Commission v Italy (Directive lutte contre le retard de paiement) (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-122/18 (28 January 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C12218.html
Cite as: [2020] EUECJ C-122/18, EU:C:2020:41, ECLI:EU:C:2020:41

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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

28 janvier 2020 (*)

« Manquement d’État – Directive 2011/7/UE – Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales – Transactions commerciales où le débiteur est un pouvoir public – Obligation des États membres de veiller à ce que le délai de paiement imparti aux pouvoirs publics n’excède pas 30 ou 60 jours – Obligation de résultat »

Dans l’affaire C‑122/18,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 14 février 2018,

Commission européenne, représentée par MM. G. Gattinara et C. Zadra, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. S. Fiorentino et F. De Luca, avvocati dello Stato,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, Mme A. Prechal, MM. M. Safjan et S. Rodin, présidents de chambre, MM. L. Bay Larsen, T. von Danwitz, Mme C. Toader, M. F. Biltgen, Mme K. Jürimäe et M. N. Piçarra (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas veillé et en ne veillant toujours pas à ce que ses pouvoirs publics évitent de dépasser les délais de 30 ou 60 jours civils applicables au paiement de leurs dettes commerciales, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2011, L 48, p. 1), et en particulier à celles qui sont énoncées à l’article 4 de ladite directive.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        Les considérants 3, 9, 12, 14, 23 et 25 de la directive 2011/7 énoncent ce qui suit :

« (3)      Dans les transactions commerciales entre des opérateurs économiques ou entre des opérateurs économiques et des pouvoirs publics, de nombreux paiements sont effectués au-delà des délais convenus dans le contrat ou fixés dans les conditions générales de vente. Bien que les marchandises aient été livrées ou les services fournis, bon nombre de factures y afférentes sont acquittées bien au-delà des délais. Ces retards de paiement ont des effets négatifs sur les liquidités des entreprises et compliquent leur gestion financière. Ils sont également préjudiciables à leur compétitivité et à leur rentabilité dès lors que le créancier doit obtenir des financements externes en raison de ces retards de paiement. [...]

[...]

(9)      La présente directive devrait réglementer toutes les transactions commerciales, qu’elles soient effectuées entre des entreprises privées ou publiques ou entre des entreprises et des pouvoirs publics, étant donné que les pouvoirs publics effectuent un nombre considérable de paiements aux entreprises. Elle devrait donc également réglementer toutes les transactions commerciales entre les principales entreprises contractantes et leurs fournisseurs et sous-traitants.

[...]

(12)      Les retards de paiement constituent une violation du contrat qui est devenue financièrement intéressante pour les débiteurs dans la plupart des États membres, en raison du faible niveau ou de l’absence des intérêts pour retard de paiement facturés et/ou de la lenteur des procédures de recours. Un tournant décisif visant à instaurer une culture de paiement rapide, au sein de laquelle une clause contractuelle ou une pratique excluant le droit de réclamer des intérêts devrait toujours être considérée comme étant manifestement abusive, est nécessaire pour inverser cette tendance et pour décourager les retards de paiement. Ce tournant devrait aussi inclure l’introduction de dispositions particulières portant sur les délais de paiement et sur l’indemnisation des créanciers pour les frais encourus et devrait prévoir, notamment, que l’exclusion du droit à l’indemnisation pour les frais de recouvrement est présumée être un abus manifeste.

[...]

(14)      Dans un souci de cohérence de la législation de l’Union, il convient de rendre applicable, aux fins de la présente directive, la définition des “pouvoirs adjudicateurs” établie par la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux [(JO 2004, L 134, p. 1)] et par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services [(JO 2004, L 134, p. 114)].

[...]

(23)      En règle générale, les pouvoirs publics bénéficient de flux de recettes plus sûrs, prévisibles et continus que les entreprises. Par ailleurs, bon nombre de pouvoirs publics peuvent obtenir des financements à des conditions plus intéressantes que les entreprises. Dans le même temps, les pouvoirs publics sont moins tributaires de relations commerciales stables pour réaliser leurs objectifs que les entreprises. De longs délais de paiement ou des retards de paiement par les pouvoirs publics pour des marchandises ou des services entraînent des coûts injustifiés pour les entreprises. Il convient, dès lors, de prévoir des dispositions particulières en matière de transactions commerciales pour la fourniture de marchandises ou la prestation de services par des entreprises à des pouvoirs publics, qui devraient prévoir, notamment, des délais de paiement n’excédant normalement pas trente jours civils, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que ce soit objectivement justifié par la nature particulière ou par certains éléments du contrat, et n’excédant, en aucun cas, soixante jours civils.

[...]

(25)      Dans une grande partie des États membres, les retards de paiement sont particulièrement inquiétants dans le secteur des services de santé. Les systèmes de soins de santé sont souvent obligés, en tant qu’élément fondamental de l’infrastructure sociale en Europe, de concilier besoins des individus et ressources financières disponibles [...]. Il convient dès lors que les États membres aient la possibilité d’accorder aux entités publiques dispensant des soins de santé une certaine souplesse lorsqu’elles accomplissent leurs obligations. Il y a lieu, à cette fin, d’autoriser les États membres à prolonger, sous certaines conditions, le délai légal de paiement jusqu’à un maximum de soixante jours civils. Toutefois, les États membres devraient faire tout leur possible pour veiller à ce que les paiements dans le secteur des soins de santé soient effectués dans les délais légaux de paiement. »

3        L’article 1er, paragraphes 1  et 2, de la directive 2011/7 prévoit :

« 1.      Le but de la présente directive est la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et en particulier des [petites et moyennes entreprises (PME)].

