Inpost Paczkomaty v Commission (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-282/16 (19 March 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T28216.html
Cite as: ECLI:EU:T:2019:168, [2019] EUECJ T-282/16, EU:T:2019:168

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

19 mars 2019 (*)

« Aides d’État – Secteur postal – Compensation du coût net résultant des obligations de service universel – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Intérêt à agir – Obligation de motivation – Égalité de traitement – Proportionnalité – Droit de propriété – Liberté d’entreprise »

Dans les affaires jointes T‑282/16 et T‑283/16,

Inpost Paczkomaty sp. z o.o., établie à Cracovie (Pologne), représentée initialement par Me T. Proć, puis par Me M. Doktór, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑282/16,

Inpost S.A., établie à Cracovie, représentée par Me W. Knopkiewicz, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑283/16,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes K. Herrmann, K. Blanck et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie intervenante,

ayant pour objet des demandes fondées sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2015) 8236 final de la Commission, du 26 novembre 2015, par laquelle celle-ci n’a pas soulevé d’objections à l’égard de la mesure notifiée par les autorités polonaises relative à l’aide octroyée à Poczta Polska sous la forme d’une compensation du coût net résultant de l’accomplissement, par cette société, de ses obligations de service postal universel pour la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz, I. S. Forrester, Mme N. Półtorak et M. E. Perillo (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Guzdek, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 24 avril 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige et principales dispositions de droit applicables

1        Poczta Polska (ci-après « PP ») est une société anonyme polonaise dont l’unique actionnaire est le trésor public de la République de Pologne. À l’époque des faits, objet de la présente affaire, son activité couvrait, essentiellement, les services postaux universels ainsi que ceux de messagerie, services dont elle était alors le principal opérateur en Pologne.

2        Conformément aux dispositions pertinentes du traité CE applicables au présent litige et concernant le développement du marché intérieur, les services en question relevaient, comme d’ailleurs encore aujourd’hui, d’une compétence législative partagée entre la Communauté européenne, aujourd’hui l’Union européenne, d’une part, et les États membres, d’autre part.

3        Ainsi, pour ce qui est du droit de l’Union, les règles applicables ont été fixées par la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14), telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008, modifiant la directive 97/67 en ce qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté (JO 2008, L 52, p. 3) (ci-après la « directive postale »).

4        En particulier, en ce qui concerne les implications qui, sur le plan financier, peuvent découler de la libéralisation de ce secteur de services dans le marché intérieur de l’Union, l’article 7, paragraphe 3, de la directive postale prévoit, encore à présent, que, lorsque les obligations de service universel donnent lieu à « une charge financière inéquitable » que le prestataire désigné de ce service devrait supporter à lui seul, l’État membre concerné peut introduire « un mécanisme de répartition du coût net des obligations de service universel entre les [différents] prestataires ».

5        Selon l’article 7, paragraphe 4, de la directive postale, si un tel mécanisme est introduit, l’État membre intéressé peut alors « mettre en place un fonds de compensation qui peut être financé par une redevance imposée aux prestataires de[s] services [en question] ». En vertu de l’article 7, paragraphe 5, de la directive postale, lors de l’établissement dudit fonds de compensation et lors de la fixation du niveau des contributions financières visées aux paragraphes 3 et 4 dudit article, « les États membres veillent à ce que les principes de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité soient respectés ».

6        Conformément au libellé de la partie B, deuxième alinéa, de l’annexe I de la directive postale, le coût net des obligations de service universel correspond à tout coût lié à la gestion de la fourniture du service universel. Ce coût est égal à « la différence entre le coût net supporté par un prestataire de [ce] service […] lorsqu’il est soumis aux obligations [prévues par la loi postale nationale] et celui qui est supporté par le même prestataire de services postaux lorsqu’il n’est pas soumis à ces obligations ».

7        En Pologne, la directive postale a été transposée par l’ustawa Prawo pocztowe (loi postale), du 23 novembre 2012 (Dz. U. de 2012, position 1529) (ci-après la « loi postale polonaise »). Selon les termes de son article 2, les services relevant du service universel sont, dans ce pays, ceux comprenant les envois de lettres et de colis postaux ainsi que les envois pour les aveugles, qui ne sont pas effectués par l’opérateur désigné dans le cadre de ses obligations de service universel. Au titre du service postal universel, l’acheminement et la distribution de lettres et de colis postaux doivent être assurés chaque jour ouvrable et pas moins de cinq jours par semaine. Le poids des envois postaux concernés ne peut dépasser 2 000 grammes, celui des colis pouvant toutefois aller jusqu’à 10 000 grammes (articles 45 et 46 de la loi postale polonaise).

8        Sur la base de la loi postale polonaise (article 178, paragraphe 1), la mise en œuvre de la réforme du service postal polonais a été confiée, dans un premier temps et pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2013, à PP, qui a été ainsi chargée d’assumer les obligations de prestataire du service postal universel sur l’ensemble du territoire polonais.

9        Le cadre juridique de cette réforme ayant été ainsi établi, les autorités polonaises, en utilisant notamment les possibilités consenties par la directive postale (voir points 3 à 6 ci-dessus) ainsi que les dispositions pertinentes de la loi postale polonaise, ont alors notifié à la Commission européenne, le 10 juin 2014, un régime d’aide concernant, d’une part, un mécanisme de répartition du coût net des obligations de service universel et, d’autre part, la mise en place d’un fonds de compensation, complémentaire à l’établissement de ce mécanisme.

10      Le fonds de compensation était financé, pour partie, par les contributions que les opérateurs postaux concernés étaient tenus de verser audit fonds ainsi que, pour partie, par le budget de l’État. En particulier, l’obligation de contribution prévue à l’article 108, paragraphe 2, de la loi postale polonaise visait les opérateurs postaux fournissant des services universels équivalents, dont les revenus annuels perçus à ce titre devaient néanmoins être supérieurs à 1 million de zlotys polonais (PLN). En tous les cas, le montant dû par chaque opérateur concerné ne pouvait pas dépasser, annuellement, le plafond de 2 % du montant des revenus provenant de ses prestations de service universel (ci-après le « pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution »).

11      Prévu initialement pour couvrir la période allant de 2013 à 2026, ce mécanisme a été finalement limité, par une lettre que les autorités compétentes polonaises ont transmise à la Commission le 5 janvier 2015, à la période allant de 2013 à 2015 (ci-après le « régime national de compensation » ou la « mesure en cause »).

12      Le 26 novembre 2015, la Commission a, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime national de compensation au motif qu’il s’agissait d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur (ci-après la « décision attaquée »). Selon la Commission, conformément aux critères énoncés aux sections 2.1 à 2.8 de sa communication relative à l’encadrement de l’Union applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (2011) (JO 2012, C 8, p. 15, ci-après l’« encadrement SIEG »), la mesure en cause n’est pas de nature à affecter les échanges commerciaux dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union. En outre, les principes de fonctionnement du fonds de compensation n’entraîneraient pas de graves distorsions de la concurrence et n’imposeraient donc pas d’exigences supplémentaires pour garantir que le développement des échanges ne soit pas affecté dans une mesure incompatible avec les intérêts de l’Union.

13      Les requérantes sont, d’une part, Inpost Paczkomaty sp. z o.o. et, d’autre part, Inpost S.A. Ces sociétés font partie du groupe polonais Integer.pl S.A., qui, en vertu de l’article 2 de la loi postale polonaise, contribue au financement du fonds de compensation créé par ladite loi et permettant à PP de bénéficier des compensations correspondantes (voir point 9 ci-dessus).

II.    Procédure et conclusions des parties

14      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 30 mai 2016, les requérantes ont introduit, respectivement, les recours enregistrés sous les références T‑282/16 et T‑283/16.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 septembre 2016, la République de Pologne a demandé à intervenir dans les présentes procédures au soutien des conclusions de la Commission.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 septembre 2016, la Commission a demandé la jonction des présentes affaires.

17      Par décisions du 28 octobre 2016, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la République de Pologne.

18      Par décision du président de la troisième chambre du Tribunal du 14 novembre 2016, les affaires T‑282/16 et T‑283/16 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal.

19      La République de Pologne a déposé son mémoire en intervention le 19 janvier 2017.

20      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure, et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, il a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre par écrit, ce à quoi elles ont déféré dans les délais impartis.

21      Sur proposition de la troisième chambre du Tribunal, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 avril 2018.

23      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission et la République de Pologne concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du litige et sur l’intérêt à agir des requérantes

25      En ce qui concerne l’objet du présent litige, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le régime national de compensation ne concerne pas la période postérieure au 31 décembre 2015, le financement des services postaux universels pour la période allant de 2016 à 2025 ne faisant pas l’objet de la décision attaquée (voir considérants 2 et 12 de cette décision et point 11 ci-dessus).

26      De plus, il y a lieu de souligner que, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, les requérantes ont indiqué que le fonds de compensation n’avait été utilisé ni en 2014 ni en 2015 et que « [l]’absence effective de demande de la part de [PP] permettant de mettre en œuvre ce mécanisme pour les[dites] années [...] a[vait] pour conséquence que la décision attaquée ne produi[sai]t pas d’effets juridiques défavorables pour l[es] requérante[s] ». Il s’ensuit que, selon l’aveu même des requérantes, elles ne justifient pas d’un intérêt à agir contre la décision attaquée dans la mesure où elle ne soulève pas d’objections à l’égard de la mesure en cause en ce qui concerne son application pendant les années 2014 et 2015, un tel intérêt supposant que l’annulation de cette décision soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55 et jurisprudence citée).

27      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que les présents recours ne sont recevables que dans la mesure où la décision attaquée a produit des effets juridiques à l’encontre des requérantes au cours de l’année 2013, le fonds de compensation objet de la mesure en cause et de ladite décision n’ayant pas été activé pendant les années 2014 et 2015.

B.      Sur le fond

28      Au soutien des recours, les requérantes soulèvent sept moyens, tirés, en substance, pour les cinq premiers d’entre eux, de violations de l’article 106, paragraphe 2, TFUE en ce que l’encadrement SIEG et l’article 7 de la directive postale n’auraient pas été respectés, pour le sixième, de la violation des articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et, pour le dernier, de la méconnaissance de l’obligation de motivation.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE en ce que l’article 7, paragraphe 2, de la directive postale ainsi que le point 19 de l’encadrement SIEG n’auraient pas été respectés

29      Les requérantes soutiennent, en substance, que la mesure en cause n’aurait pas dû être déclarée compatible avec le marché intérieur par la Commission, car la décision du législateur polonais de confier à PP la charge des services postaux universels en cause n’avait fait l’objet ni d’une procédure de passation des marchés respectant les règles de l’Union applicables dans le domaine des marchés publics, ni, en tout état de cause, d’une procédure respectueuse des principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination.

30      La Commission et la République de Pologne contestent le bien-fondé de ce moyen. Par ailleurs, lors de l’audience, la Commission a ajouté, à ce sujet, que les requérantes ne devaient pas être considérées comme étant recevables à soulever un tel moyen, qui, en effet, ne concernerait que la situation et les droits spécifiques de PP.

31      Aux termes de l’article 7, paragraphe 2, de la directive postale :

« Les États membres peuvent garantir la prestation des services universels en les confiant en sous-traitance dans le respect de la réglementation applicable à la passation de marchés publics, y compris en recourant au dialogue compétitif ou aux procédures négociées avec ou sans publication d’un avis de marché, qui sont prévus par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. »

32      En l’espèce, il est, certes, constant que PP a été désignée par la loi postale polonaise en tant que prestataire des services postaux universels sans que les autorités polonaises aient préalablement organisé une procédure de passation des marchés.

33      Cependant, ainsi que le relèvent à juste titre la Commission et la République de Pologne, l’article 7, paragraphe 2, de la directive postale n’oblige pas l’État membre concerné à recourir aux procédures de passation des marchés pour sélectionner l’entité à laquelle il entend confier les prestations de service postal universel, un tel recours n’étant, conformément aux termes de cette disposition selon lesquels « les États membres peuvent garantir », qu’une simple faculté.

