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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Italy v Commission (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-119/07 (17 September 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T11907.html Cite as: [2019] EUECJ T-119/7, ECLI:EU:T:2019:613, [2019] EUECJ T-119/07, EU:T:2019:613 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
17 septembre 2019 (*)
« Aides d’État – Directive 2003/96/CE – Droits d’accises sur les huiles minérales – Huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine – Exonération de l’accise – Caractère sélectif – Lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale – Encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement de 2001 – Confiance légitime – Présomption de légalité des actes des institutions – Principe de bonne administration – Obligation de motivation – Contradiction de motifs »
Dans les affaires jointes T‑119/07 et T‑207/07,
République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. G. Aiello et P. Garofoli, avvocati dello Stato,
partie requérante dans l’affaire T‑119/07,
Eurallumina SpA, établie à Portoscuso (Italie), représentée initialement par Mme L. Martin Alegi, M. R. Denton et Mme E. Cormack, puis par Mme Martin Alegi, MM. Denton, A. Stratakis et Mme L. Philippou, solicitors,
partie requérante dans l’affaire T‑207/07,
contre
Commission européenne, représentée, dans l’affaire T‑119/07, par MM. V. Di Bucci, N. Khan, G. Conte et Mme K. Walkerová, en qualité d’agents, et, dans l’affaire T‑207/07, initialement par MM. Di Bucci, Khan, Conte et Mme Walkerová, puis par MM. Khan et V. Bottka, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet des demandes fondées sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, totale ou partielle, de la décision 2007/375/CE de la Commission, du 7 février 2007, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, appliquée respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie [C 78/2001 (ex NN 22/01), C 79/2001 (ex NN 23/01), C 80/2001 (ex NN 26/01)] (JO 2007, L 147, p. 29), pour autant que celle-ci constate l’existence d’une aide d’État accordée par la République italienne, à partir du 1er janvier 2004, sur le fondement de l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine en Sardaigne (Italie) et qu’elle ordonne à la République italienne de récupérer ladite aide ou d’annuler ou de suspendre son versement,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de Mme I. Pelikánová (rapporteur), président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen, juges,
greffier : Mme E. Artemiou, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 mars 2019,
rend le présent
Arrêt
Faits antérieurs à l’introduction du recours
1 L’alumine (ou oxyde d’aluminium) est une poudre blanche principalement utilisée dans les fonderies pour produire de l’aluminium. Elle est extraite de la bauxite par un procédé de raffinage dont la dernière étape est la calcination. L’alumine calcinée est utilisée à plus de 90 % pour la fusion de l’aluminium. Le reste est soumis à de nouvelles transformations et est utilisé dans des applications chimiques. Des huiles minérales peuvent être utilisées comme combustible pour la production d’alumine.
2 Il n’y a qu’un seul producteur d’alumine en Irlande, un seul en Italie et un seul en France. Il s’agit, en Italie, d’Eurallumina SpA, établie en Sardaigne. Des producteurs d’alumine sont également présents en Allemagne, en Grèce, en Espagne, en Hongrie et au Royaume-Uni.
3 De même que la République française et l’Irlande, la République italienne a exonéré de droits d’accise les entreprises utilisant des huiles minérales pour la production d’alumine sur son territoire.
4 La taxation des huiles minérales a fait l’objet d’une harmonisation au niveau de l’Union européenne après l’entrée en vigueur de la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO 1992, L 316, p. 12). L’usage d’huiles minérales pour la production d’alumine n’était pas exclu du champ d’application de la directive 92/81, ni ne faisait l’objet d’une exonération obligatoire ou optionnelle sur la base de l’article 8 de cette même directive.
5 L’article 6 de la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (JO 1992, L 316, p. 19), fixait le taux minimal de l’accise sur le fioul lourd, que les États membres devaient appliquer à partir du 1er janvier 1993.
6 Toutefois, par diverses décisions, le Conseil de l’Union européenne a autorisé la République française, l’Irlande et la République italienne à exonérer du droit d’accise les huiles minérales utilisées pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne. La dernière décision du Conseil à cet égard était la décision 2001/224/CE, du 12 mars 2001, relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d’accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (JO 2001, L 84, p. 23), qui autorisait les exonérations jusqu’au 31 décembre 2006.
7 Par les décisions C(2001) 3296, C(2001) 3300 et C(2001) 3295, du 30 octobre 2001 (JO 2002, C 30, p. 17, 21 et 25), la Commission des Communautés européennes a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’égard des exonérations de droits d’accise sur les huiles minérales utilisées pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne.
8 Dans le cadre de la procédure formelle d’examen ouverte par la décision C(2001) 3300, des échanges de correspondance sont intervenus entre la Commission, les États membres concernés, l’Association européenne de l’aluminium et les bénéficiaires des aides, notamment Eurallumina.
9 La directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51), a abrogé la directive 92/81 ainsi que la directive 92/82, avec effet au 31 décembre 2003. Aux termes de l’article 2, paragraphe 4, sous b), de la directive 2003/96, celle-ci ne s’applique pas à certaines utilisations des produits énergétiques, notamment aux produits énergétiques à double usage. Aux termes de l’article 2, paragraphe 4, sous b), deuxième tiret, de cette même directive, l’utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l’électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques doit être considérée comme un double usage. L’utilisation de fioul lourd pour la production d’alumine relève de cette catégorie. Par conséquent, depuis le 1er janvier 2004, le taux minimal de l’accise applicable au fioul lourd ne s’applique plus au fioul utilisé dans la production d’alumine. Par ailleurs, l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2003/96 énonce que, par dérogation aux dispositions de cette directive, les États membres sont autorisés à continuer d’appliquer les niveaux réduits de taxation ou les exonérations énumérés à l’annexe II et que, sous réserve d’un examen préalable du Conseil, sur la base d’une proposition de la Commission, cette autorisation expire le 31 décembre 2006 ou à la date prévue à l’annexe II. Cette dernière annexe prévoit une exonération de droits d’accises du fioul lourd utilisé comme combustible dans la production d’alumine, pour la France, dans la région de Gardanne, pour l’Irlande, dans la région du Shannon et, pour l’Italie, en Sardaigne.
10 Par la décision 2006/323/CE, du 7 décembre 2005, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12), la Commission a clos la procédure d’examen ouverte par la décision C(2001) 3300, en ce qui concernait l’aide accordée pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2003, à savoir jusqu’à l’entrée en vigueur de la directive 2003/96, en déclarant une partie de l’aide incompatible avec le marché commun (ci-après la « décision alumine I »). Au considérant 92 de la décision alumine I, la Commission a décidé d’étendre la procédure en ce qui concernait la période commençant le 1er janvier 2004, à savoir la période postérieure à l’entrée en vigueur de la directive 2003/96. De même que pour la période antérieure, la Commission a indiqué, dans la décision d’étendre la procédure, avoir des doutes quant à la compatibilité de l’aide avec les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9) ainsi qu’avec l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (JO 2001, C 37, p. 3, ci-après l’« encadrement des aides environnementales de 2001 »).
11 La décision alumine I a été envoyée à la République française, à l’Irlande et à la République italienne par lettres du 8 décembre 2005 (D/206670, D/206671 et D/206673). Elle a été adressée aux bénéficiaires concernés et à l’Association européenne de l’aluminium par lettres du 23 janvier 2006 (D/50525, D/50526, D/50527 et D/50528).
12 Les trois États membres et deux bénéficiaires ont chacun formé un recours contre la décision alumine I, lesquels ont été enregistrés sous les numéros T‑50/06 (Irlande), T‑56/06 (France), T‑60/06 (Italie), T‑62/06 (Eurallumina) et T‑69/06 (Aughinish Alumina Ltd, ci-après « Aughinish ») (ci-après, prises ensemble, les « affaires alumine I »). Le bénéficiaire irlandais, Aughinish, a également demandé un sursis à l’exécution de la décision par voie de référé. Cette demande a été enregistrée sous le numéro T‑69/06 R. Par ordonnance du 2 août 2006, Aughinish Alumina/Commission (T‑69/06 R, non publiée, EU:T:2006:225), le Tribunal a rejeté la demande de mesures provisoires.
13 La décision alumine I a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 4 mai 2006 et les tiers intéressés ont été invités à présenter leurs observations sur la décision d’étendre la procédure par une communication publiée au Journal officiel le 9 mai 2006. La Commission a reçu des observations d’Aughinish, par lettre du 9 juin 2006 (enregistrée le même jour sous le numéro A/34490), et d’Eurallumina, par lettre du 24 juillet 2006 (enregistrée le 25 juillet 2006 sous le numéro A/35967). Cette dernière lettre n’a été envoyée et reçue qu’après le délai d’un mois fixé dans l’invitation à présenter des observations publiée au Journal officiel. Par conséquent, la Commission a informé Eurallumina qu’elle n’avait, en principe, pas l’obligation de prendre ces observations en considération par lettre du 2 août 2006 (D/56648), à laquelle Eurallumina a répondu par lettre du 3 août 2006 (enregistrée le 4 août 2006 sous le numéro A/36269).
14 Les observations d’Aughinish ont été communiquées à la République française, à l’Irlande et à la République italienne par lettres du 20 juin 2006 (D/55106, D/55107 et D/55109).
15 La République française et l’Irlande ont demandé une prolongation du délai fixé pour présenter leurs observations sur la décision d’étendre la procédure, que la Commission a acceptée. La République française a présenté ses observations par lettre du 14 février 2006 (enregistrée le 15 février 2006 sous le numéro A/31248). La Commission a rappelé à l’Irlande et à la République italienne son invitation à présenter des observations par lettres du 9 mars 2006 (D/52054 et D/52055). L’Irlande et la République italienne ont respectivement présenté leurs observations par lettres du 12 avril (enregistrée le 18 avril 2006 sous le numéro A/32940) et du 17 mai 2006 (enregistrée le 18 mai 2006 sous le numéro A/33852).
16 Par courriel du 24 juillet 2006, la République italienne a informé la Commission qu’elle n’avait pas d’autres observations à présenter au vu des observations d’Aughinish.
17 La République française a commenté les observations d’Aughinish par lettre du 27 juillet 2006 (enregistrée le 28 juillet 2006 sous le numéro A/35952).
18 Le 7 février 2007, la Commission a adopté la décision2007/375/CE, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, appliquée respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie [C 78/2001 (ex NN 22/01), C 79/2001 (ex NN 23/01), C 80/2001 (ex NN 26/01)] (JO 2007, L 147, p. 29, ci-après la « décision alumine II »).
19 Le dispositif de la décision alumine II énonce ce qui suit :
« Article premier
Les exonérations des droits d’accise sur les huiles minérales lourdes utilisées dans la production d’alumine, accordées par la [République française], l’Irlande et l[a République italienne] à partir du 1er janvier 2004 constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE].
Article 2
Les aides visées à l’article 1er sont compatibles avec le marché commun dans la mesure où les bénéficiaires acquittent au moins 20 % des droits d’accise dus en l’absence de l’exonération ou le niveau minimum de taxation déterminé par la directive 2003/96/CE (15 euros par 1 000 kilogrammes), la valeur la plus faible étant retenue, sous réserve de la condition que les mesures en cause soient limitées à une durée maximale de dix ans.
Article 3
Les aides visées à l’article 1er sont incompatibles avec le marché commun dans la mesure où les bénéficiaires n’acquittent pas au moins 20 % des droits d’accise dus en l’absence de l’exonération ou le minimum communautaire (15 euros par 1 000 kilogrammes), la valeur la plus faible étant retenue.
Article 4
1. La [République française], l’Irlande et l[a République italienne] prennent toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides visées à l’article 3 et illégalement mises à la disposition des bénéficiaires.
2. La récupération est effectuée sans délai conformément aux procédures prévues par le droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision.
3. Les sommes à récupérer comprennent des intérêts qui courent à compter de la date à laquelle les aides ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu’à celle de leur récupération. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément aux dispositions du chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission.
4. La [République française], l’Irlande et l[a République italienne] annulent tout versement encore dû des aides visées à l’article 3 avec effet à la date de notification de la présente décision.
5. La [République française], l’Irlande et l[a République italienne] veillent à l’exécution de la présente décision dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa notification.
Article 5
La [République française], l’Irlande et l[a République italienne] suspendent le versement des aides visées à l’article 2 aux bénéficiaires qui n’ont pas encore remboursé les aides considérées comme incompatibles avec le marché commun par la décision [alumine I] et les aides visées à l’article 3 de la présente décision dans la mesure où elles ont été illégalement mises à la disposition des bénéficiaires, avec intérêts.
Article 6
1. La [République française], l’Irlande et l[a République italienne] informent la Commission des progrès des procédures nationales d’exécution de la présente décision jusqu’à leur achèvement.
2. Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, la [République française], l’Irlande et l[a République italienne] informent la Commission du montant total à récupérer auprès des bénéficiaires, en indiquant le principal et les intérêts selon le tableau figurant à l’annexe, et fournissent une description détaillée des mesures prévues ou déjà prises pour se conformer à la présente décision. Elles adressent à la Commission, dans le même délai, tous les documents prouvant que les bénéficiaires ont reçu l’ordre de rembourser les aides.
3. Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, la [République française], l’Irlande et l[a République italienne] fournissent à la Commission la preuve qu’elles se sont conformées à l’article 6.
4. À l’expiration des délais visés aux paragraphes 2 et 3, la [République française], l’Irlande et l[a République italienne] présentent, sur simple demande de la Commission, un rapport sur les mesures prévues ou déjà prises pour se conformer à la présente décision. Le rapport précise en outre les montants des aides et des intérêts au titre de la récupération déjà récupérés auprès des bénéficiaires.
Article 7
La République française, l’Irlande et la République italienne sont destinataires de la présente décision. »
20 La décision alumine II a été adressée à Eurallumina par les autorités douanières italiennes, par lettre du 20 mars 2007, reçue par Eurallumina le 26 mars 2007.
Faits postérieurs à l’introduction du recours
21 Par arrêt du 12 décembre 2007, Irlande e.a./Commission (T‑50/06, T‑56/06, T‑60/06, T‑62/06 et T‑69/06, non publié, EU:T:2007:383), le Tribunal a joint les affaires alumine I aux fins de l’arrêt, annulé la décision alumine I, au motif que, dans celle-ci, la Commission avait violé l’obligation de motivation, s’agissant de la non-application au cas d’espèce de l’article 1er, sous b), v), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO 1999, L 83, p. 1), et, dans l’affaire T‑62/06, rejeté le recours pour le surplus.
22 Par requête en date du 26 février 2008, la Commission a introduit un pourvoi contre cet arrêt du Tribunal.
23 Par arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, EU:C:2009:742), la Cour a annulé l’arrêt du 12 décembre 2007, Irlande e.a./Commission (T‑50/06, T‑56/06, T‑60/06, T‑62/06 et T‑69/06, non publié, EU:T:2007:383), en tant que le Tribunal avait annulé la décision alumine I, renvoyé les affaires alumine I devant le Tribunal et réservé les dépens.
24 Par arrêt du 21 mars 2012, Irlande/Commission (T‑50/06 RENV, T‑56/06 RENV, T‑60/06 RENV, T‑62/06 RENV et T‑69/06 RENV, EU:T:2012:134), le Tribunal a annulé la décision alumine I, en tant qu’elle constatait, ou reposait sur le constat, que les exonérations de droits d’accises sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine accordées par la République française, l’Irlande et la République italienne jusqu’au 31 décembre 2003 constituaient des aides d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et en tant qu’elle ordonnait à la République française, à l’Irlande et à la République italienne de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer lesdites exonérations auprès de leurs bénéficiaires, dans la mesure où ces derniers ne s’étaient pas acquittés d’un droit d’accise d’au moins 13,01 euros par 1 000 kg d’huile minérale lourde.
25 Par requête en date du 1er juin 2012, la Commission a introduit un pourvoi contre cet arrêt du Tribunal.
26 Par arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a. (C‑272/12 P, EU:C:2013:812), la Cour a annulé l’arrêt du 21 mars 2012, Irlande/Commission (T‑50/06 RENV, T‑56/06 RENV, T‑60/06 RENV, T‑62/06 RENV et T‑69/06 RENV, EU:T:2012:134), renvoyé les affaires alumine I devant le Tribunal et réservé les dépens.
27 Par les arrêts du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission (T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227), du 22 avril 2016, France/Commission (T‑56/06 RENV II, EU:T:2016:228), et du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission (T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233), le Tribunal a rejeté les recours dans les affaires alumine I.
28 Par requête en date du 8 juin 2016, Eurallumina a introduit un pourvoi contre l’arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission (T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233). La République italienne a ensuite introduit un pourvoi incident contre ce même arrêt.
29 Par requête en date du 4 juillet 2016, Aughinish a introduit un pourvoi contre l’arrêt du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission (T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227). L’Irlande a demandé et été admise à intervenir au soutien des conclusions d’Aughinish, après avoir elle-même, par requête en date du 5 juillet 2016, introduit un pourvoi contre l’arrêt du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission (T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227).
30 Par ordonnances du 7 décembre 2017, Eurallumina/Commission (C‑323/16 P, non publiée, EU:C:2017:952), du 7 décembre 2017, Aughinish Alumina/Commission (C‑373/16 P, non publiée, EU:C:2017:953), et du 7 décembre 2017, Irlande/Commission (C‑369/16 P, non publiée, EU:C:2017:955), tous ces pourvois ont été rejetés.
Procédure et conclusions des parties
31 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 16 avril et 7 juin 2007, la République italienne et Eurallumina ont respectivement introduit un recours ayant pour objet l’annulation, en application de l’article 230 CE, de la décision alumine II, lesquels ont été enregistrés respectivement sous les numéros T‑119/07 et T‑207/07.
32 Le 9 juillet et le 5 septembre 2007, la Commission a respectivement déposé le mémoire en défense dans les affaires T‑119/07 et T‑207/07.
33 Par ordonnances des 13 septembre et 19 octobre 2007, les parties entendues, la procédure a été respectivement suspendue, dans l’affaire T‑119/07, jusqu’à la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑60/06 et, dans l’affaire T‑207/07, jusqu’à la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑62/06.
34 Par ordonnances du 24 avril 2008, les parties entendues, la procédure a de nouveau été respectivement suspendue, dans les affaires T‑119/07 et T‑207/07, jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑89/08 P.
35 Par ordonnances du 24 mars 2010, les parties entendues, la procédure a encore été respectivement suspendue, dans les affaires T‑119/07 et T‑207/07, jusqu’au prononcé des décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T‑50/06 RENV, T‑56/06 RENV, T‑60/06 RENV, T‑62/06 RENV et T‑69/06 RENV et jusqu’aux décisions qui seraient prises par la Cour dans l’hypothèse de pourvois formés contre ces décisions.
36 À la suite de la décision prise lors de la conférence plénière du 26 septembre 2016 relative à l’affectation des juges aux chambres, les affaires T‑119/07 et T‑207/07 ont été attribuées à la première chambre.
37 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a adopté, dans les affaires T‑119/07 et T‑207/07, une mesure d’organisation de la procédure consistant à entendre les parties sur les conséquences qu’elles tiraient, respectivement, pour ces affaires, des ordonnances du 7 décembre 2017, Eurallumina/Commission (C‑323/16 P, non publiée, EU:C:2017:952), du 7 décembre 2017, Aughinish Alumina/Commission (C‑373/16 P, non publiée, EU:C:2017:953), et du 7 décembre 2017, Irlande/Commission (C‑369/16 P, non publiée, EU:C:2017:955). Les parties ont déféré à cette mesure dans les délais impartis. Dans sa réponse, Eurallumina a indiqué ne maintenir que les trois premiers moyens avancés aux points 4.1 à 6.6 de la requête dans l’affaire T‑207/07. En outre, dans cette réponse, Eurallumina s’est prévalue d’un moyen tiré de ce que l’aide dont, selon la décision alumine II, elle aurait été bénéficiaire n’était pas imputable à la République italienne mais à l’Union.
38 Le 3 avril 2018, la République italienne et Eurallumina ont respectivement déposé la réplique dans les affaires T‑119/07 et T‑207/07. Dans sa réplique, Eurallumina a indiqué ne plus maintenir, dans le cadre du troisième moyen avancé dans la requête, le grief tiré d’une violation du point 51, paragraphe 1, sous a), de l’encadrement des aides environnementales de 2001. En revanche, la République italienne a précisé, dans sa réplique, qu’elle n’entendait renoncer à aucun des moyens de son recours.
39 Le 5 juin 2018, la Commission a respectivement déposé la duplique dans les affaires T‑119/07 et T‑207/07.
40 Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 6 juillet 2018, la République italienne et Eurallumina ont respectivement demandé la tenue d’une audience de plaidoiries dans les affaires T‑119/07 et T‑207/07, conformément à l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
41 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’inviter les parties à présenter leurs observations sur une jonction des affaires T‑119/07 et T‑207/07 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, d’ouvrir la phase orale de la procédure dans ces mêmes affaires et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à répondre à des questions écrites.
42 Par actes déposés au greffe du Tribunal les 4 et 5 février 2019, les parties ont fait valoir leurs observations sur une jonction des affaires T‑119/07 et T‑207/07 et ont répondu aux questions écrites du Tribunal.
43 Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 6 février 2019, les affaires T‑119/07 et T‑207/07 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure, lu en combinaison avec l’article 19, paragraphe 2, de ce même règlement.
44 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 mars 2019.
45 Dans l’affaire T‑119/07, la République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision alumine II ;
– condamner la Commission aux dépens.
46 Dans l’affaire T‑207/07, Eurallumina conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– à titre principal,
– soit annuler la décision alumine II dans sa totalité ou déclarer que l’exonération du droit d’accise dont elle a bénéficié, conformément à la décision 2001/224, était légale jusqu’au 31 décembre 2006 et ne devait pas être considérée comme une aide d’État devant être remboursée ou déclarer que l’aide d’État qui doit être remboursée est limitée à un montant maximum de 3 euros par tonne ;
– soit annuler les articles 1er, 4 à 6 de la décision alumine II, dans la mesure où ils la concernent ou déclarer que l’exonération du droit d’accise dont elle a bénéficié, conformément à la décision 2001/224, était légale jusqu’au 31 décembre 2006 et ne devait pas être considérée comme une aide d’État devant être remboursée ou déclarer que l’aide d’État qui doit être remboursée est limitée à un montant maximum de 3 euros par tonne ;
– à titre subsidiaire, modifier les articles 5 et 6 de la décision alumine II, dans la mesure où ils la concernent, de manière à ce que l’exonération du droit d’accise dont elle a bénéficié ne soit plus considérée comme une aide d’État devant être remboursée ;
– condamner la Commission aux dépens.
47 Dans les affaires jointes T‑119/07 et T‑207/07, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours ;
– condamner respectivement la République italienne et Eurallumina aux dépens.
En droit
48 Les recours dans les affaires jointes T‑119/07 et T‑207/07 ont, en substance, pour objet des demandes d’annulation, totale ou partielle, de la décision alumine II, pour autant que celle-ci constate l’existence d’une aide d’État accordée par la République italienne, à partir du 1er janvier 2004, sur le fondement de l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine en Sardaigne et qu’elle ordonne à la République italienne de récupérer ladite aide ou d’annuler ou de suspendre son versement (ci-après la « décision attaquée »).
Sur les moyens soulevés par la République italienne à l’appui du recours dans l’affaire T‑119/07
49 À l’appui de ses conclusions, la République italienne invoque cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation ou d’une application incorrecte de l’article 87, paragraphe 1, CE ainsi que d’une motivation contradictoire. Le deuxième moyen est pris d’une violation ou d’une application incorrecte de l’article 87, paragraphe 3, CE ainsi que des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale. Le troisième moyen est tiré d’une erreur dans l’application de l’encadrement des aides environnementales de 2001 ainsi que d’une motivation erronée. Le quatrième moyen est fondé sur une violation du principe de protection de la confiance légitime et de la présomption de légalité des actes des institutions. Le cinquième moyen est tiré d’une contradiction de motifs.
Sur le premier moyen soulevé par la République italienne
50 La République italienne fait grief à la Commission d’avoir violé ou incorrectement appliqué l’article 87, paragraphe 1, CE et d’avoir motivé de manière contradictoire la décision attaquée, en qualifiant d’aide d’État l’exonération du droit d’accise dont Eurallumina avait déjà bénéficié ou devait encore bénéficier entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2006 (ci-après l’« exonération litigieuse ») ainsi que, en tout état de cause, en refusant de constater que l’exonération litigieuse avait été autorisée par la directive 2003/96. Selon la République italienne, l’exonération litigieuse ne constituait pas une aide d’État, car elle s’inscrivait pleinement dans la nature et l’économie générale du système de taxation de l’énergie italien. Elle se serait appliquée, de manière générale et sans considération territoriale, à toutes les entreprises qui utilisaient ou auraient souhaité utiliser des huiles minérales comme combustible pour la production d’alumine en Italie, au sens du point 14 du tableau A du Decreto Legislativo no 504 – Testo unico delle disposizioni legislative concernenti le imposte sulla produzione e sui consumi e relative sanzioni penali e amministrative (décret législatif no 504 – Texte unique des dispositions législatives concernant les impôts sur la production et sur la consommation et les sanctions pénales et administratives), du 26 octobre 1995 (supplément ordinaire à la GURI no 48, du 29 novembre 1995). Selon la République italienne, le premier moyen ne peut être rejeté en se référant au point 62 de l’ordonnance du 7 décembre 2017, Eurallumina/Commission (C‑323/16 P, non publiée, EU:C:2017:952). Ce dernier ne constaterait pas que tous les critères de qualification d’une aide d’État, au sens de l’article 87 CE, seraient satisfaits en l’espèce. Or, l’exonération litigieuse ne pourrait, en aucune manière, fausser la concurrence sur le marché commun, ni sur le plan régional ni sur le plan matériel, car l’activité en cause aurait été possible uniquement en Sardaigne et aurait porté sur des produits très spécifiques et non substituables.
