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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> BTB Holding Investments and Duferco Participations Holding v Commission (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-148/19P (07 May 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C14819P.html Cite as: EU:C:2020:354, ECLI:EU:C:2020:354, [2020] EUECJ C-148/19P |
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ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
7 mai 2020 (*)
« Pourvoi – Aides d’État – Aides régionales en faveur de l’industrie sidérurgique – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché commun – Notion d’“aide d’État” – Avantage – Critère de l’opérateur privé – Erreur manifeste – Charge de la preuve – Limites du contrôle juridictionnel »
Dans l’affaire C‑148/19 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 février 2019,
BTB Holding Investments SA, établie à Luxembourg (Luxembourg),
Duferco Participations Holding SA, établie à Luxembourg,
représentées par Mes J.-F. Bellis, R. Luff, M. Favart et Q. Declève, avocats,
parties requérantes,
les autres parties à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et G. Luengo, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Foreign Strategic Investments Holding (FSIH),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur) et A. Kumin, juges,
avocat général : M. G. Pitruzzella,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, BTB Holding Investments SA (ci-après « BTB ») et Duferco Participations Holding SA (ci-après « DPH ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 décembre 2018, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission (T‑100/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:900), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2016/2041 de la Commission, du 20 janvier 2016, concernant les aides d’État SA.33926 2013/C (ex 2013/NN, 2011/CP) mises à exécution par la Belgique en faveur de Duferco (JO 2016, L 314, p. 22, ci‑après la « décision litigieuse »).
Les antécédents du litige
2 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 21 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.
3 Le groupe Duferco produit et vend de l’acier. Il est présent dans une cinquantaine de pays à travers le monde. En 2009, les activités dudit groupe en Europe se concentraient principalement en Belgique et en Italie. Ce groupe était aussi actif, notamment, en Suisse, au Luxembourg et en France.
4 Le groupe Duferco s’est implanté en Belgique en 1997 et a procédé, jusqu’en 2002, à l’acquisition de différents sites sidérurgiques. À la suite de cette vague d’acquisitions, ledit groupe disposait de trois filiales principales en Belgique, à savoir Duferco Clabecq, Duferco La Louvière et Carsid.
5 La consolidation des activités de négoce du groupe Duferco était effectuée au sein de la société Duferco Industrial Investment (ci-après « DII »), à laquelle a succédé DPH. À la tête du groupe Duferco se trouve BTB, maison mère du groupe qui a succédé à la société Bolmat Holding Ltd (ci-après « Bolmat ») ainsi qu’aux sociétés Ultima Holding Ltd et Ultima Partners Ltd (ci-après, prises ensemble, « Ultima »), anciennes maisons mères de DPH.
6 En 2006, le groupe Duferco a noué un partenariat stratégique avec le groupe russe Novolipetsk (ci-après le « groupe NLMK »). Ce partenariat visait à tirer parti de la présence du groupe NLMK en amont de la chaîne de l’acier (fourniture de matières premières et fabrication de produits semi-finis). Il a pris la forme d’une participation de la société mère du groupe NLMK dans l’une des holdings du groupe Duferco, à savoir Steel Invest & Finance (Luxembourg) SA (ci-après « SIF »). SIF regroupait de nombreux actifs du groupe Duferco, dont Duferco Clabecq, Duferco La Louvière et Carsid. Une branche américaine du groupe Duferco, à savoir Duferco US Investment Corp. (ci-après « Duferco US ») et sa filiale Duferco Farrell Corp. (ci-après « Farrell »), a également été intégrée à SIF à la fin de l’année 2006. Le 18 décembre 2006, l’accord entre les groupes Duferco et NLMK a été entériné et la société mère du groupe NLMK a acquis 50 % des parts de SIF.
7 Au cours de l’été 2011, le partenariat stratégique entre le groupe Duferco et le groupe NLMK a pris fin. Les deux groupes se sont partagé les actifs de SIF.
8 Au mois de novembre 2011, un quotidien belge a publié une série d’articles selon lesquels la Région wallonne (Belgique) avait accordé un soutien financier au groupe Duferco depuis l’année 2003 sans en avoir informé la Commission européenne. Selon ledit quotidien, la Région wallonne a créé, au mois de mars 2003, une nouvelle holding financière, Foreign Strategic Investments Holding SA (FSIH), filiale de Société wallonne de gestion et de participations (Sogepa), pour investir dans des sociétés dudit groupe ayant leur siège en dehors de la Belgique, voire de l’Union européenne.
