BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Briois v Parliament (Order) French Text [2019] EUECJ T-750/18_CO (25 October 2019)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T75018_CO.html
Cite as: ECLI:EU:T:2019:775, EU:T:2019:775, [2019] EUECJ T-750/18_CO

[New search] [Help]


ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

25 octobre 2019 (*)

« Droit institutionnel – Membre du Parlement européen – Privilèges et immunités – Décision de levée de l’immunité parlementaire – Expiration du mandat de député – Disparition de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑750/18,

Steeve Briois, demeurant à Hénin-Beaumont (France), représenté par Me F. Wagner, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. S. Alonso de León et Mme C. Burgos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision P8_TA(2018)0401 du Parlement, du 24 octobre 2018, de lever l’immunité parlementaire du requérant,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mmes V. Tomljenović, présidente, A. Marcoulli (rapporteure) et M. A. Kornezov, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Steeve Briois, a été élu député au Parlement européen le 25 mai 2014, au titre de la huitième législature, courant du 1er juillet 2014 au 2 juillet 2019.

2        Le 22 mai 2014, l’association Maison des potes – Maison de l’égalité a déposé plainte pour provocation à la discrimination, à la suite de la publication par le parti politique français alors dénommé Front national, dans la perspective des élections municipales des 23 et 30 mars 2014, d’un document à l’intention des futurs conseillers municipaux membres de ce parti. Ce document, intitulé Petit guide pratique de l’élu municipal Front National et établi par les services du secrétariat général de ce parti, comportait certains passages incitant à la mise en œuvre d’une « priorité nationale » en matière d’octroi de logements sociaux. Il aurait été publié le 19 septembre 2013 et mis en ligne sur le site Internet officiel de la fédération des Pyrénées-Orientales du Front national le 30 novembre 2013.

3        Le 11 juin 2015, une information judiciaire pour provocation publique à la discrimination nationale, raciale, religieuse par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique a été ouverte. Dans le cadre de cette procédure, le requérant, qui était secrétaire général du Front national à l’époque des faits en cause, a été convoqué le 15 novembre 2016 aux fins d’un interrogatoire de première comparution. Il a opposé son immunité parlementaire européenne.

4        Le 21 février 2018, le garde des Sceaux, ministre de la Justice français, a transmis au président du Parlement la requête du procureur général près la cour d’appel de Versailles (France) tendant à obtenir la levée de l’immunité parlementaire du requérant.

5        Par décision du 24 octobre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), le Parlement a levé l’immunité du requérant. En substance, le Parlement a relevé que le requérant n’était pas député au Parlement lorsque l’infraction alléguée avait été commise et que les accusations portées à son égard, et qui fondaient la demande de levée d’immunité, n’étaient pas, de toute évidence, liées à sa fonction de député au Parlement et se rapportaient à des activités d’une nature nationale ou régionale. Le Parlement a considéré que ces accusations ne concernaient pas des opinions ou des votes émis par le requérant dans l’exercice de ses fonctions de député au sens de l’article 8 du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266, ci-après le « protocole no 7 ») et que la condition du fumus persecutionis n’était pas remplie, rien ne portant à soupçonner que l’intention sous-jacente des poursuites judiciaires, engagées à la suite de la plainte déposée avant que le requérant ne devienne député, ait été d’entraver son travail parlementaire.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2018, le requérant a introduit le présent recours.

7        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

8        Le 27 mars 2019, le Parlement a produit le mémoire en défense.

9        Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

10      Le 4 avril 2019, le Tribunal a décidé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire, en application de l’article 83, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

11      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure et en application de l’article 131, paragraphe 1, du même règlement, invité les parties à se prononcer sur la question du maintien d’un intérêt à agir du requérant et sur le constat éventuel d’un non-lieu à statuer.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 juillet 2019, le Parlement a répondu à la question posée par le Tribunal en concluant que le requérant ne justifiait plus d’un intérêt à agir et que, partant, il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2019, le requérant a indiqué, en réponse à la question posée par le Tribunal, qu’il conservait un intérêt à agir.

 En droit

14      Aux termes de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, si le Tribunal constate que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer, il peut, à tout moment, d’office, sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

15      En vertu d’une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. La preuve d’un tel intérêt, qui s’apprécie au jour où le recours est formé et qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice, doit être rapportée par le requérant (voir arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 37 et jurisprudence citée).

