pas porté sur la notion d’« organisation internationale » au sens du règlement financier et qu’elles auraient été biaisées. Par ailleurs, la requérante n’aurait pas été informée des informations qu’elle aurait dû communiquer pour clarifier son statut.

80      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la véritable motivation de la lettre attaquée ne se trouverait pas dans cette dernière, mais lui aurait été communiquée tardivement lors de sa réunion avec la Commission le 28 mai 2015, à savoir les déclarations des États selon lesquelles elle ne serait pas une organisation internationale ne poseraient des difficultés qu’en raison du fait qu’elles ne permettraient pas de présumer qu’elle bénéficierait du soutien financier des États qui l’ont fondée ou qui en sont membres.

81      La Commission conteste cette argumentation de la requérante.

82      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées par l’acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

83      À titre liminaire, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel aucune motivation spécifique ne devait figurer dans la lettre attaquée en raison du fait qu’il ne s’agissait pas d’un acte attaquable. En effet, dès lors qu’il résulte du point 52 ci-dessus que la lettre attaquée constitue un acte attaquable pour autant qu’elle prévoit que la requérante ne peut plus prétendre réaliser des projets en gestion indirecte en tant qu’« organisation internationale » tant que les doutes existant à cet égard ne sont pas dissipés, il appartient au Tribunal de contrôler si elle satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE.

84      S’agissant de l’argument de la requérante, selon lequel la lettre attaquée ne contient aucune motivation, il y a lieu de constater que, s’il est vrai que la lettre attaquée n’indique pas explicitement les motifs ayant conduit la Commission à considérer qu’il n’existait pas de certitude absolue quant au statut juridique d’organisation internationale de la requérante, justifiant ainsi qu’elle ne puisse plus conclure des contrats en gestion indirecte en cette qualité, il n’en demeure pas moins que ceux-ci ressortent sans aucune ambiguïté du contexte dans lequel la lettre attaquée a été adoptée et dont la requérante avait connaissance.

85      En effet, en premier lieu, il importe de relever que, par son courrier du 25 avril 2014, la Commission a, tout en préservant la confidentialité de l’enquête de l’OLAF, informé la requérante des faits ayant conduit à mettre en doute son statut d’organisation internationale. En effet, premièrement, dans cette lettre, la Commission a estimé que « les nouveaux éléments dans le dossier […] indiqu[aient] que plusieurs pays (Espagne, Portugal, Norvège, Italie et Belgique), lesquels [ont été] déclarés par [la requérante] en tant que pays membres ou membres fondateurs, ne se consid[éraient] comme étant ni les membres, ni les membres fondateurs » de la requérante. Deuxièmement, la Commission a indiqué que « le secrétariat général de l’ONU a[vait] considéré que [la requérante, qui indique avoir été créé à la suite d’une réunion de travail du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ] n’était pas une agence spécialisée ». Troisièmement, la Commission a fait valoir qu’« il [existait] des doutes quant aux pouvoirs de délégation des personnes ayant représenté leurs pays au moment de l’acte d’établissement [de la requérante] » et qu’il n’était pas possible que le budget pour le projet en cause lui soit confié en gestion indirecte avant que la question du statut juridique de la requérante ne soit clarifiée.

86      En deuxième lieu, il convient de relever que, par lettre du 17 juin 2014, l’OLAF a notifié à la requérante l’ouverture de l’enquête, en l’informant que ladite enquête était relative aux éventuelles irrégularités dans l’attribution des fonds de l’Union la concernant, liées à son statut juridique au regard de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement financier de 2002. Par ailleurs, il ressort du dossier devant le Tribunal que, par courrier du 14 août 2014, l’OLAF a invité la requérante à un entretien.

87      En troisième lieu, il importe de constater que, par lettre du 11 juillet 2014, la Commission a confirmé à la requérante, en substance, que les doutes sur son statut juridique, indiqués dans le courrier de la Commission du 25 avril 2014, étaient étayés par les éléments dans le dossier résultant de l’enquête de l’OLAF, dont la Commission avait pris connaissance.

88      En quatrième lieu, il convient de constater que, par sa lettre du 16 décembre 2014, la Commission a rappelé à la requérante que la question de son statut juridique n’était toujours pas clarifiée.

89      Il ressort donc des courriers mentionnés aux points 85 à 88 ci-dessus, que, contrairement à ce que soutient la requérante, elle avait connaissance du fait que la Commission avait des doutes quant à son statut d’« organisation internationale » au sens du règlement financier de 2012 et qu’elle estimait ne pas avoir reçu de clarifications lui permettant d’écarter lesdits doutes.

90      Les arguments avancés par la requérante, à cet égard, ne sauraient infirmer cette conclusion.

91      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la lettre attaquée ne serait pas motivée, il y a lieu de constater que, conformément à la jurisprudence citée au point 82 ci-dessus, la motivation d’un acte doit être appréciée notamment au regard des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel l’acte a été adopté. Or, en l’espèce, comme il ressort de l’ensemble des courriers visés aux points 85 à 88 ci-dessus, la requérante avait été informée des motifs pour lesquels la Commission avait des doutes quant à son statut d’organisation internationale et que ces doutes n’avaient pas été dissipés. Le fait que, comme la requérante le fait observer, les motifs évoqués dans le courrier de la Commission du 25 avril 2014 ne pourraient constituer la motivation de la lettre attaquée, ou encore que les questions posées par la Commission à ses États membres fondateurs auraient été biaisées, sont sans influence sur le constat selon lequel la requérante avait connaissance à suffisance de droit des motifs ayant conduit la Commission à suspendre l’octroi de contrats en gestion indirecte avec elle. Cet argument doit donc être écarté.

92      Deuxièmement, pour autant que la requérante soutient que la Commission aurait violé son obligation de motivation dans la mesure où elle n’expose pas dans la lettre attaquée les raisons pour lesquelles il serait nécessaire qu’il existe une « certitude absolue » quant à son statut d’organisation internationale, il suffit de constater que, comme cela ressort de l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement financier de 2012, la Commission exécute le budget en gestion indirecte lorsque ce mode d’exécution est notamment prévu dans l’acte de base en confiant des tâches d’exécution budgétaire à des « organisations internationales » et à leurs agences. En indiquant à la requérante qu’il n’existait pas de certitude absolue quant à son statut d’organisation internationale, la Commission l’a donc informée à suffisance de droit qu’elle ne satisfaisait pas aux conditions prévues par ledit article. Cet argument de la requérante doit donc être rejeté.

