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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> PS v EIB (Staff Regulations of officials and Conditions of Employment of other servants - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-612/16 (13 July 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T61216.html Cite as: [2018] EUECJ T-612/16, EU:T:2018:483, ECLI:EU:T:2018:483 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
13 juillet 2018 (*)
« Fonction publique – Personnel de la BEI – Sécurité sociale – Accident du travail – Invalidité totale et permanente – Origine professionnelle de la maladie – Régime d’assurance des accidents du travail et maladies professionnelles – Cotisation au régime de pension – Devoir de sollicitude – Responsabilité – Préjudice moral »
Dans l’affaire T‑612/16,
PS, ancien membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, représenté par Mes N. Lhoëst et G. Cludts, avocats,
partie requérante,
contre
Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. T. Gilliams, E. Raimond et Mme G. Faedo, puis par M. Gilliams et Mme Faedo en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à obtenir réparation des préjudices que le requérant aurait prétendument subis depuis novembre 2013,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,
greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 janvier 2018,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 1er novembre 2004, le requérant est entré en service à la Banque européenne d’investissement (BEI) en tant que membre du personnel sous un contrat à durée indéterminée. Il a été classé dans la catégorie 2 « Personnel de conception », fonction D, conformément à l’article 14 du règlement du personnel de la BEI.
2 Pendant une période de deux ans allant du 1er mars 2011 au 1er mars 2013, le requérant a été détaché à Rome (Italie) auprès de la Cassa Depositi e Prestiti SpA (CDP, Caisse des dépôts et des prêts).
3 Dans le cadre de sa réintégration à Luxembourg (Luxembourg) après son détachement, le requérant a exprimé des préférences quant aux postes qu’il aurait souhaité occuper.
4 La BEI n’étant pas en mesure d’offrir un poste souhaité par le requérant, elle a discuté avec lui de différentes solutions entre mars et juin 2013. Le requérant a refusé ces solutions au motif qu’elles n’étaient pas suffisamment stimulantes pour lui ou d’un niveau correspondant à son grade, ses compétences et son expérience.
5 Le 9 juillet 2013, la direction des ressources humaines de la BEI a proposé, en tant que solution pour la réintégration du requérant à Luxembourg, une affectation provisoire jusqu’au 31 décembre 2013 à un poste à la direction des opérations, auprès de la division « Économie du savoir, Recherche, Développement et Innovation (NPST‑2 RDI) », au même niveau fonctionnel que celui que le requérant occupait avant son détachement. Dans sa lettre du 9 juillet 2013, la BEI s’engageait à revoir sa position et à continuer à rechercher avec le requérant une position définitive dans les mois qui suivraient.
6 Le 8 octobre 2013, le requérant a introduit une demande de conciliation, conformément à l’article 41 du règlement du personnel, afin d’obtenir un poste permanent dans le secteur des produits de capital-investissement avec une promotion à la fonction C, un dédommagement du dommage moral subi ainsi que la révision de la méthode d’évaluation utilisée pour l’évaluation de sa performance pour l’année 2013.
7 Avant que le comité de conciliation, constitué le 11 novembre 2013, n’entame ses travaux, un événement tragique est survenu au sein de la BEI : le 13 novembre 2013, une stagiaire s’est suicidée en se jetant du huitième étage de l’un des bâtiments de la BEI. Aux dires du requérant, il était sur les lieux de l’accident au moment des faits, aurait appelé les secours et assisté la stagiaire durant son agonie et ses derniers moments de vie.
8 Le lendemain, soit le 14 novembre 2013, le docteur D., médecin-conseil de la BEI à l’époque, a recommandé au requérant de s’abstenir de travailler pour quelque temps. À partir de cette date, le requérant n’a plus repris son travail à la BEI.
9 Le 18 novembre 2014, le requérant a introduit auprès de la compagnie d’assurances AXA Belgique SA (ci-après « AXA ») une déclaration d’accident conformément aux termes des articles 5 et 9 de la police d’assurance contre les risques d’accidents professionnels ou privés et de maladie professionnelle souscrite par la BEI avec AXA en application de l’article 33 bis du règlement du personnel et portant le numéro 730.326.260 (ci-après la « police d’assurance AXA ») pour avoir été le témoin direct du suicide survenu sur les lieux de la BEI.
10 Au mois de décembre 2014, le requérant a demandé à la direction des ressources humaines d’organiser une visite médicale avec le médecin-conseil de la BEI en vue de sa mise en invalidité.
11 Par courrier électronique du 16 décembre 2014, la BEI a invité le requérant à un examen avec le docteur M., médecin-conseil de la BEI, pour le 17 décembre 2014.
12 À cette époque, le requérant a également dû faire face à une procédure de divorce, son épouse étant elle aussi une employée de la BEI, affectée à la direction de la conformité. Selon le requérant, pour justifier sa demande d’obtenir la garde des enfants devant le juge national compétent, son épouse avait produit des documents médicaux strictement confidentiels concernant son état de santé et liés exclusivement à l’événement tragique dont il avait été témoin. En raison de l’utilisation illicite de ces documents à son insu, le requérant a introduit, le 5 février 2015, auprès de l’inspection générale de la BEI, une plainte pour violation du règlement du personnel et du code de conduite du personnel.
13 La plainte du requérant du 5 février 2015 a donné lieu à une enquête menée par l’inspection générale de la BEI. Par lettre du 4 décembre 2015, le requérant a été informé qu’aucun élément ne confirmait ses allégations relatives à une violation de la confidentialité de son dossier personnel.