51 La Commission réfute les arguments de la République italienne et conclut au rejet du premier moyen.
52 Dans le cadre du premier moyen, la République italienne avance, en substance, quatre griefs, tirés, le premier, d’une contradiction de motifs concernant la qualification de l’exonération litigieuse d’aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, le deuxième, d’une application erronée du critère de qualification d’une mesure d’aide d’État, en droit communautaire, fondé sur la sélectivité de cette mesure, le troisième, d’une application erronée des autres critères de cette même qualification, notamment celui fondé sur l’affectation de la concurrence, et, le quatrième, d’une erreur consistant, pour la Commission, à ne pas avoir tenu compte, dans la décision attaquée, du fait que l’exonération litigieuse avait été autorisée par la directive 2003/96 jusqu’au 31 décembre 2006.
53 Il convient de commencer par examiner les deux fins de non-recevoir avancées par la Commission concernant le premier moyen soulevé par la République italienne. La première concerne uniquement le troisième grief. La seconde porte sur les trois autres griefs.
54 En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 2, sous b), et de l’article 90 du règlement de procédure, la République italienne a conclu au rejet des fins de non-recevoir avancées par la Commission.
55 S’agissant de la première fin de non-recevoir, dirigée contre le troisième grief et fondée sur le caractère nouveau de ce grief, il y a lieu d’observer que le recours dans l’affaire T‑119/07 a été introduit le 16 avril 2007, alors que le règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 était encore en vigueur. La question de savoir si le grief litigieux est recevable doit donc être examinée à la lumière des dispositions dudit règlement de procédure.
56 Il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991 que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, EU:T:2002:84, point 156).
57 La requête déposée par la République italienne au greffe du Tribunal le 16 avril 2007 ne contenait aucun moyen ou grief qui aurait été tiré, en substance, d’une application erronée des critères de qualification d’une mesure d’aide d’État, en vertu du droit communautaire, autres que celui de la sélectivité de la mesure en cause. Le troisième grief ne constituait pas non plus une ampliation d’un moyen ou d’un grief qui aurait été énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête déposée le 16 avril 2007 et aurait présenté un lien étroit avec celui-ci. En particulier, il ne pouvait être rattaché, comme l’allègue la République italienne, aux points 28 et 29 de cette requête, dans lesquels celle-ci se bornait à exposer les raisons pour lesquelles elle contestait, au point 27 de ladite requête, le « caractère prétendument sélectif de [l’exonération litigieuse] », qui aurait été une mesure de « portée générale incontestée ». Il s’ensuit que le troisième grief était bien un moyen nouveau, au sens de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991.
58 Si la République italienne argue que le troisième grief était fondé sur des éléments nouveaux qui s’étaient révélés au cours de la procédure, elle ne précise pas quels auraient été ces éléments. En l’espèce, rien ne permet de constater que la République italienne n’aurait pas été en mesure de soulever ledit grief dès le stade de la requête.
59 Il y a donc lieu d’accueillir la première fin de non-recevoir soulevée par la Commission et, partant, de rejeter, comme étant irrecevable, le troisième grief du premier moyen.
60 S’agissant des fins de non-recevoir avancées par la Commission à l’égard des autres griefs et fondées, en substance, sur le non-respect des exigences de clarté et de précision, il y a également lieu de constater, au vu de la date d’introduction du recours dans l’affaire T‑119/07, que la question de savoir si ces griefs sont recevables doit être examinée à la lumière des dispositions du règlement de procédure du 2 mai 1991.
61 Selon une jurisprudence constante, conformément à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure du 2 mai 1991 (voir arrêt du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, EU:T:2009:236, point 156 et jurisprudence citée). Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, EU:T:2005:455, point 55 et jurisprudence citée). En effet, la partie requérante doit indiquer dans la requête les griefs précis sur lesquels le Tribunal est appelé à se prononcer ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés (voir arrêt du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C‑52/90, EU:C:1992:151, point 17 et jurisprudence citée).
62 En l’espèce, le premier grief, tiré d’une contradiction de motifs, est exposé de manière abstraite par la République italienne. Cette dernière se borne, dans l’intitulé du premier moyen, à invoquer l’existence d’une « contradiction de motifs quant à un point décisif du litige », sans jamais préciser, ensuite, ni en quoi consiste ce point décisif ni quels sont les considérants de la décision attaquée qui sont concernés. Or, il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à la République italienne pour préciser, en se livrant à des conjectures, le grief litigieux.
63 Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la fin de non-recevoir soulevée par la Commission et de rejeter le premier grief du premier moyen comme étant irrecevable.
64 Quant au deuxième grief, tiré, en substance, d’une application erronée du critère de qualification d’une mesure d’aide d’État fondé sur la sélectivité de la mesure en cause, il y a lieu de considérer que celui-ci, bien que formulé de manière très brève dans la requête, est suffisamment clair et précis, dans le contexte de l’espèce, pour avoir permis à la Commission et au Tribunal de comprendre que la requérante reprochait à la Commission d’avoir, au considérant 32 de la décision attaquée, estimé que le critère de la sélectivité était satisfait, dans le cas de l’exonération litigieuse, en s’appuyant notamment sur l’appréciation selon laquelle ladite exonération ne pouvait pas être considérée comme étant justifiée par la nature et l’économie générale du système de taxation de l’énergie italien.
65 Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’égard du deuxième grief du premier moyen.
66 Enfin, concernant le quatrième grief, tiré, en substance, d’un défaut de prise en compte du fait que l’exonération litigieuse avait été autorisée par la directive 2003/96 jusqu’au 31 décembre 2006, il y a lieu de considérer que ce grief, bien que son fondement exact ne soit pas explicité dans la requête et qu’il soit développé de manière plutôt sommaire, est néanmoins suffisamment clair et précis, dans le contexte de l’espèce, pour avoir permis à la Commission et au Tribunal de comprendre que la République italienne considérait, en substance, que l’autorisation de l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006 découlant d’une lecture combinée de l’article 18, paragraphe 1, et de l’annexe II de la directive 2003/96 aurait fait obstacle à ce que la Commission exerçât ses compétences en matière d’aides d’État à l’égard de ladite exonération.
67 Il convient donc également de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’égard du quatrième grief du premier moyen.
68 Au vu de ce qui précède, il n’y a lieu pour le Tribunal de statuer au fond que sur les deuxième et quatrième griefs du premier moyen, tirés, d’une part, d’une application erronée du critère de qualification d’une mesure d’aide d’État fondé sur la sélectivité de la mesure en cause et, d’autre part, d’un défaut de prise en compte du fait que l’exonération litigieuse aurait été autorisée par la directive 2003/96 jusqu’au 31 décembre 2006.
69 Ces griefs, de même que toutes les questions de fond soulevées dans le cadre des présentes affaires, doivent être examinés à la lumière des règles du traité CE qui étaient d’application depuis le moment où Eurallumina a commencé à bénéficier de l’exonération litigieuse, qui est l’objet de la décision attaquée, jusqu’à celui où cette dernière décision, ordonnant la récupération partielle de cette exonération ou son annulation ou sa suspension, a été adoptée, à savoir durant toute la période allant du 1er janvier 2004 au 7 février 2007.
70 Aux fins de l’examen au fond du deuxième grief du premier moyen, relatif à l’application du critère de sélectivité, il importe de rappeler que, pour constituer une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, une mesure doit notamment être de nature à conférer un avantage sélectif, au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activités. En effet, cet article vise les aides qui faussent ou menacent de fausser la concurrence « en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».
71 Il ressort d’une jurisprudence constante que la notion d’aide d’État, au sens de ce même article, ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises lorsque cette différenciation résulte de la nature et de l’économie d’un système de charges ou de taxation d’intérêt général, dans lequel elles s’inscrivent et dont il incombe à la partie qui s’en prévaut de rapporter la preuve de l’existence. Dans cette hypothèse, la mesure en question ne peut, en principe, être considérée comme étant sélective, alors même qu’elle procure un avantage aux entreprises qui peuvent s’en prévaloir (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 2003, Espagne/Commission, C‑409/00, EU:C:2003:92, points 53 et 54 et jurisprudence citée, et du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, EU:T:2002:59, points 163 et 164).
72 La jurisprudence relative à la « justification d’une dérogation par “la nature ou l’économie du système” » a été expliquée par la Commission, aux points 23 à 27 de sa communication du 10 décembre 1998 sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO 1998, C 384, p. 3), sous la forme suivante :
« 23 La nature différentielle de certaines mesures ne doit pas nécessairement les faire considérer comme des aides d’État. Tel est le cas de celles dont la rationalité économique les rend “nécessaires ou fonctionnelles par rapport à l’efficacité du système fiscal” […] Il appartient cependant à l’État membre de fournir une telle justification.
[…]
26 Une distinction doit être établie entre, d’une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs – notamment des buts sociaux ou régionaux – et, d’autre part, les objectifs inhérents au système fiscal lui-même. La raison d’être du système fiscal est de collecter des recettes destinées à financer les dépenses de l’État […] »
73 En l’espèce, le deuxième grief du premier moyen se rapporte manifestement aux considérants 32 à 40 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a, notamment, examiné si l’exonération litigieuse pouvait être considérée comme étant justifiée par la nature et l’économie générale du système de taxation de l’énergie italien. Ces considérants se lisent comme suit :
« 32 Les mesures en cause favorisent certaines entreprises, car elles ne s’appliquent qu’aux sociétés qui utilisent du fioul lourd pour la production d’alumine et, en pratique, chaque État membre considéré ne compte qu’une seule société bénéficiant de l’exonération : Aughinish dans la région du Shannon, Eurallumina en Sardaigne et Alcan à Gardanne. Ces mesures ne peuvent être considérées comme justifiées par la nature et l’économie générale des systèmes respectifs de taxation de l’énergie pour les raisons énoncées aux considérants 33 à 40.
33 Les produits énergétiques à double usage ou destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible, ainsi que les procédés minéralogiques, ne relèvent pas du champ d’application de la directive 2003/96[…] et, depuis le 1er janvier 2004, les États membres peuvent décider de taxer ou non de telles utilisations. Une exonération de ces utilisations de l’énergie peut en effet constituer une mesure générale qui ne comporte pas d’aides d’État dans les cas où elle est conforme à la nature et à la logique du système fiscal national. Aux termes du considérant 22 du préambule de la directive 2003/96[…], “les produits énergétiques doivent principalement être soumis à un cadre réglementaire communautaire lorsqu’ils sont utilisés comme carburant ou comme combustible. À cet égard, il est inhérent à la nature et à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application de ce cadre les produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustible ou carburant, ainsi que les procédés minéralogiques”.
34 En outre, lors de l’adoption de la directive 2003/96[…], le Conseil et la Commission ont déclaré conjointement […] que “les produits énergétiques devraient principalement être régis par un cadre communautaire lorsqu’ils sont utilisés comme carburant ou comme combustible. On peut considérer qu’il est inhérent à la nature et à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application de ce cadre les produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustible ou carburant, ainsi que les procédés minéralogiques. Les États membres peuvent dès lors prendre des mesures pour imposer ou non ces utilisations ou pour appliquer une taxation totale ou partielle pour chaque utilisation. L’électricité utilisée de la même manière devrait bénéficier d’un traitement identique. De telles dérogations au système général, ou des différenciations au sein de ce système, justifiées par la nature et l’économie du régime fiscal, n’impliquent pas d’aides d’État.”
35 Le Conseil a également déclaré que : “[…] il comprend la situation juridique créée par l’adoption de la présente directive en liaison avec les règles du traité relatives aux aides d’État, de la même manière que cela a été exposé par la Commission lors de la réunion du groupe ‘Questions fiscales’ du 14 novembre 2002”. Dans le document de travail de ses services, discuté lors de ladite réunion […], la Commission explique la notion de mesure générale, indique que la situation dans chaque État membre doit être analysée, de manière à définir le système général de droits d’accises applicable au niveau national et indique également que “le projet de directive sur la taxation de l’énergie prévoit plusieurs options, ce qui rend impossible de déterminer à l’avance si les modalités d’application par les États membres donneront lieu à l’octroi d’aides d’État au sens de l’article 87 [CE]”. Le considérant 32 du préambule et l’article 26, paragraphe 2, de la directive 2003/96[…] rappellent donc aux États membres l’obligation qui leur est faite par l’article 88, paragraphe 3, du traité [CE] de notifier les aides d’État.
36 Dans le cas d’espèce, ni la [République française], l’Irlande et l[a République italienne], ni d’autres bénéficiaires n’ont démontré que les exonérations étaient conformes à la nature et à la logique des systèmes nationaux. Aucun d’entre eux n’a par exemple indiqué si les produits énergétiques à double usage utilisés dans d’autres processus de production avaient été exonérés, et si ce n’était pas le cas, pour quelles raisons. Ils n’ont pas non plus expliqué de quelle manière les exonérations étaient comparables aux taxes nationales sur l’électricité utilisée principalement pour la réduction chimique et l’électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques et sur l’utilisation d’énergie dans des procédés minéralogiques, qui sont d’autres utilisations de l’énergie qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive 2003/96[…] conformément à son article 2, paragraphe 4, [sous] b).
