Bank BGŻ BNP Paribas (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-183/18 (04 March 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C18318.html
Cite as: [2020] EUECJ C-183/18, ECLI:EU:C:2020:153, EU:C:2020:153

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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

4 mars 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2005/214/JAI – Reconnaissance et exécution des sanctions pécuniaires infligées aux personnes morales – Transposition incomplète d’une décision-cadre – Obligation d’interprétation conforme du droit national – Portée »

Dans l’affaire C‑183/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy Gdańsk-Południe w Gdańsku (tribunal d’arrondissement de Gdańsk Sud à Gdańsk, Pologne), par décision du 26 février 2018, parvenue à la Cour le 9 mars 2018, dans la procédure

Centraal Justitieel Incassobureau, Ministerie van Veiligheid en Justitie (CJIB)

contre

Bank BGŻ BNP Paribas S.A.,

en présence de :

Prokuratura Rejonowa Gdańsk-Śródmieście w Gdańsku,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteure) et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Bank BGŻ BNP Paribas S.A., par MM. M. Konieczny et M. Cymmerman, radcowie prawni,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér, G. Koós et R. D. Gesztelyi, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et P. Huurnink, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. R. Troosters et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 novembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, sous a), de l’article 9, paragraphe 3, et de l’article 20, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous b), de la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires (JO 2005, L 76, p. 16), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par le Centraal Justitieel Incassobureau, Ministerie van Veiligheid en Justitie (CJIB) [Bureau central de recouvrement judiciaire du ministère de la Sécurité et de la Justice (CJIB), Pays-Bas] portant sur la reconnaissance et l’exécution d’une sanction pécuniaire infligée par l’Adm. Verwerking Flitsgegevens CJIB HA Leeuwarden (service chargé du traitement des données flashées du CJIB à Leeuwarden, Pays-Bas) à la succursale, établie à Gdańsk (Pologne), de Bank BGŻ BNP Paribas S.A. ayant son siège à Varsovie (Pologne).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La décision-cadre

3        Les considérants 1, 2 et 4 de la décision-cadre sont libellés comme suit :

« (1)      Le Conseil européen réuni à Tampere [(Finlande)] les 15 et 16 octobre 1999 a approuvé le principe de reconnaissance mutuelle, qui devrait devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l’Union [européenne].

(2)      Le principe de reconnaissance mutuelle devrait s’appliquer aux sanctions pécuniaires infligées par les autorités judiciaires et administratives afin d’en faciliter l’application dans un État membre autre que celui dans lequel les sanctions ont été imposées.

[...]

(4)      La présente décision-cadre devrait couvrir les sanctions pécuniaires relatives à des infractions routières. »

4        L’article 1er de la décision-cadre, intitulé « Définitions », prévoit, à son point a) :

« Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par :

a)      “décision”, toute décision infligeant à titre définitif une sanction pécuniaire à une personne physique ou morale [...] »

5        L’article 4 de la décision-cadre, intitulé « Transmission des décisions et recours à l’autorité centrale », dispose, à son paragraphe 1 :

« Une décision, accompagnée d’un certificat tel que le prévoit le présent article, peut être transmise aux autorités compétentes d’un État membre dans lequel la personne physique ou morale à l’encontre de laquelle la décision a été prononcée possède des biens ou des revenus, a sa résidence habituelle ou son siège statutaire, s’il s’agit d’une personne morale. »

6        L’article 5 de la décision-cadre, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Donnent lieu à la reconnaissance et à l’exécution des décisions, aux conditions de la présente décision-cadre et sans contrôle de la double incrimination du fait, les infractions suivantes, si elles sont punies dans l’État d’émission et telles qu’elles sont définies par le droit de l’État d’émission :

–        [...]

–        conduite contraire aux normes qui règlent la circulation routière, y compris les infractions aux dispositions en matière de temps de conduite et de repos et aux dispositions relatives au transport des marchandises dangereuses,

[...] »

7        Aux termes de l’article 6 de la décision-cadre, intitulé « Reconnaissance et exécution des décisions » :

« Les autorités compétentes de l’État d’exécution reconnaissent une décision qui a été transmise conformément à l’article 4, sans qu’aucune autre formalité ne soit requise, et prennent sans délai toutes les mesures nécessaires pour son exécution, sauf si l’autorité compétente décide de se prévaloir d’un des motifs de non–reconnaissance ou de non-exécution prévus à l’article 7. »

8        Sous le titre « Loi régissant l’exécution », l’article 9, paragraphes 1 et 3, de la décision-cadre dispose :

« 1.      Sans préjudice du paragraphe 3 du présent article et de l’article 10, l’exécution de la décision est régie par la loi de l’État d’exécution de la même manière qu’une sanction pécuniaire de l’État d’exécution. Les autorités de l’État d’exécution sont seules compétentes pour décider des modalités d’exécution et déterminer toutes les mesures y afférentes, y compris les motifs de cessation de l’exécution.