2.      La présente directive s’applique à tous les paiements effectués en rémunération des transactions commerciales. »

4        L’article 2 de cette directive énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2)      “pouvoir public”, tout pouvoir adjudicateur, tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, [sous] a), de la directive [2004/17] et à l’article 1er, paragraphe 9, de la directive [2004/18], indépendamment de l’objet ou de la valeur du contrat ;

[...]

4)      “retard de paiement”, tout paiement non effectué dans le délai de paiement contractuel ou légal et lorsque les conditions spécifiées à l’article 3, paragraphe 1, ou à l’article 4, paragraphe 1, sont remplies ;

[...]

[...] »

5        L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 2011/7 prévoit :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, dans les transactions commerciales entre entreprises, le créancier soit en droit de réclamer des intérêts pour retard de paiement sans qu’un rappel soit nécessaire quand les conditions suivantes sont remplies :

a)      le créancier a rempli ses obligations contractuelles et légales ; et

b)      le créancier n’a pas reçu le montant dû à l’échéance, sauf si le débiteur n’est pas responsable du retard.

[...]

3.      Lorsque les conditions spécifiées au paragraphe 1 sont remplies, les États membres veillent à ce que :

a)      le créditeur ait droit à des intérêts pour retard de paiement le jour suivant la date de paiement ou la fin du délai de paiement fixé dans le contrat ;

b)      lorsque la date ou le délai de paiement n’est pas fixé dans le contrat, le créditeur ait droit à des intérêts pour retard de paiement dès l’expiration de l’un des délais suivants :

i)      trente jours civils après la date de réception, par le débiteur, de la facture ou d’une demande de paiement équivalente ;

ii)      lorsque la date de réception de la facture ou d’une demande de paiement équivalente est incertaine, trente jours civils après la date de la réception des marchandises ou de prestation de services ;

iii)      lorsque le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente avant les marchandises ou les services, trente jours civils après la date de réception des marchandises ou de prestation des services ;

iv)      lorsqu’une procédure d’acceptation ou de vérification, permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services avec le contrat, est prévue par la loi ou dans le contrat, et si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente plus tôt ou à la date de l’acceptation ou de la vérification, trente jours civils après cette date. »

6        L’article 4 de la directive 2011/7, intitulé « Transactions entre entreprises et pouvoirs publics », dispose, à ses paragraphes 1, 3, 4 et 6 :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, dans des transactions commerciales où le débiteur est un pouvoir public, le créancier soit en droit d’obtenir, à l’expiration du délai fixé aux paragraphes 3, 4 et 6, les intérêts légaux pour retard de paiement, sans qu’un rappel soit nécessaire, quand les conditions suivantes sont remplies :

a)      le créancier a rempli ses obligations contractuelles et légales ; et

b)      le créancier n’a pas reçu le montant dû à l’échéance, sauf si le débiteur n’est pas responsable du retard.

[...]

3.      Les États membres veillent, dans des transactions commerciales où le débiteur est un pouvoir public, à ce que :

a)      le délai de paiement n’excède pas les durées suivantes :

i)      trente jours civils après la date de réception, par le débiteur, de la facture ou d’une demande de paiement équivalente ;

ii)      lorsque la date de réception de la facture ou d’une demande de paiement équivalente est incertaine, trente jours civils après la date de réception des marchandises ou de prestation des services ;

iii)      lorsque le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente avant les marchandises ou les services, trente jours civils après la date de réception des marchandises ou de prestation des services ;

iv)      lorsqu’une procédure d’acceptation ou de vérification, permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services avec le contrat, est prévue par la loi ou dans le contrat, et si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente plus tôt ou à la date de l’acceptation ou de la vérification, trente jours civils après cette date ;

b)      la date de réception de la facture ne fasse pas l’objet d’un accord contractuel entre le débiteur et le créancier.

4.      Les États membres ont la faculté de prolonger les délais visés au paragraphe 3, point a), jusqu’à un maximum de soixante jours civils :

a)      pour tout pouvoir public qui exerce des activités économiques à caractère industriel ou commercial consistant à offrir des marchandises et des services sur le marché et soumis, en tant qu’entreprise publique, aux exigences de transparence établies par la directive 2006/111/CE de la Commission du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises [(JO 2006, L 318, p. 17)] ;

b)      pour les entités publiques dispensant des soins de santé, dûment reconnues à cette fin.

