Kuhne + Nagel International and Others v Commission (Competition - Judgment) French Text [2018] EUECJ C-261/16 (01 February 2018)


BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Kuhne + Nagel International and Others v Commission (Competition - Judgment) French Text [2018] EUECJ C-261/16 (01 February 2018)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C26116.html
Cite as: ECLI:EU:C:2018:56, [2018] EUECJ C-261/16, EU:C:2018:56

[New search] [Contents list] [Help]


ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

1er février 2018 (*)

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Article 101 TFUE – Fixation de prix – Services de transit aérien international – Accord de tarification ayant une incidence sur le prix final des services »

Dans l’affaire C‑261/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 mai 2016,

Kühne + Nagel International AG, établie à Feusisberg (Suisse),

Kühne + Nagel Management AG, établie à Feusisberg,

Kühne + Nagel Ltd, établie à Uxbridge (Royaume-Uni),

Kühne + Nagel Ltd, établie à Shanghai (Chine),

Kühne + Nagel Ltd, établie à Hong-Kong (Chine),

représentées par Mes U. Denzel, C. von Köckritz et C. Klöppner, Rechtsanwälte,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. A. Dawes, H. Leupold et G. Meessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. C. G. Fernlund (rapporteur), président de chambre, MM. J.-C. Bonichot et E. Regan, juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, Kühne + Nagel International AG (ci-après « KN International »), Kühne + Nagel Management AG, Kühne + Nagel Ltd [Uxbridge (Royaume-Uni)], Kühne + Nagel Ltd [Shanghai (Chine)] et Kühne + Nagel Ltd [Hong-Kong (Chine)] (ci-après, ensemble, « KN e.a. ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 février 2016, Kühne + Nagel International e.a./Commission (T‑254/12, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:113), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision C (2012) 1959 final de la Commission, du 28 mars 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39462 – Transit, ci-après la « décision litigieuse »), en tant qu’elle concerne les requérantes, et à la réduction des amendes qui leur ont été imposées dans le cadre de celle-ci.

 Les faits à l’origine du litige

2        Il ressort de la décision litigieuse ainsi que des antécédents du litige décrits aux points 1 à 15 de l’arrêt attaqué que KN e.a. offrent des services de transit aérien international.

3        Ces services consistent à organiser une opération de transport en agrégeant plusieurs prestations couvrant tout ou partie de l’opération de transport, tant du point de vue logistique (conditionnement, transport, entreposage, manutention, consolidation) qu’administratif (formalités douanières et fiscales, assurances). Les transitaires offrent ainsi dans un lot unique une combinaison de plusieurs services à leurs clients.

4        Par la décision litigieuse, la Commission européenne a identifié quatre mécanismes de tarification sur lesquels les transitaires aériens se sont concertés en violation de l’article 101 TFUE. Il s’agit des mécanismes suivants :

–        le New Export System (NES), un système de prédédouanement pour les exportations du Royaume-Uni vers les pays tiers à l’Espace économique européen (EEE) ;

–        l’Advanced Manifest System (AMS), une procédure douanière selon laquelle des informations concernant les marchandises importées sur le territoire des États-Unis doivent être communiquées aux autorités de ce pays avant leur arrivée ;

–        le Currency Adjustment Factor (CAF), un facteur d’ajustement monétaire destiné à gérer les risques nés de l’appréciation du yuan renminbi (CNY) par rapport au dollar des États-Unis (USD), et

–        la Peak Season Surcharge (PSS), un coefficient d’ajustement temporaire des prix imposé en réaction à l’augmentation de la demande en certaines périodes de haute saison à partir ou à destination de Hong-Kong et du sud de la Chine.

5        La responsabilité de KN e.a. a été retenue pour leur participation aux ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS.

6        Le point 5 de l’arrêt attaqué est rédigé comme suit :

« Les constatations de la Commission sur les ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS peuvent être résumées comme suit :

–        l’entente relative au NES [...] concerne un système de prédédouanement pour les exportations du Royaume-Uni vers les pays extérieurs à l’EEE, lancé par les autorités de ce pays en 2002 ; au cours d’une réunion, un groupe de transitaires est convenu d’introduire une surtaxe pour les déclarations NES, s’est mis d’accord sur les niveaux de la surtaxe et sur le calendrier de son application ; à la suite de cette réunion, les participants à l’entente ont échangé plusieurs courriels afin de suivre la mise en œuvre de l’accord sur le marché ; les contacts anticoncurrentiels ont duré du 1er octobre 2002 au 10 mars 2003 ;

–        l’entente relative à l’AMS [concernait une situation par laquelle] plusieurs transitaires internationaux se sont accordés au moins à partir du 19 mars 2003 et jusqu’au 19 août 2004 pour fixer une surtaxe à un niveau leur permettant de couvrir au moins les coûts liés à l’AMS ; les discussions entre les entreprises participant à l’entente et le contrôle de sa mise en œuvre intervenaient notamment dans le cadre de l’association Freight Forward International (dénommée Freight Forward Europe avant le 1er janvier 2004 [...]) ;

