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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> NKBM (Freedom of establishment - Judgment) French Text [2018] EUECJ C-215/17 (14 November 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C21517.html Cite as: [2018] EUECJ C-215/17, ECLI:EU:C:2018:901, EU:C:2018:901 |
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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
14 novembre 2018 (*)
« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Réutilisation des informations du secteur public – Directive 2003/98/CE – Article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret – Exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement – Règlement (UE) no 575/2013 – Informations à publier par les établissements de crédit et les entreprises d’investissement – Article 432, paragraphe 2 – Exceptions à l’obligation de publication – Informations commerciales considérées comme sensibles ou confidentielles – Applicabilité – Établissements de crédit détenus majoritairement par l’État – Réglementation nationale prévoyant le caractère public de certaines informations commerciales détenues par lesdits établissements »
Dans l’affaire C‑215/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie), par décision du 11 avril 2017, parvenue à la Cour le 25 avril 2017, dans la procédure
Nova Kreditna Banka Maribor d.d.
contre
Republika Slovenija,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de la septième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, E. Juhász et C. Vajda, juges,
avocat général : M. M. Bobek,
greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juin 2018,
considérant les observations présentées :
– pour Nova Kreditna Banka Maribor d.d., par Mes D. Miklavčič et M. Menard, odvetnici,
– pour la Republika Slovenija, par Mme M. Prelesnik, informacijska pooblaščenka,
– pour le gouvernement slovène, par Mmes T. Mihelič Žitko et V. Klemenc, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. G. Braun, K.-Ph. Wojcik et M. Žebre, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 novembre 2003, concernant la réutilisation des informations du secteur public (JO 2003, L 345, p. 90), telle que modifiée par la directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (JO 2013, L 175, p. 1) (ci-après la « directive ISP »), ainsi que de l’article 432, paragraphe 2, et de l’article 446 du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1, et rectificatifs JO 2013, L 208, p. 68, et JO 2013, L 321, p. 6).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Nova Kreditna Banka Maribor d.d. (ci-après « NKBM ») à la Republika Slovenija (République de Slovénie) au sujet d’une décision de l’Informacijski pooblaščenec (commissaire à l’information, Slovénie) obligeant NKBM à divulguer des informations à une journaliste.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive ISP
3 Les considérants 5, 6, 9 et 10 de la directive ISP sont libellés comme suit :
« (5) L’un des principaux objectifs de l’établissement d’un marché intérieur est de créer les conditions qui permettront de développer des services à l’échelle de la Communauté. Les informations émanant du secteur public constituent une matière première importante pour les produits et les services de contenu numérique et deviendront une ressource de plus en plus importante sur le plan du contenu à mesure que les services de contenu sans fil se développeront. Il sera aussi essentiel, à cet égard, d’assurer une vaste couverture géographique transfrontalière. L’amélioration des possibilités de réutilisation des informations émanant du secteur public devrait notamment permettre aux entreprises européennes d’exploiter le potentiel de ces informations et contribuer à la croissance économique et à la création d’emplois.
(6) Les règles et pratiques des États membres en matière d’exploitation des informations du secteur public présentent d’importantes divergences, qui font obstacle à la pleine réalisation du potentiel économique de cette ressource essentielle. Les traditions des organismes du secteur public en matière d’utilisation des informations dudit secteur ont connu des évolutions très divergentes. Il convient de tenir compte de ce fait. Un minimum d’harmonisation des règles et des pratiques nationales régissant la réutilisation des documents du secteur public s’impose dès lors dans les cas où les différences entre les réglementations et pratiques nationales ou l’absence de clarté nuisent au bon fonctionnement du marché intérieur et au développement satisfaisant de la société de l’information dans la Communauté.
[...]
(9) [...] La présente directive s’appuie sur les règles d’accès en vigueur dans les États membres et ne modifie pas les règles nationales en matière d’accès aux documents. Elle ne s’applique pas aux cas dans lesquels, conformément aux règles d’accès pertinentes, les citoyens ou les entreprises ne peuvent obtenir les documents que s’ils peuvent démontrer un intérêt particulier. [...]
