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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Saras Energia (Energy - Opinion) French Text [2018] EUECJ C-561/16_O (12 April 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C56116_O.html Cite as: EU:C:2018:236, [2018] EUECJ C-561/16_O, ECLI:EU:C:2018:236 |
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Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL Mme
JULIANE KOKOTT
présentées le 12 avril 2018 (1)
Affaire C‑561/16
Saras Energía SA e. a.
contre
Administración del Estado
(demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo [Cour suprême, Espagne])
« Demande de décision préjudicielle – Directive 2012/27/UE – Promotion de l’efficacité énergétique – Mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique – Autres mesures de politique publique – Fonds national pour l’efficacité énergétique – Obligation de contribution – Distributeurs d’énergie et/ou entreprises de vente d’énergie au détail obligés – Motivation »
I. Introduction
1. La protection du climat ne se réalise pas seulement moyennant la transition vers des sources renouvelables d’approvisionnement énergétique, mais également grâce aux économies d’énergie. C’est pourquoi, – entre autre motifs – l’Union s’est donné pour objectif de réaliser 20 % d’économies d’énergie d’ici l’année 2020. La directive sur efficacité énergétique (2) est censée y contribuer.
2. Un des instruments pour réaliser des économies d’énergie est constitué par l’introduction, prévue à l’article 7, paragraphe 1 de la directive sur l’efficacité énergétique, d’objectifs d’économies pour les distributeurs d’énergie et/ou les entreprises de vente d’énergie au détail. La présente demande de décision préjudicielle tire son origine de la transposition de cette directive, en Espagne, sur ce point.
3. En l’espèce, deux questions sont soulevées essentiellement, à savoir, en premier lieu, si la directive sur l’efficacité énergétique permet de soumettre les entreprises à l’obligation de verser des contributions à un fonds pour la réalisation d’économies d’énergie sans leur donner la possibilité de réaliser elles-mêmes, en lieu et place, les économies d’énergie correspondantes, et, en deuxième lieu, quelles sont les entreprises susceptibles d’être soumises à une telle obligation, et quelle est la motivation du choix de celles-ci.
II. Le cadre juridique
A. Droit de l’Union
4. Certaines notions définies à l’article 2 de la directive sur l’efficacité énergétique sont pertinentes aux fins de la présentes affaire :
Aux fins de la présente directive, on entend par :
[…]
14) « partie obligée », un distributeur d’énergie ou une entreprise de vente d’énergie au détail qui est lié par les mécanismes nationaux d’obligations en matière d’efficacité énergétique visés à l’article 7 ;
[…]
18) « mesure de politique publique », un instrument réglementaire, financier, fiscal ou volontaire ou un moyen d’information formellement établi et mis en œuvre dans un État membre pour créer un environnement propice ou instaurer des exigences ou des incitations conduisant les acteurs du marché à fournir et à acheter des services énergétiques ou à prendre d’autres mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique ;
[…]
20) « distributeur d’énergie », une personne physique ou morale, y compris un gestionnaire de réseau de distribution, responsable du transport de l’énergie en vue de sa livraison aux clients finals ou aux stations de distribution qui vendent de l’énergie aux clients finals ;
[…]
22) « entreprise de vente d’énergie au détail », une personne physique ou morale qui vend de l’énergie aux clients finals ;
[…]
5. L’article 7 de la directive sur l’efficacité énergétique régit le mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique qui est à la base du présent litige :
« 1. Chaque État membre établit un mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique. Ce mécanisme assure que les distributeurs d’énergie et/ou les entreprises de vente d’énergie au détail qui sont désignés comme parties obligées au titre du paragraphe 4 et exerçant leurs activités sur le territoire de chaque État membre atteignent, d’ici au 31 décembre 2020, un objectif cumulé d’économies d’énergie au stade de l’utilisation finale, sans préjudice du paragraphe 2.
[…]
2. […]
3. […]
4. Sans préjudice du calcul des économies d’énergie pour l’objectif conformément au paragraphe 1, deuxième alinéa, chaque État membre désigne, aux fins du paragraphe 1, premier alinéa, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, des parties obligées parmi les distributeurs d’énergie et/ou les entreprises de vente d’énergie au détail exerçant leurs activités sur son territoire ; il peut inclure les distributeurs de carburants destinés aux transports et/ou les entreprises de vente au détail de carburants destinés aux transports exerçant leurs activités sur son territoire. Les parties obligées réalisent le volume d’économies d’énergie nécessaire pour satisfaire à leur obligation auprès des clients finals, désignés, comme il convient, par l’État membre, […].
5. – 8. […]
9. Comme alternative à l’établissement d’un mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique au titre du paragraphe 1, les États membres peuvent adopter d’autres mesures de politique publique pour réaliser des économies d’énergie auprès des clients finals, pour autant que ces mesures de politique publique satisfassent aux critères énoncés aux paragraphes 10 et 11. Le volume annuel d’économies d’énergie nouvelles réalisées grâce à cette approche équivaut au volume de nouvelles économies d’énergie imposées aux paragraphes 1, 2 et 3. Pour autant que cette équivalence soit assurée, les États membres peuvent combiner les mécanismes d’obligations avec d’autres mesures de politique publique, y compris des programmes nationaux en matière d’efficacité énergétique.
