Acquafarm v Commission ( - Judgment) French Text [2017] EUECJ T-458/16 (16 November 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T45816.html
Cite as: EU:T:2017:810, [2017] EUECJ T-458/16, ECLI:EU:T:2017:810

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 novembre 2017 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Pêche – Programme opérationnel financé par l’Union – Réglementation de l’Union interdisant l’importation de crustacés en provenance d’Australie – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Abstention d’agir – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑458/16,

Acquafarm, SL, établie à Huelva (Espagne), représentée par Me A. Pérez Moreno, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. P. Arenas, Mmes I. Galindo Martín et F. Moro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi à la suite de l’impossibilité de mener à terme un projet d’aquaculture visant des crustacés en provenance d’Australie et ayant bénéficié d’un cofinancement sur le fondement du règlement (CE) n° 1198/2006 du Conseil, du 27 juillet 2006, relatif au Fonds européen pour la pêche (JO 2006, L 223, p. 1), en raison de l’interdiction de l’importation desdits crustacés conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 1251/2008 de la Commission, du 12 décembre 2008, portant application de la directive 2006/88/CE du Conseil en ce qui concerne les conditions et les exigences de certification applicables à la mise sur le marché et à l’importation dans la Communauté d’animaux d’aquaculture et de produits issus de ces animaux et établissant une liste des espèces vectrices (JO 2008, L 337, p. 41),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. R. Barents, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Acquafarm, SL, est une société active dans le secteur de l’aquaculture en Espagne.

2        Ayant engagé des démarches administratives auprès des autorités locales et régionales d’Andalousie (Espagne) afin de réaliser un projet d’aquaculture visant un crustacé d’eau douce en provenance d’Australie, à savoir le Cherax Quadricarinatus (ci-après l’« espèce en cause »), en juillet 2004, la requérante a introduit une demande de financement auprès des autorités régionales d’Andalousie, dans le cadre du règlement (CE) n° 1263/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, relatif à l’Instrument financier d’orientation de la pêche (JO 1999, L 161, p. 54).

3        La requérante prétend avoir effectué des importations en Espagne de l’espèce en cause à plusieurs reprises, notamment en octobre 2004, en juillet 2005 ainsi qu’en mars et en avril 2008.

4        En février 2005, les autorités locales ont octroyé à la requérante la licence municipale d’ouverture des installations nécessaires à la réalisation de son projet.

5        En février et août 2005, les autorités régionales ont identifié des risques liés à la possible libération accidentelle de l’espèce en cause dans l’environnement et ont demandé des renseignements additionnels à la requérante.

6        En septembre 2005, la requérante a envoyé ses commentaires aux autorités régionales, indiquant en particulier que le commerce du Cherax Quadricarinatus vivant était légal et constituait, dès lors, une activité effectivement réalisée sur le territoire de l’Union européenne. Par ailleurs, elle a ajouté que des installations d’aquaculture pour une espèce proche avaient été autorisées en Italie et avaient même été financées par l’Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP).

7        En novembre 2005, les autorités régionales ont autorisé le projet d’aquaculture en cause.

8        En juin 2006, sur la base de la demande mentionnée au point 2 ci-dessus, les autorités régionales ont approuvé provisoirement l’octroi d’une aide d’environ 950 000 euros, dont environ 866 000 euros ont été définitivement approuvés en décembre 2008 et en août 2010, à la suite de la réalisation des travaux envisagés par la requérante.

9        En septembre 2006, le règlement (CE) n° 1198/2006 du Conseil, du 27 juillet 2006, relatif au Fonds européen pour la pêche (JO 2006, L 223, p. 1), est entré en vigueur.

10      En janvier 2009, le règlement (CE) n° 1251/2008 de la Commission, du 12 décembre 2008, portant application de la directive 2006/88/CE du Conseil en ce qui concerne les conditions et les exigences de certification applicables à la mise sur le marché et à l’importation dans la Communauté d’animaux d’aquaculture et de produits issus de ces animaux et établissant une liste des espèces vectrices (JO 2008, L 337, p. 41), est entré en vigueur.

11      En novembre 2010, la requérante a introduit une seconde demande de financement auprès des autorités régionales d’Andalousie, cette fois-ci sur le fondement du règlement n° 1198/2006.

12      En juin 2011, ces autorités régionales ont décidé d’accorder l’aide demandée pour un montant d’environ 260 000 euros, qui serait cofinancé par le Fonds européen pour la pêche, les autorités centrales espagnoles et les autorités régionales, sous réserve du respect d’une série de conditions.

