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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> L.E.G.O. (Environment - Judgment) French Text [2018] EUECJ C-242/17 (04 October 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C24217.html Cite as: EU:C:2018:804, [2018] EUECJ C-242/17, ECLI:EU:C:2018:804 |
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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
4 octobre 2018 (*)
« Renvoi préjudiciel – Environnement – Promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables – Bioliquides utilisés pour une installation thermoélectrique – Directive 2009/28/CE –Article 17– Critères de durabilité pour les bioliquides – Article 18– Systèmes nationaux de certification de la durabilité – Décision d’exécution 2011/438/UE – Systèmes volontaires de certification de la durabilité des biocarburants et des bioliquides approuvés par la Commission européenne – Réglementation nationale prévoyant l’obligation pour les opérateurs intermédiaires de présenter les certificats de durabilité – Article 34 TFUE – Libre circulation des marchandises »
Dans l’affaire C‑242/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 26 janvier 2017, parvenue à la Cour le 8 mai 2017, dans la procédure
Legatoria Editoriale Giovanni Olivotto (L.E.G.O.) SpA
contre
Gestore dei servizi energetici (GSE) SpA,
Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare,
Ministero dello Sviluppo Economico,
Ministero delle Politiche Agricole e Forestali,
en présence de :
ED & F Man Liquid Products Italia Srl,
Unigrà Srl,
Movendi Srl,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Rosas, Mmes C. Toader (rapporteur), A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 février 2018,
considérant les observations présentées :
– pour Legatoria Editoriale Giovanni Olivotto (L.E.G.O.) SpA, par Mes A. Fantini et G. Scaccia, avvocati,
– pour Gestore dei servizi energetici (GSE) SpA, par Mes S. Fidanzia et A. Gigliola, avvocati,
– pour ED & F Man Liquid Products Italia Srl, par Mes C.E. Rossi et F. P. Francica, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,
– pour la Commission européenne, par M. G. Gattinara et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 mai 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 18 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16), lu en combinaison avec la décision d’exécution 2011/438/UE de la Commission, du 19 juillet 2011,portant reconnaissance du système ISCC (International Sustainability and Carbon Certification) pour l’établissement de la conformité avec les critères de durabilité des directives du Parlement européen et du Conseil 2009/28 et 2009/30/CE (JO 2011, L 190, p. 79).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Legatoria Editoriale Giovanni Olivotto (L.E.G.O.) SpA à Gestore dei servizi energetici (GSE) SpA au Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Mare e del Territorio (ministère de l’Environnement et de la Protection maritime et territoriale, Italie), au Ministero dello Sviluppo Economico (ministère du Développement économique, Italie) et au Ministero delle Politiche Agricole e Forestali (ministère des Politiques agricoles et forestières, Italie), au sujet du défaut de présentation de certificats de durabilité relatifs à des bioliquides utilisés pour le fonctionnement de l’installation thermoélectrique de L.E.G.O., ce défaut ayant entraîné la déchéance du dispositif d’incitation des certificats verts dont bénéficiait cette installation.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2009/28
3 Aux termes des considérants 65, 67, 76 et 79 de la directive 2009/28 :
« (65) La production de biocarburants devrait être durable. Les biocarburants utilisés pour atteindre les objectifs fixés par la présente directive et ceux faisant l’objet de régimes d’aide nationaux devraient, par conséquent, obligatoirement satisfaire aux critères de durabilité.
[...]
(67) L’application de critères de durabilité aux biocarburants manquera son objectif si ces produits, qui ne satisfont pas auxdits critères et qui auraient été utilisés comme biocarburants, sont finalement utilisés comme bioliquides pour la production de chaleur ou d’électricité. Partant, les critères de durabilité devraient également s’appliquer aux bioliquides en général.
[...]
(76) Les critères de durabilité ne seront utiles que s’ils amènent des changements dans le comportement des acteurs du marché. Ces changements ne se produiront que si les biocarburants et bioliquides qui satisfont à ces critères font l’objet d’une majoration de prix par rapport à ceux qui n’y satisfont pas. Selon la méthode de bilan massique appliquée pour le contrôle de la conformité, il existe un rapport physique entre la production de biocarburants et de bioliquides satisfaisant aux critères de durabilité et la consommation de biocarburants et de bioliquides dans [l’Union], qui crée un équilibre entre l’offre et la demande et garantit une majoration des prix supérieure à celle constatée dans les systèmes où ce rapport physique n’existe pas. Pour que les biocarburants et bioliquides satisfaisant aux critères de durabilité puissent être vendus à un prix plus élevé, la méthode de bilan massique devrait donc être appliquée pour le contrôle de la conformité. Ceci devrait maintenir l’intégrité du système tout en évitant de faire peser des contraintes inutiles sur l’industrie. D’autres méthodes de vérification devraient toutefois être étudiées.
[...]
(79) Il est dans l’intérêt de la Communauté d’encourager l’établissement d’accords multilatéraux et bilatéraux, ainsi que de systèmes volontaires internationaux ou nationaux fixant des normes pour la production de biocarburants et de bioliquides dans le respect de l’environnement et attestant que les procédés de fabrication de ces biocarburants et bioliquides satisfont à ces normes. Pour cette raison, il faudrait prévoir que de tels accords ou systèmes soient reconnus comme fournissant des renseignements et des données fiables, à condition qu’ils répondent aux normes requises de fiabilité, de transparence et de contrôle par un organisme indépendant.
4 L’article 2, second alinéa, de la directive 2009/28 définit les notions de « biomasse », de « bioliquide » et de « biocarburant » comme suit :
« [...]
e) “biomasse”: la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d’origine biologique provenant de l’agriculture (y compris les substances végétales et animales), de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux ;
[...]
h) “bioliquide” : un combustible liquide destiné à des usages énergétiques autres que pour le transport, y compris la production d’électricité, le chauffage et le refroidissement, et produit à partir de la biomasse ;
i) “biocarburant” : un combustible liquide ou gazeux utilisé pour le transport et produit à partir de la biomasse ».