[...]

3.      Une sanction pécuniaire infligée à une personne morale est exécutée même si l’État d’exécution ne reconnaît pas le principe de la responsabilité pénale des personnes morales. »

9        Aux termes de l’article 20 de la décision-cadre, intitulé « Mise en œuvre » :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de la présente décision-cadre avant le 22 mars 2007.

2.      Pendant une période de cinq ans au maximum après la date d’entrée en vigueur de cette décision-cadre, les États membres peuvent limiter son application.

[...]

b)      en ce qui concerne les personnes morales, aux décisions concernant un acte auquel un instrument européen prévoit l’application du principe de la responsabilité des personnes morales. »

 La directive (UE) 2015/413

10      Les considérants 1 et 2 de la directive (UE) 2015/413 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2015, facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière (JO 2015, L 68, p. 9), énoncent :

« (1)      L’amélioration de la sécurité routière est un objectif central de la politique des transports de l’Union. L’Union met en œuvre une politique visant à améliorer la sécurité routière afin de réduire le nombre de tués et de blessés ainsi que les dégâts matériels. Un des éléments importants de cette politique est l’application cohérente de sanctions pour les infractions routières commises dans l’Union qui menacent gravement la sécurité routière.

(2)      [...] La présente directive vise à garantir [...] l’efficacité de l’enquête relative aux infractions en matière de sécurité routière. »

11      L’article 2 de cette directive, intitulé « Champ d’application », prévoit que celle-ci s’applique, notamment, en cas d’excès de vitesse.

12      L’article 4 de ladite directive, intitulé « Procédure pour l’échange d’informations entre États membres », dispose, à son paragraphe 3, troisième alinéa :

« L’État membre de l’infraction utilise, en vertu de la présente directive, les données obtenues aux fins d’établir qui est personnellement responsable des infractions en matière de sécurité routière énumérées à l’article 2 de la présente directive. »

 Le droit polonais

 Le code de procédure pénale

13      Les chapitres 66a et 66b du Kodeks postępowania karnego (code de procédure pénale) (ci-après le « CPP ») ont transposé dans l’ordre juridique polonais les dispositions de la décision-cadre.

14      Sous le titre « Demande d’un État membre de l’[Union] relative à l’exécution d’une décision infligeant, à titre définitif, une sanction pécuniaire », le chapitre 66b du CPP prévoit, à son article 611ff :

« § 1.            Lorsqu’un État membre de l’[Union], désigné dans le présent chapitre comme l’“État d’émission”, demande l’exécution d’une décision définitive infligeant des sanctions pécuniaires, le tribunal d’arrondissement dans le ressort duquel l’auteur possède des biens ou des revenus, ou a sa résidence permanente ou temporaire exécute cette décision. Au sens des dispositions du présent chapitre, les termes “sanction pécuniaire” désignent l’obligation faite à l’auteur de payer les sommes suivantes mentionnées dans la décision :

1)      une somme d’argent au titre de sanction pour une infraction pénale commise ;

[...]

§ 6.      Si les dispositions du présent chapitre n’en disposent pas autrement, l’exécution de la décision visée au paragraphe 1 est soumise aux dispositions du droit polonais. [...] »

15      L’article 611fg du CPP dispose :

« L’exécution de la décision visée à l’article 611ff, paragraphe 1, peut être refusée dans les cas suivants :

1)      l’acte, en raison duquel la décision a été rendue, ne constitue pas une infraction pénale au regard du droit polonais, sauf si, au regard du droit de l’État d’émission, il s’agit d’une infraction pénale visée à l’article 607w ou d’une infraction pénale :

[...]

c)      contre la sécurité des transports,

[...] »

16      Aux termes de l’article 611fh du CPP :

« § 1.      La juridiction examine la question de l’exécution des sanctions pécuniaires après une audience à laquelle peuvent participer le ministère public, l’auteur, s’il se trouve sur le territoire de la République de Pologne, et son défenseur s’il comparaît. Si l’auteur, qui ne se trouve pas sur le territoire de la République de Pologne, n’a pas de défenseur, le président de la juridiction compétente peut lui en désigner un d’office.