14 Parallèlement, le requérant a dénoncé les mêmes faits au responsable de la protection des données de la BEI. Ce dernier, dans ses conclusions préliminaires du 18 juillet 2015, a déclaré que ses investigations n’avaient laissé transparaître aucune violation du droit de la part de la BEI ou de son personnel.
15 Par courriel du 19 février 2015, le requérant a été informé de ce que la BEI, faisant suite aux recommandations du médecin-conseil, le docteur M., l’avait placé en situation d’invalidité de manière totale et permanente avec effet au 1er mars 2015.
16 Par courrier électronique du 27 février 2015, à la suite de la mise en invalidité du requérant, la direction des ressources humaines lui a demandé d’exprimer son choix quant au capital acquis au titre du régime complémentaire volontaire de prévoyance (ci-après le « RCVP ») dans le compte ouvert à cet effet.
17 Par courriel du 2 mars 2015, le requérant a répondu à cette demande et a indiqué qu’il souhaitait retirer son capital.
18 Par lettre du 4 juin 2015, la BEI a communiqué au requérant le calcul des sommes qui lui étaient dues à l’occasion de son départ, y compris le capital qu’il avait acquis dans son compte RCVP.
19 Au mois de juillet 2015, AXA a donné suite à la déclaration d’accident du requérant du 18 novembre 2014 et lui a alloué le montant de 136 486,46 euros à titre d’indemnisation pour les suites de l’accident dont il avait été témoin, avec un taux de consolidation de 12 %.
20 La procédure de conciliation entamée par le requérant le 8 octobre 2013 ayant été suspendue à sa demande, le comité de conciliation a pu reprendre ses travaux le 5 juin 2015. Ces travaux ont été consignés dans un rapport dans lequel le comité de conciliation a conclu que la demande du requérant concernant l’octroi d’un poste permanent et sa demande de promotion n’étaient plus pertinentes dès lors qu’il avait quitté la BEI, que la BEI avait fait une proposition pour prendre en charge les frais juridiques du requérant sur laquelle il appartenait à ce dernier de prendre position et qu’une révision de son évaluation pour l’exercice 2013 n’avait plus non plus de pertinence. Par courriel du 22 septembre 2015 adressé au président de la BEI, le comité de conciliation a constaté l’échec de la procédure de conciliation du fait que le requérant avait refusé le règlement à l’amiable offert par la BEI et n’avait pas proposé une contre-offre acceptable pour la BEI. Le rapport du comité de conciliation du 22 septembre 2015 ainsi que le courrier électronique d’accompagnement au président de la BEI ont été transmis au requérant le 30 septembre 2015.
21 Le 2 novembre 2015, le requérant a introduit, auprès d’AXA, une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie afin de bénéficier de la couverture prévue à l’article 9.1.1. des dispositions administratives applicables au personnel de la BEI, adoptées par la BEI sur le fondement de l’article 33 ter du règlement du personnel (ci-après les « dispositions administratives »).
22 Le 6 décembre 2015, le requérant a introduit une nouvelle demande de conciliation.
23 Dans sa demande du 6 décembre 2015, le requérant a reproché à la BEI :
– d’avoir manqué à son devoir de sollicitude en ne lui apportant aucun soutien à la suite de l’événement tragique dont il avait été témoin le 13 novembre 2013 ;
– de ne pas avoir pris toutes les dispositions pour qu’il puisse bénéficier de la couverture d’assurance comme cela est stipulé à l’article 9.1.1 des dispositions administratives ;
– de ne plus pouvoir bénéficier du RCVP équivalant à 3 % de son salaire annuel jusqu’à l’âge de la pension ;
– d’avoir été victime d’une violation des règles sur la protection des données et du code de conduite du personnel, sans que les auteurs de ces violations soient sanctionnés ;
– de lui avoir fait subir un traitement humiliant ou dégradant en l’ayant fait accompagner par des agents de sécurité à l’intérieur des bâtiments de la BEI et ceci avant même d’avoir été mis en invalidité.
24 Le comité de conciliation s’est réuni les 4 et 11 avril 2016 et a poursuivi ses discussions par téléphone le 13 avril 2016. Le 15 avril 2016, le rapport du comité a été établi, faisant ressortir qu’il avait décidé de faire une proposition, satisfaisante pour les deux parties, consistant en une compensation financière pour les cinq griefs soulevés avec, en contrepartie, l’abandon par le requérant de toute poursuite contre la BEI et le respect d’une clause de confidentialité. La compensation financière devrait se situer à mi-chemin entre les positions des deux parties. Il ressort également de ce rapport que le comité de conciliation a dû constater que la BEI ne souhaitait pas s’engager tant qu’AXA n’avait pas pris position sur l’origine de l’invalidité du requérant. Le comité de conciliation a donc conclu à l’échec de la conciliation, tout en encourageant la BEI à fournir à AXA les informations requises par cette dernière.
25 Par courrier électronique du 13 mai 2016, le président de la BEI a signifié au requérant l’échec de la conciliation.
Procédure et conclusions des parties
26 Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 12 août 2016, le requérant a introduit le présent recours. Ce dernier a été enregistré sous le numéro F‑42/16.
27 En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016. Elle a été enregistrée sous le numéro T‑612/16 et attribuée à la deuxième chambre du Tribunal.
28 Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été respectivement déposés au greffe du Tribunal le 28 novembre 2016, le 14 février et le 27 mars 2017.
29 Le 23 novembre 2017, le Tribunal, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a demandé à la BEI la production d’un certain nombre de documents.
30 Par courrier du 11 décembre 2017, la BEI a produit les documents demandés, à l’exception du rapport de l’inspection générale de la BEI sur la plainte du requérant contre la prétendue violation du devoir de confidentialité et du rapport établi par le bureau « Sécurité et Santé au travail Luxembourg » (ci-après le « rapport SSTL »).