5 L’article 17 de cette directive, intitulé « Critères de durabilité pour les biocarburants et les bioliquides », dispose, à son paragraphe 1 :
« Indépendamment du fait que les matières premières ont été cultivées sur le territoire de [l’Union] ou en dehors de celui-ci, l’énergie produite à partir des biocarburants et des bioliquides est prise en considération aux fins visées aux points a), b) et c), uniquement si ceux-ci répondent aux critères de durabilité définis aux paragraphes 2 à [6] :
a) pour mesurer la conformité aux exigences de la présente directive en ce qui concerne les objectifs nationaux ;
b) pour mesurer la conformité aux obligations en matière d’énergie renouvelable ;
c) pour déterminer l’admissibilité à une aide financière pour la consommation de biocarburants et de bioliquides.
[...] »
6 L’article 17, paragraphes 2 à [6], de ladite directive définit les critères de durabilité relatifs à la production de biocarburants et de bioliquides.
7 L’article 17, paragraphe 8, de cette même directive prévoit :
« Aux fins visées au paragraphe 1, points a), b) et c), les États membres ne refusent pas de prendre en considération, pour d’autres motifs de durabilité, les biocarburants et bioliquides obtenus conformément au présent article. »
8 L’article 18 de la directive 2009/28, intitulé « Vérification du respect des critères de durabilité pour les biocarburants et les bioliquides », prévoit :
« 1. Lorsque les biocarburants et les bioliquides doivent être pris en considération aux fins visées à l’article 17, paragraphe 1, points a), b) et c), les États membres font obligation aux opérateurs économiques de montrer que les critères de durabilité de l’article 17, paragraphes 2 à 5, ont été respectés. À cet effet, ils exigent des opérateurs économiques qu’ils utilisent un système de bilan massique qui :
a) permet à des lots de matières premières ou de biocarburant présentant des caractéristiques de durabilité différentes d’être mélangés ;
b) requiert que des informations relatives aux caractéristiques de durabilité et au volume des lots visés au point a) restent associées au mélange ; et
c) prévoit que la somme de tous les lots prélevés sur le mélange soit décrite comme ayant les mêmes caractéristiques de durabilité, dans les mêmes quantités, que la somme de tous les lots ajoutés au mélange.
[...]
3. Les États membres prennent des mesures afin de veiller à ce que les opérateurs économiques soumettent des informations fiables et mettent à la disposition de l’État membre, à sa demande, les données utilisées pour établir les informations. Les États membres exigent des opérateurs économiques qu’ils veillent à assurer un niveau suffisant de contrôle indépendant des informations qu’ils soumettent et qu’ils apportent la preuve que ce contrôle a été effectué. Le contrôle consiste à vérifier si les systèmes utilisés par les opérateurs économiques sont précis, fiables et à l’épreuve de la fraude. Il évalue la fréquence et la méthode d’échantillonnage ainsi que la validité des données.
Les informations visées au premier alinéa comportent notamment des informations sur le respect des critères de durabilité énoncés à l’article 17, paragraphes 2 à 5, des informations appropriées et pertinentes sur les mesures prises pour la protection des sols, de l’eau et de l’air, la restauration des terres dégradées, sur les mesures visant à éviter une consommation d’eau excessive dans les zones où l’eau est rare, ainsi que sur les mesures prises pour tenir compte des éléments visés à l’article 17, paragraphe 7, deuxième alinéa.
[...]
Les obligations prévues au présent paragraphe s’appliquent indépendamment du fait que les biocarburants ou les bioliquides sont produits à l’intérieur de [l’Union] ou importés.
4. [...]
La Commission peut décider que les systèmes nationaux ou internationaux volontaires établissant des normes pour la production de produits de la biomasse, contiennent des données précises aux fins de l’article 17, paragraphe 2, ou servent à prouver que les lots de biocarburants sont conformes aux critères de durabilité définis à l’article 17, paragraphes 3, 4 et 5. La Commission peut décider que ces systèmes contiennent des données précises aux fins de l’information sur les mesures prises pour la conservation des zones qui fournissent des services écosystémiques de base dans les situations critiques (par exemple, protection de bassins versants, contrôle de l’érosion), pour la protection des sols, de l’eau et de l’air, pour la restauration des terres dégradées, sur les mesures visant à éviter la consommation excessive d’eau dans les zones où l’eau est rare, ainsi que pour les éléments visés à l’article 17, paragraphe 7, deuxième alinéa. [...]
[...]
5. La Commission ne prend les décisions visées au paragraphe 4 que si l’accord ou le système en question répond à des critères satisfaisants de fiabilité, de transparence et de contrôle indépendant. Dans le cas de systèmes destinés à mesurer les réductions de gaz à effet de serre, ces systèmes satisfont également aux exigences méthodologiques de l’annexe V. [...]
[...]
7. Lorsqu’un opérateur économique apporte une preuve ou des données obtenues dans le cadre d’un accord ou d’un système qui a fait l’objet d’une décision conformément au paragraphe 4, dans la mesure prévue par ladite décision, les États membres n’exigent pas du fournisseur qu’il apporte d’autres preuves de conformité aux critères de durabilité fixés à l’article 17, paragraphes 2 à 5, ni d’informations sur les mesures visées au paragraphe 3, deuxième alinéa, du présent article.
[...] »
La décision d’exécution 2011/438
9 En vertu de son article 2, la décision d’exécution 2011/438 était valable cinq ans à compter de son entrée en vigueur, soit jusqu’au 9 août 2016. Néanmoins, compte tenu de la date des faits afférents à l’affaire au principal, il y a lieu d’avoir égard à cette décision d’exécution.
