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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Bodson and Others v EIB (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-508/16 (06 July 2017) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T50816.html Cite as: [2017] EUECJ T-508/16, EU:T:2017:469, ECLI:EU:T:2017:469 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
6 juillet 2017 (*)
« Fonction publique – Personnel de la BEI – Nature contractuelle de la relation de travail – Rémunération – Réforme du régime des primes – Confiance légitime – Sécurité juridique – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Devoir de sollicitude – Article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI – Égalité de traitement »
Dans l’affaire T‑508/16,
Jean-Pierre Bodson, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et les autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me L. Levi, avocat,
parties requérantes,
contre
Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. C. Gómez de la Cruz, G. Nuvoli et T. Gilliams, puis par M. Gilliams et Mme G. Faedo, en qualité d’agents, assistés de Me P.‑E. Partsch, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions, contenues dans les bulletins de prime d’avril 2013, faisant application aux requérants de la décision du conseil d’administration de la BEI du 14 décembre 2010 et des décisions du comité de direction de la BEI du 9 novembre 2010, des 29 juin et 16 novembre 2011 et du 20 février 2013 et, d’autre part, à la condamnation de la BEI à verser aux requérants une somme correspondant à la différence entre le montant des rémunérations versées en application des décisions susmentionnées et celui des rémunérations dues en application du régime antérieur ou, à défaut, du nouveau régime correctement mis en œuvre ainsi que des dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel, en raison de leur perte de pouvoir d’achat, et moral que les requérants auraient prétendument subis,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de MM. S. Gervasoni, président, R. da Silva Passos et Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 Les requérants, M. Jean-Pierre Bodson et les 450 autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe, sont des agents de la Banque européenne d’investissement (BEI).
2 Le régime pécuniaire des agents de la BEI prévoit l’octroi d’un traitement de base, de primes et de diverses indemnités et allocations. Certains agents, à savoir ceux qui ne sont pas des cadres de direction et qui relèvent des fonctions C à K, bénéficient également d’un avancement d’échelon au mérite.
3 Ce régime pécuniaire a été modifié à plusieurs reprises dans le cadre, d’une part, de réformes du système de rémunération et de progression salariale et, d’autre part, d’une réforme du régime des primes. Bien que le présent recours soit relatif à la mise en œuvre de la réforme du régime des primes, il y a lieu, pour une meilleure compréhension de ce qui suit, de présenter également certains aspects des réformes successives du système de rémunération et de progression salariale.
A. Réformes du système de rémunération et de progression salariale
4 La BEI a adopté plusieurs grilles d’avancement d’échelon au mérite et a modifié ces grilles à plusieurs reprises. L’objet de ces grilles est de déterminer, en fonction de la note de mérite attribuée à un agent, le nombre d’échelons dont celui-ci bénéficiera dans le cadre de son avancement.
5 La note A correspond à une performance exceptionnelle dépassant les attentes, la note B+ à une très bonne performance, la note B à une performance répondant à toutes les attentes, la note C à une performance répondant à la plupart des attentes, avec des domaines nécessitant des améliorations, et la note D à une performance ne répondant pas aux attentes.
1. Grilles d’avancement d’échelon au mérite avant la réforme de 2006-2007
6 Jusqu’en 2006, trois grilles d’avancement d’échelon au mérite étaient prévues selon le tableau ci-après :
Note de mérite | A | B+ | B | C | D | |||
Avancement d’échelon | 1er tiers | 6 | 4 | 3 | 2 | 0 | ||
2e tiers | 5 | 3 | 2 | 1 | 0 | |||
3e tiers | 4 | 3 | 2 | 1 | 0 |
2. Grilles d’avancement d’échelon au mérite après la réforme de 2006-2007
a) Grilles prévues par la réforme de 2006-2007, mais non mises en œuvre
7 Le 12 décembre 2006, le conseil d’administration de la BEI (ci-après le « conseil d’administration ») a adopté une réforme du système de rémunération et de progression salariale (ci-après la « décision du 12 décembre 2006 »).
8 Le 31 janvier 2007, le comité de direction de la BEI (ci-après le « comité de direction ») a modifié les règles relatives à l’avancement d’échelon résultant du mérite professionnel (ci-après la « décision du 31 janvier 2007 »). Cette décision prévoyait trois grilles d’avancement d’échelon au mérite.
9 La première grille d’avancement d’échelon au mérite, minimale et garantie, prévoyait, pour l’ensemble du personnel, ce qui suit :
Note de mérite | A […] | B+ […] | B | C | D |
Avancement d’échelon | 2 | 2 | 1 | 0 | [0] |
10 Les deux autres grilles d’avancement d’échelon au mérite présentaient un caractère transitoire et avaient vocation à être appliquées en 2007, lors de l’évaluation des mérites des agents au cours de l’année 2006.
11 D’une part, une grille applicable à la généralité du personnel de la BEI prévoyait ce qui suit :
Note de mérite | A […] | B+ […] | B | C | D |
Avancement d’échelon | 3 | 3 | 2 | 1 | [0] |
12 D’autre part, une grille « jeune » réservée aux agents des catégories E à K, non encore promus depuis leur entrée en fonction et classés dans le premier tiers de la ligne salariale, se présentait ainsi :
Note de mérite | A […] | B+ […] | B | C | D |
Avancement d’échelon | 4 | 4 | 3 | 1 | [0] |
b) Grilles effectivement appliquées entre 2007 et 2011
13 Grâce à des disponibilités dans le budget des dépenses de personnel, la grille d’avancement d’échelon au mérite ci-après a été appliquée lors de l’appréciation, entre 2007 et 2011, des mérites de la généralité des agents de la BEI au cours des années 2006 à 2010 :
Note de mérite | A | B+ | B | C | D |
Avancement d’échelon | 4 | 3 | 2 | 1 | 0 |
14 En outre, les agents mentionnés au point 12 ci-dessus ont bénéficié d’une grille « jeune » spécifique se présentant ainsi :
Note de mérite | A | B+ | B | C | D |
Avancement d’échelon | 5 | 4 | 3 | 1 | 0 |
c) Mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord du 18 mars 2009 et la lettre d’accompagnement du même jour
15 Les décisions du 12 décembre 2006 et du 31 janvier 2007 ayant été contestées par de nombreux agents, un accord fixant le cadre procédural d’une procédure de conciliation (ci-après la « procédure de conciliation ») a été signé le 2 juin 2008 par le directeur des ressources humaines de la BEI et par le porte-parole des représentants du personnel (ci-après l’« accord du 2 juin 2008 »). L’objet de cette procédure était de parvenir à un « règlement global pren[ant] en compte la différence existant pour l’ensemble des agents de la BEI entre le système de rémunération avant sa modification par [la] décision […] du 12 décembre 2006 et ses modalités d’application et le système de rémunération résultant de cette décision et de ses modalités d’application ». Dans le cadre de ladite procédure, un actuaire (ci-après l’« actuaire ») a été chargé de créer un outil informatique simulant les salaires et les pensions d’ancienneté avant et après la réforme en question, cela afin de s’assurer du caractère compensatoire des mesures proposées.
16 À la suite de la procédure de conciliation, l’administration de la BEI, représentée par le directeur des ressources humaines, a conclu, le 18 mars 2009, un protocole d’accord avec les représentants du personnel prévoyant quatre mesures de nature à compenser globalement les principaux effets de la réforme du système de rémunération et de progression salariale de 2006-2007 ainsi que d’une réforme du régime des pensions adoptée en 2008 (ci-après le « protocole d’accord »).
17 La première mesure compensatoire consistait en l’intégration d’une indemnité compensatrice et de l’indemnité de secrétariat dans le traitement de base au 1er janvier 2010 et donc en la prise en compte de ces deux éléments dans l’assiette de la pension d’ancienneté. La deuxième mesure compensatoire avait trait à la possibilité, pour les membres du personnel, de verser chaque année jusqu’à 12 % de leur prime annuelle récompensant leurs performances à un fonds de pension complémentaire (ci-après le « RCVP »), la somme ainsi versée étant majorée du même montant par la BEI. La troisième mesure compensatoire résidait dans une bonification de l’intérêt crédité sur les capitaux du RCVP. Enfin, la quatrième mesure compensatoire prévoyait la mise en place d’un compte épargne-temps permettant de capitaliser les jours de congés non pris, avec, à terme, la possibilité de capitaliser aussi les heures supplémentaires.
18 Le 18 mars 2009, le directeur des ressources humaines et le porte-parole des représentants du personnel ont également signé une lettre d’accompagnement, jointe au protocole d’accord (ci-après la « lettre d’accompagnement »). Cette lettre confirmait « l’engagement des parties [à] donner un caractère durable [au protocole d’accord] et en particulier à la compensation [pour les] membres du personnel en service au 31 décembre 2008 ». Elle précisait, toutefois, que cet engagement « ne signifi[ait] pas que les autorités compétentes de la [BEI] ne pourraient modifier les éléments ou modalités du système de rémunération […] mis en œuvre ou ce système lui-même ainsi que le régime de pension tels qu’issus de la réforme », mais qu’il « signifi[ait] seulement que, si de telles modifications devaient impacter substantiellement, dans un sens négatif, une large fraction du personnel, la question devrait être abordée dans le même esprit de collaboration que celui ayant présidé à l’élaboration du [p]rotocole [d’accord], avec pour objectif d’assurer le caractère durable des compensations [susmentionnées] ».
3. Grilles d’avancement d’échelon au mérite prévues par la réforme de 2011-2012 et appliquées en 2012
19 Le 14 février 2012, le comité de direction a adopté une décision (ci-après la « décision du 14 février 2012 ») disposant ce qui suit :
« […]
b. Le nombre d’échelons accordés pour chaque note au titre du mérite sera diminué d’une unité […]. La grille d’avancement [d’échelon] au mérite [applicable à la généralité du personnel] se présentera par conséquent comme suit :
Note [de] mérite | A | B+ | B | C | D |
[Avancement d’échelon] | 3 | 2 | 1 | 0 | 0 |
[…]
d. la grille « jeune » [« 4-4-3-1-0 » ou « 5-4-3-1-0 »] sera suspendue.
[…] »
4. Grilles d’avancement d’échelon au mérite prévues par la réforme de 2012-2013 et appliquées en 2013
20 Le 29 janvier 2013, le comité de direction a pris une décision adoptant, en particulier, la grille d’avancement d’échelon au mérite ci-après, identique à la grille « 2-2-1-0-0 » adoptée le 31 janvier 2007 et applicable à l’ensemble du personnel :
Note [de] mérite | A | B+ | B | C | D |
[Avancement d’échelon] | 2 | 2 | 1 | 0 | 0 |
B. Réforme du régime des primes
1. Régime des primes avant la réforme de 2010-2011
21 Avant la réforme de 2010-2011, le régime des primes reposait sur deux composantes : d’une part, des primes ordinaires, ayant vocation à récompenser la réalisation des objectifs annuels de l’agent en prenant en considération son rôle et ses responsabilités au sein de la BEI et, d’autre part, des primes exceptionnelles, visant à récompenser la contribution exceptionnelle de l’agent. L’octroi de ces primes était décidé au terme de l’exercice annuel d’évaluation.
2. Régime des primes après la réforme de 2010-2011
a) Adoption du cadre général et des modalités de la réforme
22 Le 9 novembre 2010, le comité de direction a approuvé le cadre général d’une réforme du régime des primes tendant à récompenser différemment les performances collectives et individuelles et comportant des mesures transitoires (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Ce cadre a également été approuvé le 14 décembre suivant par le conseil d’administration (ci-après la « décision du 14 décembre 2010 »).
23 La réforme du régime des primes issue des décisions du 9 novembre 2010 et du 14 décembre 2010 a suscité de nouvelles discussions entre le département des ressources humaines et les représentants du personnel.
24 À l’issue de ces discussions, le département des ressources humaines a élaboré une note en date du 22 juin 2011 (portant la référence RH/P&O/2011‑119), relative, notamment, premièrement, aux détails du nouveau régime des primes (ci-après le « nouveau régime de récompense des performances »), deuxièmement, aux indicateurs de performance et à la récompense des performances et, troisièmement, à la réforme des primes et aux nouvelles mesures compensatoires assortissant celle-ci (ci-après la « note du 22 juin 2011 »). Lors de sa réunion du 29 juin 2011, le comité de direction a approuvé certaines propositions du département des ressources humaines, mais a refusé d’adopter en l’état certaines mesures relatives, notamment, aux indicateurs de performance ainsi qu’au mécanisme des prêts personnels proposé à titre de mesure compensatoire (ci-après la « décision du 29 juin 2011 »).
25 Le département des ressources humaines a alors soumis au comité de direction une nouvelle note en date du 20 octobre 2011 (portant la référence RH/P&O/2011‑74), proposant de nouveaux indicateurs de performance et modifiant la mesure compensatoire liée au mécanisme des prêts personnels (ci-après la « note du 20 octobre 2011 »). Lors de sa réunion du 16 novembre 2011, le comité de direction a approuvé ces mesures (ci-après la « décision du 16 novembre 2011 »).
b) Nouveau régime de récompense des performances et des nouvelles mesures compensatoires
26 Dans une note du 25 novembre 2011 (ci-après la « note du 25 novembre 2011 »), le directeur des ressources humaines a décrit le nouveau régime de récompense des performances comme suit :
« Le nouveau [régime] de récompense des performances remplace l’ancien régime des primes et fait partie intégrante de la procédure d’évaluation annuelle. Il met en œuvre les dispositions de la section 3 “indemnités particulières et individuelles : primes annuelles” de l’annexe II [du] règlement du personnel. [Il] s’appliquera à toutes les catégories de personnel, y compris aux cadres de direction.
Il comprend deux éléments : la récompense pour l’ensemble de la [BEI] et la récompense individuelle. Les principes directeurs du [nouveau régime] de récompense des performances consistent à rétribuer le personnel collectivement pour la réalisation, par la [BEI], des principaux indicateurs de résultat (récompense pour l’ensemble de la [BEI]) et à distinguer les meilleures performances individuelles des membres du personnel par comparaison avec leurs pairs, en fonction des responsabilités et des objectifs atteints et de la manière dont le travail a été accompli (récompense individuelle) […]
Le comité de direction a décidé qu’au cours des trois premières années au minimum, le budget alloué aux récompenses des performances sera équitablement réparti entre les deux types de récompenses.