9 À la suite de ces articles, la Commission a demandé au Royaume de Belgique, par courrier du 29 novembre 2011, de lui communiquer des informations complémentaires relatives à la nature du soutien financier que la Région wallonne aurait apporté au groupe Duferco entre l’année 2003 et l’année 2011.
10 Par lettre du 16 octobre 2013, la Commission a informé le Royaume de Belgique de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard de ces mesures de soutien financier. Elle a invité les intéressés à présenter leurs observations sur lesdites mesures en cause.
11 Il ressort de l’ensemble des informations communiquées par le Royaume de Belgique à la Commission que, entre l’année 2003 et l’année 2011, FSIH est intervenue à plusieurs reprises en faveur du groupe Duferco, pour un total de 517 millions d’euros.
12 L’une de ces interventions, appelée « première mesure » ou « mesure no 1 », a consisté en la cession en 2006, par FSIH, de la participation de 49,9 % qu’elle détenait depuis l’année 2003 dans Duferco US, au profit de DII. Cette cession de participation est intervenue dans le contexte des négociations préalables à la prise de participation du groupe NLMK dans le groupe Duferco à travers SIF, le groupe NLMK ayant formulé le souhait que l’intégralité des actions de Duferco US soit contrôlée par SIF. Ainsi, pour se désengager de Duferco US, FSIH a, le 14 juin 2006, accordé à DII une option d’achat sur ses actions dans Duferco US, laquelle option fut ensuite cédée à Ultima, qui l’exerça et procéda, pour un montant de 125,85 millions de dollars des États-Unis (USD) (environ 95 millions d’euros), au rachat de la totalité de la participation de FSIH dans Duferco US.
13 Ce faisant, le groupe Duferco a, le 12 décembre 2006, acquis la pleine propriété de Duferco US, quelques jours seulement avant de formaliser son partenariat stratégique avec le groupe NLMK.
14 La deuxième intervention de FSIH en faveur du groupe Duferco, dénommée « deuxième mesure » ou « mesure no 2 », a consisté en la cession en 2006, par FSIH, de la participation d’environ 25 % qu’elle détenait depuis l’année 2003 dans DPH, au profit de Bolmat, ancienne maison mère du groupe Duferco à laquelle a succédé BTB. Cette cession de participation a résulté de la volonté de FSIH de se désengager de DPH. Ainsi, le 14 juin 2006, FSIH a cédé à Bolmat la totalité de sa participation dans DPH pour un montant de 105,42 millions d’USD (environ 84 millions d’euros).
15 La troisième de ces interventions, dénommée « quatrième mesure » ou « mesure no 4 », a consisté, en substance, aux termes de deux conventions signées aux mois de septembre et de décembre 2009, en l’octroi d’un prêt in fine de 100 millions d’euros à Ultima, ancienne maison mère du groupe Duferco à laquelle a succédé BTB. Ce prêt a été libéré en deux tranches, la première, de 30 millions d’euros au mois de septembre 2009 et, la seconde, de 70 millions d’euros au mois de décembre 2009. Le taux applicable au prêt a été fixé au taux Euribor 12 mois plus 75 points de base, soit à 2,052 % au moment de la conclusion de ces conventions. Selon les informations présentées par le Royaume de Belgique, le taux effectivement retenu était de 2,04 % lors de la libération de la première tranche et de 1,99 % lors de la libération de la seconde tranche.
16 Compte tenu du terme du partenariat stratégique entre le groupe Duferco et le groupe NLMK intervenu en 2011, et ainsi que ces derniers en étaient convenus, la totalité du prêt a été remboursée de façon anticipée le 30 juin 2011.
17 Le 20 janvier 2016, la Commission a adopté la décision litigieuse.
18 S’agissant, tout d’abord, de la mesure no 1, la Commission a estimé que les conditions auxquelles avait été réalisée la vente de la participation de FSIH dans Duferco US ont eu pour conséquence de placer DII dans une situation plus favorable que celle de ses concurrents, en ce qu’aucun investisseur privé n’aurait accepté de vendre sa participation dans Duferco US aux mêmes conditions et que cet avantage constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.