10 Les considérants 4 et 6 à 8 de ladite décision d’exécution énonçaient :
« (4) La Commission peut décider qu’un système volontaire national ou international permet d’établir la conformité de lots de biocarburants avec les critères de durabilité définis à l’article 17, paragraphes 3 à 5, de la directive [2009/28], ou qu’un système volontaire national ou international de mesure des réductions d’émissions de gaz à effet de serre contient des données précises aux fins de l’article 17, paragraphe 2, de ladite directive.
[...]
(6) Lorsqu’un opérateur économique produit des preuves ou des données obtenues selon un système reconnu par la Commission, dans la mesure prévue par cette décision de reconnaissance, les États membres n’exigent pas du fournisseur qu’il apporte d’autres preuves de conformité avec les critères de durabilité.
(7) Le système International Sustainability and Carbon Certification (ci-après, “le système ISCC”) a été soumis à la Commission le 18 mars 2011, accompagné d’une demande de reconnaissance. Ce système a vocation à être utilisé dans le monde entier et peut s’appliquer à un large éventail de biocarburants. Une fois reconnu, il sera mis à disposition sur la plate-forme de transparence créée conformément à la directive [2009/28]. La Commission tiendra compte du caractère commercialement sensible de certaines informations et pourrait décider de ne rendre publique qu’une partie du système.
(8) Il ressort de l’examen du système ISCC qu’il couvre de manière appropriée les critères de durabilité de la directive [2009/28] et qu’il applique une méthode de bilan massique conforme aux exigences de l’article 18, paragraphe 1, de la directive [2009/28]. »
11 Aux termes de l’article 1er de la même décision d’exécution :
« Le système [ISCC], pour lequel une demande de reconnaissance a été adressée à la Commission le 18 mars 2011, permet d’établir la conformité de lots de biocarburants avec les critères de durabilité définis à l’article 17, paragraphe 3, points a), b) et c), et à l’article 17, paragraphes 4 et 5, de la directive [2009/28] [...]. Ce système contient aussi des données précises aux fins de l’article 17, paragraphe 2, de la directive [2009/28] et de l’article 7 ter, paragraphe 2, de la directive directive 98/70/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel et modifiant la directive 93/12/CEE du Conseil (JO 1998, L 350, p. 58)].
Il peut en outre être utilisé pour établir le respect de l’article 18, paragraphe 1, de la directive [2009/28] et de l’article 7 quater, paragraphe 1, de la directive [98/70]. »
Le droit italien
12 L’article 2, paragraphe 2, sous i) et p), et paragraphe 3, du decreto interministeriale che istituisce il « Sistema di certificazione nazionale della sostenibilità dei biocarburanti e dei bioliquidi » (décret interministériel relatif au « système national de certification des biocarburants et des liquides »), du 23 janvier 2012 (GURI no 31, du 7 février 2012, ci-après le « décret interministériel du 23 janvier 2012 »), énonce les définitions suivantes :
« 2. [...]
i) certificat de durabilité : déclaration rédigée par le dernier opérateur de la chaîne d’approvisionnement, ayant valeur d’autocertification, [...] ainsi que les modifications y apportées postérieurement, qui contient les informations nécessaires permettant de garantir que le lot de biocarburant ou de bioliquide est durable.
[...]
p) chaîne d’approvisionnement ou chaîne de contrôle : méthodologie permettant de créer un lien entre les informations ou les déclarations relatives aux matières premières ou aux produits intermédiaires et les informations et les déclarations relatives aux produits finaux. Cette méthodologie inclut toutes les étapes, de la production des matières premières à la fourniture du biocarburant ou bioliquide destiné à la consommation.
[...]
3. Est qualifié d’opérateur économique [...] :
a) toute personne physique ou morale établie dans [l’Union] ou dans un pays tiers, qui offre ou met à la disposition de tiers, à titre onéreux ou gratuit, des biocarburants et des bioliquides destinés au marché [intérieur], et toute personne physique ou morale établie dans l’Union qui produit des biocarburants et des bioliquides et les utilise par la suite pour son propre compte sur le territoire national, ainsi que,
b) toute personne physique ou morale établie dans l’Union ou dans un pays tiers qui offre ou met à la disposition de tiers, à titre onéreux ou gratuit, des matières premières, des produits intermédiaires, des déchets, des sous-produits ou leur mélange, pour la production de biocarburants et de bioliquides destinés au marché [intérieur]. »
13 L’article 8 de ce décret interministériel prend en considération la position des opérateurs qui n’adhèrent pas au système national de certification, en prévoyant ce qui suit :
« 1. Uniquement en ce qui concerne les éléments couverts par un système volontaire faisant l’objet d’une décision adoptée en vertu de l’article 7 quater, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive [98/70] [...], les opérateurs économiques qui adhèrent à ces systèmes volontaires démontrent la fiabilité des informations ou des déclarations fournies à l’opérateur économique suivant dans la chaîne d’approvisionnement, c’est-à-dire au fournisseur ou à l’utilisateur, au moyen de la délivrance de la preuve ou des données qui accompagnent le lot, prévus par ces systèmes. Ces preuves ou données sont autocertifiées [...]
[...]
4. Si les systèmes volontaires prévus par le premier alinéa et les accords prévus par le deuxième alinéa ne couvrent pas le contrôle de tous les critères de durabilité et de l’utilisation du bilan massique, les opérateurs économiques de la chaîne d’approvisionnement qui y adhèrent doivent en tout état de cause compléter le contrôle, dans la mesure où il n’est pas couvert par ces systèmes volontaires ou accords, au moyen du système national de certification.
[...] »
14 Aux termes de l’article 12 du décret interministériel du 23 janvier 2012 :
« 1. Aux fins du présent décret, à titre d’exception par rapport aux dispositions de l’article 8, paragraphe 1, les opérateurs économiques de la chaîne d’approvisionnement des bioliquides peuvent adhérer à des systèmes volontaires faisant l’objet d’une décision adoptée en vertu de l’article 7 quater, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive [98/70], applicable aux biocarburants, dans la mesure où ils remplissent les conditions prévues au paragraphe 2.
