Janssen-Cases v Commission (Staff Regulations of officials and Conditions of Employment of other servants - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-688/16 (22 November 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T68816.html
Cite as: EU:T:2018:822, [2018] EUECJ T-688/16, ECLI:EU:T:2018:822

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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

22 novembre 2018 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de vacance – Médiateur de la Commission ‐ AIPN compétente – Délégation de compétence – Procédure – Consultation du comité du personnel – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑688/16,

Mercedes Janssen-Cases, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée initialement par Mes J.‑N. Louis et N. de Montigny, puis par Me Louis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Berscheid, puis par M. Berscheid et Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission du 15 juin 2016 portant nomination de W en tant que médiateur de la Commission et de la note du 16 juin 2016 par le biais de laquelle la Commission a informé la requérante du résultat de la procédure de sélection et, d’autre part, à la réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, D. Gratsias (rapporteur), Mme I. Labucka, MM. A. Dittrich et I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En 1977, la Commission des Communautés européennes a décidé de créer un service de médiation. Ce service a pour mission de proposer une manière non bureaucratique de résoudre les problèmes surgissant dans le milieu professionnel afin de limiter, autant que possible, le recours aux procédures précontentieuses et contentieuses. L’accomplissement efficace de cette mission a mené la Commission à « formaliser » le fonctionnement du service en question. Ainsi, la Commission a adopté la décision C(2002) 601, du 4 mars 2002, relative au service de médiation renforcé (ci-après la « décision sur le service de médiation renforcé »). Selon l’article 6, paragraphe 3, de cette décision, « [l]e Président de la Commission procède à la nomination du Médiateur sur la base d’une proposition faite par le directeur général du personnel et de l’administration après avoir consulté le comité du personnel ».

2        Par décision du président de la Commission du 8 mars 2012, la requérante, Mme Mercedes Janssen-Cases, a été nommée à la fonction de médiateur adjoint, faisant partie du service de médiation constitué auprès du secrétariat général de la Commission.

3        Outre ses responsabilités de médiateur adjoint, la requérante a agi en tant que médiateur faisant fonction à partir du 28 février 2013, puis, en application de la décision du 16 décembre 2013, elle a occupé le même emploi par intérim au sens de l’article 7, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») avec effet rétroactif au 1er mars 2013.

4        Par décision de la Commission du 16 octobre 2013, la fonction de conseiller principal « médiateur » est devenue une fonction de chef d’unité de grade AD 13/AD 14.

5        Le 10 février 2014, la Commission a publié l’avis de vacance COM/2014/366 portant sur l’emploi de médiateur/chef d’unité au service de médiation (grade AD 13/AD 14). La requérante a présenté sa candidature pour le poste en question le 27 février 2014.

6        Par note du 7 mai 2014, adressée à la directrice générale de la direction générale (DG) des ressources humaines et de la sécurité de la Commission, le comité central du personnel de la Commission a demandé que lui soient transmis les curriculums vitæ des candidats retenus ainsi que la grille d’évaluation utilisée par le comité de sélection. Le comité central du personnel a demandé ces éléments afin d’émettre l’avis prévu à l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé en tant qu’étape de la procédure de sélection.

7        Par note du 20 juin 2014, le comité central du personnel a demandé au président de la Commission de ne pas avaliser la proposition de désignation au poste de médiateur faite par la directrice générale de la DG des ressources humaines et de la sécurité de la Commission aussi longtemps qu’il n’était pas en mesure d’émettre son avis en l’absence de communication des éléments demandés.

8        Par note du 17 octobre 2014, adressée à la directrice générale de la DG des ressources humaines et de la sécurité, le comité central du personnel a émis un avis défavorable à l’égard du candidat proposé par ladite directrice générale.

9        Par note du 22 juillet 2015, la DG des ressources humaines et de la sécurité a informé la requérante de la décision du président de la Commission de clôturer la procédure de sélection sans nomination au poste de médiateur.

10      Le 16 septembre 2015, la Commission a décidé de relever la fonction de médiateur au rang de conseiller principal (grade AD 14/AD 15) ainsi que d’approuver et de publier un avis de vacance dudit poste conformément à l’article 29, paragraphe 1, sous a), i) et iii), du statut. Selon cette décision, la décision permettant de pourvoir ce poste serait adoptée en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé. Le 7 octobre 2015, la Commission a publié l’avis de vacance COM/2015/1801 portant sur le poste de conseiller principal de grade AD 14/AD 15 en vue de pourvoir le poste de médiateur. Ledit avis précisait que le président de la Commission procédait à la nomination du médiateur sur la base d’une proposition faite par le directeur général de la DG des ressources humaines et de la sécurité après avoir consulté le comité central du personnel.

