Mobit (Opinion) French Text [2018] EUECJ C-350/17_O (25 October 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C35017_O.html
Cite as: ECLI:EU:C:2018:869, [2018] EUECJ C-350/17_O, EU:C:2018:869

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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 25 octobre 2018 (1)

Affaires jointes C350/17 et C351/17

Mobit Soc. cons. arl

contre

Regione Toscana (C‑350/17)

en présence de

Autolinee Toscane SpA,

Régie autonome des transports parisiens (RATP)

et

Autolinee Toscane SpA

contre

Mobit Soc. cons. arl (C351/17)

en présence de

Regione Toscana,

Régie autonome des transports parisiens (RATP)

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) n° 1370/2007 – Services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route – Article 5 – Attribution de contrats de services publics – Article 8, paragraphe 2 – Régime transitoire – Inapplicabilité de l’article 5 aux attributions réalisées entre le 3 décembre 2009 et le 2 décembre 2019 – Article 8, paragraphe 3 – Régime transitoire – Inapplicabilité de l’article 5 aux attributions réalisées avant le 3 décembre 2009 – Article 5, paragraphe 2 – Attribution directe – Exigence de cantonnement des activités de l’opérateur interne – Non‑respect – Absence d’incidence sur une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence – Notions d’“autorité compétente et d’opérateur interne” »






I.      Introduction

1.        Par deux décisions du 6 avril 2017, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a adressé à la Cour deux demandes tendant à obtenir des décisions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, et de l’article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) nº 1191/69 et (CEE) nº 1107/70 du Conseil (2).

2.        Ces demandes ont été présentées, d’une part, dans le cadre d’un litige opposant Mobit Soc. cons. arl, un consortium regroupant plusieurs entreprises italiennes opérant dans le secteur des transports, à la Regione Toscana (région de Toscane, Italie) au sujet de l’adjudication définitive à Autolinee Toscane SpA, entreprise contrôlée par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), d’un contrat de services publics de transport local et, d’autre part, d’un litige s’inscrivant dans le même cadre factuel et opposant Autolinee Toscane à Mobit.

3.        Par ces questions, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si les articles 5 et 8 du règlement n° 1370/2007 doivent être interprétés en ce sens qu’un opérateur, tel qu’Autolinee Toscane dans le litige au principal, doit être exclu d’une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence au motif que cet opérateur est contrôlé par un autre opérateur, à savoir la RATP dans ce litige, ayant bénéficié d’une attribution directe avant l’entrée en vigueur de ce règlement (3).

4.        Pour les motifs exposés dans la suite des présentes conclusions, je considère qu’aucune disposition du règlement n° 1370/2007 ne s’oppose, dans les circonstances du litige au principal, à l’attribution par voie de mise en concurrence d’un contrat de services publics de transport à un opérateur tel qu’Autolinee Toscane.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

5.        Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, le règlement nº 1370/2007 a pour objet de définir comment, dans le respect des règles du droit de l’Union, les autorités compétentes peuvent intervenir dans le domaine des transports publics de voyageurs pour garantir la fourniture de services d’intérêt général qui soient notamment plus nombreux, plus sûrs, de meilleure qualité ou meilleur marché que ceux que le simple jeu du marché aurait permis de fournir.

6.        L’article 2 de ce règlement établit notamment les définitions suivantes :

« […]

b)      “autorité compétente”, toute autorité publique, ou groupement d’autorités publiques, d’un ou de plusieurs États membres, qui a la faculté d’intervenir dans les transports publics de voyageurs dans une zone géographique donnée, ou tout organe investi d’un tel pouvoir ;

[…]

h)      “attribution directe”, attribution d’un contrat de service public à un opérateur de service public donné en l’absence de toute procédure de mise en concurrence préalable ;

[…]

j)      “opérateur interne”, une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ;

[…] »

7.        Selon l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1370/2007, « [l]orsqu’une autorité compétente décide d’octroyer à l’opérateur de son choix un droit exclusif et/ou une compensation, quelle qu’en soit la nature, en contrepartie de la réalisation d’obligations de service public, elle le fait dans le cadre d’un contrat de service public ».

8.        L’article 5 du règlement n° 1370/2007, intitulé « Attribution des contrats de service public », dispose :

« 1.      Les contrats de service public sont attribués conformément aux règles établies dans le présent règlement. […]

2.      Sauf interdiction en vertu du droit national, toute autorité locale compétente, qu’il s’agisse ou non d’une autorité individuelle ou d’un groupement d’autorités fournissant des services intégrés de transport public de voyageurs, peut décider de fournir elle‑même des services publics de transport de voyageurs ou d’attribuer directement des contrats de service public à une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services. Lorsqu’une autorité locale compétente prend une telle décision, les dispositions suivantes s’appliquent :

a)      aux fins de déterminer si l’autorité locale compétente exerce un tel contrôle, il est tenu compte d’éléments tels que le niveau de représentation au sein des organes d’administration, de direction ou de surveillance, les précisions y relatives dans les statuts, la propriété ainsi que l’influence et le contrôle effectifs sur les décisions stratégiques et sur les décisions individuelles de gestion. Conformément au droit communautaire, la détention à 100 % du capital par l’autorité publique compétente, en particulier dans le cas de partenariats publics‑privés, n’est pas une condition obligatoire pour établir un contrôle au sens du présent paragraphe, pour autant que le secteur public exerce une influence dominante et que le contrôle puisse être établi sur la base d’autres critères ;

b)      le présent paragraphe est applicable à condition que l’opérateur interne et toute entité sur laquelle celui‑ci a une influence, même minime, exercent leur activité de transport public de voyageurs sur le territoire de l’autorité locale compétente, nonobstant d’éventuelles lignes sortantes et autres éléments accessoires à cette activité se prolongeant sur le territoire d’autorités locales compétentes voisines, et ne participent pas à des mises en concurrence concernant la fourniture de services publics de transport de voyageurs organisés en dehors du territoire de l’autorité locale compétente ;

c)      nonobstant le point b), un opérateur interne peut participer à des mises en concurrence équitables pendant les deux années qui précèdent le terme du contrat de service public qui lui a été attribué directement, à condition qu’ait été prise une décision définitive visant à soumettre les services de transport de voyageurs faisant l’objet du contrat de l’opérateur interne à une mise en concurrence équitable et que l’opérateur interne n’ait conclu aucun autre contrat de service public attribué directement ;

d)      en l’absence d’autorité locale compétente, les points a), b) et c) s’appliquent à une autorité nationale agissant au bénéfice d’une zone géographique qui n’est pas nationale, à condition que l’opérateur interne ne participe pas à des mises en concurrence concernant la fourniture de services publics de transport de voyageurs organisés à l’extérieur de la zone pour laquelle le contrat de service public a été attribué ;

[…]

3.      Toute autorité compétente qui recourt à un tiers autre qu’un opérateur interne attribue les contrats de service public par voie de mise en concurrence, sauf dans les cas visés aux paragraphes 4, 5 et 6. La procédure adoptée pour la mise en concurrence est ouverte à tout opérateur, est équitable, et respecte les principes de transparence et de non‑discrimination. Après la soumission des offres et une éventuelle présélection, la procédure peut donner lieu à des négociations dans le respect de ces principes, afin de préciser les éléments permettant de répondre au mieux à la spécificité ou à la complexité des besoins.