Les mesures de politique publique visées au premier alinéa peuvent comprendre les mesures de politique publique suivantes, ou une combinaison d’entre elles, sans que cette liste soit exhaustive :
a) des taxes sur l’énergie ou sur le CO2 ayant pour effet de réduire la consommation finale d’énergie ;
b) des mécanismes, des instruments de financement ou des incitations fiscales conduisant à la mise en œuvre de technologies ou de techniques présentant une bonne efficacité énergétique et ayant pour effet de réduire la consommation finale d’énergie ;
c) des dispositions réglementaires ou des accords volontaires conduisant à la mise en œuvre de technologies ou de techniques présentant une bonne efficacité énergétique et ayant pour effet de réduire la consommation finale d’énergie ;
d) des normes et des standards visant à améliorer l’efficacité énergétique des produits et des services, y compris des bâtiments et des véhicules, à l’exclusion des cas dans lesquels elles sont contraignantes et applicables dans les États membres en vertu du droit de l’Union ;
e) des systèmes d’étiquetage énergétique, à l’exclusion de ceux qui sont contraignants et applicables dans les États membres en vertu du droit de l’Union ;
f) des programmes d’éducation et de formation, y compris les programmes de conseil en matière énergétique, conduisant à la mise en œuvre de technologies ou de techniques présentant une bonne efficacité énergétique et ayant pour effet de réduire la consommation finale d’énergie.
Les États membres notifient à la Commission, au plus tard le 5 décembre 2013, les mesures de politique publique qu’ils prévoient d’adopter aux fins du premier alinéa et de l’article 20, paragraphe 6, selon le cadre énoncé à l’annexe V, point 4), en indiquant de quelle manière ils comptent réaliser le volume d’économies demandé. Dans le cas des mesures de politique publique visées au deuxième alinéa et à l’article 20, paragraphe 6, la notification démontre de quelle manière les critères visés au paragraphe 10 sont remplis. Dans le cas de mesures de politique publique autres que celles visées au deuxième alinéa ou à l’article 20, paragraphe 6, les États membres expliquent de quelle manière un niveau équivalent d’économies, de suivi et de vérification est atteint. La Commission peut suggérer des modifications dans un délai de trois mois suivant la notification. »
6. La création d’un fonds pour l’efficacité énergétique est prévue à l’article 20, paragraphe 4, de la directive sur l’efficacité énergétique :
« 4. Les États membres peuvent créer un Fonds national pour l’efficacité énergétique. Ce fonds a pour finalité de soutenir les initiatives nationales en matière d’efficacité énergétique. »
7. Le financement par des entreprises soumises à l’obligation de réaliser des économies d’énergie est évoqué à l’article 20, paragraphe 6 de la directive sur l’efficacité énergétique :
« 6. Les États membres peuvent prévoir que les parties obligées peuvent satisfaire aux obligations leur incombant en vertu de l’article 7, paragraphe 1, en versant annuellement à un Fonds national pour l’efficacité énergétique un montant égal aux investissements requis pour remplir lesdites obligations. »
8. Actuellement le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen examinent une proposition de la Commission européenne de modification de la directive sur l’efficacité énergétique (3).
B. Le droit espagnol
9. L’article 69 de la loi no 18/2014, du 15 octobre 2014, portant approbation de mesures urgentes pour la croissance, la compétitivité et l’efficacité (Ley 18/2014, de 15 de octubre, de aprobación de medidas urgentes para el crecimiento, la competitividad y la eficiencia) a introduit, conformément à l’article 7 de la directive sur l’efficacité énergétique, un mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique destiné, pour ce qui concerne l’électricité et le gaz, aux entreprises de commercialisation, qui se voient attribuer « un quota annuel d’économie d’énergie au niveau national, dénommé obligations d’économie ».
10. L’article 71, paragraphe 1, de la loi no 18/2014 prévoit, en tant que modalité principale d’exécution des obligations d’économie annuelles, le versement d’une contribution financière annuelle au Fonds national pour l’efficacité énergétique, lequel est créé, conformément à l’article 20, paragraphe 4, de la directive sur l’efficacité énergétique, par l’article 72 de la loi no 18/2014. Ce n’est qu’à titre d’alternative que l’article 71, au paragraphe 2, prévoit la possibilité, pour le gouvernement, d’établir un mécanisme de validation de la réalisation d’économies d’énergie effectives. Le gouvernement n’a pas fait usage, à ce jour, de cette possibilité réglementaire qui lui était ouverte.
11. En revanche, l’arrêté IET/289/2015, du 20 février 2015, établissant les obligations de contribution au Fonds national pour l’efficacité énergétique pour l’année 2015 a établi les conditions de prélèvement des contributions.
III. Les faits à l’origine du litige et la demande de décision préjudicielle
12. Saras Energía SA, une entreprise espagnole du secteur de l’énergie, a formé un recours devant le Tribunal Supremo, la Cour suprême espagnole, dirigé contre l’arrêté IET/289/2015. Dans ce contexte, elle a fait valoir que l’arrêté en cause serait contraire à la directive sur l’efficacité énergétique à deux égards, à savoir, d’une part, en ce qu’il l’obligerait à remplir les obligations d’économie d’énergie par une contribution à un fonds pour l’efficacité énergétique sans pouvoir le faire par la mise en place de mesures d’économie, et, d’autre part, en ce qu’il n’imposerait une telle obligation de contribution qu’aux entreprises de commerce de gaz et d’électricité ainsi qu’aux grossistes en produits pétroliers et en gaz de pétrole liquéfié, à l’exclusion des entreprises de distribution de gaz et d’électricité et de vente au détail de produits pétroliers et de gaz de pétrole liquéfié.
13. Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a donc ordonné, le 25 octobre 2016, de saisir la Cour de justice d’une demande de décision préjudicielle, parvenue le 7 novembre 2016, portant sur les questions suivantes :
1) La règlementation d’un État membre qui établit un mécanisme national d’obligations en matière d’efficacité énergétique dont le mode principal d’exécution consiste en une contribution financière annuelle à un fonds national pour l’efficacité énergétique créé en vertu de l’article 20, paragraphe 4, de la directive [sur l’efficacité énergétique] est-elle conforme à l’article 7, paragraphes 1 et 9, de cette directive ?