2. Les opérateurs de la chaîne d’approvisionnement des bioliquides visés au paragraphe 1 doivent faire figurer dans la déclaration ou sur le certificat qui accompagne les lots tout au long de la chaîne d’approvisionnement les informations prévues par l’article 7, paragraphes 5, 6, 7 et 8 [...] »
Le litige au principal et la question préjudicielle
15 L.E.G.O. est une société de droit italien qui possède une imprimerie. Au sein de celle-ci, elle a fait réaliser une installation thermoélectrique, d’une puissance moyenne nominale annuelle de 0,840 mégawatts, alimentée à l’huile végétale brute de palme, un bioliquide.
16 Le 20 mai 2011, cette installation a été reconnue comme étant alimentée à partir de sources renouvelables par GSE, une société publique de droit italien chargée du versement des aides pour la production d’énergie produite à partir de telles sources. Ainsi, L.E.G.O. a accédé au dispositif d’incitation des certificats verts (CV), pour la période 2012-2014, dans la mesure de 14 698 CV, pour une contrevaleur de 1 610 421,58 euros.
17 Par décision du 29 septembre 2014, GSE a considéré, sur la base des documents fournis par L.E.G.O., que cette dernière ne répondait pas aux critères d’éligibilité au régime de soutien et a exigé la restitution intégrale des montants accordés au titre de la période 2012-2014.
18 La raison alléguée par GSE à l’appui de sa décision était notamment le défaut de présentation de certificats de durabilité par la société ayant réalisé l’installation thermoélectrique, à savoir Movendi Srl. Cette dernière opère également en tant qu’intermédiaire pour l’achat, auprès d’ED&F Man Liquid Products Italia Srl et de Unigrà Srl, du bioliquide utilisé pour le fonctionnement de cette installation. Bien que ce produit soit directement vendu et livré à L.E.G.O., selon GSE, Movendi devrait être considéré comme un « opérateur économique », au sens du décret interministériel du 23 janvier 2012, tenu de présenter les certificats de durabilité, quand bien même ceux-ci auraient déjà été fournis par ED&F Man Liquid Products Italia et Unigrà. Par ailleurs, les certificats de durabilité émis par ces deux fournisseurs auraient porté une date postérieure à la date effective du transport, alors que, selon GSE, ils auraient dû être émis en accompagnement de chaque lot de bioliquides.
19 L.E.G.O. a introduit un recours contre cette décision devant le Tribunale Regionale Amministrativo per il Lazio (tribunal régional administratif pour le Latium, Italie) qui, dans son arrêt du 29 janvier 2016, a jugé que GSE avait correctement désigné Movendi en tant qu’opérateur économique au sens de la législation italienne, l’obligeant par conséquent à fournir lui-même le certificat de durabilité du bioliquide en cause.
20 Selon cette juridiction, si, en effet, la directive 2009/28 ne précise pas qui peut être considéré comme opérateur économique, elle permet, toutefois, aux États membres d’établir quelles sont les informations nécessaires et les personnes soumises au respect des critères de durabilité. Dès lors, devrait être considérée comme « opérateur économique » toute personne intervenant dans la filière d’approvisionnement, y compris les intermédiaires tels que Movendi, qui ne prennent pas possession physique du bioliquide concerné.
21 Le 13 mai 2016, L.E.G.O. a formé un pourvoi contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).
22 Cette juridiction estime qu’il est indispensable de préciser la portée du droit de l’Union afin d’établir s’il s’oppose à la réglementation nationale, et notamment aux articles 8 et 12 du décret interministériel du 23 janvier 2012, lesquels imposent aux opérateurs ayant accédé à un système volontaire de certification de compléter, le cas échéant, le contrôle effectué en vertu dudit système, au moyen du système national de certification et de reprendre dans la déclaration ou sur les certificats accompagnant les lots tout au long de la chaîne d’approvisionnement les informations visées à l’article 17, paragraphes 2 à 5, de la directive 2009/28.
23 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que L.E.G.O., dans le cadre de son pourvoi, soutient que, les fournisseurs ED&F Man Liquid Products Italia et Unigrà ayant adhéré au système volontaire de contrôle ISCC, reconnu par la décision d’exécution 2011/438, le système national ne saurait prévoir des obligations supplémentaires par rapport audit système volontaire, telle que l’obligation pour les intermédiaires de présenter des certificats de durabilité.
24 Ainsi, la juridiction de renvoi explique que sa demande de décision préjudicielle concerne, d’une part, la possibilité de soumettre les opérateurs économiques, qui adhèrent généralement à des systèmes volontaires faisant l’objet de décisions de la Commission, à des contrôles ultérieurs imposés par le système national de certification et, d’autre part, la possibilité de soumettre les opérateurs économiques, qui font partie de la chaîne d’approvisionnement, à l’obligation de compléter les déclarations ou certificats d’accompagnement avec les informations demandées. À cet égard, la juridiction de renvoi indique que l’objectif de la réglementation nationale étant d’assurer la traçabilité du produit et son caractère durable tout au long de la chaîne d’approvisionnement, les intermédiaires, tels que Movendi, ne sauraient être exclus de ladite obligation.
25 Dans ces conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le droit de l’Union, en particulier l’article 18, paragraphe 7, de la directive 2009/28, lu conjointement avec la décision [d’exécution 2011/438], s’opposent-ils à une réglementation nationale, telle que le [décret interministériel du 23 janvier 2012], et notamment ses articles 8 et 12, qui impose des obligations spécifiques différentes et plus importantes que celles imposées en cas d’adhésion à un système volontaire faisant l’objet d’une décision de la Commission européenne adoptée en vertu du de l’article 18, paragraphe 4, de cette directive ?