93      Troisièmement, pour autant que la requérante reproche, en substance, à la Commission de ne lui avoir fourni la véritable motivation de la lettre attaquée qu’à l’occasion de leur réunion du 28 mai 2015, à savoir que, en raison des doutes liés à son statut d’« organisation internationale », des doutes existaient quant au soutien financier dont elle était susceptible de bénéficier de la part de ses États fondateurs ou membres, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant non fondé. En effet, dès lors que la Commission a fourni à la requérante les motifs pour lesquels elle considérait qu’il existait des doutes quant à son statut d’« organisation internationale » dès le courrier du 25 avril 2014, à savoir en particulier que certains États membres avaient déclaré ne pas être des États fondateurs ou membres de la requérante, cette dernière avait été informée des raisons pour lesquelles la Commission considérait qu’il n’était pas possible de s’assurer qu’elle remplissait les conditions prévues par l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement financier de 2012.

94      Quatrièmement, pour autant que la requérante fait valoir, comme il est exposé au point 79 ci-dessus, qu’elle n’a pas eu accès aux questions posées par l’OLAF aux États qui la constituent, ni à leurs réponses, que les questions posées par la Commission n’ont pas porté sur la notion d’« organisation internationale » au sens du règlement financier de 2012 et qu’elles auraient été biaisées ou qu’elle n’aurait pas été informée des informations qu’elle aurait dû communiquer pour clarifier son statut, force est de constater que ces arguments ont trait au respect des droits de la défense, et non à l’obligation de motivation de la Commission, et doivent, pour ce motif, être examinés dans le cadre du premier moyen (voir point 122 ci-après).

95      Il ressort donc de l’ensemble de ces considérations que, à l’exception des arguments exposés au point 94 ci-dessus qui doivent être examinés dans le cadre du premier moyen (voir point 122 ci-après), le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

–       Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du règlement financier de 2012 et du règlement financier délégué, ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation

96      La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a violé le règlement financier de 2012 ainsi que le règlement financier délégué, et qu’elle a commis une erreur manifeste d’appréciation, en considérant qu’elle n’était pas une organisation internationale au sens de ces dispositions. Premièrement, elle estime que c’est au regard du droit de l’Union, et non des droits nationaux ou du droit international public, qu’il convient d’interpréter la notion d’« organisation internationale ». Ainsi, elle considère qu’elle répond aux deux conditions nécessaires pour être qualifiée comme telle, à savoir, d’une part, être une organisation de droit international public et, d’autre part, avoir été créée par un accord intergouvernemental. En effet, son statut d’organisation internationale aurait été reconnu par la Commission par le passé. Par ailleurs, la Commission dispose de l’ensemble des pièces relatives tant à sa constitution qu’à son fonctionnement. À cet égard, elle soutient que les questions posées aux États membres étaient biaisées et visaient à savoir si ces derniers estimaient qu’elle était une organisation internationale en demandant la communication du traité, de la convention ou de l’accord international sur la base duquel elle a été créée, et non au sens du règlement financier de 2012.

97      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la Commission selon lequel le statut d’organisation internationale emporterait une présomption légale selon laquelle les États membres apporteraient leur soutien financier à leurs entités membres, la requérante fait valoir que, en vertu de l’article 60, paragraphe 2, du règlement financier de 2012, aucune garantie financière préalable n’est requise.

98      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, d’une part, par la lettre attaquée, la Commission ne conclut pas que la requérante ne constitue pas une organisation internationale, mais elle conclut que, tant qu’il existe des doutes sur son statut d’organisation internationale, elle suspend la possibilité pour la requérante de conclure avec elle des contrats en gestion indirecte. D’autre part, comme il a été relevé au point 85 ci-dessus, la Commission avait des doutes quant au statut d’organisation internationale de la requérante, en raison du fait, premièrement, que plusieurs États, à savoir l’Espagne, le Portugal, la Norvège, l’Italie et la Belgique, ne se considéraient comme étant ni les membres, ni les fondateurs de la requérante, deuxièmement, le secrétariat général de l’ONU avait considéré que la requérante, qui indique avoir été créée à la suite d’une réunion de travail du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, n’était pas une agence spécialisée et, troisièmement, qu’il existait des doutes quant aux pouvoirs de délégation des personnes ayant représenté leurs pays au moment de l’acte d’établissement de la requérante.

99      Il convient donc de rechercher si la Commission a violé le règlement financier de 2012 et le règlement financier délégué et a considéré à tort qu’il existait des doutes, quant au statut d’organisation internationale de la requérante, qui devaient être dissipés.

100    En vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement financier de 2012, la Commission exécute le budget en gestion indirecte lorsque ce mode d’exécution est prévu dans l’acte de base ou dans les cas visés à l’article 54, paragraphe 2, premier alinéa, sous a) à d), en confiant des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales et à leurs agences.

101    Selon l’article 43, paragraphe 1, sous a), du règlement financier délégué, les organisations internationales visées à l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement financier sont les organisations de droit international public, créées par des accords intergouvernementaux, ainsi que les agences spécialisées créées par celles-ci.

102    En l’espèce, force est de constater d’emblée que la requérante n’a fourni ni à la Commission ni au Tribunal des preuves, telles que des attestations des États en question, confirmant que ces États continuaient de considérer qu’ils étaient ses membres, en dépit des déclarations que l’OLAF avait recueillies. Le fait qu’il existerait une présomption selon laquelle les États membres d’une organisation internationale devraient lui apporter leur soutien financier est sans influence à cet égard.

103    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission n’a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d’appréciation en constatant qu’il existait des doutes sur le statut d’organisation internationale de la requérante, compte tenu des déclarations faites par ces États.

104    Les arguments avancés par la requérante à cet égard ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

105    Premièrement, pour autant que la requérante invoque, en substance, que, par le passé, la Commission s’est exprimée à plusieurs reprises pour constater qu’elle constituait une organisation internationale, il est constant que ces prises de position étaient antérieures à l’enquête de l’OLAF ayant conduit ce dernier à constater que certains États contestaient être membres de la requérante. Dès lors, ces prises de position permettent de conclure que les doutes de la Commission étaient légitimes compte tenu des déclarations faites à l’OLAF.