2) Une règlementation nationale qui, en tant qu’alternative à la contribution financière à un fonds national pour l’efficacité énergétique, prévoit la possibilité de remplir les obligations d’économie d’énergie par la validation de l’économie réalisée, est-elle conforme aux articles 7, paragraphe 1, et 20, paragraphe 6, de la directive [sur l’efficacité énergétique] ?
3) En cas de réponse affirmative à la question précédente, est-il conforme aux articles 7, paragraphe 1, et 20, paragraphe 6, de la directive [sur l’efficacité énergétique], de prévoir une telle possibilité alternative de remplir les obligations d’économie d’énergie lorsque l’existence effective de cette alternative dépend de sa mise en œuvre, par voie règlementaire, laissée à la discrétion du gouvernement ?
Dans cet ordre d’idées, une telle règlementation est-elle conforme lorsque le gouvernement ne met pas en œuvre cette possibilité alternative ?
4) Un mécanisme national qui ne considère comme parties obligées aux obligations d’économie d’énergie que les négociants en gaz et en électricité ainsi que les grossistes en produits pétroliers et en gaz de pétrole liquéfié, mais non les distributeurs de gaz et d’électricité ni les entreprises de vente au détail de produits pétroliers et de gaz de pétrole liquéfié, est-il conforme à l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive [sur l’efficacité énergétique] ?
5) En cas de réponse affirmative à la question précédente, est-il conforme à l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive [sur l’efficacité énergétique], de désigner comme parties obligées les négociants en gaz et en électricité ainsi que les grossistes en produits pétroliers et en gaz de pétrole liquéfié, sans déterminer les raisons qui ont conduit à ne pas désigner en cette qualité les distributeurs de gaz et d’électricité ni les entreprises de vente au détail de produits pétroliers et de gaz de pétrole liquéfié ?
14. Le 24 janvier, le 21 février et le 15 mars 2017, la Cour de justice a reçu trois décisions du Tribunal Supremo par lesquelles ce dernier nommait Endesa, S.A., Endesa Energía, S.A., et Endesa Energía XXI, S.L.U., Viesgo Infraestructuras Energéticas, S.L., Hidroeléctrica del Cantábrico, S.A.U., Nexus Energía, S.A., et Nexus Renovables, S.L.U., Engie España, S.L., Villar Mir Energía, S.L., et Enérgya VM Gestión de Energía, S.L.U., Estaciones de Servicio de Guipúzcoa, S.A., Acciona Green Energy Developments, S.L.U., ainsi que la Fortia Energía, S.L., en tant qu’autres parties à la procédure au principal.
15. Dans la procédure devant la Cour de justice, ont présenté des observations écrites Acciona Green Energy Developments, Endesa, Engie España, Fortia Energía, Saras Energía, S.A., Viesgo Infraestructuras Energéticas ainsi que Villar Mir Energía et Enérgya VM Gestión de Energía en tant que parties à la procédure au principal, ainsi que le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume d’Espagne et la Commission européenne. Les mémoires de Nexus Energía et Nexus Renovables, ainsi que de Estaciones de Servicio de Guipúzcoa sont parvenues à la Cour de justice seulement après expiration des délais prévus et ont dès lors été rejetés comme tardifs. À l’audience du 7 mars 2018, sont intervenues les mêmes parties que dans la procédure écrite, à l’exception d’Endesa, Fortia Energía et du Luxembourg.
IV. Appréciation juridique
16. La présente demande de décision préjudicielle porte sur deux problématiques, à savoir, d’une part, la compatibilité d’une obligation de contribution à laquelle on ne peut se soustraire avec la directive sur l’efficacité énergétique (point B) et, d’autre part, le choix des entreprises obligées (point C). Il convient toutefois de se pencher, tout d’abord, sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle (point A).
A. La recevabilité de la demande de décision préjudicielle
1. Sur les objections de l’Espagne
17. Le Royaume d’Espagne a excipé, à l’audience, de l’irrecevabilité des quatrième et cinquième questions, dans la mesure où elles excèdent les limites du secteur des produits pétroliers. En effet, la procédure au principal initiée par Saras Energía ne porterait que sur les produits pétroliers. Les entreprises des autres secteurs mentionnés dans les questions, à savoir le gaz, le gaz de pétrole liquéfié et l’électricité, n’auraient été admises dans la procédure qu’en qualité de parties intervenantes en soutien de Saras Energía et ne sauraient élargir l’objet du litige.
18. Cependant, il n’est pas nécessaire de déclarer irrecevables des parties de la demande de décision préjudicielle pour les motifs invoquées par le Royaume d’Espagne. En effet, ni les questions ni leur motivation ne contiennent d’informations susceptibles d’opérer une distinction entre les différents secteurs. Par conséquent, la quatrième question doit être comprise comme étant celle de savoir s’il est conforme à l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive sur l’efficacité énergétique, d’imposer des obligations en matière d’efficacité énergétique seulement à certaines entreprises de la chaîne de distribution correspondante, mais pas à d’autres entreprises de la même chaîne de distribution. La cinquième question tend, quant à elle, à clarifier si l’État membre est tenu de motiver le choix des entreprises obligées.
2. Sur la pertinence de la demande de décision préjudicielle dans son ensemble
19. Des doutes quant à la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle pourraient toutefois surgir au regard du fait que la directive sur l’efficacité énergétique n’interdit pas d’obliger certaines entreprises à verser des contributions à un fonds, mais, bien au contraire, elle oblige les États membres à adopter des mesures en vue de réaliser certaines économies d’énergie. Par conséquent, des entreprises soumises à une obligation de contribution ne sauraient opposer ladite directive à une telle obligation. On pourrait alors se demander si la réponse à demande de décision préjudicielle n’est pas sans pertinence aux fins de la décision dans la procédure au principal et si la demande de décision préjudicielle n’est pas, dès lors, irrecevable.
