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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Sigma Orionis v REA (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-47/16 (03 May 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T4716.html Cite as: ECLI:EU:T:2018:247, EU:T:2018:247, [2018] EUECJ T-47/16 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
3 mai 2018(*)
« Clause compromissoire – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon 2020” – Suspension des paiements d’une convention de subvention à la suite d’un audit financier – Demande visant à obtenir le paiement des sommes dues par la REA dans le cadre de l’exécution d’une convention de subvention »
Dans l’affaire T‑47/16,
Sigma Orionis SA, établie à Valbonne (France), représentée par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,
partie requérante,
contre
Agence exécutive pour la recherche (REA), représentée par Mmes S. Payan-Lagrou et V. Canetti, en qualité d’agents, assistées de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant à obtenir la condamnation de la REA à payer à la requérante des sommes dues au titre d’une convention de subvention conclue dans le cadre du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 »,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La requérante, Sigma Orionis SA, est une société de droit français active dans la dissémination et la communication de résultats de projets européens dans le domaine des technologies de l’information.
2 Elle a conclu avec l’Agence exécutive pour la recherche (REA) une convention de subvention portant le numéro 665134 – FET-Event (ci-après la « convention en cause ») dans le cadre du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (ci-après le « H2020 ») établi par le règlement (UE) no 1291/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, portant établissement du H2020 et abrogeant la décision no 1982/2006/CE (JO 2013, L 347, p. 104).
3 La REA est un organisme de l’Union européenne auquel la Commission européenne a délégué la mise en œuvre, pour son compte et sous sa responsabilité, de certains volets du H2020 par la décision d’exécution 2013/778/UE de la Commission, du13 décembre2013, instituantla REAetabrogeantladécision2008/46/CE (JO 2013, L 346, p. 54).
4 Par ailleurs, la requérante a conclu avec la Commission huit conventions de subvention dans le cadre du H2020. Dans le cadre de ce programme, la requérante a également conclu avec l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises (EASME) une convention de subvention portant le numéro 649743 – STORM. Enfin, la requérante a conclu 36 conventions de subvention avec la Commission dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (ci-après le « PC7 ») arrêté par la décision no 1982/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, relative au PC7 (JO 2006, L 412, p. 1).
Enquête réalisée par l’OLAF
5 Le 24 janvier 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert à l’encontre de la requérante une enquête concernant des allégations de manipulation de fiches horaires et de salaire horaire excessif dans le cadre des projets relevant du PC7 conclus avec la Commission.
6 Cette enquête était fondée sur l’article 3 du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1).
7 Le 14 avril 2014, la requérante a été avertie, par l’OLAF, de l’ouverture de l’enquête à son égard. À cette occasion, une série de documents lui ont été demandés. Par ailleurs, les témoignages d’anciens employés de la requérante ont été recueillis.
8 Ces éléments ont convaincu l’OLAF de la nécessité de procéder à un contrôle sur place sur la base de l’article 5 du règlement (Euratom, CE) no 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO 1996, L 292, p. 2).
9 Par lettre du 14 novembre 2014, l’OLAF a informé le parquet de Grasse (France) de son intention de procéder à des contrôles et à des vérifications au siège de la requérante. L’OLAF y sollicitait également toute l’aide nécessaire des autorités françaises, y compris l’adoption de mesures de précaution dans le cadre juridique national afin de préserver les preuves.
10 Du 2 au 5 décembre 2014, l’OLAF a procédé à de tels contrôles et vérifications sur place. Les enquêteurs ont collecté des documents et des informations. Ils ont auditionné deux personnes concernées et cinq témoins en présence de l’avocat de la requérante.
11 Le 28 avril 2015, l’OLAF a donné aux deux personnes concernées la possibilité de présenter leurs observations sur des faits les concernant.
12 Par la suite, l’OLAF a transmis aux services de la Commission son rapport final. Dans ce dernier, il a recommandé à celle-ci de recouvrer la somme de 1 545 759 euros et d’envisager l’adoption de sanctions administratives et financières visées à l’article 109 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).
Intervention de la REA
13 Par lettre du 7 octobre 2015, la Commission, la REA et l’EASME ont informé la requérante de leur intention d’adopter une sanction administrative consistant en l’exclusion de la requérante de toute participation à une procédure d’attribution de marché ou d’octroi de subvention de l’Union durant cinq ans, de suspendre les paiements relatifs à quinze projets relevant du PC7 et cinq projets conclus dans le cadre du H2020, dont la convention en cause, de mettre fin à sa participation dans douze projets relevant du PC7 et dans l’ensemble des projets conclus dans le cadre du H2020 ainsi que de terminer sa participation à la préparation de six conventions de subvention conclues dans le cadre du H2020.
14 Par ce même courrier, la requérante a été invitée à soumettre ses observations sur les mesures envisagées.
15 En réponse, la requérante a, par lettre du 28 octobre 2015, contesté le rapport de l’OLAF. Elle a soutenu que cet organisme n’avait produit aucune preuve de l’existence d’une fraude. Elle a également indiqué, dans ce courrier, que les conclusions de l’OLAF étaient fausses et démesurées.
16 Le 8 décembre 2015, la REA a adressé un courriel à la requérante lui indiquant que la procédure contradictoire était terminée et l’informant qu’une décision serait prise concernant la convention en cause et que cette décision lui serait notifiée.
17 Le 17 mars 2016, la REA a adressé une lettre recommandée à la requérante lui notifiant la suspension de tout paiement relatif à la convention en cause (ci-après la « mesure litigieuse »). Ladite lettre a été retirée le 29 mars 2016.
Procédures nationales
18 Après l’avoir adressé à la Commission, l’OLAF a transmis son rapport aux autorités françaises en leur recommandant, pour les comportements constatés, l’ouverture d’une procédure pénale, au niveau national, sur la base du droit français, dans la mesure où ces comportements étaient visés par ce droit.
