Troszczynski v Parliament (Order) French Text [2017] EUECJ T-626/16_CO (16 February 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T62616_CO.html
Cite as: EU:T:2017:92, [2017] EUECJ T-626/16_CO, ECLI:EU:T:2017:92

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Édition provisoire

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

16 février 2017 (*)

« Référé – Membre du Parlement européen – Recouvrement par compensation d’indemnités versées au titre du remboursement des frais d’assistance parlementaire – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑626/16 R,

Mylène Troszczynski, demeurant à Noyon (France), représentée par Me M. Ceccaldi, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. G. Corstens et S. Alonso de León, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision du secrétaire général du Parlement européen du 23 juin 2016, relative au recouvrement auprès de la requérante d’une somme de 56 554 euros et de la note de débit 2016-888 faisant suite à cette décision,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        La requérante, Mme Mylène Troszczynski, est député au Parlement européen depuis juillet 2014.

2        En octobre 2014, la requérante a conclu un contrat de travail avec un collaborateur ayant pour objet la fonction d’assistant parlementaire local. Conformément aux règles relatives à la gestion des contrats de travail des assistants parlementaires locaux établies par la décision du bureau du Parlement des 19 mai et 9 juillet 2008 portant mesures d’application du statut des députés au Parlement (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application du statut »), ledit contrat de travail était géré par un tiers payant auquel le Parlement versait les montants dus dans le cadre de son exécution.

3        Par lettre du 30 juin 2016 (ci-après la « notification »), le directeur général des finances du Parlement a notifié au conseil de la requérante une décision du secrétaire général du Parlement, du 23 juin 2016, en vertu de laquelle le montant de 56 554 euros avait été indûment versé au titre d’assistance parlementaire et devait être recouvré auprès de la requérante (ci-après la « décision attaquée »), et la note de débit 2016-888 (ci-après la « note de débit »).

4        Étant en désaccord avec la décision attaquée, la requérante a, le 1er septembre 2016, saisi les questeurs en application de l’article 72, paragraphe 2, des mesures d’application du statut.

5        Par lettre du 7 septembre 2016, le comptable du Parlement a annoncé au conseil de la requérante son intention de procéder au recouvrement par compensation. À cet égard, il lui a précisé qu’il serait procédé au recouvrement par compensation en prélevant mensuellement 50 % de l’indemnité parlementaire de celle-ci à compter du mois de septembre 2016.

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2016, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée et de la note en débit.

7        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 2 septembre 2016, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée et de la note de débit ;

–        condamner le Parlement à supporter les entiers dépens et, plus particulièrement, à verser la somme de 20 000 euros à titre de dépens récupérables.

8        Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 14 septembre 2016, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter cette demande comme non fondée ;

–        réserver les dépens afférents à la présente procédure de référé ou, à titre subsidiaire, condamner la requérante à ceux-ci.

9        La requérante a répondu aux questions posées par le Tribunal quant à la mise en œuvre des mesures de compensation par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 6 février 2017.

 En droit

10      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 7 et jurisprudence citée).

11      En outre, l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le juge des référés peut ordonner le sursis à exécution et d’autres mesures provisoires s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant l’intervention de la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut (voir ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 8 et jurisprudence citée).

12      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 9 et jurisprudence citée).

13      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

14      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

15      Dans ce contexte, la requérante fait valoir, en substance, trois éléments.

16      Selon le Parlement, en revanche, la condition relative à l’urgence n’est pas remplie.

17      Afin d’apprécier les éléments avancés par la requérante pour démontrer l’urgence, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, celle-ci doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires, étant précisé qu’un préjudice de caractère purement financier n’est normalement pas irréparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure, à moins qu’il apparaisse que, en l’absence de ces mesures, ladite partie se trouverait dans une situation susceptible, notamment, d’entraîner sa ruine financière avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure principale (voir ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 14 et jurisprudence citée).

18      En outre, selon une jurisprudence bien établie, il n’y a urgence que si le préjudice grave et irréparable redouté par la partie qui sollicite les mesures provisoires est imminent à tel point que sa réalisation est prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Cette partie demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance du 19 mai 2015, Costa/Parlement, T‑197/15 R, non publiée, EU:T:2015:294, point 22 et jurisprudence citée).

19      En premier lieu, la requérante soutient que, étant donné l’importance de la somme réclamée, son recouvrement aurait pour effet de la priver de ses indemnités pour la mandature en cours. Or, les indemnités ayant pour objectif d’assurer l’exercice effectif du mandat du député européen tout en garantissant son indépendance, la privation de ses indemnités porterait atteinte au statut du député et justifierait, à elle seule, l’octroi du sursis à exécution sollicité. Plus particulièrement, les mesures de compensation constitueraient un préjudice grave et actuel de nature à l’empêcher d’exercer la plénitude de sa fonction parlementaire.

20      À cet égard, il convient de relever que, certes, les députés européens ont, en vertu de l’article 9 de la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement européen, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO 2005, L 262, p. 1, ci-après le « statut des députés »), droit « à une indemnité appropriée qui assure leur indépendance ».

