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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Huijbrechts (Judgment) French Text [2018] EUECJ C-679/17 (22 November 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C67917.html Cite as: [2018] EUECJ C-679/17, ECLI:EU:C:2018:940, EU:C:2018:940 |
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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
22 novembre 2018 (*)
« Renvoi préjudiciel – Liberté de circulation des capitaux – Restrictions – Législation fiscale – Impôt sur les successions – Bois gérés de façon durable – Exonération – Protection de la superficie forestière »
Dans l’affaire C‑679/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique), par décision du 21 novembre 2017, parvenue à la Cour le 4 décembre 2017, dans la procédure
Vlaams Gewest, représenté par le Vlaamse regering dans la personne du Vlaamse Minister van Begroting, Financiën en Energie,
Vlaams Gewest, représenté par le Vlaamse regering dans la personne du Vlaamse Minister van Omgeving, Natuur en Landbouw,
contre
Johannes Huijbrechts,
LA COUR (première chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev, C.G. Fernlund et S. Rodin, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour M. Huijbrechts, par Mes A. Visschers et P. Heeren, advocaten,
– pour le gouvernement belge, par MM. P. Cottin et J.-C. Halleux ainsi que par Mme C. Pochet, en qualité d’agents, assistés de Me G. Van Calster, advocaat,
– pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. W. Roels, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 63 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Vlaamse Gewest (région flamande, Belgique), représenté par le Vlaamse regering (gouvernement flamand, Belgique), dans la personne du Vlaamse Minister van Begroting, Financiën en Energie (ministre flamand du Budget, des Finances et de l’Énergie, Belgique) et dans la personne du Vlaamse Minister van Omgeving, Natuur en Landbouw (ministre flamand de l’Environnement, de la Nature et de l’Agriculture, Belgique), à M. JohannesHuijbrechts au sujet de l’exonération de l’impôt sur les successions dont il souhaite bénéficier pour des forêts sises aux Pays‑Bas.
Le cadre juridique
3 L’article 15 du Vlaams wetboek der successierechten (code des successions flamand, ci-après le « code des successions ») prévoit que l’impôt sur les successions est établi sur la base de la valeur imposable de tous les biens appartenant au défunt, où qu’ils se trouvent, après déduction des dettes.
4 L’article 55 quater du code des successions, devenu l’article 2.7.6.0.3 du Vlaamse Codex Fiscaliteit (code flamand de la fiscalité), prévoit que les immeubles considérés comme des « bois », au sens de la réglementation belge, sont exemptés de l’impôt sur les successions s’ils font l’objet d’un plan de gestion durable conforme aux critères établis par la réglementation flamande et approuvé par l’administration forestière flamande.
5 L’article 13 bis du Bosdecreet (décret forestier) du 13 juin 1990, dans sa version applicable aux faits au principal, prévoit :
« Les droits de succession qui auraient été dus sur le montant exempté en application de l’article 2.7.6.0.3 du code flamand de la fiscalité sont censés être octroyés comme subvention. Cette subvention est censée être octroyée pendant 30 ans, au prorata de 1/30e par an, à compter de l’ouverture de la succession faisant l’objet de l’exemption.
Cette subvention est censée être octroyée aux conditions ci-après qui doivent être remplies durant le délai de 30 ans visé à l’alinéa premier :
1) les biens doivent continuer à conserver leur nature de bois, conformément à l’article 3 du présent décret ;
2) les biens doivent continuer à remplir les conditions prévues à l’article 2.7.6.0.3, deuxième alinéa, du code flamand de la fiscalité ;
3) la gestion effectivement menée doit être conforme au plan de gestion approuvé.
En cas de non-respect des conditions, le propriétaire ou l’usufruitier du bois est tenu de rembourser la subvention pour la durée restante de la période pour laquelle elle est censée être octroyée [...] »
6 L’article 41, deuxième alinéa, dudit décret forestier prévoit que le gouvernement flamand établit « les critères d’une gestion durable des bois » et qu’il détermine, conformément aux dispositions de l’article 7 du même décret, « les bois régis par ces critères ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
7 Par testament du 24 mai 2012, Mme Oyen, qui résidait en Belgique, a désigné M. Huijbrechts, résident des Pays-Bas, comme légataire à titre particulier de la propriété de terrains du domaine « Klein Zundertse Heide » à Klein Zundert (Pays-Bas). Ce domaine, d’environ 156 ha, comporte une zone forestière soumise à la législation néerlandaise sur la protection des sites naturels ainsi qu’à des exigences de gestion durable, conformément au plan établi à cette fin par les autorités néerlandaises.
8 Au décès de Mme Oyen, le 1er avril 2013, M. Huijbrechts a accepté ce legs et il est constant que le règlement de la succession a été soumis au droit belge.