19 À la suite de cette communication, le procureur de la République de Grasse a requis, le 10 avril 2015, l’ouverture d’une information contre X du chef d’escroquerie pour les faits commis entre le 14 novembre 2011 et le 10 avril 2015 au détriment des intérêts financiers de l’Union. Le 15 octobre 2015, la requérante, son dirigeant et deux de ses cadres ont été mis en examen pour escroquerie.
20 L’affaire ayant été portée devant elle, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (France) (ci-après la « chambre de l’instruction ») a rendu un arrêt, le 17 décembre 2015, dans lequel elle a déclaré invalides des pièces utilisées par les autorités françaises dans le cadre de la procédure pénale engagée en France contre la requérante, son dirigeant et les deux cadres susvisés. Selon cette juridiction, ces pièces avaient été obtenues au mépris de diverses garanties procédurales destinées à assurer la protection des droits de la défense. Parmi les pièces ainsi déclarées invalides figurait le rapport final transmis par l’OLAF aux autorités françaises.
21 Par jugement du 19 février 2016, le tribunal de commerce de Grasse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la requérante et nommé un administrateur judiciaire.
22 Cette même juridiction a ordonné, le 27 avril 2016, la liquidation judiciaire de la requérante.
Procédure et conclusions des parties
23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 février 2016, la requérante a introduit le présent recours.
24 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé.
25 Par une lettre du 30 septembre 2016, transmise au greffe du Tribunal le 3 octobre 2016, le mandataire liquidateur, qui a été désigné par le tribunal de commerce de Grasse, a autorisé l’avocat de la requérante à poursuivre la procédure devant le Tribunal.
26 Par ordonnance du 25 août 2017, Sigma Orionis/REA (T‑47/16 R, non publiée, EU:T:2017:584), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé et réservé les dépens.
27 Le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.
28 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer et arrêter que, en suspendant l’intégralité des paiements dus à la requérante sur la base d’un rapport d’enquête de l’OLAF établi illégalement, la REA a méconnu ses obligations contractuelles résultant de la convention en cause ;
– par voie de conséquence, condamner la REA à payer les sommes dues à la requérante au titre de cette convention, soit 425 406,25 euros, à majorer, conformément à l’article 21.11.1 de ladite convention, des intérêts de retard, calculés, à compter de la date d’échéance des sommes dues, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, majoré de 3,5 points ;
– par voie de conséquence, condamner la REA aux dépens ;
– à titre subsidiaire, nommer un expert aux fins de déterminer les sommes incontestablement dues à la requérante au titre de la convention en cause.
29 Dans la réplique, la requérante a indiqué qu’elle renonçait au chef de conclusions visant à condamner la REA à l’indemniser du préjudice matériel additionnel subi.
30 La REA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ou, à tout le moins, non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la compétence du Tribunal
31 À titre liminaire, il convient de vérifier si le Tribunal est compétent pour régler le litige qui lui est ainsi soumis.
32 À cet égard, il convient de relever, comme l’a fait la requérante, sans être contredite par la REA, que, selon l’article 272 TFUE, lu en combinaison avec l’article 256 TFUE, le Tribunal est compétent pour statuer en première instance en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit privé passé par l’Union ou pour son compte.
33 En l’espèce, une telle clause figure à l’article 57 de la convention en cause.
34 Sur cette base, il convient de considérer, comme en conviennent les parties, que la compétence du Tribunal est établie pour la demande présentée par la requérante.
Sur le droit applicable
35 La requérante a saisi le Tribunal sur le fondement de l’article 272 TFUE en application de la clause compromissoire contenue dans la convention en cause de sorte que l’objet du présent litige n’est pas la légalité d’une quelconque décision adoptée par la REA et de la procédure administrative qui a mené à cette adoption, mais la résolution d’un litige contractuel né entre deux parties contractantes, laquelle résolution doit tenir compte du droit applicable à ladite convention (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2016, Commission/Thales développement et coopération, T‑326/13, non publié, EU:T:2016:403, point 73).
36 Conformément à l’article 57 de la convention en cause, le présent litige est régi par le droit applicable de l’Union et, de manière subsidiaire, par le droit belge.
Sur le fond
Sur le premier chef de conclusions
37 À l’appui de son premier chef de conclusions, la requérante soutient que la REA a adopté la mesure litigieuse en méconnaissance des clauses contractuelles.
38 Au soutien de ce premier chef de conclusions, elle présente cinq moyens. Premièrement, le rapport de l’OLAF ne pourrait fonder la mesure litigieuse, dès lors qu’il a été annulé par la chambre de l’instruction. Deuxièmement, la mesure litigieuse serait contraire à la convention en cause dès lors que ladite mesure serait fondée sur un rapport établi au moyen de preuves recueillies dans des conditions contraires au droit national. Troisièmement, cette mesure serait également contraire à la convention en cause étant donné que les preuves auraient été recueillies en violation de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Quatrièmement, pour suspendre la convention en cause adoptée dans le cadre du H2020, la REA ne pourrait se fonder, comme elle l’a fait, sur des contrôles et des vérifications réalisés dans le cadre de conventions relevant du PC7. Cinquièmement, la REA aurait violé le principe de proportionnalité.
– Sur le premier moyen, tiré du non-respect de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction
39 Selon la requérante, la mesure litigieuse ne pouvait être fondée sur le rapport final établi par l’OLAF dès lors que ce rapport avait été annulé par la chambre de l’instruction.
40 En réponse à cette argumentation, la REA souligne que, préparant les décisions à prendre par elle, le rapport établi par l’OLAF ne saurait être considéré comme étant attaquable. À supposer qu’il le soit, il n’aurait pas pu être annulé par une juridiction nationale, la compétence pour annuler les actes adoptés par des instances de l’Union appartenant de manière exclusive aux juridictions relevant de cet ordre juridique.
41 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, seules les juridictions de l’Union sont compétentes pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union (voir arrêt du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America e.a., C‑366/10, EU:C:2011:864, point 48 et jurisprudence citée).