–        l’entente relative au CAF [...] visait à trouver un accord sur une stratégie tarifaire commune permettant de faire face au risque d’une diminution des bénéfices résultant de l’appréciation de la monnaie chinoise, le yuan renminbi [...], par rapport au dollar des États-Unis (USD), à la suite de la décision de la Banque populaire de Chine en 2005 de ne plus rattacher le yuan renminbi au dollar des États-Unis ; plusieurs transitaires internationaux ont décidé de convertir tous les contrats avec leurs clients en yuan renminbi et, si c’était impossible, d’introduire une surtaxe (CAF) et de fixer son montant ; les discussions se sont déroulées en Chine entre le 27 juillet 2005 et le 13 mars 2006 ;

–        l’entente relative à la PSS [...] concernait un accord entre plusieurs transitaires internationaux entre août 2005 et mai 2007 portant sur l’application d’un coefficient d’ajustement temporaire des prix ; ce coefficient a été imposé en réaction à l’augmentation de la demande dans le secteur du transit aérien en certaines périodes qui entraînait une pénurie de capacités de transport et une augmentation des tarifs de transport, comme pendant la période de Noël ; il visait à protéger les marges des transitaires. »

7        Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), et à l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision litigieuse, Kühne + Nagel (Uxbridge) et KN International ont été condamnées solidairement au paiement d’une amende d’un montant de 5 320 000 euros pour leur participation du 1er octobre 2002 au 10 mars 2003 à l’entente relative au NES.

8        Conformément à l’article 1er, paragraphe 2, sous e), et à l’article 2, paragraphe 2, sous e), de la décision litigieuse, Kühne + Nagel Management et KN International ont été condamnées solidairement au paiement d’une amende d’un montant de 36 686 000 euros pour leur participation du 8 avril 2003 au 19 août 2004 à l’entente relative à l’AMS.

9        Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, sous g), et à l’article 2, paragraphe 3, sous g), de la décision litigieuse, Kühne + Nagel (Shanghai) et KN International ont été condamnées solidairement au paiement d’une amende d’un montant de 451 000 euros pour leur participation du 27 juillet 2005 au 13 mars 2006 à l’entente relative au CAF.

10      Conformément à l’article 1er, paragraphe 4, sous f), et à l’article 2, paragraphe 4, sous f), de la décision litigieuse, Kühne + Nagel (Hong-Kong) et KN International ont été condamnées solidairement au paiement d’une amende d’un montant de 11 217 000 euros pour leur participation à l’entente relative à la PSS du 9 août 2005 au 21 mai 2007.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 2012, KN e.a. ont introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse et à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées par la décision litigieuse.

12      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.

 Les conclusions des parties

13      Par leur pourvoi, KN e.a. demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler l’article 1er, paragraphes 1 et 2, ainsi que les articles 2 et 3 de la décision litigieuse, en tant que ces dispositions les concernent ;

–        d’annuler ou de réduire considérablement le montant de l’amende qui leur a été infligée, et

–        de condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure ainsi que devant le Tribunal.

14      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi ainsi que de condamner KN e.a. aux dépens.

 Sur le pourvoi

15      À l’appui de leur pourvoi, KN e.a. soulèvent cinq moyens.

 Sur le premier moyen, pris d’une erreur de droit du Tribunal dans l’application de l’article 101 TFUE

 Argumentation des parties

16      KN e.a. font grief au Tribunal d’avoir jugé que le commerce entre les États membres était affecté de manière sensible par les ententes relatives au NES et à l’AMS, au motif que celles-ci portaient sur les services de transit aérien international en tant que lot de services. Les requérantes estiment que le Tribunal aurait dû tenir compte du fait que ces ententes ne concernaient que des opérations de transport fournies à partir du territoire de l’EEE vers des pays tiers et en déduire qu’elles étaient sans incidence sur les échanges entre les États membres.

17      S’agissant de l’entente relative au NES, KN e.a. contestent les points 69 et 73 de l’arrêt attaqué et soutiennent que cette entente ne concernait que l’exportation de marchandises à partir du Royaume-Uni vers des pays tiers. L’appréciation par laquelle le Tribunal a jugé, au point 70 de cet arrêt, que les transitaires ayant participé à l’entente relative au NES offraient également leurs services dans des États membres autres que le Royaume-Uni ne permettrait pas de considérer que les faits incriminés aient eu des effets sur les échanges entre les États membres.

18      Les points 70 et 71 dudit arrêt seraient incompréhensibles et, partant, entachés d’un défaut de motivation.

19      KN e.a. soutiennent que le Tribunal a méconnu les critères jurisprudentiels d’application de l’article 101 TFUE, lorsqu’il a jugé, aux points 71 et 78 de l’arrêt attaqué, qu’« il ne peut être exclu » que l’entente relative au NES ait eu un effet sur la marge des transitaires et qu’une partie de la demande de services affectés par l’entente provient de clients situés dans un État membre autre que le Royaume-Uni. Cette appréciation ne serait cependant pas conforme à la règle jurisprudentielle qui exige d’établir « qu’il existe un degré de probabilité suffisant » de l’influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, de l’entente sur les échanges (arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, EU:C:1997:375, point 20).