9 M. Huijbrechts a demandé à l’administration belge d’être exonéré des droits de succession sur le bien en cause, au titre de l’article 55 quater du code des successions qui exonère des droits de succession les « bois » faisant l’objet d’un plan de gestion durable agréé par l’administration forestière flamande.
10 Cette demande a été rejetée au motif que ledit bien est situé dans un État membre autre que le Royaume de Belgique.
11 M. Huijbrechts a saisi le rechtbank van eerste aanleg van Antwerpen (tribunal de première instance d’Anvers, Belgique) d’un recours contre la décision de rejet de sa demande en faisant valoir que l’article 55 quater du code des successions n’était pas conforme à la libre circulation des capitaux, en ce que cette disposition ne s’applique pas aux forêts gérées de manière durable lorsqu’elles sont situées sur le territoire d’un État membre autre que le Royaume de Belgique.
12 Cette juridiction a fait droit à ce recours après avoir constaté, d’une part, que le domaine en cause avait fait l’objet d’un plan de gestion durable conforme à celui exigé par le droit belge pour bénéficier de l’exonération prévue à l’article 55 quater du code des successions et, d’autre part, que M. Huijbrechts avait fourni une attestation conforme à celle exigée également par cette disposition. Ladite juridiction a estimé que la différence de traitement fiscal appliquée aux forêts situées sur le territoire d’États membres autres que le Royaume de Belgique constituait une restriction à la libre circulation des capitaux et que celle‑ci ne pouvait être justifiée dès lors que l’assistance des autorités néerlandaises pourrait être sollicitée pour assurer le contrôle du respect des critères de gestion durable.
13 L’administration belge a interjeté appel du jugement rendu par cette même juridiction devant le hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique), qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
«1) Une situation dans laquelle [une personne] hérite d’une zone forestière située à l’étranger, gérée de manière durable, sans exonération des droits de succession au titre de l’article 55 quater [du code des successions], alors qu’[une personne] qui hérite d’une zone forestière située sur le territoire national, gérée de manière durable, est bel et bien exonérée des droits de succession au titre de l’article 55 quater [du code des successions], constitue‑t‑elle une atteinte à la libre circulation des capitaux telle que consacrée à l’article 63 TFUE ?
2) L’intérêt du couvert forestier flamand, au sens de l’article 55 quater [du code des successions], constitue-t-il une raison impérieuse d’intérêt général justifiant un régime limitant le bénéfice de l’exonération des droits de succession aux zones forestières situées en Flandre, gérées de manière durable ? »
Sur les questions préjudicielles
14 Par ses questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui accorde un avantage fiscal pour les forêts reçues par voie successorale, à condition qu’elles fassent l’objet d’une gestion durable dans les termes définis par le droit national, mais limite cet avantage à celles qui sont situées sur le territoire de cet État membre.
15 En vertu de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, sont interdites toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres ainsi qu’entre les États membres et les pays tiers.
16 Il résulte d’une jurisprudence constante que le traitement fiscal des successions relève des dispositions du traité FUE relatives aux mouvements des capitaux, à l’exception des cas où leurs éléments constitutifs se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (arrêts du 17 janvier 2008, Jäger, C‑256/06, EU:C:2008:20, point 25, et du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 27).
17 En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que le legs en cause au principal a été fait par une personne résidant en Belgique au profit d’un contribuable résidant aux Pays-Bas et qu’il porte sur un domaine, constitué de forêts, situé sur le territoire de ce dernier État membre.
18 Une telle situation relève, dès lors, du champ d’application de l’article 63, paragraphe 1, TFUE.
19 En matière de droits de succession, il résulte d’une jurisprudence constante que le fait de subordonner l’octroi d’avantages fiscaux à la condition que le bien transmis soit situé sur le territoire national constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 17 janvier 2008, Jäger, C‑256/06, EU:C:2008:20, point 35, et du 18 décembre 2014, Q, C‑133/13, EU:C:2014:2460, point 20).
20 Par ailleurs, il importe de rappeler que, conformément à l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE , « [l]’article 63 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres [...] d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne [...] le lieu où leurs capitaux sont investis ». Toutefois, l’article 65, paragraphe 3, TFUE prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 ne doivent constituer « ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63 TFUE ».
21 Il y a lieu, donc, de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE des discriminations arbitraires interdites en vertu du paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale telle que celle en cause au principal, qui, aux fins du calcul des droits de succession, opère une distinction entre les biens situés dans un autre État membre et ceux situés sur le territoire d’une région du Royaume de Belgique soit compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il est nécessaire que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (arrêt du 17 janvier 2008, Jäger, C‑256/06, EU:C:2008:20, point 42) et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’objectif poursuivi par la mesure en cause soit atteint (arrêts du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C‑386/04, EU:C:2006:568, point 32 ; du 17 janvier 2008, Jäger, C‑256/06, EU:C:2008:20, point 41, et du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 41).
