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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Touring Tours und Travel (Opinion) French Text [2018] EUECJ C-412/17_O (06 September 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C41217_O.html Cite as: ECLI:EU:C:2018:671, [2018] EUECJ C-412/17_O, EU:C:2018:671 |
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Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES BOT
présentées le 6 septembre 2018 (1)
Affaires jointes C‑412/17 et C‑474/17
Bundesrepublik Deutschland
contre
Touring Tours und Travel GmbH (C–412/17),
Sociedad de Transportes SA (C–474/17)
[demandes de décision préjudicielle formées par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Règlement (CE) n° 562/2006 – Code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) – Articles 20 et 21 – Suppression du contrôle aux frontières intérieures de l’espace Schengen – Réglementation d’un État membre imposant à un opérateur de voyages en autocar franchissant des frontières intérieures de l’espace Schengen de contrôler les passeports et les titres de séjour des passagers – Directive 2002/90/CE – Décision-cadre 2002/946/JAI – Aide à l’entrée irrégulière »
I. Introduction
1. Les liaisons routières internationales par autocar, si elles permettent aux citoyens de l’Union européenne et aux ressortissants de pays tiers en situation régulière de se déplacer librement au sein de l’Union, sont également l’occasion pour les ressortissants de pays tiers en situation irrégulière de profiter des facilités qu’offre cet espace de libre circulation et constituent de ce fait un vecteur d’immigration clandestine.
2. En dehors de la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures, comment, au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice dans le cadre duquel s’intègre l’espace Schengen, lutter contre cette immigration irrégulière sans compromettre la liberté de circulation promise aux citoyens de l’Union et aux ressortissants de pays tiers résidant légalement dans celle-ci ?
3. Un État membre peut-il exiger des entreprises de transport (2) par autocar offrant un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen, qu’elles vérifient, avant le franchissement de la frontière intérieure, que les passagers sont en possession des documents de voyage requis aux fins de l’entrée sur le territoire national et sanctionner tout manquement à cette obligation sans qu’il ne rétablisse des frontières là où elles ont en principe été supprimées ?
4. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant Touring Tours und Travel GmbH et Sociedad de Transportes SA, deux entreprises de transport par autocar établies respectivement en Allemagne et en Espagne, à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne), au sujet de décisions leur interdisant de transporter sur le territoire allemand les étrangers dépourvus du passeport ou du titre de séjour requis par l’article 13, paragraphe 1, du Gesetz über den Aufenthalt, die Erwerbstätigkeit und die Integration von Ausländern im Bundesgebiet (loi relative au séjour, au travail et à l’intégration des étrangers sur le territoire fédéral) (3), du 30 juillet 2004, et les menaçant d’une astreinte d’un montant de 1 000 euros par étranger en cas de violation de cette interdiction.
5. Afin de garantir que les étrangers remplissent les conditions requises par cette disposition pour franchir la frontière, le législateur allemand exige en effet des entreprises de transport par voie aérienne, maritime et terrestre, à l’exception du trafic ferroviaire transfrontalier, qu’elles vérifient que ceux-ci sont bien en possession des documents de voyage exigés.
6. Ainsi, l’article 63 de l’AufenthG, intitulé « Obligations des entreprises de transport » (4), dont la légalité au regard du droit de l’Union doit ici être appréciée, dispose :
« 1. Un transporteur peut transporter des étrangers sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne seulement lorsque ceux-ci sont munis du passeport et du titre de séjour requis.
2. Le Bundesministerium des Innern [ministère fédéral de l’Intérieur, Allemagne] ou l’autorité qu’il a déterminée peut, en accord avec le Bundesministerium für Verkehr und digitale Infrastruktur [ministère fédéral des Transports et des Infrastructures numériques, Allemagne], interdire à un transporteur de transporter des étrangers sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne en violation du paragraphe 1 et menacer cette entreprise d’astreintes en cas d’infraction. [...]
3. Le montant des astreintes infligées au transporteur est de 1 000 euros au minimum et de 5 000 euros au maximum par étranger que ladite entreprise transporte en violation d’une décision adoptée conformément au paragraphe 2. [...]
4. Le ministère fédéral de l’Intérieur ou l’autorité qu’il a déterminée peuvent convenir avec des transporteurs des règles visant à mettre en œuvre l’obligation visée au paragraphe 1. »
7. Cette législation transpose, tant dans l’obligation qu’elle édicte que dans la sanction qu’elle fixe, les obligations adoptées à l’article 26 de la convention d’application de l’accord de Schengen (5), telles que complétées par la directive 2001/51/CE (6). Il ne s’agit donc pas d’une législation isolée (7). Conformément à l’article 26 de la CAAS, cette législation doit s’appliquer à l’égard des transporteurs en provenance d’un État avec lequel ne s’applique pas l’acquis de Schengen.
8. L’article 63 de l’AufenthG n’est donc pas critiquable s’il est appliqué à l’égard des transporteurs qui acheminent un étranger en franchissant la frontière extérieure d’un État membre.
9. Ce qui est plus critiquable, en revanche, ou qui, en tout état de cause, soulève ici une difficulté, est l’application de cette disposition aux entreprises de transport par autocar qui offrent un service régulier transfrontalier à l’intérieur même de l’espace Schengen et qui amènent donc un étranger à la frontière intérieure d’un État membre (8). En effet, l’absence de contrôles aux frontières intérieures constitue l’essence même de l’espace Schengen (9).
10. C’est dans ce contexte que le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer dans les litiges dont elle est saisie afin d’interroger la Cour à titre préjudiciel.
11. Par deux questions préjudicielles, cette juridiction demande à la Cour si l’article 67, paragraphe 2, TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du code frontières Schengen, s’opposent à ce qu’un État membre applique à des entreprises de transport par autocar, qui offrent un service régulier transfrontalier à l’intérieur même de l’espace Schengen, une législation nationale qui, d’une part, exige des transporteurs qu’ils contrôlent, avant le franchissement de la frontière, que leurs passagers sont en possession du passeport et du titre de séjour requis aux fins de l’entrée régulière sur le territoire national et, d’autre part, sanctionne tout manquement à cette obligation de contrôle.
12. Les questions que nous adresse le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) sont inédites.
13. En effet, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 22 juin 2010, Melki et Abdeli (10), du 19 juillet 2012, Adil (11), et du 21 juin 2017, A (12), la Cour a examiné la conformité avec les dispositions du code frontières Schengen de contrôles exercés par des autorités détentrices de la puissance publique et réalisés à l’intérieur même du territoire d’un État membre, à la frontière ou dans la zone frontalière de celui-ci. Or, les contrôles mis en œuvre en application de l’article 63 de l’AufenthG sont ici menés par le personnel de transporteurs privés, lesquels ne disposent pas de pouvoir de police, et doivent être exercés avant le franchissement de la frontière intérieure et donc à l’extérieur du territoire de l’État membre.
14. L’enjeu des réponses aux questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi est clair.
15. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure une législation telle que celle en cause – qui tend à priver les ressortissants de pays tiers en situation irrégulière de la possibilité de se déplacer d’un État membre vers un autre en utilisant un moyen de transport, en l’occurrence, les lignes régulières par autocar – constitue, au sens de l’article 3 TUE, une « mesure appropriée » en matière d’immigration dans un espace qui se veut être un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, mais à une époque où le terrorisme, la criminalité transfrontalière et les risques de mouvements secondaires de personnes ayant irrégulièrement franchi les frontières extérieures menacent l’ordre public et la sécurité intérieure des États membres.
16. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui réclament le rétablissement des frontières intérieures – en invoquant les lacunes et les déficiences dont souffrent les contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen – et qui procèdent à quelques aménagements de leurs législations (13). Dans sa décision de renvoi, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) souligne ainsi que la législation en cause est susceptible de constituer une « contre-mesure efficace » à ces mouvements secondaires, permettant ainsi de remédier à la perméabilité ou à la porosité des frontières extérieures de l’espace Schengen là où il n’y a pas eu de réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures.
17. Dans un premier temps, nous examinerons les contrôles en cause à l’aune des dispositions du code frontières Schengen sur lesquelles la juridiction de renvoi fonde sa demande de décision préjudicielle.
18. À cet égard, nous exposerons les raisons pour lesquelles ces contrôles doivent, à notre sens, être assimilés à des « vérifications aux frontières » interdites en application de l’article 20 du code frontières Schengen. Nous considérerons, en effet, que, en instituant une telle obligation de contrôle, l’État membre use d’une législation destinée à l’origine aux contrôles des frontières extérieures, rétablit de façon déguisée des frontières là où elles ont en principe été supprimées et contourne l’interdiction de principe énoncée aux articles 1er et 20 du code frontières Schengen.
19. Si les États membres ont un intérêt parfaitement légitime à contrôler l’immigration clandestine, nous pensons que ce n’est pas par la mise en place d’un dispositif institué en dehors du cadre et des limites du code frontières Schengen, et qui exige des entreprises de transport qu’elles exercent, sur le territoire d’un autre État membre, des contrôles et se livrent à des appréciations qui relèvent normalement des seules autorités de police, qu’il faut lutter contre cette immigration irrégulière.
20. Un tel dispositif est inefficace et critiquable au regard de la protection de certains droits fondamentaux tels que le droit d’asile consacré à l’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (14).
21. Le légitimer serait, à notre avis, au prix non seulement des principes sur lesquels repose l’espace Schengen, mais aussi de la réalité de celui-ci, car il permet aujourd’hui aux citoyens de l’Union et aux ressortissants de pays tiers en situation régulière de profiter pleinement de la libre circulation qu’il assure. Ce serait aussi ne pas tenir compte des compétences de police que conservent les États membres afin de garantir l’ordre public et la sécurité intérieure sur leur territoire et des instruments de coopération mis également à leur disposition. Enfin, ce serait négliger les nombreux instruments législatifs qui ont été adoptés au sein de l’Union afin de mieux maîtriser les flux migratoires et, en particulier, les mesures adoptées dans le domaine de la gestion et du contrôle des frontières extérieures et de la lutte contre le trafic illicite de migrants.
22. Dans un second temps, afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher les litiges dont elle est saisie, nous proposerons à la Cour d’examiner la réglementation en cause à l’aune des dispositions du droit de l’Union qui visent spécifiquement la lutte contre l’immigration clandestine et, en particulier, de celles énoncées dans le cadre de la directive 2002/90/CE (15) et de la décision-cadre 2002/946/JAI (16), afin de réprimer l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers.
23. Nous indiquerons à cet égard que, dans l’hypothèse où les autorités nationales compétentes devaient constater que des entreprises de transport, telles que celles en cause dans le litige au principal, profitent en réalité de leurs activités afin d’aider, d’une manière délibérée, des ressortissants de pays tiers à entrer illégalement sur le territoire national et devaient juger que les éléments tant matériels qu’intellectuels de l’infraction d’aide à l’entrée irrégulière sont réunis, il leur appartiendrait alors de prendre les mesures nécessaires pour assurer que cette infraction fasse l’objet d’une sanction pénale effective, proportionnée et dissuasive, conformément aux principes énoncés par la directive 2002/90 et la décision-cadre 2002/946.