20      Les appréciations figurant aux points 74 à 80 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles un témoin aurait déclaré que des clients situés dans des États membres autres que le Royaume-Uni demandaient des services de transit affectés par l’entente relative au NES, ne permettraient pas d’établir que cette entente ait pu exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur le commerce entre les États membres. Dans toutes les hypothèses, les effets de ladite entente seraient limités au seul Royaume-Uni, dans le contexte des exportations. La condition relative aux effets défavorables sur les échanges, posée à l’article 101 TFUE, impliquerait de démontrer qu’il est probable que l’entente relative au NES dissuade des clients établis dans d’autres États membres de recourir à ces services au Royaume-Uni.

21      S’agissant de l’entente relative à l’AMS, KN e.a. soutiennent, pour les mêmes raisons, qu’elle n’est pas susceptible d’affecter les échanges à l’intérieur de l’Union européenne, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 84 de l’arrêt attaqué.

22      S’agissant du caractère sensible des conséquences sur les échanges à l’intérieur de l’Union de l’entente en cause, le Tribunal aurait, par ses appréciations figurant aux points 88 et suivants de l’arrêt attaqué, dénaturé la décision litigieuse, en se fondant essentiellement sur le fait que cette entente visait les services de transit en tant que lot de services. Les conséquences défavorables sur les échanges ne peuvent être appréciées qu’à la lumière du chiffre d’affaires concerné par l’infraction. Dès lors que l’entente litigieuse ne concernait que les quatre surtaxes, le caractère sensible de l’infraction aurait dû être apprécié par rapport au chiffre d’affaires généré par ces surtaxes et non pas par les services de transit aérien pris dans leur ensemble. Le chiffre d’affaires résultant des quatre surtaxes serait nettement inférieur au seuil de 40 millions d’euros prévu au point 52 des lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JO 2004, C 101, p. 81).

23      KN e.a. contestent le point 101 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté comme étant inopérante leur argumentation relative au fait que le flux de marchandises entre les États membres n’a pas été affecté. Elles font valoir que cette argumentation permettait de démontrer que l’appréciation de la Commission relative à l’affectation des échanges était manifestement erronée.

24      La Commission estime que ce moyen est irrecevable, dès lors que les requérantes remettent en cause des constatations et des appréciations factuelles opérées par le Tribunal. En tout état de cause, ce moyen serait non fondé.

 Appréciation de la Cour

25      S’agissant de la recevabilité de ce moyen, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est seule compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment,arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, points 23 et 24, ainsi que ordonnance du 9 mars 2017, Simet/Commission, C‑232/16 P, non publiée, EU:C:2017:200, point 56).

26      En l’espèce, par leur premier moyen, KN e.a. contestent les points 53 à 102 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté leur argumentation prise de la violation de la condition posée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE relative aux effets des ententes concernées sur le commerce entre les États membres. KN e.a. reprochent au Tribunal d’avoir jugé que ces ententes étaient susceptibles d’affecter les échanges entre les États membres alors même qu’il n’est pas contesté que lesdites ententes concernaient exclusivement des exportations en provenance du Royaume-Uni ou de l’EEE et à destination de pays situés à l’extérieur de l’EEE. Ces exportations seraient sans incidence sur les échanges entre les États membres.

27      La question de savoir si les ententes relatives au NES et à l’AMS sont susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres, au sens de l’article 101 TFUE, constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi. En effet, par ce premier moyen, la Cour est amenée à contrôler la qualification juridique des faits retenue par le Tribunal.

28      Il convient cependant de relever que, dans le cadre dudit moyen, KN e.a. contestent les points 75 à 77 de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a apprécié le caractère probant de déclarations adressées par un tiers à la Commission dans le cadre de son enquête. Or, le Tribunal étant seul compétent pour apprécier les éléments de preuve, l’appréciation de ces éléments ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Aucune dénaturation des éléments de preuve n’ayant été alléguée ni démontrée, les griefs dirigés contre les points 75 à 77 de l’arrêt attaqué doivent être rejetés comme étant manifestement irrecevables.

29      Il s’ensuit que le premier moyen est recevable, mais que les griefs dirigés contre les points 75 à 77 de l’arrêt attaqué sont irrecevables.

30      Quant au bien-fondé du moyen, il importe de relever que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, aux points 67, 74 et 83 de l’arrêt attaqué, que la condition tenant à ce que l’accord concerné soit susceptible d’affecter le commerce entre les États membres, au sens de l’article 101 TFUE, est satisfaite dès lors que la Commission démontre qu’il existe un degré de probabilité suffisant que cet accord ait pu exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre les États membres (arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, EU:C:1997:375, point 20).

31      L’argumentation de KN e.a. repose sur la prémisse selon laquelle le Tribunal aurait dénaturé la décision litigieuse en faisant entrer les services de transit pris dans leur ensemble dans le périmètre des infractions constatées dans ladite décision, dont elles ont été reconnues responsables.