[…]

6.      Les États membres veillent à ce que le délai de paiement fixé dans le contrat n’excède pas les délais prévus au paragraphe 3, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que ce soit objectivement justifié par la nature particulière ou par certains éléments du contrat et que le délai n’excède en aucun cas soixante jours civils. »

 Le droit italien

7        La directive 2011/7 a été transposée dans l’ordre juridique italien par le decreto legislativo n. 192 – Modifiche al decreto legislativo 9 ottobre 2002, n. 231, per l’integrale recepimento della direttiva 2011/7/UE relativa alla lotta contro i ritardi di pagamento nelle transazioni commerciali, a norma dell’articolo 10, comma 1, della legge 11 novembre 2011, n. 180 (décret législatif no 192, portant modification du décret législatif du 9 octobre 2002, no 231, aux fins de transposition complète de la directive 2011/7/UE concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la loi du 11 novembre 2011, no 180), du 9 novembre 2012 (GURI no 267, du 15 novembre 2012). Le décret législatif no 231, du 9 octobre 2002, avait, quant à lui, transposé dans l’ordre juridique italien la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 2000, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2000, L 200, p. 35).

8        Parmi les mesures adoptées par la République italienne pour garantir la ponctualité des paiements des pouvoirs publics figure le decreto-legge n. 35 – Disposizioni urgenti per il pagamento dei debiti scaduti della pubblica amministrazione, per il riequilibrio finanziario degli enti territoriali, nonché in materia di versamento di tributi degli enti locali (décret-loi no 35, portant dispositions urgentes pour le paiement des dettes échues de l’administration publique, pour le rééquilibrage financier des collectivités locales et régionales et pour le paiement des impôts par les collectivités locales), du 8 avril 2013 (GURI no 82, du 8 avril 2013), converti en loi, avec modifications, par la loi no 64, du 6 juin 2013 (GURI no 132, du 7 juin 2013), ainsi que le decreto-legge n. 66 – Misure urgenti per la competitività e la giustizia sociale (décret-loi no 66, portant mesures urgentes pour la compétitivité et la justice sociale), du 24 avril 2014 (GURI no 95, du 24 avril 2014), converti en loi, avec modifications, par la loi no 89, du 23 juin 2014 (GURI no 143, du 23 juin 2014). Ces décrets-lois prévoient notamment l’allocation de ressources financières supplémentaires aux fins de paiement des créances certaines, liquides et exigibles détenues par les entreprises à l’égard des pouvoirs publics.

9        Des mesures fiscales ont été adoptées afin d’améliorer la position des entreprises détenant des créances à l’égard des pouvoirs publics, dont l’article 12, paragraphe 7 bis, du decreto-legge n. 145 – Interventi urgenti di avvio del piano « Destinazione Italia », per il contenimento delle tariffe elettriche e del gas, per la riduzione dei premi RC-auto, per l’internazionalizzazione, lo sviluppo e la digitalizzazione delle imprese, nonché misure per la realizzazione di opere pubbliche ed EXPO 2015 (décret-loi no 145, portant mesures urgentes pour le lancement du plan « Destination Italie », pour la limitation des tarifs de l’électricité et du gaz, pour la réduction des primes de responsabilité civile automobile, pour l’internationalisation, le développement et la numérisation des entreprises, ainsi que pour la réalisation des travaux publics et EXPO 2015), du 23 décembre 2013 (GURI no 300, du 23 décembre 2013), converti en loi, avec modifications, par la loi no 9, du 21 février 2014 (GURI no 43, du 21 février 2014). En vertu de cette disposition, les entreprises peuvent opérer une compensation entre leurs dettes fiscales et les créances certaines, liquides et exigibles détenues à l’égard des pouvoirs publics.

 La procédure précontentieuse

10      À la suite d’une série de plaintes déposées par des opérateurs économiques et des associations d’opérateurs économiques italiens, la Commission a adressé à la République italienne, le 19 juin 2014, une lettre de mise en demeure, lui reprochant d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent notamment en vertu de l’article 4 de la directive 2011/7.

11      Par lettre du 18 août 2014, cet État membre a répondu à ladite lettre de mise en demeure en communiquant à la Commission les mesures spécifiques prises pour lutter contre les retards de paiement dans les transactions commerciales entre entités publiques et privées. Ces mesures consistaient en la transposition anticipée de la directive 2011/7, en des actions visant à l’élimination du stock des dettes échues des pouvoirs publics, ainsi qu’en la création d’un nouveau système réglementaire et administratif destiné à encourager le respect des délais de paiement prévus par cette directive et à éviter l’augmentation du stock des dettes échues et impayées des pouvoirs publics. Dans la même lettre, la République italienne a précisé que, nonobstant l’adoption desdites mesures, l’existence de retards de paiement ne pouvait être exclue.

12      Le 12 novembre 2014, la Commission a demandé à la République italienne de lui envoyer des rapports bimestriels relatifs à la durée effective des délais de paiement des pouvoirs publics. La République italienne a déféré à cette demande en transmettant à la Commission sept rapports bimestriels entre le 1er décembre 2014 et le 6 août 2016.

13      Par lettre du 21 septembre 2016, la Commission a souligné que les rapports bimestriels envoyés jusqu’à cette date prenaient en compte non pas la totalité des factures ayant comme destinataires les pouvoirs publics italiens, mais uniquement celles effectivement réglées par lesdits pouvoirs pendant les périodes de référence. Par conséquent, cette institution a demandé à la République italienne de lui fournir des données actualisées concernant la totalité des factures.