34      Cette interprétation littérale de l’article 7, paragraphe 2, de la directive postale est confirmée par une interprétation systématique, à la lumière notamment du considérant 23 de la directive 2008/6, qui est libellé comme suit :

« [L]es États membres devraient jouir d’une plus grande liberté dans la détermination du moyen le plus efficace et adéquat de garantir la disponibilité du service universel, dans le respect des principes d’objectivité, de transparence, de non-discrimination, de proportionnalité et de moindre distorsion du marché[, soit en laissant] aux forces du marché le soin de fournir le service universel, [soit en chargeant] une ou plusieurs entreprises d’en fournir tel ou tel volet ou de couvrir telle ou telle partie du territoire, [soit encore en ayant] recours à des procédures de passation de marchés publics. »

35      Il en résulte que les procédures de passation des marchés ne sont qu’une option parmi celles susceptibles d’être retenues par l’État membre concerné, à condition notamment que, dans l’exercice de ce choix, les principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination soient dûment respectés. Au demeurant, cette interprétation correspond à celle donnée par la Commission au point 56 de l’encadrement SIEG, dans lequel elle reconnaît qu’il existe pour l’État membre concerné la possibilité de charger, « sans passer par une procédure concurrentielle, un prestataire de services publics de fournir un SIEG sur un marché non réservé [...] »

36      Or, les requérantes ne contestent pas « la légitimité en tant que telle de [la] désignation de [PP en tant que prestataire des services postaux universels] par la voie législative », mais se limitent à soutenir, en substance, que cette désignation aurait méconnu les exigences en matière de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination au motif que, en décembre 2012, « les autorités polonaises ont voté [la loi postale polonaise] à des conditions fondamentalement différentes de celles qui avaient été soumises à la consultation publique de [septembre] 2010, notamment en ce qui concerne l’augmentation du taux de financement du coût net, celui-ci passant de 1 à 2 % des revenus ».

37      Force est toutefois de constater qu’une telle argumentation ne concerne pas le mode ou la procédure par laquelle PP a été désignée en tant que prestataire unique des services postaux universels, pour une période de trois ans à compter du 1er janvier 2013, mais vise à contester, en anticipant par ailleurs sur le deuxième moyen, le mode par lequel le taux de compensation en cause a été finalement calculé et retenu par les autorités polonaises. Par conséquent, dans la mesure où cette argumentation se fonde sur les exigences de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination, elle doit être rejetée comme étant inopérante.

38      En outre, il est constant que la désignation de PP en tant que prestataire des services postaux universels pendant une période déterminée avait déjà été envisagée lors de la consultation publique de septembre 2010, intervenue précisément dans le cadre du processus législatif national pertinent. En tout état de cause, il s’ensuit que, s’agissant du choix du prestataire des services postaux universels, les requérantes ne sauraient valablement soutenir que la loi postale votée en 2012 l’a été dans des conditions « fondamentalement différentes » de celles soumises à la consultation publique de septembre 2010 pour étayer l’existence d’une violation des exigences de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination.

39      Enfin, la circonstance que PP a été désignée prestataire des services postaux universels directement et exclusivement par la voie législative ne suffit pas, par elle-même, à établir l’existence d’une violation des principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination. À cet égard, il convient de préciser que la loi postale polonaise a été publiée le 29 décembre 2012 au journal officiel de ce pays et que la République de Pologne était libre, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation quant à la définition de l’étendue d’un service universel (voir arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, points 69 et 70 et jurisprudence citée) et conformément aux dispositions du point 15 de l’encadrement SIEG, de déterminer la forme juridique de l’acte confiant la responsabilité de la gestion du service d’intérêt économique général (SIEG) à l’entreprise désignée.

40      Il en va de même lorsque le prestataire de service universel désigné est, comme en l’espèce, une entité publique « détenue à 100 % par l’État ». En effet, le seul caractère public dudit prestataire ne remet pas en cause le fait que sa désignation ait été décidée dans le respect des principes régissant l’octroi d’un mandat de prestataire de service universel, tels que reconnus dans la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, points 161 et suivants).

41      Compte tenu de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de la recevabilité de ce moyen, telle qu’évoquée au cours de l’audience par la Commission, le premier moyen doit, en tout état de cause, être écarté comme étant non fondé.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE en ce que les conditions prévues aux points 14 et 60 de l’encadrement SIEG auraient été erronément considérées comme remplies

42      Dans le cadre du deuxième moyen, les requérantes soulèvent deux griefs distincts. D’une part, elles soutiennent que les exigences de consultation publique, telles qu’elles résultent de l’application du point 14 de l’encadrement SIEG, n’ont pas été, en l’espèce, respectées. Le projet de loi postale polonaise aurait varié sensiblement au regard du projet initial, sur lequel avait porté la consultation publique organisée en septembre 2010, le taux de contribution étant entretemps passé de 1 à 2 % des revenus concernés. Ainsi, en l’absence d’une nouvelle consultation, laquelle s’imposait sur le fondement du point 14 de l’encadrement SIEG, une telle modification législative serait intervenue sans que les intérêts des opérateurs postaux, autres que PP, ainsi que les besoins en matière de service universel, aient été dûment pris en compte par les autorités polonaises. D’autre part, les requérantes estiment que les exigences de transparence prévues au point 60 de l’encadrement SIEG n’ont pas non plus été respectées, la Commission n’ayant pas constaté, dans la décision attaquée, que les résultats de la consultation publique avaient été publiés, que cela soit sur Internet ou par tout autre moyen de publication approprié.

43      La Commission et la République de Pologne contestent le bien-fondé de cette argumentation. Lors de l’audience, la Commission a également fait valoir que le moyen en question devait être considéré comme étant irrecevable, car il n’affecterait la situation de chacune des requérantes ni directement ni individuellement.

a)      Sur le premier grief

44      S’agissant du premier grief, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, la Commission peut adopter des règles de conduite afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide liées à la gestion d’un SIEG, envisagées par les États membres. En adoptant de telles règles de conduite, telles que celle de l’encadrement SIEG, et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que le principe d’égalité de traitement ou celui de protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, points 68 à 70 ; du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 38 à 40 et jurisprudence citée, et du 16 juillet 2014, Zweckverband Tierkörperbeseitigung/Commission, T‑309/12, non publié, EU:T:2014:676, point 212).

45      Le point 14 de l’encadrement SIEG se lit comme suit :

« Aux fins de l’application des principes énoncés dans la présente communication, les États membres doivent prouver qu’ils ont pris dûment en considération les besoins en matière de service public concernés, en effectuant une consultation publique ou par d’autres moyens appropriés permettant de tenir compte des intérêts des utilisateurs et des prestataires de services. Cette disposition ne s’applique pas lorsqu’il est évident qu’une nouvelle consultation n’apportera aucune valeur ajoutée significative à une consultation récente. »

46      Or, il ressort clairement du libellé de cette disposition que l’organisation d’une consultation publique n’est pas obligatoire, une telle procédure ne constituant, en effet, qu’un des moyens appropriés auxquels l’État membre peut recourir afin de prendre en considération les besoins du service public concerné et de tenir compte des intérêts des utilisateurs et des prestataires de service.

47      En outre, lors de la consultation publique de septembre 2010, les requérantes ont pu utilement faire valoir leurs observations au sujet des conditions relatives au fonctionnement du fonds de compensation et notamment leur désaccord sur un taux de contribution fixé à 1 %, soit sur un taux inférieur à 2 %.

48      Dès lors, dans la mesure où les requérantes ont pu exprimer leur désaccord sur un taux inférieur au taux finalement retenu, en faisant valoir qu’elles le trouvaient déjà excessif, une nouvelle consultation n’aurait apporté, sur ce point, « aucune valeur ajoutée significative », au sens du point 14 de l’encadrement SIEG. Par ailleurs, la circonstance que, par la suite, les arguments des requérantes n’aient pas été retenus par les autorités nationales compétentes ne signifie pas que ces sociétés n’ont pas pu faire connaître leurs observations sur ce point spécifique [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 43 et jurisprudence citée].

49      Il s’ensuit que la consultation publique de septembre 2010 constituait un « moyen approprié », au sens du point 14 de l’encadrement SIEG, ayant, notamment, permis aux requérantes de faire valoir utilement leur point de vue et à l’État membre concerné de tenir dûment compte de leurs intérêts en tant que prestataires de service.

50      Dans ces conditions, la Commission pouvait, au considérant 122 de la décision attaquée, estimer sans erreur de droit, ni d’appréciation, que, en substance, la République de Pologne avait pris en considération les besoins du service dans la mesure où les obligations de SIEG confiées à PP par la loi postale polonaise répondaient aux exigences de service définies dans la directive postale et eu égard auxquelles une consultation publique avait, en tout état de cause, eu lieu, en application du point 14 de l’encadrement SIEG.

51      Enfin, cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments des requérantes visant, d’une part, le fait que « le relèvement du plafond des contributions à 2 % [aurait eu] pour seule et unique raison d’éviter de solliciter le budget du trésor public » et, d’autre part, le fait que les opérateurs de service de courrier auraient également dû contribuer au financement du fonds de compensation. À cet égard, il suffit de constater que ces arguments sont inopérants aux fins du premier grief tiré d’une méconnaissance des exigences de transparence de la procédure fixées au point 14 de l’encadrement SIEG.

52      Compte-tenu de ce qui précède, le premier grief de ce deuxième moyen doit être écarté.

b)      Sur le second grief

53      S’agissant du second grief, il convient de rappeler les termes du point 60 de l’encadrement SIEG, qui est libellé comme suit :

« Pour chaque compensation de SIEG relevant du champ d’application de la présente communication, l’État membre concerné doit publier les informations suivantes sur l’internet ou par un autre moyen approprié :

a)      les résultats de la consultation publique ou d’autres moyens appropriés visés au point [14] ;

[…] »

54      Or, il suffit à cet égard de relever que, au considérant 158 de la décision attaquée, la Commission a constaté, sans erreur de fait, que la loi postale polonaise avait été publiée. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne découle pas du point 60 de l’encadrement SIEG une obligation pour l’État membre de publier les résultats des consultations publiques séparément. Enfin, il ressort des considérations exposées aux points 46 à 50 ci-dessus que la Commission pouvait valablement estimer que les exigences de transparence visées au point 14 de l’encadrement SIEG avaient été respectées, de sorte que sa conclusion correspondante figurant au considérant 160 de la décision attaquée est dépourvue d’erreur.

55      Dès lors, compte tenu de ce qui précède, le second grief doit être également écarté et, en conséquence, et sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, l’ensemble du deuxième moyen.

3.      Sur le troisième moyen, tiré, d’une part, d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE en ce que la Commission aurait méconnu le point 52 de l’encadrement SIEG et, d’autre part, d’une violation de l’article 7, paragraphes 1 et 3 à 5, de la directive postale

56      Par leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu le point 52 de l’encadrement SIEG ainsi que l’article 7, paragraphes 1 et 3 à 5, de la directive postale. En substance, les modalités du fonds de compensation seraient discriminatoires, disproportionnées et auraient été adoptées selon une procédure non transparente. En outre, elles estiment que la Commission n’a pas procédé à un examen en bonne et due forme afin de déterminer si les obligations de service universel faisaient supporter un coût net à PP et constituaient une charge financière « inéquitable » pour cette entreprise, au sens de l’article 7, paragraphe 3, de la directive postale.