19 La Commission a estimé que la participation de FSIH dans Duferco US aurait dû être valorisée à hauteur de 141,09 millions d’USD, de sorte que, en raison d’une cession à 125,85 millions d’USD, le montant de l’aide en faveur de DII s’élevait à 15,24 millions d’USD (environ 11,58 millions d’euros).
20 S’agissant, ensuite, de la mesure no 2, la Commission a également estimé que les conditions auxquelles avait été réalisée la vente de la participation de FSIH dans DPH ont eu pour conséquence de placer Bolmat dans une situation plus favorable que celle de ses concurrents, en ce qu’aucun investisseur privé n’aurait accepté de vendre sa participation dans DPH aux mêmes conditions, et que cet avantage constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.
21 La Commission a estimé que la participation de FSIH dans DPH aurait dû être valorisée au minimum à hauteur de 131 millions d’USD, de sorte que, en raison d’une cession à 105,42 millions d’USD, le montant de l’aide en faveur de Bolmat s’élevait à 25,58 millions d’USD (environ 20,36 millions d’euros).
22 S’agissant, enfin, de la mesure no 4, la Commission a estimé que les conditions auxquelles FSIH avait consenti un prêt de 100 millions d’euros à Ultima avaient eu pour conséquence de placer cette dernière dans une situation plus favorable que celle de ses concurrents, en ce qu’aucun prêteur privé n’aurait accepté de lui accorder un prêt aux mêmes conditions, et que cet avantage constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. Selon elle, le taux applicable au prêt aurait dû être fixé au taux Euribor 12 mois plus 220 points de base, soit à 3,502 %.
23 Dans la mesure où un remboursement anticipé du prêt a été convenu au mois de juin 2011, la Commission, sur une base de calcul d’actualisation simplifiée, a estimé que le montant de l’aide en faveur d’Ultima s’élevait approximativement, pour ce prêt, à 2,08 millions d’euros.
La décision litigieuse
24 Le dispositif de la décision litigieuse se lit comme suit :
« Article premier
Les mesures suivantes, illégalement mises à exécution par [le Royaume de] Belgique en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], constituent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur :
a) vente de participation dans [Duferco US], en faveur de [DII], pour un montant de 11 581 700 [euros] ;
b) vente de participation dans [DPH], en faveur de [Bolmat], pour un montant de 20 362 464 [euros] ;
[...]
d) prêt en faveur [d’Ultima], pour un montant de 2 082 723 [euros] en principe, dans la mesure où le taux d’intérêt appliqué au prêt est inférieur à 3,502 % ;
[...]
Article 2
1. [Le Royaume de] Belgique est [tenu] de se faire rembourser par les bénéficiaires directs ou leurs successeurs légaux les aides incompatibles octroyées visées à l’article 1er.
[...] »
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
25 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 février 2017, BTB et DPH ont introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse.
26 Par demande déposée au greffe du Tribunal le 12 juin 2017, FSIH a demandé à intervenir au soutien des conclusions de BTB et de DPH.
27 À l’appui dudit recours, BTB et DPH ont invoqué huit moyens. Trois de ces moyens visaient la mesure no 1, trois portaient sur la mesure no 2 et les deux derniers concernaient la mesure no 4.
28 S’agissant de la mesure no 1, les deux premiers moyens soulevés étaient tirés, en substance, de l’absence d’avantage lié aux conditions auxquelles FSIH a cédé à DII sa participation dans Duferco US. Le troisième moyen soulevé était tiré, en substance, de différentes erreurs entachant la détermination du montant de l’aide en cause.
29 S’agissant de la mesure no 2, les deux premiers moyens invoqués étaient également tirés, en substance, de l’absence d’avantage lié aux conditions auxquelles FSIH a cédé à Bolmat sa participation dans DPH. Le troisième moyen soulevé était tiré, en substance, de différentes erreurs entachant la détermination du montant de l’aide en cause.
30 S’agissant de la mesure no 4, les deux moyens soulevés étaient tirés, en substance, de l’absence d’avantage lié aux conditions auxquelles FSIH a accordé un prêt à Ultima.
31 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours de BTB et de DPH.
Les conclusions des parties devant la Cour
32 BTB et DPH demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ainsi que
– de condamner la Commission aux dépens.
33 La Commission demande à la Cour :
– à titre principal, de rejeter le pourvoi comme étant non fondé ;
– à titre subsidiaire, de rejeter le recours en annulation formé contre la décision litigeuse, et
– de condamner BTB et DPH aux dépens exposés devant la Cour.
