Legutko and Poreba v Parliament (Order) French Text [2019] EUECJ T-156/18_CO (08 March 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T15618_CO.html
Cite as: [2019] EUECJ T-156/18_CO

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

8 mars 2019 (*)

« Recours en carence – Droit institutionnel – Règlement intérieur du Parlement – Article 130 – Annexe II – Question avec demande de réponse écrite – Demande de transmission au Conseil – Notification de la décision constatant l’irrecevabilité de la question – Invitation à agir – Prise de position du Parlement – Demande d’injonction – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑156/18,

Ryszard Antoni Legutko, demeurant à Morawica (Pologne),

Tomasz Piotr Poręba, demeurant à Mielec (Pologne),

représentés par Me M. Mataczyński, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Görlitz, S. Alonso de León et Mme A. Pospíšilová Padowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 265 TFUE et tendant à faire constater que le Parlement s’est illégalement abstenu de transmettre au Conseil de l’Union européenne la question avec demande de réponse écrite P‑003358/17, en violation de l’article 130 du règlement intérieur du Parlement et des dispositions de l’annexe II dudit règlement,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. G. De Baere, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérants, MM. R. A. Legutko et T. P. Poręba, sont députés au Parlement européen.

2        Le 16 mai 2017, ils ont déposé, en leur qualité de députés, une question avec demande de réponse écrite au titre de l’article 130 du règlement intérieur du Parlement (ci-après le « règlement intérieur »), laquelle a été enregistrée sous la référence P‑003358/17. La question s’adressait au Conseil de l’Union européenne et visait la procédure relative à la réélection de M. D. Tusk, le 9 mars 2017, en tant que président du Conseil européen.

3        Le 23 mai 2017, la direction générale de la présidence du Parlement (ci-après la « direction générale ») a informé, en substance, les requérants que les critères établis à l’annexe II, paragraphe 1, du règlement intérieur, applicables aux questions avec demande de réponse écrite, n’étaient pas satisfaits. En premier lieu, la direction générale a expliqué aux requérants que l’objet de leur question ne semblait relever ni de la compétence ni du domaine d’activité du Conseil, en ce qu’il allait au-delà des aspects administratifs concernant le Conseil européen. En second lieu, elle leur a indiqué que, conformément à l’accord établi entre l’ancien président du Conseil européen, M. H. Van Rompuy, et le président du Parlement, tel qu’entériné par M. Tusk, le président du Conseil européen n’acceptait de répondre à des questions avec demande de réponse écrite que pour autant qu’elles concernaient son activité politique, et non à celles portant sur l’activité du Conseil européen en tant qu’institution. La direction générale a envoyé, à cet égard, aux requérants le lien vers la note rédigée à l’attention des membres du Parlement du 20 juillet 2011 et intitulée « Questions avec demande de réponse écrite adressées au président du Conseil européen » (ci-après la « note du 20 juillet 2011 »). Par ailleurs, la direction générale a indiqué aux requérants que, en vertu de l’annexe II, paragraphe 3, du règlement intérieur, le secrétariat du Parlement pouvait, sur demande, les conseiller quant à la façon de se conformer aux critères de recevabilité fixés au paragraphe 1 de ladite annexe. Enfin, elle a demandé aux requérants de l’informer, au plus tard le 9 juin 2017, de leur décision éventuelle de retirer la question en cause.

4        Le 8 juin 2017, les requérants ont informé la direction générale de leur décision de maintenir leur question avec demande pour réponse écrite et lui ont demandé des précisions quant au destinataire compétent auquel l’adresser.

5        Le 9 juin 2017, la direction générale a indiqué à nouveau que, pour les raisons exposées aux requérants le 23 mai 2017, leur question ne pouvait pas être adressée au Conseil, en ce qu’elle outrepassait les aspects administratifs concernant le Conseil européen, ni au président de celui-ci, en ce que la procédure de son élection était une question d’ordre institutionnel. La direction générale a également proposé aux requérants de recourir à un autre instrument à la place de la question avec demande de réponse écrite au titre de l’article 130 du règlement intérieur. À cet égard, elle leur a suggéré qu’une autre possibilité pourrait être, par exemple, d’adresser une lettre au président du Conseil européen. Finalement, la direction générale a demandé aux requérants de lui préciser s’ils souhaitaient retirer la question en cause.