21      Toutefois, il ne peut être inféré de l’article  9 du statut des députés que l’exercice effectif et en toute indépendance du mandat du parlementaire européen présuppose l’octroi intégral des indemnités telles que prévues actuellement par ledit statut et par les mesures d’application du statut à l’exclusion de tout prélèvement en vue d’une compensation.

22      En effet, il convient de relever que l’article 68, paragraphe 2, des mesures d’application du statut reconnait expressément la possibilité de procéder au recouvrement de l’indu « en veillant à l’exercice effectif du mandat du député et au bon fonctionnement du Parlement », respectant ainsi le principe d’une dotation appropriée garantissant l’indépendance consacré à l’article 9 du statut des députés.

23      En particulier, l’article 61, premier paragraphe, des mesures d’application du statut dispose que la mise en œuvre desdites mesures respecte les dispositions du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), dont l’article 80, premier paragraphe, précise que le comptable procède au recouvrement par compensation à l’égard de tout débiteur lui-même titulaire d’une créance à l’égard de l’Union.

24      Enfin, selon la pratique du Parlement telle qu’exposée dans ses observations, celui-ci exerce son droit au recouvrement par compensation en mettant en balance, en ce qui concerne les indemnités, l’obligation de l’institution de recouvrer les sommes indûment perçues et l’obligation de sauvegarder la possibilité, pour le député concerné, d’exercer son mandat de manière effective.

25      Dans ces conditions, le fait que le Parlement procède au recouvrement par compensation ne saurait être considéré, en soi, comme un acte de nature à porter atteinte à l’exercice effectif et en toute indépendance, par la requérante, de son mandat de député de manière à établir l’existence d’un préjudice grave.

26      En particulier, s’agissant du prélèvement mensuel de 50 % de son indemnité parlementaire, la requérante se borne à affirmer qu’elle serait empêchée d’exercer la plénitude de sa fonction parlementaire sans expliquer en quoi ce prélèvement aurait un tel effet. Dans ces conditions, il ne saurait être conclu que ce prélèvement porte atteinte à l’exercice effectif du mandat de la requérante de manière à établir l’existence d’un préjudice grave.

27      Eu égard à ce qui précède, l’argument de la requérante tiré de l’entrave à l’exercice effectif et indépendant de son mandat de député ne saurait établir l’existence d’un préjudice grave et doit, dès lors, être écarté.

28      En deuxième lieu, la requérante avance que le Parlement aurait dû, en vue des principes généraux du droit et des exigences d’une bonne administration, attendre l’issue de l’enquête qu’il avait déclenchée par sa saisine de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Le Parlement serait lié par les résultats de cette enquête et il serait inadmissible qu’il ait pris la décision attaquée avant que l’OLAF n’ait terminé son enquête. Ainsi, la décision attaquée et la note de débit constitueraient une pression permanente à l’encontre de l’OLAF et préjugeraient le résultat de son enquête. Dès lors, il conviendrait de suspendre la décision attaquée et la note de débit.

29      Cet argument ne saurait établir l’urgence et doit, dès lors, être écarté.

30      La thèse selon laquelle c’est en méconnaissant les principes généraux du droit que le Parlement n’a pas attendu l’issue de l’enquête de l’OLAF pourrait constituer, le cas échéant, un élément pour établir le fumus boni juris, mais ne suffit pas à établir l’urgence. À cet égard, il convient de souligner que la requérante n’indique pas clairement en quoi consiste le préjudice grave et irréparable qu’elle aurait subi en raison du fait que le Parlement n’a pas attendu l’issue de l’enquête de l’OLAF.

31      À supposer que la requérante invoque comme préjudice l’impact prétendument négatif qu’auraient la décision litigieuse et la note de débit sur l’enquête de l’OLAF, il suffit de constater qu’il est de nature purement hypothétique en ce qu’il est fondé sur une hypothèse d’un comportement futur de cet organisme et, dès lors, n’est pas susceptible de justifier l’octroi de mesures provisoires, conformément à la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus.

32      En troisième et dernier lieu, la requérante soutient que le Parlement a fait preuve d’une attitude inadmissible dans une affaire similaire, en ce qu’il a déclenché la procédure de compensation entre les indemnités d’un député et le prétendu indu sans attendre l’issue de la procédure devant les questeurs, alors même que l’ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement (T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 19) mentionne que « l’adoption, par le Parlement, d’une mesure de recouvrement, notamment de compensation, ne paraît pas imminente et ne devrait pas intervenir avant la fin de la procédure de réclamation déclenchée par le requérant ».

33      Pour réfuter cet argument, il suffit de relever que l’attitude du Parlement, dénoncée par la requérante et aussi déplorable que cette dernière puisse la considérer, ne saurait, à elle seule, justifier de conclure à l’urgence en l’espèce. Le fait que le Parlement ait agi d’une certaine manière dans une affaire prétendument semblable à la présente affaire ne saurait entrainer une suspicion générale à l’égard du Parlement établissant, en elle-même, automatiquement l’urgence dans le cas d’espèce.

34      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, à défaut, pour la requérante, d’avoir établi l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris, voire de procéder à la mise en balance des intérêts.

35      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 16 février 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


*      Langue de procédure : le français.

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