[…] »

9.        L’article 8 du règlement n° 1370/2007, intitulé « Transition », dispose :

« 1.      Les contrats de service public sont attribués conformément aux règles établies dans le présent règlement. […].

2.      Sans préjudice du paragraphe 3, l’attribution de contrats de services publics de transport par chemin de fer ou par route est conforme à l’article 5 à partir du 3 décembre 2019. Au cours de cette période transitoire, les États membres prennent des mesures pour se conformer progressivement à l’article 5 afin d’éviter de graves problèmes structurels concernant notamment les capacités de transport.

Dans un délai de six mois suivant la première moitié de la période transitoire, les États membres fournissent à la Commission un rapport d’avancement mettant l’accent sur la mise en œuvre de l’attribution progressive des contrats de service public conformément à l’article 5. Sur la base des rapports d’avancement des États membres, la Commission peut proposer des mesures appropriées, adressées aux États membres.

3.      Pour l’application du paragraphe 2, il n’est pas tenu compte des contrats de service public attribués conformément au droit communautaire et au droit national :

a)      avant le 26 juillet 2000, sur la base d’une procédure de mise en concurrence équitable ;

b)      avant le 26 juillet 2000, sur la base d’une procédure autre qu’une procédure de mise en concurrence équitable ;

c)      à partir du 26 juillet 2000 et avant le 3 décembre 2009, sur la base d’une procédure de mise en concurrence équitable ;

d)      à partir du 26 juillet 2000 et avant le 3 décembre 2009, sur la base d’une procédure autre qu’une procédure de mise en concurrence équitable.

Les contrats visés au point a) peuvent se poursuivre jusqu’à leur expiration. Les contrats visés aux points b) et c) peuvent se poursuivre jusqu’à leur expiration, mais pas au‑delà de trente ans. Les contrats visés au point d) peuvent se poursuivre jusqu’à leur expiration, pour autant qu’ils aient une durée limitée et comparable aux durées prévues à l’article 4.

Les contrats de service public peuvent se poursuivre jusqu’à leur expiration au cas où leur résiliation aurait des conséquences juridiques ou économiques excessives et à condition que la Commission ait donné son autorisation.

[…] »

B.      Le droit italien

10.      La juridiction de renvoi a précisé que, outre les dispositions du règlement nº 1370/2007, sont pertinentes pour la résolution des litiges au principal les normes issues du decreto legislativo n. 422, del 19 novembre 1997, conferimento alle regionied agli enti locali di funzioni e compiti in materia di trasporto pubblico locale, a norma dell’articolo 4, comma 4, della legge n. 59, del 15 marzo 1997 (décret législatif n° 422, du 19 novembre 1997, portant sur l’attribution aux régions et aux administrations locales de fonctions et missions en matière de transport public local en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la loi nº 59, du 15 mars 1997, ci‑après le « décret législatif du 19 novembre 1997 »).

11.      L’article 18 du décret législatif du 19 novembre 1997, intitulé « Organisation des services de transport public régional et local », dispose :

« […]

2)      Dans le but d’inciter à dépasser les structures monopolistiques et d’introduire des règles de fonctionnement concurrentiel dans la gestion des services de transport régional et local, pour l’attribution des services, les régions et les collectivités locales respectent les principes de l’article 2 de la loi n. 481 du 14 novembre 1995 et garantissent notamment :

a)       le recours aux procédures de mise en concurrence pour la sélection du gestionnaire du service, sur la base des éléments du contrat de service prévu à l’article 19 et conformément à la réglementation communautaire et nationale en matière de marchés publics de services[…]. Les sociétés ainsi que leurs sociétés mères, les sociétés membres du même groupe et les filiales qui, en Italie ou à l’étranger, bénéficient de passations de marchés non conformes aux dispositions combinées des articles 5 et 8, paragraphe 3, du [règlement n° 1370/2007] et dont la durée s’étend au‑delà du 3 décembre 2019 ne peuvent participer à aucune procédure d’attribution des services, même déjà lancée. L’exclusion ne s’applique pas aux entreprises qui se sont vu attribuer le service faisant l’objet même de la procédure de mise en concurrence[…] »

III. Les litiges au principal et les questions préjudicielles

12.      Mobit est un groupement italien de sociétés (« società consortile ») regroupant plusieurs entreprises du secteur du transport.

13.      Autolinee Toscane est une société italienne contrôlée par la RATP à travers les sociétés RATP DEV SA et RATP DEV Italia Srl. Selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, la RATP est un établissement public créé et contrôlé par l’État français, lequel lui a confié des contrats de services publics de transport depuis l’année 1948. Le contrat attribué à la RATP en France, en vigueur au moment des faits pertinents, vient à expiration le 31 décembre 2039.

14.      Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 5 octobre 2013, la Regione Toscana a ouvert une procédure visant à l’attribution de services publics de transport local en concession sur son territoire.

15.      La Regione Toscana a adressé des invitations à présenter une offre aux deux seules entités ayant manifesté leur intérêt à participer à la procédure, à savoir Mobit et Autolinee Toscane.

16.      Le 24 novembre 2015, le contrat a été provisoirement attribué à Autolinee Toscane. L’adjudication définitive à Autolinee Toscane a été décidée le 2 mars 2016.

17.      Le 15 avril 2016, Mobit a attaqué cette décision d’adjudication définitive devant le Tribunale amministrativo della Toscana (tribunal administratif de Toscane, Italie). Par son recours, Mobit a contesté la légalité de la procédure, en se fondant sur des moyens tirés de l’illégalité de la participation à l’appel d’offresd’Autolinee Toscane et des défauts affectant l’offre retenue ainsi que, à titre subsidiaire, de l’illégalité de toute la procédure.

18.      Autolinee Toscane a formé un recours incident tendant à l’exclusion de l’offre déposée par Mobit. La RATP est intervenue à la cause au soutien d’Autolinee Toscane.

19.      Par jugement du 28 octobre 2016, le Tribunale amministrativo della Toscana (tribunal administratif de Toscane) a fait droit à la fois au recours principal de Mobit et au recours incident d’Autolinee Toscane. Ce tribunal a annulé les actes et mesures attaqués à partir de l’adjudication décidée en faveur d’Autolinee Toscane, dont l’offre n’aurait pas satisfaisait aux conditions fixées dans la réglementation de l’appel d’offres. Il a également exclu l’offre de Mobit, celle-ci ne pouvant dès lors pas se substituer à l’offre d’Autolinee Toscane dans la procédure d’adjudication.

20.      Mobit a fait appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, alléguant notamment une violation de l’article 2, sous b) et j), de l’article 5, paragraphe 2 et de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007.

21.      En particulier, Mobit a fait valoir qu’Autolinee Toscane aurait dû être exclue de la procédure d’attribution en application de l’article 5, paragraphe 2, sous b) et d), du règlement no 1370/2007, dès lors qu’elle est contrôlée par une entreprise – la RATP – ayant bénéficié d’une attribution directe en France et devant être qualifiée d’opérateur interne au sens des dispositions précitées.