32      Or, cette prémisse est erronée. En effet, il est constant que le marché du produit pertinent est celui des services de transit aérien international et non pas celui de ses diverses composantes sur la tarification desquelles KN e.a. ainsi que les autres entreprises visées par la décision litigieuse se sont accordées. S’il ressort, en substance, des appréciations portées par le Tribunal aux points 41 à 52 de l’arrêt attaqué que, par la décision litigieuse, la Commission a constaté quatre infractions distinctes, correspondant aux quatre accords incriminés relatifs aux quatre éléments destinés à être intégrés dans le prix des services de transit aérien international, c’est-à-dire les NES, AMS, CAF et PSS et que ces accords ont chacun des caractéristiques propres, qu’il s’agisse de leur contenu matériel ou géographique, de leur période d’effectivité ou des entreprises qui y ont participé, il demeure que tous concernent le marché des services de transit aérien international en tant que lot de services.

33      Conformément à cette définition du marché pertinent, les services de transit en cause sont achetés et vendus à travers l’Union et font l’objet d’un marché qui, par nature, est transfrontalier. La circonstance que les ententes relatives au NES et à l’AMS ne portaient que sur des opérations de transport de marchandises en provenance ou à destination de pays tiers est donc sans pertinence à cet égard.

34      Compte tenu de la définition du marché pertinent, le Tribunal n’était, en conséquence, pas tenu d’examiner si la majoration relative au NES était susceptible d’affecter le commerce entre les États membres des services liés au NES ou à l’AMS considérés indépendamment des services de transit pris dans leur ensemble.

35      Le Tribunal a souligné, aux points 62, 69, 70, 73, 78 et 79 de l’arrêt attaqué que l’entente relative au NES visait les services de transit aérien international, lesquels sont offerts non seulement au Royaume-Uni, mais également dans d’autres États membres.

36      Quant à l’entente relative à l’AMS, le Tribunal a relevé, au point 84 de cet arrêt, que « les transitaires en cause offraient leurs services de transit, dont font partie les services liés aux formalités AMS, dans plusieurs États membres, voire sur tout le territoire de l’EEE. Or, un accord qui affecte plusieurs États membres est, de par sa nature, susceptible d’affecter le commerce entre États membres ».

37      C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 68 dudit arrêt, que « la Commission n’[avait] pas commis d’erreur en considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il était suffisamment probable que l’entente relative au NES ait pu exercer une influence sur le comportement des transitaires dans des États membres autres que le Royaume-Uni » et, au point 87 du même arrêt, « qu’aucun des arguments avancés par les requérantes n’[était] susceptible de remettre en cause la considération de la Commission selon laquelle l’entente relative à l’AMS était, de par sa nature, susceptible d’affecter le commerce entre États membres pour les services de transit ».

38      Les considérations qui précèdent conduisent également à rejeter les griefs relatifs aux appréciations portées par le Tribunal, aux points 88 à 97 de l’arrêt attaqué, sur le caractère sensible des effets sur le commerce entre les États membres résultant des ententes relatives au NES et à l’AMS. Compte tenu de la définition du marché pertinent, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 92 de cet arrêt que, « en application du [point] 53 des lignes directrices [relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité], il [convenait] de prendre en compte le chiffre d’affaires réalisé par les parties avec les services concernés par l’entente et, d’autre part, que, en raison des considérations exposées aux points 35 à 52 [dudit arrêt], il y [avait] lieu de considérer que l’entente relative au NES visait les services de transit ». Il a également rejeté à bon droit, pour les mêmes motifs, aux points 95 et 96 du même arrêt, les critiques similaires soulevées par KN e.a. s’agissant de l’entente relative à l’AMS.

39      Il ressort en outre des éléments qui précèdent que le Tribunal, au point 101 de l’arrêt attaqué, a estimé à juste titre que le grief de KN e.a., relatif à l’incidence de l’entente concernant l’AMS sur le flux de marchandises, était inopérant, au motif que « même à supposer que les ententes relatives au NES et à l’AMS n’aient pas affecté le flux des marchandises entre États membres de manière sensible, cela ne serait pas susceptible de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle, en raison de leurs effets sur le marché des services de transit, lesdites ententes étaient de nature à affecter le commerce entre États membres de manière sensible ».

40      Contrairement à ce qu’allèguent KN e.a., les motifs exposés aux points 70 et 71 de l’arrêt attaqué ne révèlent aucun défaut de motivation, dès lors qu’ils font ressortir avec clarté les raisons pour lesquelles le Tribunal a considéré que l’entente relative au NES était susceptible d’affecter la concurrence dans des États membres autres que le Royaume-Uni.

41      Le premier moyen du pourvoi doit, par conséquent, être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, pris de la violation du règlement no 141

 Argumentation des parties

42      Par leur cinquième moyen, KN e.a. soutiennent que le Tribunal a jugé à tort, aux points 103 à 130 de l’arrêt attaqué, que les ententes relatives au NES et à l’AMS ne relevaient pas des comportements exclus du champ d’application du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204), en vertu de l’exemption prévue à l’article 1er du règlement no 141 du Conseil portant non-application du règlement no 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2571). Elles soutiennent que les surtaxes NES et AMS sont liées à l’opération de transport. Sans ces surtaxes obligatoires, il ne pourrait y avoir d’opération de transport.