22 Pour apprécier si la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables, il convient de tenir compte de l’objet et du contenu des dispositions nationales en cause au principal (arrêt du 18 décembre 2014, Q, C‑133/13, EU:C:2014:2460, point 22 et jurisprudence citée).
23 En l’occurrence, il ressort explicitement du libellé de l’article 55 quater du code des successions, devenu l’article 2.7.6.0.3 du code flamand de la fiscalité, et de la décision de renvoi que l’exemption fiscale prévue à cette disposition poursuit un objectif de nature environnementale, à savoir la gestion durable des forêts et des terrains boisés, situés sur le territoire de la région flamande du Royaume de Belgique.
24 Par ailleurs, selon le gouvernement belge, l’objet de l’exonération est d’éviter le morcellement des forêts qui pourrait résulter des ventes réalisées pour payer les droits de succession.
25 Un tel objectif environnemental, consistant dans la gestion durable des forêts et des terrains boisés, ne saurait, par principe, être limité uniquement au territoire d’une région d’un État membre ou au territoire national d’un État membre, dès lors qu’une zone boisée peut ne former qu’un seul massif ou ensemble, même si cette zone s’étend sur le territoire de plusieurs États membres et si, d’un point de vue juridique et administratif, elle relève de la juridiction de ceux-ci.
26 En effet, la protection efficace ainsi que la gestion durable des bois et des forêts constituent un problème d’environnement typiquement transfrontalier qui implique des responsabilités communes des États membres (voir, par analogie, arrêts du 12 juillet 2007, Commission/Autriche, C‑507/04, EU:C:2007:427, point 87, et du 26 janvier 2012, Commission/Pologne, C‑192/11, non publié, EU:C:2012:44, point 23).
27 À cet égard, opérer une distinction entre des parties limitrophes d’un même bois ou d’une même forêt, selon qu’elles sont situées sur le territoire de la région flamande du Royaume de Belgique ou sur celui du Royaume des Pays-Bas, est artificiel et ne correspond à aucune différence objective.
28 Par conséquent, un contribuable qui reçoit par voie successorale des forêts ou des bois situés sur le territoire d’un État membre limitrophe de la région flamande du Royaume de Belgique, et dont il peut prouver qu’ils font l’objet d’une gestion durable répondant à des exigences telles que celles requises par l’article 55 quater du code des successions, devenu l’article 2.7.6.0.3 du code flamand de la fiscalité, se trouve, à l’égard de l’exonération fiscale en cause au principal, dans une situation comparable à celle d’un contribuable qui reçoit par voie successorale des forêts ou des bois qui font l’objet d’un plan de gestion durable conforme à cette disposition et qui sont situés sur le territoire de ladite région (voir, par analogie, arrêts du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C‑386/04, EU:C:2006:568, point 40, et du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, points 48 à 50).
29 Il en résulte que la différence de traitement fiscal ainsi constatée crée une restriction aux mouvements de capitaux, au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE.
30 Une telle restriction peut néanmoins être admise si elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général et qu’elle respecte le principe de proportionnalité, en ce sens qu’elle doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 52 ).
31 À cet égard, le gouvernement belge soutient que la limitation du bénéfice de l’exonération aux forêts sises en région flamande se justifie par des considérations liées à la protection de l’environnement, en particulier par la nécessité d’une gestion durable des forêts et de la nature dans la région flamande du Royaume de Belgique, où le massif forestier est fortement sollicité en raison, notamment, de la densité de la population, de l’industrialisation et de la présence d’un bon sol arable.
32 Il convient en outre de rappeler que la protection de l’environnement constitue l’un des objectifs essentiels de l’Union européenne (arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Autriche, C‑524/07, non publié, EU:C:2008:717, point 58 et jurisprudence citée).
33 En l’occurrence, l’octroi et le maintien de l’exonération fiscale prévue à l’article 55 quater du code des successions, devenu l’article 2.7.6.0.3 du code flamand de la fiscalité, sont effectivement subordonnés au respect d’exigences environnementales pendant une période de trente ans.
34 Toutefois, il y a lieu de constater que, dans la mesure où le bénéfice de cette exonération fiscale est également subordonné à la condition que le bois ou la forêt transmis par voie successorale soit situé sur le territoire de la région flamande du Royaume de Belgique, ladite exonération ne constitue pas une mesure appropriée pour atteindre les objectifs qu’elle poursuit, puisque la gestion durable d’une zone forestière située sur le territoire limitrophe de deux États membres, telle que celle en cause au principal, constitue une problématique environnementale transfrontalière ne pouvant être cantonnée au seul territoire de l’un de ces États membres ou à une partie de celui-ci.