20. Une analyse attentive ne fait toutefois pas apparaître l’absence de pertinence de la présente demande de décision préjudicielle. En effet, il ressort de cette dernière que les entreprises concernées ne s’opposent pas directement à l’obligation de contribution, mais font valoir l’illicéité de la réglementation dont découle l’obligation de contribution en question. La réglementation en cause vise à transposer la directive sur l’efficacité énergétique et il est loin d’être impensable que l’on puisse agir en vertu du droit interne à l’encontre de réglementations de transposition au motif qu’elles ne satisferaient pas les exigences de la directive à transposer.
21. Toutefois, il est opportun de préciser que la protection juridictionnelle interne contre une transposition insuffisante du droit de l’Union ne saurait aboutir à une transposition encore moins bonne (4). On peut ainsi imaginer que l’annulation d’une réglementation qui transpose une directive seulement partiellement, et donc de manière insuffisante, vienne aggraver la situation au regard des objectifs de la directive. En effet, une transposition insuffisante est davantage susceptible de s’approcher de tels objectifs que l’absence de toute transposition.
22. Eu égard à ces considérations, nous apprécierons ci-dessous, en suivant la formulation des questions préjudicielles, si des réglementations sur le modèle des dispositions espagnoles litigieuses opèrent la transposition de la directive sur l’efficacité énergétique, et sont donc conformes à celle-ci, et non si la directive s’oppose à ces réglementations nationales.
B. Sur la renonciation à l’exécution directement des obligations d’économie d’énergie
23. Par les trois premières questions, auxquelles il convient de répondre conjointement à la lumière du litige au principal, le Tribunal Supremo souhaite savoir si le fait d’obliger certaines entreprises à atteindre des objectifs d’économies d’énergie, mais de ne leur permettre de remplir ces obligations que moyennant des contributions à un fonds étatique pour les économies d’énergie, est conforme à l’article 7, paragraphes 1 et 9, et à l’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique. Un aspect accessoire de cette problématique est constitué par l’option, prévue par la réglementation et consistant à donner, dans le futur, aux entreprises obligées, la possibilité d’atteindre les objectifs d’économies d’énergie elles-mêmes, en lieu et place de la contribution, option qui est toutefois laissée à l’appréciation des autorités espagnoles.
24. L’article 7 de la directive sur l’efficacité énergétique impose aux États membres deux obligations distinctes. En premier lieu, ils doivent atteindre un certain résultat (« obligation de résultat »(*)), à savoir réaliser des économies déterminées dans la vente d’énergie primaire à des clients finals d’ici l’année 2020. En deuxième lieu, les États membres doivent adopter des réglementations déterminées concernant les moyens par lesquels ils sont censés atteindre ce résultat (« obligation de moyens »(*)).
25. Les questions qui nous occupent portent sur cette deuxième obligation des États membres. À cet égard, la directive sur l’efficacité énergétique mentionne différentes mesures permettant d’atteindre les objectifs d’économies d’énergie.
26. En principe, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur l’efficacité énergétique, les États membres doivent imposer à certaines entreprises du secteur de l’énergie d’atteindre les objectifs d’économie d’énergie. Dans ce contexte, il est laissé à ces entreprises le choix de la manière d’atteindre lesdits objectifs. Il ressort toutefois de l’économie générale de la directive, et notamment des considérants 20 et 47, ou de l’article 8, que l’Union considère que des mesures telles que la promotion d’audits énergétiques (afin de déterminer les économies potentielles) ou la création d’un marché de services énergétiques (comme alternative à la vente d’énergie) sont propres à contribuer la réalisation des économies nécessaires.
27. En outre, les États membres peuvent, en vertu de l’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique, permettre aux entreprises obligées de respecter leurs obligations au titre de l’article 7, paragraphe 1, moyennant des contributions au fonds national pour l’efficacité énergétique.
28. Enfin, en vertu de l’article 7, paragraphe 9, de la directive sur l’efficacité énergétique, les États membres peuvent choisir, comme alternative à l’établissement d’un mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique, d’adopter d’autres mesures de politique publique pour réaliser les économies d’énergie correspondantes auprès des clients finals.
29. À l’évidence, l’obligation faite aux entreprises du secteur de l’énergie de verser des contributions à un fonds pour l’efficacité énergétique, sans la possibilité d’atteindre, à la place, les objectifs d’économie d’énergie, n’est pas conforme à l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur l’efficacité énergétique.
30. Il y a lieu, dès lors, d’apprécier si cette disposition est conforme à l’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique ou si elle peut constituer une mesure au sens de l’article 7, paragraphe 9.
1. Sur l’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique
31. En vertu de l’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique, les États membres ont le droit de prévoir que les parties obligées peuvent satisfaire aux obligations leur incombant en vertu de l’article 7, paragraphe 1, en versant annuellement à un Fonds national pour l’efficacité énergétique un montant égal aux investissements requis pour remplir lesdites obligations.
32. Cette option réglementaire ne prévoit pas l’obligation, sans aucune alternative, de verser une contribution financière, mais simplement la possibilité d’une telle contribution. Elle suppose, en outre, l’existence d’obligations au titre de l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur l’efficacité énergétique. De telles obligations relèveraient des mécanismes d’obligations en matière d’efficacité énergétique en vertu desquels les entreprises concernées doivent atteindre un objectif d’économie d’énergie.
33. L’article 20, paragraphe 6, repose ainsi sur la supposition que les entreprises obligées puissent, à tout le moins théoriquement, réaliser les économies nécessaires au lieu de verser la contribution.
34. Les entreprises parties à la procédure estiment donc à juste titre qu’une obligation de contribution sans possibilité de réaliser des économies en alternative n’est pas conforme à l’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique.