II. Les faits des litiges au principal
24. Les entreprises de transport en cause proposent des voyages en autocar et exploitent notamment des lignes régulières à destination de l’Allemagne qui traversent les frontières germano-néerlandaise et germano-belge.
25. Estimant que ces entreprises avaient transporté en Allemagne, en violation de l’article 63, paragraphe 1, de l’AufenthG, un nombre important d’étrangers dépourvus des documents de voyage requis, le Bundespolizeipräsidium (direction de la police fédérale, Allemagne) leur a adressé, respectivement au mois de novembre 2013 et au mois de mars 2014, un « avertissement » dans lequel il énumère les cas de transport non autorisé et annonce, sur le fondement de l’article 63, paragraphe 2, de l’AufenthG, que, en cas de poursuite de l’infraction, il leur sera interdit de transporter des étrangers sur le territoire national lorsque ceux-ci ne sont pas en possession des documents de voyage requis.
26. Par la suite, ayant constaté la poursuite de l’infraction, la direction de la police fédérale a adopté de telles décisions d’interdiction, respectivement le 26 septembre 2014 et le 18 novembre 2014, lesquelles étaient assorties d’une menace d’astreintes d’un montant de 1 000 euros pour chaque nouvelle infraction.
27. Ces décisions énonçaient, à titre de motivation, que les entreprises de transport en cause étaient obligées, en vertu de l’article 63, paragraphe 1, de l’AufenthG, de déployer des efforts suffisants pour empêcher le transport sur le territoire allemand de tout étranger dépourvu des documents de voyage requis, obligations qu’elles seraient en mesure de satisfaire tant en fait qu’en droit. À cette fin, ces entreprises seraient tenues de vérifier ces documents à l’occasion du contrôle des billets lors de la montée dans l’autocar et pourraient refuser que les étrangers dépourvus des documents de voyage requis montent dans l’autocar.
28. Saisi par les entreprises de transport en cause de recours contre ces décisions, le Verwaltungsgericht (tribunal administratif, Allemagne) a annulé celles-ci, considérant, en substance, que, compte tenu de la primauté du droit de l’Union, l’article 63, paragraphe 2, de l’AufenthG devait rester inappliqué dès lors que son application aux entreprises transportant des étrangers vers l’Allemagne en franchissant une frontière intérieure à l’espace Schengen serait contraire à l’article 67, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’aux articles 20 et 21 du code frontières Schengen. En effet, les contrôles imposés auxdites entreprises devaient être qualifiés de « mesures ayant un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières », au sens de l’article 21 de ce code, compte tenu, notamment, de leur caractère systématique et du fait qu’ils sont effectués avant même que la frontière soit franchie.
29. La République fédérale d’Allemagne a introduit un recours en « Revision » contre ce jugement devant la juridiction de renvoi, en faisant valoir, notamment, que le droit de l’Union et, en particulier, la directive 2002/90 ainsi que la décision-cadre 2002/946, qui seraient des dispositions spéciales comparées à celles prévues dans le code frontières Schengen, imposent de sanctionner des infractions à des interdictions de transport, telles que celles prévues à l’article 63 de l’AufenthG.
30. En tout état de cause, le contrôle de documents de voyage exigé par cette disposition de droit national ne pourrait pas être qualifié de « mesure d’effet équivalent à celui des vérifications aux frontières », au sens de l’article 21, sous a), du code frontières Schengen. En effet, l’objectif poursuivi serait non pas de contrôler le franchissement de la frontière, mais de faire respecter des dispositions relatives à l’entrée sur le territoire. Par ailleurs, ces contrôles étant effectués non pas par des agents publics, mais par du personnel privé, leur étendue et leur intensité seraient inférieures à celles d’une vérification aux frontières. Ainsi, il serait impossible de recourir à des mesures de contrainte ou de recherche en cas de refus de se soumettre au contrôle.
III. Les questions préjudicielles
31. Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 67, paragraphe 2, TFUE, ainsi que les articles [20 et 21] du [code frontières Schengen] s’opposent-ils à la disposition nationale d’un État membre ayant pour résultat d’imposer aux entreprises de transport par autocar assurant un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen l’obligation de contrôler les documents de passage de frontières de leurs passagers avant le franchissement d’une frontière intérieure, afin de prévenir un transport d’étrangers dépourvus de passeport et de titre de séjour sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne ?
Notamment :
a) L’obligation légale générale ou l’obligation imposée par les autorités à des entreprises de transport individuelles de ne pas transporter des étrangers vers le territoire allemand sans le passeport ou le titre de séjour requis, à laquelle les entreprises de transport peuvent se conformer seulement en contrôlant les documents de passage de frontières de tous les passagers avant le franchissement de la frontière intérieure, constitue-t-elle une vérification sur les personnes aux frontières intérieures au sens de l’article [20] du [code frontières Schengen] ou doit-elle être assimilée à une telle vérification ?
b) L’imposition des obligations visées sous 1) doit-elle être appréciée au regard de l’article [21], sous a), du [code frontières Schengen], bien que les transporteurs n’exercent pas de « compétences de police » au sens de cette disposition et que l’obligation d’effectuer des contrôles qui leur est imposée par l’État ne les habilite pas formellement à exercer des prérogatives de puissance publique ?
c) En cas de réponse affirmative à la première question, sous b) : compte tenu des critères fixés à l’article [21], sous a), deuxième phrase, du [code frontières Schengen], les contrôles exigés des transporteurs constituent-ils une mesure illégale d’effet équivalent à des vérifications aux frontières ?
d) L’imposition des obligations visées sous 1), en ce qu’elle concerne des entreprises de transport par autocar assurant un service régulier, doit-elle être appréciée au regard de l’article [21], sous b), du [code frontières Schengen] prévoyant que la compétence des entreprises de transport pour effectuer des contrôles de sûreté sur les personnes dans les ports ou les aéroports ne porte pas atteinte à l’interdiction de contrôles aux frontières intérieures ? En découle-t-il que les contrôles au sens de la première question effectués en dehors de ports et d’aéroports ne sont pas permis lorsqu’ils ne constituent pas des contrôles de sûreté et ne sont pas également effectués sur des personnes qui entreprennent des déplacements à l’intérieur de l’État membre ?
2) Les articles [20] et [21] du [code frontières Schengen] s’opposent-ils à des dispositions nationales permettant, afin de faire respecter l’obligation [de contrôle visée sous 1)], d’adopter une décision d’interdiction et une menace d’astreintes à l’encontre d’une entreprise de transport par autocar si, en raison du fait que les contrôles n’ont pas été effectués, des étrangers ont été transportés vers le territoire de la République fédérale d’Allemagne alors même qu’ils étaient dépourvus de passeport et de titre de séjour ? »
32. La République fédérale d’Allemagne, représentée par le Bundespolizeipräsidium (direction de la police fédérale), ainsi que le gouvernement allemand et la Commission européenne ont formulé des observations écrites et orales.
IV. Observations liminaires
33. Préalablement à l’examen des questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi, il nous semble important de faire un point liminaire sur les obligations auxquelles sont soumis les États membres dans une situation telle que celle en cause.
34. Conformément à l’article 3, paragraphe 2, TUE, « [l]’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène ».
35. Dans cet espace sans frontières intérieures qu’est l’espace de liberté, de sécurité et de justice, les États membres doivent d’un côté assurer la libre circulation des personnes et, de l’autre, la maîtrise des flux migratoires, laquelle implique la lutte contre l’immigration clandestine.
36. En premier lieu, les États membres sont donc tenus de ne pas entraver par des contrôles à leurs frontières intérieures la libre circulation des citoyens de l’Union et des ressortissants de pays tiers entrés ou résidant légalement dans celle-ci, et ce quelle que soit leur nationalité.
37. Ceci relève, d’une part, des « [d]ispositions générales » de l’article 67, paragraphe 2, TFUE, lequel prévoit que l’Union assure l’absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures, ainsi que, d’autre part, de l’article 77, paragraphe 1, sous a), TFUE, qui énonce, au titre des « [p]olitiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration », que l’Union développe une politique visant à assurer l’absence de tout contrôle des personnes, quelle que soit leur nationalité, lorsqu’elles franchissent ces frontières.
38. Pour les citoyens de l’Union, le droit de circuler librement et sans entrave sur le territoire des États membres constitue un droit fondamental conformément à l’article 3, paragraphe 2, TUE ainsi qu’à l’article 20, paragraphe 2, et à l’article 21 TFUE.
39. Pour les ressortissants de pays tiers en situation régulière, la suppression de la clause de nationalité effectuée par l’article 20 du code frontières Schengen et par l’article 67 TFUE en fait également des bénéficiaires de la libre circulation sans contrôle aux frontières intérieures, pendant le laps de temps que leur impartit la réglementation.
40. Les États membres sont ainsi tenus de supprimer les vérifications aux frontières intérieures en application de l’article 20 du code frontières Schengen et toute autre mesure d’effet équivalent à l’exercice de ces vérifications, au sens de l’article 21 de ce code.
41. Néanmoins, conformément à l’article 72 TFUE, la suppression du contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte à l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure.
42. Le législateur de l’Union, aux termes de l’article 21, sous a), du code frontières Schengen, autorise ainsi les autorités nationales compétentes à exercer leur compétence de police en vertu du droit national, dans la mesure où l’exercice de ces compétences n’a pas un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières, cela s’appliquant également dans les zones frontalières. Aux termes de cette disposition, l’exercice de ces compétences ne peut « être considéré comme équivalent à l’exercice des vérifications aux frontières lorsque les mesures de police :
i) n’ont pas pour objectif le contrôle aux frontières ;
ii) sont fondées sur des informations générales et l’expérience des services de police relatives à d’éventuelles menaces pour la sécurité publique et visent, notamment, à lutter contre la criminalité transfrontalière ;
iii) sont conçues et exécutées d’une manière clairement distincte des vérifications systématiques des personnes effectuées aux frontières extérieures ;
iv) sont réalisées sur la base de vérifications réalisées à l’improviste [...] »
43. En vertu de l’article 21, sous b), du code frontières Schengen, le législateur de l’Union autorise par ailleurs les autorités nationales compétentes à exercer des contrôles de sûreté sur les personnes dans les ports et les aéroports.
44. En second lieu, les États membres sont également tenus d’adopter les mesures appropriées afin de lutter contre l’immigration clandestine dans la mesure où les ressortissants de pays tiers entrés ou séjournant d’une manière irrégulière dans l’Union ne sauraient bénéficier des droits conférés par les traités (17).
45. Le législateur de l’Union a ainsi mis en place plusieurs mesures.
46. Les premières mesures instituent, à l’image du dispositif prévu par la législation nationale en cause, des obligations de contrôle à la charge des transporteurs acheminant à la frontière extérieure de l’espace Schengen des ressortissants d’États tiers, et ce afin de prévenir l’immigration clandestine.