106    Deuxièmement, la requérante fait valoir que les questions posées par l’OLAF aux États en question étaient biaisées, dans la mesure où, si la Commission les avait interrogés sur la question de savoir si elle était une organisation internationale au sens du règlement financier de 2012, et non au regard de leur droit national ou du droit international, ces États auraient à leur tour interrogé la Commission quant à l’interprétation qu’il convenait de donner à la notion d’« organisation internationale » au sens dudit règlement. À cet égard, il suffit de constater que, à supposer même que l’OLAF ait manqué de préciser auxdits États qu’il convenait de répondre à ses questions au regard du droit de l’Union, il n’en demeure pas moins que la requérante ne fournit en toute hypothèse aucune preuve que ces États considèrent qu’ils sont ses membres.

107    Troisièmement s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait probablement été influencée par un membre du Parlement lors de l’adoption de la lettre attaquée, un tel argument doit également être rejeté comme étant non fondé. En effet, comme il ressort de l’ensemble des courriers échangés avec la requérante (voir points 85 à 88 ci-dessus), c’est sur la base du constat que des États contestaient qu’ils étaient membres de la requérante que la Commission a estimé qu’il existait un doute quant à son statut d’organisation internationale.

108    Quatrièmement, pour autant que la requérante fait valoir qu’elle remplit les deux conditions exigées pour être une organisation internationale, au sens notamment de l’article 43, paragraphe 1, du règlement financier délégué, à savoir être une organisation internationale de droit international public et avoir été créée par un accord intergouvernemental, et que la Commission a retenu une interprétation erronée de la notion d’organisation internationale, qui ne devrait être appréciée qu’au regard dudit règlement, force est de constater, en toute hypothèse, que ces arguments n’infirment pas le constat que la Commission pouvait avoir des doutes légitimes sur le statut d’organisation internationale de la requérante, compte tenu du fait que les États qui étaient censés en être membres ou fondateurs niaient ce fait.

109    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

–       Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

110    La requérante invoque une violation du droit d’être entendu, tel que consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux et par la jurisprudence, dans la mesure où, en substance, la Commission a adopté la lettre attaquée sans l’avoir entendue sur le rapport final de l’OLAF, qui ne lui a pas été transmis. Par ailleurs, elle considère que, conformément à la jurisprudence, il appartient à la Commission d’établir que, si elle avait été régulièrement entendue avant l’adoption de la lettre attaquée, la Commission n’aurait pas pu adopter une décision différente. À cet égard, elle souligne que ce n’est qu’à l’occasion de la réunion qu’elle a tenue avec la Commission le 28 mai 2015 qu’elle a été informée que les mesures imposées résultaient en réalité du fait que la Commission avait de réelles interrogations sur sa solidité financière.

111    La Commission s’oppose à cette argumentation.

112    S’agissant, en premier lieu, du droit d’être entendu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union. Selon le paragraphe 2 dudit article, ce droit comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

113    Le principe du respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union. Ce serait violer ce principe que de faire reposer une décision juridictionnelle sur des faits et des documents dont les parties elles-mêmes, ou l’une d’entre elles, n’ont pu prendre connaissance et sur lesquels elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position (voir ordonnance du 14 avril 2016, Dalli/Commission, C‑394/15 P, non publiée, EU:C:2016:262, point 40 et jurisprudence citée).

114    Toutefois, il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe au juge de vérifier, lorsqu’il estime être en présence d’une irrégularité procédurale, si, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l’espèce, la procédure en cause aurait pu aboutir à un résultat différent si la partie requérante avait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette irrégularité (voir, en ce sens, arrêt du 8 octobre 2015, Secolux/Commission, T‑90/14, non publié, EU:T:2015:772, point 34 et jurisprudence citée).

115    S’agissant, en second lieu, de la procédure menée par l’OLAF, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 9 du règlement n° 883/2013, une fois que l’enquête a été achevée et avant que les conclusions se rapportant nommément à une personne concernée n’aient été tirées, cette dernière se voit accorder la possibilité de présenter ses observations sur les faits la concernant.

116    Selon l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 883/2013, à l’issue d’une enquête effectuée par l’OLAF, un rapport est établi sous l’autorité de son directeur général. Ce rapport fait le point sur la base juridique de l’enquête, les phases procédurales qui ont été suivies, les faits constatés et leur qualification juridique préliminaire, l’incidence financière estimée des faits constatés, le respect des garanties de procédure conformément à l’article 9 du règlement n° 883/2013 ainsi que les conclusions de l’enquête. Le rapport est accompagné des recommandations du directeur général sur les suites qu’il convient ou non de donner à l’enquête. Ces recommandations indiquent, le cas échéant, les mesures disciplinaires, administratives, financières ou judiciaires que doivent prendre les institutions, les organes ou les organismes ainsi que les autorités compétentes des États membres concernés et précisent en particulier le montant estimé des recouvrements et la qualification juridique préliminaire des faits constatés.

117    Premièrement, force est de constater que la requérante ne conteste pas qu’elle a eu l’opportunité de fournir ses observations à l’OLAF et à la Commission à plusieurs reprises avant l’adoption du rapport final de l’OLAF sur les constatations ayant conduit à la mesure conservatoire contestée dans la lettre attaquée, selon laquelle il existerait des doutes quant à son statut d’organisation internationale. À cet égard, il convient de relever, en particulier, qu’elle a été entendue par la Commission le 21 octobre 2014 et a fourni ses observations respectivement, le 24 et le 28 octobre 2014, à l’OLAF et à la Commission, relatives au « résumé des faits sur la personne concernée », dans lesquelles elle a eu l’opportunité de répondre aux doutes que l’OLAF avait quant à son statut juridique d’« organisation internationale ». Dans ces conditions, force est de constater que, bien que la requérante n’ait pas fourni ses observations sur le rapport final de l’OLAF avant que la Commission n’adopte la lettre attaquée, elle a eu l’opportunité de faire connaître à l’OLAF et à la Commission les raisons pour lesquelles elle estimait que les doutes de l’OLAF n’étaient pas justifiés.

118    Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence que le cadre législatif applicable à l’OLAF exclut, en principe, un droit d’accès au dossier de l’OLAF par les personnes concernées et que ce n’est que si les autorités destinataires du rapport final de l’OLAF ont l’intention d’adopter des actes faisant grief aux personnes concernées que ces autorités devraient, conformément aux règles procédurales qui leur sont applicables, donner accès au rapport final de l’OLAF pour permettre à ces personnes d’exercer leurs droits de la défense (arrêt du 26 mai 2016, International Management Group/Commission, T‑110/15, EU:T:2016:322, point 36).