42 Dans ces conditions, indépendamment de ce qu’a retenu la chambre de l’instruction dans son arrêt, le rapport de l’OLAF demeure légal dans l’ordre juridique de l’Union tant qu’il n’a pas été invalidé par le juge de l’Union.
43 Selon les termes utilisés dans l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction, cette juridiction a considéré que « l’ensemble de l’enquête préliminaire, y compris l’enquête [de l’]OLAF et ses actes subséquents […] d[evaie]nt être annulés, à l’exception de la saisine initiale informant le parquet de Grasse, du soit transmis saisissant la gendarmerie pour enquête et des réquisitoires qui relèvent de la seule opportunité des poursuites exercées par le Procureur de la République ».
44 Cependant, la conclusion figurant dans cet arrêt, comme l’indique la REA, n’est pas que le rapport établi par l’OLAF aurait été annulé dans l’ordre juridique de l’Union, mais uniquement que, selon cette juridiction, « il n’[était] ni nécessaire ni justifié qu’une enquête effectuée par l’OLAF dans des conditions contredisant l’article 6 […] TUE et l’article préliminaire du code de procédure pénale selon lequel l’équilibre des droits des parties doit être préservé, puisse être présentée même à titre de simple renseignement dans une procédure pénale visant le mode de calcul du temps passé pour exécuter des appels d’offres portant sur des programmes financés par la Commission européenne sans que le contenu du travail effectué ne soit à ce stade de la procédure remis en cause par l’Office en question ».
45 Dans ces conditions, si, en exécution de l’arrêt de la chambre de l’instruction, le rapport de l’OLAF ne pouvait pas être utilisé dans le cadre d’une procédure pénale engagée en France contre les dirigeants de la requérante, il n’en demeure pas moins que, dans le cadre d’une procédure administrative relevant du droit de l’Union et encadrée par des dispositions contractuelles, la REA pouvait se fonder sur ledit rapport de l’OLAF afin d’adopter la mesure litigieuse, tant que ce rapport n’avait pas été invalidé par le juge de l’Union.
46 La requérante invoque l’arrêt du 30 septembre 2009, Sison/Conseil (T‑341/07, EU:T:2009:372, point 116), afin de démontrer que la REA devait, en tout cas, tenir compte de l’arrêt de la chambre de l’instruction.
47 À cet égard, il convient de relever que l’arrêt du 30 septembre 2009, Sison/Conseil (T‑341/07, EU:T:2009:372), concerne la mise en œuvre d’une réglementation dans laquelle les délibérations de l’institution de l’Union doivent être fondées sur des décisions rendues par des instances nationales, en particulier des juridictions relevant de l’ordre interne. La situation est différente, dans la présente affaire, où aucune disposition n’impose à la REA de se fonder sur une décision à prendre par une instance nationale – cette dernière fût-elle une juridiction. En tout état de cause, le Tribunal n’a pas conféré aux juridictions nationales, dans l’arrêt du 30 septembre 2009, Sison/Conseil (T‑341/07, EU:T:2009:372), une compétence qui leur permettrait de constater l’invalidité des actes de l’Union et de contraindre ainsi les institutions de l’Union à délibérer en tenant compte d’une telle invalidité.
48 Ces considérations ne sont pas infirmées par la procédure de liquidation ouverte à l’encontre de la requérante le 27 avril 2016 par le tribunal de commerce de Grasse dont il est question au point 22 ci-dessus.
49 En effet, la procédure menée devant le tribunal de commerce de Grasse ne saurait avoir une incidence sur le présent recours dès lors que, en ce qu’il concerne la compatibilité de la mesure litigieuse avec la convention en cause et les règles rendues applicables par cette dernière, ce recours relève de la compétence exclusive du Tribunal en vertu de l’article 272 TFUE, lu en combinaison avec la clause compromissoire prévue dans ladite convention.
50 Du reste, les deux procédures poursuivent des objectifs distincts, puisque le présent recours concerne la compatibilité de la mesure litigieuse avec cette convention et ces règles tandis que la procédure menée devant le tribunal de commerce de Grasse vise à déterminer si les créances éventuellement détenues par la REA pouvaient le cas échéant être prises en compte dans le cadre de la liquidation de l’entreprise.
51 Au vu de ces éléments, le premier moyen est non fondé.
– Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit français
52 La requérante soutient que l’OLAF doit respecter le droit national, quand il effectue des contrôles et des vérifications sur des territoires nationaux, et ce en vertu des règlements applicables à cet organisme, à savoir, d’une part, le règlement no 883/2013 et, d’autre part, le règlement no 2185/96.
53 À l’appui de son argumentation, la requérante invoque :
– l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 883/2013, selon lequel « le personnel de l’[OLAF] agit au cours des contrôles et vérifications sur place, sous réserve de la législation de l’Union en vigueur, conformément aux règles et pratiques en vigueur dans l’État membre concerné » ;
– l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 2185/96, qui prévoit que, sous réserve du droit de l’Union, les enquêteurs de l’OLAF doivent respecter les règles de procédure prévues par la loi de l’État membre concerné ;
– l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 883/2013, selon lequel les « rapports et recommandations [de l’OLAF] sont élaborés en tenant compte du droit national de l’État membre concerné ».
54 En l’espèce, le droit national aurait été violé sur les trois points suivants :
– avant d’effectuer son opération dans les locaux de la requérante, l’OLAF aurait dû obtenir un mandat émanant d’une juridiction nationale ;
– pendant cette opération, ses enquêteurs auraient dû être accompagnés d’officiers de police judiciaire nationaux ;
– ils auraient dû informer la requérante du droit, dont elle disposerait, de s’opposer aux contrôles et aux vérifications sur place.
55 Pour répondre à cette argumentation, il convient de rappeler que, comme indiqué aux points 41 à 45 ci-dessus, le rapport établi par l’OLAF demeure légal dans l’ordre juridique de l’Union tant qu’il n’a pas été invalidé par le juge de l’Union, sans préjudice des décisions pouvant être prises par les autorités ou les juridictions nationales concernant l’usage pouvant être fait d’un tel rapport dans les procédures engagées en application du droit national.