47. Ces mesures ont été adoptées dans le cadre de la CAAS. Il s’agit de « [m]esures d’accompagnement » dont les termes sont définis à l’article 26 de celle-ci. Cet article dispose :
« 1. Sous réserve des engagements qui découlent de leur adhésion à la [c]onvention de Genève[,] du 28 juillet 1951[,] relative au statut des réfugiés, telle qu’amendée par le [p]rotocole de New York[,] du 31 janvier 1967[,] les Parties Contractantes s’engagent à introduire dans leur législation nationale les règles suivantes :
a) si l’entrée sur le territoire d’une des Parties Contractantes est refusée à un étranger, le transporteur qui l’a amené à la frontière extérieure par voie aérienne, maritime ou terrestre est tenu de le reprendre en charge sans délai. [...] ;
b) le transporteur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que l’étranger transporté par voie aérienne ou maritime est en possession des documents de voyage requis pour l’entrée sur les territoires des Parties Contractantes.
2. Les Parties Contractantes s’engagent, sous réserve des engagements qui découlent de leur adhésion à la [c]onvention de Genève[,] du 28 juillet 1951[,] relative au statut des réfugiés, telle qu’amendée par le [p]rotocole de New York[,] du 31 janvier 1967[,] et dans le respect de leur droit constitutionnel, à instaurer des sanctions à l’encontre des transporteurs qui acheminent par voie aérienne ou maritime d’un État tiers vers leur territoire, des étrangers qui ne sont pas en possession des documents de voyage requis.
3. Les dispositions du paragraphe 1, point b), et du paragraphe 2 s’appliquent aux transporteurs de groupes assurant des liaisons routières internationales par autocar, à l’exception du trafic frontalier. »
48. Ces dispositions ont été complétées par la directive 2001/51.
49. Les considérants 1, 2 et 4 de cette directive énoncent :
« (1) Afin de lutter efficacement contre l’immigration clandestine, il est essentiel que tous les États membres se dotent d’un dispositif fixant les obligations des transporteurs acheminant des ressortissants étrangers sur le territoire des États membres. Il convient également, pour assurer une plus grande efficacité de cet objectif, d’harmoniser autant que possible les sanctions pécuniaires actuellement prévues par les États membres en cas de violation des obligations de contrôle qui incombent aux transporteurs [...].
(2) La présente mesure s’inscrit dans un dispositif d’ensemble de maîtrise des flux migratoires et de lutte contre l’immigration illégale.
[...]
(4) Il convient de ne pas affecter la liberté des États membres de maintenir ou d’introduire des mesures ou sanctions supplémentaires pour les transporteurs, qu’ils soient visés ou non par la présente directive. »
50. Cette directive précise à ses articles 2 et 3 les conditions d’application de l’obligation de réacheminement et à ses articles 4 et 5, la nature et le montant des sanctions applicables en cas de violation par les transporteurs de leurs obligations de contrôle.
51. Les États membres doivent ainsi garantir, aux termes de l’article 4 de la directive 2001/51, que les sanctions applicables aux transporteurs en vertu de l’article 26, paragraphes 2 et 3, de la CAAS sont dissuasives, effectives et proportionnelles, le législateur de l’Union définissant un montant maximal et minimal desdites sanctions. En outre, en vertu de l’article 5 de cette directive, les États membres peuvent adopter ou maintenir des sanctions d’une autre nature, telles que la suspension temporaire ou le retrait de l’autorisation d’exploitation.
52. Les secondes mesures de lutte contre l’immigration clandestine ont été adoptées dans le cadre de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946 et visent à sanctionner l’aide apportée à l’immigration irrégulière (18).
53. Conformément à l’article 5 de la directive 2002/90 et à l’article 10 de la décision-cadre 2002/946, elles abrogent le mécanisme institué à l’origine à l’article 27 de la CAAS (19).
54. En vertu du considérant 2 de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946, celles-ci s’appliquent à l’occasion du franchissement irrégulier des frontières intérieures d’un État membre (20).
55. Si la directive 2002/90 définit les infractions relatives à l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, la décision-cadre 2002/946 établit les règles minimales s’agissant de la nature des sanctions susceptibles d’être infligées, de la responsabilité des personnes morales et de la compétence entre les États membres.
56. L’article 1er de la directive 2002/90, intitulé « Infraction générale », prévoit ainsi, à son paragraphe 1 :
« Chaque État membre adopte des sanctions appropriées :
a) à l’encontre de quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d’un État membre à pénétrer sur le territoire d’un État membre ou à transiter par le territoire d’un tel État, en violation de la législation de cet État relative à l’entrée ou au transit des étrangers ;
[...] »
57. En vertu de l’article 2 de cette directive, ces sanctions doivent être appliquées à l’encontre de quiconque est instigateur ou complice ou tente de commettre cette infraction.
58. L’article 1er de la décision-cadre 2002/946 exige que l’infraction d’aide à l’entrée irrégulière sur le territoire fasse l’objet de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. L’infraction commise peut ainsi donner lieu à une « extradition », à la confiscation du moyen de transport ayant servi à la commettre, à l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice de laquelle celle-ci a été commise ainsi qu’à une peine privative de liberté lorsque celle-ci a été réalisée dans le cadre des activités d’une organisation criminelle ou que sa commission a mis en danger la vie des personnes faisant son objet.
59. Ces mesures, en tant qu’elles s’appliquent aux franchissements des frontières intérieures d’un État membre, peuvent être pertinentes dans le cadre de l’examen de la réglementation nationale en cause.
V. Notre analyse
60. Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour si l’article 67, paragraphe 2, TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du code frontières Schengen s’opposent à ce qu’un État membre applique à des entreprises de transport par autocar, qui offrent un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen, une législation nationale qui exige des transporteurs qu’ils contrôlent, avant le franchissement de la frontière, que leurs passagers sont en possession du passeport et du titre de séjour requis aux fins de l’entrée régulière sur le territoire national.
61. En particulier, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si les contrôles mis en œuvre en application de cette législation constituent ou peuvent être assimilés à des « vérifications aux frontières » au sens de l’article 20 du code frontières Schengen ou s’ils constituent des « vérifications à l’intérieur du territoire», au sens de l’article 21, sous a), de ce code. Dans cette dernière hypothèse, la juridiction de renvoi demande à la Cour si, compte tenu des critères visés dans cette disposition, ces contrôles sont susceptibles d’avoir un effet équivalent à des vérifications aux frontières.
62. Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande par ailleurs à la Cour si les articles 20 et 21 du code frontières Schengen doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale telle que celle en cause qui permet d’adopter à l’encontre des entreprises de transport par autocar qui offrent un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen une décision leur interdisant de transporter sur le territoire national des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière et permet, en outre, de les menacer d’une astreinte si elles poursuivent cette infraction.
63. Dans sa décision de renvoi, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) concentre son analyse sur les dispositions prévues aux articles 20 et 21 du code frontières Schengen, lesquels mettent en œuvre la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen.
64. Les questions qu’il adresse à la Cour sont, comme nous l’avons indiqué, inédites.
65. En effet, dans le cadre du contentieux dont elle a été saisie, la Cour a examiné la conformité avec les dispositions du code frontières Schengen de contrôles exercés par des autorités détentrices de la puissance publique et réalisés à l’intérieur même du territoire d’un État membre, à la frontière ou dans la zone frontalière de celui-ci.
66. Tout d’abord, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2010, Melki et Abdeli (21), les intéressés avaient en effet été contrôlés par la police française, en application de l’article 78-2, quatrième alinéa, du code de procédure pénale, dans la zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec la Belgique et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà de cette frontière. Ce contrôle avait pour objectif de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et des documents prévues par la loi.
67. Ensuite, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 juillet 2012, Adil (22), l’intéressé avait été interpellé dans le cadre d’un contrôle effectué par la Koninklijke Marechaussee (maréchaussée royale, Pays-Bas) en application de l’article 4.17 a) du Vreemdelingenbesluit 2000 (arrêté sur les étrangers de 2000), alors qu’il était passager d’un autocar de la société Eurolines. L’interpellation avait eu lieu sur l’autoroute en provenance d’Allemagne, sur le territoire d’une commune frontalière à cet État membre. Conformément à la réglementation nationale en cause dans cette affaire, cette interpellation devait permettre d’établir l’identité, la nationalité et le droit de séjour de la personne, dans le cadre de la lutte contre le séjour illégal après un franchissement de frontière et s’agissant du transport terrestre, était exclusivement exercée dans le cadre du contrôle des étrangers sur les routes, dans une zone de 20 kilomètres à partir de la frontière commune avec la Belgique et l’Allemagne.
68. Enfin, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 juin 2017, A (23), l’intéressé avait été soumis à un contrôle d’identité effectué par une patrouille du Bundespolizei (police fédérale, Allemagne) alors qu’il venait de traverser à pied le Pont de l’Europe, de Strasbourg (France) à Kehl (Allemagne), et s’était rendu à la gare ferroviaire environ 500 mètres plus loin. L’article 23, paragraphe 1, point 3, du Gesetz über die Bundespolizei (loi sur la police fédérale) (24), du 19 octobre 1994, autorise en effet celle-ci à contrôler l’identité d’une personne dans une zone s’étendant jusqu’à 30 kilomètres au-delà de la frontière afin de prévenir ou d’empêcher toute entrée irrégulière sur le territoire fédéral ou de prévenir des infractions pénales.
69. Les contrôles mis en œuvre en application de l’article 63 de l’AufenthG se distinguent donc très clairement de ceux que la Cour a eu à connaître jusqu’à présent et dont le périmètre était limité aux zones frontalières comprises à l’intérieur d’un État membre. En effet, les contrôles en cause sont menés par le personnel de transporteurs privés, lesquels ne disposent pas de pouvoir de police, et doivent être exercés avant le franchissement de la frontière intérieure et donc à l’extérieur du territoire de l’État membre.
70. La République fédérale d’Allemagne soutient fermement, quant à elle, que la législation nationale en cause, loin d’instituer une vérification aux frontières prohibée par l’article 20 du code frontières Schengen, tend, en réalité, à mettre en œuvre les mesures de lutte contre l’immigration clandestine adoptées aux niveaux international et européen.
71. Elle consacre ainsi ses observations à démontrer que la législation en cause est imposée par l’article 11 du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (25), qu’elle est, en outre, admise compte tenu des termes de la directive 2001/51, laquelle précise les obligations de contrôle mises à la charge des transporteurs par l’article 26 de la CAAS, et, enfin, qu’elle a été adoptée « en conformité et en application » des prescriptions de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946, lesquelles répriment l’aide à l’entrée irrégulière sur le territoire d’un État membre.
72. Dans le cadre des présentes conclusions, nous examinerons les contrôles en cause à l’aune des dispositions du code frontières Schengen sur lesquelles la juridiction de renvoi fonde sa demande de décision préjudicielle, avant de procéder à une analyse des dispositions du droit de l’Union visant spécifiquement la lutte contre l’immigration clandestine et, en particulier, la répression de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers sur lesquelles se concentre la République fédérale d’Allemagne.
A. Sur l’interprétation des dispositions du code frontières Schengen
73. Pour les raisons que nous allons à présent développer, nous considérons que les contrôles en cause doivent être assimilés à des « vérifications aux frontières » interdites au titre de l’article 20 du code frontières Schengen.