Ce budget est lié à un certain nombre de principaux indicateurs de résultat […], qui peuvent être ajustés lors de l’examen à mi-parcours des objectifs du [plan] d’activité de la [BEI] et sont confirmés par le [c]omité de direction en fin d’année.
Le montant de l’enveloppe affectée aux récompenses des performances sera calculé chaque année en fonction de la réalisation d[e] quatre [...] indicateurs de résultat [...]
Les critères d’admissibilité à la récompense des performances sont les suivants :
1. une note au titre du mérite égale ou supérieure à “[p]erformance répondant à la plupart des attentes, avec […] des domaines nécessitant des améliorations” [soit une note au titre du mérite égale ou supérieure à la note C] ;
[...]
Comme [cela] était le cas dans l’ancien système de prime et en application de la décision prise par le conseil d’administration [le 22] septembre 2009, les récompenses (récompense pour l’ensemble de la [BEI], récompense individuelle et allocation temporaire) seront plafonnées à 35 % du traitement de base.
Le nouveau [régime] de récompense des performances sera mis en place progressivement sur la base d’une période de transition de cinq ans commençant en 2012 pour la procédure d’évaluation relative à 2011 et sera pleinement opérationnel d’ici à 2017. Au cours de cette période de transition […], le budget alloué aux primes sera divisé de sorte qu’une partie servira à financer différentes [nouvelles] mesures compensatoires, tandis que le solde sera affecté au nouveau [régime] de récompense des performances.
Le paiement des récompenses liées aux performances (récompense pour l’ensemble de la [BEI] et […] éventuelle récompense individuelle) interviendra à la fin du mois d’avril.
1.1 La récompense pour l’ensemble de la [BEI]
La récompense pour l’ensemble de la [BEI] rétribuera le personnel collectivement pour sa contribution aux résultats de la BEI.
Elle sera versée sous la forme d’un montant unique pour chaque niveau fonctionnel. Tous les membres du personnel admissibles […] en seront bénéficiaires.
D’année en année, les montants réels dépendront du budget disponible et du nombre d’agents à chaque niveau fonctionnel.
1.2 La récompense individuelle
La récompense individuelle distinguera les membres du personnel les plus performants par comparaison avec leurs pairs.
Les excellentes performances seront évaluées à la lumière de nombreux facteurs, les principaux étant les responsabilités et les objectifs fixés ainsi que la manière dont ces derniers ont été atteints […] L’attribution de la récompense individuelle fera l’objet d’une évaluation annuelle ; le fait de recevoir cette récompense une année ne constituera pas un droit à percevoir une quelconque récompense à l’avenir.
À l’entame de chaque nouvelle année, le département [des r]essources humaines publiera des fourchettes indicatives pour les récompenses individuelles par niveau fonctionnel, afin de fournir un cadre cohérent en la matière. Les directions pourront décider, à leur propre discrétion, du nombre d’agents qui recevront une récompense individuelle et du montant accordé. Ces montants sont susceptibles de varier chaque année en fonction du budget disponible et du nombre de bénéficiaires. »
27 La note du 25 novembre 2011 présente également les nouvelles mesures compensatoires accompagnant l’introduction du nouveau régime de récompense des performances. La première de ces mesures consiste en une allocation transitoire. Cette allocation est versée une fois par an à compter de l’année 2012 en même temps que les récompenses des performances. Elle est calculée sur la base de l’ancienneté des agents au 31 décembre 2011 et des primes ordinaires reçues par ceux-ci en principe au cours des années 2008, 2009 et 2010. Enfin, elle diminue de 20 % tous les ans. Une deuxième mesure compensatoire réside dans une nouvelle contribution de la BEI au RCVP atteignant, en 2017, 3 % du traitement brut des agents engagés avant le 31 décembre 2011. Une troisième mesure compensatoire porte sur le RCVP. Ainsi, à partir de 2012, la contribution de 12 % au maximum des agents au RCVP est appelée à s’appliquer à la fois aux récompenses des performances et à l’allocation transitoire susmentionnée. La contribution de la BEI au RCVP au titre de l’abondement en cas de versement, par un agent, d’une partie de la récompense de ses performances à ce fonds est, en outre, augmentée pour atteindre désormais 18 %. De plus, le plafonnement de l’abondement de la BEI au RCVP, initialement fixé à 50 % du traitement mensuel de base, est supprimé. En vertu d’une quatrième mesure compensatoire, les agents peuvent bénéficier, à partir du 1er janvier 2013, d’un nouveau dispositif de prêt personnel reposant sur les contributions au RCVP. Enfin, selon une cinquième mesure compensatoire, le compte épargne-temps instauré par le protocole d’accord est élargi.
c) Application de la réforme en 2012, contestée dans le cadre d’un précédent recours
28 Le 13 décembre 2011, le conseil d’administration a approuvé le plan d’activité de la BEI pour les années 2012 à 2014. Il a aussi fixé à 2,8 % l’augmentation, en 2012, du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction. Il a enfin approuvé le budget alloué aux primes pour l’année 2012, d’un montant de 26 600 000 euros.
29 Dans sa décision du 14 février 2012, le comité de direction a procédé à la répartition du budget alloué aux primes pour l’année 2012 en affectant une somme de 22 100 000 euros aux mesures transitoires et compensatoires et une somme de 4 500 000 euros au nouveau régime de récompense des performances. Il a également approuvé les propositions du département des ressources humaines relatives, premièrement, aux montants accordés au titre de la récompense pour l’ensemble de la BEI par niveau fonctionnel, deuxièmement, à la fourchette, de 35 % à 45 %, représentant la proportion d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle en 2012 et, troisièmement, aux fourchettes indicatives pour les montants des récompenses individuelles par niveau fonctionnel.
30 En particulier, les fourchettes indicatives adoptées dans cette décision aux fins de la fixation des récompenses individuelles à verser en 2012 à raison des performances individuelles de l’année 2011 se présentaient comme suit :
[fonction] | minimum | [moyenne] | maximum |
[cadres de direction 1] | 5 676 | 7 568 | 9 460 |
[cadres de direction 2] | 5 291 | 7 055 | 8 819 |
[cadres de direction 3] | 4 689 | 6 252 | 7 815 |
C | 4 043 | 5 391 | 6 739 |
D | 2 982 | 3 976 | 4 970 |
E | 2 107 | 2 809 | 3 511 |
F | 1 736 | 2 314 | 2 893 |
G | 1 597 | 2 129 | 2 661 |
H | 1 245 | 1 660 | 2 075 |
I | 947 | 1 262 | 1 578 |
K | 947 | 1 262 | 1 578 |
31 L’exercice d’évaluation portant sur l’année 2011, mené en 2012, a conduit à l’application, pour la première fois, du nouveau régime de récompense des performances. Cette application a débouché sur l’octroi d’une récompense figurant dans des bulletins de salaire spécifiques, relatifs aux récompenses (ci-après les « bulletins de prime »), établis en avril 2012.
32 Sept agents de la BEI ont alors contesté devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne les décisions, contenues dans leurs bulletins de prime d’avril 2012, faisant application à leur égard des décisions des 9 novembre et 14 décembre 2010, des 29 juin et 16 novembre 2011 et du 14 février 2012 et mettant en œuvre, pour la première fois, le nouveau régime de récompense des performances.
33 Par arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, EU:F:2014:15), le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours de ces agents.
34 Par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑241/14 P, EU:T:2016:103), le Tribunal a rejeté le pourvoi formé par lesdits agents contre l’arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, EU:F:2014:15).
d) Application de la réforme en 2013, contestée dans le cadre du présent recours
35 Le 18 décembre 2012, le conseil d’administration a approuvé le plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015. Il a aussi fixé à 2,3 % l’augmentation, en 2013, du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction. Il a enfin approuvé le budget alloué aux primes pour l’année 2013, d’un montant de 30 200 000 euros.
36 Le 4 février 2013, la direction générale du personnel de la BEI a adressé au comité de direction une note (portant la référence PERSONNEL/ASP/2013‑6) lui demandant d’approuver les modalités d’exécution de la décision du 18 décembre 2012 (ci-après la « note du 4 février 2013 »). Les mesures d’exécution proposées prévoyaient, premièrement, la répartition du budget alloué aux primes pour l’année 2013 en affectant une somme de 21 100 000 euros aux mesures transitoires et compensatoires et une somme de 9 100 000 euros au nouveau régime de récompense des performances, cette dernière somme étant répartie, à parts égales, soit deux fois 4 550 000 euros, entre la récompense pour l’ensemble de la BEI et la récompense individuelle, deuxièmement, la fixation des montants accordés au titre de la récompense pour l’ensemble de la BEI par niveau fonctionnel, troisièmement, la définition d’une fourchette, de 45 % à 55 %, représentant la proportion d’agents recevant une récompense individuelle et, quatrièmement, la fixation des fourchettes indicatives pour les montants des récompenses individuelles par niveau fonctionnel.
37 Le 20 février 2013, le comité de direction a approuvé ces propositions (ci-après la « décision du 20 février 2013 »).
38 En particulier, les fourchettes indicatives adoptées dans cette décision aux fins de la fixation des récompenses individuelles à verser en 2013 à raison des performances individuelles de l’année 2012 se présentaient ainsi :
[fonction] | minimum | [moyenne] | maximum |
[cadres de direction 1] | 31 419 | 41 892 | 52 365 |
[cadres de direction 2] | 21 894 | 29 192 | 36 490 |
[cadres de direction 3] | 12 280 | 16 373 | 20 466 |
C | 5 552 | 7 403 | 9 254 |
D | 4 088 | 5 451 | 6 818 |
E | 2 921 | 3 895 | 4 869 |
F | 2 465 | 3 286 | 4 108 |
G | 2 317 | 3 089 | 3 861 |
H | 1 836 | 2 448 | 3 060 |
I | 1 390 | 1 853 | 2 316 |
K | 1 190 | 1 587 | 1 984 |
39 L’exercice d’évaluation portant sur l’année 2012, mené en 2013, a conduit à l’application, pour la deuxième fois, du nouveau régime de récompense des performances. Cette application a débouché sur l’octroi d’une récompense figurant dans des bulletins de prime établis en avril 2013.
II. Procédure et conclusions des parties
40 Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 25 juin 2013, les requérants, ainsi que 36 autres agents de la BEI, ont introduit le présent recours, qui a été enregistré sous le numéro F‑61/13.
41 Par lettres déposées au greffe du Tribunal de la fonction publique les 19 août 2013 et 30 septembre 2013, les requérants ont informé le Tribunal que les 36 autres agents mentionnés au point 40 ci-dessus se désistaient de leur recours.
42 Par ordonnance du 23 octobre 2013 du président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique, les noms des 36 personnes mentionnées aux points 40 et 41 ci-dessus ont été radiés de la liste des requérants.
43 Par ordonnance du 18 novembre 2013, le président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique a suspendu la procédure dans l’affaire F‑61/13 jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire F‑83/12 soit passée en force de chose jugée.
44 La procédure a été reprise à la suite du prononcé de l’arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑241/14 P, EU:T:2016:103).
45 La BEI a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal de la fonction publique le 21 juin 2016. À cette occasion, elle s’est exprimée sur l’incidence des arrêts du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, EU:F:2014:15), et du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑241/14 P, EU:T:2016:103), sur la présente affaire.
46 En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016 et doit être traitée conformément au règlement de procédure du Tribunal. Cette affaire a ainsi été enregistrée sous le numéro T‑508/16.
47 Par mesure d’organisation de la procédure, adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure, le Tribunal a invité les requérants à indiquer s’ils avaient des observations à présenter en ce qui concerne l’incidence, sur la présente affaire, des arrêts du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16), et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, EU:F:2014:15), ainsi que des arrêts du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104), et du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑241/14 P, EU:T:2016:103).
48 Les requérants ont déféré à cette demande dans le délai imparti.
49 Les requérants concluent, chacun en ce qui le concerne, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les décisions, contenues dans leurs bulletins de prime d’avril 2013, faisant application des décisions des 9 novembre et 14 décembre 2010, des 29 juin et 16 novembre 2011 et du 20 février 2013 ;
– condamner la BEI au paiement :
– d’une somme correspondant à la différence entre le montant des rémunérations résultant des décisions susmentionnées et celui des rémunérations dues en application, à titre principal, du régime des primes antérieur à la réforme de 2010-2011 ou, à titre subsidiaire, du nouveau régime de récompense des performances, correctement mis en œuvre, la somme correspondant à ladite différence étant augmentée d’intérêts de retard courant à compter du 30 avril 2013 jusqu’à apurement complet, calculés au niveau du taux de la Banque centrale européenne (BCE) augmenté de trois points ;
– de dommages et intérêts en réparation, d’une part, du préjudice subi en raison de leur perte de pouvoir d’achat, ce préjudice étant évalué ex æquo et bono, et à titre provisionnel, à 1,5 % de la rémunération mensuelle de chacun d’entre eux et, d’autre part, du préjudice moral subi, ce préjudice étant évalué ex æquo et bono à 1 000 euros pour chacun d’entre eux ;
– le cas échéant, à défaut pour la BEI de les produire spontanément, inviter cette dernière, au titre de mesures d’organisation de la procédure, à produire les documents suivants :
– le plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015 ;
– les notes des 22 juin et 20 octobre 2011 et du 4 février 2013 ;
– le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 13 décembre 2011 ;
– la décision du 20 février 2013 ;
– condamner la BEI aux dépens.
50 La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours en annulation comme étant non fondé ;
– partant, débouter les requérants de leur demande indemnitaire ;
– condamner les requérants aux dépens.
III. En droit
A. Sur la méconnaissance d’engagements de confidentialité par les requérants
51 La BEI fait valoir que l’accord du 2 juin 2008 dispose que :
« La [BEI], le [c]ollège [des représentants du personnel], les agents qui prendront part à la procédure […] de conciliation […] signeront un engagement de confidentialité portant sur tous les documents produits ou établis aux fins de la conciliation, avis exprimés, suggestions formulées, propositions présentées, concessions faites et autres informations dont ils auront pris connaissance dans le cadre de la procédure […] de conciliation. Notamment, ils ne pourront en faire état dans une éventuelle procédure ultérieure. »
52 La BEI estime que les requérants ont méconnu leurs engagements de confidentialité en déposant devant le Tribunal, premièrement, un document du 6 mars 2009, intitulé « Principaux paramètres et hypothèses utilisés dans le cadre du développement d’un outil de simulation de[s] rémunération[s] et de[s pensions de] retraite future[s] », deuxièmement, une lettre du 9 mars 2011 adressée par l’actuaire à l’un d’entre eux décrivant les hypothèses retenues pour la détermination des rémunérations dans le cadre de simulations et, troisièmement, un compte rendu d’une réunion du 19 novembre 2008 entre les représentants du personnel, le département des ressources humaines de la BEI et leurs consultants respectifs.