56 De la troisième disposition invoquée par la requérante, à savoir l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 883/2013, il résulte que les rapports établis par l’OLAF peuvent être utilisés dans les procédures nationales dans la mesure où ils ont été établis en conformité avec les règles et les procédures imposées par le droit national. Si le droit national n’a pas été respecté, comme le soutient en l’espèce la requérante, la conséquence en sera que le rapport établi par l’OLAF ne pourra pas être utilisé dans les procédures nationales sans que cela puisse affecter la possibilité, pour la REA, de fonder ses décisions sur ledit document.
57 Selon les autres dispositions mentionnées par la requérante, à savoir l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 883/2013 et l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 2185/96, les contrôles et les vérifications sur place sont effectués par l’OLAF conformément aux règles et aux pratiques en vigueur dans l’État membre concerné, sous réserve de la législation de l’Union en vigueur.
58 De ces dispositions, il résulte que les enquêtes et les vérifications sur place effectuées par l’OLAF s’insèrent dans un environnement marqué par l’application du droit national, mais que ce dernier doit s’effacer, en tout état de cause, au profit du droit de l’Union, chaque fois que le prévoient le règlement no 883/2013 ou le règlement no 2185/96.
59 À cet égard, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne le premier point sur lequel le droit français aurait été violé, les règlements no 883/2013 et no 2185/96 n’imposent pas le respect d’exigences nationales avant que l’OLAF effectue des contrôles et des vérifications dans les locaux d’un opérateur économique, à moins que ce dernier ne s’y oppose.
60 En effet, c’est dans ce cas uniquement que l’article 9 du règlement no 2185/96 prévoit, dans son premier alinéa, que l’État membre concerné prête aux contrôleurs de l’OLAF, en conformité avec les dispositions nationales, l’assistance nécessaire pour permettre l’accomplissement de leur mission de contrôle et de vérification sur place et, dans son second alinéa, qu’il appartient aux États membres de prendre, en cas de besoin, les mesures nécessaires, dans le respect du droit national. Or, du dossier, il ressort que la requérante ne s’est pas opposée aux contrôles et aux vérifications sur place dans l’affaire soumise au Tribunal.
61 Ainsi, dès lors que le respect des exigences nationales telles que celles tenant à la nécessité d’un mandat préalable accordé par une juridiction nationale n’est pas prévu par les règlements no 883/2013 et no 2185/96, en l’absence d’opposition de l’opérateur concerné, ces textes subordonnant les contrôles et les vérifications sur place réalisés par l’OLAF à la seule existence d’une habilitation délivrée par écrit par le directeur général de cet organisme (article 7, paragraphe 2, du règlement no 883/2013 et article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 2185/96), l’argumentation de la requérante doit être rejetée.
62 La requérante fait valoir que, dans l’arrêt du 22 octobre 2002, Roquette Frères (C‑94/00, EU:C:2002:603, point 48), la Cour a imposé à la Commission, dans le domaine de la concurrence, des obligations à respecter en matière de mandats judiciaires dans le cadre de procédures administratives.
63 Cet argument manque en fait dès lors que, contrairement à ce qu’indique la requérante, l’arrêt cité par elle n’impose pas le recours à une juridiction nationale avant que soit effectués des contrôles et des vérifications sur place, mais précise seulement, à l’attention de l’autorité administrative, que, avant d’effectuer ces contrôles et ces vérifications sur place, cette dernière doit préciser l’objet de la recherche. En l’espèce, une habilitation a été délivrée le 27 novembre 2014 par le directeur général de l’OLAF et a été produite par les enquêteurs à leur arrivée au siège de la requérante, où elle a été contresignée par le directeur de la requérante, qui en a conservé une copie. Par ailleurs, le contenu de cette habilitation n’a fait l’objet d’aucune contestation.
64 Sur le deuxième point où le droit français n’aurait pas été respecté, il convient de relever que, selon les règlements de l’Union européenne applicables :
– les enquêtes sont menées par les enquêteurs de l’OLAF sous la direction du directeur général de ce dernier (article 7, paragraphe 1, du règlement no 883/2013, article 4 et article 6, paragraphe 1, du règlement no 2185/96) ;
– ces enquêteurs doivent informer les autorités nationales avant d’effectuer les contrôles et les vérifications sur place (article 4, premier alinéa, du règlement no 2185/96) ;
– ils peuvent être accompagnés par des agents nationaux, ces derniers étant envoyés par leurs autorités ou agissant comme experts nationaux détachés auprès de la Commission (article 4, premier alinéa, du règlement no 2185/96) ;
– la présence de ces agents doit être acceptée lorsque ces derniers en expriment le souhait (article 4, second alinéa, du règlement no 2185/96) ;
– en cas d’opposition à un contrôle ou à une vérification sur place, les autorités nationales doivent prendre les mesures qui s’imposent pour assurer l’accomplissement de sa mission par l’OLAF dans le respect du droit national (article 9 du règlement no 2185/96).
65 De ces dispositions, il ressort que la question de la présence d’agents nationaux est régie par le règlement no 2185/96 et requise par ce dernier dans deux circonstances, qui n’étaient pas réalisées en l’espèce, lors des contrôles et des vérifications sur place effectués par l’OLAF. D’une part, elle est nécessaire en cas d’opposition par un opérateur aux contrôles et aux vérifications effectuées par l’OLAF. Selon les informations fournies par la requérante, une telle opposition n’a pas eu lieu. D’autre part, la présence des agents nationaux doit être acceptée si ce sont ces derniers qui en formulent la demande.
66 Du dossier, il résulte que, en l’espèce, trois officiers nationaux étaient présents durant une partie des opérations, que ces officiers ont indiqué au directeur général de la requérante qu’une enquête préliminaire, à caractère pénal, était ouverte à son égard, sur la base du droit français, parallèlement à la procédure fondée sur le droit de l’Union, et que, dans ce cadre, ils ont procédé à certains actes avant de quitter le siège de la requérante en fin de matinée sans manifester le souhait d’être présents durant les contrôles et les vérifications sur place effectués au titre du droit de l’Union.