31 Par ordonnance du 16 janvier 2018, le Tribunal a ordonné à la BEI de produire ces deux documents. Il a également été indiqué dans cette ordonnance, que, conformément à l’article 103 du règlement de procédure, ces deux documents ne seraient pas communiqués au requérant à ce stade. Le 17 janvier 2018, la BEI a déféré à la mesure d’instruction.
32 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 janvier 2018. Lors de cette audience, le Tribunal a également invité la BEI à lui transmettre les versions non confidentielles des deux documents produits à la suite de l’ordonnance de mesures d’instruction du 16 janvier 2018. La BEI a donné son accord et ce dernier a été acté dans le procès-verbal d’audience. La BEI a produit les versions non confidentielles des documents en cause dans le délai imparti.
33 Les observations du requérant sur lesdits documents ont été présentées le 8 mars 2018.
34 La phase orale de la procédure a été clôturée le 21 mars 2018.
35 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– condamner la BEI à lui payer une somme égale à huit fois son salaire annuel sur la base de l’article 33 bis du règlement du personnel et de l’article 9.1.1. des dispositions administratives ;
– à titre subsidiaire et avant dire droit :
– condamner la BEI à lui communiquer le rapport SSTL et le rapport des responsables de la sécurité de la BEI établi après l’événement tragique du 13 novembre 2013, le courriel adressé le 28 mai 2010 à la direction des ressources humaines concernant l’insécurité des lieux ainsi que tout autre document en sa possession permettant de mieux comprendre les causes et les circonstances du dramatique accident survenu au siège de la BEI le 13 novembre 2013 ;
– convoquer le docteur G. pour qu’il témoigne sur ses initiatives de l’époque visant à attirer l’attention des autorités de la BEI sur la dangerosité de l’immeuble ;
– annuler la décision de la BEI du 4 juin 2015 clôturant le compte RCVP du requérant avec effet au 28 février 2015 et condamner la BEI à payer au requérant :
– une somme équivalant aux versements que la BEI aurait continué à effectuer sur son compte RCVP (3 % de son salaire annuel) si la BEI n’avait pas fermé ledit compte, et ce, à dater du 28 février 2015 jusqu’à la date de réouverture effective du compte RCVP du requérant ;
– les intérêts que le capital sur son compte RCVP aurait continué à produire si ce compte n’avait pas été clôturé le 28 février 2015 et si lui-même et la BEI avaient pu continuer leurs versements respectifs à concurrence de 3 % de son salaire annuel et ce, jusqu’à la date de réouverture effective de son compte RCVP ;
– condamner la BEI au paiement de dommages et intérêts évalués ex æquo et bono à 15 000 euros à titre de réparation pour le préjudice moral subi ;
– condamner la BEI aux dépens.
36 Dans la réplique, le requérant a conclu, en outre, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– condamner la BEI à lui payer la différence de rémunération entre l’allocation d’invalidité et la rémunération qu’il aurait normalement dû continuer à percevoir jusqu’à l’âge de 65 ans, en tenant compte d’une progression salariale tout à fait raisonnable de 2 % l’an, au-delà de l’inflation annuelle ;
– condamner la BEI à lui payer une somme équivalant aux versements qu’elle aurait dû continuer à verser sur son compte RCVP (3 % de son salaire annuel) jusqu’à l’âge de la pension s’il n’avait pas été mis en invalidité.
37 La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité des chefs de conclusions présentés dans la réplique
38 Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 76 du règlement de procédure, la partie requérante a l’obligation de définir l’objet du litige et de présenter ses conclusions dans l’acte introductif d’instance. Si l’article 84, paragraphe 2, du même règlement permet, dans certaines circonstances, la production de moyens nouveaux en cours d’instance, cette disposition ne peut, en aucun cas, être interprétée comme autorisant la partie requérante à saisir le Tribunal de conclusions nouvelles et à modifier ainsi l’objet du litige [voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, EU:T:2005:379, point 28 et jurisprudence citée].
39 Il s’ensuit que le requérant n’est pas recevable à saisir le Tribunal des conclusions nouvelles formulées dans sa réplique telles que celles mentionnées au point 36 ci-dessus et, partant, à modifier l’objet du litige. Or, tant le premier que le second chef de conclusions mentionnés au point 36 ci-dessus sont nouveaux. En particulier, le second chef de conclusions ne peut pas être considéré comme étant une précision du deuxième chef de conclusions figurant dans la requête, mais plutôt d’un nouveau chef de conclusions. En effet, alors que, dans la requête, le requérant a demandé l’annulation de la décision de fermeture de son compte RCVP et la condamnation de la BEI à lui payer ce qu’elle aurait dû verser sur ce compte du 28 février 2015 jusqu’à la date de sa réouverture effective, dans sa réplique, le requérant soutient une position différente, à savoir que la BEI aurait dû verser sur ce même compte, jusqu’à l’âge de la pension, une somme correspondant aux contributions auxquelles il aurait eu droit s’il n’avait pas été mis en invalidité et qu’elle aurait dû être condamnée à lui payer cette somme. Les chefs de conclusions formulés dans la réplique ne peuvent donc qu’être écartés comme étant irrecevables.
Sur le premier chef de conclusions
Sur la demande formulée à titre principal
40 Par son premier chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de condamner la BEI à lui payer une somme correspondant à huit fois son salaire annuel, somme qui équivaut à l’indemnité prévue dans le cas de la reconnaissance d’une maladie professionnelle à 100 %.