(10) Les définitions des expressions “organismes du secteur public” et “organisme de droit public” sont tirées des directives relatives aux marchés publics [...]. Ces définitions ne couvrent pas les entreprises publiques. »
4 L’article 1er de cette directive, relatif à l’objet et au champ d’application de celle-ci, est ainsi libellé :
« 1. La présente directive fixe un ensemble minimal de règles concernant la réutilisation et les moyens pratiques destinés à faciliter la réutilisation de documents existants détenus par des organismes du secteur public des États membres.
2. La présente directive ne s’applique pas :
[...]
c) aux documents dont l’accès est exclu conformément aux règles d’accès en vigueur dans les États membres, y compris pour des motifs de :
– protection de la sécurité nationale (c’est-à-dire sécurité de l’État), défense ou sécurité publique,
– confidentialité des données statistiques,
– confidentialité des informations commerciales (par exemple secret d’affaires, secret professionnel ou secret d’entreprise) ;
[...]
3. La présente directive s’appuie sur les règles d’accès en vigueur dans les États membres et ne les affecte en rien.
[...] »
5 L’article 2 de ladite directive dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) “organismes du secteur public”, l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public ;
2) “organisme de droit public”, tout organisme :
a) créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, et
b) doté de la personnalité juridique, et
c) dont soit l’activité est financée majoritairement par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public ;
[...]
4) “réutilisation”, l’utilisation par des personnes physiques ou morales de documents détenus par des organismes du secteur public, à des fins commerciales ou non commerciales autres que l’objectif initial de la mission de service public pour lequel les documents ont été produits. L’échange de documents entre des organismes du secteur public aux seules fins de l’exercice de leur mission de service public ne constitue pas une réutilisation ;
[...] »
Le règlement no 575/2013
6 Aux termes des considérants 68 et 76 du règlement no 575/2013 :
« (68) Sans préjudice des informations expressément requises par le présent règlement, les exigences de publication devraient avoir pour objectif de fournir aux acteurs du marché des informations précises et complètes sur le profil de risque des établissements particuliers. Les établissements devraient dès lors avoir l’obligation de communiquer des informations supplémentaires non mentionnées expressément dans le présent règlement lorsque cela est nécessaire à la réalisation de cet objectif. Dans le même temps, il convient que les autorités compétentes accordent une attention appropriée aux cas où elles suspectent que des informations sont considérées comme sensibles ou confidentielles par un établissement afin d’éviter leur publication.
[...]
(76) Afin de renforcer la discipline de marché et la stabilité financière, il est nécessaire d’instaurer des exigences de publicité plus détaillées concernant la forme et la nature des fonds propres réglementaires et des ajustements prudentiels effectués afin que les investisseurs et les déposants soient suffisamment bien informés au sujet de la solvabilité des établissements. »
7 Conformément à l’article 1er, premier alinéa, sous e), de ce règlement, celui-ci fixe des règles uniformes concernant les exigences prudentielles générales que respectent tous les établissements faisant l’objet d’une surveillance en vertu de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), en ce qui concerne les obligations de publication.
8 Selon l’article 4, paragraphe 1, point 3, dudit règlement, on entend par « établissement » un établissement de crédit ou une entreprise d’investissement.
9 L’article 431 du même règlement, qui figure dans la huitième partie de celui-ci, intitulée « Informations à publier par les établissements », prévoit, à ses paragraphes 1 et 3 :
« 1. Les établissements publient les informations visées au titre II, sous réserve des dispositions prévues par l’article 432.
[...]
3. Les établissements adoptent une politique formelle pour se conformer aux exigences de publicité prévues à la présente partie, et disposent de politiques leur permettant d’évaluer l’adéquation de leurs mesures de publicité, y compris pour ce qui concerne leur vérification et leur fréquence. Les établissements disposent également de politiques leur permettant d’évaluer si leurs mesures de publicité fournissent aux acteurs du marché des informations complètes sur leur profil de risque.
Lorsque ces mesures de publicité ne fournissent pas aux acteurs du marché des informations complètes sur leur profil de risque, les établissements publient les informations nécessaires en plus de celles prévues conformément au paragraphe 1. [...] »
10 Aux termes de l’article 432, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 575/2013 :
« Les établissements peuvent également ne pas présenter un ou plusieurs éléments faisant partie des informations à fournir conformément aux titres II et III si ces éléments contiennent des informations considérées comme sensibles ou confidentielles conformément au deuxième ou troisième alinéa, sauf en ce qui concerne les communications visées aux articles 437 et 450. »
11 Conformément à l’article 433, premier alinéa, de ce règlement, les établissements publient les communications exigées à la huitième partie de celui-ci au moins une fois par an.