13      En mai 2012, les autorités régionales ont accordé un délai supplémentaire pour la réalisation des travaux relatifs aux installations susceptibles de faire l’objet de l’aide.

14      À une date indéterminée, mais, en tout état de cause, au plus tard en mai 2012, la requérante a été informée par un producteur-exportateur australien que l’importation sur le territoire de l’Union de l’espèce en cause en tant qu’animaux d’aquaculture destinés à l’élevage en provenance d’Australie n’était pas autorisée par l’annexe III du règlement n° 1251/2008.

15      Par lettre du 20 février 2013, la requérante a demandé à la Commission européenne une compensation pour le dommage prétendument subi en raison du manque de coordination entre les autorités espagnoles et l’Union et de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

16      Le 6 mai 2013, la requérante a adressé une lettre aux autorités nationales demandant une compensation pour le dommage prétendument subi.

17      Par lettre du 14 mai 2013, la Commission a répondu à la requérante, en indiquant que la gestion de l’IFOP et du Fonds européen pour la pêche était une compétence partagée entre l’Union et les autorités nationales. Elle a ajouté que la gestion des projets individuels incombait aux autorités nationales et, à toutes fins utiles, elle a fait parvenir une copie de la lettre à celles-ci.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juillet 2016, la requérante a introduit le présent recours.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        condamner l’Union et la Commission au versement d’une somme de 5 millions d’euros pour la réparation du préjudice subi.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

21      Le Tribunal (huitième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

22      Au soutien de son recours, la requérante avance un moyen unique, tiré de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union. Selon elle, les trois conditions permettant d’engager cette responsabilité sont remplies en l’espèce, à savoir l’illégalité du comportement de la Commission, l’existence d’un préjudice et l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité et le préjudice.

23      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure, la Commission soutient que le recours est irrecevable au motif que la requérante n’aurait pas démontré qu’il a été introduit dans le délai de cinq ans prévu à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En tout état de cause, le recours serait non fondé.

24      Il y a lieu de rappeler que le Tribunal est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 50 à 52). En l’espèce, le Tribunal estime qu’il convient de se prononcer, tout d’abord, sur le fond du recours.

 Sur l’illégalité du comportement de la Commission

 Arguments des parties

25      En substance, les arguments de la requérante concernant le comportement prétendument illégal de la Commission peuvent être divisés en deux branches. D’une part, elle reproche un manque de coordination entre la Commission et les autorités nationales espagnoles dans la gestion des aides du Fonds européen pour la pêche, qui serait une compétence partagée. D’autre part, elle invoque la violation du principe de protection de la confiance légitime.

26      Dans ce contexte, la requérante fait valoir qu’il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, puisque cette condition porte essentiellement sur l’adoption d’actes normatifs et que, en l’espèce, elle invoque une illégalité résultant d’une action ou omission individuelle. Pour la même raison, la requérante conteste le fait qu’il soit nécessaire de démontrer la violation d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers.

27      S’agissant de la première branche, relative au prétendu manque de coordination, la requérante relève que, même si la compétence pour la gestion et le paiement des aides concrètes relatives au Fonds européen pour la pêche appartient aux autorités régionales d’Andalousie, l’Union a une compétence de contrôle. À ce propos, elle relève que la Commission s’assure de la conformité du système de gestion et de contrôle national avec le droit de l’Union et, partant, peut suspendre les paiements ou adopter des mesures de correction financière.

28      À cet égard, premièrement, la requérante fait référence au règlement n° 1198/2006, dont le considérant 12 indique que, sans préjudice des compétences de la Commission, la mise en œuvre et le contrôle des interventions devraient relever en premier lieu de la responsabilité des États membres. De plus, selon l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, les objectifs du Fonds seraient poursuivis dans le cadre d’une coopération étroite entre la Commission et l’État membre.

29      Deuxièmement, la requérante invoque la décision C(2007) 6615 de la Commission, du 13 décembre 2007, concernant l’approbation du programme opérationnel d’intervention communautaire du Fonds européen pour la pêche de l’Espagne pour la période 2007-2013, qui prévoit l’octroi d’aides pour la modernisation d’installations d’aquaculture.

30      Troisièmement, la requérante fait référence au règlement n° 1251/2008 concernant la mise sur le marché et l’importation d’animaux d’aquaculture, qui rendrait impossible l’importation dans l’Union de l’espèce visée par son établissement d’aquaculture.