6        Le même jour, les requérants ont répondu en insistant pour que la question avec demande de réponse écrite soit transmise au Conseil, en soulignant que, si cette question devait être considérée comme irrecevable, ils souhaitaient en être informés directement par ladite institution. Pour sa part, la direction générale a répondu aux requérants que, conformément à l’article 130, paragraphe 2, du règlement intérieur, la compétence de décider sur la recevabilité d’une question avec demande de réponse écrite ne relevait pas du destinataire de celle-ci, mais du président du Parlement. La direction générale a ensuite demandé aux requérants si elle devait transmettre la question à ce dernier.

7        Le 10 juillet 2017, M. W., secrétaire général adjoint du Parlement, a envoyé une lettre aux requérants les informant que le président de cette même institution lui avait demandé de « leur notifier sa décision sur l’application de l’annexe II du règlement intérieur concernant la recevabilité des questions avec demande de réponse écrite (article 130) » (ci-après la « lettre du 10 juillet 2017 »). En particulier, les deuxième et troisième paragraphes de ladite lettre étaient libellés comme suit :

« Votre question P‑003358/17 a été considérée comme outrepassant la compétence et le domaine de responsabilité du Conseil, eu égard au fait que la procédure pour l’élection du président du Conseil européen repose sur la seule compétence du Conseil européen. De plus, cette question écrite ne peut pas être adressée au président du Conseil européen, étant donné qu’il ne répond qu’à des questions concernant ses propres activités politiques (voir annexe I, telle que notifiée aux membres du Parlement le 20 juillet 2011).

Partant, le président [du Parlement] la considère comme irrecevable. »

8        Le 26 octobre 2017, les requérants ont chacun envoyé une invitation à agir au président du Parlement au titre de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE. En particulier, ils l’ont invité à « transmettre au [Conseil], dans un délai de deux mois à compter de la réception [desdites invitations], la question écrite no P‑003358/17 [...] et à adopter toutes les mesures juridiques visant à garantir la mise en œuvre effective du droit des députés […] à poser la question écrite susmentionnée ».

9        Le Parlement ne s’est pas prononcé sur les invitations à agir des requérants.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 février 2018, les requérants ont introduit le présent recours.

11      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 29 mai 2018, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

12      Les requérants ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 9 juillet 2018.

13      Dans la requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que, en s’abstenant de transmettre au Conseil la question avec demande de réponse écrite P‑003358/17, le Parlement a violé l’article 130 du règlement intérieur et les dispositions de l’annexe II dudit règlement ;

–        obliger le Parlement à transmettre la question à l’institution compétente, à savoir le Conseil ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

14      Dans l’exception d’irrecevabilité, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

15      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants réitèrent les conclusions qu’ils ont formulées dans la requête et concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de considérer leur recours comme recevable s’agissant de l’ensemble des conclusions qui y sont énoncées.

 En droit

16      En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité, si la partie défenderesse le demande, sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

17      Les requérants demandent, en substance, au Tribunal de constater la carence du Parlement, au sens de l’article 265, premier alinéa, TFUE, en ce que ce dernier se serait illégalement abstenu de transmettre la question avec demande de réponse écrite P‑003358/17 au Conseil, conformément à l’article 130 du règlement intérieur et à l’annexe II dudit règlement. En outre, ils demandent au Tribunal d’obliger le Parlement à transmettre ladite question au Conseil.

18      Il convient d’examiner la recevabilité de ces deux demandes de manière séparée.

 Sur le premier chef de conclusions, relatif à la prétendue abstention illégale de transmettre la question P003358/17 au Conseil

19      Le Parlement soutient que le premier chef de conclusions des requérants est irrecevable car il ne respecte pas les conditions de recevabilité des recours en carence telles qu’elles sont prévues à l’article 265 TFUE. En particulier, il allègue qu’aucune absence de statuer, au sens de l’article 265, premier alinéa, TFUE, ne peut lui être reprochée, étant donné que, dans la lettre du 10 juillet 2017, il a exprimé sa position sur la demande de transmission de la question des requérants au Conseil. En effet, par cette lettre, le Parlement aurait notifié aux requérants l’adoption par son président d’une décision explicite et définitive, sur la base de l’article 130 du règlement intérieur, quant à la demande des requérants faisant l’objet de leur recours en carence. En qualifiant la question des requérants d’irrecevable, le Parlement aurait adopté une décision finale qui, par ailleurs, n’aurait jamais fait l’objet d’une contestation de leur part. Le Parlement ajoute que les requérants visent, en réalité, à ce que le Tribunal contrôle la légalité de ladite décision. Or, un tel contrôle aurait dû être demandé dans le cadre d’un recours en annulation, en respectant notamment le délai de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE. Enfin, et à titre subsidiaire, le Parlement allègue que le recours en carence des requérants doit être considéré comme irrecevable compte tenu du pouvoir discrétionnaire qu’il détient, conformément à l’article 130 du règlement intérieur, lors du contrôle de la recevabilité des questions avec demande de réponse écrite.