14      En réponse à la lettre du 21 septembre 2016, cet État membre a transmis à la Commission, le 5 décembre 2016, des données obtenues en recourant à la plateforme de suivi des créances commerciales, dont il ressortait que le délai moyen de paiement pour le premier semestre de l’année 2016 était de 50 jours.

15      Le 16 février 2017, la Commission, estimant que la situation résultant de l’ensemble des rapports soumis par la République italienne n’était pas conforme à l’article 4 de la directive 2011/7, a émis un avis motivé au sens de l’article 258 TFUE et invité cet État membre à s’y conformer dans un délai de deux mois.

16      Dans sa réponse du 19 avril 2017 à l’avis motivé, la République italienne a indiqué que le délai moyen de paiement des pouvoirs publics était de 51 jours pour l’ensemble de l’année 2016, soit 44 jours pour les administrations de l’État, 67 jours pour le service national de santé, 36 jours pour les régions et les provinces autonomes, 43 jours pour les entités locales, 30 jours pour les entités publiques nationales et 38 jours pour les autres pouvoirs publics.

17      Considérant que la République italienne n’avait toujours pas remédié aux violations de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7, la Commission a introduit le présent recours.

18      La République italienne a, en vertu de l’article 16, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, demandé que la Cour siège en grande chambre.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

19      La Commission fait valoir que les données communiquées par la République italienne elle-même démontrent que les pouvoirs publics italiens ont dépassé les délais de paiement de 30 ou 60 jours établis par l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7. Un tel dépassement, dont l’existence ne serait pas expressément contestée par cet État membre, concernerait l’ensemble des pouvoirs publics et couvrirait une période de plusieurs années.

20      À cet égard, la Commission souligne que les données démontrant la réalité du manquement allégué ont été enregistrées et actualisées de manière continue pendant la période comprise entre les mois de septembre 2014 et de décembre 2016.

21      En outre, la Commission relève que certaines études réalisées par d’autres entités et associations contredisent les conclusions des rapports bimestriels soumis par la République italienne, selon lesquelles il existerait une diminution progressive des délais moyens de paiement. En effet, ces études mettraient en évidence l’existence de délais moyens de paiement allant de 99 jours (étude réalisée par la Confartigianato, association représentant certains artisans et PME) à 145 jours (étude réalisée par l’Assobiomedica, association représentant les entreprises fournissant des dispositifs médicaux aux structures de santé italiennes), voire à 156 jours (étude réalisée par l’ANCE, association des entreprises du secteur de la construction). Dans des cas limites, le délai de paiement atteindrait même 687 jours (étude réalisée par le quotidien Il Sole 24 Ore).

22      Selon la Commission, un tel dépassement continu et systématique, par les pouvoirs publics italiens, des délais de paiement prévus à l’article 4, paragraphes 3  et 4, de la directive 2011/7 constitue en soi une violation de celle-ci, imputable à la République italienne. En effet, depuis l’entrée en vigueur de cette directive, les États membres seraient, en vertu de son article 4, paragraphes 3 et 4, tenus non seulement de prévoir, dans leur législation transposant ladite directive et dans les contrats portant sur des transactions commerciales dans lesquelles le débiteur est l’un de leurs pouvoirs publics, des délais maximaux de paiement conformes à ces dispositions, mais également de veiller au respect effectif de ces délais par ces pouvoirs publics.

23      Dans ce contexte, la Commission relève, en premier lieu, que la notion de « délai de paiement », au sens de l’article 4, paragraphe 3, sous a), de la directive 2011/7, se réfère au délai dans lequel les pouvoirs publics sont tenus de s’acquitter de manière effective de leurs dettes commerciales, ce délai étant déclenché par la survenance de circonstances factuelles concrètes, telles que la réception de la facture, la réception des marchandises ou la prestation des services. La Commission ajoute que, pour définir la notion de « retard de paiement », l’article 2, point 4, de cette directive renvoie à un élément concret, à savoir le « paiement non effectué » dans le délai contractuel ou légal. Une telle interprétation de la notion de « délai de paiement » serait, d’ailleurs, la seule permettant de poursuivre efficacement l’objectif de la directive 2011/7, qui est la lutte effective contre les retards de paiement dans le marché intérieur.

24      En deuxième lieu, la Commission estime que, dès lors que la violation de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7 par les pouvoirs publics est susceptible d’engager la responsabilité de l’État membre concerné, la question de savoir si ces pouvoirs exercent des prérogatives de puissance publique ou s’ils agissent jure privatorum est sans pertinence dans ce contexte. Au demeurant, la notion de « pouvoir adjudicateur » à laquelle l’article 2, point 2, de cette directive renvoie pour définir la notion de « pouvoir public » serait indépendante de l’existence de prérogatives de puissance publique.

25      En troisième lieu, la Commission fait valoir que l’interprétation qu’elle propose de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7 n’est pas mise en cause par l’arrêt du 16 février 2017, IOS Finance EFC (C‑555/14, EU:C:2017:121), invoqué par la République italienne dans sa réponse à l’avis motivé.