2. Sur l’article 7, paragraphe 9, de la directive sur l’efficacité énergétique
35. Pour ces motifs, l’obligation litigieuse de contribution sans alternative n’est conforme à la directive sur l’efficacité énergétique que si elle peut être considérée comme une autre mesure de politique publique au sens de l’article 7, paragraphe 9, de la directive sur l’efficacité énergétique.
a) Ce qui relève de l’article 7, paragraphe 9, de la directive sur l’efficacité énergétique
36. Comme nous le disions, l’article 7, paragraphe 9, de la directive sur l’efficacité énergétique permet aux États membres d’adopter, comme alternative à l’établissement d’un mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur l’efficacité énergétique, d’autres mesures de politique publique pour réaliser des économies d’énergie auprès des clients finals.
37. L’article 2, point 18, de la directive sur l’efficacité énergétique définit les mesures de politique publique comme un instrument réglementaire, financier, fiscal ou volontaire ou un moyen d’information formellement établi et mis en œuvre dans un État membre pour créer un environnement propice ou instaurer des exigences ou des incitations conduisant les acteurs du marché à fournir et à acheter des services énergétiques ou à prendre d’autres mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique. L’obligation de contribution sans alternative fait partie d’un instrument financier pour créer un environnement propice ou instaurer des incitations. En effet, il convient de partir du principe que les moyens du fonds pour l’efficacité énergétique seront employés à la promotion de mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique.
38. Ainsi, l’obligation de contribution en cause relève de l’article 7, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous b), de la directive sur l’efficacité énergétique, lequel cite les instruments de financement conduisant à la mise en œuvre de technologies ou de techniques présentant une bonne efficacité énergétique et ayant pour effet de réduire la consommation finale d’énergie comme exemples d’autres mesures de politique publique.
b) L’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique ne constitue pas une lex specialis
39. Le Tribunal Supremo et différentes entreprises intervenantes sont cependant d’avis que l’incompatibilité d’une obligation de contribution sans alternative avec l’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique, exclurait également qu’elle puisse être fondée sur l’article 7, paragraphe 9. Cela supposerait que l’article 20, paragraphe 6, constitue une disposition spéciale exhaustive concernant les contributions des entreprises obligées.
40. Or, il ressort de l’article 7, paragraphe 9, troisième alinéa, de la directive sur l’efficacité énergétique, que les mesures au titre de l’article 7, paragraphe 9, et de l’article 20, paragraphe 6, ne s’excluent pas mutuellement, mais peuvent être prises concomitamment. En effet, en vertu de cette disposition, les États membres doivent notifier à la Commission les mesures qu’ils adoptent au titre de ces dernières dispositions.
41. De la même manière, l’objectif de l’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique, ne conduit pas à considérer cette disposition comme une lex specialis par rapport à l’article 7, paragraphe 9. L’article 20 régit différentes possibilités de financement de mesures d’économie d’énergie. Comme le confirme également le considérant 50, l’imposition de contributions comme alternative à des mesures d’économie d’énergie au titre de l’article 20, paragraphe 6, ne constitue qu’une source de financement potentielle parmi d’autres. En particulier, il n’apparaît nullement que les sources de financement mentionnées à l’article 20 le sont de manière exhaustive.
42. Enfin, une telle spécialité contredirait l’objectif de l’article 7, paragraphe 9, de la directive sur l’efficacité énergétique. Comme maintes autres dispositions de l’article 7, celle-ci est censée offrir aux États membres, conformément au considérant 20, une grande flexibilité dans la poursuite des objectifs contraignants d’économie d’énergie. Ils doivent tenir pleinement compte de l’organisation nationale des acteurs du marché, du contexte spécifique du secteur de l’énergie et des habitudes des clients finals. Une telle flexibilité était déjà prévue par la précédente directive (5), et il est question de la renforcer encore davantage dans le cadre de la procédure de modification de la directive actuellement en cours (6). Il serait contraire à l’objectif de flexibilité que d’exclure une mesure spécifique, comme la contribution sans alternative à un fonds, du nombre des autres mesures de politique publique au sens de l’article 7, paragraphe 9.
43. Pour ces motifs, l’article 20, paragraphe 6, ne s’oppose pas au fait de fonder une obligation de contribution sur l’article 7, paragraphe 9.
c) Sur la réalisation directe d’économies d’énergie
44. Le Tribunal Supremo soulève cependant des doutes quant à l’applicabilité de l’article 7, paragraphe 9, de directive sur l’efficacité énergétique, au motif que les mesures mentionnées à titre d’exemple au deuxième alinéa entraîneraient directement des économies d’énergie. Il n’en irait pas de même des contributions à un fonds pour l’efficacité énergétique.
45. Le Tribunal Supremo méconnaît toutefois que l’obligation de contribution sans alternative fait partie d’un mécanisme de financement au sens de l’article 7, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous b), de la directive sur l’efficacité énergétique et que ledit mécanisme est censé entraîner des économies d’énergie.
46. Indépendamment de cela, l’article 7, paragraphe 9, premier alinéa, première phrase, de la directive sur l’efficacité énergétique est formulé de telle manière que d’autres mesures de politique publique ne doivent pas nécessairement entraîner directement des économies d’énergie. En effet, selon cette disposition, ces mesures doivent simplement « réaliser des économies d’énergie auprès des clients finals ». Cela comprend les économies d’énergie réalisées indirectement.
47. Dans la pratique également, il semblerait difficile, pour ne pas dire impossible, de distinguer quelles mesures donnent lieu directement à des économies d’énergie et quelles mesures ne déploient de tels effets qu’indirectement.
d) Sur les exigences relatives aux autres mesures de politique publique
48. Les États membres ne sont toutefois pas totalement libres dans l’application de l’article 7, paragraphe 9, de la directive sur l’efficacité énergétique. En effet, les autres mesures de politique publique au sens de l’article 7, paragraphe 9, premier alinéa, doivent être équivalentes à un mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique au regard des économies d’énergie réalisées, et doivent, en outre, respecter les critères établis à l’article 7, paragraphes 10 et 11.