67 Ainsi, ce n’est pas à la suite d’un comportement imputable à l’OLAF que les agents nationaux n’étaient pas présents durant l’ensemble de l’opération, mais en raison d’une décision prise par eux, décision qui, par conséquent, ne saurait affecter la validité de la mesure litigieuse adoptée par la REA sur la base du rapport établi par cet organisme.
68 La requérante invoque l’arrêt du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 34), dans lequel la Cour aurait jugé que la Commission devait respecter les garanties procédurales prévues par le droit national lorsqu’elle effectuait des contrôles et des vérifications sur place.
69 Cet argument manque en fait dès lors que, ainsi qu’il ressort du dossier, la requérante ne s’est pas opposée aux contrôles et aux vérifications sur place dans l’affaire soumise au Tribunal alors que l’arrêt invoqué vise l’hypothèse où l’assistance d’autorités nationales est sollicitée pour faire face à l’opposition manifestée par un opérateur économique à un contrôle ou à une vérification sur place menée par la Commission dans le cadre d’une enquête en matière de concurrence.
70 Sur le troisième point soulevé par la requérante, il convient de constater que, selon l’article 5, deuxième alinéa, du règlement no 2185/96, les opérateurs économiques sont tenus de permettre l’accès aux locaux, terrains, moyens de transport et autres lieux à usage professionnel de manière à faciliter l’exercice des contrôles et des vérifications.
71 De manière complémentaire, l’article 9 de ce règlement dispose que, lorsque les opérateurs économiques visés par une enquête s’opposent à un contrôle ou à une vérification sur place, l’État membre concerné prête aux contrôleurs, en conformité avec les dispositions nationales, l’assistance nécessaire pour permettre l’accomplissement de leur mission de contrôle et de vérification sur place. Selon cette même disposition, il appartient alors aux États membres de prendre, en cas de besoin, les mesures nécessaires, dans le respect du droit national.
72 L’obligation, pour les opérateurs économiques, de se soumettre aux contrôles et aux vérifications sur place est également prévue, aux paragraphes 2 à 4 de l’article II.22. de l’annexe II, dans les conventions relevant du PC7 signées par la requérante et établissant le cadre dans lequel se sont déployées les relations contractuelles entre la Commission et elle.
73 Il est vrai que le règlement no 2185/96 prévoit, ainsi que cela est indiqué au point 71 ci-dessus, la situation où un opérateur économique s’oppose à des contrôles et des vérifications sur place menées par l’OLAF et, dans ce cas, que l’assistance des autorités nationales peut être requise et que les opérations effectuées par elles doivent alors se dérouler en conformité avec le droit national.
74 Toutefois, cette disposition n’attribue pas aux opérateurs économiques le droit de s’opposer aux opérations envisagées par l’OLAF, mais prévoit seulement que, en cas d’opposition, ils peuvent être contraints à accepter ces opérations, la force publique nationale pouvant être requise à cet effet dans les conditions prévues par le droit national.
75 Du dossier, il ressort que cette disposition n’a pas trouvé à s’appliquer en l’espèce étant donné que, comme elle l’a elle-même indiqué, la requérante ne s’est pas opposée aux contrôles et aux vérifications sur place effectués par l’OLAF.
76 Au vu de ces éléments, le deuxième moyen est non fondé.
– Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux
77 Dans le troisième moyen, la requérante affirme que la REA ne pouvait suspendre les paiements dus au titre de la convention en cause, dès lors que la suspension était fondée sur un rapport établi au moyen de preuves recueillies en contravention avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.
78 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux ont la nature de principes généraux dans l’ordre de juridique de l’Union (arrêts du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, EU:C:1970:114, point 4 ; du 13 mai 2014, Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 68, et du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 69).
79 Ces droits ont été inscrits dans la charte des droits fondamentaux, qui fait partie du traité UE et prévoit, à son article 51, paragraphe 1, sans exception, que ses dispositions « s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité ».
80 À ce titre, les droits fondamentaux ont vocation à régir l’exercice des compétences qui sont attribuées aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel, comme ils s’appliquent aux actes adoptés par les États membres dans le champ d’application du droit de l’Union.
81 Cette portée générale des droits fondamentaux a pour conséquence que la REA ne peut, sur la base d’informations recueillies par l’OLAF en violation des droits fondamentaux, suspendre les paiements dus à un opérateur économique.
82 De la réglementation, il ressort, du reste, que ce dernier organisme, à savoir l’OLAF, est tenu au respect des droits fondamentaux lorsqu’il effectue des enquêtes relevant des missions qui lui sont confiées.
83 En effet, selon le règlement no 883/2013, les enquêtes menées par l’OLAF doivent être conformes aux droits fondamentaux. Cette obligation découle du considérant 51 de ce règlement.
84 Le règlement no 2185/96 indique, quant à lui, à son considérant 12, que les « contrôles et vérifications sur place s’effectuent dans le respect des droits fondamentaux des personnes concernées ».
85 En l’occurrence, la requérante estime que l’OLAF a méconnu, dans le cadre des contrôles et des vérifications sur place qu’il a effectués, l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, aux termes duquel, en substance, les justiciables, dans l’Union, ont droit à un recours effectif devant un tribunal, ce qui implique notamment que leur cause soit entendue publiquement, en cas de litige, dans des conditions garantissant l’indépendance et l’impartialité.
86 Selon la requérante, l’article 47 de la charte des droits fondamentaux a été violé en ce que les contrôles et les vérifications sur place ont été effectués par l’OLAF sans que les enquêteurs de cet organisme soient accompagnés par des officiers de police relevant de l’ordre national, sans qu’elle ait été informée du droit dont elle aurait disposé de s’opposer à ces opérations et sans que celles-ci aient été autorisées, au préalable, par une juridiction nationale.