12 L’article 446 dudit règlement prévoit :
« Les établissements publient les méthodes d’évaluation des exigences de fonds propres pour risque opérationnel applicables à l’établissement, une description de la méthode présentée à l’article 312, paragraphe 2, si l’établissement y a recours, comprenant une analyse des facteurs internes et externes pris en considération dans l’approche d’évaluation de l’établissement, et en cas d’utilisation partielle, le champ d’application des différentes [approches] utilisées. »
Le droit slovène
13 L’article 1a du Zakon o dostopu do informacij javnega značaja (loi sur l’accès aux informations d’importance publique, ci-après le « ZDIJZ ») dispose :
« (1) La présente loi régit également la procédure permettant à quiconque d’accéder librement aux informations d’importance publique dont disposent les sociétés commerciales et d’autres personnes de droit privé se trouvant sous l’influence dominante, directe ou indirecte, individuellement ou ensemble, de l’État slovène, de collectivités locales autonomes et d’autres personnes de droit public (ci-après : entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public) et de réutiliser ces informations.
(2) L’influence dominante au sens du paragraphe précédent est assurée lorsque l’État slovène, des collectivités locales autonomes ou d’autres personnes de droit public, individuellement ou collectivement :
– peuvent exercer une influence dominante sur la base d’une participation majoritaire dans le capital souscrit ou disposent d’un droit de contrôle de la majorité ou peuvent nommer plus de la moitié des membres du directoire ou du conseil de surveillance dans une société commerciale, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’autres sociétés commerciales ou d’autres personnes de droit privé,
[...]
(3) Se trouve également sous influence dominante au sens du paragraphe (1) du présent article une banque qui bénéficie de mesures en vertu de la loi régissant les mesures prises par l’État slovène pour renforcer la stabilité des banques.
(4) Les entreprises sont également considérées comme soumises à l’obligation prévue au paragraphe (1) du présent article, pendant cinq ans après que l’influence dominante a pris fin, pour les informations d’importance publique qui datent de la période où elles se trouvaient sous influence dominante.
(5) Une entreprise se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public est soumise à l’obligation d’accorder l’accès aux informations d’importance publique au sens de l’article 4a de la présente loi qui trouvent leur origine à un moment quelconque où elle se trouvait sous l’influence dominante d’une personne de droit public.
(6) Outre l’objectif inscrit à l’article 2, paragraphe (1), la présente loi a également pour objectif le renforcement de la transparence, ainsi qu’une gestion responsable des fonds publics et des finances des entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public. »
14 L’article 4a, paragraphe 1, de cette loi énonce :
« Dans le cas des entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public, est une information d’importance publique :
– une information sur une transaction conclue concernant l’acquisition, la disposition ou la gestion des actifs corporels de l’entreprise ou les dépenses de l’entreprise pour commander des fournitures, des travaux, des services d’agence, de conseil ou autres, ainsi que sur des contrats de dons, de sponsoring et d’auteur, ou d’autres transactions produisant le même effet ;
[...] »
15 L’article 6a de ladite loi dispose :
« (1) Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 de l’article précédent, l’accès demandé à une information d’importance publique sur des entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public est accordé s’il s’agit de données principales sur les transactions conclues visées à l’article 4a, paragraphe 1, premier tiret, de la présente loi, à savoir :
– une information relative au type de transaction ;
– au partenaire contractuel, pour une personne morale : le nom ou la dénomination sociale, le siège, l’adresse commerciale et le compte de la personne morale ou, pour une personne physique : le nom spécifique et le lieu de résidence ;
– la valeur du contrat et les montants des différents paiements effectués ;
– la date de conclusion du contrat et la durée de la transaction ; ainsi que
– certaines données figurant dans les annexes de tels contrats.
[...]
(3) Nonobstant la disposition du paragraphe 1 du présent article, les personnes tenues d’accorder l’accès, dont les informations d’importance publique ne sont pas accessibles sur Internet conformément à l’article 10a, paragraphe 4, de la présente loi, peuvent refuser l’accès aux données principales relatives aux transactions visées au paragraphe 1 du présent article, si elles démontrent que la divulgation porterait un préjudice grave à leur position concurrentielle sur le marché, sauf si ces données concernent des transactions qui ont pour objet des services de dons, de sponsoring, de conseil et d’auteur, ou d’autres services intellectuels ou d’autres transactions produisant le même effet.