41 Le requérant rappelle que l’événement tragique du 13 novembre 2013, dont il a été témoin, a entrainé sa mise en incapacité de travail durant de nombreux mois et, finalement, sa mise en invalidité totale et permanente. Selon le requérant, son invalidité doit être considérée comme étant d’origine professionnelle et donner lieu à la compensation financière prévue à l’article 9.1.1 des dispositions administratives. Il explique que, avant qu’AXA ne puisse se prononcer sur la demande portant sur la reconnaissance de l’origine professionnelle de son invalidité, elle a besoin d’informations émanant de la BEI. À sa connaissance, l’événement tragique du 13 novembre 2013 aurait donné lieu à deux rapports, le rapport SSTL et un rapport établi par le service de sécurité de la BEI. Toutefois, jusqu’à présent, la BEI aurait refusé de communiquer ces rapports tant au requérant qu’à AXA. De ce fait, la BEI ferait obstruction à la reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie du requérant. L’attitude de la BEI constituerait également une violation de l’article 9.1.1. des dispositions administratives, selon lequel la BEI est tenue d’effectuer toutes les démarches auprès d’AXA pour pouvoir faire aboutir la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie du requérant. De ce fait, la BEI empêcherait le requérant de pouvoir bénéficier de la couverture d’assurance, de sorte qu’il convient de déclarer la BEI personnellement redevable de l’indemnité à laquelle peut prétendre le requérant.
42 La BEI ne nie pas ne pas avoir transmis à AXA les rapports auxquels se réfère le requérant, à savoir le rapport SSTL et le rapport du service de sécurité de la BEI, mais elle estime que cette approche est la plus prudente dans le contexte de l’espèce.
43 À cet égard, la BEI fait valoir que la direction des ressources humaines a demandé à l’inspection générale de la BEI de mener une enquête pour vérifier la véracité des déclarations faites par le requérant dans sa demande d’indemnisation du 2 novembre 2015 à titre de maladie professionnelle. En effet, à la lecture de cette demande, il serait apparu que certaines déclarations sur le déroulement des événements liés au suicide d’une stagiaire de la BEI le 13 novembre 2013 ne correspondaient pas aux souvenirs des agents qui avaient dû s’occuper de ce fait tragique et qui avaient eu accès aux rapports et documents s’y rapportant. Plus particulièrement, un doute existerait quant au fait que le requérant aurait été le premier à arriver sur le lieu de l’accident et à appeler les services de secours et qu’il aurait été auprès de la jeune femme au moment de son décès. À la suite de l’enquête demandée, l’inspection générale de la BEI a remis à la direction des ressources humaines, le 22 mars 2016, son rapport confirmant que le requérant avait fait de fausses déclarations dans sa demande à AXA du 2 novembre 2015 et conseillant de renvoyer le dossier pour des enquêtes complémentaires aux autorités nationales compétentes et à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Selon la BEI, dans ces circonstances, il était justifié de décider de suspendre le recueil de renseignements pour la préparation du rapport prévu par l’article 10, dernier alinéa, de la police d’assurance AXA. La BEI précise qu’elle a d’abord soumis le dossier à l’OLAF, lequel a déclaré qu’il n’ouvrirait pas d’enquête, car les informations et les preuves recueillies par l’inspection générale de la BEI étaient déjà suffisantes pour renvoyer le dossier devant les autorités nationales compétentes et que, en outre, elle avait déposé, en date du 20 juin 2016, une plainte auprès du parquet de Luxembourg pour tentative de fraude du requérant envers AXA. De ce fait, elle se devait d’en attendre le résultat pour pouvoir décider des suites à donner au dossier du requérant.
44 La BEI fait également remarquer que, selon la police d’assurance AXA, elle doit effectivement fournir les informations concernant l’environnement professionnel et les conditions de travail du requérant. Toutefois, cette police d’assurance ne préciserait pas quels documents ou quelles informations doivent être transmis pour instruire les dossiers des maladies professionnelles.
45 Comme cela a été rappelé au point 40 ci-dessus, par son premier chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de condamner la BEI à lui payer une somme correspondant à huit fois son salaire annuel, somme qui équivaut à l’indemnité prévue dans le cas de la reconnaissance d’une maladie professionnelle à 100 %.
46 Toutefois, une maladie professionnelle présuppose un lien entre la maladie et son origine professionnelle. Or, il ressort du dossier que l’existence d’un tel lien n’a pas encore été établie par le médecin-conseil d’AXA.
47 L’article 10 de la police d’assurance AXA stipule que :
« L’[a]ssuré qui demande l’application du présent contrat pour cause de maladie professionnelle doit effectuer auprès de [la BEI] et de [AXA] une déclaration dès le début de la maladie ou à la date de la première constatation médicale.
[...]
L[a BEI] procédera à une enquête en vue d’obtenir tous les éléments permettant d’établir la nature de l’affection, son origine professionnelle éventuelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s’est produite. Ce rapport sera transmis au médecin-conseil chargé d’examiner l’assuré. »
48 Il ressort de l’article 11 de la police d’assurance AXA, intitulé « Indemnités » :
« Les indemnités prévues au présent contrat sont dues aux conditions ci-après :
[...]
En cas d’invalidité permanente :
1. En cas d’invalidité permanente totale : un capital égal à [huit] fois le montant du traitement annuel retenu pour l’application du règlement du régime de pension.
[...]
2. En cas d’invalidité permanente partielle : un capital égal à [huit] fois le montant du traitement annuel retenu pour l’application du règlement du régime de pension en fonction du pourcentage de l’invalidité permanente partielle.
3. L’invalidité permanente totale ou partielle est mesurée par l’atteinte à l’intégrité physico-psychique (AIPP) telle que fixée par le barème européen d’évaluation des atteintes à l’intégralité physique et psychique dans la dernière édition publiée au moment de la consolidation sans que celle-ci ne puisse dépasser les 100 %.