87 En ce qui concerne les deux premiers reproches formulés par la requérante, il convient de relever que la requérante n’a pas fourni d’éléments pour étayer son argumentation, et en particulier des indications tendant à démontrer que l’accompagnement par des officiers de police nationaux et le droit d’être informé de la possibilité de s’opposer à une opération menée par l’OLAF sont visés par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.
88 Par ailleurs, il suffit de rappeler que, comme indiqué aux points 64 à 75 ci-dessus, les règles applicables à ces opérations n’imposent pas aux enquêteurs de l’OLAF d’être accompagnés par des officiers de police nationaux dans les circonstances de l’espèce et que ces règles ne confèrent pas aux opérateurs économiques, notamment à la requérante, le droit de s’opposer à ces opérations et a fortiori d’être informés de l’existence d’un tel droit.
89 Pour ce qui est du troisième reproche formulé par la requérante, il y a lieu de relever que celle-ci n’a pas fourni au Tribunal des éléments accréditant l’idée que, dans les circonstances de l’espèce, une obligation d’obtenir un mandat judiciaire pouvait découler du droit dont dispose le justiciable de voir sa cause entendue par un juge de manière indépendante et impartiale d’autant que, d’une part, la requérante a pu saisir une juridiction nationale pour déterminer si les éléments recueillis par l’OLAF dans le cadre des opérations critiquées pouvaient être utilisés à son égard dans l’ordre interne et que, d’autre part, elle a pu saisir le juge de l’Union pour que soit contrôlée, dans l’ordre juridique de l’Union, la mesure prise par la REA sur la base des informations obtenues dans le cadre des opérations faisant l’objet de ses critiques.
90 Enfin, il convient de rappeler que, en vertu des règles applicables aux opérations menées par l’OLAF, la nécessité d’obtenir un mandat judiciaire, lorsqu’elle est prévue par le droit national, ne s’applique qu’en cas d’opposition manifestée par l’opérateur économique, l’OLAF devant alors requérir la force publique nationale, qui, en vertu des règles qui lui sont applicables, doit respecter les règles relevant de l’ordre interne.
91 Or, comme cela a été indiqué notamment au point 60 ci-dessus, la requérante ne s’est pas opposée aux contrôles et aux vérifications sur place menés par l’OLAF.
92 La requérante soutient que l’article 53 de la charte des droits fondamentaux contient une clause dite « de garantie minimale » en application de laquelle l’OLAF, lors des enquêtes, devrait respecter les règles nationales lorsque celles-ci offrent aux justiciables des garanties plus étendues que celles prévues par le droit de l’Union.
93 À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, cette disposition ne peut être interprétée comme permettant à un État membre de faire obstacle à l’application d’actes du droit de l’Union pleinement conformes à la charte, au motif qu’ils ne respecteraient pas les droits fondamentaux garantis par la Constitution de cet État (arrêt du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 58).
94 Comme l’a indiqué la Cour, cette jurisprudence découle du principe de primauté du droit de l’Union, qui est une caractéristique essentielle de l’ordre juridique de l’Union et en conséquence duquel le fait pour un État membre d’invoquer des dispositions de droit national, fussent-elles d’ordre constitutionnel, ne saurait affecter l’effet du droit de l’Union sur le territoire de cet État (voir arrêt du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 59 et jurisprudence citée).
95 Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, les particuliers bénéficient d’une protection au regard des droits fondamentaux lors des contrôles et des vérifications sur place effectués par l’OLAF dès lors que, d’une part, cet organisme doit respecter la réglementation de l’Union qui prévoit la conformité de son action avec ces droits et que, d’autre part, la REA ne peut adopter des mesures telles que celle en cause en l’espèce en se fondant sur des éléments obtenus au cours de telles opérations si ces dernières ont été effectuées en violation desdits droits, comme indiqué au point 81 ci-dessus.
96 Au vu de ces éléments, le troisième moyen est non fondé.
– Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’effets du rapport d’enquête de l’OLAF sur les conventions de subvention conclues dans le cadre du H2020
97 Par son quatrième moyen, la requérante soutient que, pour suspendre les paiements dus en raison de la convention en cause, la REA ne pouvait se fonder sur des preuves ou éléments de preuve recueillis par l’OLAF dans le contexte d’une enquête portant sur l’exécution de projets relatifs au PC7.
98 À cet égard, il convient de relever que les droits et les obligations de la REA dans le cadre d’une convention signée par elle sont régis par les clauses figurant dans celle-ci.
99 Or, la convention en cause, conclue dans le cadre du H2020, prévoit, en son article 48.1, sous b), la possibilité de suspendre tout ou partie des paiements dus aux cocontractants en cas d’erreurs systématiques ou récurrentes, d’irrégularités, de fraude ou de violation sérieuse des engagements commises dans d’autres conventions.
100 De cette disposition, il ressort que la REA peut suspendre des paiements dans des projets conclus dans le cadre du H2020 lorsque de telles erreurs, irrégularités, fraude ou violation sérieuse des engagements ont été commises dans l’exécution d’une convention, quel que soit le programme auquel puisse être rattachée cette dernière, et donc même si ce programme n’est pas celui portant le sigle H2020.
101 Selon l’enquête réalisée par l’OLAF, la requérante s’est engagée dans des comportements consistant en la manipulation de fiches horaires et l’octroi de salaires excessifs qui lui ont permis de financer des activités non éligibles et d’enfreindre le principe de « non-profit » au détriment du budget et de l’image de l’Union. D’après cette enquête, ces agissements sont intervenus de manière récurrente au cours d’une période de plusieurs années et ont revêtu un caractère généralisé, dès lors qu’ils ont été adoptés par le dirigeant de la requérante ainsi que par les cadres de cette dernière. Dans ces conditions, ils constituaient, selon les informations à la disposition de la REA, informations qui n’ont pas été contestées par la requérante devant le Tribunal, une violation sérieuse des engagements souscrits par la requérante au titre des conventions conclues dans le cadre du PC7, avec pour conséquence que la REA se trouvait alors dans les conditions requises pour pouvoir suspendre les paiements dues au titre de la convention en cause conclue dans le cadre du H2020.