35 Le gouvernement belge soutient également que la limitation du bénéfice de l’exonération aux forêts sises en région flamande se justifie par la difficulté de vérifier, dans les États membres autres que le Royaume de Belgique, si des forêts remplissent effectivement les exigences requises par la réglementation nationale pour permettre son octroi et son maintien, et par l’impossibilité d’assurer le contrôle du respect effectif de ces exigences pendant 30 ans, comme l’exige cette réglementation.
36 Il est vrai que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité. Toutefois, une telle mesure restrictive doit respecter le principe de proportionnalité, en ce sens qu’elle doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 52).
37 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que l’existence de difficultés pratiques pour déterminer si des conditions exigées pour obtenir un avantage fiscal sont remplies ne saurait justifier le refus pur et simple de l’accorder. Les autorités fiscales compétentes d’un État membre peuvent en effet demander au contribuable concerné de fournir les pièces justificatives pertinentes leur permettant de vérifier le respect des exigences relatives à la gestion durable de forêts sises sur le territoire d’un autre État membre, pour apprécier si les conditions d’application de l’exonération fiscale en cause sont remplies (voir notamment, par analogie, arrêts du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C‑386/04, EU:C:2006:568, point 48 ; du 25 octobre 2007, Geurts et Vogten, C‑464/05, EU:C:2007:631, point 28 ; du 17 janvier 2008, Jäger, C‑256/06, EU:C:2008:20, points 54 et 55, ainsi que du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, points 53 à 55).
38 Ainsi, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui empêche de manière absolue le contribuable d’apporter la preuve que des forêts reçues par voie successorale sont soumises à un plan de gestion durable, élaboré conformément à la législation de l’État membre où elles sont situées et répondant à des exigences identiques à celles prévues à l’article 55 quater du code des successions, ne saurait être justifiée au titre de l’efficacité des contrôles fiscaux (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2005, Laboratoires Fournier, C‑39/04, EU:C:2005:161, point 25 ; du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C‑386/04, EU:C:2006:568, point 48, et du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 60).
39 Quant à l’impossibilité alléguée par le gouvernement belge de vérifier le respect, dans un État membre autre que le Royaume de Belgique, d’un tel plan, sur une période de 30 ans, comme l’impose la réglementation en cause au principal pour les forêts sises sur le territoire de la région flamande, il résulte toutefois de ce qui précède que cet argument ne saurait être valablement opposé in abstracto et qu’il suppose que les autorités fiscales de l’État membre d’imposition démontrent qu’elles ne disposent effectivement pas de la possibilité d’obtenir, pendant une telle période, les informations requises de la part des autorités compétentes de l’État membre où sont situées les forêts.
40 À cet égard, dans le cas où l’État membre de situation des forêts accorderait un avantage fiscal du même type que celui en cause au principal, subordonné à des conditions équivalentes et, notamment, à un plan de gestion comparable à celui prévu par la réglementation belge, rien ne permet d’exclure d’emblée que l’État membre d’imposition puisse recevoir, dans le cadre de l’assistance mutuelle instituée par le droit de l’Union, les informations nécessaires afin de vérifier que les conditions d’octroi et de maintien de l’avantage fiscal prévu par cette réglementation sont remplies (voir notamment, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 68).
41 En tout état de cause, rien n’empêche les autorités fiscales concernées de refuser l’exonération en cause au principal si les preuves qu’elles jugent nécessaires pour l’établissement correct de l’impôt ne sont pas fournies (voir notamment, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 69 et jurisprudence citée).
42 Quant à la question, soulevée par le gouvernement belge dans ses observations écrites, de savoir si cette analyse vaut également pour les forêts sises sur le territoire de pays tiers, il importe de préciser que non seulement une réponse à une telle question n’est pas nécessaire pour résoudre le litige au principal, mais aussi que, en tout état de cause, il est légitime pour un État membre de refuser l’octroi d’un avantage fiscal si, notamment en raison de l’absence d’une obligation conventionnelle de ce pays tiers de fournir des informations, il s’avère impossible d’obtenir de celui-ci les informations nécessaires (arrêts du 18 décembre 2007, A, C‑101/05, EU:C:2007:804, point 63, et du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 70).
43 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui accorde un avantage fiscal pour les forêts reçues par voie successorale, à condition qu’elles fassent l’objet d’une gestion durable dans les termes définis par le droit national, mais limite cet avantage à celles qui sont situées sur le territoire de cet État membre.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui accorde un avantage fiscal pour les forêts reçues par voie successorale, à condition qu’elles fassent l’objet d’une gestion durable dans les termes définis par le droit national, mais limite cet avantage à celles qui sont situées sur le territoire de cet État membre.
Signatures
* Langue de procédure : le néerlandais.
© European Union
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