22.      Selon la juridiction de renvoi, si ce règlement devait être interprété comme exigeant, dans le cadre d’une procédure par voie de mise en concurrence, l’exclusion des entreprises ayant par ailleurs bénéficié d’une attribution directe, elle serait tenue de réformer le jugement de première instance, en déclarant qu’Autolinee Toscane ne pouvait pas avoir la qualité d’adjudicataire.

23.      Par conséquent, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 1370/2007 [en particulier pour ce qui est de l’interdiction – prévue sous b) et d) – pour un opérateur interne de participer à des appels d’offres extra moenia], doit‑il ou non s’appliquer aussi aux attributions directes confiées à une époque antérieure à l’entrée en vigueur du règlement ?

2)      Peut‑on assimiler en théorie à un “opérateur interne” – au sens dudit règlement et par analogie éventuelle quant à sa finalité avec la jurisprudence relative aux fournitures “in house” – une personne morale de droit public titulaire d’une attribution directe du service de transport local, confiée par l’autorité étatique, si la première est directement liée à la seconde du point de vue organisationnel et du contrôle et si son capital est détenu par l’État (intégralement ou partiellement et, dans ce cas, conjointement avec d’autres collectivités publiques) ?

3)      Face à une attribution directe de services relevant du champ d’application du règlement (CE) nº 1370/2007, le fait que, postérieurement à l’attribution, l’autorité étatique en cause crée un établissement public administratif doté de pouvoirs d’organisation sur les services en question (sachant que par ailleurs l’État conserve le pouvoir exclusif de disposer du titre de concession) – cet établissement n’exerçant aucun “contrôle analogue” sur l’attributaire direct des services – constitue‑t‑il ou non une circonstance propre à faire échapper l’attribution en question au régime de l’article 5, paragraphe 2, du règlement ?

4)      La date initiale d’expiration d’une attribution directe excédant le délai de trente ans venant à échéance le 3 décembre 2039 [délai courant de la date d’entrée en vigueur du règlement (CE) nº 1370/2007] implique-t-elle la non-conformité de l’attribution aux principes des dispositions combinées des articles 5 et 8, paragraphe 3, dudit règlement, ou cette irrégularité doit-elle être considérée comme automatiquement régularisée, à toute fin de droit, par une réduction implicite “ex lege” (article 8, paragraphe 3) à un tel délai de trente ans ? »

IV.    La procédure devant la Cour

24.      Les demandes de décision préjudicielle ont été enregistrées au greffe de la Cour le 12 juin 2017.

25.      Ont présenté des observations écrites Mobit, Autolinee Toscane, la Regione Toscana, la RATP, les gouvernements français et portugais ainsi que la Commission européenne.

26.      Ont comparu lors de l’audience du 21 juin 2018 pour y être entendus en leurs observations Mobit, Autolinee Toscane, la Regione Toscana, la RATP, les gouvernements italien et français ainsi que la Commission.

V.      Analyse

27.      La juridiction de renvoi a posé quatre questions portant sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, et de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007 en vue de déterminer si un opérateur, tel qu’Autolinee Toscane dans le litige au principal, doit être exclu d’une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence au motif que cet opérateur est contrôlé par un autre opérateur, à savoir la RATP dans ce litige, ayant bénéficié d’une attribution directe avant l’entrée en vigueur de ce règlement.

28.      À mes yeux, aucune disposition du règlement nº 1370/2007 ne s’oppose, dans les circonstances du litige au principal, à l’attribution par voie de mise en concurrence d’un contrat de services publics de transport à un opérateur tel qu’Autolinee Toscane.

29.      Cette approche découle de trois motifs distincts et autonomes, à savoir le régime transitoire établi à l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 (section A), le régime transitoire prévu à l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement (section B) et l’articulation entre l’article 5, paragraphe 2, et l’article 5, paragraphe 3, dudit règlement (section C).

30.      Par souci d’exhaustivité, j’examinerai dans la section D les notions d’« opérateur interne » et d’« autorité compétente », lesquelles font l’objet des deuxième et troisième questions.

A.      Sur l’applicabilité du régime transitoire établi à l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 à une procédure d’attribution telle que celle en cause dans le litige au principal

31.      La première question posée par la juridiction de renvoi concerne l’applicabilité de l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 aux attributions directes réalisées avant l’entrée en vigueur de ce règlement. Dans le contexte du litige au principal, cette question concerne l’attribution directe dont a bénéficié la RATP en France, laquelle ne fait pas l’objet de ce litige mais pourrait, selon l’argumentaire développé par Mobit, entraîner l’exclusion d’Autolinee Toscane de la procédure d’attribution en cause dans ledit litige en application de l’article 5, paragraphe 2, sous b), dudit règlement (4).

32.      Or, avant même d’examiner cette question, il y a lieu de se demander si une autorité compétente, telle que la Regione Toscana, était tenue de se conformer à l’article 5 du règlement n° 1370/2007 dans le cadre d’une procédure d’attribution clôturée le 2 mars 2016, telle que celle en cause dans le litige au principal (5).

33.      Selon moi, et tout d’abord, il découle du régime transitoire établi à l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 que l’article 5 de ce règlement n’est pas applicable dans le cadre d’une procédure d’attribution telle que celle en cause au principal (sous-section 1).

34.      Ensuite, par souci d’exhaustivité, j’examinerai un argument invoqué par Mobit selon lequel ce régime transitoire ne concernerait que l’article 5, paragraphe 3, dudit règlement, et ce nonobstant le libellé clair de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement (sous‑section 2).

35.      Enfin, j’exposerai les motifs pour lesquels il y a lieu de distinguer le régime transitoire établi à l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 de celui prévu à l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement (sous‑section 3), ce dernier régime faisant l’objet de la section B des présentes conclusions.

1.      Sur l’inapplicabilité de l’article 5 du règlement nº 1370/2007 dans le cadre d’une procédure d’attribution telle que celle en cause au principal

36.      Je relève que l’article 12 du règlement nº 1370/2007 prévoit que ce règlement entre en vigueur le 3 décembre 2009. Toutefois, l’article 8, paragraphe 2, alinéa 1, première phrase, dudit règlement dispose que l’attribution de contrats de services publics de transport par chemin de fer ou par route doit être conforme à l’article 5 du même règlement à partir du 3 décembre 2019.

37.      En d’autres termes, l’article 8, paragraphe 2, premier alinéa, première phrase, du règlement nº 1370/2007 établit une période transitoire de dix années, à partir de l’entrée en vigueur de ce règlement et jusqu’au 2 décembre 2019, au cours de laquelle les autorités compétentes des États membres ne sont pas tenues de se conformer à l’article 5 dudit règlement lorsqu’elles attribuent un contrat de services publics de transport par route, tel que le contrat en cause dans le litige au principal.

38.      Or, le litige au principal concerne une attribution intervenue le 2 mars 2016, soit avant l’expiration de cette période transitoire (6). J’en déduis que la Regione Toscana n’était pas tenue de se conformer à l’article 5 du règlement nº 1370/2007 dans le contexte de ce litige.

39.      Il n’en irait autrement que dans l’hypothèse où l’attribution en cause dans ledit litige relèverait d’un régime national mettant en œuvre de manière anticipée l’article 5 du règlement nº 1370/2007, ce qui est expressément autorisé et même encouragé par l’article 8, paragraphe 2, premier alinéa, seconde phrase, de ce règlement. En ce cas, il faudrait considérer que la Regione Toscana était effectivement tenue de se conformer audit article 5 dans le contexte de ce même litige, et ce dans la mesure déterminée par ce régime national.