20      Les requérants contestent les arguments du Parlement et font valoir, en substance, que leur recours a été introduit en respectant les conditions de recevabilité prévues par l’article 265 TFUE. Selon eux, le Parlement n’aurait jamais statué sur leur demande ni avant ni après les invitations à agir qu’ils lui ont adressées le 26 octobre 2017.

21      Aux termes de l’article 265, troisième alinéa, TFUE toute personne physique ou morale peut saisir la Cour dans les conditions fixées aux alinéas précédents de cette même disposition pour faire grief à l’une des institutions, ou à l’un des organes ou organismes de l’Union, d’avoir manqué de lui adresser un acte autre qu’une recommandation ou un avis.

22      L’article 265, deuxième alinéa, TFUE établit, pour sa part, que le recours en carence n’est recevable que si l’institution, l’organe ou l’organisme en cause a été préalablement invité à agir. Si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de cette invitation, l’institution, l’organe ou l’organisme n’a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois.

23      Selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité d’un recours en carence, fixées par l’article 265 TFUE, ne sont pas remplies lorsque l’institution invitée à agir a pris position sur cette invitation avant l’introduction du recours (voir ordonnance du 16 septembre 2015, VSM Geneesmiddelen/Commission, T‑578/14, non publiée, EU:T:2015:715, point 27 et jurisprudence citée).

24      En outre, conformément à la jurisprudence, il y a lieu de considérer que l’institution n’est pas en situation de carence non seulement lorsqu’elle adopte un acte donnant satisfaction au requérant, mais également lorsqu’elle refuse d’adopter cet acte mais répond à la demande qui lui est faite en indiquant les raisons pour lesquelles elle estime qu’il ne convient pas d’adopter ledit acte ou qu’elle n’a pas compétence pour le faire (voir ordonnance du 17 décembre 2010, Verein Deutsche Sprache/Conseil, T‑245/10, non publiée, EU:T:2010:555, point 15 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, il est constant que les parties ne s’opposent pas sur la question de savoir si la correspondance adressée par les requérants au Parlement, avant la transmission de la lettre du 10 juillet 2017, constitue une invitation à agir au sens de l’article 265 TFUE. En effet, par leurs courriels du 16 mai et des 8 et 9 juin 2017, les requérants ont demandé de manière réitérée au Parlement, conformément à l’article 130 du règlement intérieur, de transmettre la question P‑003358/17 au Conseil, institution qui, d’après eux, était compétente pour y fournir une réponse. En revanche, les parties sont en désaccord en ce qui concerne l’adoption ou non, par le Parlement, d’une prise de position susceptible de mettre fin à la carence reprochée par les requérants.

26      À cet égard, il convient de rappeler, d’emblée, que, selon l’article 22, paragraphe 2, du règlement intérieur, le président du Parlement statue sur la recevabilité des questions parlementaires.

27      Ensuite, l’article 130 du règlement intérieur, sous l’intitulé « Questions avec demande de réponse écrite », prévoit, à ses premier et deuxième paragraphes, que les députés du Parlement peuvent poser des questions avec demande de réponse écrite, notamment, au président du Conseil européen, conformément aux critères fixés dans l’annexe II du même règlement. Il ressort également de ces deux paragraphes que les questions avec demande de réponse écrite sont remises au président du Parlement, lequel statue sur leur recevabilité. La décision du président du Parlement n’est pas prise sur la base des seules dispositions de l’annexe II du règlement intérieur, mais sur la base des dispositions de ce règlement en général. La décision motivée du président du Parlement est notifiée à l’auteur de la question.