49. En plus de cela, il existe des obligations d’information à l’égard de la Commission, puisque l’article 7, paragraphe 9, troisième alinéa, deuxième phrase, exige que les États membres expliquent à la Commission, au plus tard le 5 décembre 2013, de quelle manière les critères visés au paragraphe 10 sont remplis. La Commission peut suggérer des modifications dans un délai de trois mois suivant la notification.
50. Les affirmations du Tribunal Supremo, selon lesquelles le Royaume d’Espagne n’aurait pas pris en considération l’article 7, paragraphe 9, de la directive sur l’efficacité énergétique pour fonder l’obligation de contribution sans alternative, amènent à douter que le Royaume d’Espagne ait respecté cette obligation d’explication à l’égard de la Commission. Quoi qu’il en soit, il n’apparaît pas que la Commission ait considéré ne pas avoir été suffisamment informée. Au reste, la demande de décision préjudicielle ne contient pas de données suffisantes pour permettre à la Cour d’apprécier le respect de cette obligation procédurale.
51. S’agissant de l’appréciation de la compatibilité substantielle de l’obligation de contribution sans alternative avec l’article 7 de la directive sur l’efficacité énergétique, il en va de même au final. Elle nécessite une analyse de l’équivalence des économies réalisées ainsi que des critères prévus à l’article 7, paragraphes 10 et 11. À défaut d’informations à cet égard dans la demande de décision préjudicielle, la Cour ne peut toutefois pas exercer de contrôle à cet égard.
52. Le contrôle des exigences procédurales et substantielles de l’obligation de contribution sans alternative incombe donc – sous réserve d’une nouvelle demande de décision préjudicielle – à la juridiction nationale.
e) Sur le principe de proportionnalité
53. Différentes entreprises intervenantes font valoir finalement que l’obligation de verser une contribution sans alternative serait disproportionnée.
54. Il est vrai que les États membres, en transposant une directive et, notamment, en faisant usage des marges de manœuvre qui leur sont accordées, doivent respecter le principe de proportionnalité (7). En vertu de ce principe, les mesures de transposition ne peuvent excéder les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la législation en cause. À cet égard, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante ; par ailleurs, les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (8).
55. Cependant, dès lors qu’il est démontré que l’obligation de contribution sans alternative garantit des économies dans une mesure équivalente au mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique au titre de l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur l’efficacité énergétique, alors elle est à tout le moins appropriée en vue d’atteindre les objectifs reconnus de la directive.
56. Pour ce qui concerne la nécessité et la relation entre les inconvénients et les objectifs, il convient d’accorder, en principe, à cet égard, aux États membres un large marge de manœuvre, du moment qu’une telle appréciation nécessite des estimations prévisionnelles complexes. Le législateur de l’Union l’a implicitement reconnu alors qu’il a permis aux États membres, par l’article 7, paragraphe 9, de la directive sur l’efficacité énergétique, de s’écarter du modèle règlementaire de la directive.
57. En particulier, pour autant que l’obligation de contribution suive le critère de l’article 20, paragraphe 6, de la directive sur l’efficacité énergétique, selon lequel le montant de la contribution correspond aux investissements nécessaires au respect des obligations d’économie d’énergie, l’État membre agira dans le cadre de cette marge d’appréciation. Ainsi, une violation du principe de proportionnalité est à exclure.
3. Conclusion intermédiaire
58. Il reste à constater, à titre de conclusion intermédiaire, qu’une règlementation d’un État membre qui établit un mécanisme national d’obligations en matière d’efficacité énergétique, dans le cadre duquel les entreprises obligées ne peuvent remplir leurs obligations que moyennant une contribution annuelle à un fonds national pour l’efficacité énergétique, institué conformément à l’article 20, paragraphe 4 de la directive sur l’efficacité énergétique, peut constituer une autre mesure de politique publique au sens de l’article 7, paragraphe 9, de la directive, lorsque cette réglementation garantit la réalisation d’économies d’énergie dans une mesure équivalente au mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique au titre de l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur l’efficacité énergétique, et du moment que les exigences de l’article 7, paragraphes 10 et 11, sont respectées.
59. Le fait de savoir si le droit interne prévoit la possibilité (encore inexploitée) de permettre aux entreprises obligées, comme alternative à la contribution, de démontrer la réalisation d’économies d’énergie, est en revanche sans pertinence aux fins de l’appréciation des trois premières questions.
C. Sur la prise en considération des distributeurs d’énergie et/ou des entreprises de vente d’énergie au détail
60. Par la quatrième question, le Tribunal Supremo souhaite savoir si le fait d’imposer des obligations en matière d’efficacité énergétique seulement à certaines entreprises de la chaîne de distribution respective, mais pas à d’autres entreprises de la même chaîne de distribution, est conforme à l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive sur l’efficacité énergétique. La cinquième question vise à élucider si cette décision doit être motivée.
61. Certes, nous venons de constater que la réglementation espagnole telle qu’appliquée actuellement ne fait pas directement office de transposition de l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur l’efficacité énergétique, mais ne répond à celle-ci qu’en tant qu’autre mesure de politique publique, au sens de son article 7, paragraphe 9. Cependant, les dispositions de l’article 7, paragraphes 1 et 4, ne sont pas sans pertinence de ce fait. Au contraire, ces dispositions constituent la base pour la détermination des entreprises qui sont obligées également en vertu de la réglementation espagnole. Elles doivent dès lors être prises en considération.