26      S’agissant des données qu’elle a fournies à la Commission, la République italienne soutient, en premier lieu, que ces données, relatives aux années 2015 à 2017 et actualisées au mois de mars 2018, démontrent une amélioration continue et systématique des délais moyens de paiement par les pouvoirs publics. Cette amélioration se serait traduite par une réduction du nombre moyen de jours de retard au cours de la période correspondant aux années 2015 à 2017 (de 23 jours à 8 jours). Si cette tendance devait être confirmée, il serait envisageable de prévoir, s’agissant des factures émises au cours de l’année 2018, un respect des délais de paiement établis à l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7.

27      En deuxième lieu, la République italienne fait valoir que les modalités d’analyse adoptées par la Commission en ce qui concerne les données fournies dans ses rapports bimestriels sont inappropriées.

28      À cet égard, elle souligne, d’une part, que le choix par la Commission de recourir à l’indicateur correspondant au « délai moyen de paiement » plutôt qu’à l’indicateur relatif au « délai moyen de retard » affecte la fiabilité de l’analyse à laquelle celle-ci a procédé. En effet, dès lors que ce premier indicateur a comme point de référence, pour analyser l’ampleur des retards de paiement des pouvoirs publics, le délai « standard » de 30 jours, la Commission aurait ignoré le fait que le délai de paiement de 60 jours, prévu à l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2011/7, s’applique non seulement aux transactions effectuées par les entités publiques dispensant des soins de santé, mais également à celles effectuées par tout pouvoir public qui exerce des activités économiques à caractère industriel et commercial et qui est soumis à la directive 2006/111. D’autre part, la Commission aurait procédé à une comparaison trompeuse des données d’un point de vue temporel, en ne prenant pas en compte la dynamique de réalisation des paiements. L’analyse de cette institution se cristalliserait, donc, au moment de l’envoi du dernier rapport bimestriel, sans prendre en considération les paiements intervenus ultérieurement.

29      En troisième lieu, la République italienne conteste les résultats des études mentionnées au point 21 du présent arrêt, ceux-ci étant, en raison de leur absence de fiabilité et du caractère partiel des données collectées, dépourvus de pertinence.

30      S’agissant de la portée de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7, la République italienne fait valoir, en premier lieu, qu’il ressort d’une interprétation littérale et systématique de ces dispositions que, si cette directive impose aux États membres de garantir, dans leur législation transposant ladite directive et dans les contrats portant sur des transactions commerciales dans lesquelles le débiteur est l’un de leurs pouvoirs publics, des délais maximaux de paiement conformes auxdites dispositions ainsi que de prévoir le droit des créanciers, en cas de non-respect de ces délais, à des intérêts pour retard de paiement et à une indemnisation des frais de recouvrement, ces mêmes dispositions n’exigent, en revanche, pas des États membres qu’ils garantissent le respect effectif, en toutes circonstances, desdits délais par leurs pouvoirs publics. La directive 2011/7 viserait à uniformiser non pas les délais dans lesquels les pouvoirs publics doivent effectivement procéder au paiement des montants dus en rémunération de leurs transactions commerciales, mais uniquement les délais dans lesquels ils doivent remplir leurs obligations sans encourir les pénalités automatiques pour retard de paiement.

31      En effet, outre que l’article 4, paragraphe 6, de la directive 2011/7 se bornerait à imposer le respect du délai de paiement « fixé dans le contrat », il ne ressortirait pas de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de cette directive que les pouvoirs publics sont tenus de payer leurs dettes dans le délai qu’il prévoit. Quant à l’expression « délai de paiement », elle ne viserait pas, dans les dispositions pertinentes de ladite directive, le délai dans lequel les pouvoirs publics doivent effectivement s’acquitter de telles dettes.

32      En deuxième lieu, la République italienne fait valoir que l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/7 se limite à fixer les points de départ des délais de paiement dans le cadre des transactions commerciales. Ainsi, la référence, dans cette disposition, aux circonstances factuelles que sont la réception de la facture, la réception des marchandises, la prestation des services, ou encore l’acceptation ou la vérification des marchandises n’impliquerait pas qu’un État membre soit tenu de veiller in concreto au respect desdits délais.

33      En troisième lieu, l’absence d’échéance précise à laquelle l’obligation imposée à l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7 doit être exécutée mettrait en évidence que, s’agissant du respect des délais de paiement, cette directive soumet l’État membre concerné non pas à des obligations de résultat, mais tout au plus à des obligations de moyen, dont la violation ne saurait être constatée que si la situation de cet État membre s’écarte considérablement de celle préconisée par ladite directive. Or, dans la présente affaire, les données fournies à la Commission démontreraient, d’une part, une diminution considérable et continue des retards de paiement des dettes commerciales des pouvoirs publics et, d’autre part, en ce qui concerne plus particulièrement les pouvoirs publics opérant dans le service national de santé, un retard modeste, ne dépassant que de quelques jours le délai de paiement prévu à l’article 4, paragraphe 4, de la même directive.