57      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la décision attaquée que le montant de la contribution des opérateurs postaux appelés à contribuer au fonds de compensation est fixé à un certain pourcentage de leur chiffre d’affaires pertinent. Le chiffre d’affaires pris en considération est le chiffre d’affaires provenant, durant l’année de référence, des prestations de service universel (pour le prestataire de service universel) et des prestations de services équivalents (pour le prestataire de service universel ainsi que pour tous les autres opérateurs postaux appelés à contribuer au fonds de compensation). Les opérateurs postaux ayant réalisé un chiffre d’affaires pertinent inférieur à 1 million de PLN durant l’année de référence sont cependant exemptés de contribution au fonds de compensation. Quant au pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution, il est uniforme pour l’ensemble des opérateurs appelés à contribuer au fonds de compensation et plafonné à 2 % de leur chiffre d’affaires pertinent. Ce pourcentage est calculé en effectuant un ratio entre, d’une part, le montant total de la compensation due au prestataire de service universel et, d’autre part, le total du chiffre d’affaires pertinent réalisé par l’ensemble des opérateurs postaux appelés à contribuer au fonds de compensation durant l’année de référence (considérants 164, 165 et 170 de la décision attaquée).

58      Aux termes de la loi postale polonaise, le calcul du montant total de la compensation est arrêté par décision du régulateur postal polonais (ci-après l’« UKE »), après vérification par un expert indépendant des calculs et des pièces comptables justificatives soumis par PP (considérant 18 de la décision attaquée). À cet égard, le coût net des obligations de service universel de PP n’ouvre droit à compensation que si les prestations de service universel ont effectivement conduit à une perte comptable (considérant 16 de la décision attaquée). Si une compensation doit être versée à PP, l’UKE fixe également le montant individuel de la compensation pour chaque opérateur postal appelé à contribuer au fonds de compensation (considérant 19 de la décision attaquée).

59      Compte tenu de ces modalités, la Commission a considéré que la méthodologie utilisée pour calculer le montant de la compensation auquel avait droit PP satisfaisait aux exigences de l’encadrement SIEG, dans la mesure où PP ne recevrait de compensation que si ses obligations de service universel entraînaient un coût net et représentaient un fardeau inéquitable (considérant 152 de la décision attaquée). La Commission a également considéré que le montant de la compensation et le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution satisfaisaient aux principes de non-discrimination et de proportionnalité (considérants 166 et 171 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a considéré que les modalités du fonds de compensation étaient transparentes dans la mesure où elles avaient été publiées à l’avance dans la loi postale polonaise (considérant 176 de la décision attaquée).

60      En conséquence, la Commission a conclu que la mesure en cause ne produisait pas de graves distorsions de concurrence et était compatible avec les règles en matière d’aides d’État (considérant 177 de la décision attaquée).

a)      Sur la portée du troisième moyen et son caractère opérant au regard du grief pris de la violation de l’article 7 de la directive postale

61      Par leur troisième moyen, les requérantes soutiennent notamment que la Commission aurait méconnu l’article 7, paragraphes 1 et 3 à 5, de la directive postale.

62      La Commission conclut au rejet du moyen dans son ensemble. En particulier, elle soutient que le troisième moyen est inopérant dans la mesure où il est tiré d’une éventuelle violation de l’article 7 de la directive postale. En effet, eu égard au contenu et à l’étendue de son contrôle de compatibilité sur les aides d’État, la Commission ne devrait appliquer que les règles spécifiques à ce domaine, sans avoir également à vérifier la conformité de la mesure notifiée avec d’autres règles de l’Union, soit, en l’occurrence, avec la directive postale.

63      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la Commission fait application de la procédure relative au contrôle des aides d’État, elle est tenue, en vertu de l’économie générale du traité, de respecter la cohérence entre les dispositions régissant cette matière et les dispositions spécifiques autres que celles relatives aux aides d’État et, ainsi, d’apprécier la compatibilité de l’aide en cause avec ces dispositions spécifiques (voir arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 181 et jurisprudence citée).

64      Toutefois, une telle obligation s’impose à la Commission uniquement en ce qui concerne les modalités d’une aide qui sont à ce point indissociablement liées à l’objet de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément. Elle ne s’impose pas, en revanche, s’agissant de conditions ou d’éléments d’une aide qui, bien que faisant partie de l’aide, peuvent être considérés comme n’étant pas nécessaires à la réalisation de son objet ou à son fonctionnement (voir arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 182 et jurisprudence citée).

65      En effet, une obligation de la Commission de prendre position de manière définitive, quel que soit le lien entre les modalités et l’objet de l’aide en cause, dans le cadre d’une procédure relative au contrôle des aides d’État, sur l’existence ou l’absence d’une violation des dispositions du droit de l’Union distinctes de celles relevant des articles 107 et 108 TFUE, le cas échéant, lus conjointement avec l’article 106 TFUE, se heurterait, d’une part, aux règles et aux garanties procédurales – en partie très divergentes et impliquant des conséquences juridiques distinctes – qui sont propres aux procédures spécialement prévues pour le contrôle de l’application de ces dispositions et, d’autre part, au principe d’autonomie des procédures administratives et des voies de recours. Une telle obligation se heurterait également à la dérogation aux règles du traité posée par l’article 106, paragraphe 2, TFUE, laquelle ne pourrait jamais produire ses effets si son application devait en même temps assurer le plein respect des règles auxquelles elle est censée déroger (voir arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 183 et jurisprudence citée).

66      Ainsi, si les modalités de l’aide en cause sont indissociablement liées à son objet, sa conformité avec les dispositions autres que celles relatives aux aides d’État sera appréciée par la Commission dans le cadre de la procédure prévue par l’article 108 TFUE et cette appréciation pourra aboutir à une déclaration d’incompatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur. En revanche, si les modalités de l’aide en cause peuvent être détachées de son objet, la Commission n’est pas tenue d’apprécier sa conformité avec les dispositions autres que celles relatives aux aides d’État dans le cadre de la procédure prévue par l’article 108 TFUE (voir arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 184 et jurisprudence citée).

67      Par ailleurs, il convient également de rappeler qu’il a déjà été jugé que le mode de financement d’une aide peut rendre l’ensemble du régime étatique en cause incompatible avec le marché intérieur, de sorte que, dans ce cas, la Commission est obligée d’examiner l’aide en prenant également en considération les effets économiques et juridiques que son financement est susceptible de produire (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 48).

68      En l’espèce, il convient de constater que la mesure d’aide en cause vise à couvrir le coût net des obligations de service universel de PP au moyen d’un fonds de compensation alimenté par des contributions imposées à certains opérateurs postaux.

69      Or, au considérant 163 de la décision attaquée, la Commission a expressément considéré qu’il était nécessaire d’examiner les modalités du fonds de compensation en détail afin d’apprécier la compatibilité de la mesure d’aide en cause. En particulier, elle a considéré que « la fixation des contributions des opérateurs postaux à un niveau approprié (c’est-à-dire à un niveau proportionné et non discriminatoire) [était] particulièrement importante » (considérant 163 de la décision attaquée).

70      De plus, la Commission s’est elle-même référée explicitement non seulement à la directive postale, mais également à la compatibilité de la mesure en cause avec ladite directive, dans la partie de la décision attaquée relative à l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause (considérants 122, 137, 139, 152 et 163 de la décision attaquée).

71      Par conséquent, contrairement à ce que soutient la Commission, les modalités de financement nécessaires au fonctionnement du fonds de compensation sont indissociablement liées à l’objet de l’aide elle-même, à savoir la compensation pour PP de ses obligations de service universel. Ainsi, sans préjudice de la portée du contrôle que la Commission était tenue d’effectuer à cet égard en l’espèce, son argumentation concluant au caractère inopérant du troisième moyen en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 7 de la directive postale doit être rejetée.

72      Il y a donc lieu d’examiner le troisième moyen dans son intégralité, lequel comporte en substance quatre branches. Par la première branche, les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe de non-discrimination et d’autres dispositions en considérant qu’il était possible d’appliquer uniformément le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution aux prestataires de services universels et aux prestataires de services équivalents (voir considérants 166 de la décision attaquée). Par la deuxième branche, les requérantes soutiennent que la Commission a violé le principe de proportionnalité en considérant que le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution ainsi que le seuil de revenus de 1 million de PLN étaient appropriés (voir considérants 168 et 171 de la décision attaquée). Par la troisième branche, les requérantes critiquent la conclusion de la Commission aux termes de laquelle le mécanisme du fonds de compensation était transparent (voir considérant 176 de la décision attaquée). Par la quatrième branche, les requérantes soutiennent que la Commission s’est trompée, d’une part, en ne procédant pas à un examen approprié de la mesure afin de déterminer si les obligations de service universel faisaient supporter un coût net à PP et constituaient une charge financière « inéquitable » pour cette entreprise et, d’autre part, en considérant que les pertes subies par PP constituaient une telle charge financière inéquitable (considérant 152 de la décision attaquée).

b)      Sur la première branche, tirée du caractère prétendument discriminatoire du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution

73      En substance, les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant que l’application uniforme du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution aux prestataires de services universels et aux prestataires de services équivalents respectait le principe de non-discrimination (considérant 166 de la décision attaquée). Ce faisant, la Commission aurait violé le point 52 de l’encadrement SIEG, l’article 7, paragraphes 3 à 5, de la directive postale ainsi que le principe de non-discrimination.

74      À l’appui de cette première branche, les requérantes soulèvent deux arguments. D’une part, elles font valoir que les prestataires de services universels et les prestataires de services équivalents ne sont pas dans une situation comparable et que, par conséquent, l’application uniforme du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution viole le principe de non-discrimination. D’autre part, les requérantes soutiennent que les prestataires de services de courrier, au sens de courrier exprès, se trouvent dans une situation comparable à celle des opérateurs postaux appelés à contribuer au fonds de compensation et que, par conséquent, leur exemption de l’obligation de contribuer au fonds de compensation viole le principe de non-discrimination.

75      En l’espèce, il résulte tant du considérant 163 de la décision attaquée, mettant en œuvre le point 52 de l’encadrement SIEG, que de l’article 7, paragraphe 5, de la directive postale que la détermination des opérateurs postaux appelés à contribuer au fonds de compensation doit satisfaire au principe de non-discrimination.

76      À cet égard, selon une jurisprudence établie, le principe de non-discrimination, également appelé principe d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Le caractère comparable de situations différentes s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir arrêt du 12 décembre 2014, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português/Commission, T‑487/11, EU:T:2014:1077, point 139 et jurisprudence citée).

77      Premièrement, s’agissant de l’objet de la mesure en cause, il est constant qu’elle vise à compenser pour PP le coût net résultant de ses obligations de service universel et à financer cette compensation au moyen d’un fonds de compensation auxquels sont tenus de contribuer certains opérateurs postaux (considérant 12 de la décision attaquée).

78      Deuxièmement, afin de déterminer quelles entreprises pourraient être appelées à cotiser au fonds de compensation, il convient de relever que le considérant 27 de la directive postale dispose que les États membres devraient examiner si les services qu’elles fournissent peuvent, du point de vue de l’utilisateur, être considérés comme des services relevant du service universel du fait qu’ils présentent un degré suffisant d’interchangeabilité avec celui-ci, compte tenu de leurs caractéristiques, y compris des aspects sur lesquels ils apportent une valeur ajoutée, ainsi que de l’usage et de la tarification qui leur sont réservés.

79      C’est au regard de ces principes qu’il convient de vérifier, d’une part, si le prestataire de service universel et les prestataires de services équivalents sont dans une situation comparable et, d’autre part, si les opérateurs postaux appelés à contribuer au fonds de compensation et les prestataires de services de courrier, au sens de courrier exprès, sont dans une situation comparable.

1)      Sur la comparaison entre l’opérateur de service universel et les opérateurs de services équivalents

80      Les requérantes soutiennent que l’application uniforme du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution aussi bien aux opérateurs de service universel qu’aux prestataires de services équivalents revêt un caractère discriminatoire en ce que la situation des uns serait différente de celle des autres.