40.      Cependant, il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis à la Cour que la République italienne ou la Regione Toscana auraient décidé de mettre en œuvre l’article 5 du règlement nº 1370/2007 de manière anticipée, c’est-à-dire avant l’expiration de la période transitoire. Interrogés à ce sujet lors de l’audience de plaidoiries, le gouvernement italien et la Regione Toscana ont confirmé cette absence de mise en œuvre anticipée. Il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier que tel est bien le cas.

41.      Par conséquent, à titre principal, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées. L’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 doit être interprété en ce sens que l’article 5 de ce règlement n’est pas applicable dans le cadre d’une procédure d’attribution réalisée avant l’expiration de la période transitoire établie à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement, telle que celle en cause dans le litige au principal, sauf dans l’hypothèse où cette attribution relèverait d’un régime national mettant en œuvre de manière anticipée ledit article 5, et ce dans la mesure déterminée par ce régime.

2.      Sur les relations entre l’article 8, paragraphe 2, et l’article 5 du règlement nº 1370/2007

42.      Il ressort du libellé même de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 que cette disposition prévoit une exemption temporaire visant l’article 5 de ce règlement dans son ensemble, comme l’ont fait valoir Autolinee Toscane, la Regione Toscana, la RATP et le gouvernement français.

43.      Néanmoins, la Commission, dans ses lignes directrices interprétatives concernant le règlement nº 1370/2007, a affirmé que « seul l’article 5, paragraphe 3 […] est pertinent dans ce contexte » (7). Mobit a soutenu cette interprétation dans ses observations écrites.

44.      Pour justifier cette interprétation, la Commission a avancé un argument d’ordre systémique dans ses lignes directrices. Selon celle‑ci, les dispositions de l’article 5 du règlement nº 1370/2007 autres que celles incluses dans son paragraphe 3 seraient « moins strictes que les principes généraux du traité et la jurisprudence correspondante ». En d’autres termes, le fait de « geler » l’application de ces dispositions durant la période transitoire contraindrait les autorités compétentes à se conformer à des obligations plus strictes, à savoir celles découlant des principes généraux du traité et de la jurisprudence correspondante.

45.      Selon moi, cette interprétation doit être rejetée pour les trois motifs suivants.

46.      Tout d’abord, elle contredit le libellé univoque de l’article 8, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement nº 1370/2007, lequel vise l’article 5 de ce règlement sans autre précision.

47.      Ensuite, il n’appartient pas à la Cour de « deviner » la portée d’un régime transitoire, tel que celui établi à l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007, en procédant à des comparaisons d’ordre systémique entre les obligations découlant respectivement de deux instruments, en l’occurrence ce règlement et le traité FUE. Une telle démarche constituerait, selon moi, un dangereux précédent au regard des principes de séparation des pouvoirs et de sécurité juridique.

48.      Enfin, il me semble que la Commission cherche à réintroduire par la voie interprétative une restriction qui a été rejetée par le législateur de l’Union. En effet, si cette restriction de la portée de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 n’apparaît pas dans la première mouture de ce règlement tel qu’adoptée le 23 octobre 2007, elle a également été rejetée par le législateur de l’Union lors de l’adoption du règlement (UE) 2016/2338 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2016, modifiant le règlement nº 1370/2007 en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer (8).

49.      En effet, dans sa proposition de règlement modificatif, la Commission avait expressément proposé de restreindre la portée de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 au seul article 5, paragraphe 3, de ce règlement (9). Or, le texte final du règlement modificatif, tel qu’adopté par le Conseil et le Parlement européen, ne comporte pas de telle restriction (10).

50.      Je déduis de ce qui précède que l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 établit une période transitoire au cours de laquelle l’ensemble des dispositions de l’article 5 de ce règlement sont dépourvues de force contraignante.

3.      Sur les relations entre l’article 8, paragraphe 2, et l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007

51.      Pour les raisons suivantes, je considère que l’article 8, paragraphe 2, et l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007 établissent deux régimes transitoires distincts, comme l’ont fait valoir en substance la RATP, le gouvernement français et la Commission.

52.      Je souligne, à titre liminaire, que le processus législatif ayant conduit à l’adoption du règlement nº 1370/2007, qui a été initié par une proposition de la Commission datée du 26 juillet 2000, a été particulièrement long et difficile. À la suite d’un blocage durable au sein du Conseil (11), des modifications substantielles ont été apportées au texte initialement proposé par la Commission. En particulier, les mécanismes transitoires prévus à l’article 8, paragraphes 2 et 3, de ce règlement sont, en grande partie, issus de la position commune arrêtée par le Conseil le 11 décembre 2006 (12).

53.      En premier lieu, ces deux dispositions visent des attributions réalisées lors de périodes différentes. L’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 vise à assurer une transition pour les attributions nouvelles, c’est‑à‑dire celles effectuées après le 3 décembre 2009, date d’entrée en vigueur de ce règlement (13). En revanche, l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement prévoit un mécanisme transitoire pour les attributions existantes, à savoir celles réalisées avant le 3 décembre 2009.

54.      En deuxième lieu, les dates d’expiration de ces deux mécanismes transitoires sont différentes. D’une part, le mécanisme établi à l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 expire le 2 décembre 2019. Il ressort, en effet, du libellé de cette disposition qu’elle exige le respect de l’article 5 de ce règlement à partir du 3 décembre 2019.

55.      D’autre part, l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement dispose que les contrats attribués dans le passé peuvent se poursuivre jusqu’à leur expiration, tout en prévoyant une date limite pour la plupart de ces contrats. Pour prendre un exemple concret, le contrat attribué directement par l’État français à la RATP, qui a été invoqué par Mobit dans le litige au principal, expire le 31 décembre 2039, mais ne pourra bénéficier du régime établi à la disposition précitée que jusqu’à la date limite du 3 décembre 2039 (14). Partant, il est évident que la durée de ce second mécanisme transitoire ne coïncide pas avec celle du premier mécanisme transitoire, lequel expire le 2 décembre 2019.

56.      Ainsi, le premier mécanisme transitoire retarde l’application de l’article 5 du règlement nº 1370/2007 aux attributions nouvelles jusqu’au 3 décembre 2019, tandis que le second mécanisme transitoire exclut l’application de ce règlement aux attributions existantes jusqu’à leur expiration ou une date limite.

57.      En troisième lieu, la portée du mécanisme transitoire établi à l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 est limitée à l’article 5 de ce règlement, dont l’application est retardée pour les attributions nouvelles réalisées entre le 3 décembre 2009 et le 2 décembre 2019. En revanche, le mécanisme transitoire prévu à l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement n’est, me semble-t-il, pas restreint à une disposition particulière et, partant, vise l’ensemble des dispositions du règlement, lesquelles ne peuvent être appliquées aux attributions existantes (15).

58.      En quatrième lieu, l’incipit de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007, à savoir les termes « sans préjudice du paragraphe 3 », suggère l’existence d’un mécanisme transitoire additionnel établi au paragraphe 3. De même, l’expression « pour l’application du paragraphe 2 », utilisée à l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement, évoque la nature complémentaire du mécanisme prévu à cette dernière disposition.