28      Enfin, l’annexe II du règlement intérieur, sous la rubrique « Critères pour les questions et les interpellations avec demande de réponse écrite en application des articles 130, 130 bis, 130 ter, 131 et 131 bis », dispose, à son premier paragraphe, deuxième tiret, que les questions avec demande de réponse écrite s’inscrivent exclusivement dans les limites des compétences de leur destinataire, telles qu’elles sont prévues dans les traités concernés ou dans les actes juridiques de l’Union, ou dans le domaine d’activité de leur destinataire.

29      Or, force est de constater que, par la lettre du 10 juillet 2017, M. W., secrétaire général adjoint du Parlement, a notifié aux requérants l’adoption par le président de cette même institution d’une décision, au titre de l’article 130 du règlement intérieur, concernant la recevabilité de leur question avec demande de réponse écrite, en application de l’annexe II du règlement intérieur. En particulier, dans ladite lettre, M. W. leur a expliqué que leur question avait été considérée comme allant au-delà de la compétence et du domaine de responsabilité du Conseil, eu égard au fait que la procédure pour l’élection du président du Conseil européen relevait de la seule compétence de cette dernière institution. Par ailleurs, il leur a indiqué que la question ne pouvait pas non plus être adressée au président du Conseil européen, étant donné que celui-ci ne répondait qu’à des questions avec demande de réponse écrite concernant ses propres activités politiques. À cet égard, il les a invités à consulter, en annexe, la note du 20 juillet 2011. Enfin, M. W. a relevé, de manière claire et expresse, que la question des requérants avait été considérée par le président du Parlement comme étant irrecevable.

30      Il s’ensuit que la décision du président du Parlement, telle que portée à la connaissance des requérants par la lettre du 10 juillet 2017, constitue une prise de position au sens de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, de sorte qu’aucune abstention de statuer ne saurait être reprochée au Parlement concernant la question avec demande de réponse écrite formulée par les requérants. À cet égard, il y a lieu de relever, conformément à une jurisprudence bien établie, que le fait que le Parlement n’ait pas donné satisfaction à la demande des requérants, en transmettant ladite question au Conseil, est, à cet égard, indifférent. En effet, l’article 265 TFUE vise la carence par l’abstention de statuer ou de prendre position et non du fait de l’adoption d’un acte différent de celui que les intéressés auraient souhaité (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2015, VSM Geneesmiddelen/Commission, T‑578/14, non publiée, EU:T:2015:715, point 27 et jurisprudence citée).

31      À l’encontre de la constatation qui précède, en premier lieu, les requérants soutiennent qu’ils ne peuvent pas être considérés comme ayant été informés d’une quelconque décision qualifiant leur question d’irrecevable. À cet égard, ils relèvent notamment que la lettre du 10 juillet 2017 n’est que la lettre de notification de la décision adoptée par le président du Parlement, mais non la décision en elle-même. Dans ces circonstances, ladite lettre ne constituerait pas un acte déployant des effets juridiques susceptibles de faire l’objet d’un recours de leur part au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ils contestent, partant, l’affirmation du Parlement selon laquelle ils essaieraient, au travers de leur recours, de contourner les exigences procédurales de cette dernière disposition. Par ailleurs, ils remettent en cause la compétence de M. W., en tant que secrétaire général adjoint du Parlement, pour les informer de l’adoption de la décision et de son contenu. Enfin, ils soutiennent que le libellé de la lettre du 10 juillet 2017 et, en particulier, l’emploi des termes « has been considered » à son deuxième paragraphe, démontre, en substance, qu’aucune décision finale n’a été adoptée s’agissant de la recevabilité de leur question.

32      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, pour autant que l’argument des requérants devrait être compris comme étant destiné à remettre en cause la nature attaquable de la décision du président du Parlement, dont l’adoption leur a été communiquée par la lettre du 10 juillet 2017, un tel argument ne saurait prospérer. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 22, paragraphe 2, et de l’article 130 du règlement intérieur, la décision du président du Parlement constitue l’acte qui met fin à la procédure établie aux fins de statuer sur la recevabilité des questions avec demande de réponse écrite formulées par les députés et est susceptible, partant, de déployer des effets juridiques. Dans ces circonstances, comme le soutient le Parlement, tout désaccord quant à la légalité d’une telle décision doit être formulée au travers du recours en annulation prévu à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en respectant le délai de deux mois prévu au sixième alinéa de cette même disposition.