16      Cet intérêt doit, en outre, perdurer jusqu’à l’issue de la procédure et la juridiction saisie de l’instance peut soulever d’office et à tout moment de la procédure le défaut d’intérêt d’une partie à maintenir sa demande, en raison de la survenance d’un fait intervenu postérieurement à la date de l’acte introductif d’instance (voir arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 38 et jurisprudence citée).

17      En effet, si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait lui procurer un quelconque bénéfice (voir arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 47 et jurisprudence citée).

18      Ainsi, il appartient au requérant de justifier de façon pertinente la persistance de son intérêt à agir (voir arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 49 et jurisprudence citée).

19      Dans diverses circonstances, le juge de l’Union a reconnu que l’intérêt à agir d’un requérant ne disparaissait pas nécessairement du fait que l’acte attaqué par ce dernier aurait cessé de produire des effets en cours d’instance. Notamment, il a ainsi jugé qu’un requérant pouvait conserver un intérêt à demander l’annulation d’une décision soit pour obtenir une remise en état de sa situation, soit pour amener l’auteur de l’acte attaqué à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et ainsi éviter le risque de répétition de l’illégalité dont l’acte attaqué était prétendument entaché (voir arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 50 et jurisprudence citée).

20      Il ressort de cette jurisprudence que la persistance de l’intérêt à agir d’un requérant doit être appréciée in concreto, en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (voir arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 51 et jurisprudence citée).

21      En l’espèce, il convient de relever que le mandat de député au Parlement du requérant a expiré le 2 juillet 2019, soit postérieurement à la date d’introduction du présent recours. Depuis cette date, le requérant n’a donc plus la qualité de député.

22      À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que l’article 8 du protocole no 7 dispose :

« Les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions. »

23      L’article 9 du protocole no 7 dispose :

« Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient :

a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays ;

b) sur le territoire de tout autre État membre, de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

L’immunité les couvre également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.

L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses membres. »

24      Par ailleurs, l’article 26 de la Constitution française dispose :

« Aucun membre du Parlement [français] ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Aucun membre du Parlement [français] ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive.

La détention, les mesures privatives ou restrictives de liberté ou la poursuite d’un membre du Parlement [français] sont suspendues pour la durée de la session si l’assemblée dont il fait partie le requiert.

[…] »

25      L’immunité parlementaire des députés au Parlement, telle que prévue aux articles 8 et 9 du protocole no 7 rappelés aux points 22 et 23 ci-dessus, comprend les deux formes de protection habituellement reconnues aux membres des parlements nationaux des États membres, à savoir l’immunité en raison des opinions et des votes exprimés dans l’exercice des fonctions parlementaires ainsi que l’inviolabilité parlementaire, comportant, en principe, une protection contre les poursuites judiciaires (arrêts du 21 octobre 2008, Marra, C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, point 24, et du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 18).

26      L’article 8 du protocole no 7, qui constitue une disposition spéciale applicable à toute procédure judiciaire pour laquelle le député européen bénéficie de l’immunité en raison des opinions et des votes exprimés dans l’exercice des fonctions parlementaires, vise à protéger la libre expression et l’indépendance des députés européens, de sorte qu’elle fait obstacle à toute procédure judiciaire en raison de tels opinions et votes (voir arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 26 et jurisprudence citée). Ainsi, lorsque les conditions de fond pour reconnaître l’immunité édictée à l’article 8 du protocole no 7 sont remplies, celle-ci ne peut pas être levée par le Parlement et la juridiction nationale compétente pour l’appliquer est tenue d’écarter l’action diligentée contre le député européen concerné (voir arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 27 et jurisprudence citée). L’immunité prévue à l’article 8 du protocole no 7 est ainsi susceptible d’empêcher définitivement les autorités judiciaires et les juridictions nationales d’exercer leurs compétences respectives en matière de poursuites et de sanctions des infractions pénales dans le but d’assurer le respect de l’ordre public sur leur territoire et, corrélativement, de priver ainsi totalement les personnes lésées par ces déclarations de l’accès à la justice, y compris, le cas échéant, en vue d’obtenir devant les juridictions civiles la réparation du préjudice subi (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 34).

27      En revanche, l’inviolabilité parlementaire établie à l’article 9 du protocole no 7 peut être levée par le Parlement, conformément à l’article 9, troisième alinéa, dudit protocole.

28      Ainsi, lorsqu’une demande de levée de l’immunité est transmise au Parlement par une autorité nationale, il appartient tout d’abord à ce dernier de vérifier si les faits à l’origine de la demande de levée sont susceptibles d’être couverts par l’article 8 du protocole no 7, auquel cas une levée de l’immunité est impossible (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 46).