74. Conformément à son article 1er, le code frontières Schengen « prévoit l’absence de contrôles aux frontières des personnes franchissant les frontières intérieures entre les États membres de l’Union [...] ».
75. Aux termes de l’article 2, point 9, de ce code, les contrôles aux frontières visent « les activités effectuées aux frontières [...] en réponse exclusivement à l’intention de franchir une frontière ou à son franchissement indépendamment de toute autre considération, consistant en des vérifications aux frontières et en une surveillance des frontières ».
76. Les vérifications aux frontières visent, en application de l’article 2, point 10, dudit code, « les vérifications effectuées aux points de passage frontaliers [ (26)] afin de s’assurer que les personnes, y compris leurs moyens de transport et les objets en leur possession peuvent être autorisés à entrer sur le territoire des États membres ou à le quitter ».
77. L’article 20 du code frontières Schengen concrétise le principe énoncé à son article 1er en disposant que « [l]es frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans que des vérifications aux frontières soient effectuées sur les personnes, quelle que soit leur nationalité ».
78. Cette disposition a donc pour objet de prohiber les vérifications aux frontières lorsque celles-ci sont menées « aux frontières » ou au moment du franchissement de la frontière (27).
79. L’article 21 du code frontières Schengen, lequel est intitulé « Vérifications à l’intérieur du territoire », interdit quant à lui les vérifications qui ont lieu sur l’ensemble du territoire d’un État membre ou dans les zones frontalières de celui-ci et qui, sous couvert de l’exercice de compétences de police, auraient un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières (28).
80. Sous quel angle appréhender les contrôles exercés en application de l’article 63 de l’AufenthG ?
81. D’emblée, ces contrôles nous semblent exclus du champ d’application de l’article 21 du code frontières Schengen. En effet, ils sont menés non pas à l’intérieur du territoire de l’État membre, mais à l’extérieur de celui-ci, les transporteurs devant contrôler les passagers à l’occasion du contrôle des billets lors de leur montée dans les autocars.
82. En revanche, ces contrôles peuvent être appréhendés sous l’angle de l’article 20 du code frontières Schengen, puisqu’ils sont, à notre sens, assimilables à des « vérifications aux frontières ».
83. Il est vrai que les contrôles mis en œuvre en application de l’article 63 de l’AufenthG n’ont pas lieu à l’occasion du franchissement de la frontière, mais avant le franchissement de celle-ci. Il n’existe donc pas, au sens de la jurisprudence de la Cour relative à la directive 2008/115/CE (29), de « lien temporel et spatial direct » avec le franchissement de la frontière (30).
84. Pour autant, ces contrôles sont, par leur nature même, assimilables à des vérifications aux frontières.
85. Ceci ressort très clairement des termes du point 63.1.1 de la disposition administrative générale relative à l’AufenthG, dans lequel il est indiqué que « [l]’obligation de contrôle [prévue à l’article 63 de l’AufenthG] vise à assurer que l’étranger remplit les conditions requises à l’article 13, paragraphe 1[, de l’AufenthG], pour franchir la frontière » (31). Lors de l’audience, la République fédérale d’Allemagne a par ailleurs parfaitement admis que ces contrôles sont générés par le franchissement de la frontière intérieure. Ces contrôles ont donc pour unique objectif de garantir que les personnes à bord de l’autocar, qui ont l’intention de franchir la frontière de l’État membre de destination, peuvent effectivement être autorisées à entrer sur le territoire de ce dernier. Ils ont, en outre, pour effet d’empêcher les passagers de rejoindre le territoire de cet État s’ils ne disposent pas des documents de voyage requis, de la même façon que des contrôles opérés par les garde-frontières à l’occasion du franchissement des frontières intérieures. Le refus d’acheminement d’un étranger en situation irrégulière s’apparente ici à un refoulement.
86. En réalité, le dispositif sous examen a pour effet de rompre le lien spatial et temporel direct avec le franchissement de la frontière, repoussant ainsi les frontières territoriales et instaurant ce que les commentateurs qualifient de « contrôle à distance »ou de contrôle « délocalisé » (32). Le refoulement n’a pas lieu aux frontières, mais bien avant le franchissement de celles-ci.
87. En outre, à partir du moment où la loi interdit aux transporteurs d’acheminer sur le territoire national des ressortissants de pays tiers dépourvus des documents de voyage requis aux fins d’une entrée régulière et menace ces transporteurs d’une astreinte en cas de violation de cette interdiction, nous pouvons considérer qu’il s’agit là d’une obligation de contrôle systématique dont le respect est inconditionnel et dont la violation entraîne une condamnation. Il ressort d’ailleurs clairement des termes du point 63.2.0 de la disposition administrative générale relative à l’AufenthG que ces contrôles sont conçus et doivent être exécutés « dans tous les cas ».
88. Le fait que ces contrôles soient opérés par le personnel des entreprises de transport ne suffit pas, à notre sens, pour les exclure du champ d’application de l’article 20 du code frontières Schengen. Si tel était le cas, il serait alors facile de contourner les interdictions énoncées.
89. D’une part, cette délégation, sauf à entamer l’efficacité des contrôles opérés, ne modifie ni l’objet ni les caractéristiques essentielles de ces derniers.
90. D’autre part, compte tenu de la portée des obligations qui leur incombent et du risque de sanction qu’ils encourent, les transporteurs endossent aujourd’hui un rôle de contrôleurs ou de police des frontières qu’il est impossible de nier (33) et qui soulève aujourd’hui encore des questions de principe débattues régulièrement par la doctrine juridique.
91. La responsabilisation et la sanction des transporteurs sont des instruments de politique migratoire qui ne sont pas nouveaux (34).
92. L’article 26 de la CAAS, laquelle a été complétée par la directive 2001/51, met à la charge des transporteurs aériens, maritimes et terrestres, acheminant des ressortissants d’États tiers par les frontières extérieures de l’espace Schengen, des obligations de contrôle et de réacheminement, dont la violation expose ces transporteurs à des sanctions.
93. La directive 2004/82/CE (35) ajoute aux obligations de ces derniers celle de communiquer, à la demande des autorités chargées du contrôle des personnes aux frontières extérieures, les données relatives aux passagers, dont la violation expose également les transporteurs à des sanctions. Conformément à l’article 1er de cette directive, il s’agit ici d’améliorer les contrôles aux frontières et de lutter contre l’immigration illégale, au moyen de la transmission préalable aux autorités nationales compétentes, par les transporteurs, de données relatives aux passagers. Cette directive s’avère complémentaire de la directive 2001/51 en ce qu’elle poursuit les mêmes objectifs tout en employant d’autres moyens.
94. Plus récemment, les transporteurs se sont vu imposer des obligations supplémentaires.
95. L’article 13, paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/2226 (36), complète les obligations de contrôle visées à l’article 26, paragraphe 1, sous b), de la CAAS. Dans le cadre de ce contrôle, les transporteurs sont désormais tenus de communiquer, via le service Internet mis en place dans le cadre de la gestion intégrée des frontières extérieures, le nom, les prénoms, la date de naissance, la nationalité ainsi que le sexe des ressortissants de pays tiers titulaires d’un visa de court séjour, mais également le type, le numéro, la date d’expiration du document de voyage et le code à trois lettres du pays de délivrance du document afin de vérifier si ceux-ci ont déjà utilisé le nombre d’entrées autorisées par leur visa (37). À l’exception de l’image faciale, il s’agit là de données sur la base desquelles les autorités frontalières créent le dossier individuel des ressortissants concernés.
96. En outre, au niveau national, nombre d’États membres, comme la République française, ont exigé que les transporteurs vérifient l’authenticité et la validité des documents de voyage, ce qui devait inclure l’évaluation des irrégularités comme l’usurpation, la falsification, la contrefaçon ou la péremption (38). Certains États membres, tels que le Royaume d’Espagne, ont d’ailleurs expressément prévu l’obligation pour les compagnies de transport de former leur personnel à la détection des documents falsifiés, ce qui pose la question du rôle de celles-ci lorsqu’elles opèrent les vérifications (39).
97. Selon le Conseil constitutionnel (France), les dispositions relatives aux sanctions des transporteurs « ne [sauraient] s’entendre comme conférant au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique » dans la mesure où, lorsqu’il vérifie la régularité des documents de voyage d’un passager, le transporteur doit se borner « à appréhender la situation de l’intéressé sans avoir à procéder à aucune recherche » (40). Selon la juridiction de renvoi, il n’y aurait pas non plus de transfert aux entreprises de transport de prérogatives de puissance publique. La vérification des documents de voyage des passagers serait intégrée au processus de transport qui se déroule dans le cadre du contrat de transport relevant du droit privé. Le législateur laisserait, en outre, au transporteur le choix de la manière et des moyens employés pour se conformer à ses obligations.
98. Pour autant, il n’en reste pas moins que les transporteurs doivent ici se livrer à des appréciations et adopter des mesures qui, par leur nature même, relèvent de la compétence des autorités douanières ou policières, et ce même s’ils n’en ont pas la vocation ni nécessairement les moyens (41).
99. Ceci porte atteinte à l’efficacité du dispositif. En effet, les transporteurs ne peuvent que refuser la montée à bord des personnes en situation irrégulière, lesquelles restent sur le territoire de l’État membre de départ, sans que puisse être adoptée, conformément à l’article 13 du code frontières Schengen (42), de « décision portant refus d’entrée » sur le territoire, avec les garanties que celle-ci contient, et sans que puissent jouer les dispositions complémentaires relatives au droit d’asile et à la protection internationale.
100. En instituant une telle obligation de contrôle, l’État membre use, en réalité, d’une législation destinée à l’origine aux contrôles des frontières extérieures, rétablit, de façon déguisée et avec une efficacité moindre évidente, des frontières là où elles ont, en principe, été supprimées et contourne l’interdiction de principe énoncée aux articles 1er et 20 du code frontières Schengen. L’État membre exige ainsi d’opérateurs privés qu’ils procèdent à des contrôles que les autorités nationales compétentes ne sont plus autorisées à mener aux frontières intérieures, conformément à ces dispositions, et ne sont pas non plus habilitées à effectuer sur le territoire d’un autre État membre.
101. Compte tenu de ces éléments, et afin de ne pas mettre en péril la réalisation de l’objectif de suppression des contrôles aux frontières intérieures énoncé à l’article 3, paragraphe 2, TUE, à l’article 26, paragraphe 2, TFUE, ainsi qu’à l’article 67, paragraphe 2, TFUE, et prévu aux articles 1er et 20 du code frontières Schengen, il nous semble essentiel que les contrôles menés en application de l’article 63 de l’AufenthG soient assimilés à des « vérifications aux frontières » au sens de l’article 20 du code frontières Schengen.
102. Au vu de ces éléments, nous considérons que les contrôles qui doivent être effectués par des entreprises de transport par autocar offrant un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen et par lesquels celles-ci sont tenues de vérifier, avant le franchissement de la frontière intérieure, que les passagers sont en possession des documents de voyage requis aux fins de l’entrée sur le territoire national sont assimilables à des « vérifications aux frontières » interdites en application de l’article 20 du code frontières Schengen (43).