2) En cas de réponse négative à la question précédente, les opérateurs économiques qui interviennent dans la chaîne d’approvisionnement du produit, y compris lorsqu’il s’agit d’opérateurs officiant comme simple [...] intermédiaire, sans jamais prendre possession du produit, doivent-ils être considérés comme relevant des dispositions de droit de l’Union visées dans la première question ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
26 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 18, paragraphe 7, de la directive 2009/28, lu en combinaison avec la décision d’exécution 2011/438, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, imposant aux opérateurs économiques des conditions spécifiques, différentes et plus importantes que celles prévues par un système volontaire de certification de la durabilité, tel que le système « ISCC », reconnu par ladite décision d’exécution, adoptée par la Commission conformément à l’article 18, paragraphe 4, de ladite directive.
27 À titre liminaire, il convient de relever que l’article 17, paragraphes 2 à 5, de la directive 2009/28 énonce les critères de durabilité devant être respectés pour que les biocarburants et les bioliquides puissent être pris en considération en tant que source d’énergie renouvelable.
28 Ainsi qu’il ressort de l’article 17 de la directive 2009/28, lu à la lumière des considérants 65 et 67 de celle-ci, le législateur de l’Union a, en se fondant notamment sur l’article 114 TFUE, entendu opérer une harmonisation des critères de durabilité auxquels doivent impérativement satisfaire les biocarburants et les bioliquides pour que l’énergie produite à partir de ceux-ci puisse être prise en considération, au sein de chaque État membre, aux trois fins respectivement visées aux points a), b) et c) du paragraphe 1 de cet article 17. Lesdites fins sont la vérification de la mesure dans laquelle les États membres satisfont à leurs objectifs nationaux visés à l’article 3 de cette directive, d’une part, et à leurs obligations en matière d’énergie renouvelable, d’autre part, ainsi que l’admission éventuelle à une aide financière nationale pour la consommation de biocarburants et de bioliquides (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2017, E.ON Biofor Sverige, C‑549/15, EU:C:2017:490, point 28).
29 L’harmonisation desdits critères de durabilité revêt un caractère exhaustif, l’article 17, paragraphe 8, de la directive 2009/28 précisant, en effet, que les États membres ne peuvent, à ces mêmes trois fins, refuser de prendre en considération, pour d’autres motifs de durabilité, les biocarburants et les bioliquides répondant aux critères de durabilité énoncés à cet article (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2017, E.ON Biofor Sverige, C‑549/15, EU:C:2017:490, point 32).
30 Quant à la vérification du respect des critères de durabilité pour les biocarburants et les bioliquides, ainsi qu’il ressort de l’article 18, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2009/28, lorsque ceux-ci doivent être pris en considération aux trois fins visées à l’article 17, paragraphe 1, de cette directive, les États membres obligent les opérateurs économiques de montrer que les critères de durabilité prévus aux paragraphes 2 à 5 de cet article ont été respectés.
31 À cet effet, les États membres sont notamment tenus, ainsi qu’il ressort de l’article 18, paragraphe 1, seconde phrase, de la directive 2009/28, d’exiger desdits opérateurs qu’ils utilisent un système de bilan massique qui, comme précisé aux points a) à c) de cette disposition, premièrement, permet le mélange de lots de matières premières ou de biocarburants présentant des caractéristiques de durabilité différentes, deuxièmement, requiert que des informations relatives aux caractéristiques de durabilité et au volume desdits lots restent associées au mélange et, troisièmement, prévoit que la somme de tous les lots prélevés sur le mélange soit décrite comme ayant les mêmes caractéristiques de durabilité, dans les mêmes quantités, que la somme de tous les lots ajoutés au mélange.
32 Dans ce contexte, le système de bilan massique peut notamment être mis en œuvre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 42 de ses conclusions, par un système national prévu par l’autorité compétente de chaque État membre, conformément à l’article 18, paragraphe 3, de la directive 2009/28, ou par des systèmes nationaux ou internationaux volontaires reconnus par la Commission, tels que le système ISCC, conformément aux exigences de l’article 18, paragraphes 4 et 5, de cette directive.
33 À cet égard, il ressort de l’article 18, paragraphe 7, de ladite directive que, lorsqu’un opérateur économique apporte une preuve ou des données obtenues dans le cadre d’un accord ou d’un système qui a fait l’objet d’une décision, adoptée par la Commission sur le fondement de l’article 18, paragraphe 4, de la directive 2009/28, et dans la mesure de ce que prévoit cette décision, les États membres ne peuvent pas exiger du fournisseur qu’il apporte d’autres preuves de conformité aux critères de durabilité fixés à l’article 17, paragraphes 2 à 5, de cette directive.
34 En revanche, lorsque la Commission n’a pas adopté une décision concernant un système de certification donné, ou lorsque cette décision précise que ce système ne couvre pas tous les critères de durabilité définis à l’article 17, paragraphes 2 à 5, de la directive 2009/28, les États membres demeurent libres d’imposer aux opérateurs économiques, dans cette mesure, le respect de la réglementation nationale visant à assurer le contrôle du respect desdites critères.
35 Dès lors, afin de répondre à la première question, il convient de déterminer le champ d’application de la décision d’exécution 2011/438, adoptée par la Commission sur le fondement de l’article 18, paragraphe 4, de la directive 2009/28, en ce qui concerne le système de certification en cause au principal.
36 À cet égard, il y a lieu de constater que la reconnaissance, par cette décision d’exécution, pour une période de cinq ans, du système ISCC est valable pour établir uniquement la durabilité des biocarburants et non celle des bioliquides, ainsi qu’il ressort de l’article 1er, premier alinéa, de celle-ci. Il s’ensuit que, dans la mesure où le système ISCC faisant l’objet de la décision d’exécution 2011/438 utilise la méthode du bilan massique pour prouver la durabilité des biocarburants, elle n’apparaît pas susceptible de limiter la compétence dont disposent les États membres, conformément à l’article 18, paragraphes 1 et 3, de la directive 2009/28, pour établir les modalités de contrôle de la conformité aux critères de durabilité fixés à l’article 17, paragraphes 2 à 5, de la directive 2009/28, en ce qui concerne les bioliquides.