29      Si le Parlement aboutit à la conclusion que l’article 8 du protocole no 7 ne s’applique pas, il lui incombe ensuite de vérifier si le député au Parlement bénéficie de l’immunité prévue par l’article 9 du protocole no 7 pour les faits qui lui sont reprochés et, si tel est le cas, de décider s’il y a lieu ou non de lever cette immunité (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 47).

30      En l’espèce, il ressort tant du dispositif que des motifs de la décision attaquée, notamment ceux exposés aux points L et M de ladite décision, que le Parlement a considéré que les faits à l’origine de la demande de levée de l’immunité du requérant ne constituaient pas des opinions ou des votes émis par celui-ci dans l’exercice de ses fonctions de député. Le Parlement a ensuite estimé qu’il y avait lieu de lever l’immunité du requérant sur le fondement de l’article 9 du protocole no 7, qui, ainsi que cela résulte des points 26 et 27 ci-dessus, est le seul susceptible de justifier une telle levée d’immunité.

31      Il y a lieu de constater que, en raison de l’expiration du mandat de député du requérant à compter du 2 juillet 2019 et, partant, de la perte de l’immunité qui y est afférente, la durée de celle-ci étant, aux termes de l’article 9 du protocole no 7, limitée audit mandat, la décision attaquée a cessé de produire ses effets à compter de cette date.

32      Il résulte également de l’expiration du mandat de député du requérant que l’annulation de la décision attaquée ne pourrait pas conduire le Parlement à prendre une nouvelle décision relative à cette immunité.

33      Tel serait également le cas à supposer même que, ainsi que le requérant le soutient, les faits à l’origine des poursuites pénales dont il fait l’objet en France étaient couverts par l’article 8 du protocole no 7. En effet, ce protocole ne prévoit pas la compétence du Parlement pour vérifier, en cas de poursuites judiciaires à l’encontre d’un député européen en raison des opinions et des votes exprimés par celui-ci, si les conditions de mise en œuvre de cette immunité sont remplies (arrêt du 21 octobre 2008, Marra, C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, point 32). Une telle appréciation relève de la compétence exclusive des juridictions nationales appelées à appliquer une telle disposition, lesquelles ne peuvent que tirer les conséquences de cette immunité, si elles constatent que les opinions et les votes en cause ont été exprimés dans l’exercice des fonctions parlementaires (arrêt du 21 octobre 2008, Marra, C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, point 33).

34      Deuxièmement, il convient de relever que, certes, la réponse apportée à la question de savoir si la décision attaquée est légale est susceptible d’avoir des conséquences sur l’immunité du requérant durant la période allant de l’entrée en vigueur de la décision attaquée au 2 juillet 2019, date d’expiration de son mandat, et donc sur le déroulement de la procédure pénale engagée à son égard en France. Toutefois, le requérant n’établit pas, ni même n’allègue, que ladite procédure pénale aurait connu des développements durant cette période et que l’annulation de la décision attaquée conserverait un intérêt à cet égard. Ainsi, dans la réponse visée au point 13 ci-dessus, il se prévaut exclusivement d’un intérêt à agir consistant à obtenir du Tribunal une réponse à l’un des griefs contenus dans la requête, en l’occurrence celui relatif au fumus persecutionis.

35      Troisièmement, le requérant fait valoir qu’il a toujours intérêt à agir dans la mesure où l’examen du grief relatif au fumus persecutionis aurait une incidence sur la démonstration juridique qu’il entendrait mener dans le cadre de la procédure pénale en France. Par ce grief, il soutient que le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation en écartant l’hypothèse d’un fumus persecutionis, c’est-à-dire en considérant qu’aucun indice ne permettait de penser que les poursuites judiciaires avaient été engagées à l’encontre du requérant dans l’intention de porter atteinte à ses activités de député. Selon le requérant, de tels indices existaient dès lors que, d’une part, les poursuites avaient été engagées par un adversaire politique du Front national et, d’autre part, ces poursuites avaient été engagées longtemps après les faits reprochés, à la veille de nouvelles élections.