11      La requérante a présenté sa candidature pour le poste de médiateur le 16 octobre 2015 et a figuré parmi les trois candidats retenus pour participer aux examens et aux entretiens prévus devant un comité de présélection ainsi que devant le comité consultatif des nominations. Considérant que W était le seul candidat réunissant les qualifications requises, le comité consultatif des nominations a adopté, le 25 février 2016, un avis favorable à celui-ci pour le poste de médiateur.

12      Par note du 13 mai 2016, adressée à Mme K. Georgieva, vice-présidente de la Commission chargée notamment du personnel, le comité central du personnel a répondu à la demande d’avis, formulée le 20 avril 2016 par la directrice générale de la DG des ressources humaines et de la sécurité de la Commission, sur la nomination de W au poste de médiateur. À cet égard, le comité central du personnel déplorait que la demande d’avis ne concernât que le candidat proposé, si bien qu’il ne disposait pas des éléments relatifs aux candidats évincés et qu’il lui était ainsi impossible d’émettre un avis utile.

13      Par décision du 15 juin 2016, la Commission a nommé W au poste de médiateur et, par note du 16 juin 2016, a informé la requérante du résultat de la procédure de sélection (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

14      Le 15 septembre 2016, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre les décisions attaquées. Par décision du 5 janvier 2017, la Commission a rejeté ladite réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2016, en conformité avec l’article 91, paragraphe 4, du statut, la requérante a introduit le présent recours.

16      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande de surseoir à l’exécution de la décision nommant W au poste de médiateur.

17      Le 7 octobre 2016, en application de l’article 91, paragraphe 4, du statut, la procédure a été suspendue jusqu’à l’intervention d’une décision explicite ou implicite de rejet de la réclamation que la requérante avait introduite le 15 septembre 2016. La procédure a repris son cours le 17 janvier 2017, après le rejet explicite de ladite réclamation.

18      Par l’ordonnance du 17 février 2017, Janssen-Cases/Commission, (T‑688/16 R, non publiée, EU:T:2017:107), le Président du Tribunal a rejeté la demande de surseoir à l’exécution de la décision nommant W au poste de médiateur.

19      Sur proposition de la cinquième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner la Commission au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de réparation du préjudice matériel et moral subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande d’annulation des décisions attaquées

 Sur la recevabilité

22      Selon les lignes directrices à l’attention des services de la Commission au sujet de la nomination du personnel d’encadrement supérieur d’octobre 2008, seule la notification à l’attention du ou des candidats non retenus constitue un acte faisant grief. Toutefois, force est de constater que, si cette notification doit être considérée comme le rejet formel de la candidature en question, qui fait courir le délai de réclamation au sens de l’article 90 du statut, il n’en demeure pas moins que l’acte mettant fin à la procédure de sélection avec le choix d’un candidat, seul acte prévu dans l’avis de vacance litigieux, engendre aussi des effets juridiques, dont le rejet formel susmentionné est la conséquence inéluctable (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82, EU:C:1983:179, point 40).

23      Il s’ensuit que les conclusions en annulation que formule la requérante dans le cadre du recours sont recevables dans leur intégralité.

 Sur le fond

24      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés :

–        de la violation de l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé ;

–        de la violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

–        d’un détournement de pouvoir et de procédure ;

–        d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation des principes de bonne gestion, de bonne administration, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité ainsi que de la politique d’égalité des chances.

25      L’argumentation qu’expose la requérante dans le cadre du premier moyen comporte deux branches. Par la première branche, la requérante fait valoir que le collège des commissaires n’avait pas compétence pour adopter la décision de nomination de W au poste de médiateur, cette décision revenant au président de la Commission en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé. La seconde branche est prise de la violation de cette disposition en raison d’une consultation irrégulière du comité du personnel.