37 En effet, l’article 18, paragraphe 4, de la directive 2009/28, permettant à la Commission de décider qu’un système volontaire, national ou international, sert à prouver la conformité avec les critères de durabilité définis à l’article 17, paragraphes 2 à 5, de cette directive, n’était applicable qu’aux biocarburants jusqu’à l’adoption de la directive (UE) 2015/1513 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, modifiant la directive 98/70 et modifiant la directive 2009/28 (JO 2015, L 239, p. 1), qui est entrée en vigueur le 15 octobre 2015 et qui a introduit la possibilité de certifier la durabilité des bioliquides au moyen de systèmes volontaires.
38 À cet égard, il y a lieu de préciser, ainsi qu’il ressort de l’article 2, second alinéa, sous h) et i), de la directive 2009/28, que les bioliquides et les biocarburants sont des notions distinctes, en ce que les derniers ne comprennent que des liquides combustibles utilisés pour le transport, tandis que les premiers visent les liquides destinés à des usages énergétiques autres que le transport.
39 En l’occurrence, L.E.G.O. a bénéficié du système d’incitation des CV pour la période 2012-2014, pour une installation thermoélectrique alimentée à partir de sources d’énergie renouvelables, en utilisant un bioliquide, à savoir de l’huile de palme. Par une décision du 29 septembre 2014, l’autorité compétente a demandé le remboursement des sommes octroyées à ce titre, du fait notamment de l’absence de respect des obligations découlant du système national de certification pour démontrer la durabilité des bioliquides.
40 Dans ces circonstances et étant donné que la décision d’exécution 2011/438 n’a procédé à la reconnaissance du système ISCC que pour les biocarburants, les conditions supplémentaires imposées par la réglementation italienne en ce qui concerne le contrôle de la durabilité des bioliquides ne tombent pas sous le coup de l’interdiction contenue à l’article 18, paragraphe 7, de la directive 2009/28.
41 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 18, paragraphe 7, de la directive 2009/28, lu en combinaison avec la décision d’exécution 2011/438, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, imposant aux opérateurs économiques des conditions spécifiques, différentes et plus importantes, pour la certification de la durabilité des bioliquides, que celles prévues par un système volontaire de certification de la durabilité, tel que le système ISCC, reconnu par ladite décision d’exécution, adoptée par la Commission conformément à l’article 18, paragraphe 4, de ladite directive, dans la mesure où ce système a été approuvé pour les seuls biocarburants et où lesdites conditions ne concernent que les bioliquides.
Sur la seconde question
42 La seconde question, qui est posée en cas de réponse négative à la première, vise, en substance, à déterminer si le droit de l’Union, et notamment l’article 18, paragraphes 1 et 3, de la directive 2009/28, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, impose un système national de vérification de la durabilité des bioliquides qui prévoit que tous les opérateurs économiques intervenant dans la chaîne d’approvisionnement du produit considéré, même lorsqu’il s’agit d’intermédiaires qui n’entrent pas physiquement en possession des lots de bioliquides, sont tenus à certaines obligations de certification, de communication et d’information découlant dudit système.
43 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour, la circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé sa demande de décision préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (arrêt du 22 juin 2017, E.ON Biofor Sverige, C‑549/15, EU:C:2017:490, point 72 et jurisprudence citée).
44 En l’occurrence, bien que la juridiction de renvoi n’ait pas formellement interrogé la Cour sur l’interprétation des dispositions du traité afférentes à la libre circulation des marchandises, il convient, ainsi que l’a recommandé M. l’avocat général au point 87 de ses conclusions, d’examiner également si l’article 34 TFUE s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.
Sur l’interprétation de la directive 2009/28
45 En premier lieu, il convient d’observer que la directive 2009/28 utilise la notion d’« opérateur économique », sans pourtant la définir. Compte tenu de la généralité des termes dans lesquels se trouvent énoncés les critères énumérés aux points a) à c) de l’article 18, paragraphe 1, de cette directive, la Cour a déjà dit pour droit que ladite disposition n’a pas procédé à une harmonisation complète de la méthode de vérification liée au système du bilan massique. Partant, les États membres conservent, sous réserve d’avoir à respecter les exigences générales qu’énonce ladite disposition à ses points a) à c), une importante marge de manœuvre lorsqu’ils sont appelés à déterminer, plus précisément, les conditions concrètes dans lesquelles les opérateurs économiques concernés sont appelés à utiliser un tel système (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2017, E.ON Biofor Sverige, C‑549/15, EU:C:2017:490, points 40 et 77).
46 En second lieu, ainsi qu’il ressort du considérant 76 de la directive 2009/28, la méthode du bilan massique, visée à l’article 18, paragraphe 1, de celle-ci, se fonde sur un rapport physique entre la production et la consommation de bioliquides dans l’Union aux fins du contrôle de la conformité, tout en visant à éviter de faire peser des contraintes inutiles sur l’industrie.
47 En l’occurrence, il résulte des termes de l’article 12, paragraphe 2, du décret interministériel du 23 janvier 2012, lu à la lumière de l’article 2, paragraphe 1, sous i) septies, du décret législatif no 66/2005 et de l’article 2, paragraphe 3, sous a), de ce même décret interministériel, que cette réglementation impose à tous les opérateurs économiques intervenant dans la chaîne d’approvisionnement des bioliquides, y compris les intermédiaires qui n’entrent pas physiquement en possession desdits produits, l’obligation de faire figurer, dans la déclaration ou sur le certificat accompagnant les lots de bioliquides, les informations permettant d’établir leur durabilité.
48 Il ressort de la décision de renvoi que le fait de qualifier les intermédiaires d’« opérateurs économiques » vise à garantir, conformément aux exigences de l’article 18, paragraphe 3, de la directive 2009/28, la traçabilité des lots de bioliquides tout au long de la chaîne d’approvisionnement en permettant ainsi un meilleur contrôle de leur production et de leur commercialisation afin de réduire le risque de fraudes.