Il est payé à l’[a]ssuré, selon ce barème européen et ses modalités pratiques d’utilisation, tout ou partie du capital prévu. »
49 Il est également précisé à l’article 11 de la police d’assurance AXA que « le médecin évaluateur quantifie les invalidités, atteintes à l’intégrité physique ou psychique médicalement constatables donc mesurables ».
50 Enfin, en vertu de l’article 23 de la police d’assurance AXA, « en cas de contestation sur la réalité ou le degré de l’invalidité permanente, le différend est soumis à une commission médicale laquelle est composée de trois médecins, l’un désigné par l’[a]ssuré ou ses ayants droit, le [deuxième] par l’assureur et le [troisième] de commun accord des deux premiers ».
51 Il ressort des dispositions susmentionnées qu’il incombe à AXA de statuer sur la demande du requérant de reconnaissance d’une maladie professionnelle. En effet, dans le cadre « maladie professionnelle » de la police d’assurance AXA, le médecin-conseil d’AXA doit faire sa propre évaluation de l’état de santé de l’assuré en toute liberté et en toute indépendance et doit décider si et dans quelle mesure la pathologie dont souffre l’assuré en question a une origine professionnelle, après avoir recueilli auprès de la BEI tous les renseignements concernant l’environnement professionnel dans lequel l’assuré pourrait avoir développé sa maladie.
52 En outre, indépendamment du fait que, comme dans le cas du requérant, une invalidité à 100 % ait été reconnue selon le régime de pension de la BEI, le médecin-conseil d’AXA pourrait conclure qu’un pourcentage inférieur à 100 % de cette invalidité a une origine professionnelle, tandis que le reste trouverait sa cause essentielle et prépondérante dans la vie privée de l’assuré.
53 Partant, les conséquences automatiques que le requérant semble tirer de sa mise en invalidité par la BEI et l’indemnisation qu’AXA devrait lui reconnaître à titre de maladie professionnelle ne sauraient être approuvées.
54 Certes, afin de permettre à AXA d’examiner la demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle, il incombe à la BEI de donner des informations utiles.
55 À cet égard, selon l’article 9.1.1. des dispositions administratives, la BEI se charge d’effectuer les démarches nécessaires auprès d’AXA.
56 De même, l’article 10 de la police d’assurance AXA stipule, ainsi qu’il a déjà été mentionné au point 47 ci-dessus, que la BEI « procédera à une enquête en vue d’obtenir tous les éléments permettant d’établir la nature de l’affection, son origine professionnelle éventuelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s’est produite » et que « [c]e rapport sera transmis au médecin-conseil chargé d’examiner l’[a]ssuré ».
57 Toutefois, lesdites dispositions n’empêchent pas la BEI d’examiner la véracité des déclarations faites par le requérant dans sa demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle s’il y a des indices d’une possible fraude.
58 Pour les raisons évoquées au point 43 ci-dessus, notamment l’organisation de l’enquête interne menée par l’inspection générale de la BEI sur la véracité des déclarations du requérant, puis celle de l’enquête externe sur une tentative de fraude à la suite de l’introduction d’une plainte de la BEI déposée devant le parquet de Luxembourg, le reproche selon lequel la BEI ferait obstruction pour que l’origine professionnelle de la maladie du requérant ne puisse être reconnue et selon lequel l’attitude de la BEI constituerait une violation de l’article 9.1.1. des dispositions administratives doit être rejeté.
59 Dans l’hypothèse où le requérant aurait commis une fraude dans le cadre de sa demande d’indemnisation pour maladie professionnelle, il est clair que ce constat, par la juridiction luxembourgeoise compétente, pourrait jouer un rôle important sur la suite de la présente affaire.
60 Pour conclure, la demande consistant à déclarer la BEI redevable de l’indemnité à laquelle peut prétendre le requérant dans le cas de la reconnaissance de l’origine professionnelle de son invalidité et de la condamner à la payer est prématurée dès lors que, comme il a déjà été indiqué au point 46 ci-dessus, le médecin-conseil d’AXA doit encore se prononcer sur la reconnaissance d’une maladie professionnelle.
61 Partant, la demande faite à titre principal dans le cadre du premier chef de conclusions doit être rejetée.
Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction
62 Par son premier chef de conclusions, le requérant demande à titre subsidiaire au Tribunal que le docteur G. soit interrogé en tant que témoin.
63 S’agissant de l’appréciation des demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 77 et jurisprudence citée).
64 Ainsi, la Cour a notamment jugé que, même si une demande d’audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d’entendre le ou les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (voir arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 78 et jurisprudence citée).
65 En l’espèce, il n’y a pas lieu de recourir à l’audition de témoin demandée par le requérant.
66 En effet, le requérant demande, tout d’abord, de manière générale, que le docteur G. soit auditionné, mais n’indique nullement en quoi un tel témoignage présenterait un intérêt pour la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, EU:T:2006:350, point 80). De surcroît, au regard de l’analyse effectuée ci-dessus (voir points 45 à 61 ci-dessus), cette audition n’apparaît ni pertinente ni nécessaire pour statuer sur le présent litige.
67 S’agissant de la demande de certains documents, ils ont été produits dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure et des mesures d’instruction (voir points 29 à 33 ci-dessus).
Sur le deuxième chef de conclusions
68 Le requérant demande l’annulation de la décision de la BEI du 4 juin 2015 clôturant son compte RCVP et la condamnation de la BEI à lui payer une somme équivalant aux versements qu’elle aurait continué à effectuer sur le compte en question s’il n’avait pas été clôturé et ce, avec effet au 28 février 2015 jusqu’à la date de réouverture effective du compte RCVP. Le requérant demande également que la BEI soit condamnée à payer les intérêts que le capital sur son compte RCVP aurait dû continuer à produire pendant cette période.