Sur le pourvoi
Sur la recevabilité
34 La Commission excipe de l’irrecevabilité du pourvoi dans son ensemble, au motif que celui-ci serait trop abstrait.
35 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 11 avril 2013, Mindo/Commission, C‑652/11 P, EU:C:2013:229, point 21).
36 En l’espèce, BTB et DPH ont clairement exposé les raisons pour lesquelles elles considèrent que le Tribunal a commis des erreurs de droit. Ces deux entreprises ont, de manière suffisamment précise, identifié les points de l’arrêt attaqué qui sont, selon elles, entachés d’erreurs de droit et qui ont amené le Tribunal à considérer, en l’espèce, que la Commission a correctement conclu à l’existence d’aides d’État.
37 Dans ces conditions, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être rejetée.
38 Partant, le pourvoi de BTB et de DPH est recevable.
Sur le fond
39 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent un moyen unique qui comporte deux branches dont la première est tirée de la violation des règles relatives à la charge de la preuve et la seconde est tirée du principe d’égalité des armes et du droit à un procès équitable.
Sur la première branche du moyen unique
– Argumentation des parties
40 Par la première branche du moyen unique, BTB et DPH font valoir, en premier lieu, que, par les termes « afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue dans la décision en cause », figurant aux points 90 et 142 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé les règles de la charge de la preuve en matière d’aides d’État. En soutenant qu’il revenait aux parties requérantes d’apporter des éléments de preuve suffisamment probants pour priver de plausibilité l’appréciation économique complexe des faits retenue dans la décision litigieuse, le Tribunal aurait renversé la charge de la preuve.
41 Selon ces entreprises, le Tribunal a, d’une part, consacré le droit pour la Commission de ne pas avoir à démontrer en quoi les mesures en cause constituaient des aides d’État et de pouvoir fonder son appréciation des faits sur de simples allégations ou éléments « plausibles » dont elle ne serait pas tenue de prouver la véracité. D’autre part, le Tribunal aurait exigé des parties requérantes de démontrer que les mesures en cause ne constituaient pas des aides d’État.
42 En second lieu, BTB et DPH estiment qu’il ressortirait des points 90 et 142 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré implicitement que, si un doute subsiste à l’issue de l’examen par la Commission des mesures concernées, ce doute profitera à cette dernière, puisque celle-ci peut fonder son appréciation sur de simples éléments « plausibles » dont elle ne devrait pas établir la véracité.
43 La Commission conteste l’argumentation de BTB et de DPH.
– Appréciation de la Cour
44 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C‑385/18, EU:C:2019:1121, point 31).
45 Il y a lieu de rappeler également que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pu obtenir dans des conditions normales de marché (arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 44).
46 Ainsi, compte tenu de l’objectif de l’article 107, paragraphe 1, TFUE d’assurer une concurrence non faussée, y compris entre les entreprises publiques et les entreprises privées, la notion d’« aide », au sens de cette disposition, ne saurait recouvrir une mesure accordée en faveur d’une entreprise au moyen de ressources d’État lorsque celle-ci aurait pu obtenir le même avantage dans des circonstances correspondant aux conditions normales du marché. L’appréciation des conditions dans lesquelles un tel avantage a été accordé s’effectue donc, en principe, par application du principe de l’opérateur privé (arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 45).
47 Le principe de l’opérateur privé figure parmi les éléments que la Commission est tenue de prendre en compte pour établir l’existence d’une aide, et ne constitue donc pas une exception s’appliquant seulement sur la demande d’un État membre, lorsqu’il a été constaté que les éléments constitutifs de la notion d’« aide d’État », figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont réunis (arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 46).
48 Dans ce contexte, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que la Commission ne saurait supposer qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État en se basant simplement sur une présomption négative, fondée sur l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire, en l’absence d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage (arrêt du 17 septembre 2009, Commission/MTU Friedrichshafen, C‑520/07 P, EU:C:2009:557, point 58).
49 Ainsi, lorsque la Commission applique le principe de l’opérateur privé, elle est, à tout le moins, tenue de s’assurer que les renseignements dont elle dispose, bien qu’ils puissent, le cas échéant, être fragmentaires et incomplets, constituent une base suffisante pour conclure qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2009, Commission/MTU Friedrichshafen, C‑520/07 P, EU:C:2009:557, point 56).