§ 2.      L’ordonnance de la juridiction statuant sur l’exécution de la sanction pécuniaire est susceptible de recours.

§ 3.      La décision définitive relative aux sanctions pécuniaires, accompagnée du certificat visé à l’article 611ff, paragraphe 2, constitue un titre exécutoire et est exécutoire en Pologne après le prononcé de l’ordonnance relative à son exécution.

§ 4.      Si les informations transmises par l’État d’émission ne sont pas suffisantes pour permettre de prendre une décision sur l’exécution de la décision infligeant les sanctions pécuniaires, la juridiction demande à la juridiction ou à d’autres autorités de l’État d’émission de lui fournir les informations nécessaires dans un délai déterminé.

§ 5.      En cas de non-respect du délai visé au paragraphe 4, une ordonnance relative à l’exécution de la décision est rendue sur la base des informations transmises antérieurement. »

 La loi sur la responsabilité des entités collectives en matière d’actes illicites

17      L’Ustawa o odpowiedzialności podmiotów zbiorowych za czyny zabronione pod groźbą kary (loi sur la responsabilité des entités collectives en matière d’actes illicites), du 28 octobre 2002 (Dz. U. no 197, position 1661), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit, à son article 2 :

« 1.      Constitue une entité collective [...] une personne morale ou une entité organisationnelle, dépourvue de personnalité juridique à laquelle des dispositions particulières reconnaissent la capacité juridique, à l’exception du Trésor public, des collectivités territoriales et des associations de telles collectivités.

2.      Constitue également une entité collective au sens de la loi une société commerciale avec la participation du Trésor public, d’une collectivité territoriale ou d’une association de telles collectivités, une société de capitaux en formation, une entité en liquidation ou un entrepreneur n’étant pas une personne physique ainsi qu’une entité organisationnelle étrangère. »

18      Aux termes de l’article 22 de cette loi :

« Les dispositions du code de procédure pénale s’appliquent par analogie à la procédure en responsabilité des entités collectives pour les actes punissables, si les dispositions de la présente loi n’en disposent pas autrement. [...] »

 Le code de procédure en matière de contraventions

19      Le Kodeks postępowania w sprawach o wykroczenia (code de procédure en matière de contraventions) dispose, à son article 116b, paragraphe 1 :

« Les dispositions des chapitres 66a et 66b du code de procédure pénale s’appliquent par analogie aux demandes émanant d’États membres de l’[Union] et portant sur l’exécution d’amendes, de sanctions pécuniaires supplémentaires, d’une obligation d’indemnisation ou d’exécuter une sanction pécuniaire décidée par une juridiction ou une autre autorité d’un État membre de l’[Union]. »

 Le code des contraventions

20      L’article 92a du chapitre XI, intitulé « Contraventions en matière de sécurité et d’ordre dans les transports », du Kodeks Wykroczeń (code des contraventions) prévoit :

« Quiconque ne respecte pas la limitation de vitesse fixée par la loi ou par la signalisation routière lorsqu’il est au volant d’un véhicule est passible d’une sanction pécuniaire. »

 Le code civil

21      Aux termes de l’article 33 du Kodeks cywilny (code civil) constituent des personnes morales le Trésor public et les organismes auxquels des dispositions particulières reconnaissent la personnalité juridique.

 Le code de procédure civile

22      L’article 64, paragraphe 1, du Kodeks postępowania cywilnego (code de procédure civile) dispose que toute personne physique ou morale a le droit d’intervenir dans un procès en qualité de partie (capacité d’ester en justice). Il prévoit également qu’ont la capacité d’ester en justice les organismes dépourvus de la personnalité juridique auxquels la loi reconnaît cette capacité.

 La loi sur le libre exercice de l’activité économique

23      L’article 5, point 4, de l’Ustawa o swobodzie działalności gospodarczej (loi sur le libre exercice de l’activité économique), du 2 juillet 2004 (Dz. U. no 173, position 1807), définit la « succursale » comme étant une partie distincte et indépendante sur le plan organisationnel de l’activité économique de l’entrepreneur, exploitée par celui-ci en dehors de son siège ou de son principal établissement.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

24      Le 9 juillet 2017, le CJIB a saisi le Sąd Rejonowy Gdańsk-Południe w Gdańsku (tribunal d’arrondissement de Gdańsk Sud à Gdańsk, Pologne) d’une demande de reconnaissance et d’exécution de la décision, du 25 novembre 2016, du service chargé du traitement des données flashées du CJIB à Leeuwarden (ci-après la « décision du 25 novembre 2016 ») infligeant une amende d’un montant de 36 euros à Bank BGŻ BNP Paribas S.A., établie à Gdańsk (ci-après « Bank BGŻ BNP Paribas Gdańsk »), succursale de Bank BGŻ BNP Paribas ayant son siège à Varsovie.