69 Le requérant reproche à la BEI d’avoir pris, le 4 juin 2015, à la suite de sa mise en invalidité, la décision unilatérale de fermer son compte RCVP, sans lui offrir la possibilité de pouvoir continuer à adhérer et à cotiser audit compte jusqu’à sa retraite. Ce faisant, la BEI n’aurait pas respecté les dispositions concernant le régime de pension qu’elle a elle-même adoptées, permettant aux membres de son personnel en invalidité de pouvoir continuer à adhérer et à cotiser au RCVP jusqu’à leur départ en retraite. En outre, de ce fait, le requérant perdrait le bénéfice des versements annuels de la BEI (3 % de son salaire annuel) équivalant aux primes versées par le requérant sur son compte RCVP ainsi que les intérêts que ce compte aurait pu continuer à produire sur les cotisations passées et à venir.
70 La BEI rétorque que la lecture que le requérant fait des règles applicables est erronée, qu’elle n’a pas pris la décision unilatérale de fermer son compte et que les règles sur le RCVP ont été respectées. Par conséquent, toutes les demandes de paiement formulées dans le deuxième chef de conclusions seraient dépourvues de tout fondement.
71 Selon la BEI, la demande d’annulation du requérant apparaît également comme irrecevable. En premier lieu, la lettre du 4 juin 2015 ne constituerait pas une décision attaquable, car elle se limiterait à une proposition sur laquelle l’accord du requérant est demandé, mais ne constituerait pas la décision finale sur sa position. En second lieu, la demande d’annulation serait irrecevable, car tardive. La lettre du 4 juin 2015 en question a déjà été contestée dans le cadre de la procédure de conciliation amorcée le 6 décembre 2015. Or, il découlerait de la jurisprudence qu’un délai de six mois pour contester une prétendue décision litigieuse serait normalement considéré comme excédant le délai raisonnable applicable à ce genre de procédure.
72 Dans la réplique, le requérant conteste l’irrecevabilité de sa demande d’annulation de la lettre du 4 juin 2015. Cette lettre constituerait un acte faisant grief en ce qu’il fixe les droits auxquels le requérant peut prétendre au titre de sa pension prévue par le RCVP. En outre, cette lettre évoquerait l’existence d’un accord qui deviendrait effectif lorsque le paiement aurait été effectué.
73 Le requérant fait également remarquer que, en tout état de cause, la décision de clôturer son compte RCVP s’inscrit dans le cadre d’une procédure complexe qui s’est opérée en plusieurs phases. Or, en présence d’une procédure complexe, certains actes préparatoires pourraient être détachés pour avoir valeur de décision pouvant faire l’objet d’une contestation. De plus, comme l’indique la lettre de la BEI du 4 juin 2015, l’accord n’est devenu effectif qu’au moment où le versement a été effectué, en l’espèce, le 26 octobre 2015. Selon le requérant, entre la date du versement et la date de la contestation de la clôture de son compte RCVP formulée dans sa demande de conciliation en date du 6 décembre 2015, il ne s’est écoulé qu’une période d’un mois et dix jours, ce qui est raisonnable. Qui plus est, la décision de la BEI de clôturer son compte RCVP aurait été adoptée sans son accord. Si le requérant avait en effet indiqué, dans son courrier électronique du 2 mars 2015, sa préférence pour un versement en capital plutôt que sous forme de pension complémentaire, il n’aurait cependant jamais été question d’un quelconque accord pour la clôture immédiate de son compte RCVP. Le requérant ajoute qu’il n’a jamais signé la lettre du 4 juin 2015 et qu’il souhaite continuer à bénéficier de son compte RCVP jusqu’à l’âge de sa pension. Partant, faute d’accord sur la clôture dudit compte, la décision de la BEI portant sur la clôture du compte RCVP et sur le versement du solde dudit compte doit être annulée.
74 Il convient de rappeler que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur le grief d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52). En l’espèce, le Tribunal estime qu’il convient de se prononcer, tout d’abord, sur le fond du deuxième chef de conclusions du requérant.
75 À cet égard, il y a lieu de relever que, en plus du régime de pension du personnel à participation obligatoire, la BEI a également prévu le RCVP. Le fonctionnement du RCVP se trouve dans l’annexe 2 du règlement transitoire du régime de pension de la BEI. Le RCVP prévoit le versement d’une cotisation mensuelle fixe de la BEI, dont le taux est fixé par le président de la BEI. En outre, le RCVP prévoit la possibilité pour les agents qui y adhèrent de cotiser de façon volontaire en choisissant entre des cotisations mensuelles fixes déduites de leur traitement, une cotisation unique ou des cotisations déduites de leurs primes annuelles éventuelles, auxquelles s’ajoute un abondement, à déterminer par le président de la BEI. Le plafond des cotisations est fixé à 12 % du traitement soumis à retenue ainsi qu’à 12 % de la prime annuelle brute. Les cotisations sont versées sur un compte personnel crédité chaque année des intérêts.
76 L’annexe 2, point 2-6, du règlement transitoire du régime de pension de la BEI prévoit qu’en cas de mise en invalidité, l’agent a le choix entre :
– le retrait du capital acquis sur son compte RCVP ;
– la cessation du versement des cotisations entraînant corrélativement une réduction des pensions complémentaires ;
– le transfert du capital acquis en vue d’acheter des années d’assurances complémentaires dans le régime de base.