34      En quatrième lieu, la République italienne allègue qu’elle ne saurait être tenue responsable du dépassement des délais de paiement par les pouvoirs publics. Selon elle, lorsqu’un organe d’un État membre agit sur un plan d’égalité avec un opérateur privé, cet organe répond uniquement devant les juridictions nationales d’une éventuelle violation du droit de l’Union, au même titre qu’un opérateur privé. Dans ces conditions, afin de veiller au respect du droit de l’Union, les États membres pourraient intervenir uniquement de manière indirecte, en transposant correctement les dispositions que ces pouvoirs publics doivent respecter et en fixant des sanctions en cas de non-respect de ces dispositions. Or, en prévoyant des délais de paiement n’excédant pas ceux prévus par la directive 2011/7 ainsi que le versement d’intérêts pour retard de paiement et l’indemnisation pour les frais de recouvrement exposés, la République italienne aurait respecté les obligations imposées par ladite directive.

35      En tout état de cause, même à supposer que la directive 2011/7 lui imposerait de veiller au respect effectif, par les pouvoirs publics, des délais de paiement dans le cadre de leurs transactions commerciales, la République italienne fait valoir qu’elle serait responsable uniquement des violations graves, continues et systématiques de cette directive, susceptibles de démontrer une violation du principe de coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE.

36      En ce qui concerne, enfin, l’arrêt du 16 février 2017, IOS Finance EFC (C‑555/14, EU:C:2017:121), la République italienne fait valoir que la Cour y a approuvé un mécanisme réglementaire permettant le paiement systématiquement tardif des dettes des pouvoirs publics en faveur des créanciers n’ayant pas renoncé aux intérêts pour retard de paiement et à l’indemnisation pour les frais de recouvrement. Or, s’il convenait d’admettre, comme le soutient la Commission, que les retards effectifs de paiement des pouvoirs publics constituent une violation de la directive 2011/7 imputable à l’État membre concerné, la Cour aurait nécessairement constaté la non-conformité avec le droit de l’Union d’un mécanisme réglementaire de cette nature, puisque celui-ci autorisait le paiement systématiquement tardif des dettes commerciales des pouvoirs publics. La République italienne en conclut, d’une part, que le droit effectivement garanti aux créanciers par la directive 2011/7 ne concerne que les intérêts pour retard de paiement qu’elle impose et, d’autre part, que l’objectif de cette directive, qui est la lutte contre les retards de paiement, « n’est poursuivi qu’indirectement ».

 Appréciation de la Cour

37      Par son recours, la Commission demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas veillé à ce que ses pouvoirs publics respectent les délais de 30 ou 60 jours civils applicables aux paiements qu’ils doivent effectuer en rémunération de leurs transactions commerciales avec les entreprises, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7.

38      Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, sous a), de cette directive, les États membres veillent, dans des transactions commerciales où le débiteur est un pouvoir public, à ce que le délai de paiement n’excède pas 30 jours civils à compter des circonstances factuelles qu’il énumère. Quant à l’article 4, paragraphe 4, de ladite directive, il accorde aux États membres la faculté de prolonger ce délai jusqu’à un maximum de 60 jours civils pour ceux des pouvoirs et des entités publics qu’il vise.

39      S’agissant, en premier lieu, de l’interprétation de ces dispositions, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, pour interpréter une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, UNESA e.a., C‑105/18 à C‑113/18, EU:C:2019:935, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

40      En ce qui concerne, premièrement, le libellé de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/7, il résulte de celui-ci, en particulier du membre de phrase « les États membres veillent, dans des transactions commerciales où le débiteur est un pouvoir public, à ce que [...] le délai de paiement n’excède pas les durées suivantes », que l’obligation imposée aux États membres par cette disposition vise le respect effectif, par leurs pouvoirs publics, des délais de paiement qu’elle prévoit.

41      Il convient de noter, à cet égard, que ladite disposition est rédigée dans des termes tout aussi impératifs que ceux utilisés à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, relatif au versement d’intérêts légaux pour retard de paiement. Il s’ensuit que lesdites dispositions imposent aux États membres des obligations non pas alternatives, mais complémentaires.

42      Deuxièmement, cette interprétation littérale est confortée par le contexte dans lequel s’inscrit l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7.

43      Il y a ainsi lieu de relever que la rédaction de l’article 3 de cette directive, relatif aux transactions entre entreprises, diffère nettement de celle de l’article 4 de celle-ci, relatif aux transactions entre entreprises et pouvoirs publics. Certes, ces deux articles prévoient que les États membres veillent à ce que le créancier soit en droit d’obtenir le paiement d’intérêts en cas de retard de paiement. En revanche, en ce qui concerne le respect des délais de paiement, là où l’article 4, paragraphe 3, de ladite directive énonce une obligation précise rappelée au point 40 du présent arrêt, l’article 3, paragraphe 3, de la même directive se limite à prévoir le droit du créditeur à des intérêts en cas de dépassement de ces délais.

44      Cette analyse est confirmée par la comparaison entre la directive 2011/7 et la directive 2000/35 qui l’a précédée. En effet, alors que la première énonce expressément, à son article 4, relatif aux transactions entre entreprises et pouvoirs publics, que les États membres veillent à ce que le délai de paiement n’excède pas 30 jours ou, dans certaines hypothèses, un maximum de 60 jours, la seconde ne contenait aucune disposition de cette nature et se limitait à fixer, à son article 3, une obligation relative au paiement d’intérêts de retard, désormais exprimée à l’article 3 de la directive 2011/7, sans distinguer la situation où le débiteur est un pouvoir public.