50 En effet, la Commission doit fonder ses décisions sur des éléments d’une certaine fiabilité et cohérence, de nature à étayer les conclusions auxquelles elle parvient (arrêt du 17 septembre 2009, Commission/MTU Friedrichshafen, C‑520/07 P, EU:C:2009:557, point 55).
51 En outre, ainsi que le Tribunal l’a relevé, en substance, au point 82 de l’arrêt attaqué, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures concernées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 90, et du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 63).
52 En l’espèce, le Tribunal a souligné, au point 81 de l’arrêt attaqué, que la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application du critère de l’opérateur privé pèse sur la Commission et qu’il en va d’autant plus ainsi lorsque la décision attaquée est fondée non pas sur un défaut de production d’éléments qui avaient été demandés par la Commission à l’État membre concerné, mais sur le constat qu’un opérateur privé ne se serait pas comporté de la même manière que les autorités dudit État membre, constatation qui suppose que la Commission ait disposé de tous les éléments pertinents nécessaires à l’élaboration de sa décision.
53 Ainsi, contrairement à ce que BTB et DPH soutiennent, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré qu’il suffit pour la Commission de fonder son appréciation économique sur de simples allégations « plausibles » dont elle ne serait pas tenue de prouver la véracité.
54 S’agissant de l’argumentation de BTB et de DPH selon laquelle, aux points 90 et 142 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’il leur incomberait d’apporter des éléments de preuve afin de démontrer que les mesures en cause ne constituaient pas des aides d’État, il convient de constater que cette argumentation procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
55 En effet, il ressort des points 90 et 142 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré, en substance, que, si la Commission a fait application du critère de l’opérateur privé, a effectué son analyse et a abouti dans sa décision au constat selon lequel les mesures concernées constituent des aides d’État, il revient à la partie requérante de démontrer une erreur manifeste dans l’appréciation des faits effectuée par la Commission.
56 Or, cette considération n’est qu’une conséquence du principe établi dans la jurisprudence constante de la Cour, selon lequel le contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 66 et jurisprudence citée).
57 Compte tenu du large pouvoir d’appréciation de la Commission en vue de l’application du principe de l’opérateur privé, c’est à juste titre que le Tribunal a limité son contrôle à la vérification de l’absence d’erreurs manifestes d’appréciation dans le raisonnement de la Commission, lorsqu’elle a fait application du critère de l’opérateur privé en vue d’établir que les mesures concernées constituaient des aides d’État.
58 En effet, ainsi que le Tribunal l’a, à bon droit, rappelé au point 87 de l’arrêt attaqué, le contrôle juridictionnel est limité, en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lorsque les appréciations portées par la Commission présentent un caractère technique ou complexe (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 88 ainsi que jurisprudence citée).
59 À cet égard, le Tribunal a également, à juste titre, rappelé au point 88 de l’arrêt attaqué, que, lorsqu’il y a lieu, pour la Commission, afin de vérifier si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’appliquer le critère de l’opérateur privé, l’usage de ce critère implique, en général, de la part de la Commission, une appréciation économique complexe (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 89 ainsi que jurisprudence citée).
60 Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’examen par la Commission de la question de savoir si des mesures déterminées peuvent être qualifiées d’aide d’État, en raison du fait que les autorités publiques n’auraient pas agi de la même manière qu’un opérateur privé, requiert de procéder à une appréciation économique complexe (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 62).
61 Le Tribunal a, à bon droit, ajouté, aux points 89 et 141 de l’arrêt attaqué, qu’il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation économique à celle de l’auteur de la décision dont il lui est demandé de contrôler la légalité (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 63).
62 Ainsi, le Tribunal a effectué son contrôle de la décision litigieuse en pleine conformité avec les principes et les critères rappelés par la jurisprudence citée aux points 56 et 58 à 61 du présent arrêt.
63 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a considéré, aux points 90 et 142 de l’arrêt attaqué, qu’il incombait à BTB et à DPH d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision litigieuse.
64 Il s’ensuit que la première branche du moyen unique doit être écartée comme étant non fondée.
Sur la seconde branche du moyen unique
– Argumentation des parties
65 Par la seconde branche du moyen unique, BTB et DPH font valoir que, par les termes utilisés aux points 90 et 142 de l’arrêt attaqué, rappelés au point 40 du présent arrêt, le Tribunal a violé le principe d’égalité des armes et le droit à un procès équitable.