119    Toutefois, force est de constater que, bien que la Commission ait dû en l’espèce fournir à la requérante le rapport de l’OLAF conformément à la jurisprudence citée au point 118 ci-dessus, la requérante n’avance aucun argument permettant de conclure, et il ne ressort pas du dossier devant le Tribunal, que, si elle avait été entendue après l’adoption du rapport final de l’OLAF ou si ce dernier lui avait été communiqué avant l’adoption de la lettre attaquée, la Commission aurait pu adopter une décision différente de la lettre attaquée.

120    Tout d’abord, la requérante soutient que la lettre attaquée aurait pu être différente si elle avait eu l’opportunité de se défendre contre les arguments que la Commission a soulevés lors de sa réunion avec elle le 28 mai 2015, selon lesquels les doutes existant sur son statut d’organisation internationale conduisaient à avoir des doutes sur sa solidité financière. À cet égard, il suffit de constater que la Commission ne s’étant pas fondée sur une telle motivation dans la lettre attaquée, le fait que cette motivation n’ait pas été communiquée à la requérante avant l’adoption de ladite lettre ne saurait valablement être reproché à celle-ci en toute hypothèse.

121    Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’appartient pas à la Commission d’établir que la lettre attaquée n’aurait pas été différente si elle avait eu l’opportunité de fournir également des observations après l’adoption du rapport final de l’OLAF, et sur la base dudit rapport, mais il appartient au contraire à la requérante d’établir qu’une éventuelle irrégularité procédurale aurait conduit à un résultat différent. En particulier, il importe de relever, à cet égard, que la requérante n’avance aucun argument permettant de conclure, et il ne ressort pas du dossier devant le Tribunal, que le fait de recevoir ledit rapport aurait pu conduire la Commission à adopter une décision différente, dès lors que la Commission s’est écartée, en substance, du rapport de l’OLAF en considérant qu’il existait des doutes, et non des certitudes, quant au statut d’organisation internationale de la requérante.

122    En outre, les arguments avancés par la requérante, notamment en réponse aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience, selon lesquels elle ignorait quelles étaient les questions que l’OLAF avait posées aux États la composant, qu’elle n’a pas eu connaissance des réponses que ces États lui avaient précisément données, qu’elle n’a pas été informée des informations qu’elle aurait dû communiquer pour clarifier son statut et que les questions posées par la Commission n’avaient pas porté sur la notion d’« organisation internationale » au sens du règlement financier de 2012 et qu’elles auraient été biaisées et, que, pour ces motifs, elle n’aurait pas directement interrogé ces États, ne sauraient prospérer. En effet, dès lors que la Commission a indiqué à la requérante que certains États contestaient qu’ils étaient membres de la requérante, aucun des motifs susmentionnés n’empêchait la requérante de les interroger directement et de leur demander de lui fournir une attestation selon laquelle ils étaient ses membres. La requérante était donc en mesure de se défendre utilement contre l’appréciation de la Commission selon laquelle il existait des doutes sur son statut d’organisation internationale compte tenu des déclarations de certains États.

123    Enfin, et en toute hypothèse, force est de constater, en l’espèce, que, pour autant que la requérante aurait eu l’opportunité de fournir ses observations sur le rapport final de l’OLAF, elle n’établit pas que, compte tenu des doutes sur son statut d’organisation internationale, la Commission n’était pas en droit de suspendre l’octroi des projets en gestion indirecte jusqu’à ce que ses doutes soient dissipés.

124    Dans ces conditions, le premier moyen soulevé par la requérante, selon lequel la Commission a violé son droit d’être entendue, doit être rejeté comme étant non fondé.

–       Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

125    La requérante invoque une violation du principe de proportionnalité. À cet égard, d’une part, elle considère que, compte tenu de toutes les obligations réglementaires auxquelles elle doit se conformer et du fait qu’elle n’a jamais commis aucune fraude, la décision de la Commission de lui imposer des mesures de contrôle et de monitoring renforcées et systématiques, ainsi que de l’inscrire dans le système de vérification dans le SAP, est disproportionnée. D’autre part, la mesure selon laquelle elle ne devrait plus bénéficier de la faculté de conclure des projets en qualité d’« organisation internationale » serait disproportionnée, compte tenu des vingt ans d’activité et de coopération réussies de la Commission avec la requérante en tant qu’organisation internationale et du fait que la Commission ne peut suspendre, en vertu de l’article 60, paragraphe 4, du règlement financier de 2012, le versement de sommes à des entités qu’en cas de détection d’erreurs systématiques, qui remettraient en cause la fiabilité des systèmes de contrôle interne de l’entité en question. Le fait qu’elle puisse continuer à participer à des procédures autres que celles réservées aux organisations internationales ne saurait remplacer le volume d’activités qu’elle génère, ni les responsabilités qu’elle exerce en qualité d’organisation internationale. Selon la requérante, d’autres mesures, moins contraignantes, telles que le maintien du recours à des contrats en gestion indirecte en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous c), v), du règlement financier de 2012 ou le recours à des contrats en gestion directe dans le cadre d’une attribution directe en raison de la situation de crise des pays où elle opère auraient pu être adoptées, en vertu de l’article 190, paragraphe 4, dudit règlement et de l’article 266 du règlement financier délégué.

126    La Commission conteste cette argumentation.

127    À titre liminaire, il convient de relever que, pour autant que le deuxième moyen vise à contester la proportionnalité des mesures autres que celles consistant à suspendre la possibilité, pour la requérante, d’être sélectionnée ou de participer à des projets en gestion indirecte en tant qu’organisation internationale, ce moyen est irrecevable En effet, dès lors que la demande d’annulation de la lettre attaquée en ce qu’elle prévoit lesdites mesures est irrecevable (voir point 75 ci-dessus), les arguments soulevés dans le cadre du deuxième moyen, visant à établir que la lettre attaquée devrait être annulée au motif que ces mesures sont disproportionnées, sont également irrecevables.

128    S’agissant de la demande d’annulation de la lettre attaquée pour autant qu’elle vise la mesure consistant à suspendre la possibilité, pour la requérante, d’être sélectionnée ou de participer à des projets en gestion indirecte en tant qu’organisation internationale, au motif qu’elle violerait le principe de proportionnalité, il y a lieu de constater que le caractère disproportionné de cette mesure n’a pas été établi. En effet, dès lors qu’il existait des doutes quant au statut juridique d’« organisation internationale » de la requérante, c’est à bon droit que la Commission a suspendu la conclusion de contrats en gestion indirecte avec elle dans l’attente que son statut soit clarifié, afin de préserver les intérêts financiers de l’Union, conformément à l’article 310, paragraphe 5, TFUE, selon lequel le budget est exécuté conformément au principe de bonne gestion financière.