43      La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

44      Aux termes de l’article 1er du règlement no 141, « [l]e règlement no 17 n’est pas appliqué aux accords, décisions et pratiques concertées dans le secteur des transports qui ont pour objet ou pour effet la fixation des prix et conditions de transport, la limitation ou le contrôle de l’offre de transport ou la répartition des marchés de transport, non plus qu’aux positions dominantes, au sens de l’article [102 TFUE], sur le marché des transports ».

45      Il ressort d’une interprétation littérale de l’expression « secteur des transports » que celle-ci est susceptible de recouvrir, dans le langage courant, outre les services de transport en tant que tels, un ensemble d’activités intrinsèquement liées à un acte physique de déplacement de personnes ou de marchandises d’un endroit à un autre grâce à un moyen de transport [voir avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017, EU:C:2017:376, point 61, ainsi que, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2015, Grupo Itevelesa e.a., C‑168/14, EU:C:2015:685, points 41, 45 et 46].

46      Toutefois, les notions de « transport », de « marché de transport » et de « marché des transports », figurant à l’article 1er du règlement no 141, revêtent une portée moins large que la notion de « secteur des transports ».

47      Il découle ainsi du libellé de cet article que le règlement no 17 ne s’applique pas aux restrictions de concurrence qui affectent directement le marché des services de transport.

48      Cette interprétation de l’article 1er du règlement no 141 est confortée par le troisième considérant de ce règlement, lequel énonce que « les aspects spéciaux des transports ne justifient la non-application du règlement no 17 qu’à l’égard des accords, décisions et pratiques concertées qui concernent directement la prestation du service des transports ».

49      Compte tenu de ces éléments, une entente portant sur la fixation des prix et des conditions des services offerts par les transitaires, dont l’activité consiste à fournir, dans un même lot, plusieurs prestations de services distinctes de l’opération de transport en tant que telle, n’est pas exclue du champ d’application du règlement no 17 par l’article 1er du règlement no 141 (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 18).

50      C’est donc à bon droit que, au point 117 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que « l’article 1er du règlement no 141 n’exempte que les ententes qui concernent directement les services de transport aérien ».

51      Compte tenu de la définition du marché pertinent, le Tribunal a valablement, dès lors, pu juger, au point 121 de cet arrêt attaqué, qu’« [i]l ne suffit donc pas de démontrer que le NES ou l’AMS concernent des services ayant un lien direct avec les services de transport ou que les formalités qui y sont afférentes sont une opération nécessaire pour qu’un fret puisse être expédié, dans la mesure où aucun argument n’est avancé pour remettre en cause l’analyse selon laquelle les ententes sanctionnées visaient le marché des services de transit et non celui des transports ».

52      Compte tenu de ces éléments, le cinquième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, pris d’une erreur de droit dans le calcul de l’amende

 Argumentation des parties

53      Par le deuxième moyen, dirigé contre les points 205 à 263 et 301 à 304 de l’arrêt attaqué, KN e.a. rappellent que, au point 230 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission avait, à juste titre, retenu comme valeur des ventes relevant du périmètre des ententes le prix total facturé par les transitaires sur les routes concernées, sans toutefois distinguer selon les services fournis. KN e.a. estiment que cette analyse est entachée d’une erreur de droit. Elles font valoir que le Tribunal a méconnu les termes du point 13 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes »). Le chiffre d’affaires directement ou indirectement en lien avec l’infraction, au sens de cette disposition, aurait été celui généré par les services auxquels ont été appliquées les quatre surcharges incriminées. En appliquant cette méthode dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

54      KN e.a. contestent le point 232 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a écarté leur argumentation tirée du caractère pénalisant de la méthode retenue pour le calcul de l’amende en raison du caractère forfaitaire de la majoration pour le NES et l’AMS, au motif que « cela est une conséquence logique du fait que [...] dans le cadre des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes, le critère pertinent pour le calcul du montant des amendes est le chiffre d’affaires et non le profit additionnel réalisé par une entente ». KN e.a. estiment en revanche que l’effet pénalisant de l’amende tient uniquement au fait que la Commission et le Tribunal ont retenu, pour le calcul de l’amende, un chiffre d’affaires incorrect.

55      KN e.a. contestent le point 235 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté leur argument tiré des affaires « Extra d’alliages », et notamment de l’arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission (C‑65/02 P et C‑73/02 P, EU:C:2005:454), sur la base d’un raisonnement purement formaliste.

56      KN e.a. soulignent que les services de transport ont toujours été offerts et facturés séparément du NES. L’offre de ces services émane d’opérateurs distincts et ces services sont facturés et vendus séparément. Dès lors, une entente sur le NES ne pourrait pas avoir d’effets sur les services de transport, car l’entente ne concernait pas le prix global facturé. Contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 245 de l’arrêt attaqué, la concurrence ne serait affectée que sur le prix du service objet de l’entente.