45      Troisièmement, l’interprétation littérale et contextuelle de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7 est corroborée par les objectifs poursuivis par cette directive. En effet, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, ladite directive a pour but de lutter contre le retard de paiement dans les transactions commerciales afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et, en particulier, des PME.

46      À cet égard, il ressort d’une lecture combinée des considérants 3, 9 et 23 de la directive 2011/7 que les pouvoirs publics, qui effectuent un nombre considérable de paiements aux entreprises, bénéficient de flux de recettes plus sûrs, prévisibles et continus que les entreprises, peuvent obtenir des financements à des conditions plus intéressantes que celles-ci et sont moins tributaires de relations commerciales stables pour réaliser leurs objectifs que les entreprises. Or, en ce qui concerne lesdites entreprises, les retards de paiement de la part de ces pouvoirs entraînent des coûts injustifiés pour celles-ci, en aggravant leurs contraintes en matière de liquidité et en rendant plus complexe leur gestion financière. Ces retards de paiement sont également préjudiciables à leur compétitivité et à leur rentabilité, dès lors que ces entreprises doivent obtenir des financements externes en raison desdits retards de paiement.

47      De telles considérations, tenant au grand nombre de transactions commerciales dans lesquelles les pouvoirs publics sont les débiteurs d’entreprises, ainsi qu’aux coûts et aux difficultés engendrés pour ces dernières par des retards de paiement de la part de ces pouvoirs, mettent en évidence que le législateur de l’Union a entendu imposer aux États membres des obligations renforcées en ce qui concerne les transactions entre entreprises et pouvoirs publics et impliquent que l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7 soit interprété en ce sens qu’il impose aux États membres de veiller à ce que lesdits pouvoirs effectuent, dans le respect des délais prévus par ces dispositions, les paiements en rémunération des transactions commerciales avec les entreprises.

48      Il résulte de ce qui précède que l’interprétation de la République italienne, selon laquelle l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7 impose aux États membres uniquement l’obligation de s’assurer de la conformité à ces dispositions des délais légaux et contractuels de paiement applicables aux transactions commerciales impliquant des pouvoirs publics et de prévoir, en cas de non-respect de ces délais, le droit, pour un créancier qui a rempli ses obligations contractuelles et légales, d’obtenir des intérêts légaux pour retard de paiement, mais non pas l’obligation de veiller au respect effectif de ces délais par ces pouvoirs publics, ne saurait être retenue.

49      Une telle conclusion n’est nullement affectée par l’arrêt du 16 février 2017, IOS Finance EFC (C‑555/14, EU:C:2017:121), dont se prévaut la République italienne.

50      En effet, il importe, tout d’abord, de rappeler que cet arrêt, qui concerne un « mécanisme [national] extraordinaire de financement pour le paiement des fournisseurs », d’une durée limitée, destiné à faire face aux retards de paiement accumulés par les pouvoirs publics en raison de la crise économique, porte sur l’interprétation non pas de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7, mais, en substance, de l’article 7, paragraphes 2 et 3, de celle-ci, relatif aux clauses contractuelles et aux pratiques abusives en matière d’intérêts pour retard de paiement.

51      Ensuite, en considérant, aux points 31 et 36 dudit arrêt, que la renonciation, par le créancier d’un pouvoir public, aux intérêts pour retard de paiement et à l’indemnisation pour frais de recouvrement doit, pour être conforme à la directive 2011/7, non seulement avoir été librement consentie, mais, en outre, avoir pour contrepartie le paiement « immédiat » du montant principal de la créance, la Cour a, ainsi que l’a relevé la Commission, souligné l’importance prépondérante que les États membres doivent accorder, dans le contexte de cette directive, au paiement effectif et rapide de tels montants.

52      Contrairement à ce que soutient la République italienne, il ne saurait être déduit de ce même arrêt que la Cour aurait approuvé le paiement systématiquement tardif des dettes commerciales des pouvoirs publics en faveur des créanciers n’ayant pas renoncé aux intérêts pour retard de paiement et à l’indemnisation pour les frais de recouvrement.

53      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7 doit être interprété en ce sens qu’il impose aux États membres de veiller au respect effectif, par leurs pouvoirs publics, des délais de paiement qu’il prévoit.

54      Il convient, en deuxième lieu, de déterminer, eu égard à l’argumentation de la République italienne mentionnée au point 34 du présent arrêt, si le dépassement, par les pouvoirs publics, de tels délais de paiement est susceptible de constituer un manquement aux obligations qui incombent aux États membres concernés au sens de l’article 258 TFUE.

55      À cet égard, il importe de rappeler qu’un manquement d’un État membre peut être en principe constaté au titre de l’article 258 TFUE quel que soit l’organe de cet État dont l’action ou l’inaction est à l’origine du manquement, même s’il s’agit d’une institution constitutionnellement indépendante [arrêts du 5 mai 1970, Commission/Belgique, 77/69, EU:C:1970:34, point 15 ; du 12 mars 2009, Commission/Portugal, C‑458/07, non publié, EU:C:2009:147, point 20, et du 4 octobre 2018, Commission/France (Précompte mobilier), C‑416/17, EU:C:2018:811, point 107].