26      En particulier, dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé, la nomination du médiateur de la Commission relève des compétences du président de cette dernière, qui est désigné comme autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) en cette matière spécifique, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du statut. Cette compétence du président de la Commission serait mentionnée dans l’avis de vacance ayant donné lieu à la procédure de sélection litigieuse. Or, en l’espèce, c’est la Commission, à savoir une instance incompétente à cet effet, qui aurait adopté les décisions attaquées sans s’être préalablement attribuée le pouvoir s’y rapportant.

27      Dans le cadre de la seconde branche, la requérante fait valoir que, en l’absence de communication au comité central du personnel des dossiers de toutes les candidatures initialement retenues, la consultation du comité, prévue par l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé n’aurait pas été régulière. En effet, la consultation en question aurait pour objet de fournir au directeur général de la DG des ressources humaines et de la sécurité un avis éclairé sur les mérites, les compétences et le profil des différents candidats. Or, émettre un avis sur le seul candidat proposé au président de la Commission priverait cette consultation de son effet utile et la transformerait en un simple entérinement de la proposition du directeur général de la DG des ressources humaines et de la sécurité, ce que le comité central du personnel n’aurait jamais accepté.

28      En ce qui concerne le grief tiré de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées, la Commission soutient qu’elle a délégué le pouvoir de nommer le médiateur à son président en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé. Or, rien ne s’opposerait à ce que la Commission exerce elle-même ce pouvoir dans un cas particulier lorsque, comme en l’espèce, elle assume le rôle d’AIPN en raison du grade auquel est affecté le poste à pourvoir, conformément à sa décision C(2013) 3288 final, du 4 juin 2013, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut des fonctionnaires à l’AIPN et par le régime applicable aux autres agents (RAA) à l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement (AHCC). Cette décision aurait entraîné une modification implicite ponctuelle de la décision sur le service de médiation renforcé. En toute hypothèse, la requérante n’aurait pas démontré avoir subi un préjudice en raison de l’adoption des décisions attaquées par le collège des commissaires. Par ailleurs, l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé n’imposerait pas à la Commission de consulter le comité central du personnel au sujet de l’ensemble des candidatures initialement retenues. En revanche, il ressortirait de cette disposition que le comité central du personnel doit être consulté au seul sujet de la proposition soumise au président de la Commission par le directeur général de la DG des ressources humaines et de la sécurité, ce que ledit comité semblerait lui-même accepter.

29      S’agissant de la première branche, il ressort de l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé que le président de la Commission procède à la nomination du médiateur. Dans cette mesure, la disposition en question doit être considérée comme un acte en vertu duquel la Commission a procédé à la détermination de l’AIPN compétente en la matière au sens de l’article 2, paragraphe 1, du statut.

30      À cet égard, force est de constater que l’argument de la Commission selon lequel, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé, elle a « délégué » le pouvoir de nommer le médiateur à son président et peut, de ce fait, exercer elle-même ledit pouvoir lorsqu’elle l’estime opportun ne saurait prospérer.

31      En effet, une délégation de compétence constitue un acte qui dessaisit l’autorité délégante de la compétence déléguée à l’autorité délégataire (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité, 10/56, EU:C:1958:8, p. 77 et 78). La délégation de compétence a donc pour effet d’opérer un transfert d’attributions, qui interdit à l’autorité délégante d’évoquer la compétence transférée, sauf à entacher sa décision d’incompétence. L’autorité délégante ne peut exercer à nouveau la compétence que si elle adopte au préalable un acte en vertu duquel elle récupère la compétence déléguée. En effet, de la même manière qu’une délégation de compétence nécessite l’adoption d’un acte explicite transférant le pouvoir concerné (arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité, 9/56, EU:C:1958:7, p. 42), le principe de sécurité juridique, qui sous-tend le caractère formel des opérations de délégation de compétence, impose que le retrait de celle-ci soit fait moyennant l’adoption d’un acte explicite.

32      Ainsi, à supposer que le mécanisme de détermination de l’AIPN compétente prévu à l’article 2, paragraphe 1, du statut doive être qualifié de délégation de compétence ou être assimilé à une telle délégation, c’est en méconnaissant l’effet de dessaisissement engendré par une telle « délégation » que la Commission prétend être compétente pour exercer elle-même, à la place de son président, le pouvoir de nommer le médiateur, lorsqu’elle l’estime opportun.

33      Toutefois, il y a lieu de relever que, selon la décision C(2013) 3288 final, mentionnée au point 28 ci-dessus, adoptée en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du statut, le collège des commissaires est l’AIPN compétente au sujet de la nomination d’un conseiller principal en application de l’article 29, paragraphe 1, sous a), i) et iii), du statut.