129    Les arguments avancés par la requérante à cet égard ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

130    Premièrement, la requérante fait valoir que, dans la mesure où elle satisfait à l’ensemble des obligations prévues par l’article 60 du règlement financier de 2012, qu’elle qualifie de « quatre piliers d’évaluation », que sont le contrôle interne, le système comptable, l’audit interne et les règles de procédure de passation des marchés, il était disproportionné de suspendre la conclusion avec elle de contrats en gestion indirecte.

131    L’article 58, paragraphe 1, du règlement financier de 2012 prévoit ce qui suit :

« La Commission exécute le budget :

[…]

c)      de manière indirecte (‘‘gestion indirecte’’), lorsque ce mode d’exécution est prévu dans l’acte de base ou dans les cas visés à l’article 54, paragraphe 2, premier alinéa, [sous] a) à d), [du règlement financier de 2012] en confiant des tâches d’exécution budgétaire :

[…]

ii)      à des organisations internationales et à leurs agences ;

[…]

v)      à des organismes de droit public ;

[…] »

132    Ensuite, il y a lieu de rappeler que l’article 43, paragraphe 1, sous a), du règlement financier délégué dispose que les organisations internationales visées à l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement financier de 2012 sont les organisations de droit international public créées par des accords intergouvernementaux ainsi que les agences spécialisées créées par celles-ci.

133    L’article 60, paragraphe 2, du règlement financier de 2012 est libellé comme suit :

« Afin de préserver les intérêts financiers de l’Union, les entités et personnes en charge en vertu de l’article 58, paragraphe 1, [sous] c), conformément au principe de proportionnalité :

a)      mettent en place un système de contrôle interne efficace et efficient et en assurent le fonctionnement ;

b)      ont recours à un système de comptabilité qui fournit des informations exactes, complètes et fiables en temps voulu ;

c)      font l’objet d’un audit externe indépendant, réalisé dans le respect des normes admises au niveau international en matière d’audit par un service d’audit qui est fonctionnellement indépendant de l’entité ou de la personne en question ;

d)      appliquent des règles et des procédures adéquates pour l’octroi de financements sur les fonds de l’Union par l’intermédiaire de subventions, de passations de marchés et d’instruments financiers ;

e)      assurent, conformément à l’article 35, paragraphe 2, une publication a posteriori d’informations sur les destinataires ;

f)      garantissent une protection raisonnable des données à caractère personnel, tel que prévu par la directive 95/46/CE et par le règlement (CE) n° 45/2001.

[…] »

134    Il découle des dispositions citées aux points 131 à 133 ci-dessus que, d’une part, l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement financier de 2012, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 1, du règlement financier délégué, prévoit que seules les entités qui répondent à la qualification d’« organisations internationales » ou d’« agences » de telles organisations peuvent se voir confier des tâches d’exécution budgétaire en gestion indirecte. D’autre part, l’article 60, paragraphe 2, du règlement financier de 2012 prévoit que les organisations internationales, à qui des tâches d’exécution budgétaire en gestion indirecte sont confiées, doivent satisfaire certaines conditions visant, notamment et en substance, à s’assurer de la bonne exécution du budget qui leur est confié, de sorte à préserver les intérêts financiers de l’Union.

135    À cet égard, il convient de constater que l’article 60, paragraphe 2, du règlement financier de 2012 et, partant, le respect des conditions qu’il prévoit présupposent, en tout état de cause, que l’entité concernée soit une organisation internationale. En effet, comme il ressort de cette disposition, celle-ci ne s’applique qu’aux « entités et personnes en charge en vertu de l’article 58, paragraphe 1, [sous] c), [du règlement financier de 2012] », ledit règlement renvoyant au règlement financier délégué, dont l’article 43, paragraphe 1, prévoit que « les organisations internationales visées à l’article 58, paragraphe 1, [sous] c)[,] ii), du règlement financier [2012] sont : a) les organisations de droit international public créées par des accords intergouvernementaux ainsi que les agences spécialisées créées par celles-ci ».

136    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, dès lors qu’il existait des doutes quant au statut d’organisation internationale de la requérante, la Commission ne pouvait plus lui confier l’exécution du budget en gestion indirecte, quand bien même elle aurait rempli les autres conditions prévues par l’article 60, paragraphe 2, du règlement financier de 2012.

137    Deuxièmement, pour autant que la requérante fait valoir que la Commission a été entièrement satisfaite de sa coopération avec elle pendant 20 ans ou que le fait qu’elle puisse continuer à participer à des procédures autres que celles réservées aux organisations internationales ne saurait remplacer le volume d’activités qu’elle génère, ni les responsabilités qu’elle exerce en qualité d’organisation internationale, ces arguments doivent être rejetés comme étant inopérants. En effet, dans la mesure où aucun de ces facteurs n’était de nature à dissiper les doutes que la Commission avait quant au statut juridique d’organisation internationale de la requérante, compte tenu en particulier des déclarations d’États qui contestaient être membres ou fondateurs de celle-ci, la décision de la Commission de suspendre la conclusion de contrats en gestion indirecte avec la requérante était nécessaire pour préserver les intérêts financiers de l’Union.

138    Troisièmement, pour autant que la requérante fait valoir, en substance, que la Commission n’aurait pas dû avoir de doutes quant à son statut d’organisation internationale, de sorte que la mesure visant à suspendre la conclusion de contrats en gestion indirecte avec elle serait disproportionnée, cet argument doit être rejeté comme non fondé, dès lors qu’il repose sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission a commis une erreur en adoptant cette mesure (voir point 103 ci-dessus).

139    Quatrièmement, la requérante soutient que le principe de proportionnalité aurait été respecté de manière plus appropriée si la Commission avait prévu le recours à la conclusion de contrats en gestion indirecte, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous c), v), du règlement financier de 2012, ou le recours à des contrats en gestion directe dans le cadre d’une attribution directe en raison de la situation de crise des pays où la requérante opère, en vertu de l’article 190, paragraphe 4, dudit règlement et de l’article 266 du règlement financier délégué. Cet argument doit toutefois être écarté comme étant non fondé pour les motifs suivants.