53 En conséquence, la BEI demande au Tribunal de considérer que les arguments présentés par les requérants et tirés des documents en question ne sauraient lui être opposés.
54 Le Tribunal constate, à cet égard, que la BEI n’identifie pas les arguments des requérants qui devraient être écartés des débats et estime qu’il sortirait de son rôle en suppléant à cette lacune.
55 En tout état de cause, la BEI n’apporte pas la preuve que les requérants auraient signé l’engagement de confidentialité visé dans l’accord du 2 juin 2008.
56 Il n’y a par conséquent pas lieu de faire droit à la demande susmentionnée de la BEI.
B. Sur les conclusions en annulation
57 Les requérants sollicitent l’annulation des décisions contenues dans leurs bulletins de prime d’avril 2013 et mettant en œuvre le nouveau régime de récompense des performances, au motif, à titre principal, que ce régime est lui-même illégal et, à titre subsidiaire, qu’il n’a, en tout état de cause, pas été correctement mis en œuvre.
1. Sur la légalité du nouveau régime de récompense des performances
58 À titre principal, les requérants soutiennent, par voie d’exception, que les décisions des 9 novembre et 14 décembre 2010 ainsi que des 29 juin et 16 novembre 2011, dont leurs bulletins de prime d’avril 2013 ont fait application, sont illégales.
59 Au soutien de cette exception d’illégalité, ils soulèvent quatre moyens, tirés, respectivement :
– le premier, de la violation du protocole d’accord, des conditions fondamentales des contrats d’emploi, des droits acquis, du principe de bonne foi dans les relations contractuelles ainsi que du principe de protection de la confiance légitime ;
– le deuxième, de la violation des principes de sécurité juridique et de prévisibilité ainsi que du devoir de sollicitude ;
– le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation, du caractère irrégulier des motifs de la décision du 14 décembre 2010, d’une violation du règlement du personnel applicable aux agents de la BEI (ci-après le « règlement du personnel »), de la décision du 9 novembre 2010, du principe de proportionnalité et, à nouveau, du devoir de sollicitude ;
– le quatrième, d’une violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI.
a) Sur le premier moyen, tiré de la violation du protocole d’accord, des conditions fondamentales des contrats d’emploi, des droits acquis, du principe de bonne foi dans les relations contractuelles ainsi que du principe de protection de la confiance légitime
60 Il convient d’examiner de façon distincte l’argumentation des requérants selon qu’elle est fondée, premièrement, sur des règles et principes de nature contractuelle, deuxièmement, sur le respect des droits acquis et, troisièmement, sur le principe de protection de la confiance légitime.
1) Sur la violation du protocole d’accord, des conditions fondamentales des contrats d’emploi et du principe de bonne foi dans les relations contractuelles
i) Arguments des parties
61 Les requérants soutiennent, en substance, que, en adoptant les décisions des 9 novembre et 14 décembre 2010 ainsi que des 29 juin et 16 novembre 2011, la BEI est revenue sur des engagements, de nature contractuelle, résultant du protocole d’accord. Selon les requérants, le fait pour la BEI de ne pas avoir respecté des obligations souscrites lors de la signature du protocole d’accord s’analyse comme une violation de ce protocole, des conditions fondamentales de leurs contrats d’emploi ainsi que du principe de bonne foi dans les relations contractuelles.
62 D’abord, ils font valoir que la relation d’emploi entre la BEI et ses agents est de nature contractuelle et que la force obligatoire des contrats s’oppose à ce que la BEI puisse modifier unilatéralement les éléments essentiels des conditions d’emploi des agents. C’est pourquoi une précédente réforme du système de rémunération et de progression salariale, décidée le 10 novembre 1987, aurait été soumise à l’approbation des agents de la BEI, lesquels auraient alors eu le choix d’accepter ou de refuser de signer des avenants à leurs contrats d’emploi.
63 Ensuite, ils expliquent que la BEI a, dans le protocole d’accord, pris des engagements contractuels correspondant à des éléments essentiels des relations d’emploi et ayant modifié leurs contrats individuels. Ces engagements contractuels auraient consisté, d’une part, en l’adoption et en le maintien de mesures compensant les effets négatifs de la réforme du système de rémunération et de progression salariale de 2006-2007 et, d’autre part, en un financement desdites mesures. En outre, il ressortirait de la lettre d’accompagnement que les parties au protocole d’accord voulaient conférer un caractère durable à ce dernier et que cette volonté s’est exprimée par un engagement à définir de nouvelles mesures compensatoires si une modification du système de rémunération venait à porter atteinte aux mesures compensatoires fixées par ledit protocole.
64 Enfin, ils estiment que les engagements contractuels pris par la BEI dans le protocole d’accord ont été méconnus par les décisions des 9 novembre et 14 décembre 2010 ainsi que des 29 juin et 16 novembre 2011.
65 En effet, selon les requérants, les mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord, et plus particulièrement celle liée à la possibilité de verser chaque année au RCVP jusqu’à 12 % de la prime annuelle récompensant les performances, ont, à l’issue de la simulation mise au point par l’actuaire, été définies sur le fondement d’une double hypothèse, à savoir, d’une part, une augmentation du budget alloué aux primes proportionnelle à celle du budget alloué aux traitements de base et, d’autre part, une progression constante des primes des agents, pour autant que leur note de performance soit au moins équivalente à la précédente.
66 Au vu de cette situation, la BEI aurait reconnu qu’il convenait de respecter les termes du protocole d’accord et que, dès lors que les éléments de celui-ci relatifs aux primes étaient modifiés, de nouvelles mesures compensatoires devaient être recherchées. Dans cette perspective, le département des ressources humaines de la BEI aurait envisagé de telles mesures sur lesquelles les représentants du personnel auraient marqué leur accord, mais le comité de direction aurait refusé, dans sa décision du 29 juin 2011, d’adopter l’intégralité de ces mesures. Or, les nouvelles mesures compensatoires finalement arrêtées par le comité de direction dans ses décisions des 29 juin et 16 novembre 2011 ne seraient pas de nature à neutraliser les atteintes que le nouveau régime de récompense des performances porte aux mesures compensatoires prévues dans le protocole d’accord. Une simulation produite au soutien de la requête démontrerait l’insuffisance de ces nouvelles mesures compensatoires.
67 La BEI conteste l’argumentation des requérants.
ii) Appréciation du Tribunal
68 En premier lieu, il convient d’analyser si, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la BEI pouvait modifier de façon unilatérale le système de rémunération et de progression salariale de ses agents, nonobstant la nature contractuelle de leurs relations de travail.
69 À cet égard, il y a lieu de relever que le conseil d’administration a adopté le règlement du personnel le 20 avril 1960. Pour ce qui concerne le présent litige, le règlement du personnel a été modifié, en dernier lieu, le 1er janvier 2009.
70 Selon l’article 13 du règlement du personnel, « [l]es relations entre la [BEI] et les membres de son personnel sont réglées en principe par des contrats individuels dans le cadre [dudit] règlement » et celui-ci « fait partie intégrante de ces contrats ». L’article 15 du même règlement prévoit, en outre, que « [l]es contrats individuels entre la [BEI] et les membres de son personnel prennent la forme de lettres d’engagement », que « [l]es personnes engagées contresignent leur lettre d’engagement ainsi qu’un exemplaire du […] règlement [du personnel] » et que « [l]a lettre d’engagement fixe la rémunération, la durée et les autres conditions de l’emploi ».
71 L’article 20, premier alinéa, du règlement du personnel dispose que « [l]e barème des traitements de base relatif aux catégories de fonctions définies à l’article 14 figure en [a]nnexe I [dudit] [r]èglement ». L’annexe I de ce règlement prévoit que « [l]e barème des traitements de base fait l’objet de mises à jour régulières ».
72 L’article 20, deuxième alinéa, du règlement du personnel prévoit que « [l]es traitements de base sont abondés d’indemnités, applicables à toutes ou à certaines catégories de personnel » et que « [l]a liste des indemnités figure en [a]nnexe II [dudit] [r]èglement ». L’annexe II, point 3, de ce règlement mentionne des « [p]rimes annuelles » parmi les « [i]ndemnités particulières et individuelles » susceptibles d’être allouées aux agents de la BEI.
73 Enfin, l’article 22 du règlement du personnel dispose que « [c]haque membre du personnel fait l’objet d’une appréciation annuelle qui lui est communiquée », que « [l]a procédure à suivre pour cette appréciation est fixée par une décision intérieure » et que, « [p]our les fonctions C à K, les avancements d’échelon résultent du mérite professionnel tel qu’il est exprimé par la note globale de l’appréciation annuelle ».
74 Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les relations entre les requérants et la BEI, même si elles ont une origine contractuelle, relèvent essentiellement d’un régime réglementaire. En ce sens, la BEI dispose, pour poursuivre la mission d’intérêt général qui lui incombe, d’un pouvoir d’appréciation pour organiser ses services et fixer unilatéralement la rémunération de son personnel, et ce nonobstant les actes juridiques de nature contractuelle qui sont à la base desdites relations de travail (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, points 98 à 107, confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, points 48 à 52).
75 La circonstance qu’une précédente réforme du système de rémunération et de progression salariale, décidée en 1987, aurait été soumise à l’accord de chaque agent n’infirme pas cette conclusion, dès lors qu’une pratique, de surcroît isolée, ne saurait altérer les compétences attribuées aux organes de direction de la BEI (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑73/12, EU:F:2014:16, point 59, confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 45).
76 En deuxième lieu, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement la rémunération de son personnel, et notamment le régime des primes, n’a pas été affectée par le protocole d’accord (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, point 59).
77 En effet, d’une part, le protocole d’accord n’avait pas vocation, indépendamment de sa valeur juridique, à affecter le caractère unilatéralement modifiable de la rémunération du personnel (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, point 60).
78 D’autre part, il résulte explicitement des termes, cités au point 18 ci-dessus, de la lettre d’accompagnement que la BEI demeure compétente pour modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération, alors même que ces modifications affecteraient le contenu du protocole d’accord (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 109, confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, point 67).
79 Il s’ensuit que, même après la conclusion du protocole d’accord, la BEI conservait la faculté de modifier unilatéralement les éléments de la rémunération de ses agents ainsi que le protocole d’accord lui-même, cette faculté faisant partie des conditions d’emploi et de la nature dudit protocole (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, points 61 et 62).
80 Ce constat s’impose d’autant plus en ce qui concerne le régime des primes versées aux agents de la BEI, dans la mesure où le protocole d’accord avait pour seul objet de compenser les principaux effets de la réforme du système de rémunération et de progression salariale de 2006-2007 ainsi que de la réforme du régime des pensions adoptée en 2008 et où, par ce protocole, la BEI ne s’est aucunement engagée à maintenir le régime des primes alors existant.
81 En troisième lieu, les requérants ne démontrent pas, en toute hypothèse, que, du fait notamment de l’insuffisance des nouvelles mesures compensatoires adoptées par les décisions des 29 juin et 16 novembre 2011, la réforme du régime des primes aurait porté atteinte aux mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord.
82 Certes, les requérants font valoir, à juste titre, qu’une des mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord, à savoir celle liée au versement facultatif au RCVP d’une partie de la prime annuelle et à l’abondement d’un même montant par la BEI, a été fondée sur les hypothèses que, d’une part, le budget alloué aux primes augmenterait dans les mêmes proportions que le budget alloué aux traitements de base et que, d’autre part, les primes individuelles des agents seraient en progression constante, sauf baisse de leur note de mérite. Il ressort en effet des termes mêmes de la lettre adressée le 9 mars 2011 par l’actuaire à l’un des requérants, déjà mentionnée au point 52 ci-dessus, que l’hypothèse retenue par ledit actuaire donne lieu, en principe, pour un agent obtenant une note identique, à une prime croissant chaque année de 3 % à 5 %, à l’instar de son traitement de base, et que, dans le simulateur, le seul cas dans lequel la prime peut diminuer correspond à la situation d’un agent qui obtient une note inférieure à celle de l’année précédente.
83 Il s’ensuit que, dans la mesure où le nouveau régime de récompense des performances ne garantit pas une progression constante des primes, il est susceptible de réduire la portée des mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord.
84 Toutefois, tel était déjà le cas du régime antérieur des primes, pour les raisons mentionnées au point 93 ci-après. La BEI relève d’ailleurs que l’actuaire n’a avancé que des « hypothèses » représentatives d’une « situation moyenne constatée » et, par suite, ne révélant pas un régime automatique de calcul des primes. Elle ajoute que les simulations de l’actuaire ne sont fondées que sur une seule constante, liée au fait que les agents recevant une note D ne peuvent recevoir aucune prime.
85 Surtout, la BEI fait valoir que, lors de l’adoption de la réforme du régime des primes, les mesures compensatoires précédemment définies par le protocole d’accord, et notamment celle susmentionnée liée au RCVP, ont été non seulement maintenues, mais également étendues et complétées par de nouvelles mesures compensatoires. En particulier, la contribution de la BEI au RCVP au titre de l’abondement aurait été augmentée et représenterait désormais 1,5 fois la somme versée par l’agent à ce fonds. De plus, le plafonnement à 50 % du traitement mensuel de base de cet abondement aurait été supprimé.
86 En revanche, les requérants se bornent, pour établir le caractère insuffisant des nouvelles mesures compensatoires accompagnant la réforme des primes, d’une part, à faire état du refus du comité de direction d’approuver la totalité des propositions présentées en juin 2011 par le département des ressources humaines en accord avec les représentants du personnel et, d’autre part, à produire une simulation faisant apparaître, sur une carrière entière, un impact négatif de la réforme des primes pour certains agents.
87 Or, il y a lieu de relever que, d’une part, le refus du comité de direction d’approuver la totalité des propositions contenues dans la note du 22 juin 2011 ne saurait, en lui-même, révéler l’insuffisance des mesures compensatoires adoptées les 29 juin et 16 novembre 2011. D’autre part, les requérants n’explicitent pas les données et paramètres sur lesquels se fonde la simulation qu’ils produisent.
88 Dans ces conditions, les requérants ne démontrent pas que les modalités de la réforme du régime des primes adoptées le 29 juin 2011 et le 16 novembre 2011 par le comité de direction auraient porté atteinte aux mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord.