34      Or, ainsi qu’il a été exposé au point 10 ci-dessus, par décision du 16 septembre 2015, la Commission a décidé de relever la fonction de médiateur au rang de conseiller principal (grade AD 14/AD 15).

35      Compte tenu de ces évolutions, postérieures à l’adoption de la décision sur le service de médiation renforcé, l’AIPN compétente pour nommer le médiateur de la Commission est le collège des commissaires. Dans ce contexte, la référence dans la décision du 16 septembre 2015 à l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé doit être lue comme visant non pas l’organe compétent pour nommer le médiateur, mais les formes que cet organe, à savoir la Commission, doit respecter dans le cadre de la procédure donnant lieu à la nomination du médiateur, notamment en ce qui concerne la consultation du comité du personnel. C’est de la même manière qu’il convient de lire la référence en ce sens dans l’avis de vacance.

36      Par conséquent, la Commission était l’AIPN compétente pour adopter la décision du 15 juin 2016 de nommer W au poste de médiateur, cette décision ayant, par ailleurs, été prise, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de la 2173e réunion de la Commission, sur proposition de son président. Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être écartée.

37      S’agissant de la seconde branche du premier moyen, il convient de rappeler que selon l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé, l’organe décisionnel procède à la nomination du médiateur « après avoir consulté le comité du personnel ».

38      À cet égard, comme il a été exposé aux points 35 et 36 ci-dessus, si la Commission était l’AIPN compétente pour adopter la décision de nommer W au poste de médiateur, les autres exigences procédurales établies par l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé restaient d’application. La Commission ne conteste d’ailleurs pas l’obligation de l’organe décisionnel de consulter le comité du personnel en vertu de cette dernière disposition.

39      Ainsi que le fait valoir la Commission elle-même, l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé doit être interprété comme imposant que la consultation du comité du personnel soit faite par l’organe chargé de prendre la décision finale clôturant la procédure. En outre, bien que cette consultation consiste en un simple droit d’être entendu sans conférer au comité du personnel le droit de codécider avec l’organe décisionnel, elle doit être de nature à pouvoir exercer une influence sur le contenu de l’acte adopté (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T‑192/99, EU:T:2001:72, points 89 et 90), ce dernier impliquant l’exercice d’une importante marge d’appréciation (arrêt du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, EU:C:1987:82, point 5).

40      Dans ce contexte, l’effectivité de la consultation en question ne peut être garantie que si l’objet de cette dernière coïncide avec l’objet sur lequel portera l’appréciation de l’organe qui prendra la décision finale. Ainsi, la consultation du comité du personnel doit concerner les mêmes candidats que ceux au regard desquels l’organe en question est appelé à exercer son appréciation. En effet, l’effectivité de cette consultation serait anéantie si le comité du personnel était appelé à formuler son avis au regard d’un seul candidat alors que l’organe décisionnel se donnait pour mission d’évaluer plusieurs candidats avant de choisir celui à retenir.

41      En l’espèce, premièrement, il ressort de l’avis du comité consultatif des nominations du 25 février 2016 qu’il a examiné trois candidatures et a décidé de proposer de retenir celle de W pour le poste litigieux (voir point 11 ci-dessus). Il y est également exposé que ledit comité a transmis au collège des commissaires les fiches d’évaluation ainsi que les curriculums vitæ des trois candidats.

42      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que l’AIPN, qui prend la décision finale de nomination, doit être mise en mesure de connaître et d’apprécier elle‑même les éléments qui, à chaque étape du déroulement de la procédure de sélection, ont mené, aux différents échelons administratifs consultés, tel le comité consultatif des nominations, à l’adoption des avis tels qu’ils lui sont présentés (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2014, Cour des comptes/BF, T‑663/13 P, EU:T:2014:883, point 25).

43      Dans ce cadre, le procès-verbal de la 2173e réunion de la Commission, qui a donné lieu à la décision du 15 juin 2016 de nommer W, indique, en accord avec l’avis du comité consultatif des nominations du 25 février 2016, que le collège des commissaires a été saisi des dossiers relatifs aux trois candidats examinés par ce dernier comité pour le poste litigieux. Selon le même procès-verbal, la Commission a tenu compte notamment de l’avis du comité consultatif des nominations du 25 février 2016 et a procédé à un examen comparatif des mérites des candidats au regard des caractéristiques du poste. À cet égard, le procès-verbal en question indique que la Commission a considéré leur compétence, leur rendement et leur conduite dans le service et qu’elle a retenu W pour le poste.