1. Sur la quatrième question – les entreprises obligées
62. Il n’est pas à exclure que la quatrième question repose essentiellement sur la version en langue espagnole de l’article 7, paragraphe 4, de la directive sur l’efficacité énergétique, puisque selon celle-ci, chaque État membre désigne des parties obligées parmi les distributeurs d’énergie et les entreprises de vente d’énergie au détail exerçant leurs activités sur son territoire. Or, selon les versions allemande, française, anglaise et portugaise, par exemple, ces obligés sont désignés parmi les distributeurs d’énergie et/ou les entreprises de vente d’énergie au détail. Lors de l’audience, la Commission a, en outre, cité des versions linguistiques différentes dans lesquelles seul le terme « ou » est utilisé.
63. La version espagnole pourrait dès lors être comprise dans le sens que les États membres sont tenus d’obliger tant les distributeurs d’énergie que les entreprises de vente d’énergie au détail, tandis que les autres versions citées permettraient d’opérer un choix.
64. Indépendamment de la version linguistique, cependant, il ressort de l’économie de la disposition que les États membres peuvent (et doivent) effectivement choisir s’ils obligent les distributeurs d’énergie ou bien les entreprises de vente d’énergie au détail.
65. L’article 7, paragraphe 4, de la directive sur l’efficacité énergétique prévoit, dans la version en langue espagnole également, que les États membres doivent choisir les entreprises obligées parmi les groupes susmentionnés. En outre, l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur l’efficacité énergétique, affirme, dans la version en langue espagnole également, que les entreprises obligées peuvent provenir du cercle des distributeurs d’énergie et/ou bien des entreprises de vente d’énergie au détail. La définition des parties obligées que donne l’article 2, point 14, ainsi que le considérant 20, omettent même le « et », à cet égard, et n’utilisent que le « ou », et ce même dans la version en langue espagnole.
66. Le considérant 20 précise, tout de suite après, que les États membres devraient, en particulier, avoir la faculté de ne pas imposer cette obligation aux distributeurs d’énergie de petite taille, aux petites entreprises de vente d’énergie au détail et aux petits secteurs énergétiques afin de ne pas leur imposer une charge administrative disproportionnée.
67. D’ailleurs, si l’obligation de faire des économies d’énergie auprès des clients finals était imposée cumulativement aux distributeurs d’énergie et aux entreprises de vente d’énergie au détail, il semblerait difficile, en pratique, d’imposer les obligations respectives de manière équitable.
68. Selon la définition de l’article 2, point 20, de la directive sur l’efficacité énergétique, un distributeur d’énergie est responsable du transport de l’énergie en vue de sa livraison aux clients finals ou aux stations de distribution qui vendent de l’énergie aux clients finals, tandis que, en vertu de l’article 2, point 22, une entreprise de vente d’énergie au détail vend de l’énergie aux clients finals. Les distributeurs d’énergie et les entreprises de vente d’énergie au détail peuvent donc appartenir à la même chaîne de distribution ou alors être réunis dans une unique entreprise. Toutefois, si deux maillons de la chaîne de distribution étaient soumis à la même obligation de réaliser des économies d’énergie, cela doublerait le volume total des économies nécessaires auprès du client final.
69. Certes, il n’est pas exclu que l’on puisse contrer ce doublement par des mesures réglementaires appropriées, mais il serait plus simple de n’imposer l’obligation de réaliser des économies d’énergie qu’à une seule entreprise de la chaîne. Cette dernière répercutera normalement les coûts liés à l’obligation en question sur les entreprises suivantes de la chaîne, de telle sorte qu’au final ils seront supportés par les clients finals.
70. Il n’en va pas autrement pour la contribution au fonds pour l’efficacité énergétique. Comme l’explique Endesa, la prise en considération d’un acteur supplémentaire de la distribution entraînerait un doublement de la contribution versée.
71. Par conséquent, il est conforme à l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive sur l’efficacité énergétique de n’imposer des obligations en matière d’efficacité énergétique qu’à certains membres d’une chaîne de distribution, mais pas, en même temps, à d’autres membres de la même chaîne.
72. Le fait de savoir si le choix, effectué par le Royaume d’Espagne, est compatible avec l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive sur l’efficacité énergétique, dépend de la question de savoir si ce choix repose sur des critères objectifs et non discriminatoires, comme l’exige l’article 7, paragraphe 4. La présente demande de décision préjudicielle ne fournit cependant pas suffisamment d’informations pour permettre à la Cour d’apprécier cette question. Il incombera donc au Tribunal Supremo d’y répondre.
2. Sur la cinquième question – motivation du choix des obligés
73. Par la cinquième question, le tribunal Supremo souhaite savoir si le fait de désigner les parties obligées sans motiver pourquoi d’autres entreprises de la chaîne de distribution concernée ne sont pas prises en compte est compatible avec l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive sur l’efficacité énergétique.
74. À cet égard, il convient de constater, tout d’abord, que l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive sur l’efficacité énergétique ne contient aucune disposition expresse sur la motivation de ce choix.
75. L’exigence d’une motivation découle cependant du principe de l’État de droit (9), principe qui, en vertu de l’article 2 TUE, est commun à tous les États membres et sur lequel l’Union est également fondée (10). L’obligation de motivation est spécialement prévue à l’article 296 TFUE, au regard des institutions de l’Union (11), et elle figure à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux en tant qu’élément du droit à une bonne administration (12). Cependant, le droit à une bonne administration, en tant qu’il reflète un principe général du droit de l’Union, emporte des exigences qu’il appartient aux États membres de respecter lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union (13).
76. Parmi ces exigences, l’obligation de motivation des décisions adoptées par les autorités nationales revêt une importance toute particulière, dès lors qu’elle met leur destinataire en mesure de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile d’introduire un recours contre celles-ci. Elle est également nécessaire pour permettre aux juridictions d’exercer le contrôle de la légalité desdites décisions (14). En outre, elle favorise l’autocontrôle de l’autorité publique agissante et elle remplit une fonction pacificatrice (15).