77 Ainsi qu’il résulte du cadre factuel rappelé aux points 16 à 18 ci-dessus, en vue de la mise en invalidité du requérant à compter du 1er mars 2015, les services compétents de la direction des ressources humaines lui ont demandé, par courrier électronique du 27 février 2015, d’exprimer son choix quant au capital acquis sur son compte RCVP. Par courrier électronique du 2 mars 2015, le requérant a répondu qu’il préférait le versement d’un capital, donc la première option mentionnée au point 76 ci-dessus. Ensuite, par lettre du 4 juin 2015, la BEI a communiqué au requérant les prestations auxquelles il avait droit ainsi que le solde de son compte RCVP.
78 Nonobstant le fait que la lettre du 4 juin 2015 fait également état d’une demande au requérant de retourner une copie de ladite lettre, signée et datée, sa signature précédée de la mention « reçu en règlement de toutes les sommes dues un montant de 197 398,00 euros », ce que le requérant n’a pas fait, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas avancé qu’une quelconque erreur aurait été commise dans le calcul des prestations auxquelles il avait droit à l’époque de sa mise en invalidité et n’a pas nié que le versement a été effectué. De plus, le requérant n’a produit aucun document démontrant qu’il aurait changé d’opinion et qu’il aurait demandé à garder son adhésion au RCVP, ce que la BEI lui aurait refusé.
79 En effet, la lettre du 4 juin 2015 n’est que la conséquence du choix fait par le requérant, choix qui a entraîné la clôture de son compte RCVP, et ne fait que l’informer de ses droits.
80 En tout état de cause, il ressort d’une lecture de l’annexe 2, point 2-6, du règlement transitoire du régime de pension de la BEI que, contrairement à ce que prétend le requérant, l’option invoquée par le requérant, consistant en la poursuite des versements tant par lui-même que par la BEI sur le compte RCVP, ne figure pas parmi les trois options visées au point 2-6 de l’annexe 2 reproduit au point 76 ci-dessus. Certes, au titre de la deuxième option, le compte RCVP reste ouvert, mais il est toutefois inactif et quand l’agent en invalidité atteindra l’âge de sa retraite, le solde du compte RCVP lui sera obligatoirement versé sous forme de pension complémentaire, sans possibilité de revenir à la première option. En outre, l’annexe 2, point 2-6, du règlement transitoire du régime de pension de la BEI ne peut être interprété qu’en ce sens que la cotisation de la part de la BEI prend fin au moment de la mise en invalidité.
81 Il résulte de ce qui précède que la demande consistant à condamner la BEI à verser un certain montant pour la période de fermeture du compte RCVP du requérant n’est pas fondée et qu’il y a donc lieu, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande d’annulation de la lettre du 4 juin 2015, de rejeter le deuxième chef de conclusions de la requête.
Sur le troisième chef de conclusions
82 Le requérant demande un dédommagement, à hauteur de 15 000 euros, pour trois fautes que la BEI aurait commises. En premier lieu, la BEI aurait violé son devoir de sollicitude en ce qu’elle n’a pas suffisamment assisté le requérant après le suicide d’une stagiaire le 13 novembre 2013. En deuxième lieu, la BEI aurait violé la protection des données personnelles du requérant. En troisième lieu, la BEI resterait en défaut de communiquer les rapports et les informations demandés permettant à AXA de statuer sur la demande d’indemnisation du requérant à titre de maladie professionnelle. Ces fautes auraient provoqué chez le requérant un préjudice moral.
83 Il convient de rappeler que, en application d’une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BEI pour comportement illicite est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42 et jurisprudence citée).
84 Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14). Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 13).
85 Il convient donc de déterminer si les comportements invoqués par le requérant et rappelés au point 82 ci-dessus sont de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la BEI.
Sur la prétendue violation du devoir de sollicitude et l’absence d’une assistance suffisante au requérant après le suicide d’une stagiaire le 13 novembre 2013
86 Le requérant déplore le fait que la BEI ait violé son devoir de sollicitude en ce qu’elle ne l’a pas suffisamment assisté après le suicide d’une stagiaire le 13 novembre 2013, dont il a été témoin. L’absence de sollicitude de la part de la BEI aurait provoqué chez lui un sentiment d’abandon et d’absence de reconnaissance.
87 La BEI estime qu’elle a pris soin de suivre le requérant depuis qu’il a affirmé avoir été un témoin oculaire du suicide en question. De plus, au-delà de ses déclarations formulées dans des termes généraux, le requérant n’aurait produit aucune preuve indiquant la violation par la BEI de son devoir de sollicitude à l’égard de l’un de ses agents.
88 Il y a lieu de constater qu’il ressort du dossier que la BEI a pris des mesures immédiatement après le suicide d’une stagiaire le 13 novembre 2013, afin d’aider le personnel en besoin d’une assistance, tant médicale que psychologique. Quant au requérant, la BEI a organisé pour lui, dès le lendemain de l’événement tragique, un rendez-vous avec le docteur D, médecin du service médical de la BEI. En outre, il apparaît qu’à plusieurs reprises, ce médecin a vu le requérant et lui a conseillé de voir un spécialiste du Centre d’information et de prévention du suicide de Luxembourg, centre qui a coopéré avec le service médical de la BEI. De même, le requérant avait été invité à voir un des psychologues externes que la BEI avait mis à la disposition de son personnel.
89 Dans ces circonstances, l’affirmation selon laquelle la BEI ne s’est pas inquiétée de l’état de santé du requérant ne saurait prospérer et aucun comportement fautif ne saurait être reproché à la BEI à cet égard.