89 En tout état de cause, s’agissant de la nécessité de mesures compensatoires additionnelles, il y a lieu de constater que les requérants se fondent sur une prémisse erronée, à savoir que les mesures compensatoires que la BEI aurait dû mettre en œuvre devaient compenser dans leur intégralité les effets négatifs de la réforme du régime des primes. Or, les requérants n’ont pas été en mesure de mentionner un quelconque fondement sur lequel cette prémisse reposerait.
90 Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement le régime des primes de son personnel ainsi que de la nature et du contenu du protocole d’accord, la BEI n’a, en adoptant les décisions des 9 novembre et 14 décembre 2010 ainsi que des 29 juin et 16 novembre 2011, puis en les appliquant aux requérants, méconnu ni le protocole d’accord, ni les conditions fondamentales des contrats d’emploi des requérants, ni le principe de bonne foi dans les relations contractuelles.
2) Sur la violation des droits acquis
91 Les requérants soutiennent que, au moins depuis 2005, des primes régulières étaient versées à tous les agents, hormis ceux ayant obtenu une note D, selon les mêmes modalités de calcul. L’usage aurait donc conféré au régime des primes applicable avant la réforme de 2010-2011 un caractère constant, fixe et général. De plus, ces primes auraient, en pratique, constamment progressé d’une année à l’autre, selon une croissance d’environ 3 % à 5 % par an pour un agent conservant la même note. Les statistiques communiquées par le département des ressources humaines démontreraient que, sur la période 1993-2007, le pourcentage moyen d’agents dont la prime a augmenté d’année en année s’élève à 93,7 %. Il s’ensuivrait que, sous réserve que sa note de mérite n’ait pas diminué, chaque agent aurait acquis le droit de bénéficier d’une prime d’un montant croissant et au moins égal au montant de la prime allouée l’année précédente. Dès lors, l’adoption du nouveau régime de récompense des performances présentant un caractère variable et instable aurait méconnu les droits acquis des agents.
92 Les requérants prétendent ainsi qu’il existerait un droit acquis au maintien non pas d’un droit individuel, mais d’un régime de primes déterminé, tel que façonné par la pratique.
93 À cet égard, il y a lieu de relever que, comme l’explique la BEI, il résulte de l’économie et de l’historique du régime des primes antérieur à la réforme de 2010-2011 que l’octroi de ces primes présentait un caractère discrétionnaire, que le versement d’une prime n’était pas garanti et que le montant des primes versées était variable d’une année à l’autre (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 114).
94 Certes, la BEI reconnaît que, si l’ancien régime des primes avait été conçu comme discrétionnaire et variable, la pratique suivie lui avait de facto conféré une stabilité significative quant aux conditions générales d’octroi des primes et quant à leur ordre de grandeur (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 118).
95 Cette situation n’implique cependant pas que les requérants auraient, comme ils le prétendent, acquis un droit au maintien de l’ancien régime des primes.
96 En effet, en premier lieu, le fait qu’un organisme de l’Union européenne ait, pendant une longue période, suivi une politique déterminée ne crée pas, pour les intéressés, un droit au maintien des avantages que cette politique a pu leur procurer (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle Erling e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, EU:C:1981:311, point 40). Il en va a fortiori ainsi s’agissant d’une simple pratique (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 120).
97 En second lieu, il ressort d’une jurisprudence constante que, d’une part, une règle nouvelle s’applique immédiatement, sauf dérogation, aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis. Un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Toutefois, tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, points 61 à 63 ; voir, également, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, points 88 à 90 et jurisprudence citée).
98 D’autre part, l’autorité est libre d’apporter à tout moment au régime de travail du personnel les modifications, pour l’avenir, qu’elle estime conformes à l’intérêt du service, même dans un sens défavorable aux agents (arrêts du 24 avril 2008, Dalmasso/Commission, F‑61/05, EU:F:2008:47, point 78 ; du 25 novembre 2008, Bosman/Conseil, F‑145/07, EU:F:2008:149, point 41, et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 120).
99 Il s’ensuit qu’un agent ne saurait se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de ce droit s’est produit sous l’empire d’un statut déterminé, antérieur à la modification décidée par l’autorité (arrêts du 19 mars 1975, Gillet/Commission, 28/74, EU:C:1975:46, point 5, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 78).
100 Or, les décisions des 9 novembre et 14 décembre 2010 ainsi que des 29 juin et 16 novembre 2011 se sont bornées à modifier, pour l’avenir, le régime des primes applicables aux agents de la BEI, notamment en réglant, sur le plan salarial, les effets futurs des performances dont les agents de la BEI avaient fait preuve au cours des années 2012 et postérieures. Dès lors que la modification est intervenue avant même que les évaluations aient eu lieu et que les récompenses des performances n’aient été octroyées, la modification ne saurait avoir porté atteinte à un droit acquis des requérants (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 91).
101 Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des droits acquis doit être écarté.
3) Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime
102 Les requérants soutiennent que, compte tenu de la stabilité du régime des primes avant la réforme, ils pouvaient légitimement s’attendre à percevoir chaque année une prime au moins égale à celle de l’année précédente. Ils font également valoir que, en signant, avec les représentants du personnel et au terme de la procédure de conciliation, le protocole d’accord, qui visait à rétablir la paix sociale au sein de la BEI et devait présenter un caractère durable, et en mettant en œuvre ce protocole pour tous les agents, la BEI a pris des engagements et s’est fixée des obligations, de telle sorte que, en application du principe de protection de la confiance légitime, ledit protocole l’obligeait à l’égard de son personnel dans son action future.
103 Selon les requérants, les décisions modifiant leur régime de primes iraient à l’encontre de leur confiance légitime dans le maintien du régime jusque-là applicable, caractérisé par sa stabilité et sur le fondement duquel auraient été définies les mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord.
104 Or, en premier lieu, il est de jurisprudence constante que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime ne s’étend qu’au particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêts du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, points 71 et 72 et jurisprudence citée, et du 19 novembre 2009, Denka International/Commission, T‑334/07, EU:T:2009:453, point 148 et jurisprudence citée).
105 En l’espèce, ainsi que cela a été constaté au point 94 ci-dessus, la stabilité du régime des primes antérieur à la réforme de 2010-2011 résulte d’une simple pratique.
106 Or, dans un domaine où l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, une simple pratique, aussi courante soit-elle, n’équivaut pas à des renseignements précis, inconditionnels et concordants desquels une attente légitime pourrait réellement découler (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 70, et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 122).
107 Par ailleurs, il a déjà été relevé au point 80 ci-dessus que la BEI ne s’était pas engagée, dans le protocole d’accord, à maintenir le régime des primes antérieur.
108 Enfin, les requérants peuvent d’autant moins se prévaloir en l’espèce d’une confiance légitime dans le maintien du régime antérieur des primes que, depuis 2004, la BEI avait annoncé à plusieurs reprises une refonte de ce régime. Il suffit à cet égard de mentionner la note adressée au personnel par le président de la BEI le 12 octobre 2004, la communication au personnel du 20 octobre 2004, le discours du président de la BEI pour les fêtes de Noël de 2004 ou encore la lettre intitulée « HR News » de novembre 2005.
109 En second lieu, il ressort, en tout état de cause, de la jurisprudence que, en présence d’une réglementation qu’elle entend modifier ou supprimer, l’autorité ne viole pas une attente légitime quant à son maintien si elle assortit les nouvelles dispositions d’une période transitoire d’une durée suffisante (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 1979, Tomadini, 84/78, EU:C:1979:129, point 20 ; du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 149, et du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, points 68 et 69).
110 Or, il est constant que la BEI a assorti la modification du régime des primes de dispositions transitoires s’étendant sur une période de cinq ans. Les requérants contestent, certes, cette période transitoire, mais ils le font dans le cadre du deuxième moyen, à l’examen duquel il est renvoyé pour l’examen de ladite contestation (voir point 116 ci-après).
111 Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime et, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble doivent être écartés.
b) Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de prévisibilité ainsi que du devoir de sollicitude
112 Les requérants soutiennent que les décisions des 9 novembre et 14 décembre 2010 ainsi que des 29 juin et 16 novembre 2011 méconnaissent les principes de sécurité juridique et de prévisibilité, en ce qu’elles ont modifié, de façon unilatérale, le régime de rémunération issu du protocole d’accord environ deux ans après la signature de ce dernier, alors que les parties avaient voulu lui donner un caractère durable et stable. De plus, le nouveau régime de récompense des performances, entrant en vigueur en 2012, présenterait un caractère rétroactif et, produisant tous ses effets dès 2017, aurait été assorti d’une période transitoire relativement limitée. En outre, la réforme contestée ne serait pas justifiée par des circonstances impérieuses. Au contraire, les objectifs poursuivis par la BEI ne constitueraient pas des motifs réguliers et méconnaîtraient, enfin, le devoir de sollicitude.
113 La BEI conteste les arguments des requérants.
114 S’agissant, en premier lieu, du caractère prétendument stable et durable du protocole d’accord, il y a lieu d’observer qu’il ressort, en toute hypothèse, de l’examen du premier moyen que, comme cela a été rappelé aux points 80, 89 et 107 ci-dessus, la BEI ne s’est aucunement engagée à garantir l’immuabilité du système de rémunération du personnel, et spécialement celle des dispositions figurant dans le protocole d’accord, ou encore à compenser intégralement les effets que pourraient avoir de futures réformes sur les mesures compensatoires prévues par ce protocole.
115 S’agissant, en deuxième lieu, de la prétendue remise en cause du protocole d’accord, les requérants n’ont, ainsi que cela a été relevé aux points 86 et 87 ci-dessus, pas établi que les nouvelles mesures compensatoires accompagnant la réforme du régime des primes n’auraient pas été suffisantes afin de neutraliser, au moins partiellement et temporairement, les effets de cette réforme sur les mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord.
116 S’agissant, en troisième lieu, de la durée des mesures transitoires, il convient de relever que la réforme du régime des primes comporte une période de transition de cinq années pendant laquelle une partie du budget alloué aux primes sera destinée à financer différents mesures compensatoires, et en particulier une allocation transitoire dégressive. S’agissant d’une réforme telle que celle en litige, une période transitoire de cinq ans apparaît suffisante au regard de la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 11 mars 1982, Grogan/Commission, 127/80, EU:C:1982:86, point 34, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, points 10, 86 et 87).
117 S’agissant, en quatrième lieu, de la circonstance que le régime transitoire ainsi mis en place ne respecterait pas de manière intégrale, et à l’identique, l’ancien régime des primes, elle ne saurait être critiquée. En effet, la nature même d’une période transitoire est précisément d’organiser le passage progressif d’un régime à un autre. Exiger, comme semblent le faire les requérants, que le régime transitoire respecte l’ancien régime aurait pour conséquence de priver la réforme de toute portée pratique durant la période transitoire et de rendre brutal le passage ultérieur au nouveau régime (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 139).
118 S’agissant, en cinquième lieu, du caractère prétendument rétroactif de la réforme du régime des primes, il y a lieu de relever que le présent litige est relatif aux récompenses versées en 2013 au titre des performances des agents au cours de l’année 2012, alors que les décisions modifiant le régime des primes ont été adoptées au cours des années 2010 et 2011. Dans ces conditions, les décisions contenues dans les bulletins de prime d’avril 2013 ne peuvent être regardées comme mettant en œuvre, de façon rétroactive, le nouveau régime de récompense des performances.
119 Il s’ensuit qu’il ne saurait être inféré des circonstances de l’espèce que, en adoptant le nouveau régime de récompense des performances, la BEI a méconnu le principe de sécurité juridique, ou un prétendu principe de prévisibilité.
120 Quant à la question de savoir si les décisions susmentionnées modifiant le régime des primes étaient justifiées par les circonstances de l’espèce, elle sera examinée dans le cadre du troisième moyen.
121 Il en ira de même des griefs tirés du caractère irrégulier des motifs de ces décisions ainsi que de la méconnaissance du devoir de sollicitude.
122 Partant, le deuxième moyen doit être écarté.
c) Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, du caractère irrégulier des motifs de la décision du 14 décembre 2010 ainsi que d’une violation du règlement du personnel, de la décision du 9 novembre 2010, du principe de proportionnalité et du devoir de sollicitude
123 À titre liminaire, il convient de relever que, si la requête mentionne un grief tiré d’une violation du règlement du personnel, elle ne comporte aucun développement relatif à ce grief. Il s’ensuit que les requérants n’ont pas réellement invoqué un tel grief.
124 Dans ces conditions, au vu des développements consacrés par les requérants dans le troisième moyen et compte tenu également de ce qui a été relevé aux points 120 et 121 ci-dessus, il y a lieu de considérer que ce troisième moyen se divise en deux branches, la première étant tirée du caractère irrégulier des motifs de la décision du 14 décembre 2010 ainsi que d’une méconnaissance du devoir de sollicitude par cette même décision et la seconde étant tirée d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité et de la décision du 9 novembre 2010, entachant les décisions des 29 juin et 16 novembre 2011.
1) Sur la première branche, tirée du caractère irrégulier des motifs de la décision du 14 décembre 2010 et de la violation du devoir de sollicitude
125 Cette première branche peut être décomposée en deux griefs.
i) Sur le premier grief, tiré de l’irrégularité des motifs de la décision du 14 décembre 2010
126 Selon les requérants, en décidant de modifier le régime des primes, la BEI aurait en réalité eu pour objectifs, d’une part, de réaliser des économies supportées par son personnel et, d’autre part, de faire preuve de solidarité à l’égard de situations nationales difficiles. Or, la poursuite de tels objectifs ne saurait être un motif régulier et admissible. Elle serait en particulier incompatible avec le devoir des membres du conseil d’administration, prévu par leur code de conduite, de défendre non pas des points de vue nationaux, mais les intérêts de la BEI.
127 En premier lieu, il a déjà été rappelé au point 98 ci-dessus que l’autorité est libre d’apporter à tout moment au régime de travail du personnel les modifications qu’elle estime conformes à l’intérêt du service, même dans un sens défavorable aux agents. De plus, les possibilités budgétaires sont un des facteurs dont l’administration peut tenir compte dans la politique du personnel (voir arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 134 et jurisprudence citée).
128 En second lieu, les requérants ne démontrent pas à suffisance de droit que la réforme du régime des primes s’expliquerait par un souci de la BEI de témoigner une forme de solidarité avec la situation de certains États membres.