37 L[a République italienne] a expliqué que si un autre opérateur industriel quelconque avait demandé le même avantage, il n’aurait rencontré aucun obstacle à l’accès au marché en cause. Néanmoins, la signification précise de cette déclaration n’est pas claire, ni si cela signifie que le même avantage pourrait également être accordé à toute autre industrie que celle de l’alumine. En tout état de cause, l’avantage ne serait pas accordé automatiquement comme dans le cas de l’alumine. En ce qui concerne les raisons de l’exonération, l[a République italienne], par exemple dans sa lettre du 7 décembre 2000, fait référence à la “reconnaissance de l’île (la Sardaigne) comme région fortement désavantagée, et aux incidences négatives éventuelles sur l’emploi” (“riconoscimento dell’isola (Sardegna) quale aera fortemente disagiata, ed i possibili effetti negativi sull’occupazione”).
[…]
40 En fait, les États membres et les bénéficiaires n’ont pas mis en évidence de logique globale de leurs systèmes fiscaux respectifs. Sur la base des informations dont dispose la Commission, il est évident que les raisons d’accorder l’aide découlent plutôt des circonstances entourant la production d’alumine dans les régions considérées. Ces arguments ne découlent pas de la nature et de la logique des systèmes fiscaux nationaux respectifs. La Commission conclut donc que les exonérations restent hautement sélectives, favorisant la production d’un produit spécifique et, de facto, d’entreprises spécifiques, et qu’elles ne peuvent être justifiées dans la logique des systèmes fiscaux nationaux [la quatrième phrase du considérant 40, ci-dessus reproduite, figure dans le texte en langues anglaise et française de la décision attaquée mais non dans celui en langue italienne, manifestement à la suite d’une erreur]. »
74 En l’espèce, il suffit de relever que, dans le cadre de la procédure dans l’affaire T‑119/07, la République italienne n’a fourni aucun élément démontrant que, comme elle le prétend, l’exonération litigieuse se serait inscrite dans la nature et l’économie générale d’un système de taxation d’intérêt général italien excluant la taxation des produits énergétiques à double usage ou de certains d’entre eux, tels les produits énergétiques utilisés dans les procédés métallurgiques. En effet, dans la requête dans l’affaire T‑119/07, elle s’est contentée d’alléguer, sans autre précision, que « les exonérations du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine [en Sardaigne] ne constitu[ai]ent pas des aides d’État mais s’inscrivaient plutôt dans la nature et la logique du système fiscal national ». Ce faisant, elle n’a apporté aucun élément permettant de remettre en cause l’appréciation de la Commission, au considérant 40 de la décision attaquée, selon laquelle la République italienne n’avait pas mis en évidence l’existence d’une logique globale, dans le système fiscal italien, conduisant à exclure systématiquement la taxation des produits énergétiques à double usage ou certains d’entre eux, tels les produits énergétiques utilisés dans les procédés métallurgiques.
75 C’est donc à bon droit que la Commission a notamment constaté, au considérant 32 de la décision attaquée, que l’exonération litigieuse favorisait certaines entreprises en Italie, car elle ne s’appliquait qu’aux sociétés qui utilisaient du fioul lourd pour la production d’alumine.
76 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondé, le deuxième grief du premier moyen.
77 S’agissant du quatrième grief du premier moyen, fondé sur l’obstacle qu’aurait constitué, en l’espèce, l’autorisation, par la directive 2003/96, de l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006, il importe de constater que, à supposer même que les dispositions combinées de l’article 18, paragraphe 1, et de l’annexe II de la directive 2003/96 puissent être interprétées comme ayant autorisé la République italienne à appliquer l’exonération litigieuse, par dérogation aux dispositions de ladite directive, en dépit du fait que cette même directive n’avait pas vocation à régir la taxation, par les États membres, des produits énergétiques à double usage, telles les huiles minérales utilisées comme combustible dans la production d’alumine (voir, à cet égard, point 102 ci-dessous), cette autorisation ne faisait pas obstacle, par principe, à ce que la Commission adoptât la décision attaquée. En effet, la Cour a déjà eu l’occasion de juger qu’une autorisation adoptée par le Conseil sur le fondement des compétences dont il dispose en matière d’harmonisation des législations fiscales ne pouvait avoir pour effet d’empêcher la Commission d’exercer les compétences que le traité CE lui confiait et, par conséquent, de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 88 CE aux fins d’examiner si une exonération fiscale constituait une aide d’État et de prendre, à l’issue de cette procédure, le cas échéant, une décision constatant le caractère partiellement illégal et incompatible de cette exonération au regard des règles de droit communautaire en matière d’aides d’État (voir, en ce sens, ordonnance du 7 décembre 2017, Eurallumina/Commission, C‑323/16 P, non publiée, EU:C:2017:952, points 56, 69 et 111 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a., C‑272/12 P, EU:C:2013:812, points 49 et 50).
78 Ainsi et contrairement à ce que soutient la République italienne, il y a lieu de considérer que les dispositions de la directive 2003/96 ne faisaient pas obstacle, par principe, à ce que la Commission adoptât la décision attaquée.
79 Pour ces motifs, il convient de rejeter, comme étant non fondé, le quatrième grief du premier moyen.
80 Tous les griefs formulés dans le cadre du premier moyen soulevé par la République italienne se trouvant ainsi rejetés, comme étant soit irrecevables soit non fondés, il y a lieu de conclure au rejet dudit moyen.
Sur le deuxième moyen soulevé par la République italienne
81 La République italienne fait grief à la Commission d’avoir violé ou incorrectement appliqué l’article 87, paragraphe 3, CE ainsi que les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, en refusant de considérer, dans la décision attaquée, que l’exonération litigieuse était nécessaire au développement économique de la Sardaigne. Elle fait valoir, à cet égard, que cette dernière fait partie des régions défavorisées qui relèvent de l’objectif no 1 en matière de fonds structurels. Plus particulièrement, le territoire de Sulcis-Iglesiente, où sont implantées les installations d’Eurallumina, connaîtrait un taux de chômage de l’ordre de 21 % de la population active disponible, et de près de 50 % s’agissant des jeunes. Dans ce contexte économique déprimé, Eurallumina parviendrait à employer directement 1 800 personnes. En outre, la Sardaigne se situerait parmi les dernières régions d’Italie en ce qui concerne la richesse et le revenu par habitant. Enfin, le taux d’activité des personnes et le nombre d’entreprises industrielles par rapport à la population totale y seraient inférieurs à la moyenne nationale.
82 La Commission réfute les arguments de la République italienne et conclut au rejet du deuxième moyen.
83 En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 2, sous b), et de l’article 90 du règlement de procédure, les invitant à se prononcer sur la recevabilité du deuxième moyen, au regard des exigences de clarté et de précision qui découlent de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la Commission et la République italienne ont estimé que les conditions pour que le Tribunal statuât sur le fond étaient en l’espèce réunies, notamment à la lumière des décisions déjà rendues dans les affaires alumine I.
84 Dans ce contexte, le deuxième moyen soulevé par la République italienne peut être compris comme étant dirigé contre le considérant 51 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a observé que, « [p]our les raisons expliquées aux considérants 78 à 81 et 82 à 86 de la décision [alumine I], les aides ne p[o]uv[ai]ent être considérées comme compatibles avec le marché commun au titre de l’article 87, paragraphe 3, [sous] a), du traité, ni sur la base des dérogations prévues à l’article 87, paragraphes 2 et 3, du traité ».
85 Aux considérants 78, 79 et 80 de la décision alumine I, la Commission avait notamment formulé les appréciations suivantes :
« 78 En ce qui concerne la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, [sous] a), [CE], qui vise les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, la Commission observe que, pour la dernière partie de la période pendant laquelle les exonérations ont été accordées, ce sont les lignes directrices concernant les aides [à finalité régionale] de 1998 qui sont applicables. Aux termes du point 4.15 de ces lignes directrices, des aides au fonctionnement peuvent exceptionnellement être octroyées dans les régions bénéficiant de la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, [sous] a), [CE] à condition qu’elles soient justifiées en fonction de leur contribution au développement régional et de leur nature et que leur niveau soit proportionnel au handicap qu’elles visent à pallier. Il incombe à l’État membre de démontrer l’existence des handicaps et d’en mesurer l’importance. Aux termes du point 4.17 des lignes directrices, les aides au fonctionnement doivent être limitées dans le temps et dégressives. Or, ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce.
79 […] La Sardaigne est une région pouvant bénéficier de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, [sous] a)[, CE] […]
80 Dans ses décisions d’ouvrir la procédure en vertu de l’article 88, paragraphe 2, [CE], la Commission exprimait ses doutes quant à la compatibilité des aides avec le marché commun en application de l’article 87, paragraphe 3, [sous] a), [CE]. Les autorités italiennes […] n’ont pas avancé d’éléments pour dissiper ces doutes ; elles n’ont pas démontré l’existence de handicaps particuliers ni mesuré leur importance afin de justifier l’octroi d’aides au fonctionnement. Le niveau élevé des prix de l’énergie et la concurrence d’importations des pays tiers, en particulier, n’ont pas de caractère régional. Même si l’absence de gaz naturel représentait un handicap régional particulier dans les régions considérées, ce qui n’a pas été établi, […] l[a République italienne] n’en [a] pas mesuré l’importance afin de justifier le niveau de l’aide. La législation italienne, qui, selon Eurallumina, entraîne des coûts supplémentaires, peut partiellement avoir un caractère régional, du fait que la Sardaigne a été déclarée région à haut risque de crise écologique, mais ne peut être considérée en général comme un handicap particulier pour cette région. En tout état de cause, il apparaît que les exonérations en question ne sont ni temporaires ni dégressives comme l’exige l’encadrement. C’est la raison pour laquelle l’aide ne peut être considérée comme compatible avec le marché commun au motif qu’elle facilite le développement de certaines régions […] »
86 Dans le cadre de l’affaire T‑60/06 RENV II, Italie/Commission, la République italienne avait soulevé un moyen identique au deuxième moyen, à l’appui d’une demande d’annulation de la décision alumine I. Aux points 142 à 160 de l’arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission (T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233), le Tribunal, après avoir examiné les motifs retenus par la Commission aux considérants 78 à 80 de la décision alumine I, a rejeté ce moyen comme étant non fondé, au motif que les éléments d’informations communiqués par la République italienne, lors de la procédure formelle d’examen portant sur l’exonération du droit d’accise dont Eurallumina avait bénéficié jusqu’au 31 décembre 2003, ne suffisaient pas à établir que cette exonération visait à pallier un handicap régional particulier, subi par Eurallumina, et que le niveau de cette aide était proportionnel à ce handicap. Ce rejet n’a pas été remis en cause par l’ordonnance du 7 décembre 2017, Eurallumina/Commission (C‑323/16 P, non publiée, EU:C:2017:952).
87 En l’espèce, la République italienne ne prétend ni, a fortiori, n’établit avoir, après l’extension de la procédure formelle d’examen à l’exonération du droit d’accise dont Eurallumina avait déjà bénéficié ou devait encore bénéficier entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2006, communiqué de nouveaux éléments d’informations permettant d’établir que cette exonération visait à pallier un handicap régional particulier, subi par Eurallumina, et que le niveau de cette aide était proportionnel à ce handicap. Ainsi, il y a lieu, pour des motifs similaires à ceux qui ont été exposés aux points 142 à 160 de l’arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission (T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233), de rejeter le deuxième moyen soulevé par la République italienne comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen soulevé par la République italienne
88 La République italienne fait, en substance, grief à la Commission d’avoir commis une erreur dans l’application de l’encadrement des aides environnementales de 2001 et d’avoir fondé, à cet égard, la décision attaquée sur des motifs erronés. À titre principal, elle reproche à la Commission d’avoir considéré que le point 51, paragraphe 1, sous a), de l’encadrement des aides environnementales de 2001 ne s’appliquait pas en l’espèce, dès lors que, durant la période au cours de laquelle Eurallumina avait bénéficié de l’exonération litigieuse, cette société n’avait conclu aucun accord avec elle par lequel elle se serait engagée à atteindre des objectifs de protection de l’environnement, alors que de tels accords existaient. Elle se réfère, à cet égard, à une série d’engagements qui auraient été souscrits par Eurallumina dans le cadre d’un plan de dépollution et d’assainissement du territoire de Sulcis-Iglesiente ou qui auraient été imposés à celle-ci dans le cadre d’un plan de maîtrise des émissions de son établissement dans l’atmosphère. À titre subsidiaire, elle fait grief à la Commission d’avoir, en appliquant le point 51, paragraphe 1, sous b), de l’encadrement des aides environnementales de 2001 dans la décision attaquée, estimé que l’exigence de paiement d’une « partie significative » de la taxe nationale impliquait qu’Eurallumina s’acquittât d’au moins 20 % du taux normal d’accise italien, à savoir 12,75 euros par tonne, alors que ce choix créait une distorsion de concurrence par rapport aux producteurs français et irlandais, lesquels ne devaient acquitter respectivement que 3,7 euros et 3 euros par tonne.