57      KN e.a. font valoir que le Tribunal a méconnu son obligation de motivation à deux égards.

58      En premier lieu, KN e.a. soutiennent que, aux points 35 à 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que les ententes visaient non pas les services individuels, mais les services de transit en tant que lot de services. Toutefois, cette constatation serait contredite par l’enquête de la Commission. La décision litigieuse précise clairement que l’entente portait uniquement sur les surcharges, le fret aérien n’étant pas concerné. Le Tribunal aurait omis de répondre aux nombreux arguments de KN e.a. à cet égard et ainsi violé son obligation de motivation.

59      En second lieu, KN e.a. reprochent au Tribunal d’avoir statué sur la base de motifs contradictoires, insuffisants et erronés. Au point 50 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait admis que le fait que des tiers non transitaires offrent des services de déclaration NES ou de dépôt AMS pourrait démontrer qu’il existe une demande pour de tels services individuels, mais ne démontre pas que les ententes en cause visaient ces services individuels.

60      En revanche, le Tribunal aurait admis, aux points 41, 46 et 50 de cet arrêt, que l’entente ne concernait pas uniquement ces services individuels, mais portait sur les services de transit en tant que lot de services. Les motifs pour lesquels, d’une part, la demande de services individuels ne serait pas pertinente pour apprécier la portée de l’entente, mais, d’autre part, la demande d’un lot de services serait pertinente ne ressortiraient pas de l’arrêt attaqué.

61      La Commission estime que ce moyen est irrecevable, au motif que, par celui-ci, KN e.a. contestent l’établissement et l’appréciation des faits. En tout état de cause, ce moyen serait non fondé.

 Appréciation de la Cour

62      En ce qui concerne la recevabilité de ce moyen, il convient de relever que, par leur argumentation, KN e.a. visent essentiellement à démontrer, d’une part, que le Tribunal a interprété de manière erronée le point 13 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes et, d’autre part, qu’il n’a pas respecté son obligation de motivation. La question de l’interprétation de ce point 13 par le Tribunal et celle de savoir si l’arrêt attaqué est suffisamment motivé constituent des questions de droit pouvant être invoquées dans le cadre d’un pourvoi. Le deuxième moyen est donc recevable.

63      En ce qui concerne le bien-fondé de ce moyen, cependant, il y a lieu d’observer que l’argumentation de KN e.a. repose sur la prémisse selon laquelle le Tribunal aurait fait entrer les services de transit pris dans leur ensemble dans le périmètre des infractions constatées dans la décision litigieuse dont elles ont été reconnues responsables, alors même que ces infractions portent uniquement sur le NES, l’AMS, le CAF et la PSS.

64      Il importe de réitérer que cette prémisse est erronée. En effet, ainsi qu’il a été précédemment jugé dans le cadre de l’examen du premier moyen au point 32 du présent arrêt, KN e.a. confondent l’infraction incriminée avec la définition du marché pertinent affecté par cette infraction. Pour ce seul motif, les griefs de KN e.a., tirés d’une insuffisance de motivation, du caractère prétendument contradictoire de l’arrêt attaqué et de l’existence d’une dénaturation de la décision litigieuse en raison de la limitation des infractions à quatre composants des services de transit en cause sont donc dépourvus de fondement.

65      Pour le surplus, il convient de rappeler que le point 13 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes prévoit que, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou de services [...] en relation directe ou indirecte avec l’infraction ». Si cette notion de « valeur des ventes » ne peut être étendue jusqu’à englober des ventes qui ne relèvent pas de l’infraction, elle ne peut pas pour autant être circonscrite à la valeur des seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette infraction. Eu égard à l’objectif poursuivi par le point 13 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes, qui consiste à retenir comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci, la notion de « valeur des ventes » doit donc être comprise comme visant les ventes réalisées sur le marché concerné par l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, points 76, 77 et 81).

66      Par conséquent, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger en l’espèce, en application du point 13 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes, il convenait de prendre en compte la valeur des ventes réalisées sur le marché des services de transit aérien international, dès lors que les ventes entrant dans le périmètre des infractions en cause ont été réalisées sur ce même marché. La Commission pouvait ainsi, à bon droit, utiliser comme point de départ pour le calcul des amendes les ventes réalisées sur le marché pertinent.

67      Il découle de ces éléments que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 230 de l’arrêt attaqué, que « la Commission a donc pu considérer, sans commettre d’erreur de droit, que la valeur des ventes relevant du périmètre des ententes reprochées était fondée sur le prix total que les transitaires avaient facturé à leurs clients sur les routes concernées, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ou de déduire les prix des différents services englobés dans les services de transit ».

68      Pour les mêmes motifs, il convient de rejeter le grief dirigé contre le point 245 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a jugé que, « si les requérantes offrent globalement, sous leur dénomination sociale, un forfait qui combine le transport en tant que tel avec plusieurs autres services, tels que les services de dépôt NES ou ceux liés aux formalités administratives AMS, ce qu’elles ne contestent pas, la concurrence se fait sur le prix global pour l’ensemble de ces services, qui se trouvera affecté même par des accords qui ne concernent que des éléments du forfait ».

69      S’agissant du grief formulé à l’égard du point 235 de l’arrêt attaqué, il convient de constater qu’il est dirigé contre un motif surabondant et doit, par conséquent, être rejeté comme étant inopérant.