129 En revanche, il ressort du dossier, et notamment d’un rapport du comité de direction sur la révision du système de rémunération soumis au conseil d’administration pour approbation le 19 octobre 2006 ainsi que de la décision du 14 décembre 2010, que la réforme du régime des primes avait pour objectifs de modifier le régime de rémunération dans le sens d’une plus grande flexibilité et d’une plus grande transparence, de renforcer le lien entre les performances et les primes, de motiver et de retenir un personnel faisant preuve d’un haut niveau de performance et, enfin, de respecter les meilleures pratiques internationales.
130 Force est de constater que de tels objectifs se rattachent à l’intérêt du service.
131 Dans ces conditions, il n’est pas établi que la BEI aurait adopté la décision du 14 décembre 2010 dans le souci de faire preuve de solidarité à l’égard de certains États membres et de prendre ainsi en compte des intérêts strictement nationaux.
ii) Sur le second grief, tiré de la violation du devoir de sollicitude
132 Selon les requérants, la BEI a méconnu son devoir de sollicitude en poursuivant un objectif de réalisation d’économies supportées uniquement par le personnel.
133 Il convient de rappeler que, s’il résulte du devoir de sollicitude que la BEI est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné, le devoir de considérer les intérêts du personnel concerné n’exclut cependant pas de tenir compte des objectifs qui sont défavorables au personnel (arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, point 133). Ainsi, eu égard à la possibilité de tenir compte des possibilités budgétaires, la volonté de réaliser des économies à charge du personnel ne méconnaît pas non plus le devoir de sollicitude (arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 134, confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, point 134).
134 En l’espèce, l’argumentation des requérants recoupe celle qu’ils ont développée dans le grief tiré de l’irrégularité des motifs de la décision du 14 décembre 2010, à la réponse duquel il convient donc de se reporter. De plus, compte tenu notamment des objectifs mentionnés au point 129 ci-dessus, il apparaît que la BEI a également pris en considération les intérêts de ses agents lorsqu’elle a adopté les principes de la réforme du régime des primes.
135 La première branche du troisième moyen doit, en conséquence, être écartée.
2) Sur la seconde branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité et de la décision du 9 novembre 2010
i) Arguments des parties
136 Les requérants font valoir que, le 29 juin 2011, le comité de direction a rejeté, sans avancer de motifs convaincants, une partie des mesures compensatoires complémentaires qui lui avaient été proposées par le département des ressources humaines et qui avaient le soutien des représentants du personnel. Ce faisant, ledit comité n’aurait pas pris en considération le fait que ces mesures visaient à maintenir, de façon durable, le niveau de compensation résultant du protocole d’accord et non à s’insérer dans un régime transitoire lié à la réforme du régime des primes. Or, le comité de direction se serait lui-même interrogé sur l’impact de la réforme du régime des primes sur le protocole d’accord lorsqu’il a demandé le 9 novembre 2010 au département des ressources humaines de discuter de l’éventualité d’un nouveau protocole avec les représentants du personnel. Partant, les décisions des 29 juin et 16 novembre 2011, adoptant de nouvelles mesures compensatoires sans examiner l’impact de la réforme du régime des primes sur le protocole d’accord, seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation et auraient méconnu – outre le protocole d’accord – la décision du 9 novembre 2010.
137 En outre, les requérants soutiennent que les décisions des 29 juin et 16 novembre 2011 ne prennent « nullement » en compte les intérêts des agents et méconnaissent le principe de proportionnalité. En effet, les mesures compensatoires finalement adoptées ne correspondraient qu’à environ 25 % de celles proposées en juin 2011. De plus, les mesures écartées, qui étaient de nature à maintenir le niveau de compensation résultant du protocole d’accord, n’auraient emporté qu’un surcoût d’environ un million d’euros. L’économie ainsi réalisée serait marginale pour la BEI, dont la situation financière serait excellente et saine, puisque ses revenus nets s’élèveraient, pour l’année 2012, à 2,7 milliards d’euros.
138 La BEI conteste ces arguments.
ii) Appréciation du Tribunal
139 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon la jurisprudence de la Cour, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29 et jurisprudence citée).
140 En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la Cour a reconnu au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (voir arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 117 et jurisprudence citée).
141 Ces considérations s’appliquent également, par voie d’analogie, au contrôle de la proportionnalité des décisions prises par la BEI dans le cadre de la réforme du régime des primes. Or, ladite réforme impliquait pour la BEI des choix de nature politique, économique et sociale, dans le cadre desquels elle était appelée à effectuer des appréciations complexes, de sorte qu’elle disposait d’une large marge d’appréciation dont il faut tenir compte lors de l’appréciation de la proportionnalité des mesures en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 118).
142 Il s’ensuit que, en l’espèce, le Tribunal doit se limiter à examiner si les appréciations de la BEI sont entachées d’une erreur manifeste ou si elle n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 161).
143 Il revient au Tribunal d’examiner les griefs des requérants au vu des éléments qui précèdent.
144 En premier lieu, force est de rappeler qu’il ressort de l’examen des premier et deuxième moyens que, comme cela a été relevé en dernier lieu au point 114 ci-dessus, la BEI ne s’est pas engagée juridiquement à maintenir les mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord ou à compenser, de façon intégrale et permanente, toute altération de l’économie de ce protocole.
145 En particulier, le comité de direction s’est borné, dans sa décision du 9 novembre 2010, d’une part, à prendre note des remarques des représentants du personnel relatives au lien entre le régime des primes et les mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord ainsi qu’à leurs préoccupations quant au respect de ce protocole et, d’autre part, à demander au département des ressources humaines de discuter avec les représentants du personnel du champ d’un éventuel nouveau protocole d’accord. Ainsi, il ne ressort pas de cette décision que, à cette occasion, la BEI se serait engagée à compenser, dans le cadre d’un futur protocole d’accord, les effets de la réforme des primes sur le protocole d’accord. Dès lors, les requérants n’ont pas démontré que les décisions des 29 juin et 16 novembre 2011 auraient méconnu un prétendu engagement pris par le comité de direction le 9 novembre 2010.
146 En deuxième lieu, le fait que le comité de direction ait finalement décidé, dans ses décisions des 29 juin et 16 novembre 2011, de ne pas adopter toutes les mesures compensatoires présentées par le département des ressources humaines en accord avec les représentants du personnel ne saurait, en lui-même et dans le contexte rappelé au point 145 ci-dessus, être constitutif d’un défaut d’examen de l’impact de la réforme du régime des primes sur le protocole d’accord et encore moins d’une erreur manifeste d’appréciation. Une telle assertion reviendrait, en effet, à lier en ce cas la compétence pourtant discrétionnaire des autorités de la BEI. Or, il convient de rappeler que le droit des représentants du personnel d’être consultés laisse intactes les prérogatives de décision de l’employeur (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T‑192/99, EU:T:2001:72, point 89).
147 En troisième lieu, les requérants ne démontrent pas, en tout état de cause, l’insuffisance des nouvelles mesures compensatoires adoptées les 29 juin et 16 novembre 2011 d’une manière susceptible d’établir l’existence, en l’espèce, d’une erreur manifeste d’appréciation.
148 En effet, il a déjà été relevé, au point 87 ci-dessus, que la simulation produite par les requérants n’est accompagnée d’aucune explication relative aux données et aux paramètres sur lesquels elle se fonde.
149 De plus, l’affirmation des requérants eux-mêmes selon laquelle le nouveau régime de récompense des performances est dépourvu de stabilité nuit, comme telle, à la crédibilité de cette simulation. En effet, ce nouveau régime, décrit notamment au point 26 ci-dessus, dépend non seulement d’indicateurs de résultats nécessairement variables, mais aussi des disponibilités budgétaires, du nombre de bénéficiaires des récompenses individuelles fixé discrétionnairement par les instances dirigeantes de la BEI et de la comparaison des performances de chaque agent avec celles des autres agents de même catégorie. Dès lors que le nouveau régime de récompense des performances est caractérisé par son caractère discrétionnaire et sa variabilité, la simulation sur laquelle se fondent les requérants est nécessairement trop aléatoire pour étayer, au vu de ses résultats, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la BEI.
150 En quatrième lieu, l’affirmation des requérants selon laquelle le comité de direction n’aurait « nullement » pris en compte, lors de l’adoption des modalités de la réforme des primes, les intérêts des agents est insuffisamment étayée pour pouvoir prospérer. Le caractère absolu de cette affirmation est d’ailleurs démenti par les discussions menées par le département des ressources humaines avec les représentants du personnel ainsi que par l’existence même de mesures compensatoires assortissant précisément la réforme du régime des primes.
151 En cinquième lieu, la BEI fait, à juste titre, valoir que, même si sa situation financière est saine, le fait de ne pas être, stricto sensu, un organisme à but lucratif ne saurait la contraindre à redistribuer ses profits à son personnel, ni, plus largement, lui interdire de réaliser des économies en la matière. Au demeurant, les requérants ne contestent pas que les disponibilités de la BEI doivent être prioritairement affectées à ses missions d’intérêt général, lesquelles sont appelées à se développer en période de crise bancaire, budgétaire et économique.
152 Par ailleurs, la BEI soutient avec raison qu’elle doit respecter un ratio de ressources propres qui détermine sa capacité de financement, aux termes de l’article 16, paragraphe 5, de ses statuts, établis par le protocole n° 5 annexé au traité UE et au traité FUE. Plus précisément, il ressort de cette disposition que la capacité de financement de la BEI dépend du montant du capital souscrit, des réserves constituées, des provisions non affectées et de l’excédent du compte de profits et de pertes. De plus, soumise au respect des « meilleures pratiques bancaires » en vertu de l’article 12, paragraphe 1, de ses statuts, la BEI est également astreinte, à ce titre, au respect de ratios de capital. Il s’ensuit qu’elle a pu considérer qu’il lui était indispensable de dégager un montant plus élevé de ressources disponibles, nécessitant une maîtrise des coûts internes, notamment de personnel.
153 Enfin, les requérants ne contestent pas valablement que l’excédent que la BEI réalise chaque année sur son budget administratif n’en est en réalité pas un. En effet, il résulte des articles 17 et 22 de ses statuts que les excédents budgétaires doivent être affectés en priorité à un fonds de réserve devant s’élever à 10 % du capital souscrit et que, au moment de l’adoption des décisions des 29 juin et 16 novembre 2011, ce fonds de réserve n’avait pas encore été entièrement constitué.
154 En sixième lieu, bien que la BEI reconnaisse que les chiffres cités par les requérants sont exacts, l’argument de ces derniers selon lequel l’économie résultant du rejet de certaines mesures compensatoires serait trop marginale pour être utile ne saurait être retenu. En effet, malgré la réalisation par la BEI d’un revenu net de 2,7 milliards d’euros pour l’année 2012, qualifier de « marginale » une économie d’un million d’euros procède d’une appréciation subjective et ne suffit pas à démontrer une erreur manifeste d’appréciation.
155 En toute hypothèse, les décisions des 29 juin et 16 novembre 2011 ne doivent pas s’apprécier uniquement d’un point de vue budgétaire, mais aussi au regard de l’objectif de gestion du personnel tendant à mieux récompenser que par le passé les performances les plus significatives des agents, spécialement dans le contexte général de crise et de défiance envers le secteur bancaire.
156 La seconde branche et, au vu de tout ce qui précède, l’ensemble du troisième moyen doivent par conséquent être écartés.
d) Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI
157 Les requérants font valoir que l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI, approuvé le 4 décembre 1958 et ultérieurement modifié, impose de recueillir l’avis du comité de rémunérations du personnel (ci-après le « comité de rémunérations ») sur les questions de rémunération. Or, en l’espèce, la BEI n’aurait pas sollicité l’avis de ce comité préalablement à la décision de modifier la grille d’avancement au mérite et de remettre ainsi en cause le protocole d’accord. De plus, bien qu’ayant discuté de la limitation à 2,8 % de la hausse des dépenses consacrées à la « progression salariale », ledit comité n’aurait pas informé le conseil d’administration que cette limitation constituerait une violation du protocole d’accord.
158 Il convient de rappeler que l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI dispose que, « [d]ans le cadre de ses compétences et conformément à l’article 18 du présent règlement, il est constitué au sein du [c]onseil d’administration un [c]omité de rémunérations du personnel en charge de sujets préalablement identifiés afin d’exprimer des avis non contraignants au [c]onseil d’administration en vue de faciliter la procédure de décision ».
159 La BEI explique que, selon une décision de son conseil d’administration du 10 juin 2008, le comité de rémunérations est ainsi compétent pour émettre des avis sur la méthode d’adaptation des salaires, sur la révision générale du régime de rémunération et sur la révision du régime des pensions.
160 En l’espèce, force est de constater que le grief selon lequel le comité de rémunérations n’aurait pas été consulté préalablement à une décision, non identifiée, modifiant la grille d’avancement d’échelon au mérite et limitant à 2,8 % la hausse des dépenses consacrées à la « progression salariale » est inopérant.
161 En effet, en premier lieu, les décisions dont l’illégalité est excipée ont modifié le régime des primes, mais n’ont en revanche ni modifié le mécanisme d’avancement d’échelon au mérite ni fixé un quelconque taux d’augmentation du budget des dépenses de personnel.
162 Certes, il existe un lien entre la grille d’avancement d’échelon au mérite et la récompense des performances, dans la mesure où, comme le précise la note du 25 novembre 2011, seuls les agents ayant obtenu, au minimum, la note C peuvent prétendre à une telle récompense et où, comme l’indique un document du 10 mars 2011 intitulé « Q & A Sheet : Bonus reform » (ci-après le « document du 10 mars 2011 »), une cohérence doit exister entre la récompense individuelle et la note que l’agent reçoit, sous la réserve, néanmoins, de la prise en compte de la comparaison des performances de l’intéressé avec celles de ses collègues. Cependant, les modifications successives de la grille d’avancement d’échelon au mérite, et notamment celles intervenues en 2012 et en 2013, n’ont fait que réduire le nombre d’échelons attribués pour chaque note de mérite, sans modifier les notes caractérisant l’appréciation finale des agents.