89 La Commission réfute les arguments de la République italienne et conclut au rejet du troisième moyen.
90 En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 2, sous b), et de l’article 90 du règlement de procédure, les invitant à se prononcer sur la recevabilité du troisième moyen au regard des exigences de clarté et de précision qui découlent de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la Commission et la République italienne ont estimé que les conditions pour que le Tribunal statuât sur le fond étaient en l’espèce réunies, notamment à la lumière des décisions déjà rendues dans les affaires alumine I.
91 Pour autant que, dans le cadre du troisième moyen, la République italienne invoque une application erronée du point 51, paragraphe 1, sous a), de l’encadrement des aides environnementales de 2001, elle se fonde également sur une argumentation présentée de façon assez laconique et vague. Toutefois, le grief ainsi formulé dans le cadre du troisième moyen peut être compris comme étant dirigé contre le considérant 49 de la décision attaquée, dans lequel la Commission observe que, « [a]insi qu’il est expliqué au considérant 75 de la décision [alumine I], les conditions d’application du point 51[, paragraphe] 1, sous a), de l’encadrement des aides environnementales [de 2001] ne sont pas remplies et [que] seules les dispositions du point 51[, paragraphe] 1[, sous] b[),] peuvent être appliquées ».
92 Au considérant 75 de la décision alumine I, la Commission a indiqué ce qui suit :
« 75 Dans leurs observations, les bénéficiaires ont fait valoir qu’ils avaient réalisé des investissements écologiques importants en contrepartie des exonérations. Il n’y a toutefois aucune preuve qu’ils aient conclu des accords avec les États membres considérés pour s’engager à atteindre des objectifs de protection de l’environnement pendant la période d’application des exonérations. Ces dernières n’étaient pas non plus assorties de conditions procurant le même effet que ces accords et engagements. Il apparaît du reste que les investissements écologiques n’allaient pas au-delà de ce qui était nécessaire pour respecter la législation ou de ce qui était faisable et économique sur le plan commercial. Par conséquent, les conditions d’application du point 51[, paragraphe] 1[, sous] a[),] de l’encadrement des aides [environnementales] de 2001 ne sont pas remplies et seules les dispositions du point 51[, paragraphe] 1[, sous] b[),] sont applicables en l’espèce. »
93 Le présent grief pose uniquement la question de savoir si la Commission a commis une erreur en estimant notamment, dans ce considérant, qu’il n’y avait aucune preuve qu’Eurallumina ait conclu des accords avec la République italienne pour s’engager à atteindre des objectifs de protection de l’environnement pendant toute la période durant laquelle elle devait bénéficier de l’exonération litigieuse.
94 Aux points 129 à 137 de l’arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission (T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233), le Tribunal a déjà eu l’occasion de rechercher si les mêmes accords que ceux qui sont, en l’espèce, invoqués par la République italienne et qui avaient alors été produits devant lui permettaient d’appliquer le point 51, paragraphe 1, sous a), de l’encadrement des aides environnementales de 2001 à l’exonération du droit d’accise dont Eurallumina avait bénéficié entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003. Il a jugé, au point 138 de cet arrêt, que la Commission avait conclu à bon droit, au considérant 75 de la décision alumine I, que les conditions d’application du point 51, paragraphe 1, sous a), de l’encadrement des aides environnementales de 2001 n’étaient pas remplies au vu du contenu desdits accords. La légalité de ces motifs n’a été remise en cause ni par le Tribunal, dans l’arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission (T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233), ni par la Cour, dans l’ordonnance du 7 décembre 2017, Eurallumina/Commission (C‑323/16 P, non publiée, EU:C:2017:952).
95 C’est donc également à bon droit que la Commission soutient que le troisième moyen, en ce qu’il repose sur une application erronée du point 51, paragraphe 1, sous a), de l’encadrement des aides environnementales de 2001, peut être rejeté comme étant non fondé, en se référant aux motifs exposés aux points 129 à 138 de l’arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission (T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233).
96 Pour autant que, dans le cadre du troisième moyen, la République italienne invoque une violation du point 51, paragraphe 1, sous b), de l’encadrement des aides environnementales de 2001, celle-ci reproche uniquement à la Commission d’avoir, dans la décision attaquée, considéré que l’exigence de paiement d’une « partie significative » de la taxe nationale, prévue au point 51, paragraphe 1, sous b), de l’encadrement des aides environnementales de 2001, impliquait, dans les circonstances de l’espèce et aux fins d’éviter des distorsions de concurrence, qu’Eurallumina s’acquittât d’au moins 20 % du taux normal d’accise italien, à savoir 12,75 euros par tonne, alors que ce choix créait une distorsion de concurrence par rapport aux producteurs français et irlandais, lesquels ne devaient acquitter respectivement que 3,7 euros et 3 euros par tonne.
97 L’argumentation de la République italienne se réfère manifestement au considérant 50 de la décision attaquée, dans lequel la Commission expose ce qui suit :
« Depuis le 1er janvier 2004, la taxation des huiles minérales à double usage ou utilisées autrement que comme carburant ou combustible ainsi que des procédés minéralogiques ne relève plus du champ d’application des mesures communautaires harmonisées et, par conséquent, depuis cette date, les exonérations portent sur des taxes nationales prises en l’absence de taxe communautaire au sens du point 51[, paragraphe] 1[, sous] b), [second] tiret, de l’encadrement des aides environnementales [de 2001]. Selon cette disposition, les entreprises bénéficiaires de l’exonération doivent payer une “partie significative” de la taxe nationale, afin de les inciter à améliorer leurs performances au niveau environnemental. Cela ressort du libellé du point 51[, paragraphe] 1[, sous] b), premier tiret, de l’encadrement, qui permet d’autoriser les réductions d’une taxe harmonisée si les bénéficiaires paient un montant supérieur au minimum communautaire “à un niveau tel qu’il incite les entreprises à agir pour l’amélioration de la protection de l’environnement”. Cette disposition s’applique également lorsque la taxe nationale est nettement supérieure aux taxes comparables dans certains autres États membres, comme c’était le cas en Italie. Il ressort clairement de la pratique de la Commission [note en bas de page no 21 : voir notamment la décision de la Commission du 30 juin 2004, dans l’affaire C42/2003 (JO L 165, du 25.6.2005, p. 21), décision du 13 février 2002 dans l’affaire N449/01 (JO C 137, du 8.6.2002, p. 24), décision du 11 décembre 2002 dans l’affaire N74/A/2002 (JO C 104, du 30.4.2003, p. 9) et décision du 11 décembre 2001 dans les affaires NN3A/2001 et NN4A/2001 (JO C 10,4 du 30.4.2003, p. 10). Ces affaires sont particulièrement pertinentes, car elles concernent également des exonérations de taxes sur l’énergie. D’un autre côté, une indication de ce que la Commission considère comme trop bas se trouve dans la décision de la Commission sur le remboursement partiel de la taxe sur les eaux usées au Danemark, décision du 3 avril 2002 dans l’affaire NN30/A-C/2001 (JO C 292, du 27.11.2002, p. 6)] qu’une part de 20 % de la taxe nationale ou le minimum communautaire applicable aux autres utilisations de l’énergie […] (15 euros par tonne) peuvent en général être considérés comme une partie significative, même si le minimum communautaire n’est pas applicable à l’utilisation de l’énergie en question. Par conséquent, la Commission considère que seule l’exonération au-delà de 20 % de la taxe nationale ou au-delà de 15 euros par tonne, la valeur la plus faible des deux étant retenue, peut être considérée comme compatible avec le marché commun ; l’exonération jusqu’à 20 % ou jusqu’à 15 euros par tonne constitue une aide incompatible. »
98 Le présent grief pose uniquement la question de savoir si la Commission a commis une erreur dans la mise en œuvre du point 51, paragraphe 1, sous b), de l’encadrement des aides environnementales de 2001, en estimant que l’exigence de paiement d’une « partie significative » de la taxe nationale impliquait qu’Eurallumina s’acquittât d’au moins 20 % du taux normal d’accise italien, à savoir 12,75 euros par tonne, sans tenir compte du fait que ce choix créait une distorsion de concurrence par rapport aux producteurs français et irlandais, lesquels ne devaient acquitter respectivement que 3,7 euros et 3 euros par tonne.
99 À cet égard, il importe de rappeler que, comme cela est indiqué au point 47 de l’encadrement des aides environnementales de 2001, d’une part, « [l]ors de l’adoption des taxes frappant certaines activités et imposées pour des raisons de protection de l’environnement, les États membres peuvent estimer nécessaire de prévoir des dérogations temporaires au profit de certaines entreprises, notamment, en raison de l’absence d’harmonisation au niveau européen » et, d’autre part, « [d]e telles dérogations constituent généralement des aides au fonctionnement au sens de l’article 87 du traité [CE] ». En outre, comme cela est relevé au point 48 de l’encadrement des aides environnementales de 2001, « [s]i l’imposition de la taxe relève d’une décision autonome de l’État, les entreprises en cause peuvent éprouver des difficultés importantes pour s’adapter rapidement à leurs nouvelles charges fiscales » et, « [e]n pareille hypothèse, une dérogation temporaire au profit de certaines entreprises peut se justifier pour leur permettre de s’adapter à la nouvelle situation fiscale ». Par ailleurs, ainsi que cela est indiqué au point 50 de l’encadrement des aides environnementales de 2001, « [d]e manière générale, les mesures fiscales en cause doivent concourir de façon significative à la protection de l’environnement » et « [i]l convient de s’assurer que les dérogations ou exonérations, par leur nature, ne portent pas atteinte aux objectifs généraux poursuivis ». C’est dans ce contexte que, au point 51 de l’encadrement des aides environnementales de 2001, il est relevé que « [c]es dérogations sont susceptibles de constituer des formes d’aides au fonctionnement qui peuvent être autorisées selon les modalités suivantes : […] b) ces exonérations peuvent ne pas être soumises à la conclusion d’accords entre l’État membre et les entreprises bénéficiaires si les conditions alternatives suivantes sont réunies : […] – quand la réduction porte sur une taxe nationale prise en l’absence de taxe communautaire, les entreprises bénéficiaires de la réduction doivent néanmoins payer une partie significative de la taxe nationale ».
100 En l’espèce, la République italienne n’a pas excipé de l’illégalité du point 51, paragraphe 1, sous b), second tiret, de l’encadrement des aides environnementales de 2001, au motif qu’il violerait des règles communautaires précisément identifiées, mais se borne à soutenir que la Commission a commis une erreur dans la mise en œuvre de ce point de l’encadrement dans la décision attaquée.
101 Pour autant que la République italienne soutient que cette erreur consiste en substance, pour la Commission, à avoir estimé que l’exigence de paiement d’une « partie significative » de la taxe nationale impliquait qu’Eurallumina s’acquittât d’au moins 20 % du taux normal d’accise italien, sans tenir compte de l’effet anticoncurrentiel allégué que cette application aurait eu en pratique, compte tenu de la disparité des différentes taxes nationales applicables, il y a lieu de constater que le point 51, paragraphe 1, sous b), second tiret, de l’encadrement des aides environnementales de 2001 s’applique en l’absence de taxe communautaire et, partant, en l’absence d’harmonisation fiscale dans le domaine concerné.
102 En effet, il ressort de l’article 2, paragraphe 4, sous b), de la directive 2003/96 que cette « directive ne s’applique pas […] aux utilisations ci-après des produits énergétiques et de l’électricité », incluant les « produits énergétiques à double usage », étant précisé qu’« un produit énergétique est à double usage lorsqu’il est destiné à être utilisé à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant ou de combustible » et que « [l]’utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l’électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est considérée comme un double usage ». Il s’ensuit que, à partir de la date d’entrée en vigueur de la directive 2003/96, à savoir à partir du 1er janvier 2004, la taxation des huiles minérales utilisées comme combustible dans la production d’alumine ne relevait plus du champ d’application des règles de droit communautaire encadrant la taxation, par les États membres, des produits énergétiques et de l’électricité.
103 Par conséquent, depuis cette date, l’exonération litigieuse doit être analysée comme une « réduction port[ant] sur une taxe nationale prise en l’absence de taxe communautaire », au sens du point 51, paragraphe 1, sous b), second tiret, de l’encadrement des aides environnementales de 2001. Or, ainsi qu’il résulte du point 99 ci-dessus, afin que les entreprises bénéficiaires de l’exonération soient incitées à améliorer leurs performances au niveau de l’environnement, ce dernier point prévoit que la Commission doit veiller à ce qu’elles payent une « partie significative »de la taxe nationale, sans exclure que cette « partie significative » puisse être exprimée, comme dans la décision attaquée, sous la forme d’un pourcentage de la taxe nationale applicable.
104 Par ailleurs, ce même point de l’encadrement des aides environnementales de 2001 n’implique pas que la Commission doive, dans le cadre de la vérification qu’elle est tenue d’effectuer, également chercher à corriger tous les effets discriminatoires résultant de la disparité des différentes taxes nationales applicables. En effet, si la Commission peut tenir compte de l’existence de tels effets discriminatoires, c’est uniquement pour refuser d’approuver une aide qui aurait pu être instituée, de la part d’un État membre, sous forme de discrimination fiscale à l’égard de produits originaires d’autres États membres (voir arrêt du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, EU:T:2010:366, point 92 et jurisprudence citée). Or, les effets discriminatoires décrits par la République italienne s’exercent à l’égard de produits originaires d’Italie et résultent de ce que le taux du droit d’accise applicable en Italie est nettement plus élevé que ceux applicables en France ou en Irlande.