81      Cela serait particulièrement le cas quand le marché sur lequel opèrent les prestataires de service universel ne compte, en définitive, qu’un seul opérateur, en l’espèce PP, et ne serait donc pas véritablement concurrentiel, à la différence du marché auquel les prestataires de services équivalents peuvent accéder et sur lequel ils peuvent exercer leurs activités. Grâce à la gestion de service universel dont il a été chargé, PP générerait d’ailleurs proportionnellement plus de revenus que ceux relevant des services équivalents, lesquels, étant soumis à la concurrence, ne sauraient produire que des marges de profit nettement inférieures. Dans ces deux types de marché distincts, les opérateurs concernés ne sauraient donc être soumis au même taux de contribution. Les modalités de fonctionnement du fonds de compensation seraient d’autant plus discriminatoires qu’elles permettraient à PP de récupérer, par le biais du financement du coût net des services universels, la marge que ce même prestataire perdrait, le cas échéant, sur le marché des services équivalents, en lui permettant ainsi de proposer des tarifs anormalement bas et d’exclure, pratiquement, toute forme de concurrence, notamment lors des procédures de passation de marché public mettant les entreprises intéressées en concurrence les unes avec les autres.

82      La Commission rétorque que les requérantes sont, au contraire, dans une situation essentiellement comparable à celle de PP dans la mesure où les services postaux universels et équivalents constitueraient un seul marché étant donné que tous les opérateurs concernés exercent, en définitive, le même type d’activité économique.

83      La République de Pologne fait valoir que l’application uniforme du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution ne peut pas être, en l’espèce, discriminatoire, car, s’appliquant à des opérateurs ayant des revenus différents selon les services équivalents fournis, une telle compensation ne saurait aboutir à un traitement discriminatoire, ces opérateurs agissant dans des situations de marché différentes.

84      À cet égard, premièrement, il convient de constater que les services postaux universels et les services postaux équivalents présentent des caractéristiques similaires. Ainsi, force est de constater que, conformément à l’article 2 de la loi postale polonaise, les services postaux équivalents comprennent, en particulier, les envois de lettres et de colis postaux, dont le poids et les dimensions sont les mêmes que ceux prévus pour les services universels. Par conséquent, même si les prestataires de services équivalents peuvent chercher à se différencier des services universels par des prestations supplémentaires ou l’octroi de rabais, il n’en reste pas moins vrai que les services universels et les services équivalents doivent être considérés comme interchangeables du point de vue des consommateurs au regard de leurs caractéristiques intrinsèques.

85      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que l’objet de la mesure en cause est de compenser pour le prestataire du service universel le coût net découlant de ses obligations de service universel. Or, la mesure en cause n’ouvrant ce droit à compensation qu’à la condition que les prestations de service universel conduisent à des pertes comptables, la compensation de ces pertes ne peut, par définition, se faire qu’au moyen de revenus autres que ceux provenant des prestations de service universel. Par conséquent, en calculant le montant de la contribution à charge de PP sur la base du chiffre d’affaires résultant non seulement de ses prestations de services équivalents, mais également de celles liées à ses obligations de service universel, la mesure en cause impose en réalité à PP de verser au fonds de compensation une contribution d’un pourcentage plus élevé de son chiffre d’affaires provenant de ses prestations de services équivalents que la contribution de 2 % imposée aux autres prestataires de services équivalents.

86      Troisièmement, il convient de constater que les allégations des requérantes quant à d’éventuelles pratiques de prix prédateurs et de subventions croisées de la part de PP sont dénuées de pertinence au titre de la présente affaire. De tels comportements, qui pourraient être examinés au regard des articles 101 et 102 TFUE, sont sans pertinence pour l’examen de la conformité de la mesure en cause au regard du régime de contrôle des aides d’État.

87      À la lumière de ce qui précède, le grief relatif à l’application uniforme du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution aussi bien aux opérateurs de service universel qu’aux prestataires de services équivalents doit être rejeté.

2)      Sur la comparaison avec les services de courrier

88      Les requérantes soutiennent que l’obligation qui leur est faite de contribuer au fonds de compensation est discriminatoire, car les prestataires de services de courrier, au sens de courrier exprès, ne sont pas concernés par cette obligation alors qu’ils se trouvent dans une situation comparable à la leur.

89      Les requérantes font valoir, en particulier, que de tels services « englobent des services d’envoi de lettres et de colis postaux, dont le poids et les dimensions sont les mêmes que pour les services universels ». Ces services de courrier seraient donc interchangeables avec les services universels au regard des critères posés par la directive postale, notamment au considérant 27 de celle-ci. Il en irait ainsi de leur usage, de leur tarif ou encore des conditions de leur prestation, telles que l’obligation de respecter un délai déterminé pour la distribution des envois qui s’imposerait à l’ensemble des services postaux, tout comme du suivi des envois, qui ne serait plus réservé à ces services de courrier et ferait partie des services standards fournis par les prestataires de services universels ou de services équivalents. Enfin, les prix des services de courrier ne seraient pas « considérablement différents de ceux des services universels, voire [seraient] même, dans de nombreux cas, inférieurs ».

90      La Commission et la République de Pologne font valoir que ces services de courrier ne sont pas comparables aux services équivalents. Ainsi, selon la Commission, seuls les premiers prévoient, d’une part, la collecte de l’envoi postal directement auprès de l’expéditeur et, d’autre part, la remise de ce même envoi en mains propres au destinataire. En outre, selon la République de Pologne, la différence entre ces deux services réside, notamment, dans le prix. Ce dernier distingue les services de courrier des services postaux universels, car les premiers sont nécessairement plus chers que les seconds.

91      À cet égard, en premier lieu, il convient d’observer que les services de courrier, au sens de courrier exprès, se distinguent des services postaux universels par leurs caractéristiques.

92      En effet, les services de courrier exprès se distinguent du service postal universel par la valeur ajoutée qui est apportée au bénéfice de chaque client, valeur pour laquelle cet utilisateur accepte, en effet, de payer une somme plus élevée. De tels services correspondent, donc, à des offres commerciales spécifiques, dissociables du service d’intérêt général et qui répondent à des besoins particuliers exigeant certaines prestations supplémentaires que le service postal traditionnel n’offre pas (arrêt du 15 juin 2017, Ilves Jakelu, C‑368/15, EU:C:2017:462, point 24).

93      Ainsi, selon la jurisprudence de la Cour, la collecte à domicile associée à une plus grande rapidité ou flexibilité dans la distribution ainsi que dans la remise de l’objet postal auprès du destinataire sont des prestations spécifiques clairement dissociables du « service postal traditionnel », ce dernier étant défini comme un service au profit de tous les usagers, sur l’ensemble du territoire de l’État membre concerné, à des tarifs uniformes et à des conditions de qualité similaires (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 1993, Corbeau, C‑320/91, EU:C:1993:198, points 15 et 19).

94      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, de telles appréciations restent valables à l’heure actuelle. Les requérantes ne démontrent d’ailleurs pas en quoi « les changements et les transformations […] intervenus sur le marché des services postaux » depuis 1993, date de l’arrêt mentionné au point 93 ci-dessus, les auraient rendues caduques.

95      Premièrement, seul le service de courrier exprès prévoit la collecte directe de l’objet postal auprès de l’expéditeur ainsi que la remise en mains propres de cet objet au destinataire concerné. Ces prestations constituent une valeur ajoutée du point de vue de l’utilisateur en comparaison avec les services postaux universels qui obligent les utilisateurs à apporter eux-mêmes le courrier à un point de collecte et se limitent à déposer ledit courrier dans la boîte aux lettres à l’adresse indiquée du destinataire.

96      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ni la possibilité d’envois recommandés contre accusé de réception et possibilité de suivi ni la « multiplication [sur le marché] des points de dépôts et de réception des envois » destinés aux services de courrier ne permettent de conclure à l’existence d’un degré suffisant d’interchangeabilité des services universels et des services de courrier pour les considérer comme faisant partie d’un seul et même marché. D’une part, s’agissant des envois recommandés avec accusé de réception, ils ne représentent pas la grande majorité des envois couverts par le service universel et ils continuent à obliger les utilisateurs à apporter eux-mêmes le courrier à un point de collecte. D’autre part, s’agissant des points de dépôts et de réception des envois, ils ne constituent que des services supplémentaires au regard des services de collecte à domicile et de remise en mains propres aux destinataires de l’objet postal qui leur a été confié.

97      Deuxièmement, même si le respect des délais d’envoi s’imposait à l’ensemble des services postaux, y compris les services de courrier, force est de constater que ces services offrent également des possibilités d’envoi beaucoup plus rapides. Or, ces prestations constituent également une valeur ajoutée du point de vue de l’utilisateur en comparaison avec les services postaux universels.

98      Par conséquent, les services de courrier exprès, en raison précisément de la spécificité de leurs prestations et de leur valeur ajoutée, ne sauraient être considérés comme interchangeables avec les services postaux universels.

99      En deuxième lieu, les requérantes ont également soutenu que, au sein de certains États membres, l’obligation de financer le coût net du service postal universel incomberait à l’ensemble des prestataires de services postaux et que, par conséquent, les prestataires de services de courrier se trouveraient dans une situation comparable aux autres prestataires de services relevant du service universel.

100    Or, le rapport intitulé « l’institution de l’opérateur postal désigné dans l’Union européenne » de l’Instytut Pocztowy, fourni en annexe à la requête, sur lequel les requérantes s’appuient, ne suffit pas pour étayer une telle affirmation. En effet, si ce rapport indique qu’une contribution à un fonds de compensation peut être demandée, en France et en Espagne, à « tous les opérateurs », au Portugal, à « tous les opérateurs licenciés », en Autriche, à « tous les opérateurs licenciés dont les revenus excèdent 1 million d’euros », et, en Grèce, à « tous les opérateurs postaux autorisés », il y a lieu de relever qu’il ne présente pas de données qui permettraient d’identifier précisément les prestataires susceptibles de contribuer effectivement aux différends fonds de compensation, comme, par exemple, le calcul de la contribution de chaque prestataire dans les pays en question. Ainsi, quand bien même tous les prestataires de services postaux devraient contribuer au fonds de compensation, si la contribution de chaque prestataire est calculée au prorata du nombre d’envois postaux qu’il achemine dans le champ du service universel, les prestataires de services de courrier pourraient se voir de fait dispensés de contribuer. Au demeurant, interrogée sur ce point lors de l’audience, la Commission a affirmé qu’elle avait examiné la pratique des États membres à ce sujet et était parvenue à la conclusion, d’ailleurs non contredite par les requérantes, qu’aucun des États pour lesquels elle disposait d’informations ne considérerait, à ce jour, que les services de courrier, au sens de courrier exprès, fussent équivalents au service postal universel. Quoiqu’il en soit, force est de constater que les considérations figurant aux points 91 à 98 ci-dessus et concernant la spécificité de ces services permettent à elles seules de rejeter l’argument avancé ici par les requérantes.

101    En troisième lieu, est également dénué de pertinence pour apprécier le respect du principe de non-discrimination l’argument selon lequel la répartition de l’obligation de contribuer au fonds de compensation mis en place dans le secteur parallèle des télécommunications serait plus uniforme que celle appliquée dans le secteur postal. Si une telle circonstance est susceptible, à la supposer pertinente, d’être prise en compte quant à l’appréciation du caractère proportionné ou non du taux de contribution retenu (voir points 135 et suivants ci-après), elle est, en revanche, sans incidence sur le grief tiré du caractère prétendument discriminatoire du fonds de compensation mis en place dans le secteur postal, qui doit être apprécié entre les seuls opérateurs actifs dans ce secteur.

102    Dans ces conditions, il convient de conclure que l’exclusion des services de courrier du financement du fonds de compensation ne constitue pas une atteinte au principe de non-discrimination. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer, au considérant 166 de la décision attaquée, que l’application uniforme du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution à l’ensemble des opérateurs du marché des services postaux sur leurs prestations de services universels ou équivalents garantissait une contribution non discriminatoire, chaque opérateur contribuant, en effet, en proportion des revenus tirés de ses propres activités.