Sur la prétendue violation de la protection des données personnelles du requérant
90 Le requérant affirme que son ex-épouse a utilisé, dans le cadre de la procédure de divorce, des documents strictement personnels et confidentiels concernant son état de santé à la suite de l’événement tragique dont il a été témoin le 13 novembre 2013 et que ces documents, se trouvant dans son dossier à la BEI, ont été utilisés dans le seul but de mettre en doute son état de santé et d’assurer à son ex-épouse la garde exclusive de leurs enfants. Le requérant estime ainsi avoir été victime d’une grave violation de la protection de ses données personnelles.
91 La BEI rétorque que sa prétendue responsabilité dans l’utilisation par l’ex-épouse du requérant de certains documents personnels a été exclue par la lettre du 4 décembre 2015 et que le requérant n’a apporté aucun argument apte à contester ladite lettre.
92 Il ressort du dossier que, à la suite de la plainte du requérant du 5 février 2015, pour violation du règlement du personnel et du code de conduite du personnel, l’inspection générale de la BEI a conduit une enquête dont le résultat a été communiqué au requérant par lettre du 4 décembre 2015 (voir point 13 ci-dessus). Il ressort de cette lettre que l’inspection générale de la BEI a eu des entretiens et des réunions avec des membres du personnel, a fait des analyses de données informatiques se trouvant sur des ordinateurs ciblés ainsi que des échanges de courriers électroniques et a examiné les dispositifs de sécurité portant sur le stockage des dossiers médicaux des employés afin de traiter la plainte du requérant. Toutefois, l’enquête n’a pu relever aucun élément étayant les accusations du requérant.
93 De même, le responsable de la protection des données de la BEI a conclu qu’il n’y avait pas eu de violation de la part de la BEI ou de son personnel. En effet, dans ses conclusions, ledit responsable précise que l’enquête menée a conclu qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que l’ex-épouse du requérant avait obtenu des informations d’ordre confidentiel, telles que le certificat médical en cause, soit par le service médical de la BEI, soit avec la coopération de la BEI, soit dans le système informatique de la BEI lui-même. Au contraire, l’ex-épouse a reconnu qu’elle s’était procuré toutes les informations par le biais de son ordinateur privé qu’elle partageait avec son ex-mari et qu’elle y avait donc accès au même titre que son époux. De même, le requérant a lui-même admis qu’il était possible que ce document ait été conservé dans leur ordinateur familial. Dans ces circonstances, le responsable de la protection des données de la BEI a conclu, à juste titre, que lesdits documents avaient été obtenus dans un cadre strictement privé et, partant, que le règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), ne s’appliquait pas dans ce cas de figure.
94 En conséquence, il y a lieu de constater que l’utilisation des données personnelles par l’ex-épouse du requérant n’est pas susceptible, en l’espèce, d’engager la responsabilité extracontractuelle de la BEI. Autrement dit, les éléments ne sont pas suffisants pour conclure à un comportement fautif imputable à la BEI.
Sur le retard dans la transmission de certains documents à AXA
95 Le requérant soutient que la procédure visant à faire reconnaître l’origine professionnelle de sa maladie est bloquée depuis des mois. Malgré les demandes répétées, la BEI resterait en défaut de communiquer les rapports et les informations demandés qui permettraient à AXA de statuer sur sa demande, ce qui provoquerait chez lui beaucoup d’inquiétude. En tout état de cause, selon le requérant, les accusations portant sur une soi-disant tentative de fraude ne justifient pas la non-communication des informations que la BEI détient.
96 Bien que la BEI soit consciente qu’un retard déraisonnable dans la décision sur la reconnaissance de la maladie professionnelle du requérant pourrait produire un état d’incertitude chez ce dernier, elle insiste sur le fait que l’anomalie dans le déroulement de la procédure concernant la maladie professionnelle du requérant est due aux éléments de fait qui ont imposé à la BEI de demander aux autorités judiciaires compétentes de vérifier la possible présence d’une tentative de fraude contre l’assurance.
97 Il est constant que le requérant a adressé à AXA, le 2 novembre 2015, une demande d’intervention sous le volet maladie professionnelle de la police d’assurance AXA.
98 Même s’il est exact, ainsi que le soutient le requérant, que les accusations de la BEI en ce qui concerne une tentative de fraude ne sont pas de nature à empêcher cette dernière de transmettre les documents nécessaires, il n’en demeure pas moins qu’une certaine prudence de sa part peut être considérée comme étant légitime eu égard aux soupçons à l’encontre du requérant quant à ses déclarations lors de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès d’AXA, à l’introduction de la plainte auprès du parquet de Luxembourg qui a suivi et au déclenchement d’une procédure judiciaire nationale.
99 Ainsi qu’il a déjà été constaté au point 57 ci-dessus, l’article 9.1.1. des dispositions administratives et l’article 10 de la police d’assurance AXA n’empêchent pas la BEI d’examiner la véracité des déclarations faites par le requérant dans sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle s’il y a des indices laissant suspecter une fraude et cette démarche requiert un certain temps.
100 En outre, il apparaît que la BEI, après consultation et l’accord des autorités compétentes luxembourgeoises, a entretemps fourni à AXA les informations nécessaires permettant à cette dernière d’établir la nature de l’affection du requérant, son origine professionnelle éventuelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s’était produite.
101 Au vu de ce qui précède, le retard dans la transmission de certains documents à AXA ne saurait être constitutif d’un comportement fautif de la BEI et, dès lors, l’argumentation du requérant à cet égard doit être écartée. Partant, il y a lieu de rejeter le troisième chef de conclusions ainsi que le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
102 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BEI.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) PS est condamné aux dépens.
Prek | Schalin | Costeira |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2018.
Signatures
* Langue de procédure : le français.
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