103. Dans la mesure où nous considérons les obligations de contrôle en cause contraires au droit de l’Union, les astreintes adoptées sur le fondement de la violation de ces obligations, lesquelles, compte tenu de leur fonction (dissuasion et sanction), s’apparentent à des sanctions pécuniaires, ne peuvent trouver de justification.
104. Au regard de l’ensemble de ces considérations, nous estimons que l’article 67, paragraphe 2, TFUE et l’article 20 du code frontières Schengen s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exige des transporteurs qu’ils vérifient, avant le franchissement de la frontière, que les passagers sont en possession du passeport et du titre de séjour requis aux fins de l’entrée régulière sur le territoire national et qui menace ces dernières d’une astreinte en cas de manquement à cette obligation, lorsque cette législation s’applique à des entreprises de transport par autocar qui offrent un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen.
105. Deux remarques s’imposent quant à cette conclusion.
106. En premier lieu, cette interprétation des règles du code frontières Schengen ne signifie pas pour autant que les États membres se trouvent privés des moyens leur permettant de lutter légitimement contre l’immigration clandestine sur leur territoire.
107. En effet, premièrement, dans des circonstances telles que celles en cause où, ainsi que l’a exposé la République fédérale d’Allemagne dans ses observations écrites et orales, les autorités nationales compétentes disposent d’éléments précis permettant de déterminer les lignes routières les plus exposées à un risque d’immigration clandestine, rien ne s’oppose à ce que l’État membre de départ et l’État membre de destination usent des instruments de coopération opérationnelle existant afin de lutter ensemble contre cette immigration irrégulière, en exerçant leur compétence de police sur leur territoire respectif, et notamment dans l’enceinte des gares routières et aux alentours de celles-ci.
108. La coopération opérationnelle repose, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere, des 15 et 16 octobre 1999, sur la solidarité entre les États membres et le partage des responsabilités. Il s’agit d’une obligation consacrée à l’article 16 du code frontières Schengen, les États membres étant tenus d’échanger toutes informations utiles, de se prêter assistance et d’assurer entre eux une coopération étroite afin que le contrôle aux frontières extérieures soit mis en œuvre de manière efficace. Dans des circonstances telles que celles en cause, où les États membres soulignent les déficiences des contrôles aux frontières extérieures, rien ne s’oppose, à notre sens, à ce qu’ils usent de ces instruments afin qu’ils coordonnent ensemble les mesures de lutte contre l’immigration clandestine au sein même de l’espace Schengen.
109. Cela permettrait d’assurer un contrôle bien plus efficace que celui institué dans le cadre de la législation en cause, s’inscrivant en outre parfaitement dans le cadre des compétences réservées aux États membres par l’article 21, sous a), du code frontières Schengen.
110. Rappelons que cette disposition permet aux États membres de procéder à des contrôles d’identité et de titres à l’intérieur de leur territoire et dans les zones frontalières de celui-ci afin de prévenir ou de faire cesser une entrée illégale sur le territoire ou de prévenir la commission d’infractions, à condition néanmoins que l’exercice pratique de ces contrôles ne revête pas un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières.
111. Ainsi, comme nous l’avons déjà indiqué, dans l’arrêt du 21 juin 2017, A (44), la Cour a eu à connaître des mesures de contrôle prévues à cet effet par la République fédérale d’Allemagne dans la loi sur la police fédérale, l’intéressé ayant été soumis à un contrôle d’identité effectué par une patrouille de la police fédérale allemande alors qu’il venait de traverser à pied le Pont de l’Europe, de Strasbourg à Kehl, et s’était rendu à la gare ferroviaire environ 500 mètres plus loin.
112. Rappelons, également, que les États membres sont aujourd’hui autorisés à intensifier leur contrôle de police sur l’ensemble de leur territoire. La Commission a en effet pris la mesure non seulement des pressions qu’exercent sur l’ordre public et la sécurité intérieure des États membres l’afflux massif de migrants en situation irrégulière et la multiplication des attaques terroristes, mais également des lacunes minant l’efficacité de l’architecture de Schengen.
113. Ainsi, dans sa recommandation émise le 12 mai 2017 (45), la Commission a mis l’accent sur la manière dont les États membres doivent exercer leur compétence de police sur l’ensemble de leur territoire comme dans les zones frontalières. Jugeant que le « bon fonctionnement d’un tel espace dépend non seulement de l’application uniforme de l’acquis de l’Union, mais aussi de l’utilisation des compétences nationales en matière de maintien de l’ordre et de sauvegarde de la sécurité intérieure conformément aux objectifs de l’acquis de Schengen » (46), la Commission a insisté sur le fait que l’intensification des contrôles de police sur tout le territoire des États membres peut être considérée comme nécessaire et justifiée, ces derniers étant plus efficaces que le contrôle aux frontières intérieures et plus adaptés à des risques évolutifs (47).
114. Deuxièmement, si les autorités nationales compétentes devaient par ailleurs constater que certaines entreprises de transport par autocar manquent à leur devoir de contrôle dans le but de participer à un trafic illicite de migrants, elles peuvent alors condamner ces dernières sur le fondement des règles prévues par la directive 2002/90 et la décision-cadre 2002/946, l’aide à l’entrée irrégulière constituant une infraction pénale dont nous allons développer les éléments constitutifs. La République fédérale d’Allemagne a d’ailleurs transposé ces dispositions dans le cadre des articles 95 à 97 de l’AufenthG.
115. Troisièmement, si les autorités nationales considèrent qu’il existe une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, ces dernières peuvent, en application de l’article 23, paragraphe 1, du code frontières Schengen, réintroduire de façon temporaire des contrôles à leurs frontières intérieures (48). Il est intéressant de souligner que, compte tenu de l’amplification des mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière et de l’augmentation des menaces terroristes transfrontières, la Commission propose de refondre le cadre existant afin de mieux faire face à ces phénomènes (49).
116. En second lieu, cette interprétation des règles du code frontières Schengen doit renvoyer les États membres à leurs responsabilités afin que l’ensemble des mesures tendant au renforcement des contrôles et de la gestion des frontières extérieures (50) soit mis en œuvre. Relevons que, aux termes de l’article 14 du code frontières Schengen (51), les États membres sont tenus de mettre en place les effectifs et les moyens appropriés et suffisants pour exercer le contrôle aux frontières extérieures, de manière à assurer un contrôle efficace, de haut niveau et uniforme à leurs frontières extérieures.
B. Sur l’interprétation des dispositions du droit de l’Union visant à lutter contre l’immigration clandestine
117. Il convient à présent d’examiner le point de savoir si, ainsi que le soutient fermement la République fédérale d’Allemagne dans ses observations, ces contrôles peuvent être considérés comme étant imposés au titre des dispositions de droit international et européen qui ont été adoptées afin de lutter contre l’immigration clandestine.
1. La répression de l’aide à l’entrée irrégulière en vertu de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946
118. En premier lieu, la République fédérale d’Allemagne consacre ses observations à démontrer que la législation en cause a été adoptée « en conformité et en application » (52) des prescriptions de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946, lesquelles répriment l’aide à l’entrée irrégulière sur le territoire d’un État membre.
119. « [E]n conformité », d’une part, dans la mesure où une législation telle que celle en cause constituerait une mesure importante de lutte contre l’immigration irrégulière au sein de l’espace Schengen et permettrait aux entreprises de transport de ne pas être condamnées pour aide à l’entrée irrégulière.
120. « [E]n application », d’autre part, dans la mesure où la directive 2002/90 et la décision-cadre 2002/946 habiliteraient et obligeraient les États membres à infliger des sanctions à l’encontre de quiconque fournirait une aide à l’entrée irrégulière par les frontières intérieures, y compris des sanctions pénales contre les responsables à titre individuel et des sanctions administratives contre les personnes morales.
121. Or, la République fédérale d’Allemagne soutient que toute entreprise de transport qui prend en charge un étranger dépourvu des documents de voyage requis et qui transporte celui-ci sur le territoire d’un État membre en violation de la législation de ce dernier fournit nécessairement à l’intéressé une aide à l’entrée irrégulière au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/90. Une telle entreprise, qui aurait été informée par les autorités compétentes que son service a déjà été exploité à des fins d’entrées irrégulières et qui aurait donc pleinement conscience de ses irrégularités, mais qui s’abstiendrait néanmoins de procéder aux contrôles exigés, alors que ces derniers sont réalisables et tolérables, devrait être considérée comme consentant, à tout le moins partiellement, à permettre de nouvelles entrées irrégulières et comme agissant de propos partiellement délibéré (dolus eventualis).
122. Nous ne partageons pas l’opinion exprimée par la République fédérale d’Allemagne dans ses observations.
123. En premier lieu, la République fédérale d’Allemagne omet de signaler que l’infraction d’aide à l’entrée irrégulière définie et condamnée à l’article 1er de la directive 2002/90 a été transposée dans l’ordre juridique allemand aux articles 95 à 97 de l’AufenthG, relatifs à l’aide à l’immigration illégale (53).
124. En second lieu, si la législation en cause participe effectivement à la lutte contre l’immigration clandestine – dans la mesure où elle a pour objet de mettre à la charge des transporteurs une obligation de contrôle sur les personnes afin de prévenir une entrée irrégulière sur le territoire national –, cela ne suffit pas pour autant à considérer qu’elle a été adoptée « en conformité et en application » des prescriptions de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946.
125. C’est en effet méconnaître l’objet et le champ d’application de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946.
126. C’est également négliger la nature pénale des dispositions adoptées dans le cadre de ce paquet de mesures, laquelle exige, conformément au principe de légalité des délits et des peines, d’interpréter de manière stricte les éléments tant matériels qu’intellectuels constitutifs de cette infraction.
127. La directive 2002/90 et la décision-cadre 2002/946 forment un ensemble de mesures indissociables, destinées à compléter l’arsenal de lutte contre l’immigration clandestine (54). Qualifiées de « train de mesures relatives aux passeurs » (55), elles s’attaquent aux filières d’immigration clandestine et, en particulier, aux filières de transport de clandestins.
128. Ceci ressort très nettement du considérant 2 de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946, dans lequel le législateur de l’Union entend, par ces mesures, « s’attaquer à l’aide apportée à l’immigration clandestine, non seulement lorsqu’elle concerne le franchissement irrégulier de la frontière à proprement parler, mais aussi lorsqu’elle a pour but d’alimenter des réseaux d’exploitation des êtres humains » (56). En réalité, ce considérant traduit de façon claire et non équivoque l’origine de ce paquet de mesures, celui-ci ayant été adopté à la suite de la découverte macabre à Douvres (Grande-Bretagne), en 2000, des corps sans vie de 58 Chinois, candidats à l’immigration clandestine, dans un conteneur scellé d’un camion immatriculé aux Pays-Bas, les États membres ayant chargé la République française, alors présidente en exercice de l’Union, de proposer des mesures afin de lutter contre ces crimes et contre le développement rapide des filières d’immigration clandestine dans l’Union.