102 Au vu de ces éléments, le quatrième moyen est non fondé.
– Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité
103 Dans son cinquième moyen, la requérante soutient que la mesure litigieuse est contraire au principe de proportionnalité.
104 À cet égard, il convient de rappeler que, consacré par l’article 5, paragraphe 4, TUE, le principe de proportionnalité est un principe général de droit de l’Union requérant que les institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché dans les actions qu’elles entreprennent (arrêt du 26 janvier 2017, Diktyo Amyntikon Viomichanion Net/Commission, T‑703/14, non publié, EU:T:2017:34, point 156).
105 Selon la jurisprudence, ce principe a vocation à régir tous les modes d’action utilisés par l’Union indépendamment de leur nature contractuelle ou autre. En effet, dans le contexte de l’exécution d’obligations contractuelles, le respect de ce principe participe à l’obligation plus générale des parties à un contrat de l’exécuter de bonne foi (arrêt du 26 janvier 2017, Diktyo Amyntikon Viomichanion Net/Commission, T‑703/14, non publié, EU:T:2017:34, point 157).
106 En l’espèce, il convient d’examiner si cette obligation a été respectée par la REA lorsque, dans le cadre contractuel afférent au présent litige, celle-ci a adopté la mesure litigieuse.
107 Selon les preuves et les éléments de preuve recueillis par l’OLAF, les comportements reprochés à la requérante consistent en la manipulation de fiches horaires et l’octroi de salaires excessifs. Comme indiqué au point 101 ci-dessus, ces comportements auraient permis à la requérante de financer des activités non éligibles et d’enfreindre le principe de « non-profit » au détriment du budget et de l’image de l’Union. Ils auraient été adoptés de manière récurrente au cours d’une période de plusieurs années et auraient revêtu un caractère généralisé, étant adoptés par le dirigeant de la requérante ainsi que par les cadres de cette dernière.
108 La requérante a été entendue avant l’adoption de la mesure litigieuse. Or, elle est restée en défaut de démontrer qu’elle n’avait pas commis les irrégularités que la REA lui reprochait de manière détaillée dans sa lettre du 7 octobre 2015, constatations que la REA a confirmées et complétées à l’occasion de la mesure litigieuse, à l’aune des arguments développés par la requérante dans ses observations écrites.
109 Par ailleurs, dans la requête, d’une part, la requérante n’a pas soulevé de moyen tendant à mettre en cause le bien-fondé de l’analyse de la REA, notamment quant à sa pratique de surévaluation des heures effectivement effectuées par ses cadres dirigeants et quant à ses pratiques d’établissement rétroactif des horaires effectués par les membres du personnel. D’autre part, l’argumentation développée au soutien de ses chefs de conclusions n’est pas de nature à infirmer les affirmations de la REA, figurant dans la lettre du 7 octobre 2015, quant aux irrégularités commises par la requérante.
110 Or, ces comportements doivent être examinés au regard des contraintes pesant sur l’Union, et en particulier de celles résultant de l’article 317 TFUE qui impose à la Commission, pour le compte et sous la responsabilité de laquelle la REA agit, dans le cadre du programme-cadre H2020 de veiller à la bonne gestion des ressources de l’Union et de l’article 325 TFUE qui oblige l’Union et les États membres à lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.
111 Dans ce contexte, il convient de constater que, en prenant la mesure litigieuse, la REA a voulu éviter que soient confiées à la requérante de nouvelles ressources provenant du budget de l’Union. Les données recueillies par l’OLAF pointaient la récurrence et le caractère généralisé des comportements interdits adoptés par la requérante. Ayant reçu ces informations, la REA a pu craindre, de manière légitime, que, si elles étaient transférées, ces nouvelles ressources seraient utilisées comme l’avaient été les précédentes, c’est-à-dire sans que soient respectées les dispositions contractuelles applicables.
112 Dans ses écrits, la requérante formule deux arguments pour étayer son moyen relatif à la violation du principe de proportionnalité par la REA.
113 En premier lieu, elle fait valoir que la mesure prise par la REA a été décidée sans prendre en compte la qualité du travail réalisé par la requérante alors que, selon des audits techniques réalisés jusqu’alors sur son travail, les ressources mises à sa disposition auraient été utilisées, par elle, conformément aux principes d’économie, d’efficience et de saine gestion financière.
114 À cet égard, il convient de relever que les audits techniques cités par la requérante poursuivaient un objectif distinct de celui recherché par l’OLAF dans son enquête. Ils visaient à évaluer, en effet, sur le plan intellectuel, les recherches effectuées par la requérante avec les ressources confiées par l’Union. De son côté, l’enquête menée par l’OLAF cherchait à établir si, sur le plan financier, les ressources obtenues de l’Union étaient utilisées conformément aux règles d’engagement.
115 Par ailleurs, indépendamment du droit applicable aux contrats de subvention en cause, la REA, qui, comme indiqué au point 3 ci-dessus, agit pour le compte et sous la responsabilité de la Commission, est liée, en vertu de l’article 317 TFUE, par l’obligation de bonne et de saine gestion financière des ressources de l’Union. Dans le système d’octroi de subventions de l’Union, l’utilisation de ces subventions est soumise à des règles qui peuvent aboutir à la suspension partielle ou totale d’une subvention déjà octroyée. Le bénéficiaire d’une subvention n’acquiert, de ce fait, aucun droit définitif au paiement intégral de la subvention s’il ne respecte pas les conditions auxquelles le soutien était subordonné (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2007, Commission/IIC, T‑500/04, EU:T:2007:146, point 93).
116 Selon un principe fondamental régissant l’octroi de subventions par l’Union, ne peuvent être subventionnées que des dépenses effectivement engagées. Dès lors, pour qu’un rôle de contrôle puisse être exercé, les bénéficiaires de telles subventions doivent démontrer le caractère éligible des coûts imputés aux projets subventionnés. Il ne suffit pas de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique. Le bénéficiaire de l’aide doit, de surcroît, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi de la subvention concernée. Son obligation de respecter les conditions financières fixées constitue un engagement essentiel et, de ce fait, conditionne l’attribution de la subvention de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2007, Commission/IIC, T‑500/04, EU:T:2007:146, point 94).