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
16 NKBM est une banque slovène.
17 Au cours de l’année 2014, NKBM a été sollicitée par une journaliste pour lui fournir des informations sur les contrats qu’elle avait conclus avec des sociétés de conseil et d’avocats ainsi qu’avec des sociétés de prestations de services intellectuels au cours de la période allant du 1er octobre 2012 au 17 avril 2014 et, plus précisément, sur les données, contenues dans ces contrats et leurs annexes, relatives aux types de transactions, aux partenaires contractuels, à la valeur des contrats, aux montants des différents paiements effectués pour ces services, à la date de conclusion des contrats et à la durée des transactions.
18 Pendant la période en cause au principal, NKBM se trouvait sous l’influence dominante d’une personne de droit public, au sens de l’article 1a, paragraphes 2 et 3, du ZDIJZ, dès lors que la République de Slovénie détenait directement ou indirectement la majorité de son capital et que NKBM avait fait l’objet d’une recapitalisation substantielle par celle-ci. Le 21 avril 2016, NKBM est devenue une société par actions de droit privé. Selon les indications de la juridiction de renvoi, elle reste toutefois tenue de fournir les informations demandées, en vertu de l’article 1a, paragraphe 4, du ZDIJZ.
19 NKBM ayant rejeté la demande d’accès aux données en cause au principal, le commissaire à l’information a, sur le fondement du ZDIJZ, fait obligation à la banque de faire droit à cette demande. Le recours introduit par NKBM contre cette décision a été rejeté par la juridiction de première instance.
20 NKBM a saisi le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie) d’un pourvoi en révision, en invoquant une violation tant de la Constitution slovène que du droit de l’Union. À cet égard, NKBM a précisé que les informations en cause au principal comportaient des données relevant du secret d’affaires. Le Vrhovno sodišče (Cour suprême) a introduit une demande d’appréciation de la constitutionnalité des dispositions du ZDIJZ en cause au principal devant l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie), qui a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution slovène.
21 La juridiction de renvoi indique que, selon les dispositions du ZDIJZ, les personnes étant sous l’influence d’une personne de droit public sont tenues d’accorder l’accès aux informations en cause au principal, même si l’intérêt public que présente leur divulgation n’est pas supérieur à l’intérêt de ces personnes à limiter l’accès auxdites informations. Elle s’interroge,notamment,sur le point de savoir si l’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, de la directive ISP ainsi que l’article 432, paragraphe 2, du règlement no 575/2013 s’opposent à un tel droit d’accès auxdites informations.
22 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se réfère également à l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi qu’aux libertés fondamentales consacrées aux articles 49, 56 et 63 TFUE. À cet égard, si cette juridiction fait état de ses doutes quant au caractère transfrontalier du litige au principal, elle s’interroge néanmoins sur l’applicabilité de ces libertés fondamentales, en raison, d’une part, de l’allégation de NKBM selon laquelle elle dispose d’une filiale en Autriche et qu’elle a été achetée, après la naissance du litige, par une entreprise établie dans un autre État membre, et, d’autre part, du fait que l’accès aux données des banques sous l’influence dominante d’une personne de droit public, accordé par le ZDIJZ, pourrait dissuader certains prestataires de services provenant d’autres États membres de fournir des services à une banque, telle que NKBM, ainsi que des investisseurs potentiels d’autres États membres d’acquérir des participations dans une telle banque.
23 Dans ces conditions, le Vrhovno sodišče (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, de la directive [ISP], en tenant compte de l’approche de l’harmonisation minimale, doit-il être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale peut permettre un accès illimité (absolu) à toutes les données des contrats d’auteur et de conseil, même si ces contrats sont définis comme des secrets d’affaires, et ce seulement à l’égard des personnes se trouvant sous l’influence dominante de l’État, et non pas à l’égard des autres personnes tenues d’accorder l’accès aux informations, et le règlement [no 575/2013] a-t-il également une incidence sur l’interprétation en ce sens que l’accès aux informations d’importance publique au sens de la directive [ISP] ne peut pas être plus étendu que celui accordé par les règles uniformes de divulgation prévues par ce règlement ?