163 En second lieu, à supposer même que les requérants aient en réalité entendu reprocher à la BEI l’absence de consultation du comité de rémunérations préalablement à l’adoption des décisions modifiant le régime des primes et définissant de nouvelles mesures compensatoires, force est de constater qu’une telle réforme, pas plus d’ailleurs que les réformes successives modifiant les grilles d’avancement d’échelon au mérite applicables, ne figure pas parmi les « sujets préalablement identifiés », visés à l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI et arrêtés par le conseil d’administration dans sa décision du 10 juin 2008. En effet, en adoptant lesdites réformes, la BEI n’a procédé ni à une réforme de la méthode d’adaptation des salaires, ni à une révision générale du régime de rémunération, ni à une révision du régime des pensions. Il s’ensuit que les organes compétents de la BEI pouvaient modifier le régime des primes, comme d’ailleurs les grilles d’avancement au mérite, sans consulter préalablement le comité de rémunérations.
164 Le quatrième moyen doit, par conséquent, être écarté.
2. Sur le respect du nouveau régime de récompense des performances
165 À titre subsidiaire, les requérants soutiennent que la décision du 20 février 2013 et les décisions contenues dans les bulletins de prime d’avril 2013 méconnaissent les décisions des 9 novembre et 14 décembre 2010 ainsi que des 29 juin et 16 novembre 2011 fixant le cadre et les modalités d’application du nouveau régime de récompense des performances.
166 À cette fin, ils invoquent quatre autres moyens, présentés ci-après comme les cinquième, sixième, septième et huitième moyens et tirés, respectivement :
– le premier, de ce que la décision du 20 février 2013 aurait fixé les fourchettes relatives aux bénéficiaires et au montant des récompenses individuelles alors que le comité de direction n’aurait pas disposé des informations nécessaires à l’établissement de ces fourchettes ;
– le deuxième, de ce que les fourchettes des récompenses individuelles n’auraient pas été communiquées aux évaluateurs et aux agents avant le début de l’exercice d’évaluation et de ce que certaines directions auraient méconnu ces fourchettes ou réduit de façon arbitraire les récompenses individuelles ;
– le troisième, de ce que les récompenses individuelles auraient été réparties de façon incohérente et discriminatoire ;
– le quatrième, de ce que les agents ayant obtenu une note B ne se seraient pas vu accorder de récompense individuelle, sauf justification particulière.
a) Sur le cinquième moyen, tiré de l’absence de communication par les directions au comité de direction des informations nécessaires à l’établissement des fourchettes
1) Arguments des parties
167 Les requérants reprochent au comité de direction d’avoir fixé, lors de sa réunion du 20 février 2013, les fourchettes relatives, d’une part, à la proportion d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle et, d’autre part, au montant indicatif des récompenses individuelles par niveau fonctionnel, alors qu’il n’aurait pas disposé, à cette date, des informations nécessaires à l’établissement de ces fourchettes.
168 En effet, les différentes directions n’auraient pas communiqué, à la suite de l’évaluation des agents à mi-parcours, soit entre juillet et septembre 2012, le nombre de leurs agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle, conformément à une règle approuvée par le comité de direction le 29 juin 2011 et annoncée par le document du 10 mars 2011. Faute d’avoir disposé des informations nécessaires et utiles recueillies sur le terrain par chaque direction, division ou unité, le comité de direction aurait établi de façon aléatoire les fourchettes susmentionnées, en méconnaissance de la décision du 29 juin 2011 ainsi que des principes d’objectivité, de transparence et de prévisibilité.
169 Par ailleurs, selon les requérants, le département des ressources humaines n’aurait pas répondu à une demande des représentants du personnel désireux de connaître la façon dont le budget des récompenses individuelles était réparti entre les différentes directions.
170 La BEI fait valoir que, indépendamment du fait que les requérants n’apportent pas la preuve du défaut de communication à mi-exercice du nombre d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle, un tel défaut de communication ne serait pas de nature à entraîner l’annulation des décisions individuelles fixant le montant des récompenses individuelles.
171 D’abord, elle explique que cette communication à mi-parcours, très en amont de l’évaluation des agents, aurait pour seul objectif de faciliter la distribution ultérieure de l’enveloppe des primes entre les différents services en donnant une première indication, sujette à révision, des récompenses individuelles susceptibles d’être distribuées. En revanche, la répartition définitive de l’enveloppe allouée à ces récompenses n’interviendrait qu’après la clôture de l’exercice, une fois connus différents paramètres, tels que les résultats financiers de la BEI pour l’ensemble de l’exercice et le montant du budget alloué aux primes arrêté par le conseil d’administration. Dès lors, le comité de direction se serait borné le 29 juin 2011 à instituer un instrument prévisionnel, utile au fonctionnement de la BEI, mais n’instaurant aucune garantie au bénéfice de ses agents, de telle sorte que cette mesure constituerait une règle purement interne dont la méconnaissance ne pourrait être utilement invoquée au soutien d’un recours en annulation.
172 Ensuite, la BEI estime qu’un prétendu défaut de communication n’aurait pas pu avoir d’incidence sur le montant des récompenses individuelles des agents. En effet, il n’existerait pas de lien direct entre, d’une part, une communication constituant une simple prévision à mi-parcours et, d’autre part, le montant des primes des agents, lesquelles dépendent des performances individuelles des agents ainsi que des résultats financiers de la BEI et du montant du budget annuel alloué à la récompense des performances.
173 Enfin, compte tenu des termes de la décision du 29 juin 2011, le comité de direction n’aurait pas entendu être lié par les indications données à mi-exercice par les directions relativement au nombre d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle, ces indications constituant seulement un élément qu’il lui serait loisible de prendre en considération.
2) Appréciation du Tribunal
174 Il convient de constater que, dans sa décision du 29 juin 2011, le comité de direction a effectivement approuvé une proposition du département des ressources humaines selon laquelle chacune des directions devrait être invitée, chaque année, à communiquer, après l’évaluation à mi-parcours, le nombre d’agents pouvant recevoir une récompense individuelle, de manière à ce que le comité de direction puisse être informé de façon appropriée et que cette communication puisse être utilisée par ce comité comme un élément guidant la détermination du pourcentage maximal d’agents pouvant recevoir une telle récompense.
175 En l’espèce, les parties s’opposent sur la question de savoir si les directions ont effectivement transmis au comité de direction, à la suite de l’évaluation à mi-parcours réalisée à l’été 2012, leurs prévisions quant au nombre d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle au titre de l’année 2012. Les requérants soutiennent que ces prévisions n’ont pas été communiquées au comité de direction avant que celui-ci n’adopte, le 20 février 2013, les deux types de fourchettes mentionnées au point 167 ci-dessus. La BEI, qui est seule en mesure d’établir la réalité de cette communication, se borne à contester l’affirmation des requérants, sans apporter aucun élément de preuve au soutien du mémoire en défense. Dans ces conditions, le Tribunal considère que la BEI ne justifie pas que les prévisions des directions ont été transmises en temps utile au comité de direction conformément à la règle approuvée par le comité de direction le 29 juin 2011.
176 Il convient toutefois de déterminer si, en l’espèce, l’absence de communication au comité de direction des prévisions élaborées par les directions relativement au nombre d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle a pu avoir une incidence sur la détermination des fourchettes adoptées au titre de l’année 2012 ainsi que sur la fixation du montant des récompenses individuelles octroyées aux agents de la BEI au titre de ladite année et si, par suite, elle a pu affecter la légalité de la décision du 20 février 2013 et celle des décisions contenues dans les bulletins de prime d’avril 2013.
177 À cette fin, il y a lieu d’analyser les termes et la finalité de la décision du 29 juin 2011 au regard du contexte général du nouveau régime de récompense des performances.
178 En premier lieu, il convient de relever que les informations devant être communiquées par les directions à mi-exercice consistent uniquement en une estimation du nombre d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle au terme de l’exercice. En revanche, ces informations ne portent pas sur le montant des récompenses individuelles susceptibles d’être accordées aux agents selon leur niveau fonctionnel. De plus, si la décision du 29 juin 2011 prévoit que lesdites informations peuvent être utilisées par le comité de direction pour fixer le pourcentage maximal d’agents pouvant recevoir une récompense individuelle, elle ne détermine pas de quelle façon ces informations pourraient être utilisées afin de définir le montant des récompenses individuelles susceptibles d’être accordées aux agents selon leur niveau fonctionnel. Il s’ensuit que l’objectif essentiel de la mesure adoptée le 29 juin 2011 est seulement de faciliter l’adoption ultérieure de la fourchette relative à la proportion d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle.
179 En deuxième lieu, il résulte des termes de la décision du 29 juin 2011 que l’estimation, effectuée par les directions, du nombre d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle présente un caractère prévisionnel et indicatif.
180 En effet, d’une part, cette estimation est fondée sur des données provisoires et sujettes à révision. À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la note du 25 novembre 2011, des lignes directrices de la procédure d’évaluation des performances du personnel pour 2012 ainsi que des propres explications des requérants que, pour une année donnée, les agents de la BEI sont évalués une première fois, à titre provisoire, à mi-parcours, soit au cours des mois de juillet à septembre, puis une seconde fois, à titre définitif, au cours des mois de janvier et de février de l’année suivante. Or, le comité de direction n’est appelé à fixer la fourchette relative à la proportion d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle qu’au cours du mois de février de cette dernière année. Dès lors, les données transmises par les directions à la suite de l’évaluation à mi-parcours sont susceptibles d’être affinées avant l’intervention de la décision du comité de direction arrêtant cette fourchette.
181 D’autre part, il résulte de l’emploi, dans la décision du 29 juin 2011, du passage « this could be used […] as a guiding factor » (ceci pourrait servir […] de principe directeur) que le comité de direction n’est pas formellement tenu de respecter cette estimation. Ainsi, les données transmises par les directions ne lient pas le comité de direction, qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation des fourchettes mentionnées au point 167 ci-dessus et qui peut, à cet effet, se fonder sur d’autres éléments que ceux transmis par les directions.
182 En troisième lieu, la fourchette relative à la proportion d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle présente elle-même un caractère prévisionnel et indicatif. Il en va de même, au demeurant, des fourchettes relatives au montant indicatif des récompenses individuelles par niveau fonctionnel.
183 D’une part, il convient à cet égard de rappeler les termes et le contenu des décisions relatives au cadre général et aux modalités du nouveau régime de récompense des performances. En particulier, la décision du 9 novembre 2010 prévoit que la décision relative au nombre d’agents recevant une récompense individuelle devra être déléguée aux directeurs généraux, ce nombre étant fixé à l’intérieur d’une fourchette définie par le comité de direction sur proposition du département des ressources humaines, en prenant en compte la situation des petites unités, de façon à assurer la cohérence entre les directions. De même, la décision du 14 décembre 2010 a précisé que les directions devront jouir de flexibilité, dans un cadre institutionnel commun, en ce qui concerne la fixation du nombre d’agents recevant une récompense individuelle. Par ailleurs, la note du 25 novembre 2011, dont les termes sont cités au point 26 ci-dessus, rappelle que, s’il incombe au département des ressources humaines de publier chaque année des fourchettes indicatives pour les récompenses individuelles par niveau fonctionnel, les directions pourront décider, à leur propre discrétion, du nombre d’agents qui recevront une récompense individuelle ainsi que du montant accordé.
184 Ainsi, s’il est prévu que le comité de direction adopte chaque année des fourchettes relatives, notamment, à la proportion d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle, la détermination du nombre d’agents recevant effectivement une telle récompense incombe aux seules directions, lesquelles disposent à cet égard d’un pouvoir discrétionnaire. Dans ce contexte, la fourchette établie par le comité de direction relativement à la proportion d’agents recevant une récompense individuelle présente un caractère indicatif et non contraignant, ce sur quoi s’accordent d’ailleurs les parties.
185 D’autre part, cette fourchette présente un caractère prévisionnel, puisqu’elle correspond en réalité à la proportion d’agents pour lesquels le département des ressources humaines s’attend à ce qu’ils reçoivent une récompense individuelle, ce dont témoignent les expressions « on s’attend » et « it is expected » (on s’attend) employées, respectivement, par la décision du 14 février 2012 et par celle du 20 février 2013 fixant cette fourchette avant l’attribution des récompenses individuelles à verser en 2012 et en 2013 au titre, respectivement, des performances de l’année 2011 et de celles de l’année 2012.
186 En quatrième lieu, le montant de la récompense individuelle accordée à chaque agent dépend, en tout état de cause, de nombreux facteurs autres que les fourchettes arrêtées par le comité de direction, certains de ces facteurs n’étant, par définition, connus que postérieurement à la collecte des informations susmentionnées par les directions. Au nombre de ces facteurs figurent notamment, premièrement, le montant du budget alloué aux primes pour l’année à venir, fixé en décembre par le conseil d’administration sur le fondement, notamment, des dernières performances connues de la BEI et, deuxièmement, les performances individuelles de l’agent et de ses pairs au cours de l’année écoulée, appréciées au moment de l’évaluation définitive des mérites des agents au début de l’année suivante. Il s’ensuit qu’il n’existe pas de lien direct entre, d’une part, la communication de certaines informations par les directions prévue par la décision du 29 juin 2011 et, d’autre part, le montant de la récompense individuelle accordée à chaque agent.
187 Dans ces conditions, il ne peut être déduit de la non-communication au comité de direction des prévisions élaborées par les directions ni que ce comité aurait fixé les fourchettes en cause « de façon aléatoire » et sans disposer des éléments pertinents et actualisés indispensables à la fixation de ces fourchettes ni que cette non-communication aurait pu affecter, de façon préjudiciable, le montant des primes des requérants et, par suite, la situation juridique et matérielle de ces derniers.
188 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérants tiré de ce que le département des ressources humaines n’aurait pas répondu à une demande des représentants du personnel, lesquels souhaitaient connaître la façon dont le budget alloué aux récompenses individuelles était réparti entre les différentes directions. En effet, s’il est vrai que la BEI indique que la communication des informations collectées par les directions a pour objectif de faciliter la répartition de l’enveloppe des primes entre les différents services, les requérants n’invoquent aucune règle relative au mode de répartition de ladite enveloppe entre les directions, ni n’expliquent comment l’éventuelle absence de communication par les directions de leurs estimations relatives au nombre d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle au titre de l’année 2012 aurait pu fausser la répartition définitive entre les directions de l’enveloppe allouée aux récompenses individuelles et affecter le montant des récompenses individuelles qui leur ont été attribuées.
189 Il s’ensuit que les requérants n’ont démontré ni que l’absence de communication des prévisions des directions conformément à la décision du 20 février 2013 a vicié la décision du 20 février 2013 ainsi que les décisions contenues dans leurs bulletins de prime d’avril 2013 ni que la BEI a méconnu de prétendus principes d’objectivité, de transparence et de prévisibilité.