105 Au vu des appréciations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent grief ainsi que, par voie de conséquence, le troisième moyen soulevé par la République italienne, comme étant non fondés.
Sur le quatrième moyen soulevé par la République italienne
106 La République italienne reproche à la Commission d’avoir violé le principe de protection de la confiance légitime et la présomption de légalité des actes communautaires en imposant, dans la décision attaquée, la récupération ou l’annulation de l’exonération litigieuse incompatible ainsi que la suspension de l’exonération litigieuse compatible, tant qu’Eurallumina n’aurait pas remboursé le montant de l’exonération du droit d’accise incompatible dont elle avait bénéficié depuis le 3 février 2002, en dépit de la confiance légitime qu’elle et Eurallumina nourrissaient dans la validité de cette exonération au regard du droit communautaire. Ce serait sur le fondement de la confiance légitime qu’elle aurait eue dans la validité de l’exonération du droit d’accise appliquée en Sardaigne qu’Eurallumina aurait planifié l’amortissement des investissements industriels réalisés, entre février 2002 et la fin de 2005, conformément aux engagements environnementaux mentionnés au point 88 ci-dessus.
107 La Commission réfute les arguments de la République italienne et conclut au rejet du quatrième moyen.
108 Le quatrième moyen, qui est spécifiquement dirigé contre les articles 4 et 5 de la décision attaquée, est fondé sur une violation du principe de protection de la confiance légitime et de la présomption de légalité des actes des institutions.
109 En l’espèce, la République italienne se borne à alléguer, de manière générale, que, « eu égard à la clarté des règles en vigueur, [elle] et [Eurallumina] pouvaient s’attendre à une fin heureuse de la procédure d’examen de la compatibilité de l’[exonération litigieuse] avec le droit communautaire », de sorte que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime et de présomption de légalité des actes communautaires en ordonnant la récupération ou l’annulation de l’exonération litigieuse incompatible ainsi que la suspension de l’exonération litigieuse compatible, tant qu’Eurallumina n’aurait pas remboursé le montant de l’exonération du droit d’accise incompatible dont elle avait bénéficié depuis le 3 février 2002. Elle n’identifie pas clairement les « règles en vigueur » qui auraient été à l’origine de la confiance légitime qu’elle invoque ni l’objet exact de cette confiance. Elle ne donne pas plus de précision concernant les actes présumés légaux que la Commission n’aurait pas respectés en l’espèce.
110 En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 2, sous b), et de l’article 90 du règlement de procédure, les invitant à se prononcer sur la recevabilité du quatrième moyen, au regard des exigences de clarté et de précision qui découlent de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la Commission et la République italienne ont estimé que les conditions pour que le Tribunal statuât sur le fond étaient en l’espèce réunies, notamment à la lumière des décisions déjà rendues dans les affaires alumine I.
111 À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant de l’applicabilité du principe de protection de la confiance légitime en matière d’aides d’État, un État membre dont les autorités ont accordé une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 88 CE peut uniquement invoquer la confiance légitime de l’entreprise bénéficiaire pour contester, devant le juge communautaire, la validité d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l’aide (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 179 et jurisprudence citée).
112 D’une manière générale, le principe de protection de la confiance légitime, principe fondamental du droit communautaire, permet à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées de s’en prévaloir. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption par les institutions d’un acte de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice de ce principe lorsque cette mesure est adoptée. Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 178 et jurisprudence citée).
113 Cependant, compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, il a été jugé que les bénéficiaires d’une aide ne pouvaient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de ladite aide que si celle-ci avait été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 88 CE et un opérateur économique diligent devait normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure avait été respectée. En particulier, lorsqu’une aide était mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle était illégale au regard de l’article 88, paragraphe 3, CE, le bénéficiaire de l’aide ne pouvait avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci, sauf existence de circonstances exceptionnelles (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 179 et jurisprudence citée).
114 S’agissant de la présomption de légalité des actes communautaires, il y a lieu de rappeler que les actes des institutions jouissent, en principe, d’une telle présomption et produisent, dès lors, des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 62 et jurisprudence citée).
115 Aux fins de pouvoir procéder à l’examen au fond du quatrième moyen, il convient de considérer, comme la Commission l’a fait dans ses écritures, que la République italienne invoque une confiance légitime qu’elle-même et Eurallumina auraient tirée des dispositions combinées de l’article 18, paragraphe 1, et de l’annexe II de la directive 2003/96 ainsi que de la présomption de légalité de ces dispositions, en l’absence d’annulation ou de déclaration d’invalidité de celles-ci. En outre, il y a lieu de considérer que l’objet de cette confiance légitime aurait été l’absence de tout obstacle, en droit communautaire, à ce qu’Eurallumina bénéficiât pleinement de l’exonération litigieuse pour toute la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006.
116 Même s’il y avait lieu de considérer que, en dépit même du fait que les dispositions de la directive 2003/96 n’avaient pas vocation à régir, pour les raisons qui ont déjà été exposées au point 102 ci-dessus, la taxation, par les États membres, des produits énergétiques utilisés dans les procédés métallurgiques, telles les huiles minérales utilisées comme combustible dans la production d’alumine, l’article 18, paragraphe 1, et l’annexe II de la directive 2003/96 auraient pu autoriser la République italienne à appliquer l’exonération litigieuse, par dérogation aux dispositions de cette directive, il ne pourrait en résulter une confiance légitime, à l’égard de la République italienne et d’Eurallumina, en l’absence de tout obstacle, en droit communautaire, à ce que cette dernière société bénéficiât pleinement de l’exonération litigieuse pour toute la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006.
117 D’une part, l’autorisation qui aurait ainsi été délivrée par le Conseil, sur le fondement des compétences dont il disposait en matière d’harmonisation des législations fiscales, ne pouvait, en tout état de cause, avoir pour effet, comme cela a déjà été relevé au point 77 ci-dessus, d’empêcher la Commission d’exercer les compétences que le traité CE lui confiait en matière d’aides d’État et, par conséquent, de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 88 CE aux fins d’examiner si l’exonération litigieuse constituait une aide d’État et de prendre, à l’issue de cette procédure, le cas échéant, une décision telle que la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a., C‑272/12 P, EU:C:2013:812, points 49 et 50). Une telle considération ne serait nullement affectée par la prise en compte de la présomption de légalité de l’acte du Conseil portant autorisation de cette exonération au regard des règles communautaires en matière d’harmonisation des législations fiscales, à savoir, en l’espèce, les dispositions combinées de l’article 18, paragraphe 1, et de l’annexe II de la directive 2003/96.
118 D’autre part, comme il ressort notamment de l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, l’exonération litigieuse a été « illégalement mise à disposition d[u] bénéficiaire ». Il s’agissait donc, selon la Commission, d’une aide qui avait été octroyée sans que l’obligation de notification incombant à la République italienne ait été respectée. Ce constat n’a pas été contesté par la République italienne dans le cadre du recours dans l’affaire T‑119/07, de sorte que, conformément à la jurisprudence citée au point 113 ci-dessus, celle-ci aurait dû faire état de circonstances exceptionnelles susceptibles d’avoir fait naître, à l’égard d’Eurallumina, une confiance légitime en l’absence de tout obstacle, en droit communautaire, à ce que cette dernière société bénéficiât pleinement de l’exonération litigieuse pour toute la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006. Or, celle-ci n’a fait état d’aucune circonstance exceptionnelle de cette nature dans l’affaire T‑119/07.
119 Bien au contraire, au vu des circonstances particulières de l’espèce, la République italienne aurait dû s’interroger sur la validité de l’exonération litigieuse au regard des règles communautaires en matière d’aides d’État, nonobstant le fait que cette exonération aurait été autorisée par le Conseil dans la directive 2003/96.
120 En effet, l’article 26, paragraphe 2, de la directive 2003/96 précisait expressément que « [d]es mesures telles que les exonérations, [les] réductions, [les] différenciations ou [les] remboursements de taxe, prévues par [cette] directive, pourraient constituer des aides d’État et d[e]v[rai]ent, dans ces cas, être notifiées à la Commission en application de l’article 88, paragraphe 3, du traité [CE] ».
121 Par ailleurs, au moment où la directive 2003/96 a été adoptée, à savoir le 27 octobre 2003, la Commission avait déjà, en publiant au Journal officiel, le 2 février 2002, sa décision du 30 octobre 2001 d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, émis publiquement des doutes sur la validité, au regard des règles communautaires en matière d’aides d’État, de l’exonération du droit d’accise appliquée en Sardaigne jusqu’au 31 décembre 2003, alors même que cette exonération avait été autorisée par le Conseil, sur la base des règles communautaires en matière d’harmonisation des législations fiscales en vigueur à cette époque. Après la publication de la décision d’ouverture du 30 octobre 2001, ni la République italienne ni Eurallumina ne pouvaient donc plus nourrir aucune confiance légitime dans le fait que l’autorisation de l’exonération litigieuse au regard des règles communautaires en matière d’harmonisation des législations fiscales aurait fait obstacle à ce que cette même exonération soit remise en cause sur la base d’autres dispositions communautaires, telles les règles en matière d’aides d’État.
122 Dans un tel contexte, aucun obstacle à ce que la Commission adoptât la décision attaquée, en particulier les articles 4 et 5 de cette dernière, n’a pu résulter de la présomption de légalité des dispositions combinées de l’article 18, paragraphe 1, et de l’annexe II de la directive 2003/96 ou du fait que ces mêmes dispositions aient fait naître, à l’égard de la République italienne et d’Eurallumina, une confiance légitime en l’absence de tout obstacle, en droit communautaire, à ce qu’Eurallumina bénéficiât pleinement de l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006.
123 Il s’ensuit que la Commission n’a pu violer le principe de protection de la confiance légitime et la présomption de légalité des dispositions combinées de l’article 18, paragraphe 1, et de l’annexe II de la directive 2003/96 en adoptant les articles 4 et 5 de la décision attaquée.
124 Il y a donc lieu de rejeter le quatrième moyen soulevé par la République italienne comme étant non fondé.
Sur le cinquième moyen soulevé par la République italienne
125 La République italienne soutient que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs, dans la mesure où, dans celle-ci, la Commission considère que la suspension de l’exonération litigieuse compatible avec le marché commun peut être justifiée à la lumière de l’arrêt du 15 mai 1997, TWD/Commission (C‑355/95 P, EU:C:1997:241), alors que ce dernier arrêt portait sur une situation totalement différente de celle de l’espèce, à savoir le versement et le cumul de différentes aides successives. Or, en l’espèce, il s’agirait du versement successif et cumulé d’une seule et même aide, pour lequel la Commission a choisi de distinguer deux périodes. En outre, la décision alumine I, constatant l’incompatibilité partielle de l’exonération du droit d’accise appliquée en Sardaigne avant l’entrée en vigueur de la directive 2003/96, aurait été contestée devant le Tribunal. Par ailleurs, la mesure de suspension de l’exonération litigieuse compatible exposerait Eurallumina, d’une part, à de graves conséquences économiques et financières, en lui imposant de payer la totalité du droit d’accise italien, à savoir plus de 63 euros par tonne, sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine en Sardaigne, et, d’autre part, à l’apparition de nouveaux concurrents au sein de la Communauté.
126 La Commission réfute les arguments de la République italienne et conclut au rejet du cinquième moyen.
127 Le cinquième moyen, tiré d’une motivation contradictoire, est spécifiquement dirigé contre l’article 5 de la décision attaquée, en ce qu’il ordonne à la République italienne de suspendre, en principe à compter de la date à laquelle la décision attaquée lui serait notifiée, l’exonération litigieuse compatible avec le marché commun, tant qu’Eurallumina n’aurait pas remboursé le montant de l’exonération du droit d’accise déclarée incompatible avec le marché commun par la décision alumine I, dont elle avait bénéficié depuis le 3 février 2002.
128 L’argumentation de la République italienne renvoie manifestement aux considérants 64 à 66 de la décision attaquée, consacrés à la « suspension du versement de l’aide compatible », dans lesquels la Commission expose ce qui suit :
« 64 Dans son arrêt dans l’affaire C‑355/95 P, Textilwerke Deggendorf GmbH (TWD)/Commission, la Cour de justice a déclaré que “lorsque la Commission examine la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents, y compris, le cas échéant, le contexte déjà apprécié dans une décision antérieure, ainsi que les obligations que cette décision antérieure a pu imposer à un État membre”. Selon la Cour de justice, la compatibilité d’une aide nouvelle pourrait dépendre de l’existence d’une aide illégale antérieure qui n’a pas été remboursée, puisque l’effet cumulatif des aides pourrait fausser la concurrence dans le marché commun de manière significative. Par conséquent, la Commission, lorsqu’elle examine la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, a le pouvoir de prendre en considération à la fois l’effet cumulatif de cette aide avec l’aide antérieure et le fait que cette aide antérieure n’a pas été remboursée [note en bas de page no 24 : Rec. 1997, p. I‑2549, points 25-27].