59.      En cinquième lieu, l’intention d’établir deux mécanismes transitoires distincts découle également de la position commune arrêtée par le Conseil (16), dont est issu le texte de l’article 8 du règlement nº 1370/2007.

60.      Pour résumer, et comme l’a expliqué avec clarté le gouvernement français lors de l’audience de plaidoiries, le règlement nº 1370/2007 a prévu trois régimes distincts en fonction de la date d’attribution, en vue de concilier les impératifs d’ouverture à la concurrence, de sécurité juridique et de confiance légitime.

61.      Le régime définitif vise les attributions nouvelles effectuées à partir du 3 décembre 2019, qui doivent être conformes au règlement n° 1370/2007 dans son intégralité.

62.      Le premier régime transitoire concerne les attributions nouvelles effectuées entre le 3 décembre 2009 et le 2 décembre 2019, pour lesquelles l’application de l’article 5 de ce règlement est suspendue en application de l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement.

63.      Le second régime transitoire exclut l’application du règlement aux attributions effectuées avant le 3 décembre 2009, selon les modalités prévues à l’article 8, paragraphe 3, de ce même règlement.

64.      Dans la section suivante, j’examinerai l’applicabilité de ce dernier régime dans des circonstances telles que celles du litige au principal.

B.      Sur l’applicabilité du régime transitoire établi à l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007 à un contrat visé à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), de ce règlement et expirant après le délai de trente ans prévu à cette disposition (première et quatrième questions)

65.      Par ses première et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007 doit être interprété en ce sens que l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement est applicable à l’attribution directe d’un contrat réalisée avant l’entrée en vigueur dudit règlement, étant entendu que ce contrat expire après le délai de trente ans prévu pour les contrats visés à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), du même règlement.

66.      Je souligne à nouveau que « l’attribution directe » visée par cette question n’a pas été réalisée par la Regione Toscana dans la procédure ayant donné lieu au litige au principal, cette procédure ayant fait l’objet d’une mise en concurrence après l’entrée en vigueur du règlement nº 1370/2007.

67.      En réalité, cette question vise l’attribution directe dont a bénéficié la RATP en France avant l’entrée en vigueur de ce règlement. Je rappelle, à cet égard, que la juridiction de renvoi cherche à savoir si Autolinee Toscane doit être exclue de la procédure d’attribution en cause dans le litige au principal au motif qu’elle est contrôlée par la RATP (17).

68.      À l’image des positions défendues par le gouvernement français ainsi que par la Commission, j’estime que l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007, et notamment le point sous b) de cette disposition, n’est pas applicable à une attribution directe réalisée avant l’entrée en vigueur de ce règlement, selon les modalités prévues à l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement, et ce pour les raisons suivantes.

69.      En premier lieu, il ressort de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à d), du règlement nº 1370/2007 que ce régime transitoire vise tout contrat attribué avant l’entrée en vigueur de ce règlement, survenue le 3 décembre 2009 (18).

70.      En deuxième lieu, l’objet de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007 est d’exclure l’application de ce règlement, selon les modalités prévues à cette disposition, aux contrats attribués avant le 3 décembre 2009. Cette exclusion peut prendre, selon moi, deux formes distinctes.

71.      D’une part, la validité de tels contrats ne peut pas être remise en cause pour violation du règlement nº 1370/2007, et notamment de son article 5. Cela ressort de l’article 8, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce règlement, selon lequel les contrats visés « peuvent se poursuivre ».

72.      D’autre part, aux termes de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, « il n’est pas tenu compte » de tels contrats. Je déduis de cette disposition que les autorités compétentes des États membres ne doivent pas tenir compte des contrats attribués avant l’entrée en vigueur de ce règlement lorsqu’elles procèdent à une attribution en application de l’article 5 de ce même règlement.

73.      Dans le cadre du litige au principal, seul ce second effet est pertinent puisque la juridiction de renvoi s’interroge sur la possibilité d’exclure Autolinee Toscane de la procédure d’attribution en cause en raison de l’attribution directe dont a bénéficié la RATP avant le 3 décembre 2009.

74.      En troisième lieu, l’article 8, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement nº 1370/2007 définit la durée de ce régime transitoire, laquelle varie en fonction de la date et du type d’attribution.

75.      À cet égard, il ressort des constatations factuelles effectuées par le Tribunale amministrativo della Toscana (tribunal administratif de Toscane), qui ont été reprises par la juridiction de renvoi (19) et n’ont pas été contestées par les parties ayant soumis des observations à la Cour, que :

–        l’attribution directe dont la RATP jouit en France remonte à l’année 1948, et

–        le contrat attribué à la RATP en France, en vigueur au moment des faits pertinents, expire le 31 décembre 2039.

76.      Par conséquent, le contrat dont jouit la RATP en France est visé par l’article 8, paragraphe 3, alinéa 1, sous b), du règlement nº 1370/2007, comme l’a relevé la juridiction de renvoi.

77.      Selon l’article 8, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce règlement, ce type de contrat peut « se poursuivre jusqu’à leur expiration, mais pas au-delà de trente ans ».

78.      Il est regrettable que cette dernière disposition ne spécifie pas le point de départ du délai de trente ans, comme l’ont relevé Mobit et la Commission. Plusieurs points de départ sont, en théorie, envisageables, telles que la date de la proposition initiale de règlement présentée par la Commission (26 juillet 2000), comme l’a suggéré Mobit, la date d’entrée en vigueur du règlement nº 1370/2007 (3 décembre 2009), la date du jour suivant l’expiration de la période transitoire établie à l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement (3 décembre 2019), la date d’attribution du contrat considéré ou encore la date d’entrée en vigueur de ce contrat.

79.      Je considère néanmoins que la date d’entrée en vigueur du règlement n° 1370/2007 doit être retenue comme point de départ de ce délai de trente ans, et ce pour les deux raisons suivantes. D’une part, l’utilisation d’une date relative au contrat considéré ne permettrait pas d’appliquer une solution uniforme à l’ensemble des contrats visés à l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement. Une telle situation engendrerait des difficultés d’application pour les autorités compétentes et de l’insécurité juridique pour les opérateurs actifs dans le secteur du transport.

80.      D’autre part, je relève que cette disposition vise l’ensemble des contrats conclus avant le 3 décembre 2009, date d’entrée en vigueur de ce règlement. Par conséquent, il me semble raisonnable de considérer que cette date représente également le point de départ du délai de trente ans établi à l’article 8, paragraphe 3, alinéa 2, de ce règlement pour les contrats visés à l’article 8, paragraphe 3, alinéa 1, sous b) et c), dudit règlement, comme l’ont présumé la juridiction de renvoi et le gouvernement français.

81.      Il faut donc considérer, selon cette lecture des dispositions pertinentes, que ce délai de trente ans expire le 3 décembre 2039 (20).

82.      Par sa quatrième question, cette juridiction cherche à savoir si le contrat attribué par l’État français à la RATP est susceptible de bénéficier du régime transitoire établi à l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007, nonobstant le fait que ce contrat expire le 31 décembre 2039, soit après le 3 décembre 2039, date d’expiration du délai de trente ans.