49 À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 18, paragraphe 3, de la directive 2009/28, les États membres prennent des mesures afin de veiller à ce que les opérateurs économiques soumettent des informations fiables et mettent à la disposition de l’État membre concerné, à sa demande, les données utilisées pour établir les informations relatives aux caractéristiques de durabilité du produit concerné. Les États membres exigent également des opérateurs économiques qu’ils veillent à assurer un niveau suffisant de contrôle indépendant des informations qu’ils soumettent et qu’ils apportent la preuve que ce contrôle, consistant à vérifier si les systèmes utilisés par les opérateurs économiques sont précis, fiables et à l’épreuve de la fraude, a été effectué.
50 Dans la mesure où la notion d’« opérateurs économiques » n’est pas définie par la directive 2009/28 et étant donné l’état actuel de l’harmonisation opérée par le législateur de l’Union quant aux modalités de la méthode de vérification liée au système du bilan massique, il doit être considéré que les États membres jouissent d’une marge d’appréciation pour établir, dans le respect du droit de l’Union, quels opérateurs économiques ont l’obligation d’apporter la preuve du respect des critères de durabilité prévus à l’article 17, paragraphes 2 à 5, de ladite directive.
51 Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 18, paragraphes 1 et 3, de la directive 2009/28 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, impose un système national de vérification de la durabilité des bioliquides qui prévoit que tous les opérateurs économiques intervenant dans la chaîne d’approvisionnement du produit, même lorsqu’il s’agit d’intermédiaires qui n’entrent pas physiquement en possession des lots de bioliquides, sont tenus à certaines obligations de certification, de communication et d’information découlant dudit système.
Sur l’interprétation de l’article 34 TFUE
52 Il y a lieu de rappeler, d’emblée, que, lorsqu’un domaine a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive au niveau de l’Union, toute mesure nationale y relative doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation et non pas de celles du droit primaire (arrêt du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 57).
53 Loin d’entendre opérer une harmonisation exhaustive des régimes nationaux de soutien à la production d’énergie verte, le législateur de l’Union, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 25 de la directive 2009/28, est parti, d’une part, du constat selon lequel les États membres appliquent différents régimes de soutien et, d’autre part, du principe qu’il importe de garantir le bon fonctionnement de ceux-ci afin de conserver la confiance des investisseurs et de permettre à ces États de définir des mesures nationales efficaces pour atteindre les objectifs contraignants nationaux globaux que leur impartit ladite directive (arrêt du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 59).
54 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 45 du présent arrêt, l’article 18 de la directive 2009/28 n’a pas opéré une harmonisation exhaustive en ce qui concerne la méthode de vérification liée au système de bilan massique, de telle sorte que les États membres conservent une importante marge de manœuvre lorsqu’ils mettent en œuvre ledit article. En y procédant, ils demeurent toutefois tenus de respecter l’article 34 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2017, E.ON Biofor Sverige, C‑549/15, EU:C:2017:490, point 78).
55 Dès lors, il y a lieu de procéder à l’interprétation des dispositions du traité afférentes à la libre circulation des marchandises afin de déterminer si l’article 34 TFUE s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les opérateurs économiques intervenant dans la chaîne d’approvisionnement du produit, même lorsqu’il s’agit d’intermédiaires qui n’entrent pas physiquement en possession des bioliquides, sont tenus à certaines obligations de certification, de communication et d’information découlant d’un système national de vérification de la durabilité.
56 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour et des indications fournies par ED & F Man Liquid Products Italia lors de l’audience, le bioliquide en cause au principal, l’huile de palme, est produit en Indonésie, importé dans l’Union, mis en libre pratique et stocké en France et, par la suite, transporté vers l’Italie pour sa vente à L.E.G.O.
57 Conformément à l’article 28, paragraphe 2, TFUE, l’interdiction des restrictions quantitatives entre les États membres, prévue aux articles 34 à 37 TFUE, s’applique tant aux produits qui sont originaires des États membres qu’aux produits provenant de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres.
58 Or, il est de jurisprudence constante que l’article 34 TFUE, en interdisant entre les États membres les mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation, vise toute mesure nationale susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (arrêt du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 66 et jurisprudence citée).
59 Doivent être considérées comme des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation, au sens de l’article 34 TFUE, les entraves à la libre circulation des marchandises résultant, en l’absence d’harmonisation des législations nationales, de l’application, par un État membre, à des marchandises en provenance d’autres États membres, où elles sont légalement commercialisées, de règles relatives aux conditions auxquelles doivent répondre ces marchandises, même si ces règles sont indistinctement applicables à tous les produits (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2016, Commission/République tchèque, C‑525/14, EU:C:2016:714, point 35).
60 En l’occurrence, il convient de constater que l’obligation de présenter des certificats de durabilité, imposée par la réglementation nationale en cause au principal, aux intermédiaires qui n’entrent pas physiquement en possession des bioliquides faisant l’objet de la transaction dans laquelle ils interviennent, est susceptible d’entraver, à tout le moins indirectement et potentiellement, l’importation de tels produits en provenance des autres États membres.
61 En effet, une telle obligation a pour effet de rendre l’importation des bioliquides plus difficile dans la mesure où les simples intermédiaires, n’étant pas soumis à cette obligation de certification en vertu de l’article 18 de la directive 2009/28, lorsqu’ils importent un bioliquide vers l’Italie, doivent néanmoins présenter ladite certification et sont, de ce fait, soumis à des obligations administratives et aux coûts y associés.
62 En conséquence, une telle réglementation nationale constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives aux importations, en principe incompatible avec l’article 34 TFUE, à moins que cette réglementation ne puisse être objectivement justifiée (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 75).