31      À la lumière de ce cadre normatif, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir permis l’octroi d’aides pour la réalisation d’un projet aquacole visant une espèce de crustacés en provenance d’Australie dont l’importation était interdite par la législation de l’Union, sans même l’avertir de ce fait, qu’elle aurait appris par le biais de son exportateur. Cela constituerait une violation de l’obligation de coordination entre la Commission et les autorités nationales espagnoles et, partant, un comportement illégal aux fins de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

32      S’agissant de la seconde branche, la requérante soutient que ce comportement illégal constitue également une violation du principe de protection de la confiance légitime. En effet, l’octroi des aides et le maintien des autorisations accordées pour la réalisation de l’activité en cause auraient fait naître chez elle la confiance légitime que ladite activité était parfaitement licite. En particulier, elle fonde sa prétention sur le fait qu’une partie de la première aide avait été définitivement approuvée en août 2010 et que la décision d’accorder la seconde aide avait été adoptée en juin 2011, à savoir après l’entrée en vigueur du règlement n° 1251/2008 qui interdisait l’importation de l’espèce en cause en provenance d’Australie.

33      Enfin, la requérante soutient que le droit espagnol ainsi que la jurisprudence espagnole confirment l’obligation de l’Union d’indemniser le préjudice qu’elle a subi.

34      La Commission conteste les arguments de la requérante.

35      Premièrement, s’agissant de la violation de l’obligation de coordination entre elle et les autorités nationales, la Commission comprend qu’il lui est reproché de ne pas avoir détecté l’éventuelle illégalité de l’octroi des aides. À cet égard, elle relève que le droit de l’Union ne prévoit pas un tel contrôle ex ante. En outre, elle soutient qu’elle ne vérifie pas la légalité de projets concrets, ni avant ni après l’octroi du financement par les États membres, mais le bon fonctionnement du système de gestion et de contrôle mis en place par ceux-ci. Même si, lors de cette vérification, elle peut auditer des projets concrets, un tel audit n’aurait pas pour objet de vérifier la légalité du projet concret, mais de s’assurer que les systèmes de vérification des dépenses mis en place par les États membres sont efficaces. Enfin, elle relève que la seconde aide en cause n’a finalement pas été cofinancée par le Fonds européen pour la pêche, malgré ce qui avait été initialement envisagé.

36      Par ailleurs, la Commission fait valoir que la requérante n’a pas démontré l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, à savoir une méconnaissance manifeste et grave des limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’obligation de coordination.

37      En tout état de cause, l’obligation de coordination invoquée par la requérante ne constituerait pas une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

38      Deuxièmement, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, la Commission admet qu’il s’agit d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Cependant, elle n’aurait pas donné des assurances précises, inconditionnelles et concordantes sur la légalité de l’activité en question ou de l’importation dans l’Union de l’espèce en cause. En effet, l’octroi des aides ne saurait être assimilé à de telles garanties de sa part, parce qu’elle n’interviendrait pas dans cet octroi et n’examinerait pas la légalité du projet.

 Appréciation du Tribunal

39      Aux termes de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

40      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de la disposition susmentionnée, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16 ; du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, EU:T:2005:453, point 95, et du 16 décembre 2015, Chart/SEAE, T‑138/14, EU:T:2015:981, point 49).

41      Ces trois conditions sont cumulatives. Ainsi, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt du 16 décembre 2015, Chart/SEAE, T‑138/14, EU:T:2015:981, point 50 ; voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81, et du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, EU:T:2002:34, point 37).

42      S’agissant de la condition relative au comportement illégal reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union concerné, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42). Le critère décisif permettant de considérer qu’une violation est suffisamment caractérisée consiste en la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe de l’Union concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ou cet organe ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêts du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 54, et du 12 juillet 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑198/95, T‑171/96, T‑230/97, T‑174/98 et T‑225/99, EU:T:2001:184, point 134).

43      Il convient de préciser que la nature générale ou individuelle d’un acte d’une institution n’est pas un critère déterminant pour identifier les limites du pouvoir d’appréciation dont dispose l’institution en cause (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 46).

44      Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que le critère de la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit est applicable non seulement lorsque est en cause l’action normative de l’Union, mais également lorsque est en cause un acte individuel ou une omission individuelle. Même dans cette hypothèse, le juge de l’Union ne peut pas se borner à constater l’existence d’une simple illégalité, mais doit établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée par l’institution défenderesse [voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 49].