83.      À cet égard, Mobit a fait valoir que le contrat attribué à la RATP n’est pas, en raison de sa durée, conforme à la disposition précitée. Cette position me semble toutefois procéder d’une confusion entre les conditions d’application et les effets de ce régime transitoire.

84.      En effet, et d’une part, il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1370/2007 que le régime transitoire s’applique à tous les contrats attribués avant le 3 décembre 2009, et ce indépendamment de leur durée. D’autre part, l’article 8, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce règlement précise non pas le type de contrat relevant de ce régime, mais bien les effets et la durée dudit régime.

85.      Selon cette lecture des dispositions pertinentes, il ne fait guère de doute que le contrat attribué par l’État français à la RATP est bien susceptible de bénéficier du régime transitoire établi à l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007, et ce nonobstant le fait que ce contrat expire le 31 décembre 2039, comme l’ont fait valoir Autolinee Toscane, la RATP, la Regione Toscana, les gouvernements français et portugais ainsi que la Commission. Néanmoins, ledit contrat ne pourra bénéficier de ce régime que pendant le délai de trente ans prévu pour les contrats visés à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), de ce règlement, lequel expire le 3 décembre 2039.

86.      Par conséquent, l’article 5, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 1370/2007 ne pourra être appliqué à un contrat tel que celui dont bénéficie la RATP qu’à partir du 4 décembre 2039. La durée relativement longue de ce régime transitoire peut s’expliquer, notamment, par la difficulté d’aboutir à un accord au sein du Conseil sur l’adoption de ce règlement (21).

87.      Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre aux première et quatrième questions comme suit. L’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007 doit être interprété en ce sens que l’article 5, paragraphes 2 et 3, de ce règlement n’est pas applicable, pendant un délai de trente ans expirant le 3 décembre 2039, à un contrat visé à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), dudit règlement, et ce nonobstant le fait que ce contrat expire après le 3 décembre 2039.

88.      Tout comme la réponse proposée dans la section A des présentes conclusions, cette réponse permet de répondre à l’ensemble des questions posées par la juridiction de renvoi. À titre encore plus subsidiaire, j’examinerai dans la prochaine section si l’article 5 du règlement nº 1370/2007 peut être interprété en ce sens qu’une entreprise doit être exclue d’une procédure de mise en concurrence au motif qu’elle est contrôlée par une entreprise ayant précédemment bénéficié d’une attribution directe.

C.      Sur la nature de la sanction attachée à l’exigence de cantonnement des activités des opérateurs internes établie à l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007

89.      Les deuxième et troisième questions posées par la juridiction de renvoi reposent sur une prémisse appelant un examen spécifique, à savoir la possibilité, voire l’obligation, d’exclure une entreprise, telle qu’Autolinee Toscane dans le litige au principal, d’une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007, au motif que cette entreprise ou l’entreprise qui la contrôle, telle que la RATP dans ce litige, a bénéficié d’une attribution directe au sens de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement.

90.      Pour les motifs exposés ci-après, je considère que cette prémisse est erronée. En effet, je suis en accord avec la position exposée par la Commission selon laquelle une entreprise ne peut pas être exclue d’une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence au motif qu’elle a bénéficié, par ailleurs, d’une attribution directe.

91.      Je rappelle que l’article 5 du règlement nº 1370/2007 offre à l’autorité compétente la liberté de choisir entre une procédure d’attribution directe, régie par l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, et une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, visée à l’article 5, paragraphe 3, dudit règlement.

92.      Néanmoins, cette liberté de choix a été soumise à une exigence de cantonnement géographique de l’activité de l’opérateur interne lorsque l’autorité compétente choisit de procéder à une attribution directe. Ce principe du cantonnement, dont la teneur a été précisée à l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007, vise à prévenir d’éventuelles distorsions de concurrence qui résulteraient de la participation, à une procédure de mise en concurrence, d’un opérateur interne jouissant de conditions économiques favorables dans le cadre d’un autre contrat attribué sans mise en concurrence.

93.      Aucune des parties ayant soumis des observations à la Cour n’a contesté le principe de cette exigence de cantonnement des activités de l’opérateur interne. En revanche, ces parties ont exposé des vues divergentes en ce qui concerne la sanction prévue en cas de violation de cette exigence.

94.      La juridiction de renvoi est partie de l’hypothèse selon laquelle cette sanction consiste en l’exclusion des opérateurs internes de toute procédure d’attribution par voie de mise en concurrence. Cette position a été défendue par Mobit et le gouvernement italien.

95.      En revanche, Autolinee Toscane, la Regione Toscana, la RATP, le gouvernement français et la Commission ont fait valoir que la participation d’un opérateur interne à une procédure de mise en concurrence entraîne non pas l’exclusion de cet opérateur de ladite procédure, mais bien l’invalidité de l’attribution directe dont cet opérateur a bénéficié.

96.      Selon moi, le non-respect de l’exigence de cantonnement établie à l’article 5, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 1370/2007 ne peut avoir aucune incidence sur une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence au sens de l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement.

97.      Premièrement, je relève que l’exigence de cantonnement est prévue à l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007, qui régit les attributions directes, et non à l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement, qui vise les attributions par voie de mise en concurrence.

98.      Deuxièmement, cette interprétation découle du libellé de l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007. En effet, il ressort explicitement de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, et en particulier des termes « le présent paragraphe est applicable à condition que », que l’exigence de cantonnement des activités de l’opérateur interne est une condition de validité des procédures d’attribution interne.

99.      Troisièmement, le libellé de l’article 5, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement nº 1370/2007 milite également contre l’exclusion des opérateurs ayant bénéficié d’une attribution directe dès lors qu’il exige expressément que cette procédure soit « ouverte à tout opérateur ». Je souligne, à cet égard, que l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement, qui vise les procédures d’attribution par voie de mise en concurrence, ne comporte ni renvoi à l’exigence de cantonnement établie à l’article 5, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, ni exigence similaire.

100. Certes, une lecture formaliste des termes « toute autorité compétente qui recourt à un tiers autre qu’un opérateur interne », qui ouvrent l’article 5, paragraphe 3, première phrase, du règlement nº 1370/2007, pourrait suggérer que tous les opérateurs internes sont automatiquement exclus des procédures d’attribution par voie de mise en concurrence. En réalité, cette expression vise nécessairement les seuls opérateurs internes de l’autorité compétente concernée, à savoir celle qui procède à l’attribution par voie de mise en concurrence.

101. En effet, la portée de ces termes n’est pas celle d’exclure tout opérateur interne des procédures de mise en concurrence, mais bien celle d’imposer la mise en concurrence chaque fois qu’une autorité compétente ne procède pas à une attribution directe conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1370/2007. En d’autres termes, les autorités compétentes sont tenues d’avoir recours soit à l’attribution directe, soit à l’attribution par voie de mise en concurrence (22), et elles sont également tenues, lorsqu’elles optent pour cette dernière procédure, de l’ouvrir à tout opérateur.