44      Or, troisièmement, il ressort de la note du 13 mai 2016, adressée par le comité central du personnel à la vice-présidente de la Commission chargée notamment du personnel, que ledit comité avait reçu une demande d’avis de la part de la directrice générale de la DG des ressources humaines et de la sécurité le 20 avril 2016, à savoir après la soumission de la proposition du comité consultatif des nominations au collège des commissaires, et que cette demande d’avis portait uniquement sur le candidat dont la nomination était proposée au collège des commissaires, et non sur les trois candidatures qui avaient été transmises à ce dernier.

45      La Commission ne conteste pas que seuls les éléments relatifs à la candidature de W ont été soumis pour avis au comité central du personnel. Par conséquent, le collège des commissaires a exercé sa marge d’appréciation sur un objet qui ne coïncidait pas avec celui qui avait été défini pour la consultation du comité central du personnel (voir point 12 ci-dessus).

46      Dans ces conditions, force est de constater que les exigences minimales garantissant l’effet utile de la consultation du comité du personnel et imposant que celui-ci puisse formuler un avis sur les candidats que l’instance décisionnaire évaluera aux fins de sa décision finale n’ont pas été respectées.

47      Il s’ensuit que, comme le fait valoir la requérante dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la décision du 15 juin 2016 de nommer W au poste de médiateur de la Commission a été adoptée en violation de l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé en ce qui concerne la consultation du comité du personnel et qu’elle doit, de ce fait, être annulée sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés à l’appui du recours.

48      Dans la mesure où la note du 16 juin 2016, par laquelle la requérante a été informée de la clôture de la procédure et de l’issue défavorable à son égard, également attaquée (voir points 13 et 22 ci-dessus), est expressément fondée sur le choix en faveur d’un autre candidat et que la décision incorporant le choix en question est entachée d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, de la décision sur le service de médiation renforcé entraînant l’annulation de celle-ci, il y a également lieu d’annuler cette note.

 Sur la demande en indemnité

49      La requérante fait valoir que, eu égard au nombre d’affaires qu’elle a traitées en tant que médiateur adjoint, médiateur faisant fonction ou médiateur par intérim, les décisions attaquées portent préjudice à sa réputation ainsi qu’à sa crédibilité professionnelle. En outre, elles la privent de toute possibilité d’accéder au grade AD 14. Compte tenu, de surcroît, du fait que, pendant plus de trois ans, elle a exercé lesdites fonctions dans des conditions d’inquiétude et d’incertitude, elle estime qu’une indemnisation de 100 000 euros est appropriée pour réparer les préjudices moral et matériel imputables au comportement de la Commission.

50      La Commission, pour sa part, insiste sur le caractère légal de l’ensemble de ses actions, si bien qu’aucune illégalité ne saurait être invoquée à l’appui de la demande en indemnité litigieuse, qui serait étroitement liée à la demande d’annulation des décisions attaquées.

51      Dans les litiges relevant des relations entre les institutions et leurs fonctionnaires, un droit à réparation est reconnu si trois conditions sont réunies, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 42).

52      Premièrement, la requérante fait valoir un lien de causalité entre les décisions attaquées et un prétendu préjudice moral en raison de l’impression créée par lesdites décisions que le candidat retenu est plus qualifié qu’elle.

53      Toutefois, la circonstance qu’un autre candidat ait pu être choisi pour un poste tel que celui en cause n’est, en soi, pas de nature à porter préjudice aux candidats qui n’ont pas été finalement retenus. En effet, même si ce choix implique qu’un autre candidat ait été considéré comme plus méritant à cette occasion, ce fait n’implique aucun jugement de mérite négatif pour les autres candidats, d’autant plus lorsque ceux-ci sont parvenus à être inscrits sur la liste examinée par le comité consultatif des nominations, comme cela est le cas de la requérante.