103    Compte tenu de ce qui précède, la première branche doit être rejetée dans son ensemble.

c)      Sur la deuxième branche, tirée du caractère prétendument disproportionné du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution et du seuil de revenus soumis à contribution

104    En substance, les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant que le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution, soit 2 % du chiffre d’affaires pertinent, et le seuil de revenus de 1 million de PLN étaient appropriés (voir considérants 168 et 171 de la décision attaquée). Elles soutiennent que ces modalités du système envisagé ont eu pour effet de « verrouiller le marché des services postaux, ou du moins [ont provoqué] des distorsions importantes de la concurrence ».

105    À cet égard, les requérantes font valoir que le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution aurait été déterminé sans que les autorités polonaises aient recueilli suffisamment d’informations, en l’absence notamment d’études de marché sérieuses, et sans qu’elles aient consulté l’ensemble des acteurs concernés. Ce pourcentage n’aurait été déterminé que dans le but de ne pas recourir à un financement public pour assurer la viabilité du fonds de compensation.

106    L’absence de proportionnalité du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution serait par ailleurs confirmée par le fait que le fonds de compensation prévu dans le cadre du marché parallèle des services de télécommunications prévoit un taux maximal de contribution qui ne serait que de 1 % des revenus, et non de 2 %.

107    Les requérantes ajoutent que, contrairement à ce qu’indique la Commission au considérant 167 de la décision attaquée, le taux de 2 % n’aurait pas été fixé lors de la phase de consultation publique, mais après la fin de ces concertations.

108    En outre, s’agissant du seuil de revenus à partir duquel la contribution est obligatoire, les requérantes contestent la pertinence de la méthode retenue par les autorités polonaises qui a été validée par la Commission. Cette méthode consisterait à apprécier ce seuil en faisant référence à celui retenu pour les opérateurs de télécommunications et en y affectant un coefficient correcteur pour tenir compte de la taille plus réduite du marché postal, dont la rentabilité et les revenus seraient moindres. Pour les requérantes, toutefois, aucun coefficient correcteur n’aurait dû être appliqué et le même seuil que celui retenu pour le marché parallèle des télécommunications, à savoir 4 millions de PLN, aurait dû être retenu par les autorités polonaises. Tout comme la solution adoptée pour le marché des télécommunications, le seuil aurait dû englober les revenus générés par l’ensemble des activités du secteur postal, et non uniquement ceux relevant des services universels. En définitive, le seuil de revenus retenu priverait de rentabilité l’activité des requérantes sur le secteur des services équivalents, alors que ces dernières sont néanmoins contraintes de contribuer au fonds de compensation.

109    Enfin, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas les avoir consultées sur le niveau de leurs revenus et bénéfices tirés des services équivalents, de sorte que cette institution aurait, également pour ce motif, erronément interprété les données communiquées par les autorités polonaises.

110    La Commission conclut au rejet de ce grief. Elle fait valoir que le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution retenu pour financer le service universel dans le secteur des services de télécommunications ainsi que le seuil de revenus applicable aux sociétés opérant sur ce marché ne sauraient être les mêmes que ceux applicables au financement du service postal universel, puisque le secteur parallèle des télécommunications génère, du fait de la nature et de l’étendue de ses services, des revenus et des bénéfices plus élevés que le secteur postal.

111    En outre, le défaut de consultation de l’ensemble des opérateurs de la part des autorités polonaises, à le supposer établi, ne saurait être utilement invoqué à l’encontre de la décision attaquée. En tout état de cause, eu égard aux données dont la Commission disposait quand elle a adopté la décision attaquée, les modalités de compensation pouvaient être considérées comme étant suffisamment adéquates. Ces données concerneraient, notamment, le niveau de rentabilité de 7,6 % du groupe Integer.pl, auquel appartiennent les requérantes, ainsi que le niveau de rentabilité de 5,5 % enregistré pour PP et le seuil de revenus, dans la mesure où le seuil de 1 million de PLN aurait permis à tout nouvel opérateur, compte tenu notamment de la structure concrète du marché des services postaux, de retarder le moment de sa contribution au fonds de compensation et de ne pas, dès lors, décourager d’autres opérateurs d’entrer éventuellement sur le marché.

112    La République de Pologne soutient, en substance, que le taux de contribution n’était pas disproportionné dans la mesure où il n’exposait pas les concurrents au risque d’être évincés du marché des services postaux, ni ne dissuadait les nouveaux opérateurs d’y entrer librement.

113    À titre liminaire, il convient de relever que l’argumentation des requérantes ne porte pas sur le caractère proportionné de la compensation accordée à PP en tant que prestataire du service universel, mais uniquement sur ses modalités de financement. En particulier, les requérantes contestent le bien-fondé des appréciations de la Commission selon lesquelles le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution (soit un taux de 2 %) et un seuil de revenus fixé à 1 million de PLN satisfont au principe de proportionnalité.

114    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le contrôle de proportionnalité constitue un des contrôles qu’il incombe à la Commission d’effectuer dans le cadre de sa vérification de la compatibilité d’une mesure d’aide d’État avec les dispositions de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 147).

115    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le contrôle du caractère proportionné d’une mesure visant à exécuter une mission de SIEG se limite à vérifier si la mesure prévue est nécessaire pour que la mission de SIEG en cause puisse être accomplie dans des conditions économiquement acceptables ou, inversement, si la mesure en cause est manifestement inappropriée au regard de l’objectif poursuivi (voir arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 150 et jurisprudence citée).

116    De même, s’agissant du contrôle exercé par le Tribunal sur des appréciations faites par la Commission dans une décision adoptée à l’issue de la procédure préliminaire d’examen, il y lieu de rappeler que celui-ci doit être effectué en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle a arrêté une telle décision (voir arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 81 et jurisprudence citée).

1)      Sur le caractère proportionné du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution

117    Il ressort du dossier que, à l’issue de la procédure préliminaire d’examen et en l’absence de données détaillées relatives aux taux de rentabilité des opérateurs postaux appelés à contribuer au fonds de compensation, la Commission s’est principalement fondée, aux fins de déterminer le caractère proportionné du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution, sur le taux de rentabilité de PP en matière de services équivalents et sur des décisions antérieures concernant d’autres États membres (considérants 167 à 169 de la décision attaquée).

118    À cet égard, premièrement, la Commission était en droit de prendre en considération le taux de rentabilité de PP en matière de services équivalents. Certes, comme elle l’a reconnu dans la note en bas de page no 66, à laquelle renvoie le considérant 168 de la décision attaquée, une telle comparaison peut sembler imparfaite au motif que PP bénéficie d’économies d’échelle dont ne bénéficient pas les autres opérateurs tenus de contribuer au fonds de compensation. La Commission pouvait néanmoins raisonnablement considérer que les autres opérateurs étaient susceptibles d’atteindre un taux de rentabilité semblable à celui de PP, l’opérateur public historique, grâce à leur efficacité, à leur efficience et à leur flexibilité plus importantes et, partant, à leur plus grande capacité à se concentrer sur les segments les plus rentables du marché (voir note en bas de page no 66 de la décision attaquée).

119    Cette appréciation est d’autant plus plausible que le taux de rentabilité pris en considération par la Commission, à savoir un taux d’environ 5,5 %, était semblable à celui ressortant d’études réalisées dans le cadre de précédentes décisions de la Commission, relatives à la Grèce et à la Belgique, concernant des opérateurs postaux historiques d’autres États membres, qui sont évoquées dans la note en bas de page no 67, à laquelle renvoie le considérant 168 de la décision attaquée. Par ailleurs, à supposer même que la Commission ne bénéficiât pas d’une grande expérience dans le secteur des services postaux, elle disposait toujours des informations tirées de l’expérience acquise dans le cadre de ces décisions. Lors de l’examen du fonds de compensation grec, la Commission a constaté, par exemple, que la contribution maximale demandée aux concurrents de l’opérateur historique serait supérieure aux propres bénéfices dudit opérateur dans les zones urbaines, qui étaient de plus un secteur réservé, ce qui l’a amenée à ouvrir à cet égard la procédure formelle d’examen. En l’espèce, en revanche, la Commission pouvait légitimement constater que le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution n’excédait pas le taux de rentabilité de 5,5 %.

120    En outre, il y a lieu de constater que la critique des requérantes à l’encontre de la prise en compte du taux de rentabilité de PP pour apprécier le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution est contredite par les taux de rentabilité qu’elles mentionnent elles-mêmes dans leurs requêtes. Elles indiquent ainsi avoir atteint un taux de rentabilité de 5,6 % pour leur activité de prestation de services postaux en 2013, qui est la seule année pertinente pour le présent litige et pour laquelle les requérantes étaient appelées à contribuer au fonds de compensation. Or, même à considérer que ces taux concernent l’ensemble des activités postales des requérantes et non uniquement leurs prestations de services équivalents, les requérantes admettent néanmoins que ces taux « permet[tent] de présenter également les résultats de cette branche d’activités », c’est-à-dire celle des services équivalents, en raison « de la structure homogène des coûts ».

121    À cet égard, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas de la décision attaquée, et notamment de son considérant 168, que la Commission ait estimé que les opérateurs appelés à contribuer au fonds de compensation atteindraient un taux de rentabilité de 5,5 % pour leurs prestations de services équivalents après déduction de la contribution au fonds de compensation. Au contraire, il ressort des dossiers en question que l’analyse de la Commission a tenu compte du taux de rentabilité de tels services avant, et non après, l’application du taux de contribution.

122    De même, la circonstance que le taux de rentabilité du groupe Integer.pl, mentionné par la Commission à la note en bas de page no 68 à l’appui de son raisonnement, concerne l’ensemble des activités générées par ce groupe, et non uniquement celles relevant des services équivalents, ne saurait suffire à remettre en cause la plausibilité de l’appréciation effectuée par la Commission dans la décision attaquée. Force est de constater que la Commission ne prétend pas qu’il s’agisse du taux de rentabilité pour le secteur des services équivalents, mais du taux de rentabilité pour l’intégralité du groupe, qui comprend huit sociétés, dont deux sont en concurrence directe avec PP en offrant des services équivalents. Par conséquent, si le taux de rentabilité global du groupe Integer.pl ne permet pas en soi d’étayer le raisonnement de la Commission relatif au pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution, il constitue un indice susceptible de renforcer la plausibilité de la thèse selon laquelle une rentabilité d’environ 5,5 % pouvait vraisemblablement être atteinte par les concurrents de PP dans le secteur des services équivalents.

123    Deuxièmement, la Commission n’a pas commis d’erreur en n’infirmant pas son raisonnement au vu des informations fournies par l’Ogólnopolski Związek Pracodawców Niepublicznych Operatorów Pocztowych (syndicat national des employeurs d’opérateurs postaux non publics, ci-après l’« OZPNOP »), dans un courrier adressé aux services de cette institution le 24 juillet 2015, où il est fait référence, d’une part, à une lettre d’Inpost présentée devant les autorités polonaises lors des travaux législatifs ayant conduit à l’adoption de la loi postale, dans laquelle Inpost faisait valoir que « le seuil de rentabilité [des services postaux en Pologne] se [situait] à l’heure actuelle entre 1 et 2,5 % des bénéfices », et, d’autre part, à l’intervention du représentant de l’OZPNOP devant les autorités polonaises le 5 décembre 2012, où celui-ci indiquait que, « [à] ce jour, la rentabilité ou seuil de rentabilité des opérateurs commerciaux […] oscill[ait] entre 1 et 2,5 % ».