190 Le cinquième moyen doit, en conséquence, être écarté.
b) Sur le sixième moyen, tiré de l’absence de communication des fourchettes indicatives aux évaluateurs et aux agents ainsi que d’une possible méconnaissance des fourchettes ou réduction arbitraire des récompenses individuelles par les directions
191 Ce moyen doit être décomposé en deux branches.
1) Sur la première branche, tirée de l’absence de communication des fourchettes indicatives aux évaluateurs et aux agents
192 Par la première branche du sixième moyen, les requérants reprochent à la BEI de ne pas avoir communiqué les fourchettes indicatives des récompenses individuelles aux directions et aux agents avant le début de l’exercice d’évaluation. Ils soutiennent que les agents de la BEI n’ont jamais reçu communication de ces fourchettes et que les directions ne les ont reçues, au plus tôt, que le 20 février 2013, date à laquelle le comité de direction les a adoptées, soit une date où le processus d’évaluation était presque terminé.
193 Le Tribunal constate que les requérants ne précisent pas en vertu de quelle disposition les fourchettes indicatives des récompenses individuelles auraient dû être communiquées aux directions et aux agents avant le début de l’exercice d’évaluation.
194 Au demeurant, les requérants ne démontrent pas que l’absence de communication des fourchettes en question aux directions et aux agents avant le début de l’exercice d’évaluation a affecté, de façon préjudiciable, leur situation juridique et matérielle, dès lors que les mérites et les performances individuelles des intéressés pouvaient être évalués avant que ne soit fixé, postérieurement à cette évaluation et sur le fondement des fourchettes indicatives définies entre-temps, le montant des récompenses individuelles accordées à chacun d’entre eux.
195 Partant, la première branche du sixième moyen doit être écartée.
2) Sur la seconde branche, tirée d’une possible méconnaissance des fourchettes ou réduction arbitraire des récompenses individuelles par les directions
196 Par la seconde branche du sixième moyen, les requérants font valoir que la récompense individuelle ne peut correspondre, comme le prévoit la BEI, au point moyen de la fourchette indicative pour une fonction donnée que si 50 % seulement des agents se voient octroyer une telle récompense. Or, comme l’indiquerait le document du 10 mars 2011, il serait prévu que 50 % à 70 % des agents reçoivent une récompense individuelle. Ainsi, à chaque fois que, dans une direction, plus de 50 % des agents recevraient une récompense individuelle, cette direction serait contrainte soit de fixer une récompense individuelle inférieure au montant minimal de la fourchette indicative, soit de réduire de façon arbitraire cette récompense pour la moitié de son personnel.
197 En premier lieu, il convient de relever que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, la requête doit contenir un exposé des moyens et des arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours ou moyen soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20 et jurisprudence citée).
198 Or, en l’espèce, la seconde branche du sixième moyen est difficilement compréhensible. Les requérants n’expliquent pas clairement s’ils reprochent à la BEI d’avoir prévu que plus de 50 % des agents pourraient se voir octroyer une récompense individuelle ou d’avoir prévu que la récompense individuelle corresponde au point moyen de la fourchette indicative pour une fonction donnée, ou encore d’avoir fixé des récompenses individuelles inférieures au montant minimal des fourchettes indicatives ou réduit de façon arbitraire ces récompenses pour une partie de son personnel. Ils n’identifient pas de façon précise la règle qui aurait, selon eux, été méconnue, ni n’indiquent les directions dans lesquelles la violation alléguée se serait effectivement produite. Enfin, ils n’expliquent pas la manière dont cette violation aurait affecté le montant des primes dont ils ont bénéficié au titre de l’année 2013.
199 Il s’ensuit que cette seconde branche du moyen est irrecevable.
200 En second lieu, il importe de relever que l’argumentation des requérants repose sur des prémisses erronées. En effet, d’une part, la fourchette de 50 % à 70 % relative au nombre d’agents susceptibles de bénéficier d’une récompense individuelle que mentionne le document du 10 mars 2011 présente un caractère prévisionnel et non contraignant. Cette fourchette est d’ailleurs supérieure à celle de 45 % à 55 % retenue pour l’année 2013 par le comité de direction le 20 février 2013. D’autre part, les fourchettes indicatives relatives au montant des récompenses individuelles par niveau fonctionnel ne prescrivent ni que les récompenses accordées soient égales, pour chaque niveau fonctionnel, à leur point moyen ni même qu’elles soient au moins égales à leur point minimal. Enfin, au demeurant, même dans un cas où plus de 50 % des agents se verraient octroyer une récompense individuelle et où le même montant serait versé à tous les agents concernés, il ne s’ensuivrait pas nécessairement que ces agents recevraient des récompenses individuelles inférieures au point minimal par fonction fixé par les fourchettes.
201 Dans ces conditions, l’argumentation développée par les requérants dans la seconde branche du moyen ne saurait, en tout état de cause, prospérer.
202 Partant, il convient d’écarter le sixième moyen dans son ensemble.
c) Sur le septième moyen, tiré de la répartition incohérente et discriminatoire des récompenses individuelles
1) Arguments des parties
203 Par leur septième moyen, les requérants soutiennent que la décision du 20 février 2013, dont les bulletins de prime d’avril 2013 ont fait application, a mis en œuvre le nouveau régime de récompense des performances de façon non cohérente et discriminatoire, en accordant à une catégorie d’agents, à savoir les cadres de direction, un bénéfice étranger à la récompense de leurs performances individuelles, au détriment des autres agents, à savoir ceux qui relèvent des fonctions C à K.
204 Selon les requérants, les montants des fourchettes indicatives utilisées en 2013 pour fixer les récompenses des performances de l’année 2012 auraient augmenté, par rapport à l’année précédente, de 453 % pour les cadres de direction, mais seulement de 47 % pour les agents du niveau fonctionnel I. En outre, la proportion d’agents relevant des fonctions de direction ayant reçu une récompense individuelle serait passée de 42,9 % en 2012 à 82 % en 2013, ce qui représenterait une hausse de près de 95 %. Par ailleurs, la plus faible récompense individuelle octroyée en 2013 aurait été de 200 euros, soit un montant très inférieur au point minimal des fourchettes indicatives, à savoir 1 190 euros pour un agent du niveau fonctionnel K. En revanche, la BEI aurait refusé de communiquer aux représentants du personnel le montant de la plus forte récompense individuelle octroyée en 2013.
205 Ainsi, les récompenses individuelles accordées aux cadres de direction seraient majoritairement plus élevées que celles des agents classés à des niveaux fonctionnels moins élevés et la proportion d’agents ayant reçu une récompense individuelle serait plus élevée chez les cadres de direction.
206 Or, le nouveau régime de récompense des performances ne prévoirait pas de différence de traitement entre les agents selon leur niveau fonctionnel. Il ressortirait notamment du document du 10 mars 2011 que ce régime reposerait sur une cohérence dans la distribution des récompenses individuelles entre les différents niveaux fonctionnels.
207 De plus, la BEI n’aurait pas justifié, de façon convaincante, l’augmentation plus rapide des récompenses individuelles accordées aux cadres de direction. Une telle augmentation ne saurait en particulier être justifiée par une baisse des autres formes de « compensation » accordées aux cadres de direction, telles que la récompense pour l’ensemble de la BEI, l’allocation transitoire et le RCVP. En effet, d’abord, la récompense pour l’ensemble de la BEI aurait augmenté pour l’ensemble des agents entre 2012 et 2013, ensuite, l’allocation transitoire aurait dans le même temps baissé pour tous les agents et, enfin, le RCVP reposerait sur une contribution volontaire.
208 Par ailleurs, la répartition du budget alloué à la récompense des performances entre les cadres de direction et les autres agents, soit 17 % pour les premiers et 83 % pour les seconds, serait restée constante entre 2012 et 2013, alors que, au cours de l’année 2012, le nombre de cadres de direction aurait diminué de 8 % et que le nombre des autres agents aurait augmenté de 1,6 %, ce qui fait que la proportion de cadres de direction par rapport aux effectifs totaux de la BEI serait passée de 3,6 % à 3,3 % du nombre total d’agents.
209 Il ressortirait de l’ensemble de ces éléments que, pour définir les montants des récompenses individuelles accordées aux différents agents, la BEI aurait pris en compte d’autres facteurs que le souci de récompenser les performances et aurait en réalité cherché à compenser certaines pertes subies par les cadres de direction. Ces montants auraient été définis de façon discriminatoire, dans la mesure où les agents auraient été traités de façon différente selon leur niveau fonctionnel, alors que, au regard du régime des récompenses des performances, l’ensemble des agents constituerait une seule catégorie. Le budget alloué à la récompense des performances étant fixe et limité à 16 % du budget total des dépenses de personnel, l’approche de la BEI favorisant les cadres de direction aurait nécessairement conduit à diminuer le montant des récompenses individuelles des autres agents.
210 La BEI conteste l’argumentation des requérants.
2) Appréciation du Tribunal
211 Le Tribunal estime que, au vu de leur argumentation résumée ci-dessus, les requérants invoquent à la fois une violation des règles du nouveau régime de récompense des performances et une méconnaissance du principe d’égalité de traitement. Avant d’examiner le bien-fondé de ce moyen, dans ses deux aspects, il conviendra de rappeler, premièrement, les règles relatives à la fixation des récompenses individuelles accordées aux différentes catégories d’agents de la BEI, deuxièmement, la jurisprudence pertinente relative au principe d’égalité de traitement et, troisièmement, la façon dont le nouveau régime de récompense des performances a été mis en œuvre en 2013 à l’égard des différentes catégories d’agents de la BEI.
i) Règles relatives à la fixation des récompenses individuelles accordées aux différentes catégories d’agents
212 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 14 du règlement du personnel, dans sa version applicable au moment des faits, répartit le personnel de la BEI en trois catégories, selon les fonctions exercées. La première catégorie est celle du personnel de direction ; elle comporte le cadre de direction (senior management cadre) et la fonction C. Une deuxième catégorie est celle du personnel de conception et regroupe les fonctions D à F. Une troisième catégorie comprend le personnel d’exécution et, plus précisément, les fonctions G à K.
213 Les « cadres de direction » (« SC » pour « senior [management] cadres ») désignés par les parties correspondent donc aux agents exerçant les fonctions de « cadre de direction » au sens de l’article 14 du règlement du personnel. Il résulte des points 2 et 73 ci-dessus que, contrairement aux agents des fonctions C à K, les cadres de direction ne bénéficient pas du mécanisme d’avancement d’échelon au mérite prévu par l’article 22 du règlement du personnel.
214 Par ailleurs, il a déjà été relevé, notamment aux points 93, 149 et 184 ci-dessus, que le nouveau régime de récompense des performances présente un caractère discrétionnaire et variable. Cela explique certaines caractéristiques de ce régime en ce qui concerne la façon dont les récompenses individuelles sont réparties et distribuées aux agents relevant de différentes catégories et de différents niveaux fonctionnels.
215 À cet égard, il y a lieu de relever que, en premier lieu, le nouveau régime de récompense des performances, tel que décrit au point 26 ci-dessus, prévoit la publication, chaque année, de fourchettes indicatives relatives au montant des récompenses individuelles par fonction, permettant ainsi de traiter différemment les agents selon leur niveau fonctionnel, conformément à l’une des options envisagées par le comité de direction dans sa décision du 9 novembre 2010. Il est donc inexact d’affirmer, comme le font les requérants, que, dans l’économie dudit régime, l’ensemble des agents de la BEI formerait une seule catégorie au regard de l’attribution des récompenses individuelles.
216 En deuxième lieu, les décisions relatives au cadre général et aux modalités du nouveau régime de récompense des performances prévoient également, ainsi que cela a été relevé aux points 183 et 184 ci-dessus, l’adoption, chaque année, par le comité de direction, d’une fourchette indicative relative à la proportion d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle, tout en confiant aux directions le soin de fixer le nombre de leurs agents recevant effectivement une telle récompense. En revanche, aucune règle n’impose que la proportion d’agents bénéficiant d’une récompense individuelle soit identique au sein de chaque niveau fonctionnel.
217 En troisième lieu, les différentes décisions fixant le cadre général et les modalités du nouveau régime de récompense des performances ne lient ni le comité de direction ni les directions en ce qui concerne, premièrement, la répartition du budget alloué aux récompenses individuelles entre les agents relevant des différents niveaux fonctionnels, deuxièmement, l’ampleur de la modulation, selon le niveau fonctionnel, des fourchettes relatives au montant de ces récompenses et, troisièmement, l’évolution, d’année en année, de la ventilation du budget entre les agents des différents niveaux fonctionnels, du montant des récompenses individuelles indicatives pour ces niveaux fonctionnels ou encore de la proportion d’agents de chaque niveau fonctionnel recevant une récompense individuelle.
218 Il résulte de ce qui précède que, d’une part, le comité de direction dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la définition des fourchettes indicatives relatives tant à la proportion d’agents susceptibles de recevoir une récompense individuelle qu’au montant des récompenses individuelles par fonction et que, d’autre part, il en va de même des directions au moment de l’attribution des récompenses individuelles.
219 Ce constat n’est pas remis en cause par le fait que, selon le document du 10 mars 2011, une certaine cohérence serait attendue dans la distribution des récompenses individuelles entre les différents niveaux fonctionnels. En effet, ce document est dépourvu de caractère contraignant, ainsi que cela a été relevé au point 200 ci-dessus. Au surplus, il précise expressément que chaque direction décidera du nombre d’agents recevant une prime et que les proportions d’agents recevant une prime au sein des différents niveaux fonctionnels pourront être identiques ou différentes.
ii) Jurisprudence pertinente relative au principe d’égalité de traitement
220 Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement veut, notamment, que les situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêts du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, EU:C:1977:160, point 7, et du 26 février 2003, Drouvis/Commission, T‑184/00, EU:T:2003:39, point 39).
221 Ce principe exige que des agents placés dans des situations identiques soient régis par les mêmes règles, mais il n’interdit pas au législateur de l’Union de tenir compte des différences objectives de conditions ou de situations dans lesquelles se trouvent placés les intéressés (arrêts du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, EU:C:1980:238, point 7, et du 26 février 2003, Drouvis/Commission, T‑184/00, EU:T:2003:39, point 39).
222 En outre, dans une matière qui relève de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, le principe d’égalité de traitement n’est méconnu que lorsque l’institution concernée procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêts du 26 février 2003, Drouvis/Commission, T‑184/00, EU:T:2003:39, point 41, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 97).