66 Ces entreprises considèrent que ce principe implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.
67 Or, en l’espèce, en considérant que BTB et DPH étaient tenues d’apporter des éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des mesures en cause retenue par la Commission, le Tribunal aurait violé ledit principe en plaçant la Commission dans une situation privilégiée par rapport auxdites entreprises. En effet, dans le cas où la Commission et les parties requérantes fournissent des appréciations des faits contradictoires mais néanmoins tout aussi plausibles l’une que l’autre, les explications de la Commission primeraient automatiquement les explications fournies par les parties requérantes.
68 Selon BTB et DPH, le Tribunal a exigé d’elles qu’elles fournissent des éléments de preuve dont la force probante était plus élevée que celle des éléments de preuve sur la base desquels la Commission avait fondé son appréciation des faits.
69 Une telle répartition de la charge de la preuve serait contraire à la jurisprudence issue des arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission (29/83 et 30/83, EU:C:1984:130, point 16), ainsi que du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, points 126 et 127), selon lesquels, lorsque la Commission constate une infraction aux règles de concurrence en se fondant sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction.
70 La Commission conteste l’argumentation de BTB et de DPH.
– Appréciation de la Cour
71 S’agissant du niveau de preuve requis pour démontrer une erreur manifeste dans le cadre de l’application du principe de l’opérateur privé, il convient de relever d’emblée qu’il ressort des termes utilisés par le Tribunal, aux points 90 et 142 de l’arrêt attaqué, que celui-ci a exigé des parties requérantes de démontrer l’existence d’une erreur suffisamment sérieuse pour ébranler l’appréciation économique complexe effectuée par la Commission. En revanche, il n’en ressort ni que les parties requérantes devraient démontrer l’absence d’aides d’État, ni que la Commission pourrait se fonder sur de simples allégations plausibles afin de démontrer l’existence d’une aide d’État, ni que les parties requérantes devraient réfuter entièrement l’analyse économique de la Commission.
72 Or, ainsi que l’a considéré à bon droit le Tribunal, une erreur manifeste peut être démontrée au moyen d’éléments qui privent de plausibilité l’appréciation des faits retenue par la Commission dans sa décision. En revanche, le moyen tiré d’erreurs manifestes doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par les parties requérantes, l’appréciation mise en cause n’apparaît pas entachée d’une telle erreur.
73 Ainsi, la possibilité d’attaquer la plausibilité de l’appréciation des faits retenue par la Commission dans sa décision est établie au profit des parties requérantes et, contrairement à ce que soutiennent BTB et DPH, les termes utilisés par le Tribunal dans l’arrêt attaqué n’impliquent aucunement que, en l’espèce, les parties requérantes étaient obligées de fournir des éléments de preuve dont la force probante était plus élevée que celle attachée aux éléments de preuve sur la base desquels la Commission avait fondé son appréciation des faits.
74 C’est à la lumière de ces considérations que le Tribunal a apprécié, aux points 121, 124, 127, 180, 221, 248, 253, 276 et 285 de l’arrêt attaqué, si les allégations de BTB et de DPH étaient suffisantes pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenues par la Commission dans la décision litigieuse et a considéré que tel n’était pas le cas.
75 En ce qui concerne l’argumentation de BTB et de DPH tirée des arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission (29/83 et 30/83, EU:C:1984:130, point 16), ainsi que du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, points 126 et 127), il suffit de relever que la Commission, lorsqu’elle applique le principe de l’opérateur privé, ne se fonde pas sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, mais effectue, en principe, une appréciation économique complexe afin de déterminer si l’entreprise concernée a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État.
76 Dans ces conditions, il convient de constater que, en l’espèce, en considérant aux points 90 et 142 de l’arrêt attaqué, que, « afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue dans la décision en cause », le Tribunal n’a violé ni le principe d’égalité des armes ni le droit à un procès équitable.
77 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter la seconde branche du moyen unique comme étant non fondée.
78 Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble comme étant non fondé.
Sur les dépens
79 Selon l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’arrêt qui met fin à l’instance.
80 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de BTB et de DPH et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) BTB Holding Investments SA et Duferco Participations Holding SA sont condamnées aux dépens.
Xuereb | Arabadjiev | Kumin |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2020.
Le greffier | Le président de la VIIème chambre |
A. Calot Escobar | P. G. Xuereb |
* Langue de procédure : le français.
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