117 Par conséquent, eu égard aux constats effectués dans le rapport d’enquête de l’OLAF quant aux pratiques mises en œuvre par la requérante ainsi qu’aux principes jurisprudentiels susmentionnés, il ne saurait être reproché à la REA d’avoir méconnu le principe de proportionnalité en adoptant la mesure litigieuse.
118 En second lieu, dans son argumentation relative au principe de proportionnalité, la requérante soutient que la REA et la Commission auraient agi d’une manière inacceptable en prenant des mesures affectant l’ensemble des conventions qui les liaient à elle alors que des comportements interdits étaient constatés, selon elle, dans un nombre seulement limité de situations. Pour la requérante, une réaction plus appropriée aurait consisté à l’informer de l’existence de difficultés et à lui demander l’adaptation des postes où apparaissaient des dépenses non éligibles.
119 À cet égard, il y a lieu de relever que la mesure prise par la REA et critiquée par la requérante s’inscrit dans un contexte où des éléments de preuve avaient été communiqués par l’organisme officiellement chargé de lutter contre l’usage abusif de fonds en provenance de l’Union, ces éléments de preuve démontrant que des fraudes sérieuses et récurrentes avaient été commises, dans l’usage de ces fonds, par la requérante.
120 Dans ce contexte, la REA a pu penser que, en limitant la suspension à certains paiements, les intérêts financiers de l’Union ne seraient pas protégés d’une manière suffisamment efficace, en contravention avec l’obligation imposée par l’article 317 TFUE susmentionné. Les enquêtes étant effectuées sous la forme d’échantillons, l’existence d’irrégularités constatées dans une convention a pu affecter la confiance placée par la REA et la Commission dans leur contractant et conduire celles-ci à mettre en cause la participation de la requérante dans l’ensemble des conventions passées avec elle.
121 Au vu de ces éléments, le cinquième moyen est non fondé, de sorte qu’il convient de rejeter le premier chef de conclusions présenté par la requérante.
Sur le deuxième chef de conclusions
122 Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, par voie de conséquence, de condamner la REA au paiement de la somme qui aurait été illégalement suspendue au titre de la convention en cause et qui s’élève à 425 406,25 euros, à majorer des intérêts de retard.
123 À cet égard, il convient de relever que, comme indiqué dans le mémoire en défense de la REA, laquelle n’a pas été contredite par la requérante sur ce point, le montant revendiqué par cette dernière correspond au préfinancement qui serait dû à la requérante en vertu de l’article 21.2 de la convention en cause.
124 Dans le cas d’espèce, la REA a suspendu le préfinancement dû en se fondant sur l’article 48.1, sous b), de la convention en cause. Cette disposition prévoit que la REA peut suspendre les paiements dans des projets relevant du H2020 lorsque des erreurs, fraudes et irrégularités ont été commises.
125 De la réponse donnée par le Tribunal au premier chef de conclusions présenté par la requérante, il ressort que la REA a procédé à la suspension du préfinancement de manière régulière.
126 Par voie de conséquence, le deuxième chef de conclusions doit être rejeté.
Sur le quatrième chef de conclusions
127 Par son quatrième chef de conclusions, la requérante demande « à titre subsidiaire » la nomination d’un expert dont la mission serait de déterminer le montant des sommes incontestablement dues à la requérante au titre de la convention en cause. Il convient d’interpréter cette demande comme étant une suggestion que le Tribunal adopte une mesure d’instruction en vertu de l’article 91, sous e), du règlement de procédure.
128 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le financement par l’Union, en application de contrats de subvention, ne constitue pas une rémunération du travail effectué par la requérante, mais une subvention accordée à des projets que cette dernière mène et dont le versement est soumis à des conditions précises, définies contractuellement.
129 Comme indiqué au point 116 ci-dessus, ne peuvent ainsi être subventionnées que des dépenses effectivement engagées. Dès lors, il incombe à la requérante, en vertu de ses engagements contractuels, d’apporter la preuve de ses dépenses conformément aux exigences de preuve requises par l’article 6 des conventions de subvention relevant du H2020 (arrêts du 22 mai 2007, Commission/IIC, T‑500/04, EU:T:2007:146, points 104 et 105 ; du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 141, et du 5 octobre 2016, European Children’s Fashion Association et Instituto de Economía Pública/EACEA, T‑724/14, non publié, EU:T:2016:600, point 137).
130 Par ailleurs, le Tribunal est le seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi en ordonnant des mesures d’instruction telles que celle demandée en l’espèce, lesquelles ne sauraient avoir pour objet de suppléer la carence de la partie requérante dans l’administration de la preuve (voir arrêt du 16 juillet 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑481/07 P, non publié, EU:C:2009:461, point 44 et jurisprudence citée). En l’espèce, alors que la requérante n’a pas établi les montants qui lui seraient dus, il n’y a pas lieu d’adopter la mesure d’instruction demandée (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2016, Trivisio Prototyping/Commission, T‑184/15, non publié, EU:T:2016:652, point 102).
131 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir soulevées par la REA.
Sur les dépens
132 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la REA, en ce compris les dépens afférents à la procédure en référé.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Sigma Orionis SA est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.
Pelikánová | Nihoul | Svenningsen |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2018.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Enquête réalisée par l’OLAF
Intervention de la REA
Procédures nationales
Procédure et conclusions des parties
En droit
Sur la compétence du Tribunal
Sur le droit applicable
Sur le fond
Sur le premier chef de conclusions
– Sur le premier moyen, tiré du non-respect de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction
– Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit français
– Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux
– Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’effets du rapport d’enquête de l’OLAF sur les conventions de subvention conclues dans le cadre du H2020
– Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité
Sur le deuxième chef de conclusions
Sur le quatrième chef de conclusions
Sur les dépens
* Langue de procédure: le français
© European Union
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