223 C’est à la lumière de ces critères jurisprudentiels qu’il conviendra d’examiner si la BEI a soumis à un traitement inégal ses différentes catégories d’agents.
iii) Mise en œuvre en 2013 du nouveau régime de récompense des performances à l’égard des différentes catégories d’agents
224 Le Tribunal constate que la réalité des tendances, favorables aux cadres de direction et dénoncées par les requérants, est corroborée par les pièces du dossier et n’est pas sérieusement contredite par la BEI.
225 Ainsi, s’agissant, d’abord, de l’évolution entre 2012 et 2013 des fourchettes indicatives relatives aux montants des récompenses individuelles, il ressort de la comparaison entre les fourchettes adoptées, respectivement, le 14 février 2012 et le 20 février 2013 et reproduites aux points 30 et 38 ci-dessus que les montants de ces fourchettes ont augmenté de façon considérablement plus importante pour les agents relevant de niveaux fonctionnels élevés, tels que les cadres de direction, que pour les agents relevant des autres niveaux fonctionnels, en particulier ceux correspondant aux fonctions C à K.
226 La BEI a, certes, précisé, dans un courrier adressé le 22 mai 2013 aux représentants du personnel, que les récompenses individuelles accordées aux cadres de direction n’avaient, en pratique, augmenté que de 150 % entre 2012 et 2013. Elle fait, en outre, valoir dans ses écritures que 83 % des cadres de direction ont reçu une récompense individuelle inférieure au point minimal de la fourchette indicative applicable, ce pourcentage étant bien supérieur à celui des autres agents. De plus, aucun cadre de direction n’aurait bénéficié d’une récompense individuelle supérieure à la fourchette indicative applicable, ce qui ne serait pas le cas pour d’autres catégories de personnel. Cependant, la BEI n’a produit aucun élément de nature à étayer ses affirmations.
227 S’agissant, ensuite, du nombre de cadres supérieurs ayant obtenu une récompense individuelle en 2013, la BEI confirme qu’il s’élève à 82 % et, partant, qu’il est très supérieur à la fourchette de 45 % à 55 % définie pour l’ensemble du personnel.
228 S’agissant, enfin, du maintien entre 2012 et 2013 de la ventilation du budget alloué à la récompense des performances entre les cadres de direction et les autres agents, alors que la proportion des cadres de direction par rapport à l’ensemble du personnel a diminué, sa réalité n’est pas contestée par la BEI.
iv) Bien-fondé du moyen
229 Compte tenu du contexte rappelé aux points 214 à 219 ci-dessus et notamment du large pouvoir discrétionnaire dont jouit la BEI lors de la détermination des récompenses individuelles, le Tribunal doit se limiter à vérifier que la décision du 20 février 2013 et les bulletins de prime d’avril 2013, d’une part, ne sont pas entachés d’une incohérence telle qu’elle révélerait une erreur manifeste d’appréciation et, d’autre part, ne procèdent pas à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par le nouveau régime de récompense des performances.
230 Dans ce contexte, il convient de rechercher si la circonstance que, du point de vue de la proportion d’agents concernés et du montant des primes versées, le nouveau régime de récompense des performances bénéficie davantage aux cadres de direction qu’aux autres agents et que cette tendance se soit accentuée en 2013 par rapport à l’année 2012 suffit ou non à révéler l’existence d’une pratique manifestement incohérente ou manifestement discriminatoire ayant nui aux requérants.
231 En premier lieu, s’agissant de la cohérence des décisions adoptées par la BEI, il y a lieu de relever que les fourchettes indicatives relatives aux montants des récompenses individuelles adoptées tant en 2012 qu’en 2013 préconisent des récompenses individuelles qui sont fonction du niveau de responsabilité des agents. Un tel critère, par nature favorable aux cadres de direction et expressément prévu par le nouveau régime de récompense des performances, ne saurait, en lui-même, présenter un caractère manifestement incohérent au regard de l’objectif de récompense des performances individuelles et, partant, des objectifs généraux de la BEI et de l’intérêt du service.
232 Il est vrai que la décision du comité de direction d’augmenter substantiellement, en 2013, sans avancer de raisons particulières, le montant des récompenses individuelles des cadres de direction – les fourchettes indicatives applicables à ces derniers augmentant de 453 % et les récompenses effectivement versées aux intéressés progressant, selon la BEI, de 150 % – a de quoi surprendre, surtout dans une année où la plupart des États membres éprouvaient encore des difficultés financières sérieuses.
233 Toutefois, il n’est pas démontré que les récompenses individuelles finalement accordées aient, en pratique, été fixées de façon manifestement incohérente, quand bien même certains agents auraient obtenu des récompenses individuelles situées en dehors de ces fourchettes, comme cela a été le cas de l’agent s’étant vu octroyer une somme de 200 euros seulement.
234 En second lieu, s’agissant du prétendu caractère discriminatoire des mêmes décisions, d’abord, il convient de rappeler que la différence de traitement entre les agents en raison de leur niveau fonctionnel est, ainsi que cela a été relevé aux points 215 et 231 ci-dessus, expressément prévue par le nouveau régime de récompense des performances et que, comme cela a été relevé au point 218 ci-dessus, la BEI dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour moduler le montant des récompenses individuelles en fonction non seulement des performances individuelles, mais également des responsabilités des agents et, partant, des niveaux fonctionnels de ceux-ci. Dans ce cadre, la BEI pouvait, en particulier, modifier à tout moment les fourchettes indicatives relatives aux montants des récompenses individuelles dans un sens plus favorable aux cadres de direction, et ce d’autant plus pendant la période transitoire au cours de laquelle le nouveau régime de récompense des performances entrait progressivement en vigueur. Ainsi, le seul fait que les fourchettes adoptées en 2013 tiennent davantage compte du niveau de responsabilité des agents que celles adoptées en 2012 ne suffit pas à révéler une modulation excessive des récompenses individuelles préconisées selon le critère des niveaux fonctionnels. Dès lors, en dépit de l’augmentation substantielle des montants indicatifs des récompenses individuelles pour les cadres de direction, il n’apparaît pas que, dans sa décision du 20 février 2013, le comité de direction ait procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par le nouveau régime de récompense des performances.
235 Ensuite, il peut également être relevé que, dans la mesure où la proportion d’agents recevant une récompense individuelle est plus importante pour les cadres de direction que pour les autres agents et où, selon les requérants, cette proportion augmenterait plus rapidement chez les premiers que chez les seconds, le montant moyen de la récompense individuelle versée aux cadres de direction tendra nécessairement à baisser et à être fixé, plus souvent que pour les autres agents, dans la partie basse des fourchettes indicatives, voire en deçà des points minima de ces fourchettes, ce que les chiffres donnés par la BEI (voir point 226 ci-dessus) tendent à corroborer. Il s’ensuit que la très forte augmentation, constatée en 2013, des fourchettes indicatives pour les cadres de direction n’était pas susceptible d’entraîner une hausse proportionnelle du montant des primes individuelles accordées à ceux-ci, alors que la part du budget alloué aux récompenses des performances desdits cadres de direction n’a pas été modifiée et que le nombre de ces cadres de direction n’a, selon les requérants, baissé que de 8 %. Dans ces conditions, le fait d’avoir maintenu à 17 % la part du budget alloué aux récompenses des performances des cadres de direction ne saurait davantage, même en présence d’une légère baisse du nombre de ces agents, révéler une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate.
236 Enfin, il y a lieu de rappeler que les récompenses individuelles les plus élevées sont, en tout état de cause, plafonnées à 35 % du traitement de base annuel, en application d’une décision du conseil d’administration du 22 septembre 2009. Par ailleurs, pour les raisons déjà mentionnées au point 233 ci-dessus et compte tenu également de ce plafonnement, l’existence d’une pratique discriminatoire n’est pas davantage établie au stade de la fixation du montant des récompenses individuelles accordées à chaque agent.
237 Il s’ensuit que les requérants n’ont pas démontré que la BEI aurait, en méconnaissance des règles applicables du nouveau régime de récompense des performances ou du principe d’égalité de traitement, accordé aux cadres de direction un bénéfice étranger à la récompense de leurs performances individuelles, au détriment des agents relevant des fonctions C à K.
238 Partant, le septième moyen doit être écarté.
d) Sur le huitième moyen, tiré de ce que les agents ayant obtenu une note B ne se sont pas vu accorder de récompense individuelle, sauf justification particulière
239 Par leur huitième moyen, les requérants soutiennent que les évaluateurs ont reçu une instruction, contenue dans un courriel du 13 mars 2013, de ne pas attribuer de récompense individuelle aux agents recevant une note B, sauf justification particulière. En pratique, seuls 5 % des agents ayant obtenu une note B se seraient vu octroyer une récompense individuelle. Comme, en moyenne, la moitié des agents de la BEI recevraient une note B, cette instruction aurait, de fait, réduit de moitié la possibilité pour les agents de recevoir une récompense individuelle, ce qui serait contraire aux règles applicables. Cela serait d’autant plus critiquable que les mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord auraient été définies sur le fondement des notes attribuées aux agents et qu’il aurait alors été considéré qu’un agent ayant reçu une note B recevrait toujours une récompense individuelle.
240 Or, ainsi que le relève la BEI, ce moyen manque en fait. Il résulte en effet du courriel du 13 mars 2013 produit par les requérants que ce document se borne à rappeler aux évaluateurs que, lorsqu’un agent a reçu une note B et s’est vu octroyer une récompense individuelle, une justification devait être donnée, dans le document d’évaluation, pour l’attribution de cette récompense. En revanche, ledit courriel n’a pas posé comme principe que les agents ayant obtenu une note B ne pourraient pas recevoir une récompense individuelle, sauf justification particulière. Par ailleurs, les requérants n’établissent pas que seuls 5 % des agents ayant obtenu une note B auraient reçu une récompense individuelle.
241 En tout état de cause, il convient de relever que le nouveau régime de récompense des performances présente un caractère discrétionnaire et variable et que les règles applicables, décrites au point 26 ci-dessus, prévoient seulement que les agents ayant obtenu au minimum une note C sont éligibles à la récompense des performances. Il s’ensuit que les agents ayant reçu une note B ne sauraient se prévaloir d’un droit à l’attribution d’une récompense individuelle. Par conséquent, le seul fait, à le supposer établi, de prévoir que l’attribution d’une récompense individuelle à ces derniers agents doive être justifiée par une motivation particulière ne saurait méconnaître les règles du nouveau régime de récompense des performances.
242 Enfin, l’argument tiré de ce que les mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord auraient été définies sur l’hypothèse qu’un agent ayant reçu une note B recevrait toujours une récompense individuelle est inopérant, dans la mesure où, ainsi que cela a été rappelé aux points 114 et 145 ci-dessus, la BEI ne s’est pas engagée à garantir le montant de ces mesures compensatoires.
243 Il résulte de ce qui précède que le huitième moyen ainsi que les conclusions en annulation dans leur ensemble doivent être rejetés.
C. Sur les conclusions indemnitaires
244 Les requérants demandent, en conséquence de l’annulation des décisions contenues dans leurs bulletins de prime d’avril 2013, le paiement, d’une part, de la différence entre les rémunérations qui leur ont été versées en application du nouveau régime des primes, mis en œuvre par la décision du 20 février 2013, et les rémunérations qui leur auraient été dues sur le fondement du régime des primes antérieur ou, à défaut, sur le fondement du nouveau régime des primes, correctement mis en œuvre, cette différence étant augmentée d’intérêts de retard et, d’autre part, de dommages et intérêts.
245 Le Tribunal constate que les conclusions des requérants tendant au versement d’une rémunération complémentaire et à la condamnation de la BEI au paiement de dommages et intérêts sont étroitement liées aux conclusions en annulation, de sorte qu’elles doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ces dernières.
D. Sur les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par les requérants
246 Les requérants demandent au Tribunal, au titre de mesures d’organisation de la procédure, d’inviter la BEI, pour le cas où elle ne les produirait pas spontanément, à déposer, premièrement, le plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015, deuxièmement, le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 13 décembre 2011, troisièmement, les notes des 22 juin et 20 octobre 2011 ainsi que du 4 février 2013 et, quatrièmement, la décision du 20 février 2013.
247 Il y a toutefois lieu de constater que, en premier lieu, la note du 4 février 2013 a été produite par la BEI en annexe au mémoire en défense.
248 En second lieu, s’agissant des autres documents, ils n’ont effectivement pas été produits par la BEI.
249 Cependant, pour permettre au Tribunal de déterminer s’il est utile au bon déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la demande doit non seulement identifier les documents sollicités, mais aussi fournir un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 93, et du 18 janvier 2005, Entorn/Commission, T‑141/01, EU:T:2005:10, point 132).
250 Or, en l’espèce, les requérants n’ont pas justifié de l’utilité des documents non produits par la BEI.
251 Premièrement, ils n’exposent pas en quoi une production du plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015 serait nécessaire.
252 Deuxièmement, ils ont présenté dans la requête la substance de la décision du 13 décembre 2011, sans que cette description soit contestée par la BEI. En outre, cette décision s’est bornée, s’agissant des primes, à adopter le budget global alloué au régime de récompense des performances pour l’année 2012, alors que le présent recours porte sur l’application de ce régime au titre de l’année 2013. Dans ces conditions, la production du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 13 décembre 2011 n’apparaît pas nécessaire.
253 Troisièmement, les requérants ont produit les procès-verbaux des décisions des 29 juin et 16 novembre 2011 approuvant certaines des mesures proposées par les notes des 22 juin et 20 octobre 2011 et ont donné des explications quant à la substance des mesures ainsi adoptées. Ainsi, la production desdites notes n’apparaît pas indispensable.
254 Quatrièmement, la BEI a produit la note du 4 février 2013, approuvée par le comité de direction le 20 février 2013. Tant les requérants que la BEI s’accordent sur la substance des mesures adoptées à cette occasion par le comité de direction. Dans ces conditions, la production de la décision du 20 février 2013 elle-même n’apparaît pas davantage nécessaire.
255 Il n’y a, par conséquent, pas lieu de faire droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure formulée par les requérants.
IV. Sur les dépens
256 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
257 Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BEI.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Jean-Pierre Bodson et les autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement (BEI) dont les noms figurent en annexe sont condamnés aux dépens.
Gervasoni | Da Silva Passos | Kowalik-Bańczyk |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2017.
Le greffier | Le président |
Table des matières
* Langue de procédure : le français.
1 La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.
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