140    Tout d’abord, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait pu prévoir le recours à la conclusion de contrats en gestion indirecte en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous c), v), du règlement financier de 2012, il convient de rappeler que, comme il ressort du point 133 ci-dessus, la conclusion de tels contrats en gestion indirecte ne peut se faire qu’avec des entités de droit public. Or, les arguments et éléments de preuve soumis par la requérante ne sont pas susceptibles de dissiper les doutes qui existent quant à son statut.

141    Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû autoriser le recours à des contrats en gestion directe dans le cadre d’une attribution directe en raison de la situation de crise des pays où elle opère, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 266, sous a), du règlement financier délégué, « [p]our les marchés de services, les pouvoirs adjudicateurs peuvent recourir à une procédure négociée sur la base d’une seule offre […] lorsque, pour des raisons d’urgence impérieuse résultant d’événements imprévisibles pour les pouvoirs adjudicateurs et ne pouvant en aucun cas leur être imputables, les délais exigés par les procédures visées à l’article 104, paragraphe 1, [sous] a), b) et c), du règlement financier [de 2012] ne peuvent être respectés ». D’une part, il ressort du libellé de cette disposition qu’elle ne s’applique, à titre exceptionnel, que lorsque des délais ne peuvent être respectés, et non afin de pallier le fait qu’une entité ne satisfait pas aux conditions de l’article 58 du règlement financier de 2012. D’autre part, il est constant que, dans la lettre attaquée, la Commission n’a pas suspendu la possibilité, pour la requérante, d’être sélectionnée ou de participer à des projets en gestion directe en tant qu’organisation internationale.

142    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant en partie irrecevable, en partie inopérant et en partie non fondé.

–       Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

143    La requérante considère que la Commission a violé le principe de sécurité juridique. Premièrement, la Commission n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles elle considère qu’elle ne constitue plus une « organisation internationale » au sens du règlement financier de 2012, en portant ainsi atteinte à l’intangibilité des précédents actes adoptés par la Commission. Deuxièmement, la Commission n’expliquerait pas, dans la lettre attaquée, ce qui permettrait d’établir ce qu’est une « organisation internationale ». Troisièmement, la Commission aurait violé l’article 61, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier de 2012, dans la mesure où la Commission n’était autorisée à revoir son statut au regard du règlement financier de 2012 qu’en raison d’une modification substantielle de sa situation. Quatrièmement, la Commission aurait modifié son interprétation du règlement financier de 2012 en conditionnant la reconnaissance du statut d’« organisation internationale » à la condition que les États membres d’une organisation internationale lui apportent leur soutien financier.

144    La Commission conteste cette argumentation.

145    Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union. À cette fin, il est essentiel que les institutions de l’Union respectent l’intangibilité des actes qu’elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu’elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure (voir arrêt du 25 mars 1999, Forges de Clabecq/Commission, T‑37/97, EU:T:1999:66, point 97 et jurisprudence citée). Toutefois, une violation de ce principe ne saurait utilement être invoquée si le sujet de droit, dont la situation juridique et matérielle était affectée par l’acte en cause, n’a pas respecté les conditions formulées par celui-ci (voir arrêt du 25 mars 1999, Forges de Clabecq/Commission, T‑37/97, EU:T:1999:66, point 98 et jurisprudence citée).

146    À titre liminaire, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel le principe de sécurité juridique n’a pas été violé dans la mesure où la lettre attaquée ne faisait pas grief à la requérante. En effet, comme il a été constaté au point 52 ci-dessus, la lettre attaquée constitue un acte faisant grief à la requérante pour autant qu’elle suspend la possibilité, pour la requérante, d’être sélectionnée ou de participer à des projets en gestion indirecte en qualité d’organisation internationale.

147    En l’espèce, il convient de rappeler que, comme il a été constaté au point 85 ci-dessus, la Commission a exprimé des doutes quant au statut d’organisation internationale de la requérante, en raison du fait, en particulier, que certains États ont contesté qu’ils étaient ses membres ou fondateurs. La Commission n’a donc pas violé le principe de sécurité juridique, en concluant que, compte tenu de ces nouvelles circonstances factuelles de nature à jeter un doute sur son statut d’organisation internationale, la requérante ne devrait plus conclure de projets en gestion indirecte en qualité d’organisation internationale tant que ces doutes ne seraient pas dissipés.

148    Aucun des arguments avancés par la requérante à cet égard ne saurait remettre en cause cette conclusion.

149    Premièrement, pour autant que la requérante estime que la Commission n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles elle considère qu’elle ne constitue plus une « organisation internationale » au sens du règlement financier de 2012, en portant ainsi atteinte à l’intangibilité des précédents actes adoptés par la Commission, il y a lieu de constater que, comme cela est expliqué au point 147 ci-dessus, c’est au regard des nouvelles circonstances selon lesquelles des États ont contesté être membres ou fondateurs de la requérante que la Commission a remis en cause le statut d’organisation internationale de la requérante qui lui avait été reconnu par le passé. Cette remise en cause, qui repose sur de nouvelles circonstances factuelles, ne viole donc pas le principe de sécurité juridique, tel que défini dans la jurisprudence citée au point 145 ci-dessus.

150    Deuxièmement, pour autant que la requérante fait valoir que la Commission n’expliquerait pas dans la lettre attaquée ce qui permettrait de répondre à la notion d’« organisation internationale », il y a lieu de constater, à cet égard, que le fait que la Commission estime que les déclarations des États contestant le statut d’organisation internationale de la requérante jettent un doute sur son statut implique qu’elle considère que de telles déclarations s’opposent à la reconnaissance de ce statut. Il ressort donc implicitement, mais nécessairement, de la lettre attaquée qu’il appartenait à la requérante d’établir que les déclarations de ces États étaient erronées, ce qui lui aurait permis d’établir qu’aucune circonstance factuelle nouvelle ne justifiait la remise en cause de son statut d’organisation internationale.

151    Troisièmement, la requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 61, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier de 2012, dans la mesure où la Commission n’était autorisée à revoir son statut au regard dudit règlement qu’en raison d’une modification substantielle de sa situation. Cet argument doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, c’est en raison même de la modification des circonstances factuelles évoquées au point 147 ci-dessus que la Commission a émis des doutes sur le statut d’organisation internationale de la requérante.

152    Quatrièmement, la requérante estime que la Commission a modifié son interprétation du règlement financier de 2002 en déterminant la reconnaissance du statut d’« organisation internationale » à la condition préalable que les États membres d’une organisation internationale lui apportent leur soutien financier. Cet argument doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, dès lors qu’il existait des doutes quant au statut d’organisation internationale de la requérante, cette dernière ne répondait plus aux exigences prévues par l’article 58 du règlement financier de 2012, de sorte que la Commission n’a commis aucune erreur en suspendant la possibilité, pour la requérante d’être sélectionnée ou de participer à des projets en gestion indirecte en tant qu’organisation internationale.