2) Le règlement [no 575/2013], en particulier la huitième partie, articles 446 et 432, paragraphe 2, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre imposant à une banque qui est ou a été sous l’influence dominante d’une personne de droit public, de divulguer des données relatives aux contrats de conseil, d’avocat, d’auteur et d’autres prestations de services intellectuels, qu’elle a conclus, à savoir : le type de transaction, le partenaire contractuel (pour une personne morale : le nom ou la dénomination sociale, le siège, l’adresse commerciale), la valeur du contrat, les montants des différents paiements effectués pour ces services, la date de conclusion du contrat, la durée de la transaction, ainsi que des mêmes données figurant dans les annexes des contrats, qui ont leur origine pendant la période d’exercice d’une influence dominante, sans aucune exception et sans possibilité de mise en balance des intérêts du public à l’accès aux données et des intérêts de la personne tenue d’accorder l’accès à la préservation du secret d’affaires, lorsqu’il ne s’agit pas d’un cas de figure comportant des éléments transfrontaliers ? »
Sur les questions préjudicielles
24 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, de la directive ISP et l’article 432, paragraphe 2, du règlement no 575/2013 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, imposant à une banque qui a été sous l’influence dominante d’une personne de droit public de divulguer des données relatives aux contrats de conseil, d’avocat, d’auteur et d’autres prestations de services intellectuels qu’elle a conclus au cours de la période pendant laquelle elle était sous cette influence dominante, sans qu’aucune exception ne soit admise au titre de la préservation du secret d’affaires de cette banque.
25 Afin de répondre à ces questions, il convient de vérifier si une demande d’accès aux informations, telle que celle adressée à NKBM sur le fondement du ZDIJZ, relève du champ d’application de la directive ISP et du règlement no 575/2013.
Sur l’applicabilité de la directive ISP
26 En ce qui concerne le champ d’application ratione personae de la directive ISP, il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de celle-ci qu’elle fixe un ensemble minimal de règles concernant la réutilisation et les moyens pratiques destinés à faciliter la réutilisation de documents existants détenus par des « organismes du secteur public des États membres ». Cette directive s’applique ainsi aux « organismes du secteur public des États membres ». Relèvent de cette notion, selon l’article 2, point 1, de ladite directive, l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public.
27 En outre, aux termes de l’article 2, point 2, sous a) à c), de ladite directive, constitue un « organisme de droit public » tout organisme qui, premièrement, a été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, deuxièmement, est doté de la personnalité juridique, et dont, troisièmement, soit l’activité est financée majoritairement par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public.
28 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 32 de ses conclusions, les conditions énoncées à cette disposition revêtent un caractère cumulatif, de sorte qu’un organisme ne saurait être qualifié d’organisme de droit public, au sens de ladite disposition, dès lors qu’une de ces conditions n’est pas remplie. En outre, le considérant 10 de la directive ISP précise que cette notion d’« organisme de droit public » est tirée des directives relatives aux marchés publics et ne couvre pas les entreprises publiques. Il ne suffit donc pas qu’une entreprise ait été créée par l’État ou par un autre organisme de droit public ou que ses activités soient financées par des moyens découlant des activités de ceux-ci pour être elle-même considérée comme étant un « organisme de droit public ». Encore faut-il en effet qu’elle ait été créée dans le but spécifique de satisfaire à des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial (voir, par analogie, s’agissant des directives relatives aux marchés publics, arrêt du 5 octobre 2017, LitSpecMet, C‑567/15, EU:C:2017:736, points 34 et 36 ainsi que jurisprudence citée).
29 En l’occurrence, il semble ressortir des indications figurant dans la décision de renvoi que NKBM est une banque commerciale qui fournit des prestations de services bancaires, notamment, sur le marché bancaire slovène, dans une situation de concurrence avec d’autres banques opérant sur ce même marché. En outre, selon ces mêmes indications, NKBM ne semble avoir été soumise à l’influence dominante d’une personne de droit public que de manière temporaire, à savoir durant la période ayant commencé à courir à compter de sa recapitalisation par l’État slovène jusqu’à sa transformation en une société par actions de droit privé. Enfin, le dossier dont dispose la Cour ne contient aucun élément permettant de considérer que NKBM a été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial.
30 Dans ces conditions, il apparaît que NKBM ne satisfait pas à la première condition visée au point 27 du présent arrêt et, partant, ne relève pas du champ d’application ratione personae de la directive ISP, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.