77. Toutefois, les mesures législatives d’un État membre qui ont une portée générale ne sont, en principe, pas soumises à l’obligation de motivation (16). D’ailleurs, même au niveau de l’Union, pour les actes de portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à leur adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’ils se proposent d’atteindre (17).
78. La transposition de l’article 7, paragraphe 4, de la directive sur l’efficacité énergétique est cependant soumise à des exigences plus étendues que cela. En effet, cette disposition exige que chaque État membre désigne, aux fins de l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, des parties obligées.
79. Or, l’État membre doit exposer, d’une manière ou d’une autre, ces critères, par exemple dans les travaux parlementaires. Autrement, il ne serait pas possible d’apprécier si ces critères sont effectivement objectifs et non discriminatoires et s’ils ont été correctement appliqués. Cela rendrait la protection juridictionnelle effective excessivement plus difficile (18).
80. Toutefois, d’après les affirmations de différents intervenants, le choix des parties obligées a été motivé, à tout le moins, dans le préambule de la loi no 18/2014. Il incombe à la juridiction nationale d’établir si une telle motivation existe et, le cas échéant, si elle est suffisante à démontrer l’application de critères objectifs et non discriminatoires.
81. Par conséquent, la désignation de certaines entreprises en tant que parties obligées au sens de l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive sur l’efficacité énergétique, suppose que soient exposés les critères qui ont conduit à les prendre en considération et à ne pas grever d’autres entreprises.
V. Conclusion
82. Nous proposons par conséquent à la Cour de justice de répondre comme suit à la demande de décision préjudicielle :
1) Une règlementation d’un État membre qui établit un mécanisme national d’obligations en matière d’efficacité énergétique, dans le cadre duquel les entreprises obligées ne peuvent remplir leurs obligations que moyennant une contribution annuelle à un fonds national pour l’efficacité énergétique, institué conformément à l’article 20, paragraphe 4 de la directive 2012/27, peut constituer une autre mesure de politique publique au sens de l’article 7, paragraphe 9, de cette directive, lorsque cette réglementation garantit la réalisation d’économies d’énergie dans une mesure équivalente au mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique au titre de l’article 7, paragraphe 1, de la même directive et du moment que, pour le reste, les exigences de l’article 7, paragraphes 10 et 11, sont respectées.
2) Il est conforme à l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive 2012/27 de n’imposer des obligations en matière d’efficacité énergétique qu’à certains membres d’une chaîne de distribution déterminée, mais pas, en même temps, à d’autres membres de la même chaîne.
3) La désignation de certaines entreprises en tant que parties obligées au sens de l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive 2012/27, suppose que soient exposés les critères qui ont conduit à les prendre en considération et à ne pas grever d’autres entreprises.
1 Langue originale : l’allemand.
2 Directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relative à l’efficacité énergétique (JO 2012, L 315, p. 1), telle que modifiée par la directive 2013/12/UE du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 141, p. 28).
3 Procédure législative 2016/0376 (COD).
4 Voir arrêts du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne (C‑41/11, EU:C:2012:103, points 56 à 58), et du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement (C‑379/15, EU:C:2016:603, points 34 à 36), tous deux concernant la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2001, L 197, p. 30).
*Ndt : En français dans l’original.
*Ndt : En français dans l’original.
5 Voir articles 4 et 6 de la directive 2006/32/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques (JO 2006, L 114, p. 64)
6 Voir articles 7, paragraphe 6, et 7 bis de la proposition de la Commission de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique [COM(2016) 761 final, pages 9 et suiv.] et du projet du Conseil du 24 janvier 2018 (document du Conseil 11119/1/17 REV 1, p. 17 et pages 19 et suiv.). Dans sa première prise de position, du 17 janvier 2018 (document du Conseil 5355/18), le Parlement européen ne propose aucun amendement qui remette en question cette flexibilité.
7 Voir arrêts du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, EU:C:2003:596, point 87), du 11 juin 2009, Nijemeisland (C‑170/08, EU:C:2009:369, point 41), et du 9 mars 2010, ERG e.a. (C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 86).
8 Arrêt du 11 juin 2009, Nijemeisland (C‑170/08, EU:C:2009:369, point 41).
9 Conclusions de l’avocat général Reischl, présentées le 7 février 1980 dans l’affaire Bonu/Conseil (89/79, EU:C:1980:37, p. 566).
10 Arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, points 30 et 31). Sur la notion de Communauté ou d’Union de droit, voir déjà les arrêts du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166, point 23), du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 281 et 316), du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 90), et du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 60).
11 Arrêt du 17 juin 1997, Sodemare e.a. (C‑70/95, EU:C:1997:301, point 19).
12 Arrêt du 17 juillet 2014, YS e.a. (C 141/12 et C 372/12, EU:C:2014:2081, point 67).
13 Arrêts du 8 mai 2014, N (C‑604/12, EU:C:2014:302, points 49 et 50), et du 9 novembre 2017, LS Customs Services (C‑46/16, EU:C:2017:839, point 39)
14 Arrêt du 9 novembre 2017, LS Customs Services (C‑46/16, EU:C:2017:839, point 40), ainsi que, auparavant déjà, arrêts du 15 octobre 1987, Heylens e.a. (222/86, EU:C:1987:442, point 15), du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy (C‑239/05, EU:C:2007:99, point 36), et du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 53).
15 Voir nos conclusions, présentées le 22 janvier 2009, dans l’affaire Mellor (C‑75/08, EU:C:2009:32, points 31, 32 et 33).
16 Arrêt du 17 juin 1997, Sodemare e.a. (C‑70/95, EU:C:1997:301, point 19).
17 Arrêts du 17 mars 2011, AJD Tuna (C‑221/09, EU:C:2011:153, point 59), du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 29), ainsi que du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324, point 130).
18 Voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 1987, Heylens e.a. (222/86, EU:C:1987:442, point 15).
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