65 En conséquence, en application de cette jurisprudence, lorsque la Commission évalue une nouvelle mesure d’aide, elle prend en considération le fait que les bénéficiaires ont pu ne pas se conformer à des décisions précédentes de la Commission leur ordonnant de rembourser l’aide antérieure illégale et incompatible. En pareil cas, la Commission examine les effets sur les bénéficiaires de la combinaison de l’aide nouvelle avec l’aide antérieure incompatible qui n’a pas encore été remboursée.
66 La [République française], l’Irlande et l[a République italienne] n’ont pas encore effectivement récupéré les aides jugées incompatibles par la Commission dans la décision [alumine I] […] Les sommes qui doivent être récupérées, telles que calculées par les États membres en excluant les intérêts, s’élèvent à 786 668 euros, 8 095 881,43 euros et 6 612 489,02 euros respectivement. De plus, la présente décision a également identifié des aides incompatibles octroyées pour une période supplémentaire, qui doivent également être récupérées. Le cumul de ces montants d’aide avec une aide qui serait sinon compatible continuerait à fausser la concurrence dans une mesure contraire à l’intérêt commun et aucun argument ne peut être invoqué pour justifier une telle distorsion. Par conséquent, tout versement d’aides compatibles telles que décrites au considérant 50 doit être suspendu jusqu’à ce que la totalité des aides incompatibles ait été récupérée auprès des bénéficiaires. »
129 Ces considérants ne permettent pas de constater l’existence de la contradiction de motifs dénoncée par la République italienne. En effet, la Commission s’est expressément référée, au considérant 64 de la décision attaquée, à la jurisprudence découlant des points 25 à 27 de l’arrêt du 15 mai 1997, TWD/Commission (C‑355/95 P, EU:C:1997:241).
130 Or, il résulte, en substance, de ces points et de la jurisprudence qui y est citée que, lorsque la Commission examine la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents, y compris, le cas échéant, le contexte déjà apprécié dans une décision antérieure, ainsi que l’exécution des obligations que cette dernière décision a pu imposer à un État membre, notamment le non-remboursement par le bénéficiaire des nouvelles aides sous examen d’anciennes aides qui avaient déjà été déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun et l’éventuel effet cumulé de l’ensemble de ces aides sur le marché commun.
131 C’est donc en conformité avec cette jurisprudence que, au considérant 65 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, « en application de cette jurisprudence, lorsqu[’elle] évalu[ait] une nouvelle mesure d’aide, elle [devait] prend[re] en considération le fait que les bénéficiaires [avaie]nt pu ne pas se conformer à des décisions précédentes […] leur ordonnant de rembourser l’aide antérieure illégale et incompatible » et que, « [e]n pareil cas, [elle devait] examine[r] les effets sur les bénéficiaires de la combinaison de l’aide nouvelle avec l’aide antérieure incompatible qui n’a[vait] pas encore été remboursée ».
132 De même, c’est en conformité avec cette jurisprudence que, au considérant 65 de la décision attaquée, la Commission a, notamment, tenu compte, d’une part, du fait qu’Eurallumina n’avait pas encore remboursé le montant de l’exonération du droit d’accise dont elle avait bénéficié entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 et qui avait été considéré comme étant illégale et incompatible avec le marché commun dans la décision alumine I et, d’autre part, des effets cumulés de ce montant non encore remboursé et de celui correspondant à l’exonération litigieuse sur le marché commun.
133 À cet égard, il ne découle pas de l’arrêt du 15 mai 1997, TWD/Commission (C‑355/95 P, EU:C:1997:241), que l’enseignement qui s’en dégage serait inapplicable lorsqu’une mesure d’aide fait l’objet de deux décisions de la Commission en fonction de l’époque durant laquelle cette mesure a été mise en œuvre ou lorsqu’une première décision de la Commission aurait fait l’objet d’un recours devant le Tribunal, ou encore lorsque la prise en considération de la première décision de la Commission pourrait avoir de graves conséquences économiques pour le bénéficiaire de la mesure d’aide concernée par les deux décisions.
134 Il s’ensuit que l’article 5 de la décision attaquée n’est pas entaché de la contradiction de motifs alléguée par la République italienne en ce qu’elle se réfère à l’arrêt du 15 mai 1997, TWD/Commission (C‑355/95 P, EU:C:1997:241), à propos d’une mesure d’aide dont il a été constaté qu’elle avait déjà fait l’objet d’une précédente décision pour une période antérieure à celle visée par la décision attaquée.
135 Il y a donc lieu d’écarter le cinquième moyen soulevé par la République italienne, comme étant non fondé, et, partant, de rejeter intégralement le recours dans l’affaire T‑119/07.
Sur les moyens soulevés par Eurallumina à l’appui du recours dans l’affaire T‑207/07
136 Après avoir renoncé à certains moyens soulevés dans la requête (voir point 37 ci-dessus), Eurallumina n’invoque plus que trois moyens à l’appui de ses conclusions. Le premier moyen est tiré, en substance, d’une erreur commise par la Commission dans l’application de la directive 2003/96. Le deuxième moyen, invoqué à titre subsidiaire par rapport au premier moyen et pour le cas où le Tribunal refuserait de constater que l’exonération litigieuse aurait été validée par la directive 2003/96, est tiré, en substance, d’une erreur de droit commise par la Commission dans l’application des règles du traité CE sur les aides d’État. Le troisième moyen est tiré, en substance, d’un défaut de motivation du choix effectué par la Commission dans l’application de l’encadrement des aides environnementales de 2001.
Sur le premier moyen soulevé par Eurallumina
137 Eurallumina fait, en substance, grief à la Commission d’avoir commis une erreur dans l’application de la directive 2003/96. En effet, aux considérants 29 à 40 de la décision attaquée, elle aurait estimé que la directive 2003/96 n’aurait pas validé, jusqu’au 31 décembre 2006, l’exonération du droit d’accise dont elle aurait bénéficié conformément à la décision 2001/224, alors qu’une telle validation ressortait expressément d’une lecture combinée de l’annexe II et de l’article 18, paragraphe 1, de ladite directive. En outre, dans sa réponse du 24 janvier 2018 à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal et dans la réplique, Eurallumina soutient que la Commission aurait dû constater que l’exonération du droit d’accise appliquée en Sardaigne n’était pas une aide d’État, car elle n’était pas imputable à la République italienne mais directement à la Communauté.
138 La Commission réfute les arguments d’Eurallumina et conclut au rejet du premier moyen.
139 Sous couvert du premier moyen, Eurallumina avance, en substance, deux griefs tirés, le premier, d’une erreur consistant, pour la Commission, à ne pas avoir tenu compte, dans la décision attaquée, du fait que le Conseil avait autorisé la République italienne à appliquer jusqu’au 31 décembre 2006 l’exonération du droit d’accise dont Eurallumina bénéficiait depuis le 1er janvier 2001, date d’entrée en vigueur de la décision 2001/224, et, le second, d’une application erronée du critère de qualification d’une mesure d’aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, fondé sur l’imputabilité de cette mesure à l’État membre concerné.
140 Il convient de commencer par examiner les questions de recevabilité relatives au premier moyen soulevé par Eurallumina et, plus précisément, la fin de non-recevoir avancée par la Commission à l’égard du second grief, tiré d’une application erronée du critère de qualification d’une mesure d’aide d’État fondé sur l’imputabilité de cette mesure à l’État membre concerné, au motif qu’il s’agirait d’un grief nouveau.
141 En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 2, sous b), et de l’article 90 du règlement de procédure, Eurallumina a répondu aux arguments invoqués par la Commission à l’appui de la fin de non-recevoir avancée à l’égard du second grief. Lors de l’audience, elle a fait valoir, en réponse à une question orale du Tribunal, que ce grief aurait déjà été avancé au point 2.3, sous a) de la requête.
142 Tout d’abord, il y a lieu de considérer, au vu de la date d’introduction du recours dans l’affaire T‑207/07, à savoir le 7 juin 2007, que la question de savoir si le second grief est recevable doit être examinée à la lumière des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991, dont le contenu a déjà été rappelé au point 56 ci-dessus.
143 Ensuite, la requête déposée par Eurallumina au greffe du Tribunal, le 7 juin 2007, ne contenait aucun moyen ou grief tiré, en substance, d’une application erronée du critère de qualification d’une mesure d’aide d’État, en droit communautaire, fondé sur l’imputabilité de la mesure en cause à l’État membre concerné. Au point 2.3, sous a) de la requête, la requérante s’est bornée à présenter, de manière générale, le contenu du premier moyen invoqué à l’appui du recours, en indiquant que l’exonération ne constituait pas une aide d’État au motif qu’elle avait été expressément validée par la directive 2003/96, sans invoquer de violation de l’article 87, paragraphe 1, CE résultant de ce que le critère de qualification d’une mesure d’aide d’État fondé sur l’imputabilité de cette mesure à l’État membre concerné n’aurait pas été satisfait en l’espèce. Il ne peut donc être considéré qu’un grief de cet ordre et répondant, en outre, aux exigences de clarté et de précision qui découlent de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991 aurait été formulé dans la requête.
144 Enfin, Eurallumina n’a fait valoir aucun argument démontrant qu’elle n’aurait pas été en mesure de formuler clairement un tel grief dès le stade de la requête.
145 Il y a donc lieu d’accueillir la fin de non-recevoir soulevée par la Commission et, partant, de rejeter, comme étant irrecevable, le second grief.
146 S’agissant du premier grief, tiré d’une erreur d’appréciation commise par la Commission quant à la portée des dispositions de la directive 2003/96, il y a lieu de constater que celui-ci n’est opérant que pour autant qu’il tend à remettre en cause la décision attaquée, laquelle ne porte que sur l’exonération litigieuse, à savoir l’exonération du droit d’accise incompatible appliquée en Sardaigne entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2006. Ainsi, le premier grief ne saurait être étendu, comme l’observe à bon droit la Commission, à l’exonération du droit d’accise appliquée en Sardaigne entre le 1er janvier 2001, date d’entrée en vigueur de la décision 2001/224, et le 31 décembre 2003, jour précédant l’entrée en vigueur de la directive 2003/96.
147 Pour autant que le premier grief est opérant, parce qu’il porte sur l’exonération litigieuse, il importe d’observer que, contrairement à ce que soutient Eurallumina, les dispositions de la directive 2003/96 ne faisaient pas obstacle, par principe, à ce que la Commission adoptât la décision attaquée, et ce pour les raisons qui ont déjà été indiquées au point 77 ci-dessus.
148 Par conséquent, il convient d’écarter également le premier grief comme étant, pour partie, inopérant et, pour le reste, non fondé et, partant, de rejeter intégralement le premier moyen soulevé par Eurallumina.
Sur le deuxième moyen soulevé par Eurallumina, à titre subsidiaire par rapport au premier moyen
149 Dans l’hypothèse où le Tribunal refuserait de constater, dans le cadre de l’examen du premier moyen, que l’exonération litigieuse aurait été validée par la directive 2003/96, Eurallumina fait, en substance, grief à la Commission d’avoir commis une erreur de droit dans l’application des règles du traité CE en matière d’aides d’État. En effet, aux considérants 29 à 40 de la décision attaquée, elle aurait considéré que l’exonération litigieuse pouvait être qualifiée d’aide d’État, alors même que le critère de la sélectivité, requis pour une telle qualification, aurait fait défaut puisque cette exonération aurait été conforme à la nature et à l’économie générale du système de taxation de l’énergie européen et italien. Eurallumina se réfère au Decreto Legislativo no 26 – Attuazione della direttiva 2003/96/CE che ristruttura il quadro comunitario per la tassazione dei prodotti energetici e dell’elettricità (décret législatif no 26 – Transposition de la directive 2003/96 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité), du 2 février 2007 (supplément ordinaire à la GURI no 68, du 22 mars 2007, no 77/L, p. 5), qui aurait exonéré de la taxe sur l’électricité et l’énergie les produits énergétiques à double usage ou utilisés dans des procédés métallurgiques et minéralogiques, tels que prévus à l’article 2, paragraphe 4, de ladite directive. Elle renvoie également au considérant 22 de la directive 2003/96 et au point 2 du procès-verbal de la réunion du Conseil du 24 novembre 2003 (ENV 582, 14140/03 ADDI), selon lesquels il serait inhérent à la nature et à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application du cadre réglementaire communautaire les produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustible ou carburant, ainsi que les procédés minéralogiques. En outre, la Commission aurait déjà considéré que des exonérations similaires en Allemagne ne constituaient pas des aides d’État au sens du traité CE (IP/07/160 du 8 février 2007 – Aide d’État no 820/2006). Enfin, aucun enseignement ne pourrait être tiré de l’ordonnance du 7 décembre 2017, Eurallumina/Commission (C‑323/16 P, non publiée, EU:C:2017:952), dans la mesure où la Cour n’aurait pas examiné, dans celle-ci, les effets juridiques qu’il conviendrait de tirer de la directive 2003/96.