70      Le deuxième moyen doit donc être rejeté dans son ensemble comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, pris de la violation du principe de l’égalité de traitement lors du calcul de l’amende

 Argumentation des parties

71      Par leur troisième moyen, KN e.a. soutiennent que le Tribunal, en refusant de tirer les conséquences des particularités de son modèle d’entreprise dit « d’intermédiation » par rapport à celui des autres participants à l’entente, organisés selon un modèle dit « de consolidation », a enfreint le principe d’égalité de traitement en traitant de manière égale des entreprises placées dans des situations différentes.

72      Aux points 242 et 244 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait, à tort, considéré que cette différence de modèle d’entreprise ne remettait pas en question la méthode de calcul de l’amende. KN e.a. reprochent au Tribunal d’avoir jugé, au point 245 de cet arrêt, que la concurrence s’exerçait sur le prix global de l’ensemble des services de transport. Cet argument serait erroné au motif que les clients de KN e.a. seraient libres de se procurer les services soumis à l’entente auprès de tiers.

73      En outre, aux points 246 à 251 dudit arrêt, le Tribunal aurait effectué des analogies avec des secteurs économiques dans lesquels il existe un risque de ne pouvoir exploiter en aval des produits achetés en amont, comme par exemple, les intrants dans le cadre de l’industrie manufacturière. Or, ces analogies seraient sans pertinence pour une entreprise d’intermédiation dans le secteur des transports.

74      La Commission expose que ce troisième moyen est irrecevable en ce qu’il vise à remettre en question les constatations factuelles opérées par le Tribunal quant à l’existence d’une concurrence sur le prix global pour l’ensemble des services afférents au transport et, pour le surplus, non fondé.

 Appréciation de la Cour

75      Dans le cadre de l’examen des cinquième, onzième, quatorzième et dix-septième moyens de la requête de KN e.a. en première instance, le Tribunal a examiné, aux points 236 à 254 de l’arrêt attaqué, l’argumentation de ces dernières, selon laquelle, dans la mesure où elles agissaient principalement comme de simples intermédiaires, la valeur du chiffre d’affaires pris en compte aux fins du calcul des amendes devait être réduite à concurrence du coûts des services de transport qu’elles se procurent auprès de tiers.

76      Le Tribunal a constaté, aux points 237 et 238 de l’arrêt attaqué, la prépondérance du modèle de consolidation parmi les transitaires aériens. Il a rappelé, au point 239 de cet arrêt, que, en dépit des différences entre l’intermédiation et la consolidation, la Commission avait estimé dans la décision litigieuse que les entreprises qui suivaient ces modèles fournissaient toutes un service à valeur ajoutée contre le paiement d’une commission.

77      Le Tribunal a ensuite rejeté l’argumentation de KN e.a., exposée aux points 240 et 241 de l’arrêt attaqué. Il a, d’abord, souligné, au point 245 de cet arrêt, que la concurrence sur le marché pertinent s’exerçait sur le prix global des services de transit. Le Tribunal a ensuite souligné, aux points 246 et 247 dudit arrêt, que, malgré le fait que de nombreuses entreprises commerciales sont confrontées au risque de ne pouvoir exploiter les biens ou les services qu’elles achètent, la jurisprudence considère néanmoins que les coûts de matériels ne sont pas déduits, même partiellement, de leur chiffre d’affaires. À cet égard, le Tribunal a souligné que « les considérations sur lesquelles [l’arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, point 53] est [fondé] portent, de manière générale, sur l’utilisation des chiffres d’affaires dans le cadre du calcul du montant des amendes et indiquent qu’il s’agit d’un critère objectif qui présente un lien étroit avec l’infraction en cause ».

78      Enfin, le Tribunal, au point 251 de l’arrêt attaqué, a considéré qu’« il n’est pas nécessaire de fixer la valeur des ventes par rapport au bénéfice brut qui est précisé à cet égard dans les comptes des transitaires plutôt que par rapport au chiffre d’affaires ». Le Tribunal a en effet considéré que, si le bénéfice est « un indicateur de la performance économique des requérantes et de l’ampleur de la valeur ajoutée créée par elles, ces critères, liés à la rentabilité, ne sont pas déterminant pour le calcul du montant des amendes ».

79      Par ces motifs, le Tribunal a rejeté, au point 254 de cet arrêt, l’argumentation de KN e.a. tirée des conséquences à tirer de leur modèle d’entreprise quant au calcul du montant de l’amende.

80      Il convient de déterminer si, en statuant ainsi, le Tribunal a méconnu le principe d’égalité de traitement en traitant de la même manière des entreprises qui ne sont pas dans des situations comparables, en raison des différences entre leurs modèles commerciaux.

81      À cet égard, il importe de rappeler que l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit que, pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. Selon la jurisprudence constante de la Cour, il est loisible, en vue de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique que de la part de ce chiffre qui provient des produits faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci (arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, EU:C:1983:158, point 121, ainsi que du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 54).