102. Quatrièmement, l’interprétation proposée par la Commission est conforme à l’un des objectifs poursuivis par le règlement nº 1370/2007, à savoir l’accroissement du recours aux procédures de mise en concurrence pour l’attribution des contrats de service public de transport (23). Selon cette interprétation, en effet, la participation d’un opérateur interne à une procédure de mise en concurrence est susceptible d’être sanctionnée par l’invalidité des attributions directes dont il a bénéficié (24). À mes yeux, il ne fait guère de doutes que cette sanction est susceptible de dissuader un opérateur interne de participer à une procédure de mise en concurrence. Néanmoins, tout opérateur interne conserve pleinement le droit de participer à des procédures de mise en concurrence, dont l’effectivité est ainsi préservée.

103. Je déduis de ce qui précède que l’article 5 du règlement nº 1370/2007 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’attribution par voie de mise en concurrence d’un contrat de services publics de transport, tel que celui en cause dans le litige au principal, à un opérateur contrôlé par un autre opérateur ayant bénéficié d’une attribution directe avant l’entrée en vigueur de ce règlement.

104. En revanche, la participation d’un opérateur interne à une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence pourrait, le cas échéant, remettre en question la validité de l’attribution directe dont a bénéficié cette entreprise ou l’entreprise qui la contrôle, à supposer que l’article 5 soit applicable (25). Je souligne que cette question sort, selon moi, de l’objet du litige au principal.

D.      Sur les notions d’« opérateur interne » et d’« autorité compétente » visées à l’article 2, sous b) et j), ainsi qu’à l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 (deuxième et troisième questions)

105. À l’instar des positions soutenues par la RATP, Autolinee Toscane, le gouvernement français et la Commission, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de répondre aux deuxième et troisième questions.

106. Il ressort, en effet, des réponses que j’ai proposées dans les précédentes sections des présentes conclusions que le règlement nº 1370/2007 ne s’oppose pas, dans les circonstances du litige au principal, à l’attribution par voie de mise en concurrence d’un contrat de services publics de transport à un opérateur tel qu’Autolinee Toscane.

107. Néanmoins, par souci d’exhaustivité, je répondrai brièvement aux deuxième et troisième questions dans la présente section.

108. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous j), et l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007 doivent être interprétés en ce sens que peut être qualifiée d’« opérateur interne » une personne morale de droit public qui est titulaire d’un contrat de service public de transport local attribué directement par l’autorité étatique, qui est directement liée à cette autorité du point de vue de son organisation et de son contrôle, et dont le capital est détenu par l’État.

109. Selon les explications fournies par cette juridiction, cette question vise à clarifier le statut de la RATP au regard de ce règlement.

110. À mes yeux, la réponse à cette question dépend en grande partie de constatations d’ordre factuel relevant de la compétence du juge national.

111. Plus précisément, il appartient au juge national de vérifier si l’autorité compétente exerce sur l’opérateur concerné un « contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services », à la lumière des critères définis à l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1370/2007.

112. Comme l’a souligné Mobit à juste titre, est dénuée de pertinence, aux fins de la qualification d’opérateur interne, la circonstance qu’un opérateur, tel que la RATP, revêt la forme juridique d’une personne morale de droit public. Le règlement nº 1370/2007 n’opère en effet aucune distinction entre entreprises publiques et entreprises privées, conformément à son considérant 12.

113. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007, lu à la lumière de l’article 2, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un contrat ayant fait l’objet d’une attribution directe conformément à cette disposition peut, par la suite, être exclu de son champ d’application en raison du transfert du pouvoir d’organiser les services de transport concernés à un établissement n’exerçant pas de « contrôle analogue » sur l’attributaire direct de ces services.

114. Selon les explications fournies par la juridiction de renvoi, cette question est motivée par la nécessité d’identifier l’autorité compétente en ce qui concerne les services de transport fournis par la RATP. Selon cette juridiction, cette autorité compétente pourrait être soit l’État français, lequel a conservé un droit de disposition effective sur la concession attribuée à la RATP, soit le Syndicat des transports d’Île-de-France (ci‑après le « STIF »), un établissement public administratif qui n’est plus contrôlé par l’État français depuis l’année 2004 et auquel sont dévolues des fonctions d’organisation du transport dans la région parisienne. Ladite juridiction souligne cependant que le STIF est dépourvu de compétence en ce qui concerne la maîtrise, les modalités, l’objet et les attributions de la concession attribuée « ex lege » à la RATP.

115. À nouveau, j’ai le sentiment que la réponse à cette question dépend en grande partie de vérifications factuelles qu’il appartient au juge national d’effectuer.

116. À la lumière de la définition de la notion d’« autorité compétente » établie à l’article 2, sous b), du règlement nº 1370/2007, trois cas de figure peuvent être envisagés à la suite du transfert du pouvoir d’organiser les services de transport concernés au STIF :

–        l’État français a conservé, seul, le pouvoir d’intervenir dans les transports publics de voyageurs dans la zone géographique concernée ;

–        ce pouvoir est désormais partagé entre l’État français et le STIF, ou

–        ledit pouvoir est exclusivement détenu par le STIF.

117. Ainsi, aux fins de décider si le contrat directement attribué à la RATP continue à relever de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1370/2007, il incombe au juge national de déterminer, dans un premier temps, si l’État français et/ou le STIF doivent être qualifiés d’autorités compétentes. Dans un second temps, il lui appartiendra d’apprécier si les conditions de « contrôle analogue » et de cantonnement des activités de l’opérateur interne sont satisfaites.

118. D’après le libellé de la question posée, la juridiction de renvoi considère que le STIF n’exerce pas de « contrôle analogue », au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007, sur la RATP. Par conséquent, le contrat détenu par la RATP continue à relever de cette disposition, nonobstant le transfert au STIF du pouvoir d’organiser les services de transport concernés, si, d’une part, l’autorité étatique conserve, seule ou conjointement au STIF, le pouvoir d’intervenir dans les transports publics de voyageurs dans la zone géographique concernée (et, partant, peut être qualifiée d’« autorité compétente ») et, d’autre part, si cette autorité continue à exercer un « contrôle analogue » sur l’attributaire.

119. Par conséquent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux deuxième et troisième questions posées.

120. L’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007, lu à la lumière de l’article 2, sous j), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que peut être qualifiée d’« opérateur interne », une personne morale de droit public qui est titulaire d’un contrat de service public de transport local attribué directement par l’autorité étatique, à condition que cette autorité exerce sur cette personne un « contrôle analogue » à celui qu’elle exerce sur ses propres services.

121. Par ailleurs, l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement n° 1370/2007, lu à la lumière de l’article 2, sous b), du même règlement, doit être interprété en ce sens que le transfert du pouvoir d’organiser les services de transport, de l’autorité étatique à un établissement n’exerçant pas de « contrôle analogue » sur l’attributaire, n’entraîne pas l’exclusion du contrat attribué du champ d’application de cette disposition à condition, d’une part, que l’autorité étatique conserve, seule ou conjointement à cet établissement, le pouvoir d’intervenir dans les transports publics de voyageurs dans la zone géographique concernée (et, partant, puisse être qualifiée d’« autorité compétente ») et, d’autre part, que cette autorité continue à exercer un « contrôle analogue » sur l’attributaire.