56      En l’occurrence, la République italienne ne conteste pas que les manquements allégués par la Commission visent ses pouvoirs publics, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2011/7. Cette disposition renvoie, aux fins de la définition de la notion de « pouvoir public », à celle donnée à la notion de « pouvoir adjudicateur », notamment, par, l’article 1er, paragraphe 9, de la directive 2004/18, ce renvoi répondant à un souci de cohérence de la législation de l’Union, ainsi que l’indique le considérant 14 de la directive 2011/7.

57      Il importe de relever que l’argument de la République italienne selon lequel les pouvoirs publics ne sauraient engager la responsabilité de l’État membre dont ils relèvent lorsqu’ils agissent dans le cadre d’une transaction commerciale, en dehors de leurs prérogatives de puissance publique, reviendrait, s’il était accueilli, à priver d’effet utile la directive 2011/7, en particulier son article 4, paragraphes 3 et 4, qui fait précisément peser sur les États membres l’obligation de veiller au respect effectif des délais de paiement qu’il prévoit dans les transactions commerciales où le débiteur est un pouvoir public.

58      S’agissant, en troisième lieu, de la matérialité du manquement allégué par la Commission à l’aune de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (arrêt du 18 octobre 2018, Commission/Royaume-Uni, C‑669/16, EU:C:2018:844, point 40 et jurisprudence citée), à savoir, en l’occurrence, le 16 avril 2017.

59      À cet égard, il ressort du dernier rapport bimestriel soumis par la République italienne à la Commission, établi le 5 décembre 2016, que le délai moyen de paiement des pouvoirs publics pour le premier semestre de l’année 2016 s’élevait à 50 jours (47 jours en retenant la moyenne pondérée des données), ces données ayant été calculées à partir des transactions réalisées par plus de 22 000 pouvoirs publics et concernant environ 13 millions de factures reçues par ceux-ci.

60      En outre, dans la réponse à l’avis motivé et dans ses annexes, la République italienne a indiqué que, pour l’ensemble de l’année 2016, les délais moyens de paiement s’étaient élevés à 41 jours pour les pouvoirs publics ne relevant pas du système national de santé et à 67 jours pour ceux relevant de celui-ci, ces données ayant été établies sur la base des factures reçues par tous les pouvoirs publics au titre de cette même année (plus de 27 millions).

61      Quant à l’argument de la République italienne selon lequel il convient d’apprécier le manquement sur la base du délai moyen de retard plutôt que du délai moyen de paiement, il suffit de constater qu’il ressort, en tout état de cause, de la réponse à l’avis motivé et de ses annexes, mentionnées au point précédent, que les délais moyens de retard étaient, au cours de l’année 2016, de 10 jours pour les pouvoirs publics ne relevant pas du système national de santé et de 8 jours pour ceux relevant de celui-ci.

62      Ces données, conjuguées à celles fournies par la République italienne depuis l’ouverture de la procédure précontentieuse, sur une période de temps ininterrompue, démontrent que le délai moyen dans lequel les pouvoirs publics italiens dans leur ensemble ont effectué les paiements en rémunération de leurs transactions commerciales a dépassé les délais de paiement prévus à l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7.

63      À cet égard, il convient de souligner que la République italienne ne conteste pas le fait que ses pouvoirs publics, dans leur ensemble, ont dépassé, en moyenne, ces délais, ni ne soutient qu’une analyse de ces données sur la base d’autres modalités aurait permis de constater le respect desdits délais. Elle souligne toutefois, d’une part, qu’une série de mesures prises depuis l’année 2013 ont contribué à une réduction progressive de ces retards de paiement et, d’autre part, qu’un manquement ne saurait être constaté qu’en présence d’une violation grave, continue et systématique des obligations imposées à l’article 4 de la directive 2011/7, ce qui n’a pas été le cas en l’occurrence.

64      Toutefois, de telles considérations ne sont pas de nature à écarter l’existence, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, d’un manquement de cet État membre aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7 (voir, par analogie, arrêt du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, points 77 et 78). En outre, il découle de la jurisprudence de la Cour que le recours en manquement a un caractère objectif et que, en conséquence, le manquement aux obligations qui incombent aux États membres en vertu du droit de l’Union est considéré comme existant, quelles que soient l’ampleur ou la fréquence des situations incriminées (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2003, Commission/Danemark, C‑226/01, EU:C:2003:60, point 32 et jurisprudence citée).

65      Par conséquent, la circonstance, à la supposer établie, que la situation relative aux retards de paiement des pouvoirs publics dans les transactions commerciales couvertes par la directive 2011/7 soit en voie d’amélioration ne saurait faire obstacle à ce que la Cour constate que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union [voir, par analogie, arrêt du 24 octobre 2019, Commission/France (Dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote), C‑636/18, EU:C:2019:900, point 49].

66      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en ne veillant pas à ce que ses pouvoirs publics respectent de manière effective les délais de paiement établis à l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      En ne veillant pas à ce que ses pouvoirs publics respectent de manière effective les délais de paiement établis à l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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