150 La Commission conclut au rejet du deuxième moyen comme étant irrecevable.
151 Le premier moyen soulevé par Eurallumina ayant été rejeté, il y a lieu d’examiner le deuxième moyen, présenté par celle-ci à titre subsidiaire. Dans le cadre de ce moyen, Eurallumina conteste, en substance, le fait que l’exonération litigieuse réponde au critère de sélectivité, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, en soutenant que cette exonération était conforme à la nature et à l’économie générale du système de taxation de l’énergie européen et italien.
152 Il convient de commencer par examiner les questions de recevabilité de ce deuxième moyen et, plus précisément, la fin de non-recevoir avancée par la Commission, au motif que ledit moyen se fonde sur un acte qui n’a pas été versé au dossier de la procédure administrative ou judiciaire et qui se rapporte à une période postérieure à la décision attaquée.
153 À cet égard, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir avancée par la Commission, dans la mesure où elle concerne la question de savoir si Eurallumina a produit des éléments de nature à étayer ses allégations selon lesquelles l’exonération litigieuse ne répondait pas au critère de sélectivité. En effet, une telle question ne porte pas sur la recevabilité du deuxième moyen soulevé par Eurallumina, mais sur le bien-fondé de celui-ci.
154 En ce qui concerne l’examen au fond de ce deuxième moyen, il importe de préciser que ce dernier se rapporte manifestement aux considérants 32 à 40 de la décision attaquée, dont le contenu a été rappelé au point 73 ci-dessus.
155 Au vu du cadre juridique pertinent qui a été exposé aux points 69 à 72 ci-dessus, il y a lieu de constater que, de même que la République italienne, dans l’affaire T‑119/07, Eurallumina, dans l’affaire T‑207/07, n’a fourni aucun élément permettant de constater que, comme elle le prétend, l’exonération litigieuse aurait été conforme à la nature et à l’économie générale d’un système de taxation d’intérêt général italien excluant la taxation des produits énergétiques à double usage ou certains d’entre eux, tels les produits énergétiques utilisés dans les procédés métallurgiques.
156 En effet, pour autant qu’Eurallumina se réfère au considérant 22 de la directive 2003/96 et au contenu du procès-verbal de la réunion du Conseil du 24 novembre 2003, il suffit d’observer que ceux-ci se bornent à faire état de ce qu’il serait inhérent à la nature et à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application du cadre réglementaire communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité les produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustible ou carburant, ainsi que les procédés minéralogiques, sans préjuger de la décision qui serait prise par chaque État membre quant à la taxation ou non de telles utilisations. Or, une exonération de ces utilisations de l’énergie ne pouvait constituer une mesure générale qui ne comportait pas d’aides d’État que dans les cas où elle était conforme à la nature et à la logique du système fiscal national en cause. Or, ni la République italienne, dans l’affaire T‑119/07, ni Eurallumina, dans l’affaire T‑207/07, n’ont démontré que l’exonération litigieuse était conforme à la nature et à la logique du système fiscal italien, alors qu’une telle preuve leur incombait (voir point 71 ci-dessus).
157 Dans la mesure où Eurallumina renvoie au décret législatif no 26, du 2 février 2007, transposant en droit italien, à compter du 1er juin 2007, la directive 2003/96, il suffit de constater qu’elle s’appuie sur un acte arrêté quelques jours avant que la décision attaquée ne soit adoptée, mais qui n’a été officiellement publié, en Italie, que le 22 mars 2007, soit après l’adoption de ladite décision, et dont il n’a pas été démontré qu’il aurait été, entre-temps, porté à la connaissance de la Commission. Or, il est de jurisprudence constante que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission disposait ou pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, EU:C:1986:302, point 16 ; du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, point 168, et du 14 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑276/02, EU:C:2004:521, point 31). En tout état de cause, l’acte invoqué par Eurallumina est inopérant, aux fins d’apprécier la validité de la décision attaquée, dans la mesure où il porte sur un état du droit italien qui est postérieur à celui qui était en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée a été adoptée.
158 Enfin et pour autant qu’Eurallumina invoque une décision précédente de la Commission en matière d’aide d’État, dans laquelle celle-ci aurait déjà considéré que des exonérations similaires, en Allemagne, ne constituaient pas des aides d’État au sens du traité CE, il convient d’observer qu’Eurallumina n’a pas mis le Tribunal en mesure de constater que les circonstances de l’espèce, dans ladite affaire, étaient suffisamment similaires pour que soit appliquée une solution identique. En tout état de cause, dès lors que le Tribunal est en mesure de constater que la Commission a valablement écarté, dans les circonstances de l’espèce, l’application de toute dérogation fondée sur la nature ou l’économie générale du système fiscal italien, il est sans pertinence de savoir si elle a admis une telle justification dans un autre cas d’espèce. En effet, si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, la Commission doit prendre en considération les décisions déjà prises dans des cas similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité, de telle sorte qu’il ne peut y avoir d’égalité dans l’illégalité et qu’un justiciable ne peut invoquer, à son profit, une illégalité éventuelle commise en sa faveur ou au bénéfice d’autrui, afin d’obtenir une décision identique (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 479).
159 Ainsi, Eurallumina n’a apporté aucun élément permettant de remettre en cause l’appréciation de la Commission, au considérant 40 de la décision attaquée, selon laquelle elle n’avait pas mis en évidence l’existence, dans le système fiscal italien, d’une logique globale conduisant à exclure systématiquement la taxation des produits énergétiques à double usage ou certains d’entre eux, tels les produits énergétiques utilisés dans les procédés métallurgiques.
160 C’est donc à bon droit que la Commission a constaté, au considérant 32 de la décision attaquée, que l’exonération litigieuse favorisait certaines entreprises en Italie, car elle ne s’appliquait qu’aux sociétés qui utilisaient du fioul lourd pour la production d’alumine.
161 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen soulevé par Eurallumina, comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen soulevé par Eurallumina
162 Eurallumina fait grief à la Commission d’avoir commis une erreur dans l’application de l’encadrement des aides environnementales de 2001. Après avoir renoncé à l’un des griefs formulés dans le cadre du troisième moyen (voir point 38 ci-dessus), elle reproche uniquement à la Commission d’avoir, en appliquant le point 51, paragraphe 1, sous b), de l’encadrement des aides environnementales de 2001 dans la décision attaquée, estimé que l’exigence de paiement d’une « partie significative » de la taxe nationale impliquait qu’elle s’acquittât d’au moins 20 % du taux normal d’accise italien, à savoir 12,75 euros par tonne, alors que le choix d’un taux de 20 % ne s’imposait pas et aurait dû être justifié par la Commission, notamment au regard de la distorsion de concurrence qu’il créait par rapport aux producteurs français et irlandais, lesquels ne devaient acquitter respectivement que 3,7 euros et 3 euros par tonne.
163 La Commission réfute les arguments d’Eurallumina et conclut au rejet du troisième moyen.
164 Sous couvert du troisième moyen, Eurallumina reproche essentiellement à la Commission, en appliquant l’exigence de paiement d’une « partie significative » de la taxe nationale prévue au point 51, paragraphe 1, sous b), de l’encadrement des aides environnementales de 2001 dans la décision attaquée, de ne pas avoir motivé à suffisance de droit son choix de lui imposer de s’acquitter d’au moins 20 % du taux normal d’accise italien, à savoir 12,75 euros par tonne, alors même que ce choix ne s’imposait pas et qu’il créait une distorsion de concurrence par rapport aux producteurs français et irlandais, lesquels ne devaient acquitter respectivement que 3,7 euros et 3 euros par tonne.
165 À titre liminaire, il convient de rappeler que le défaut ou l’insuffisance de motivation vise à établir la violation des formes substantielles et requiert, de ce fait, un examen distinct, en tant que tel, de l’appréciation de l’inexactitude des motifs de la décision attaquée, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67, et du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, EU:C:2005:768, point 26).
166 Au vu de son contenu, il convient de constater que le troisième moyen vise à établir une violation des formes substantielles, faisant obstacle à un contrôle au fond concernant l’application qui a été faite par la Commission, dans la décision attaquée, du point 51, paragraphe 1, sous b), de l’encadrement des aides environnementales de 2001.
167 L’argumentation d’Eurallumina, dans le cadre du troisième moyen, se réfère manifestement au considérant 50 de la décision attaquée, dans lequel la Commission expose ce qui est mentionné au point 97 ci-dessus.
168 Dans ce considérant, la Commission a notamment indiqué, en se référant à des affaires qu’elle estimait être « particulièrement pertinentes car elles concern[ai]ent également des exonérations de taxes sur l’énergie » (voir les affaires rappelées dans la note en bas de page no 21 de la décision attaquée, citée au point 97 ci-dessus), qu’« [i]l ressort[ait] clairement de [s]a pratique […] qu’une part de 20 % de la taxe nationale ou le minimum communautaire applicable aux autres utilisations de l’énergie […] (15 euros par tonne) p[o]uv[ai]ent en général être considérés comme une partie significative, même si le minimum communautaire n’[étai]t pas applicable à l’utilisation de l’énergie en question », et que, « [p]ar conséquent, [elle] consid[é]r[ait] que seule l’exonération au-delà de 20 % de la taxe nationale ou au-delà de 15 euros par tonne, la valeur la plus faible des deux étant retenue, p[o]u[vai]t être considérée comme compatible avec le marché commun », tandis que « l’exonération jusqu’à 20 % ou jusqu’à 15 euros par tonne constitu[ait] une aide incompatible ».
169 Pour autant qu’Eurallumina reproche à la Commission de ne pas avoir spécialement motivé, dans la décision attaquée, le taux de 20 % qu’elle retenait, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision a été adoptée dans un contexte bien connu de la partie qui la conteste et qu’elle se place dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante, cette décision peut être motivée d’une manière sommaire (voir arrêt du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, T‑132/96 et T‑143/96, EU:T:1999:326, point 151 et jurisprudence citée).
170 En l’espèce, la décision attaquée a été adoptée dans un contexte bien connu d’Eurallumina. En outre, pour autant que, dans cette même décision, la Commission a estimé que seule l’exonération litigieuse au-delà de 20 % de la taxe nationale italienne ou au-delà de 15 euros par tonne, la valeur la plus faible des deux étant retenue, pouvait être considérée comme compatible avec le marché commun, celle-ci a fait, ainsi qu’il ressort des décisions rendues par la Commission dans les affaires rappelées dans la note en bas de page no 21 de la décision attaquée (voir point 97 ci-dessus), application d’une pratique décisionnelle constante selon laquelle une part de 20 % de la taxe nationale pouvait, en général, être considérée comme une « partie significative » de cette taxe, au sens du point 51, paragraphe 1, sous b), de l’encadrement des aides environnementales de 2001.
171 Par ailleurs, dans la mesure où Eurallumina fait grief à la Commission de ne pas avoir spécialement motivé, dans la décision attaquée, les effets éventuels de l’application d’un taux de 20 % sur la concurrence entre Eurallumina et les producteurs français et irlandais, il suffit de rappeler que, comme cela a déjà été indiqué au point 103 ci-dessus, le point 51, paragraphe 1, sous b), de l’encadrement des aides environnementales de 2001 n’impose pas à la Commission de chercher à corriger, dans le cadre de l’évaluation de la « partie significative » de la taxe nationale devant être acquittée, les effets discriminatoires résultant de la disparité des différentes taxes nationales applicables. Il s’ensuit que la Commission n’avait pas à motiver la décision attaquée à cet égard.
172 Les arguments développés par Eurallumina dans le cadre du troisième moyen ne permettent donc pas d’établir que la décision attaquée aurait été entachée de la violation des formes substantielles qu’elle invoque.
173 Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter le troisième moyen soulevé par Eurallumina, comme étant non fondé, et, partant, de rejeter intégralement le recours dans l’affaire T‑207/07.
Sur les dépens
174 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
175 La République italienne ayant succombé dans l’affaire T‑119/07, il y a lieu de la condamner aux dépens dans cette affaire, conformément aux conclusions de la Commission.
176 Eurallumina ayant succombé dans l’affaire T‑207/07, il y a lieu de la condamner aux dépens dans cette affaire, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) La République italienne est condamnée aux dépens dans l’affaire T‑119/07.
3) Eurallumina SpA est condamnée aux dépens dans l’affaire T‑207/07.
Pelikánová | Nihoul | Svenningsen |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 septembre 2019.
Signatures
Table des matières
Faits antérieurs à l’introduction du recours
Faits postérieurs à l’introduction du recours
Procédure et conclusions des parties
En droit
Sur les moyens soulevés par la République italienne à l’appui du recours dans l’affaire T 119/07
Sur le premier moyen soulevé par la République italienne
Sur le deuxième moyen soulevé par la République italienne
Sur le troisième moyen soulevé par la République italienne
Sur le quatrième moyen soulevé par la République italienne
Sur le cinquième moyen soulevé par la République italienne
Sur les moyens soulevés par Eurallumina à l’appui du recours dans l’affaire T 207/07
Sur le premier moyen soulevé par Eurallumina
Sur le deuxième moyen soulevé par Eurallumina, à titre subsidiaire par rapport au premier moyen
Sur le troisième moyen soulevé par Eurallumina
Sur les dépens
* Langues de procédure : l’anglais et l’italien.
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