129. Pour éviter que les réseaux criminels ne profitent de l’absence de criminalisation et de sanctions dans certains États membres pour développer leurs activités et sélectionner leur voie d’entrée via un forum shopping (57), ce paquet de mesures tend à rapprocher les législations nationales en établissant, d’une part, dans la directive 2002/90, une définition commune de l’infraction d’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers et, d’autre part, dans la décision-cadre 2002/946, des règles minimales concernant la nature des sanctions susceptibles d’être infligées, ainsi que les règles applicables concernant la responsabilité des personnes morales et les règles de compétence entre les États membres (58).
130. L’aide à l’entrée irrégulière est définie dans ses éléments tant matériels qu’intellectuels, à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/90 en ces termes :
« Chaque État membre adopte des sanctions appropriées :
a) à l’encontre de quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d’un État membre à pénétrer sur le territoire d’un État membre [...] en violation de la législation de cet État relative à l’entrée ou au transit des étrangers. » (59)
131. L’infraction d’aide à l’entrée irrégulière est introduite dans le droit de l’Union en tant qu’« infraction générale », ainsi que cela ressort de l’intitulé de l’article 1er de la directive 2002/90, mais également de la généralité des termes employés par le législateur de l’Union. Le champ d’application de cette infraction est donc particulièrement large et s’explique par l’impératif de lutte contre les filières d’immigration clandestine. La notion d’« aide », qui est pourtant l’un des éléments constitutifs de l’infraction, n’est ici pas strictement définie, ce qui permet d’englober les différentes formes que peut revêtir l’aide à l’immigration clandestine, et donc le modus operandi des passeurs, du transport stricto sensu, à la gestion de ce transport, à la fabrication ou à la fourniture de documents falsifiés, à l’organisation de mariages de convenance, ou tout autre moyen qui tend à faciliter l’entrée, le transit ou la résidence (60).
132. En outre, en sanctionnant l’aide fournie par « quiconque », le législateur de l’Union a tenu compte du nombre et de la diversité des profils des personnes susceptibles d’être impliquées, à but lucratif ou non (61), de façon à englober tous les membres d’un réseau de passeurs, tels que des trafiquants, des dirigeants, des recruteurs ou bien encore des chauffeurs ou des skippers, des messagers, des guetteurs, des faussaires de passeport, des fournisseurs (propriétaires de bateaux, de voitures, de cars), des fonctionnaires ainsi que des prestataires de services corrompus (62).
133. Par ailleurs, l’infraction est constituée, indépendamment du point de savoir si l’aide apportée à l’immigration clandestine concerne le franchissement irrégulier d’une frontière intérieure ou extérieure à l’espace Schengen. Le législateur de l’Union incrimine en effet l’aide apportée à l’immigration clandestine lorsqu’elle concerne l’entrée « sur le territoire d’un État membre », ce législateur ayant précédemment indiqué au considérant 2 de la directive 2002/90 qu’il était nécessaire de s’y attaquer lorsqu’elle concerne le franchissement irrégulier de la frontière « à proprement parler ».
134. Enfin, la qualification d’« astreinte » employée pour définir la mesure effectivement appliquée au transporteur ne nous paraît pas correspondre à sa réalité juridique.
135. Ainsi qu’il a été expressément indiqué lors de l’audience, l’astreinte visée à l’article 63, paragraphe 3, de l’AufenthG consiste en une sanction pécuniaire d’un montant non négligeable (1 000 euros au minimum et 5 000 euros au maximum) infligée autant de fois au transporteur qu’il y a de passagers en infraction avec les textes régissant les conditions d’entrée des étrangers sur le territoire allemand. Le but, tout aussi clairement exprimé, de cette législation est de dissuader le transporteur de ne pas effectuer le contrôle requis et de le sanctionner chaque fois qu’il a été constaté que le contrôle n’a pas été fait.
136. La fonction de cette sanction, à savoir prévenir et sanctionner à la fois, est exactement celle de la peine sanctionnant une infraction. Dès lors, se pose la question incontournable de l’intention en raison du principe de la légalité des délits et des peines, qui impose que la loi définisse tous les éléments constitutifs de l’infraction et, en particulier, ses éléments matériels et psychologiques.
137. Or, nous sommes convaincus que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/90, le législateur a entendu condamner non pas celui qui prend le risque d’aider une personne en situation irrégulière à entrer sur le territoire (dol éventuel), mais bien celui qui est animé par l’intention criminelle de commettre l’acte précisément interdit par la loi (dol spécial).
138. Dans ses observations, la République fédérale d’Allemagne fait effectivement référence à une forme du dol qu’elle nomme « dolus eventualis », qu’elle définit comme une « intention partiellement délibérée ». Cette forme de dol vise celui qui n’a pas voulu réaliser l’infraction dans son entièreté. Nous nous trouvons ici dans une situation où l’intéressé est non pas animé par la volonté délictuelle avérée de commettre une infraction, grave, consistant à collaborer avec un réseau de passeurs, mais agit par insouciance, par imprudence ou par négligence. Certes, il est loisible au législateur de l’Union d’incriminer la négligence à l’égard de la législation, mais encore faut-il que cela soit clairement exprimé et défini ainsi que sanctionné de manière non disproportionnée dans le texte d’incrimination.
139. Force est de constater que cette définition du « dolus eventualis » et le système répressif qui en est la conséquence sont incompatibles avec les termes de l’article 1er de la directive 2002/90, qui constitue la base légale du système répressif et qui ne laisse aucun doute tant au regard de ses termes que de son objectif et de son économie.
140. Dans la version en langue française, le législateur de l’Union exige que la personne physique ou morale ait agi « sciemment », la version en langue allemande emploie le terme « vorsätzlich », celle en langue anglaise « intentionally », celle en langue italienne « intenzionalmente », celle en langue néerlandaise « opzettelijk », celle en langue roumaine « în mod conștient » et enfin celle en langue slovaque « úmyselne ».
141. Ces termes doivent trouver une interprétation autonome et uniforme dans toute l’Union et leur sens doit, avant tout, être recherché en tenant compte ici du principe de l’autonomie du droit pénal et des principes généraux de celui-ci.
142. Or, le terme « sciemment », traduit indistinctement dans les autres versions linguistiques de la directive par les termes « intentionnellement », « délibérément » ou bien encore « volontairement », évince en soi la notion de « dol éventuel ». Force est de convenir que la personne qui aide « sciemment » ou « intentionnellement » un ressortissant de pays tiers à entrer sur le territoire d’une manière irrégulière n’est pas animée par la même intention criminelle que celle qui en prend seulement le risque par sa négligence.
143. En outre, l’économie dans laquelle s’insère l’article 1er de la directive 2002/90 témoigne de manière assez évidente que le législateur de l’Union entend s’attaquer à ceux qui agissent d’une manière réfléchie et délibérée afin de réaliser l’acte interdit. En effet, il s’agit ici de sanctionner pénalement non seulement ceux qui commettent l’infraction, mais également, aux termes de l’article 2 de cette directive, ceux qui tentent de la commettre, ceux qui en sont les instigateurs ou les complices. Quant aux sanctions applicables, définies à l’article 1er de la décision-cadre 2002/946, elles doivent être dissuasives. Or, on ne peut dissuader que ceux qui ont l’intention de commettre l’acte réprimé par la loi ou de récidiver. Par ailleurs, la sévérité des sanctions, lesquelles peuvent se traduire par une mesure d’« extradition » ou par des peines privatives de liberté, exclut, à notre sens, que ces dernières soient infligées à ceux qui prennent uniquement le risque de commettre l’infraction.
144. Enfin, l’objectif clairement affiché de la directive 2002/90 est bien celui de lutter contre ceux qui adhèrent à des réseaux de passeurs et se nourrissent de l’immigration clandestine.
145. Au vu de ces considérations, nous ne parvenons donc pas à partager le point de vue de la République fédérale d’Allemagne selon lequel toute entreprise de transport par autocar offrant un service régulier transfrontalier au sein de l’espace Schengen qui autorise la montée à bord d’étrangers dépourvus des documents de voyage requis fournit nécessairement à ces derniers une aide à l’entrée irrégulière au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/90. On ne peut donc, en étendant la signification de la notion de « dol éventuel », aboutir à assimiler ceux qui ont agi de manière « partiellement délibérée » à des complices ou à des coauteurs.
146. Si l’aide à l’immigration clandestine recouvre effectivement des activités de transport et peut impliquer des prestataires de services tels que des compagnies de transport exerçant leurs activités sur le territoire de l’Union, il est néanmoins nécessaire de prouver que les éléments tant matériels qu’intellectuels de l’infraction sont réunis. Ceci relève du pouvoir du juge national qui doit alors apprécier au cas par cas si, en acheminant l’étranger sur le territoire national, le transporteur a d’une façon délibérée participé à une activité criminelle tendant à faire entrer sur le territoire national des personnes en situation irrégulière en ayant eu pour rôle de faciliter le déplacement secondaire de ces personnes dans l’espace Schengen.
147. Au vu de ces éléments, nous considérons que, dans l’hypothèse où les autorités nationales compétentes constatent qu’une entreprise de transport par autocar qui offre un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen profite de son activité afin d’aider, d’une manière délibérée, des ressortissants de pays tiers à entrer illégalement sur le territoire de l’État membre de destination et jugent que les éléments tant matériels qu’intellectuels de l’infraction d’aide à l’entrée irrégulière sont, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/90, réunis, il leur appartient de prendre les mesures nécessaires pour assurer que cette infraction fasse l’objet d’une sanction pénale effective, proportionnée et dissuasive conformément aux principes énoncés par la décision-cadre 2002/946.
2. La répression du trafic illicite de migrants en vertu du protocole additionnel des Nations unies
148. En deuxième lieu, la République fédérale d’Allemagne soutient que la législation nationale en cause est conforme aux dispositions prévues dans le cadre du protocole additionnel des Nations unies auquel tant l’Union que les États membres sont tenus.
149. Il est vrai que, conformément à l’article 11 de ce protocole, les États parties doivent renforcer les contrôles aux frontières nécessaires pour prévenir et détecter le trafic illicite de migrants et, dans ce cadre, doivent adopter les mesures aux frontières appropriées pour prévenir l’utilisation des moyens de transport exploités par des transporteurs commerciaux pour la commission de cette infraction pénale (63). Lorsqu’il y a lieu, les États parties sont ainsi notamment tenus de prévoir l’obligation pour les transporteurs commerciaux, y compris toute compagnie de transport ou tout exploitant d’un quelconque moyen de transport, de vérifier, sous peine de sanctions, que tous les passagers sont en possession des documents de voyage requis pour l’entrée dans l’État d’accueil.
150. Il faut cependant tenir compte de la réserve formulée à l’article 11, paragraphe 1 du protocole additionnel des Nations unies et rappelée au paragraphe 3 de cette disposition, selon laquelle ces obligations s’appliquent « sans préjudice des engagements internationaux relatifs à la libre circulation des personnes » auxquels les États sont parties.