54      En tout état de cause, s’il est vrai que, à l’appui de son recours, la requérante a soulevé un moyen, en l’occurrence le quatrième, portant sur l’appréciation de ses mérites comparativement à ceux de W, il n’en demeure pas moins que la décision du 15 juin 2016 de nommer ce dernier au poste de médiateur est annulée en vertu du présent arrêt pour un motif invoqué par la requérante dans le cadre du premier moyen. Dans ce contexte, l’acte qui incorpore la conclusion sur l’appréciation comparative des mérites effectuée en l’espèce est déclaré nul et non avenu conformément à l’article 264, premier alinéa, TFUE et la Commission est désormais tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt conformément à l’article 266 TFUE.

55      Il s’ensuit que, en l’état actuel, le prétendu préjudice moral invoqué par la requérante n’est, en tout état de cause, pas certain.

56      Deuxièmement, la requérante soutient que le rejet de sa candidature l’a illégalement privée de la possibilité d’accéder au grade AD 14.

57      Toutefois, il suffit de relever, à cet égard, que rien ne garantit que, en l’absence de l’illégalité constatée, la requérante aurait été retenue pour le poste litigieux ni qu’elle aurait, par suite, accédé au grade AD 14. Ce chef de préjudice n’entretient donc pas, en tout état de cause, un lien de causalité direct avec l’illégalité constatée.

58      Par ailleurs, dans la mesure où les allégations en question peuvent être comprises comme visant à la réparation d’un préjudice résultant non pas des décisions attaquées, mais du comportement dont la Commission a fait preuve avant l’adoption de l’avis de vacance COM/2015/1801, il y a lieu de relever qu’elles sont irrecevables en raison du non-épuisement de la procédure précontentieuse. Interrogée sur ce point lors de l’audience, la requérante a soutenu que ce comportement était intimement lié aux décisions attaquées. Or, force est de constater que le comportement en question est, par sa nature, distinct du choix opéré en vertu de la décision du 15 juin 2016 de nommer W au poste de médiateur. Par conséquent, les points 192 à 194 de la réclamation de la requérante consacrés à ce comportement doivent s’analyser comme une demande au sens de l’article 90 du statut. Or, cette demande, qui a été rejetée par la décision du 5 janvier 2017 (voir point 14 ci-dessus), n’a pas été suivie d’une réclamation.

59      En tout état de cause, selon l’article 7, paragraphe 2, du statut, l’intérim est, certes, limité à un an, sauf s’il a pour objet de pourvoir au remplacement d’un fonctionnaire détaché dans l’intérêt du service ou appelé sous les drapeaux ou en congé de maladie de longue durée. Il est également vrai que la requérante a occupé le poste de médiateur par intérim du 1er mars 2013 au 1er octobre 2016 sans que les motifs ayant provoqué l’intérim comptent parmi ceux pouvant justifier sa prolongation au-delà d’un an.

60      Toutefois, il ressort de l’article 7, paragraphe 2, du statut que, à partir du quatrième mois de l’intérim, le fonctionnaire a droit à une indemnité différentielle, ce qui exclut tout lien de causalité avec un préjudice financier.

61      Enfin, quant au préjudice moral dû à l’état d’incertitude dans lequel se serait trouvée la requérante, il y a lieu de relever que la procédure de sélection déclenchée en vertu de l’avis de vacance COM/2014/366 a été clôturée sans sélection de candidat, ce qui a bénéficié à la requérante, qui n’était pas le candidat proposé à cette occasion-là et qui a pu, ainsi, continuer à exercer ses fonctions de médiateur par intérim. Au demeurant, le fait que la requérante a exercé ses fonctions pendant que la procédure déclenchée par l’avis de vacance COM/2015/1801 était pendante est inhérent à toute situation impliquant le déroulement d’un concours afin de pourvoir un poste. Est également inhérente à une telle situation l’incertitude engendrée par cette procédure compétitive pour tous les candidats participants.

62      Dans ce contexte, le fait que les collègues de la requérante ne comprenaient pas les raisons pour lesquelles la Commission n’avait pas mené à bien en temps utile les procédures permettant de pourvoir le poste de médiateur n’est, à le supposer établi, pas de nature à préjudicier à l’image de la requérante.

63      Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la requérante.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission européenne du 15 juin 2016 portant nomination de W en tant que médiateur de la Commission et la note du 16 juin 2016 par le biais de laquelle la Commission a informé Mme Mercedes Janssen-Cases du résultat de la procédure de sélection à ce poste sont annulées.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Van der Woude

Gratsias

Labucka

Dittrich

 

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2018.

Le greffier

 

Le président


E. Coulon

 

D. Gratsias



*      Langue de procédure : le français.

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