36      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus, en présence d’un acte qui, tel que la décision attaquée, a cessé de produire des effets juridiques, il appartient au requérant d’établir que, par elle-même, l’annulation de cet acte, c’est-à-dire sa disparition rétroactive de l’ordre juridique, est susceptible d’avoir des conséquences juridiques et que le recours peut ainsi, par son résultat, lui procurer un bénéfice. Or, par son argumentation, le requérant ne soutient pas que l’annulation de la décision attaquée aurait, par les effets juridiques qui en découleraient, une incidence sur sa situation juridique dans le cadre de la procédure pénale engagée à son égard. Il se borne en effet à faire valoir qu’il pourrait tirer un avantage des motifs d’une annulation si celle-ci était fondée sur l’un des griefs qu’il a développés dans sa requête. Or, un tel bénéfice n’est pas de nature à établir la persistance d’un intérêt à agir.

37      En tout état de cause, le requérant n’explique pas en quoi l’examen par le Tribunal du grief relatif au fumus persecutionis et, le cas échéant, une annulation de la décision attaquée sur ce fondement seraient susceptibles de lui procurer un bénéfice dans le cadre de la procédure pénale engagée à son égard.

38      En effet, d’une part, le requérant ne produit aucun élément en vue d’établir que la reconnaissance, par le Tribunal, de l’existence d’un cas de fumus persecutionis pourrait affecter la régularité de la procédure pénale en cause. En particulier, il n’explique pas en quoi la circonstance que la plainte à l’origine des poursuites ait été déposée par une association hostile au parti politique dont il est membre, pourrait affecter sa validité ou celle de la décision d’ouverture d’une information judiciaire. Au contraire, au point 97 de la requête, le requérant explique lui-même que les autorités judiciaires françaises n’effectuent aucun contrôle quant au caractère partisan ou non de l’association auteur du dépôt de plainte. De même, il ne précise pas en quoi le constat de l’ancienneté des faits qui lui sont reprochés, qui, en tout état de cause, ne saurait être assimilé à une appréciation de la prescription de ces faits, serait de nature à affecter la procédure pénale. D’autre part, il y a lieu de relever que la question de savoir si les conditions pour une levée d’immunité sont remplies est distincte de celle de savoir si l’infraction est établie, laquelle relève en effet de la seule compétence des autorités de l’État membre qui a sollicité la levée de l’immunité (arrêt du 30 avril 2019, Briois/Parlement, T‑214/18, non publié, EU:T:2019:266, point 47). Partant, la reconnaissance d’un cas de fumus persecutionis serait dépourvue d’incidence sur la constitution de l’infraction.

39      Quatrièmement, il est vrai que, dans certaines circonstances, un requérant peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte abrogé en cours d’instance, afin d’amener l’auteur de l’acte attaqué à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et, ainsi, éviter le risque de répétition de l’illégalité dont cet acte est prétendument entaché (voir arrêt du 6 septembre 2018, Bank Mellat/Conseil, C‑430/16 P, EU:C:2018:668, point 64 et jurisprudence citée). Une telle jurisprudence est transposable dans le cas où l’acte en cause a cessé de produire ses effets en cours d’instance.

40      Toutefois, le principe ainsi consacré par la jurisprudence doit être circonscrit aux situations dans lesquelles le requérant démontre de manière précise et concrète l’existence d’un risque de répétition de l’illégalité alléguée (voir arrêt du 6 septembre 2018, Bank Mellat/Conseil, C‑430/16 P, EU:C:2018:668, point 65 et jurisprudence citée).

41      Or, le requérant n’établit pas, ni même ne soutient, que les illégalités alléguées en l’espèce seraient susceptibles de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à son recours.

42      Cinquièmement, un recours en annulation n’est pas irrecevable pour défaut d’intérêt du seul fait que, en cas d’annulation de la décision attaquée, l’institution dont émane l’acte pourrait se trouver dans l’impossibilité, compte tenu des circonstances, de mettre en œuvre l’obligation qui lui incombe en vertu du traité. En pareil cas, le recours conserve encore un intérêt à tout le moins en tant que base d’un éventuel recours en indemnité (voir arrêt du 19 mars 2010, Gollnisch/Parlement, T‑42/06, EU:T:2010:102, point 71 et jurisprudence citée).

43      Toutefois, dans la présente instance, le requérant, à qui il appartient de justifier de façon pertinente la persistance de son intérêt à agir, ne fait pas valoir que l’adoption de la décision attaquée lui aurait causé un quelconque préjudice, y compris moral.

44      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le requérant n’a pas démontré la persistance de son intérêt à agir. En conséquence, il convient de conclure qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

46      Compte tenu des circonstances de l’espèce, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’ordonner que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 25 octobre 2019.

Le greffier

 

La présidente

E. Coulon

 

V. Tomljenović


*      Langue de procédure : le français.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T75018_CO.html