33      Ensuite, même à supposer, comme les requérants le font valoir, que le secrétaire général adjoint du Parlement, signataire de la lettre du 10 juillet 2017, n’était pas habilité pour leur notifier la décision quant à la recevabilité de leur question avec demande de réponse écrite, cela ne les a pas empêchés de prendre connaissance de l’existence de ladite décision. Par ailleurs, il convient de relever que c’est précisément dans le cadre d’un recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qu’ils auraient pu faire valoir l’irrégularité de la notification de ladite décision par la lettre du 10 juillet 2017.

34      Enfin, il convient de rejeter l’argument des requérants selon lequel l’emploi des termes « has been considered » au début du deuxième paragraphe de la lettre du 10 juillet 2017 démontrerait, en substance, qu’il ne s’agissait pas d’un acte final du président du Parlement, mais d’une question « à l’étude ». En effet, d’une part, il convient de relever que lesdits termes mettent précisément en évidence l’appréciation du président du Parlement quant aux motifs pour lesquels la question des requérants a été qualifiée d’irrecevable. D’autre part, le libellé de la lettre du 10 juillet 2017, dont notamment le troisième paragraphe, qui établit que, « [p]ar conséquent, le président […] considère que [la question des requérants] est irrecevable », ne laisse aucun doute quant au caractère définitif de la décision adoptée par le président du Parlement.

35      Il s’ensuit que les requérants ne sauraient faire valoir qu’ils n’ont été informés d’aucune décision finale qualifiant leur question d’irrecevable, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation de leur part, de sorte que le Parlement se trouverait dans une situation de carence, même à la suite de la réception de la lettre du 10 juillet 2017.

36      En deuxième lieu, les requérants font valoir, dans la requête et dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité du Parlement, que ni la lettre du 10 juillet 2017 ni la correspondance échangée auparavant ne peuvent être considérées comme une prise de position au sens de l’article 265 TFUE, en ce qu’elles n’auraient pas été dûment motivées. En substance, ils soutiennent que le simple refus de transmettre la question des requérants ne pourrait pas être considéré comme une prise de position, mais plutôt comme une position passive du Parlement.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, une institution n’est pas en situation de carence lorsque, en substance, elle répond à la demande qui lui est faite en indiquant les raisons pour lesquelles elle estime qu’il ne convient pas d’agir de la manière demandée.

38      En l’occurrence, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la lettre du 10 juillet 2017 leur a permis de connaître tant le sens de la décision finale adoptée par le président du Parlement à l’égard de leur question avec demande de réponse écrite que les motifs soutenant ladite décision. En effet, à l’instar des courriels transmis aux requérants les 23 mai et 9 juin 2017 par la direction générale, la lettre du 10 juillet 2017 leur a expliqué que le président du Parlement avait décidé de considérer leur question comme irrecevable à la lumière des critères prévus à l’annexe II, paragraphe 1, du règlement intérieur. Ainsi, les requérants ont pu savoir que, selon le président du Parlement, d’une part, l’objet de leur question outrepassait les aspects administratifs du Conseil européen, raison pour laquelle elle ne pouvait pas être adressée au Conseil, et que, d’autre part, leur question ne pouvait pas être transmise au président du Conseil européen, en ce que la procédure de son élection était une question d’ordre institutionnel. La lettre du 10 juillet 2017 incluait de même en annexe la note du 20 juillet 2011 aux fins d’étayer cette dernière appréciation.

39      Il s’ensuit que les requérants ne peuvent pas reprocher au Parlement un défaut de motivation qui empêcherait la constatation d’une prise de position par cette institution à l’égard de leur question avec demande de réponse écrite.

40      En troisième lieu, les requérants font valoir que le Parlement n’a respecté ni les articles 19 et 20 du code européen de bonne conduite administrative approuvé par le Parlement le 6 septembre 2001 ni le principe de bonne administration consacrée à l’article 41, paragraphe 2, troisième tiret, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En particulier, ils affirment que, à la date à laquelle ils ont reçu la lettre du 10 juillet 2017, ils n’avaient pas conscience que, aux yeux du Parlement, il s’agissait d’une décision finale et que leur question ne ferait plus l’objet d’une procédure. Ils ajoutent que le Parlement aurait dû leur indiquer la voie du recours qu’ils étaient en droit d’exercer contre ladite décision.