151. Il faut également prendre en considération la déclaration formulée par l’Union lors de son adhésion au protocole additionnel des Nations unies le 6 septembre 2006, dans laquelle celle-ci a souligné « qu’elle est compétente pour arrêter des mesures relatives au franchissement des frontières extérieures des États membres, fixant les normes et les modalités de contrôle des personnes à ces frontières [...] [ainsi que] les mesures relevant de la politique d’immigration, relatives aux conditions d’entrée et de séjour, et les mesures de lutte contre l’immigration clandestine et le séjour irrégulier [...] ».
152. La République fédérale d’Allemagne étant un État partie à la CAAS et un État membre de l’Union, elle ne peut mettre en œuvre les obligations édictées à l’article 11, paragraphes 2 à 4, de ce protocole que pour autant que celles-ci sont compatibles avec les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, en particulier, les dispositions adoptées dans le cadre de la CAAS, de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946.
153. Dans ces circonstances, nous ne pensons pas que la République fédérale d’Allemagne puisse se référer en l’état aux termes du protocole additionnel des Nations unies afin d’asseoir la légalité de ces contrôles.
3. Les obligations incombant aux transporteurs en vertu de la directive 2001/51
154. En troisième et dernier lieu, la République fédérale d’Allemagne soutient que les termes de la directive 2001/51 et, en particulier, son considérant 4, autorisent les États membres à maintenir ou à introduire des contrôles tels que ceux mis en œuvre sur le fondement de l’article 63 de l’AufenthG.
155. La République fédérale d’Allemagne se méprend ici sur la portée de cette directive et, en particulier, de son considérant 4.
156. Conformément à son intitulé, la directive 2001/51 vise « à compléter les dispositions de l’article 26 de la [CAAS] ».
157. Aux termes de cet article 26, les Parties Contractantes doivent mettre à la charge des transporteurs de groupes qui assurent des liaisons routières internationales par autocar et qui, dans le cadre de ce service, amènent un étranger à la « frontière extérieure » (64), une obligation de contrôle des documents de voyage ainsi qu’une obligation de réacheminement, dont la violation doit être sanctionnée (65). Ces obligations constituent, ainsi que cela ressort de l’intitulé du chapitre 6 dans lesquelles elles s’insèrent, des « [m]esures d’accompagnement » de la suppression du contrôle des personnes aux frontières intérieures dont le principe est énoncé à l’article 2 de la CAAS.
158. Au considérant 4 de la directive 2001/51 – sur lequel se fonde la République fédérale d’Allemagne – le législateur de l’Union précise que cette directive n’affecte pas la liberté des États membres de maintenir ou d’introduire des mesures ou sanctions supplémentaires « pour les transporteurs, qu’ils soient visés ou non par la présente directive ». Selon la République fédérale d’Allemagne, un tel considérant autoriserait donc les États membres à maintenir ou à introduire des obligations de contrôle à l’égard des transporteurs qui acheminent par autocar des ressortissants de pays tiers aux frontières intérieures d’un État membre.
159. L’expression « qu’ils soient visés ou non par la présente directive » employée par le législateur de l’Union au considérant 4 de la directive 2001/51 est malheureuse, dans la mesure où, par sa généralité, elle introduit un élément d’incertitude dans un texte destiné à imposer des sanctions de nature pénale ou administrative aux transporteurs. Elle doit donc être interprétée de manière stricte, en tenant compte de l’objet et de l’économie de cette directive dans laquelle ce considérant s’insère.
160. S’agissant de l’objet de ladite directive, il est manifeste que celle-ci ne vise pas à modifier ou à étendre la portée des obligations de contrôle mises à la charge des transporteurs au-delà du champ d’application de ces obligations défini à l’article 26 de la CAAS. L’objet de la directive 2001/51, tel qu’il est expressément énoncé dans son intitulé et à son article 1er, est de compléter ces dispositions. Si les articles 2 et 3 de cette directive précisent les conditions d’application de l’obligation de réacheminement, les articles 4 et 5 de ladite directive se limitent à préciser la nature et le montant des sanctions applicables en cas de violation par les transporteurs de leur obligation de contrôle.
161. Le considérant 4 de la directive 2001/51 ne saurait donc être interprété comme ayant à lui seul un tel effet, sauf à clairement méconnaître le sens et la portée du texte dans lequel il s’insère et à priver de tout effet utile le principe de la suppression des contrôles aux frontières intérieures énoncé à l’article 3, paragraphe 2, TUE , à l’article 26, paragraphe 2, TFUE, et à l’article 67, paragraphe 2,TFUE, et prévu à l’article 20 du code frontières Schengen sur lequel cette directive repose.
162. S’agissant à présent de l’économie de la directive 2001/51, force est de constater que le principe établi à son considérant 4, selon lequel les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour introduire ou maintenir des mesures ou des sanctions supplémentaires à l’égard des transporteurs, est concrétisé, en partie seulement, à l’article 5 de cette directive, puisque le législateur se limite à évoquer les « transporteurs », en ne faisant aucunement mention de l’expression « qu’ils soient visés ou non par la présente directive ».
163. Compte tenu de ces éléments, nous pensons que les termes de la directive 2001/51 et, en particulier, de son considérant 4, ne peuvent être interprétés en ce sens qu’ils autorisent les États membres à maintenir ou à introduire des obligations de contrôle à l’égard des transporteurs de groupes qui acheminent, en assurant des liaisons routières internationales par autocar, des ressortissants de pays tiers aux frontières intérieures d’un État membre, sauf à clairement méconnaître l’objet de l’article 26 de la CAAS et les principes sur lesquels repose cette dernière.
164. Les mesures adoptées dans le cadre de l’article 26 de la CAAS, dont les modalités d’application sont précisées par la directive 2001/51, s’appliquent uniquement à l’occasion du franchissement des frontières extérieures.
VI. Conclusion
165. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) de la manière suivante :
1) Les contrôles qui doivent être effectués par des entreprises de transport par autocar offrant un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen et par lesquels celles-ci sont tenues de vérifier, avant le franchissement de la frontière intérieure, que les passagers sont en possession des documents de voyage requis aux fins de l’entrée sur le territoire national sont assimilables à des « vérifications aux frontières » au sens de l’article 20 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, tel que modifié par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013.
2) L’article 67, paragraphe 2, TFUE et l’article 20 du règlement n° 562/2006 s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exige des transporteurs qu’ils vérifient, avant le franchissement de la frontière, que les passagers sont en possession du passeport et du titre de séjour requis aux fins de l’entrée régulière sur le territoire national et qui menace ces transporteurs d’une astreinte en cas de manquement à cette obligation lorsque cette législation s’applique à des entreprises de transport par autocar qui offrent un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen.
3) Dans l’hypothèse où les autorités nationales compétentes constatent qu’une entreprise de transport par autocar qui offre un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen profite de son activité afin d’aider, d’une manière délibérée, des ressortissants de pays tiers à entrer illégalement sur le territoire de l’État membre de destination et jugent que les éléments tant matériels qu’intellectuels de l’infraction d’aide à l’entrée irrégulière sont, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/90/CE du Conseil, du 28 novembre 2002, définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, réunis, il leur appartient de prendre les mesures nécessaires pour assurer que cette infraction fasse l’objet d’une sanction pénale effective, proportionnée et dissuasive, conformément aux principes énoncés par la décision-cadre 2002/946/JAI du Conseil, du 28 novembre 2002, visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers.
1 Langue originale : le français.
2 Le « transporteur » doit ici être entendu comme « toute personne physique ou morale qui assure, à titre professionnel, le transport de personnes », ainsi que le législateur de l’Union le définit à l’article 2, point 14, du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (JO 2006, L 105, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (JO 2013, L 182, p. 1) (ci-après le « code frontières Schengen »). Le règlement n° 562/2006 a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2016, L 77, p. 1). Le règlement n° 562/2006 était applicable à la date des faits au principal.
3 BGBl. 2004 I, p. 1950, dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après l’« AufenthG »).
4 La mise en œuvre de cet article est précisée aux points 63.1 et 63.2 de l’Allgemeine Verwaltungsvorschrift zum Aufenthaltsgesetz (disposition administrative générale relative à la loi sur le séjour des étrangers), du 26 octobre 2009 (GMBl. 2009, p. 878, ci-après la « disposition administrative générale relative à l’AufenthG »).
5 Convention du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la « CAAS »).
6 Directive du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l’article 26 de la convention d’application de l’accord Schengen (JO 2001, L 187, p. 45).
7 Voir, à cet égard, l’analyse comparée de de Bruycker, P., « Rapport de synthèse concernant la transposition de la directive visant à compléter les dispositions de l’article 26 de la Convention d’Application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 », Actualité du droit européen de l’immigration et de l’asile, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 417 à 424, ainsi que celle du Réseau européen des migrations intitulée « Ad-Hoc Query on implementing Council Directive 2001/51/EC », du 13 décembre 2012, disponible à l’adresse Internet suivante : https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/networks/european_migration_network/reports/docs/ad-hoc-queries/eu-acquis/436_emn_ad-hoc_query_on_implementing_council_directive_200151ec_5november2012_wider_dissemination_en.pdf.
8 Ainsi que cela ressort de l’étude du Réseau européen des migrations, citée à la note en bas de page 7 des présentes conclusions la législation nationale en cause, comme, semble-t-il, beaucoup d’autres, ne distingue pas selon que les transporteurs acheminent les passagers depuis un État membre de l’espace Schengen ou depuis un État tiers.
9 Voir Labayle, H., « La suppression des contrôles aux frontières intérieures de l’Union », Les frontières de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2013, p. 19 à 53. L’auteur relève que « ce mouvement de suppression est à la base de l’une des réalisations les plus remarquables de l’Union [...], celle d’un “espace” ouvert à la libre circulation des personnes » (p. 19).
10 C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363.
11 C‑278/12 PPU, EU:C:2012:508.
12 C‑9/16, EU:C:2017:483.
13 Certains États membres exonèrent ainsi les entreprises de transport par autocar de l’amende prévue en cas de violation de leur obligation de contrôle lors du franchissement des frontières extérieures si elles justifient soit d’un contrôle à l’entrée sur le territoire d’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, soit d’un contrôle, par les services compétents, à l’entrée sur le territoire national.
14 Nous pensons qu’un tel dispositif est critiquable dans la mesure où il ne fait aucune distinction selon que le ressortissant de pays tiers dépourvu des documents de voyage requis est un clandestin ou un demandeur d’asile. Or, les mouvements migratoires secondaires incluent des personnes susceptibles de bénéficier d’une protection internationale. Si, en l’état actuel du droit de l’Union, les demandeurs d’asile sont censés déposer leur demande dans le premier État membre d’entrée, nombreux sont ceux qui se déplacent de manière irrégulière au sein de l’espace Schengen, estimant avoir plus de chances d’accéder au statut de réfugié dans un État membre particulier plutôt qu’un autre, dans la mesure où, malgré l’harmonisation réalisée, nous sommes encore dans un système d’asiles nationaux.