31 En ce qui concerne le point de savoir si une demande d’accès à des données, telle que celle en cause au principal, relève du champ d’application ratione materiae de cette directive, il ressort de son article 1er, paragraphe 1, ainsi qu’il a été exposé au point 26 du présent arrêt que ladite directive concerne la réutilisation de documents détenus par des organismes du secteur public des États membres. Aux termes de l’article 2, point 4, de cette même directive, il y a lieu d’entendre le terme « réutilisation » comme visant l’utilisation de tels documents par des personnes physiques ou morales, à des fins commerciales ou non commerciales autres que l’objectif initial de la mission de service public pour lequel les documents ont été produits.
32 En revanche, il importe de relever que la directive ISP ne contient aucune obligation en matière d’accès aux documents. En effet, conformément à son article 1er, paragraphe 3, lu en combinaison avec son considérant 9, cette directive s’appuie sur les règles d’accès en vigueur dans les États membres et ne modifie pas les règles nationales en matière d’accès aux documents. En outre, l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de ladite directive dispose que celle-ci ne s’applique pas aux documents dont l’accès est exclu conformément aux règles d’accès en vigueur dans les États membres. Ainsi, la directive ISP ne consacre pas un droit d’accès aux informations du secteur public, mais présuppose l’existence d’un tel droit dans la réglementation en vigueur dans les États membres, de sorte que les modalités et les procédures d’accès à ces informations ne relèvent pas de son champ d’application.
33 Partant, une demande d’accès à des informations telles que celles en cause au principal ne relève pas du champ d’application ratione materiae de la directive ISP. Cette directive est donc sans incidence sur la demande en cause au principal.
Sur l’applicabilité du règlement no 575/2013
34 Les dispositions du ZDIJZ en cause au principal consacrent un droit individuel d’accès aux informations d’importance publique dont disposent, notamment, les entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public, dans l’objectif, énoncé à l’article 1a, paragraphe 6, du ZDIJZ, de renforcer la transparence ainsi qu’une gestion responsable des fonds publics et des finances de ces entreprises. S’agissant des informations concernant des transactions qui ont pour objet des services de dons, de sponsoring, de conseil et d’auteur, ou d’autres transactions produisant le même effet, lesdites entreprises sont même tenues, en vertu de l’article 6a, paragraphe 3, du ZDIJZ, d’accorder cet accès sans exception.
35 En ce qui concerne la question de savoir si le règlement no 575/2013, notamment son article 432, paragraphe 2, estde natureà fonder un droit de s’opposer à une demande d’accès aux informations telle que celle en cause au principal, il convient de relever que les dispositions figurant dans la huitième partie de ce règlement, parmi lesquelles cet article 432, paragraphe 2, ne consacrent pas un droit individuel d’accès aux informations, mais prévoient une obligation de publier les informations visées au titre II de cette huitième partie, indépendamment de toute demande en ce sens.
36 En effet, ainsi qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 431, paragraphe 1, et de l’article 433, premier alinéa, du règlement no 575/2013, les établissements de crédit et les entreprises d’investissement sont tenus de publier ces informations non pas sur demande, mais de leur propre initiative au moins une fois par an. Par ailleurs, les informations à publier dans le cadre de cette obligation sont déterminées par ce règlement même et couvrent, en principe, selon l’article 431, paragraphes 1 et 3, ainsi que l’article 432 dudit règlement, l’ensemble des informations visées au titre II de la huitième partie de celui-ci.
37 Il convient d’ajouter que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 53 de ses conclusions, le régime de publication établi par le règlement no 575/2013 poursuit un objectif différent de celui du régime du droit d’accès aux informations consacré par le ZDIJZ.
38 En effet, aux termes de ses considérants 68 et 76, ce règlement a pour objectif de renforcer la discipline de marché et la stabilité financière, en fournissant aux acteurs du marché des informations précises et complètes sur le profil de risque des établissements de crédit et des entreprises d’investissement particuliers. En revanche, ainsi qu’il a été exposé au point 34 du présent arrêt, l’objectif du régime du droit d’accès aux informations consacré par le ZDIJZ est de renforcer la transparence, ainsi qu’une gestion responsable des fonds publics et des finances des entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public.