124    En effet, il s’avère que le taux de rentabilité évoqué dans le courrier de l’OZPNOP à la Commission était calculé en considération de l’ensemble des opérateurs postaux, alors que les seuls opérateurs appelés à contribuer au fonds de compensation sont les plus grands acteurs de ce secteur, ceux dont le chiffre d’affaire dépasse le million de PLN. La Commission était donc en droit de considérer qu’un tel taux représentait moins fidèlement la situation à apprécier que le taux de rentabilité de PP en matière de services équivalents ou les taux de rentabilité observés dans d’autres États membres. Au demeurant, il n’est pas contesté que le taux de rentabilité évoqué par l’OZPNOP ne concerne que la seule année 2012 et ne couvre donc pas la période visée par la décision attaquée.

125    En tout état de cause, les requérantes ont omis de présenter, en cours d’instance, des éléments susceptibles d’établir tant la réalité que la pertinence du taux de rentabilité moyen évoqué dans le courrier de l’OZPNOP à la Commission. En particulier, elles n’ont jamais fait état de leur propre taux de rentabilité, en comparaison notamment des taux utilisés par la Commission pour apprécier le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution.

126    Troisièmement, s’agissant de l’argument tiré de ce que le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution au fonds de compensation prévu dans le secteur parallèle des télécommunications n’est que de 1 %, une telle circonstance ne saurait suffire à établir qu’un taux fixé à 2 % dans le secteur postal serait disproportionné.

127    En effet, il ne ressort pas du dossier que ces secteurs soient comparables aussi bien en termes d’opérateurs qu’en termes de revenus générés. À cet égard, contrairement à ce que les requérantes avancent dans les répliques, un seuil de revenus inférieur ne justifierait pas l’application d’un taux également inférieur, mais impliquerait, à l’inverse, l’application d’un taux supérieur afin précisément de compenser une assiette moins large.

128    Par conséquent, la Commission pouvait considérer qu’il était raisonnable de prendre en considération un taux de rentabilité de l’ordre de 5,5 % en matière de services universels ou équivalents en Pologne et que, par voie de conséquence, le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution au fonds de compensation, soit, au maximum, 2 % des revenus générés par ces prestations de services, était proportionné.

129    Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel le pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution au fonds de compensation n’avait pas été fixé lors de la phase initiale de consultation nationale, mais avait été décidé seulement à la fin de la procédure. Une telle argumentation procédurale, à la supposer fondée, n’est pas en effet de nature à permettre de conclure que, pour ce motif, le pourcentage ainsi fixé serait disproportionné.

130    De même, l’argument des requérantes visant à contester la procédure nationale suivie par les autorités polonaises, lesquelles n’auraient pas recueilli suffisamment d’informations, est sans pertinence pour l’examen du bien-fondé des appréciations de la Commission et de la compatibilité de la mesure avec le régime des aides d’État.

131    Les éléments relatifs à la politique tarifaire de PP, invoqués par les requérantes dans leur réponse à la mesure d’organisation de la procédure puis lors de l’audience, sont également sans incidence sur la proportionnalité du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution. De plus, ils concernent les années 2016 à 2018, soit des années postérieures à la période pertinente.

132    Quant à l’argument tiré de ce que le taux de rentabilité n’aurait été déterminé qu’afin d’éviter d’avoir recours au budget de l’État pour financer le fonds de compensation en cause, à le supposer même fondé, il ne signifierait pas pour autant qu’un tel taux soit nécessairement disproportionné en ce qu’il permettrait de faire bénéficier PP d’un financement dépassant le coût net du service dont cet opérateur a été chargé.

133    En effet, il suffit à cet égard de relever que la directive postale prévoit précisément la possibilité qu’un tel fonds puisse être financé « par une redevance imposée aux prestataires [et aux] utilisateurs » du service concerné, en dehors de toute contribution budgétaire étatique. Au demeurant, il ressort du considérant 174 de la décision attaquée que les autorités étatiques polonaises étaient quoi qu’il en soit appelées à contribuer au fonds de compensation pour l’année 2013 à hauteur de 1,5 million d’euros, soit un montant supérieur à celui de 1 million d’euros que les opérateurs postaux autres que PP étaient tenus d’apporter à ce fonds au titre de cette même année.

134    Dans ces circonstances, le grief tiré du caractère prétendument disproportionné du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution fixé par la mesure en cause ne saurait être retenu.

2)      Sur le seuil de revenus déterminant les opérateurs soumis à contribution

135    À titre liminaire, il convient de constater que la Commission a considéré que la fixation du seuil de revenus à 1 million de PLN aux fins de déterminer les opérateurs appelés à contribuer au fonds de compensation satisfaisait au principe de proportionnalité (considérants 170 et 171 de la décision attaquée). Ainsi, reprenant sur ce point le raisonnement des autorités polonaises et tenant compte de la structure concrète du marché des services postaux, elle a conclu qu’il convenait de retenir un seuil de revenus plus élevé que le seuil de 0,6 million de PLN qui aurait été retenu si la même proportion que dans le secteur des services de télécommunications entre le total des revenus générés sur le marché de tels services et le seuil des revenus obtenus par les opérateurs dans ce secteur avait été conservée pour le secteur des services postaux. En effet, la Commission a relevé qu’un tel seuil permettait à tout nouvel opérateur de retarder le moment de sa contribution au fonds et renforçait ainsi la proportionnalité du taux de la contribution. Par ailleurs, la Commission a estimé, au considérant 173 de la décision attaquée, que la modification législative envisagée pour l’avenir par la République de Pologne, consistant à exonérer tous les opérateurs se situant au-dessous du premier million de PLN, était de nature à améliorer la conception du fonds de compensation, dans la mesure où, lorsque la décision attaquée a été prise, l’impact de ce fonds sur la concurrence était limité, compte tenu des faibles montants concernés et de sa durée très limitée dans le temps.

136    À cet égard, premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel le même seuil que celui retenu pour le secteur parallèle des télécommunications aurait dû être appliqué au secteur des services postaux, il convient de constater que les requérantes ne sauraient soutenir de manière cohérente que le seuil de 4 millions de PLN aurait été en l’espèce justifié alors qu’elles soutiennent, dans le même temps, que, dans la mesure où le seuil de 1 million de PLN ne pouvait être atteint que par un très petit nombre d’opérateurs, la contribution demandée à chaque opérateur était en conséquence disproportionnée. Si tel devait être le cas, il en irait ainsi, pour ce même motif et a fortiori, aussi dans le cas d’un seuil fixé à un niveau supérieur. À l’inverse, les requérantes n’apportent aucun élément de nature à justifier qu’une augmentation du seuil aurait diminué significativement le nombre d’opérateurs tenus de contribuer au fonds alors que la Commission a estimé qu’un seuil plus élevé n’aurait pas conduit à une diminution du nombre d’opérateurs tenus de verser la contribution dont il s’agit.

137    En outre, il convient d’ajouter que, sur les 71 opérateurs intervenant sur le secteur de services équivalents en 2013, représentant environ 5 % des revenus de ce secteur, seuls 10 d’entre eux étaient susceptibles de contribuer au fonds, compte tenu des critères retenus par la loi postale polonaise (voir point 10 ci-dessus). Il ressort également du dossier que, en 2013, 95 % du financement du fonds devait être assuré par PP.

138    Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel le seuil de revenus aurait dû tenir compte de l’ensemble des revenus postaux, il doit être rejeté dans la mesure où il est fondé sur la prémisse incorrecte que les services de courrier seraient équivalents au service universel (voir points 91 à 98 ci-dessus).

139    Enfin, il n’est pas contesté que le mécanisme des fonds de compensation dans le secteur postal est en l’espèce une nouveauté, de sorte que les analyses qui en sont faites ne peuvent pas encore se fonder sur l’expérience. C’est donc à juste titre que la Commission, en s’appuyant également sur les données du secteur des télécommunications, a pu estimer que, compte tenu des spécificités du secteur postal, un seuil de 1 million PLN n’était pas disproportionné en ce que, d’une part, il maintenait la concurrence sur le marché des services postaux équivalents et, d’autre part, il garantissait qu’un nombre approprié d’opérateurs soient appelés à contribuer au fonds.

140    Compte tenu de ce qui précède, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer dans la décision attaquée que le seuil de revenus déterminant les opérateurs soumis à contribution respectait le principe de proportionnalité.

141    Le présent grief doit donc être écarté et, partant, la deuxième branche dans sa totalité.

d)      Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe de transparence

142    En substance, les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant que le mécanisme du fonds de compensation était transparent (voir considérant 176 de la décision attaquée). Selon les requérantes, la Commission ne pouvait pas conclure que le régime national de compensation respectait le principe de transparence, puisque, contrairement à ce qu’allèguent les autorités polonaises, il n’y aurait pas eu, nonobstant les objections des opérateurs postaux, de consultation publique effective. Seuls les objectifs initiaux de la loi postale polonaise auraient, en effet, donné lieu à une telle consultation publique, et non la version définitive de ce projet législatif, en particulier la partie concernant le taux de contribution qui aurait été relevé de 1 à 2 % lors d’une réunion à huis clos du conseil des ministres de ce pays.

143    La Commission rétorque que les parties intéressées ont eu la possibilité de s’exprimer sur le relèvement du taux à 2 % pendant les travaux parlementaires relatifs à l’approbation de la loi postale polonaise, les requérantes ayant d’ailleurs elles-mêmes reconnu que la fixation d’un tel taux s’était heurtée à une vive opposition de la part des opérateurs postaux concernés au cours des travaux législatifs à la Diète de la République de Pologne.

144    La République de Pologne soutient également que cette argumentation est dénuée de tout fondement.

145    À cet égard, il suffit de rappeler les considérations exposées aux points 44 à 55 ci-dessus en réponse au deuxième moyen, avec lequel le présent moyen se recoupe dans une large mesure. Il en découle qu’une consultation publique au sens du point 14 de l’encadrement SIEG tenant compte des observations des opérateurs postaux a effectivement eu lieu et que les exigences de transparence ont été respectées, de sorte que la prémisse principale du présent moyen manque en fait.

146    Dès lors, la troisième branche doit être écartée.

e)      Sur la quatrième branche, tirée d’une méconnaissance de la condition relative à la charge financière inéquitable prévue à l’article 7, paragraphe 3, de la directive postale

147    En substance, les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur d’appréciation, d’une part, en ne procédant pas à un examen en bonne et due forme afin de déterminer si les obligations de service universel faisaient supporter un coût net à PP et constituaient une charge financière « inéquitable » pour cette entreprise et, d’autre part, en considérant que les pertes subies par PP constituaient une telle charge financière inéquitable (considérant 152 de la décision attaquée).

148    Ainsi, les requérantes soutiennent que la Commission a estimé à tort que les autorités polonaises avaient correctement transposé la directive postale alors que celles-ci n’auraient pas respecté les critères dégagés par la jurisprudence de la Cour pour déterminer quand une charge financière devait être regardée comme inéquitable pour l’opérateur désigné pour assurer le service postal universel, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive postale, et donner ainsi lieu à une compensation.

149    À cet égard, selon les requérantes, il ne suffit pas d’être en présence d’un déficit pour justifier le financement du coût net, mais il faudrait encore que le déficit soit excessif, c’est-à-dire qu’il dépasse la capacité de l’entreprise concernée à le supporter avec ses ressources propres, à savoir notamment le niveau de ses équipements, de sa situation économique et financière ainsi que de sa part de marché.

150    En outre, toujours selon les requérantes, n’apprécier l’existence d’une charge inéquitable qu’en raison des pertes subies par l’opérateur de service universel afin de les faire financer par un fonds de compensation conduirait à une mauvaise gestion de ce service, l’opérateur pouvant obtenir un financement du coût net du service universel d’autant plus élevé que ses pertes seraient importantes.