153    À la lumière de tout ce qui précède, le cinquième moyen doit être rejeté.

–       Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

154    La requérante invoque une violation du principe de protection de la confiance légitime, dès lors que toutes les prises de position préalables de la Commission convergeaient vers la reconnaissance de son statut d’« organisation internationale ». Elle ajoute qu’elle ignorait, et continue d’ignorer, les motifs précis des doutes que la Commission avait quant à son statut d’organisation internationale.

155    La Commission conteste cette argumentation.

156    Selon la jurisprudence, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, principe fondamental du droit de l’Union (arrêt du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, EU:C:1999:498, point 52), s’étend à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées (arrêt du 27 septembre 2012, Producteurs de légumes de France/Commission, T‑328/09, non publié, EU:T:2012:498, point 18).

157    Le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 27 septembre 2012, Producteurs de légumes de France/Commission, T‑328/09, non publié, EU:T:2012:498, point 19 et jurisprudence citée).

158    D’une part, en l’espèce, il convient de constater que la requérante ne fournit aucune preuve que la Commission lui aurait fourni une quelconque assurance précise que, si les circonstances factuelles changeaient, elle continuerait de la considérer comme une organisation internationale. D’autre part, dès lors que des États contestaient qu’ils étaient membres ou fondateurs de la requérante, il existait des doutes remettant en cause le statut de cette dernière et la possibilité, pour elle, d’être sélectionnée ou de participer à des projets en gestion indirecte en tant qu’organisation internationale.

159    Par ailleurs, il importe de relever que, contrairement à ce qu’affirme la requérante et comme il a été constaté au point 89 ci-dessus, elle connaissait les motifs ayant conduit la Commission à avoir des doutes quant à son statut d’organisation internationale.

160    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le sixième moyen et, partant, la demande en annulation dans son ensemble.

 B – Sur la demande en indemnité

161    La requérante demande à obtenir réparation pour le préjudice matériel et moral qu’elle aurait subi. À cet égard, elle demande à être dédommagée à concurrence de 14 millions d’euros par an en ce qui concerne le préjudice qu’elle aurait subi pour ne plus avoir la possibilité d’être sélectionnée ou de participer à des projets en gestion indirecte en raison des doutes existant quant à son statut d’organisation internationale, de 88 200 euros pour son préjudice résultant des contrôles renforcés faits pour chaque projet, et d’un euro symbolique, « sous réserve de parfaire », pour son préjudice moral résultant de l’atteinte à son image et à sa réputation. En réponse aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a précisé, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience, qu’elle demandait réparation à concurrence de 14 millions d’euros par an pour les années 2015 et 2016, soit un montant total de 28 millions d’euros, pour le préjudice qu’elle a subi en conséquence des doutes que la Commission aurait eu quant à son statut d’organisation internationale.

162    La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé de cette demande. Premièrement, selon elle, la lettre attaquée ne comporterait aucune illégalité, et encore moins une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit. Deuxièmement, il n’existerait aucun lien de causalité entre la prétendue illégalité et le prétendu préjudice, qui ne serait ni réel ni certain.

163    En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

164    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16, et du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, EU:T:2005:453, point 95).

165    Tout d’abord, s’agissant de la condition relative au comportement illégal reproché à l’institution ou à l’organe concerné, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe de l’Union concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ou cet organe ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêts du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 54, et du 12 juillet 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑198/95, T‑171/96, T‑230/97, T‑174/98 et T‑225/99, EU:T:2001:184, point 134).

166    Ensuite, s’agissant de la condition relative à la réalité du dommage, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si la partie requérante a effectivement subi un préjudice réel et certain (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 1996, Candiotte/Conseil, T‑108/94, EU:T:1996:5, point 54). Il incombe à la partie requérante d’apporter des éléments de preuve au juge de l’Union afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (voir, en ce sens, arrêts du 21 mai 1976, Roquette frères/Commission, 26/74, EU:C:1976:69, points 22 à 24, et du 9 janvier 1996, Koelman/Commission, T‑575/93, EU:T:1996:1, point 97).

167    Enfin, s’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, ledit préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1979:223, point 21 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, EU:T:2006:121, point 130 et jurisprudence citée). Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T‑149/96, EU:T:1998:228, point 101 et jurisprudence citée).

168    Dès lors que l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, les prétentions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les deux autres conditions sont réunies (arrêt du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, EU:T:2002:34, point 37 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81). Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 13).

169    En l’espèce, il convient de relever, à titre liminaire, que, selon la Commission, la demande en indemnité de la requérante repose entièrement sur le constat, dans le cadre de sa demande en annulation, selon lequel la lettre attaquée serait illégale. La Commission considère en effet que, dans la mesure où la demande en annulation de la requérante est irrecevable, sa demande en indemnité le serait également. Cet argument de la Commission doit être rejeté comme étant non fondé, dès lors qu’il repose sur la prémisse erronée selon laquelle la demande en annulation de la requérante est irrecevable. En effet, comme il a été constaté au point 75 ci-dessus, la demande en annulation de la requérante est partiellement recevable.

170    Premièrement, s’agissant de la demande de la requérante de lui octroyer 28 millions d’euros de dommages et intérêts pour le préjudice qu’elle aurait subi en conséquence de la mesure prise par la Commission en raison des doutes que cette dernière aurait eu quant à son statut d’organisation internationale, cette demande doit être rejetée comme étant non fondée. En effet, dès lors que, comme il a été constaté au point 152 ci-dessus, la Commission n’a commis aucune erreur en suspendant la possibilité, pour la requérante, d’être sélectionnée ou de participer à des projets en gestion indirecte en tant qu’organisation internationale tant qu’il existerait des doutes sur son statut d’organisation internationale, la requérante n’établit pas que la Commission a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Union pour ce motif.