VI.    Conclusion

122. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) :

1)      L’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) nº 1191/69 et (CEE) nº 1107/70 du Conseil, doit être interprété en ce sens que l’article 5 de ce règlement n’est pas applicable dans le cadre d’une procédure d’attribution réalisée avant l’expiration de la période transitoire établie à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement, telle que celle en cause dans le litige au principal, sauf dans l’hypothèse où cette attribution relèverait d’un régime national mettant en œuvre de manière anticipée ledit article 5, et ce dans la mesure déterminée par ce régime.

2)      À titre subsidiaire, l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007, doit être interprété en ce sens que l’article 5 de ce règlement n’est pas applicable, pendant un délai de trente ans expirant le 3 décembre 2039, à un contrat visé à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), dudit règlement, et ce nonobstant le fait que ce contrat expire après le 3 décembre 2039.

3)      À titre encore plus subsidiaire, l’article 5 du règlement nº 1370/2007, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’attribution par voie de mise en concurrence d’un contrat de services publics de transport, tel que celui en cause dans le litige au principal, à un opérateur contrôlé par un autre opérateur ayant bénéficié d’une attribution directe avant l’entrée en vigueur de ce règlement.

4)      À titre infiniment subsidiaire, l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1370/2007, lu à la lumière de l’article 2, sous j), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que peut être qualifiée d’« opérateur interne » une personne morale de droit public qui est titulaire d’un contrat de service public de transport local attribué directement par l’autorité étatique, à condition que cette autorité exerce sur cette personne un « contrôle analogue » à celui qu’elle exerce sur ses propres services.

Par ailleurs, l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement, lu à la lumière de l’article 2, sous b), du même règlement, doit être interprété en ce sens que le transfert du pouvoir d’organiser les services de transport, de l’autorité étatique à un établissement n’exerçant pas de « contrôle analogue » sur l’attributaire, n’entraîne pas l’exclusion du champ d’application de cette disposition à condition, d’une part, que l’autorité étatique conserve, seule ou conjointement à cet établissement, le pouvoir d’intervenir dans les transports publics de voyageurs dans la zone géographique concernée (et, partant, puisse être qualifiée d’« autorité compétente ») et, d’autre part, que cette autorité continue à exercer un « contrôle analogue » sur l’attributaire.


1      Langue originale : le français.


2      JO 2007, L 315, p. 1.


3      Voir points 21 et 22 des présentes conclusions.


4      Voir points 21 et 22 des présentes conclusions.


5      Voir point 16 des présentes conclusions.


6      Voir point 16 des présentes conclusions.


7      Communication de la Commission sur des lignes directrices interprétatives concernant le règlement (CE) nº 1370/2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (JO 2014, C 92, p. 1), point 2.6.1.


8      JO 2016, L 354, p. 22. Ce règlement modificatif est entré en vigueur le 24 décembre 2017 en vertu de son article 2.


9      Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) nº 1370/2007 en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer, 30 janvier 2013, COM(2013) 28 final, p. 7 et 16.


10      Voir article 1er, sous 9), du règlement 2016/2338.


11      Voir, notamment, la proposition révisée de la Commission de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer, par route, 20 juillet 2005, COM(2005) 319 final, p. 4 : « Depuis cinq ans, cette proposition est toujours bloquée au Conseil. Un compromis en vue d’une position commune n’a pas pu être trouvé, les États membres étant très divisés sur l’étendue même de l’ouverture des transports terrestres à la concurrence compte tenu, notamment, de la disparité des expériences d’ouverture qui y ont été menées. »


12      Position commune (CE) nº 2/2007 arrêtée par le Conseil, 11 décembre 2006 (JO 2007, C 70E, p. 1, voir en particulier p. 9 et 17).


13      Voir l’article 12 du règlement nº 1370/2007.


14      Voir points 75 à 85 des présentes conclusions.


15      Outre l’article 5 du règlement nº 1370/2007, le mécanisme transitoire établi à l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement pourrait notamment concerner l’obligation d’établir un contrat de service public (article 3), les règles sur la compensation (article 4, paragraphes 1 et 2 et article 6) ou encore celles encadrant la durée du contrat (article 4, paragraphes 3 et 4).


16      Position commune (CE) nº 2/2007 arrêtée par le Conseil, 11 décembre 2006 (JO 2007, C 70E, p. 1), p. 17 : « Afin que les autorités et les opérateurs disposent de suffisamment de temps pour s’adapter au nouveau cadre législatif, le Conseil apporte plusieurs modifications aux dispositions transitoires proposées par la Commission. Premièrement, le règlement entre en vigueur trois ans après sa publication. Dans un délai de douze ans à dater de l’entrée en vigueur, les contrats de services publics de transport par chemin de fer et par route doivent être attribués conformément aux dispositions du règlement. […]


      Pour ce qui est des contrats qui ont été conclus avant l’entrée en vigueur du règlement, la position commune prévoit un régime de transition qui correspond dans une très large mesure aux propositions faites par le Parlement dans sa première lecture. Le Conseil cherche à concilier, d’une part, le respect du principe “pacta sunt servanda” et, d’autre part, le souci d’éviter une fermeture des marchés pendant une trop longue période. [...] » (italiques ajoutés par mes soins).


17      Voir points 21 et 22 des présentes conclusions.


18      Je souligne que les deux dates sur lesquelles se fonde l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1370/2007 correspondent, d’une part, à la date à laquelle la Commission a présenté sa proposition initiale de règlement (26 juillet 2000) et, d’autre part, à l’entrée en vigueur de ce règlement (3 décembre 2009). Voir position commune (CE) nº 2/2007 arrêtée par le Conseil, 11 décembre 2006 (JO 2007, C 70E, p. 1), en particulier p. 17.


19      Voir point 13 des présentes conclusions.


20      Je rappelle que, selon les règles classiques de computation des délais, lorsqu’un délai est exprimé en années, le dies ad quem est le jour de la dernière année dont la date correspond à celle du dies a quo. Voir article 4, paragraphe 2, de la Convention européenne sur la computation des délais, faite à Bâle le 16 mai 1972. La Cour s’est référée à cette convention dans l’arrêt du 11 novembre 2004, Toeters et VerberkToeters et VerberkToeters et Verberk (C‑171/03, EU:C:2004:714, point 34).


21      Voir point 51 des présentes conclusions.


22      Le caractère mutuellement exclusif des deux procédures d’attribution prévues à l’article 5 du règlement nº 1370/2007 est confirmé par la définition de la notion d’attribution directe établie à l’article 2, sous h), de ce règlement : « [A]ttribution d’un contrat de service public à un opérateur de service public donné en l’absence de toute procédure de mise en concurrence préalable. »


23      Voir, notamment, les considérants 6 et 7 du règlement nº 1370/2007.


24      Je rappelle que les règlements sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans l’ordre interne des États membres en vertu de l’article 288, alinéa 2, TFUE. Selon une jurisprudence constante, le règlement, en raison de sa nature même et de sa fonction dans le système des sources du droit de l’Union, est apte à conférer aux particuliers des droits que les juridictions nationales ont l’obligation de protéger (voir, notamment, arrêts du 14 décembre 1971, Politi, 43/71, EU:C:1971:122, point 9, ainsi que du 17 septembre 2002, Muñoz et Superior FruiticolaMuñoz et Superior FruiticolaMuñoz et Superior Fruiticola, C‑253/00, EU:C:2002:497, point 27).


25      Voir, à cet égard, section B, points 65 à 88 des présentes conclusions.

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