151    La Commission rétorque, en substance, qu’elle n’avait pas à apprécier, dans le cadre de son contrôle de la compatibilité de la compensation de service public accordé à PP, la correcte transposition par les autorités polonaises de la directive postale sur ce point, ni l’existence d’une charge financière inéquitable de nature à justifier la mise en place du fonds de compensation. Son contrôle consisterait, en effet, à vérifier si les conditions de la compensation sont compatibles avec le marché intérieur, c’est-à-dire si l’obligation de contribuer ne porte pas atteinte à la concurrence sur le marché des services postaux. Le financement du coût net d’un service universel qui serait mis en place indépendamment de l’existence d’une charge financière inéquitable pour l’opérateur désigné ne serait pas, pour ce motif, nécessairement incompatible avec le marché intérieur, au regard des dispositions du traité FUE applicables aux aides d’État. Les questions étant indépendantes, le grief serait donc inopérant.

152    À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que l’article 7, paragraphe 3, de la directive postale dispose ce qui suit :

« Lorsqu’un État membre détermine que les obligations de service universel prévues par la présente directive font supporter un coût net, calculé en tenant compte des dispositions de l’annexe I, et constituent une charge financière inéquitable pour le ou les prestataires du service universel, il peut introduire :

[…]

 b)      un mécanisme de répartition du coût net des obligations de service universel entre les prestataires de services et/ou les utilisateurs. »

153    Premièrement, sans préjudice de la question de savoir si, et dans quelle mesure, en l’espèce, la Commission était tenue de vérifier la conformité de la mesure en cause avec d’autres règles de l’Union, dont celles de la directive postale (voir jurisprudence citée aux points 63 à 66 ci-dessus), il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 3, de ladite directive qu’il appartient à l’État membre concerné de déterminer si les obligations de service universel dont il s’agit constituent une charge inéquitable pour le prestataire désigné. Or, tel est le cas en l’espèce, dans la mesure où il revient à l’UKE d’effectuer cette appréciation selon la loi postale polonaise ayant mis en œuvre ladite directive postale (considérant 16 de la décision attaquée).

154    Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la qualification, par l’UKE, des pertes comptables de PP résultant de ses prestations de service universel en tant que charge financière inéquitable serait contraire à l’article 7, paragraphe 3, de la directive postale, il suffit de constater qu’il repose sur une confusion des notions de coût net et de pertes comptables au sens de cette disposition, le coût net des obligations de service universel ne pouvant donner droit à compensation que pour autant qu’il constitue une charge financière inéquitable pour le prestataire de ces obligations.

155    De même, dans les arrêts du 6 octobre 2010, Commission/Belgique (C‑222/08, EU:C:2010:583), et du 6 octobre 2010, Base e.a. (C‑389/08, EU:C:2010:584), cités par les requérantes à l’appui de leur argument, la Cour s’est limitée à préciser que tout coût net ne constituait pas automatiquement une charge financière inéquitable donnant lieu à compensation.

156    Or, force est de constater que la mesure en cause n’ouvre aucun droit automatique à compensation pour le coût net des obligations de service universel de p. En effet, il ressort des considérants 16, 84 à 87 et 144 de la décision attaquée que le droit à compensation accordé à PP n’est ouvert que si les prestations de service universel conduisent à des pertes comptables. De plus, ce droit à compensation correspond au plus faible des montants relatifs soit aux pertes comptables résultant des prestations de service universel, soit au coût net des obligations de service universel. Ce faisant, comme le relève la Commission au considérant 144 de la décision attaquée, la mesure en cause est plus restrictive que l’encadrement SIEG, qui aurait potentiellement permis une compensation totale du coût net des obligations de service universel. Par conséquent, l’ouverture et la limitation du droit à compensation du coût net des obligations de service universel aux pertes résultant des prestations de service universel n’est, en tout état de cause, pas susceptible de violer l’article 7, paragraphe 3, de la directive postale.

157    Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la méthodologie choisie n’inciterait pas PP à être efficace, d’une part, il convient de constater que le calcul du coût net des obligations de service universel prend en compte des ajustements d’efficacité de manière à ne pas tenir compte de certaines inefficiences de PP énoncées au considérant 34 de la décision attaquée. D’autre part, PP est tenue de présenter chaque année un plan d’actions correctives visant à éliminer ou, du moins, à limiter les pertes résultant de ses prestations de service universel (considérant 15 de la décision attaquée). Partant, les arguments des requérantes selon lesquels les modalités de financement du fonds de compensation aboutiraient à couvrir, en définitive, une éventuelle mauvaise gestion du service universel doivent être rejetés.

158    Quatrièmement, les requérantes soutiennent, essentiellement, que le « potentiel économique » de PP lui permettait de faire face à ses obligations de service universel, car la libéralisation du secteur lui aurait permis de réduire sensiblement ses coûts en supprimant, notamment, plusieurs centaines de bureaux de poste.

159    Par de telles observations, toutefois, les requérantes ne démontrent nullement qu’une telle réduction de coût du service universel aurait rendu équitable la charge du coût net et, par conséquent, que le financement des pertes comptables résultant des prestations de service universel aurait été incompatible avec le développement des échanges. De telles observations ne font que souligner la recherche d’efficience que PP a opérée en réduisant ses coûts de service universel, répondant ainsi aux exigences de l’encadrement SIEG.

160    En l’espèce, la Commission était, en effet, appelée à apprécier, notamment, si le montant de cette compensation ne dépassait pas ce qui était nécessaire pour couvrir le coût net de l’exécution des obligations de service public en tenant compte non des coûts potentiels ou à venir, mais des coûts réels, effectivement engendrés par l’exécution des obligations de service public (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2015, Viasat Broadcasting UK/Commission, T‑125/12, EU:T:2015:687, points 87 et 88). Or, les requérantes ne démontrent pas que la compensation accordée par la mesure en cause, alors même qu’elle ne couvre pas nécessairement l’intégralité du coût net des obligations de service universel, aurait des impacts négatifs sur le marché en cause.

161    Dans ces conditions, la quatrième branche doit être rejetée et, partant, le troisième moyen dans son intégralité.

4.       Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 8 de la directive postale.

162    Les requérantes soutiennent, en substance, que, en ayant « accepté le financement du coût du service universel par [le biais] des droits exclusifs et spéciaux accordés à [PP] », tels qu’énumérés aux considérants 51 à 56 de la décision attaquée, la Commission aurait commis une erreur de droit pour ne pas avoir respecté l’article 7, paragraphe 1, et l’article 8 de la directive postale. En tout état de cause, selon les requérantes, l’octroi de ces droits ne saurait être justifié.

163    La Commission fait tout d’abord valoir que, dans le cadre de son devoir de contrôle de compatibilité de l’aide, elle n’avait pas à vérifier si la loi postale polonaise était conforme aux dispositions de la directive postale. En tout état de cause, elle n’aurait en aucun cas accepté, par la décision attaquée, d’octroyer de tels droits à PP, mais simplement examiné si la méthode de calcul du coût net par les autorités polonaises était conforme à l’encadrement SIEG.

164    La République de Pologne conclut au rejet du moyen. Elle expose, à cet égard, que l’examen par la Commission des différents droits exclusifs et spéciaux n’avait pas pour but d’accorder à PP des avantages déterminés, mais de calculer le coût net des prestations du service universel. Au demeurant, la valeur de tels droits aurait été déduite du coût net de l’obligation de service universel, de sorte que le moyen serait inopérant.

165    À cet égard, l’article 7, paragraphe 1, de la directive postale prévoit ce qui suit :

« Les États membres n’accordent pas ou ne maintiennent pas en vigueur de droits exclusifs ou spéciaux pour la mise en place et la prestation de services postaux. Les États membres peuvent financer la prestation de services universels par un ou plusieurs des moyens prévus aux paragraphes 2, 3 et 4 ou par tout autre moyen compatible avec le traité. »

166    L’article 8 de la directive postale précise, en outre, que les dispositions de l’article 7 « ne portent pas atteinte au droit des États membres d’organiser, conformément à leur législation nationale, le placement de boîtes aux lettres sur la voie publique, l’émission de timbres-poste et le service d’envois recommandés utilisé dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives ».

167    Sans préjudice de la question de savoir si, et dans quelle mesure, en l’espèce, la Commission était tenue de vérifier la conformité de la mesure en cause avec d’autres règles de l’Union, dont celles de la directive postale (voir jurisprudence citée aux points 63 à 66 ci-dessus), force est de constater que les requérantes n’avancent aucun argument susceptible d’établir que les droits accordés à PP, tels que précisés aux considérants 51 à 56 de la décision attaquée, ne relevaient pas de l’exception prévue expressément par l’article 8 de la directive postale et, partant, susceptible d’établir l’erreur constituée par la méconnaissance alléguée de cette même directive.

168    Compte tenu de ce qui précède, ce moyen doit être écarté.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 102 et de l’article 106, paragraphe 1, TFUE

169    Les requérantes soutiennent que la compensation de service public accordée à PP renforcerait sa position dominante, entraînant un effet d’éviction anticoncurrentiel sur le marché, au sens de la communication de la Commission relative aux orientations sur les priorités retenues pour l’application de l’article [102 TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (JO 2009, C 45, p. 7). Dans ces conditions, la décision attaquée serait contraire aux dispositions combinées de l’article 102 et de l’article 106, paragraphe 1, TFUE.

170    La Commission conclut au rejet du moyen.

171    À cet égard, il suffit de constater que le moyen, tel qu’il est formulé dans les requêtes, et à le supposer opérant, est en tout état de cause irrecevable, faute de précision suffisante pour en apprécier le bien-fondé.

172    Les arguments présentés dans les répliques au soutien de ce moyen ne sauraient infirmer une telle conclusion.

173    Ainsi, en premier lieu, en ce qui concerne les arguments concernant les pertes supposées d’Inpost en 2015 ou tirés de ce qu’elle aurait décidé en 2016 de cesser ses activités de service postal, ils sont, en l’espèce, sans incidence, étant donné que, comme il a été constaté au point 26 ci-dessus, le fonds de compensation n’a pas été activé en 2015 et que, ainsi qu’il a été précisé au point 25 ci-dessus, la décision attaquée ne concerne pas la période postérieure à cette année.

174    En second lieu, à supposer que la Commission ne pût pas conclure à un taux de rentabilité des activités de services équivalents de 5,5 % dans la mesure où elle aurait considéré dans le même temps que le coût moyen pondéré du capital était bien supérieur, puisque fixé à 10,82 %, et à supposer que les requérantes aient effectivement entendu soulever un tel argument, celles-ci ne démontrent pas en quoi une telle circonstance contribuerait à établir, en l’absence de précisions complémentaires, l’abus de position dominante de PP, que les requérantes entendent ici contester.

175    Compte tenu de ce qui précède, le cinquième moyen doit donc être écarté.

6.      Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 16 et de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, lus en combinaison avec l’article 52

176    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée, en leur imposant une contribution obligatoire disproportionnée, entraîne une limitation non justifiée de leur liberté d’entreprise et de leur droit de propriété, tels que protégés par l’article 16 et l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, lus en combinaison avec l’article 52.

177    La Commission et la République de Pologne contestent le bien-fondé de l’argumentation des requérantes.

178    Il y a lieu de relever que les requérantes ne précisent pas, à suffisance de droit, les éléments de fait pouvant étayer un tel moyen et de nature à démontrer en quoi la compensation en cause aurait limité de manière disproportionnée leur droit de propriété ou leur liberté d’entreprise, c’est-à-dire d’une manière excédant ce qui serait approprié et nécessaire pour assurer la bonne mise en œuvre du service universel dont il s’agit.