45      Dès lors, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 42 à 44 ci-dessus, il convient de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle il n’est pas nécessaire, en l’espèce, de démontrer l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers.

46      S’agissant de la première branche, relative au prétendu manque de coordination entre la Commission et les autorités nationales, qui constituerait un comportement illégal imputable à la Commission, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 20 de la réplique, la requérante ne reproche pas à cette dernière l’adoption du règlement n° 1251/2008, qui interdisait l’importation dans l’Union de l’espèce en cause en provenance d’Australie. Ainsi qu’il découle, en particulier, des points 68 et 71 de la requête et du point 23 de la réplique, elle reproche à la Commission d’avoir permis l’octroi d’aides par les autorités nationales pour cette activité ou de ne pas l’avoir avertie que ladite activité n’était pas licite. Dès lors, en substance, la requérante reproche à la Commission une omission ou une abstention d’agir.

47      Il a été jugé que les omissions des institutions de l’Union n’étaient susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union que dans la mesure où les institutions avaient violé une obligation légale d’agir résultant d’une disposition du droit de l’Union (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 58, et du 13 novembre 2008, SPM/Conseil et Commission, T‑128/05, non publié, EU:T:2008:494, point 128).

48      En l’espèce, force est de constater que la requérante n’identifie aucune disposition du droit de l’Union qui imposait à la Commission une obligation d’empêcher l’octroi des aides au projet en cause ou de l’avertir que son activité était illicite. En effet, ni le considérant 12 ni l’article 8 du règlement n° 1198/2006, cités par la requérante, ne contiennent de telles obligations spécifiques. Ces dispositions se bornent à faire référence à une coopération étroite entre la Commission et les États membres, en précisant, par ailleurs, que la mise en œuvre et le contrôle des interventions relèvent en premier lieu de la responsabilité des États membres. De plus, comme le fait remarquer la Commission à juste titre dans ses écritures, il ressort de l’article 10 du règlement n° 1198/2006 que la Commission s’assure de l’existence de systèmes de gestion et de contrôle dans les États membres ainsi que de leur bon fonctionnement. Ce partage des compétences est explicité davantage, notamment, aux articles 70 et 72 du règlement n° 1198/2006.

49      Partant, il ne ressort pas des dispositions citées par la requérante que la Commission pourrait être tenue pour responsable du contrôle de la légalité du financement de projets concrets. Son rôle se limite à s’assurer de l’existence de systèmes de gestion et de contrôle efficaces dans les États membres.

50      Quant à la décision concernant l’approbation du programme opérationnel de l’Espagne (voir point 29 ci-dessus) et au règlement n° 1251/2008, cités par la requérante, il suffit de relever que cette dernière ne fait référence à aucune disposition qui imposerait l’obligation mentionnée aux points 46 et 48 ci-dessus.

51      Afin de juger du présent litige, outre ce qui précède, il y a lieu de tenir compte des deux considérations suivantes.

52      D’une part, s’agissant de la première demande d’aide, introduite en juillet 2004 et accordée de manière provisoire en juin 2006 par les autorités régionales, il est constant que le règlement n° 1251/2008, qui interdisait l’importation de l’espèce en cause en provenance d’Australie, est entré en vigueur à une date ultérieure. Dès lors, le fait que l’approbation définitive d’une tranche de cette aide ait eu lieu en août 2010 est inopérant aux fins du présent recours. En ce qui concerne la seconde demande d’aide, introduite en novembre 2010, à savoir après l’entrée en vigueur du règlement n° 1251/2008, la Commission relève, sans être contredite par la requérante, que cette aide n’a pas été effectivement cofinancée par le Fonds européen pour la pêche. Dans ces circonstances, il ne saurait être, en tout état de cause, reproché à la Commission d’avoir violé une quelconque obligation de coordination résultant du régime applicable à ce Fonds.

53      D’autre part, il y a lieu de rappeler qu’il appartient en premier lieu aux opérateurs économiques concernés d’apprécier le cadre juridique applicable à leurs activités, selon l’adage « nul n’est censé ignorer la loi ». De plus, les entreprises supportent elles-mêmes le risque d’une appréciation erronée de leur situation juridique (voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 2003, Allemagne/Commission, C‑512/99, EU:C:2003:40, points 59 à 64, et du 15 juillet 2015, Socitrel et Companhia Previdente/Commission, T‑413/10 et T‑414/10, EU:T:2015:500, point 304). Dès lors, la requérante ne saurait invoquer son ignorance du droit de l’Union afin de faire naître une obligation pour la Commission de l’informer que son activité était devenue illégale.