39 Partant, une demande d’accès aux informations, telle que celle en cause au principal, ne relève pas du champ d’application du règlement no 575/2013, de sorte que l’article 432, paragraphe 2, de celui-ci ne saurait fonder un droit de s’opposer à une telle demande. Ce règlement est donc sans incidence sur la demande en cause au principal.
Sur l’applicabilité de l’article 16 de la Charte et des libertés fondamentales
40 Eu égard aux conclusions tirées aux points 33 et 39 du présent arrêt, il convient de relever que les dispositions du ZDIJZ en cause au principal ne sauraient être considérées comme relevant du champ d’application de la directive ISP ou du règlement no 575/2013.
41 En outre, selon les indications de la juridiction de renvoi, le litige au principal concerne une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, situation à laquelle les libertés fondamentales garanties par le traité FUE ne trouvent pas à s’appliquer (voir, en ce sens, arrêts 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C‑268/15, EU:C:2016:874, point 47 et jurisprudence citée, ainsi que du 20 septembre 2018, Fremoluc, C‑343/17, EU:C:2018:754, point 18).
42 Ce constat n’est pas remis en cause par les circonstances, évoquées dans la décision de renvoi, que NKBM détient une filiale en Autriche et qu’elle a été acquise par une entreprise établie dans un autre État membre. En effet, il ne ressort pas de cette décision que la nature et la portée des informations faisant l’objet de la demande d’accès aux informations en cause au principal présenteraient un quelconque lien avec la filiale autrichienne de NKBM ou avec l’entreprise ayant acquis cette banque. Par ailleurs, ainsi que la juridiction de renvoi l’a souligné, cette acquisition de NKBM n’a été réalisée que postérieurement à la naissance du litige au principal.
43 En ce qui concerne un éventuel effet dissuasif que l’accès aux données des banques sous l’influence dominante d’une personne de droit public, accordé par le ZDIJZ, pourrait avoir sur des prestataires de services ou sur des investisseurs provenant d’autres États membres, il suffit de relever que, si la demande de décision préjudicielle fait état d’interrogations quant à un tel effet de cette législation nationale à l’égard de « certains » de ces prestataires des services et « des » investisseurs potentiels, elle ne contient toutefois aucun élément concret permettant de constater qu’une de ces hypothèses se présenterait dans le cadre du litige au principal.
44 Or, selon la jurisprudence de la Cour, une telle demande doit faire ressortir des éléments concrets, à savoir des indices non pas hypothétiques mais certains, tels que des plaintes ou des requêtes introduites par des opérateurs situés dans d’autres États membres ou impliquant des ressortissants de ces États, permettant d’établir, de manière positive, l’existence d’un intérêt émanant de ressortissants d’autres États membres à faire usage de ces libertés fondamentales dans la situation en cause au principal (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C‑268/15, EU:C:2016:874, points 54 et 55, ainsi que du 20 septembre 2018, Fremoluc, C‑343/17, EU:C:2018:754, points 28 et 29).
45 Il s’ensuit que les dispositions du ZDIJZ en cause au principal ne sauraient être considérées comme mettant en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, de sorte que l’article 16 de celle-ci n’est pas applicable dans le cadre d’un litige tel que celui au principal.
46 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, de la directive ISP et l’article 432, paragraphe 2, du règlement no 575/2013 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’appliquent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, imposant à une banque qui a été sous l’influence dominante d’une personne de droit public de divulguer des données relatives aux contrats de conseil, d’avocat, d’auteur et d’autres prestations de services intellectuels, qu’elle a conclus au cours de la période pendant laquelle elle était sous cette influence dominante, sans qu’aucune exception ne soit admise au titre de la préservation du secret d’affaires de cette banque et, dès lors, ne s’opposent pas à une telle réglementation nationale.
Sur les dépens
47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
L’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 novembre 2003, concernant la réutilisation des informations du secteur public, et l’article 432, paragraphe 2, du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’appliquent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, imposant à une banque qui a été sous l’influence dominante d’une personne de droit public de divulguer des données relatives aux contrats de conseil, d’avocat, d’auteur et d’autres prestations de services intellectuels, qu’elle a conclus au cours de la période pendant laquelle elle était sous cette influence dominante, sans qu’aucune exception ne soit admise au titre de la préservation du secret d’affaires de cette banque et, dès lors, ne s’opposent pas à une telle réglementation nationale.
Signatures
* Langue de procédure : le slovène.
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