82      En outre, ainsi qu’il a été précédemment jugé dans le cadre du deuxième moyen aux points 65 et 66 du présent arrêt, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger en l’espèce, en application du point 13 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes, il convenait de prendre en compte la valeur des ventes réalisées sur le marché des services de transit aérien international, dès lors que les ventes entrant dans le périmètre des infractions en cause ont été réalisées sur ce même marché. La Commission pouvait ainsi, à bon droit, utiliser comme point de départ pour le calcul des amendes les ventes réalisées sur le marché pertinent.

83      S’agissant de ce dernier aspect, la Cour a ainsi jugé que ne pas tenir compte des ventes effectuées entre des entités appartenant à une même entreprise reviendrait nécessairement à avantager, sans justification, les sociétés intégrées verticalement en leur permettant d’échapper à une sanction proportionnée à leur importance sur le marché des produits faisant l’objet de l’infraction. Il s’ensuit que, pour la détermination du chiffre d’affaires provenant de la vente des produits qui font l’objet de l’infraction, les entreprises intégrées verticalement se trouvent dans une situation comparable à celle des producteurs non intégrés verticalement. Ces deux types d’entreprises doivent donc être traités de manière égale. Exclure les ventes internes du chiffre d’affaires pertinent reviendrait à favoriser les premières en réduisant leur poids relatif dans l’infraction au détriment des autres, et ce sur la base d’un critère sans rapport avec l’objectif poursuivi lors de la détermination de ce chiffre d’affaires et qui consiste à refléter l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de chacune des entreprises qui a pris part à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, points 59 à 63).

84      Ces considérations sont transposables à la situation d’entreprises qui, à l’instar de KN e.a., agissent en tant qu’intermédiaires et dont le chiffre d’affaires est en grande partie constitué par le prix des services qu’elles achètent auprès de tiers pour les revendre à leurs clients. Pour la détermination du chiffre d’affaires provenant de la vente des produits qui font l’objet de l’infraction, les entreprises opérant selon un tel modèle d’intermédiation se trouvent dans une situation comparable à celles opérant selon le modèle de consolidation. Ces deux types d’entreprises doivent donc être traités de manière égale aux fins du calcul de l’amende.

85      Compte tenu de ces éléments, c’est sans méconnaître le principe d’égalité de traitement que le Tribunal, au point 254 de l’arrêt attaqué, a rejeté l’argumentation de KN e.a. selon laquelle, en substance, la Commission devait, aux fins du calcul de l’amende, retrancher de leur chiffre d’affaires les coûts des services de transport fournis par les compagnies aériennes.

86      Il y a lieu, dès lors, de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, pris de la violation du principe de proportionnalité lors du calcul de l’amende

 Argumentation des parties

87      Par leur quatrième moyen, dirigé contre les points 255 à 263 de l’arrêt attaqué, KN e.a. soutiennent que le Tribunal, en considérant que la Commission n’avait commis aucune erreur ni violé le principe de proportionnalité en fixant le montant de l’amende qui leur a été infligée, a méconnu ce principe et l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le Tribunal aurait dû prendre en considération le fait que le chiffre d’affaires des transitaires était constitué, à hauteur de 95 %, de recettes encaissées pour le compte de tiers, essentiellement les transporteurs aériens. Au cours de la période infractionnelle, les majorations incriminées auraient généré un chiffre d’affaires de quelques milliers d’euros seulement. Ainsi, la majoration AMS aurait représenté un chiffre d’affaires total de 25 650 euros pour les années 2003 et 2004. Le montant de l’amende, fixé à 54 millions d’euros, serait manifestement disproportionné à ce chiffre d’affaires.

88      La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

89      S’agissant des griefs par lesquels KN e.a. contestent le contrôle de la proportionnalité du montant des amendes au regard des circonstances de fait pertinentes effectué par le Tribunal aux points 255 à 263 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler que, afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 200).

90      Le Tribunal a ainsi rejeté les arguments de KN e.a. tirés de l’importante différence entre le montant des amendes et le montant des surtaxes faisant l’objet des ententes. Il a ainsi jugé, sans commettre d’erreur de droit, au point 261 de l’arrêt attaqué, que « si, certes les amendes doivent être fixées à un niveau suffisamment élevé afin que les entreprises soient dissuadées de participer à une entente, en dépit des gains qu’elles peuvent en [retirer], le montant d’une amende ne saurait être considéré comme inapproprié uniquement parce qu’il ne reflète pas le préjudice économique ayant été ou ayant pu être causé par l’entente en cause ». Quant aux griefs fondés sur le fait que le coût des services de transport représente une part très importante dans le chiffre d’affaires de KN e.a. relatif aux services de transit, le Tribunal a valablement pu, au point 262 de cet arrêt, les rejeter en renvoyant aux motifs exposés aux points 236 et suivants dudit arrêt, pour les raisons exposées précédemment en réponse au troisième moyen du pourvoi.

91      Il ressort de ces éléments que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

92      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

93      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

94      La Commission ayant conclu à la condamnation de KN e.a. aux dépens et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de condamner ces dernières aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Kühne + Nagel International AG, Kühne + Nagel Management AG, Kühne + Nagel Ltd [Uxbridge (Royaume-Uni)], Kühne + Nagel Ltd [Shanghai (Chine)] et Kühne + Nagel Ltd [Hong-Kong (Chine)] sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C26116.html