Sur la justification éventuelle
63 Une réglementation ou une pratique nationale qui constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives peut être justifiée par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE ou par des exigences impératives. Dans l’un et l’autre cas, la mesure nationale doit, conformément au principe de proportionnalité, être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (arrêt du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 76).
64 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que des mesures nationales susceptibles d’entraver le commerce au sein de l’Union peuvent notamment être justifiées par des exigences impératives relevant de la protection de l’environnement. Or, l’utilisation de sources d’énergie renouvelables pour la production d’électricité que vise à promouvoir une réglementation nationale telle que celle en cause au principal est utile à la protection de l’environnement, dans la mesure où elle contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui figurent parmi les principales causes des changements climatiques que l’Union et ses États membres se sont engagés à combattre (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, EU:C:2001:160, point 73 ; du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, points 77, 78 et 82, ainsi que du 22 juin 2017, E.ON Biofor Sverige, C‑549/15, EU:C:2017:490, points 85 à 88).
65 De ce fait, une telle réglementation nationale, en ce qu’elle favorise l’utilisation des sources d’énergie renouvelables, contribue également à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ainsi qu’à la préservation des végétaux, raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2017, E.ON Biofor Sverige, C‑549/15, EU:C:2017:490, point 89).
66 De surcroît, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 97 de ses conclusions, dans la mesure où une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, oblige tous les opérateurs intervenant dans la production et distribution des bioliquides durables, y compris les intermédiaires, à fournir des certificats de durabilité, celle-ci contribue à prévenir le risque de fraude dans la chaîne d’approvisionnement des bioliquides.
67 Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, les objectifs de protection de l’environnement ainsi que de lutte contre la fraude peuvent justifier des mesures nationales susceptibles d’entraver le commerce au sein de l’Union, pourvu que ces mesures soient proportionnées à l’objet visé (arrêt du 6 octobre 2011, Bonnarde, C‑443/10, EU:C:2011:641, point 34).
68 Il convient dès lors de vérifier, ainsi qu’il ressort du point 63 du présent arrêt, si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal répond aux exigences découlant du principe de proportionnalité, c’est-à-dire si elle est apte à atteindre l’objectif légitime qu’elle poursuit et si elle est nécessaire pour ce faire (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 83).
69 À cet égard, il convient de relever qu’une disposition nationale telle que l’article 12, paragraphe 2, du décret interministériel du 23 janvier 2012 garantit la traçabilité du produit dans la filière de production et de transport ainsi que sa durabilité afin d’éviter l’éventuelle transformation ou contrefaçon de l’huile de palme. En effet, un intermédiaire, tel que Movendi, qui achète le bioliquide en cause au principal en détenant sa propriété juridique, y compris toute la documentation pertinente, serait en mesure, avant de le vendre à l’utilisateur final, de modifier ses qualités, de le mettre à disposition de tiers et de le mélanger avec d’autres liquides ou des bioliquides non certifiés. Ainsi, en visant tous les opérateurs de la chaîne d’approvisionnement des bioliquides, ladite disposition nationale contribue à empêcher le risque de fraude concernant la durabilité de ce bioliquide. Par conséquent, elle constitue une mesure appropriée pour atteindre l’objectif légitime qu’elle poursuit.
70 De cette manière, la disposition nationale en cause au principal peut contribuer également aux objectifs de la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ainsi qu’à la préservation des végétaux, visés aux points 63 à 66 du présent arrêt.
71 En ce qui concerne le caractère nécessaire d’une telle réglementation, il convient de relever que, bien qu’un intermédiaire, tel que Movendi dans l’affaire au principal, n’entre pas en possession physique des bioliquides faisant l’objet de la transaction dans laquelle il intervient, il en a cependant, pour un temps, la propriété juridique et a, en principe, de ce fait la possibilité de les déplacer, d’en modifier la substance ou de falsifier les documents y relatifs. Dès lors, il y a lieu d’admettre que la République italienne a légitimement pu considérer que ladite mesure, en prévenant ces risques, était nécessaire afin d’atteindre les objectifs poursuivis.
72 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la seconde question que le droit de l’Union, en particulier l’article 34 TFUE et l’article 18, paragraphes 1 et 3, de la directive 2009/28, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, impose un système national de vérification de la durabilité des bioliquides qui prévoit que tous les opérateurs économiques intervenant dans la chaîne d’approvisionnement du produit, même lorsqu’il s’agit d’intermédiaires qui n’entrent pas physiquement en possession des bioliquides, sont tenus à certaines obligations de certification, de communication et d’information découlant dudit système.
Sur les dépens
73 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
1) L’article 18, paragraphe 7, de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE, lu en combinaison avec la décision d’exécution 2011/438/UE de la Commission, du 19 juillet 2011, portant reconnaissance du système ISCC (International Sustainability and Carbon Certification) pour l’établissement de la conformité avec les critères de durabilité des directives du Parlement européen et du Conseil 2009/28 et 2009/30/CE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, imposant aux opérateurs économiques des conditions spécifiques, différentes et plus importantes, pour la certification de la durabilité des bioliquides, que celles prévues par un système volontaire de certification de la durabilité, tel que le système ISCC, reconnu par ladite décision d’exécution, adoptée par la Commission européenne conformément à l’article 18, paragraphe 4, de ladite directive, dans la mesure où ce système a été approuvé pour les seuls biocarburants et où lesdites conditions ne concernent que les bioliquides.
2) Le droit de l’Union, en particulier l’article 34 TFUE et l’article 18, paragraphes 1 et 3, de la directive 2009/28, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, impose un système national de vérification de la durabilité des bioliquides qui prévoit que tous les opérateurs économiques intervenant dans la chaîne d’approvisionnement du produit, même lorsqu’il s’agit d’intermédiaires qui n’entrent pas physiquement en possession des lots de bioliquides, sont tenus à certaines obligations de certification, de communication et d’information découlant dudit système.
Signatures
* Langue de procédure : l’italien.
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