54      Dès lors, à la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, même à supposer que l’obligation de coordination soit considérée comme une règle de droit conférant des droits aux particuliers, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de ladite règle par la Commission.

55      S’agissant de la seconde branche, selon la jurisprudence, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants qui émanent de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration. En outre, il ressort de la jurisprudence que des assurances ne tenant pas compte des dispositions applicables ne sauraient créer une confiance légitime chez l’intéressé, même à supposer qu’elles soient prouvées (arrêt du 8 mai 2007, Citymo/Commission, T‑271/04, EU:T:2007:128, point 138).

56      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, si le principe de la protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union, les opérateurs économiques ne sont toutefois pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d'une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union (arrêt du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, EU:T:1997:113, point 32).

57      En l’espèce, il suffit de constater que la requérante n’avance aucun élément susceptible d’être qualifié d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes données par la Commission et attestant sans ambigüité que l’activité en question était licite. En effet, les aides en cause, ainsi que les autorisations pour l’activité de la requérante, ont été accordées par les autorités nationales, sans intervention de la Commission dans l’approbation de projets concrets comme celui en cause. Dès lors, il ne s’agit pas d’actes de la Commission. De surcroît, s’agissant des aides, il y a lieu de se référer aux considérations exposées au point 52 ci-dessus.

58      Par ailleurs, dès lors que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration, la requérante ne saurait fonder sa confiance légitime sur la simple inaction de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, DEI/Commission, T‑169/08 RENV, EU:T:2016:733, point 222), et ce d’autant plus qu’il n’y aucune indication dans le dossier que le projet en cause aurait été porté à la connaissance de la Commission avant la lettre de la requérante du 20 février 2013.

59      À cet égard, il doit être rappelé que le principe de la protection de la confiance légitime ne peut pas être invoqué par une personne qui s’est rendue coupable d’une violation manifeste de la réglementation en vigueur. Dès lors, une entreprise qui adopte délibérément un comportement contraire à la réglementation en vigueur n’est pas fondée à invoquer une violation de ce principe au seul motif que l’institution concernée ne lui aurait pas indiqué que son comportement était contraire à ladite réglementation (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, EU:C:2005:454, point 41). En l’espèce, force est de constater que l’importation de l’espèce en cause en provenance d’Australie était manifestement contraire aux dispositions du règlement n° 1251/2008, à la lumière de son annexe III.

60      En tout état de cause, même à supposer que la Commission ait fourni des assurances selon lesquelles l’activité d’importation de l’espèce en cause en provenance de l’Australie était licite, de telles assurances seraient contraires aux dispositions du règlement n° 1251/2008 et, partant, ne sauraient fonder une confiance légitime chez la requérante, conformément à la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus.

61      Enfin, en ce qui concerne les arguments de la requérante fondés sur le droit espagnol, il convient de rappeler qu’aucune disposition ne confère au juge de l’Union la compétence pour apprécier, que ce soit dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 263 TFUE ou sur l’article 340 TFUE, la légalité d’un acte ou d’un comportement d’une institution de l’Union au regard du droit national. La circonstance que l’article 340, deuxième alinéa, TFUE établit que l’action en responsabilité non contractuelle est régie par les « principes généraux communs aux droits des États membres » est sans pertinence à cet égard. Il ressort de cette disposition que, afin de déterminer la nature et les conditions de mise en œuvre du régime de responsabilité non contractuelle de l’Union, le juge est amené à se fonder sur lesdits principes. En revanche, la référence à ces principes n’implique pas que le juge de l’Union puisse avoir à connaître de demandes fondées sur des dispositions du droit national (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2016, Weissenfels/Parlement, T‑684/15 P, non publié, EU:T:2016:525, points 30 et 31). Dès lors, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante fondés sur le droit national.

62      Au vu de ce qui précède, les arguments relatifs à l’illégalité du comportement de la Commission doivent être rejetés.

 Conclusion

63      Les trois conditions relatives à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union étant cumulatives, ainsi qu’il a été indiqué au point 41 ci-dessus, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments relatifs au préjudice et au lien de causalité et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Acquafarm, SL supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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