179    En outre, d’une part, une éventuelle limitation de ces droits fondamentaux serait la conséquence non de la décision attaquée, par laquelle la Commission n’a pas contesté la mesure d’aide qui lui avait été notifiée, mais de la loi postale polonaise elle-même ou, finalement, de la décision individuelle qui en ferait application, que les requérantes, ainsi qu’il ressort du dossier, n’ont pas contestées, sous cet angle, devant les juridictions nationales compétentes. D’autre part, il convient également de considérer que, dès lors qu’il n’a pas été établi qu’il ferait obstacle à ce que les opérateurs de services postaux commercialisent, en Pologne, des services équivalents au service universel, le régime de compensation en cause ne saurait non plus porter atteinte à la liberté d’entreprise ou au droit de propriété des requérantes. Une telle mesure contributive, en effet, n’entrave aucunement la jouissance, par les requérantes, de leur droit d’exercer des activités économiques sur le marché dont il s’agit, ni l’exercice de leur droit de propriété dans la production et la commercialisation de ces services, notamment de leurs droits de propriété intellectuelle.

180    Dans ces conditions, le sixième moyen doit être écarté.

7.      Sur le septième moyen, tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation

181    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée n’a pas été suffisamment motivée et elles invoquent, à cet égard, les neuf motifs suivants : premièrement, la Commission « n’[aurait] recueilli aucune donnée relative aux bénéfices réalisés sur les ventes par les opérateurs autres que PP » ; deuxièmement, « [elle aurait] constaté à tort qu’elle ne disposait pas de données sur la rentabilité opérationnelle des opérateurs autres que PP[,] raison pour laquelle elle ne [se serait] fondée que sur les données de PP » ; troisièmement, « [elle aurait] accepté à tort un taux de rentabilité du capital de 10,82 % pour PP, tout en admettant qu’un taux de rentabilité opérationnelle de 5,5 % [aurait été] suffisant pour les concurrents » ; quatrièmement, elle n’aurait « pas expliqué dans les motifs [de la décision attaquée] les raisons pour lesquelles un taux de contribution plafonné à 2 % des revenus était approprié » ; cinquièmement, elle n’aurait pas non plus « précisé, dans les motifs [de la décision attaquée], les raisons pour lesquelles elle n’avait pas considéré l’obligation de contribuer au fonds comme discriminatoire » ; sixièmement, « [elle aurait] erronément conclu que le projet de loi postale avait fait l’objet d’une consultation publique en 2012 » ; septièmement, « [elle aurait] considéré[, aussi] erronément, que les autorités polonaises avaient fixé le taux de contribution au fonds [de compensation] à 2 % et le seuil à un million de PLN » ; huitièmement, « [elle aurait] conclu à tort que les opérateurs postaux n’avaient pas fait part de leurs observations » et, enfin, neuvièmement, « [elle] n’[aurait] pas tenu compte, en tant que circonstance aggravante, de la renonciation à un appel d’offres aux fins d’évaluer l’incidence sur la concurrence ».

182    La Commission et la République de Pologne concluent au rejet de ce moyen dans son ensemble.

183    À titre liminaire, il convient de rappeler que la motivation d’une décision de la Commission en matière d’aide d’État, exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement tenu à ce sujet par cette institution, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes directement et individuellement concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 77 et jurisprudence citée). En outre, une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections, adoptée au terme de la procédure préliminaire d’examen, doit contenir les motifs essentiels permettant aux tiers intéressés de comprendre les éléments sur le fondement desquels la Commission a estimé ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, points 64 et 65 et jurisprudence citée).

184    Il ressort clairement de la lecture de l’ensemble de sept des neuf motifs résumés au point ci-dessus que les requérantes confondent, en substance, le bien-fondé des éléments de fait et de droit se trouvant à la base de la décision attaquée avec le défaut ou l’insuffisance de motivation de cet acte, de sorte que de tels griefs doivent être considérés comme étant inopérants (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, points 65 à 67). En effet, une « mauvaise motivation », même à la supposer établie, ne saurait donner automatiquement lieu à une « absence » ou à une « insuffisance » de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37).

185    Il en va ainsi des trois premiers griefs ainsi que des quatre derniers, tels que rappelés au point 180 ci-dessus, lesquels visent, en substance, à remettre en cause le bien-fondé de la décision attaquée, pour défaut d’éléments de preuve suffisants (premier grief), erreur matérielle de fait (deuxième, sixième et huitième griefs), et erreur d’appréciation et erreur de droit (troisième, septième et neuvième griefs).

186    En ce qui concerne le quatrième grief, tiré de ce que la Commission, selon les requérantes, n’a « pas expliqué dans les motifs [de la décision attaquée] les raisons pour lesquelles un taux de contribution plafonné à 2 % des revenus était approprié », il y a lieu de rappeler que, au considérant 168 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le pourcentage déterminant le montant maximal de contribution, fixé à 2 % du chiffre d’affaires, pouvait être considéré comme proportionnel, étant donné qu’il était plafonné à un niveau qui ne représentait qu’une fraction du taux de rentabilité [ROS] de PP dans le domaine des services équivalents. La Commission a précisé qu’elle s’attendait à ce que les concurrents de PP puissent également atteindre une telle rentabilité et qu’il pouvait donc être raisonnablement conclu que ce niveau de contribution ne conduirait pas ou ne maintiendrait pas les concurrents efficaces hors du marché.

187    Il ressort de ce point que la Commission a abordé les raisons pour lesquelles elle considérait que le pourcentage déterminant le montant maximal de contribution était approprié en l’espèce. Dès lors que la Commission a indiqué que le pourcentage ne représentait qu’une fraction du taux de rentabilité [ROS] de PP dans le domaine des services équivalents – taux de rentabilité que pourraient selon elle atteindre les prestataires devant contribuer au fonds de compensation – et qu’il ne conduirait donc pas ou ne maintiendrait pas les concurrents efficaces hors du marché, elle a dûment exposé les raisons pour lesquelles elle considérait ledit pourcentage comme approprié. Par ailleurs, ce point de la décision attaquée a permis, d’une part, aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. En effet, les requérantes ont pu contester le bien-fondé de ces appréciations en reprochant, notamment, à la Commission d’avoir retenu le taux de rentabilité de PP comme unique point de référence pour évaluer le caractère approprié du pourcentage de 2 % alors même que l’OZPNOP l’avait informée du fait que le taux de rentabilité des concurrents de PP se situait entre 1 et 2,5 %. De plus, ainsi qu’exposé aux points 113 et suivants ci-dessus, le Tribunal a pu se prononcer sur cette allégation. Partant, c’est à tort que les requérantes allèguent à cet égard un défaut de motivation.

188    Enfin, en ce qui concerne le cinquième grief tiré de ce que la Commission n’aurait pas non plus « précisé, dans les motifs [de la décision attaquée], les raisons pour lesquelles elle n’avait pas considéré l’obligation de contribuer au fonds comme discriminatoire », il convient d’observer que les considérants 10, 11 et 166 de la décision attaquée se présentent comme suit :

« (10)      La loi postale définit également les “services relevant du service universel” (ci-après les “services équivalents”). Aux termes de l’article 3, point 30, de la loi postale, relèvent de ces services “les envois de lettres et de colis postaux, dont le poids et les dimensions sont les mêmes que pour les services universels, et les cécogrammes, qui ne sont pas assurés par l’opérateur désigné dans le cadre de son obligation de service universel”. Les services équivalents ne comprennent pas les services postaux consistant dans la levée, le tri, l’acheminement et la distribution d’objets postaux.

(11)      Les autorités polonaises confirment que ces services sont équivalents aux services universels, selon le considérant 27 de la troisième directive postale, qui se lit comme suit : “[a]fin de déterminer quelles entreprises pourraient être appelées à cotiser au fonds de compensation, les États membres devraient examiner si les services qu’elles fournissent peuvent, du point de vue de l’utilisateur, être considérés comme des services relevant du service universel du fait qu’ils présentent un degré suffisant d’interchangeabilité avec celui-ci, compte tenu de leurs caractéristiques, y compris les aspects sur lesquels ils apportent une valeur ajoutée, ainsi que de l’usage et de la tarification qui leur sont réservés. Ces services ne doivent pas nécessairement réunir toutes les caractéristiques du service universel, comme la distribution quotidienne du courrier ou la couverture de l’ensemble du territoire national”.

(166) Si le taux de contribution uniforme obtenu est supérieur à 2 %, la contribution due par chaque opérateur est égale à 2 % (plafond) des recettes pertinentes de chaque prestataire de services tenu de contribuer. Étant donné que ce taux de contribution s’applique uniformément à tous les acteurs du marché, chaque opérateur contribue dans la même proportion des recettes dans le segment des services universels et des services équivalents. Dans ces conditions, la contribution due par chaque opérateur peut être considérée comme non discriminatoire. »

189    Dès lors que la Commission a indiqué que, conformément à la loi postale polonaise, les services équivalents ne comprenaient pas les services de courrier et a exposé que, pour déterminer quelles entreprises contribuaient au fonds, il convenait d’examiner si les services fournis par ces entreprises pouvaient, du point de vue de l’utilisateur, être considérés comme des services relevant du service universel, elle a implicitement, mais certainement, considéré que les services de courrier n’étaient pas, du point de vue des utilisateurs, des services relevant du service universel. La Commission a estimé que, le pourcentage déterminant le montant maximal de contribution s’appliquant uniformément à tous les acteurs du marché, la contribution requise de chaque prestataire n’était pas discriminatoire. Par ailleurs, ces points de la décision attaquée ont permis, d’une part, aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée à cet égard. En effet, les requérantes ont pu contester le bien-fondé de ces appréciations en alléguant, notamment aux points 58 et 59 des requêtes, qu’il n’était pas difficile de déterminer les services de courrier qui étaient semblables, du point de vue des utilisateurs, aux services universels et que, du fait de leur usage, de leur tarif et des conditions de leur prestation, les services de courrier se substituaient aux services universels. De plus, ainsi qu’exposé aux points 91 et suivants ci-dessus, le Tribunal a pu se prononcer sur cette allégation. Les requérantes allèguent donc à tort qu’il existe une insuffisance de motivation à cet égard.

190    Compte tenu de tout ce qui précède, le septième moyen doit donc être écarté ainsi que, par voie de conséquence, l’ensemble du recours.

 Sur les dépens

191    Aux termes de l’article 134 du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

192    Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

193    La République de Pologne supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Inpost Paczkomaty sp. z o.o. et Inpost S.A. supporteront chacune leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République de Pologne supportera ses propres dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Forrester

Półtorak

 

      Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mars 2019.

Signatures

Table des matières


I. Antécédents du litige et principales dispositions de droit applicables

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur l’objet du litige et sur l’intérêt à agir des requérantes

B. Sur le fond

1. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE en ce que l’article 7, paragraphe 2, de la directive postale ainsi que le point 19 de l’encadrement SIEG n’auraient pas été respectés

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE en ce que les conditions prévues aux points 14 et 60 de l’encadrement SIEG auraient été erronément considérées comme remplies

a) Sur le premier grief

b) Sur le second grief

3. Sur le troisième moyen, tiré, d’une part, d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE en ce que la Commission aurait méconnu le point 52 de l’encadrement SIEG et, d’autre part, d’une violation de l’article 7, paragraphes 1 et 3 à 5, de la directive postale

a) Sur la portée du troisième moyen et son caractère opérant au regard du grief pris de la violation de l’article 7 de la directive postale

b) Sur la première branche, tirée du caractère prétendument discriminatoire du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution

1) Sur la comparaison entre l’opérateur de service universel et les opérateurs de services équivalents

2) Sur la comparaison avec les services de courrier

c) Sur la deuxième branche, tirée du caractère prétendument disproportionné du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution et du seuil de revenus soumis à contribution

1) Sur le caractère proportionné du pourcentage déterminant le montant maximal de la contribution

2) Sur le seuil de revenus déterminant les opérateurs soumis à contribution

d) Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe de transparence

e) Sur la quatrième branche, tirée d’une méconnaissance de la condition relative à la charge financière inéquitable prévue à l’article 7, paragraphe 3, de la directive postale

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 8 de la directive postale.

5. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 102 et de l’article 106, paragraphe 1, TFUE

6. Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 16 et de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, lus en combinaison avec l’article 52

7. Sur le septième moyen, tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le polonais.

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