15 Directive du Conseil du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers (JO 2002, L 328, p. 17).
16 Décision-cadre du Conseil du 28 novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers (JO 2002, L 328, p. 1).
17 Ces mesures sont applicables sans préjudice de la protection accordée aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
18 Conformément à l’article 6 de la décision-cadre 2002/946, ce mécanisme est applicable sans préjudice de la protection accordée aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
19 Sous le chapitre 6, intitulé « Mesures d’accompagnement », l’article 27, paragraphe 1, de la CAAS exigeait que « [l]es Parties Contractantes s’engagent à instaurer des sanctions appropriées à l’encontre de quiconque aide ou tente d’aider, à des fins lucratives, un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d’une Partie Contractante en violation de la législation de cette Partie Contractante relative à l’entrée et au séjour des étrangers ».
20 Au considérant 2 de la directive 2002/90 et de la décision-cadre 2002/946, le législateur de l’Union a en effet indiqué qu’il convient « de s’attaquer à l’aide apportée à l’immigration clandestine, non seulement lorsqu’elle concerne le franchissement irrégulier de la frontière à proprement parler, mais aussi lorsqu’elle a pour but d’alimenter des réseaux d’exploitation des êtres humains », italique ajoutée par nos soins.
21 C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363.
22 C‑278/12 PPU, EU:C:2012:508.
23 C‑9/16, EU:C:2017:483.
24 BGBl. 1994 I, p. 2978.
25 Ce protocole a été approuvé, au nom de la Communauté européenne, par la décision 2006/616/CE du Conseil, du 24 juillet 2006, relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée en ce qui concerne les dispositions du protocole, dans la mesure où celles-ci relèvent des articles 179 et 181 A du traité instituant la Communauté européenne (JO 2006, L 262, p. 24), et par la décision 2006/617/CE du Conseil, du 24 juillet 2006, relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée en ce qui concerne les dispositions du protocole, dans la mesure où celles-ci relèvent de la troisième partie, titre IV, du traité instituant la Communauté européenne (JO 2006, L 262, p. 34) (ci-après le « protocole additionnel des Nations unies »).
26 L’article 2, point 8, de ce code définit les points de passage frontaliers comme les points de passage autorisés par les autorités compétentes pour le franchissement des frontières extérieures.
27 Voir, à cet égard, arrêts du 19 juillet 2012, Adil (C‑278/12 PPU, EU:C:2012:508, point 56 ainsi que jurisprudence citée), et du 21 juin 2017, A (C‑9/16, EU:C:2017:483, point 42).
28 Voir, à cet égard, considérant 5 et recommandation 1 de la recommandation de la Commission, du 12 mai 2017, relative à des contrôles de police proportionnés et à la coopération policière dans l’espace Schengen [C(2017) 3349 final].
29 Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).
30 Ce critère a été employé par la Cour au point 72 de l’arrêt du 7 juin 2016, Affum (C‑47/15, EU:C:2016:408), au sujet de l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115. Cette disposition précise que l’arrestation ou l’interception des ressortissants de pays tiers concernés doit avoir lieu à « l’occasion du franchissement irrégulier » d’une frontière extérieure. Selon la Cour, ces termes impliqueraient un lien temporel et spatial direct avec le franchissement de la frontière, ce qui viserait les ressortissants de pays tiers qui ont été arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes au moment même du franchissement irrégulier de la frontière extérieure ou après ce franchissement dans la proximité de cette frontière.
31 Italique ajouté par nos soins.
32 Voir, à cet égard, Lantero, C., « La politique de sanction des transporteurs », Les flux migratoires au sein de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2017, p. 265 à 281, qui évoque des « dispositifs de non-entrée » (p. 265), Cuttitta, P., « Le monde frontière. Le contrôle de l’immigration dans l’espace globalisé », Cultures et conflits, OpenEdition, Marseille, 2007, n° 68, p. 61 à 84, qui parle, quant à lui, d’une « flexibilisation [...] de la frontière à travers la délocalisation des contrôles » (p. 69), Guiraudon, V., « Logiques et pratiques de l’État délégateur : les compagnies de transport dans le contrôle migratoire à distance, parties 1 et 2 », Cultures et conflits, OpenEdition, Marseille, 2002, n° 45, p. 51 à 79, et Rossetto, J., « Le contrôle de l’immigration », Les frontières de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2013, p. 111 à 129, en particulier, p. 121.
33 Voir Cruz, A., Nouveaux contrôleurs d’immigration : transporteurs menacés de sanctions, L’Harmattan, Paris, 1995.
34 Voir, à cet égard, outre les ouvrages et les articles déjà cités, Carlier, J.-Y., « Les transporteurs, nouveaux contrôleurs des migrations internationales ? À propos des sanctions à charge des transporteurs qui prennent à leur bord des personnes non munies des documents requis pour leur entrée dans le pays de destination », Liber amicorum Jacques Putzeys, études de droit des transports, Bruylant, Bruxelles, 1996, p. 15 à 35, Dumas, P., L’accès des ressortissants de pays tiers au territoire des États membres de l’Union européenne, thèse pour le doctorat public soutenue en 2010, Bruylant, Bruxelles, 2013, p. 220 et suiv., et Le Bourhis, K., Les transporteurs et le contrôle des flux migratoires, L’Harmattan, Paris, 2001, p. 61.
35 Directive du Conseil du 29 avril 2004 concernant l’obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers (JO 2004, L 261, p. 24).
36 Règlement du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d’un système d’entrée/de sortie (EES) pour enregistrer les données relatives aux entrées, aux sorties et aux refus d’entrée concernant les ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures des États membres et portant détermination des conditions d’accès à l’EES à des fins répressives, et modifiant la convention d’application de l’accord Schengen et les règlements (CE) n° 767/2008 et (UE) n° 1077/2011 (JO 2017, L 327, p. 20).
37 Sur la base de ces données, le service Internet leur transmet alors une réponse « OK/NOT OK ». Les transporteurs peuvent conserver les informations transmises ainsi que la réponse et doivent mettre en place un dispositif d’authentification afin de garantir que seul le personnel autorisé ait accès à ce service.
38 Ministère de l’Intérieur, « Rapport au Parlement : responsabilité des transporteurs. L’application de la loi n° 92-190 du 26 février 1992 du 1er mars 1993 au 31 décembre 1995 », Direction des Libertés publiques et de l’action judiciaire, Paris, 1996.
39 Garcia Coso, E., « Spain – Report on the transposition of the Directive supplementing Article 26 of the Schengen Convention », Actualité du droit européen de l’immigration et de l’asile, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 481 à 485, en particulier p. 484.
40 Voir décision n° 92-307 du Conseil constitutionnel (France), du 25 février 1992, sur la loi portant modification de l’ordonnance n° 45-2658, du 2 novembre 1945, modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France (considérant 32).
41 Voir, à cet égard, Lochak, D., « Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel du 25 février 1992 (Entrée et séjour des étrangers) », Journal du droit international (Clunet), LexisNexis, Paris, juillet 1992, p. 669 à 692, en particulier p. 690, et Dumas, P., op. cit., en particulier p. 224.
42 Si nous l’appliquons ici par analogie aux frontières intérieures.
43 Compte tenu de l’interprétation que nous proposons à la Cour de retenir, nous ne répondrons pas aux sous-questions posées par la juridiction de renvoi relatives à l’interprétation de l’article 21, sous a) et b), du code frontières Schengen.
44 C‑9/16, EU:C:2017:483.
45 Recommandation citée à la note en bas de page 28 des présentes conclusions.
46 Voir considérant 1 de cette recommandation.
47 Voir considérant 6 de ladite recommandation.
48 Dans sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/399 en ce qui concerne les règles applicables à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures [COM(2017) 571 final], la Commission rappelle au point 1 que, en raison de la crise migratoire et des attentats terroristes, le contrôle aux frontières intérieures, dont le code frontières Schengen a posé le principe et arrêté les modalités, a été réintroduit et prolongé une cinquantaine de fois depuis le mois de septembre 2015, soit pour cause de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure (article 25 de ce code), soit pour causes de circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global de l’espace Schengen (article 26 dudit code).
49 Voir proposition citée à la note en bas de page précédente.
50 Parmi ces mesures, que la Commission énumère dans sa communication au Parlement européen et au Conseil intitulée « Préserver et renforcer Schengen » [COM(2017) 570 final], figurent, en particulier, le nouveau règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), la création des zones d’urgence migratoire et l’instauration, en réponse aux menaces terroristes, de vérifications systématiques dans les bases de données pertinentes aux frontières extérieures pour tous les voyageurs, y compris les citoyens de l’Union (p. 5 à 7).
51 Cette disposition figure en des termes identiques à l’article 15 du règlement 2016/399, lequel a remplacé le code frontières Schengen applicable aux faits du litige au principal.
52 En langue de procédure : « in Übereinstimmung und in Umsetzung ».
53 Ces dispositions ont été examinées par la Cour dans le cadre de l’arrêt du 10 avril 2012, Vo (C‑83/12 PPU, EU:C:2012:202).
54 Voir leur considérant 5.
55 Voir note d’information du Parlement européen intitulée « Lutter contre le trafic de migrants vers l’Union européenne, principaux instruments », avril 2016, disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2016/581391/EPRS_BRI%282016%29581391_FR.pdf (p. 2, 6 et 14).
56 Italique ajouté par nos soins.
57 Le marché du trafic illicite est extrêmement flexible, les acteurs adaptant leurs stratégies en fonction du renforcement des législations nationales et des contrôles à la frontière.
58 Voir considérant 3 de cette directive et de cette décision-cadre.
59 En vertu de l’article 3 de cette directive, cette infraction doit faire l’objet de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, dont la nature et le montant sont déterminés à l’article 1er de la décision-cadre 2002/946.
60 « Le trafic des migrants est un problème complexe et le modus operandi des passeurs est souvent très souple et changeant. Il importe donc de s’attaquer à ce phénomène en adoptant une approche globale », note d’information du Parlement européen citée à la note en bas de page 55 des présentes conclusions (p. 14).
61 L’infraction définie à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2002/90 tend à réprimer les réseaux de passeurs à but lucratif, comme son prédécesseur l’article 27 de la CAAS.
62 Le Réseau européen des migrations a souligné que ces acteurs se trouvent tant dans des pays tiers que dans des États membres de l’Union où ils facilitent les déplacements secondaires. Au sein de l’Union, les facilitateurs sont le plus souvent de la nationalité du pays de transit ou de destination, voir l’« Étude sur le trafic illicite de migrants, caractéristiques, réponses et coopération avec les pays tiers, synthèse générale, septembre 2015 », disponible à l’adresse Internet suivante : https://emnbelgium.be/sites/default/files/publications/study_on_smuggling_of_migrants_executive_summary_french_091115_pdf.pdf (point 1.3.2).
63 Le trafic illicite de migrants constitue une infraction pénale au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous a), du protocole additionnel des Nations unies. Aux termes de l’article 3, sous a), de ce protocole, cette infraction est définie dans ses éléments tant matériels qu’intellectuels comme le fait d’assurer intentionnellement et pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État partie d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État.
64 Voir paragraphe 1, sous a), de cet article, italique ajouté par nos soins.
65 Voir nouvelles dispositions prévues dans le cadre du règlement 2017/2226, en particulier son considérant 16 et son article 13, paragraphe 3.
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