41      Or, à cet égard, il suffit de rappeler, d’une part, que, conformément à la jurisprudence, le code européen de bonne conduite administrative n’est pas un texte juridiquement contraignant et qu’il ne crée aucun droit dont les requérants pourraient se prévaloir à l’appui de leur recours (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2018, Przedsiębiorstwo Energetyki Cieplnej/ECHA, T‑625/16, non publié, EU:T:2018:44, point 116).

42      D’autre part, et en tout état de cause, contrairement à ce que les requérants font valoir, tant les dispositions prévues dans le règlement intérieur à propos des questions avec demande de réponse écrite, mentionnées aux points 26 à 28 ci-dessus, que le libellé de la lettre du 10 juillet 2017 étaient de nature à faire connaître aux requérants que l’adoption de la décision du président du Parlement revêtait un caractère final et que leur question ne ferait plus l’objet d’une procédure. Dans ces circonstances, ils auraient également dû être conscients du fait qu’une telle décision était contestable au titre de la seule base prévue dans le traité permettant aux justiciables de soumettre au Tribunal le contrôle direct de la légalité des actes des institutions de l’Union, dont le Parlement, à savoir le recours en annulation prévu à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. S’agissant de l’article 41, paragraphe 2, troisième tiret, de la charte des droits fondamentaux, qui dispose, en substance, que le droit à une bonne administration comporte notamment l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions, force est de constater, comme cela ressort des points 37 et 38 ci-dessus, que la lettre du 10 juillet 2017 a permis aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles le Parlement estimait qu’il ne convenait pas d’agir de la manière qu’ils demandaient en ce qui concerne leur question avec demande de réponse écrite.

43      En dernier lieu, s’agissant des arguments destinés à faire constater l’absence de réponse du Parlement aux invitations à agir des requérants en date du 26 octobre 2017, force est de constater que, dès lors que le président du Parlement avait statué de manière définitive sur la demande de transmission au Conseil de la question des requérants le 10 juillet 2017, les conditions de recevabilité de la demande en carence des requérants, fondées sur leurs invitations à agir respectives, ne sont pas remplies.

44      Eu égard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme irrecevable le premier chef de conclusions des requérants, relatif à la prétendue abstention illégale de transmettre la question P‑003358/17 au Conseil, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer, conformément à l’argumentation soutenue à titre subsidiaire par le Parlement, sur la question de savoir s’il jouit d’un pouvoir discrétionnaire lors de l’adoption des décisions en vertu de l’article 130 du règlement intérieur dont le non-exercice ne peut pas faire l’objet d’un recours en carence.

 Sur le second chef de conclusions, demandant au Tribunal d’obliger le Parlement à transmettre la question

45      Le Parlement soutient que le second chef de conclusions des requérants est irrecevable étant donné qu’il constitue une demande d’injonction à adresser par le Tribunal au Parlement. Or, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union européenne ne serait pas compétent pour prononcer des injonctions dans le cadre de l’article 265 TFUE.

46      Les requérants contestent ces arguments et allèguent, en substance, qu’une injonction telle que celle demandée par leur second chef de conclusions peut être adoptée par le Tribunal au titre de l’article 266 TFUE.

47      Conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre du contrôle fondé sur l’article 265 TFUE, le juge de l’Union n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’égard des institutions et des organes de l’Union (voir, en ce sens, ordonnances du 26 octobre 2011, Victoria Sánchez/Parlement et Commission, C‑52/11 P, non publiée, EU:C:2011:693, point 38, et du 24 novembre 2016, Petraitis/Commission, C‑137/16 P, non publiée, EU:C:2016:904, points 31 et 32).

48      En effet, le Tribunal a uniquement la possibilité de constater l’existence d’une carence. Ensuite, il incombe, en application de l’article 266 TFUE, à l’institution concernée de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal (voir arrêt du 10 mai 2006, Air One/Commission, T‑395/04, EU:T:2006:123, point 24 et jurisprudence citée).

49      Dès lors, le Tribunal est manifestement incompétent pour prononcer une injonction à l’égard du Parlement. La demande formulée par les requérants dans ce sens doit être écartée comme étant irrecevable.

50      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours comme étant irrecevable dans son intégralité.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.




2)      MM. Ryszard Antoni Legutko et Tomasz Piotr Poręba sont condamnés aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 8 mars 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins


*      Langue de procédure : le polonais.

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