171    Deuxièmement, s’agissant de la demande de la requérante de lui octroyer 88 200 euros qui correspondraient aux ressources à mobiliser aux fins des « mesures d’audit et de vigilance renforcées et systématiques » ordonnées, force est de constater, d’abord, que, comme la Commission le fait observer, la requérante n’établit pas que ce préjudice est réel. En effet, à cet égard, elle n’avance que des tableaux comprenant des « estimations », d’abord pour un montant total de 88 200 euros dans le cadre de la requête, puis pour 38 627 euros au stade du mémoire en réplique, de ses prétendus coûts, qui ne sont étayés toutefois par aucune facture ou autre preuve matérielle. Ensuite, il y a lieu de constater que la requérante n’a avancé aucun argument ou preuve établissant que lesdits coûts résultaient des mesures que la Commission avait prises en raison des doutes qui existaient quant à son statut d’organisation internationale. Enfin, et en toute hypothèse, comme il a été constaté au point 59 ci-dessus, à supposer même que ces coûts aient été supportés par la requérante, ils doivent être considérés comme indissociables de l’exécution des contrats dans le cadre desquels ils ont été pris, de sorte qu’ils ne sauraient être considérés comme ayant engendré un préjudice pouvant faire l’objet d’un recours en responsabilité extracontractuelle. Dans ces conditions, cette demande doit être rejetée.

172    Troisièmement, s’agissant du préjudice moral qu’elle aurait prétendument subi en raison de l’atteinte à son image et à sa réputation, force est de constater, d’abord, qu’une telle atteinte ne pourrait que découler de la faute que la Commission aurait commise en considérant qu’il existait des doutes sur son statut d’organisation internationale. Or, comme il a été constaté au point 103 ci-dessus, la Commission n’a commis aucune erreur en considérant que de tels doutes existaient. Ensuite, et en toute hypothèse, la requérante n’avance aucun argument ou preuve que les mesures additionnelles et le signalement de vérification, qui sont des mesures internes à la Commission, aient porté atteinte à son image ou à sa réputation. Dans ces conditions, la demande de la requérante de lui octroyer réparation pour son prétendu préjudice moral doit être rejetée comme étant non fondée.

173    Pour ces motifs, il y a lieu de constater que l’une ou l’autre des trois conditions pour engager la responsabilité de l’Union ne sont pas remplies en l’espèce, et, partant, de rejeter la demande en indemnité dans son ensemble.

 C – Sur la demande de la Commission relative au rapport final de l’OLAF et à l’avis de son service juridique

174    Comme il est indiqué au point 25 ci-dessus, dans le mémoire en duplique et lors de l’audience, la Commission a demandé que l’avis de son service juridique et le rapport final de l’OLAF soient retirés du dossier devant le Tribunal, dans la mesure où ni l’OLAF ni la Commission n’ont communiqué, ni autorisé la communication, de ces documents au public ou à la requérante, et que ces documents ont fait l’objet d’une fuite.

175    La requérante s’oppose à cette demande.

176    S’agissant, premièrement, de l’avis du service juridique de la Commission, il y a lieu de rappeler, d’abord, qu’il ressort de la jurisprudence que, s’agissant de tels avis, leur divulgation est susceptible d’affecter considérablement, à la fois, la liberté d’opinion dudit service juridique et sa capacité à défendre efficacement devant le juge de l’Union, sur un pied d’égalité avec les autres représentants légaux des différentes parties à la procédure juridictionnelle, la position définitive de la Commission et le processus décisionnel interne de cette dernière (arrêt du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 131).

177    En l’espèce, d’une part, il est constant que l’avis du service juridique de la Commission fourni par la requérante a fait l’objet d’une fuite, de sorte que ce document n’a pas été divulgué de manière intentionnelle par la Commission. D’autre part, le fait que ce document ait été rendu public comme la requérante le fait valoir ne modifie en rien le constat que le Tribunal ne saurait le prendre en compte dans le cadre de l’examen de la présente affaire pour les motifs exposés au point 176 ci-dessus.

178    À cet égard, il importe de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, les circonstances de l’espèce ne sont pas analogues à celles ayant conduit à l’adoption de l’arrêt du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission (T‑48/05, EU:T:2008:257, points 73 à 82). En effet, dans cette dernière affaire, les documents ayant fait l’objet de fuites ne concernaient pas l’avis que le service juridique de la Commission donne aux directions générales qui la composent et qui ne peuvent être pris en compte pour les motifs mentionnés au point 176 ci-dessus.

179    Par ailleurs, il convient également de rappeler que la requérante n’aurait pas pu avoir accès à l’avis du service juridique de la Commission sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43). En effet, aux termes de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, dudit règlement, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document demandé.

180    Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer que l’annexe contenant l’avis du service juridique de la Commission est irrecevable, et, partant, d’une part, d’ordonner son retrait du dossier devant le Tribunal et, d’autre part, de supprimer du dossier toute référence à ladite annexe ainsi qu’à son contenu.

181    S’agissant, deuxièmement, du rapport final de l’OLAF, il y a lieu de rappeler que, comme il ressort de la jurisprudence exposée au point 118 ci-dessus, ce n’est que si les autorités destinataires du rapport final ont l’intention d’adopter des actes faisant grief aux personnes concernées que ces autorités devraient, conformément aux règles procédurales qui leur sont applicables, donner accès au rapport final de l’OLAF pour permettre à ces personnes d’exercer leurs droits de la défense.

182    En l’espèce, il est constant que le rapport final de l’OLAF a fait l’objet d’une fuite, de sorte que ce document n’a pas été divulgué de manière intentionnelle par la Commission.

183    Toutefois, force est également de constater que le rapport final de l’OLAF aurait dû, conformément à la jurisprudence citée au point 118 ci-dessus, être communiqué à la requérante, dès lors que la lettre attaquée, qui a été adoptée à la suite dudit rapport, fait grief à la requérante, en ce qu’elle ne dispose plus de la possibilité d’être sélectionnée ou de participer aux contrats en gestion indirecte en tant qu’organisation internationale tant qu’il existera des doutes quant à son statut d’organisation internationale.

184    Dans ces conditions, et quand bien même le rapport final de l’OLAF n’aurait pas été divulgué de manière intentionnelle par la Commission, il y a lieu de déclarer l’annexe contenant ledit rapport recevable, en ce que la Commission était en toute hypothèse tenue de le fournir à la requérante. La demande de la Commission tendant à ce que le Tribunal ordonne le retrait de ce document du dossier devant lui doit donc être rejetée.

 Sur les dépens

185    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours pour autant qu’International Management Group (IMG) demande l’annulation de son inscription à un signalement de vérification dans le système d’alerte précoce.

2)      Le recours est rejeté comme irrecevable ou non fondé pour le surplus.

3)      IMG est condamnée aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 février 2017.

Signatures


* Langue de procédure : le français.

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