25      L’acte sanctionné avait été commis à Utrecht (Pays-Bas), le 13 novembre 2016, et consistait en un dépassement de 6 km/h de la vitesse autorisée par un conducteur d’un véhicule immatriculé au nom de Bank BGŻ BNP Paribas Gdańsk.

26      Il ressort du certificat annexé à la décision du 25 novembre 2016 par le CJIB que Bank BGŻ BNP Paribas Gdańsk n’a pas été entendue dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à cette décision mais qu’elle a été informée de son droit de contester le bien-fondé des griefs retenus contre elle sans pour autant avoir introduit de recours dans le délai imparti. Il ressort de la décision de renvoi que, dès lors, la décision du 25 novembre 2016 est devenue définitive le 6 janvier 2017 et que, selon le droit néerlandais, l’exécution de la sanction que cette décision inflige sera prescrite le 6 janvier 2022.

27      La juridiction de renvoi a organisé une audience aux fins de l’examen de la demande du CJIB, mentionnée au point 24 du présent arrêt, à laquelle les parties au principal n’ont pas comparu et n’ont pas présenté d’observations.

28      Cette juridiction fait valoir que le chapitre 66b du CPP, ayant transposé dans le droit polonais les dispositions de la décision-cadre, s’applique tant à l’exécution des décisions rendues en matière d’infractions pénales qu’à l’exécution des décisions rendues en matière contraventionnelle, en raison du renvoi à ce chapitre par l’article 116b, paragraphe 1, du code de procédure en matière de contraventions.

29      Néanmoins, ladite juridiction estime que la transposition en droit polonais de la décision-cadre n’est pas complète, dans la mesure où ne figure pas dans le droit polonais l’obligation imposée à l’État d’exécution, par l’article 9, paragraphe 3, de celle-ci, de procéder à l’exécution des sanctions pécuniaires infligées à une personne morale même si cet État ne connaît pas le principe de la responsabilité pénale des personnes morales.

30      De l’avis de la juridiction de renvoi, l’article 611ff du CPP fait référence à l’« auteur » de l’acte sanctionné ainsi qu’à sa « résidence permanente ou temporaire ». Si le sens commun de la notion d’« auteur » pouvait se prêter à une interprétation large, incluant tant les personnes physiques que les personnes morales, une interprétation contextuelle de cette notion, à la lumière de l’économie du CPP, ainsi que l’absence de toute référence au siège statutaire conduiraient à la conclusion que la notion d’« auteur », au sens de l’article 611ff du CPP, couvre uniquement les personnes physiques.

31      Dès lors, les articles 611ff et suivants du CPP ne prévoiraient pas la possibilité d’exécuter une décision infligeant une sanction pécuniaire à une personne morale.

32      Selon la juridiction de renvoi, une telle possibilité ne serait pas non plus prévue par la loi sur la responsabilité des entités collectives en matière d’actes illicites, dans la mesure où cette loi ne trouve pas à s’appliquer aux contraventions commises par des entités collectives, son champ d’application étant limité aux infractions à caractère pénal ou fiscal.

33      La transposition incomplète de la décision-cadre dans l’ordre juridique polonais entraînerait, dès lors, une absence de règles quant à la possibilité de reconnaître et d’exécuter les sanctions pécuniaires infligées à des personnes morales, ayant comme conséquence le refus systématique des juridictions polonaises de procéder à la reconnaissance et à l’exécution des décisions infligeant de telles sanctions.

34      La juridiction de renvoi observe qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, notamment de l’arrêt du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503), que, même si les décisions-cadres sont dépourvues d’effet direct, il revient aux autorités nationales et en particulier aux juridictions nationales, lorsqu’elles tranchent les litiges dont elles sont saisies, d’interpréter le droit national conformément à leurs dispositions, afin d’assurer la pleine efficacité du droit de l’Union. Le principe d’interprétation conforme du droit national ne pourrait cependant pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national.

35      Or, la juridiction de renvoi avance qu’une interprétation large de la notion d’« auteur » de nature à inclure les personnes morales, afin d’assurer la conformité du droit polonais à la décision-cadre, reviendrait à opérer une telle interprétation contra legem.

36      Par conséquent, cette juridiction s’interroge, dans le cadre de la première question, sur les conséquences à tirer de la constatation de la non-conformité du droit polonais à la décision-cadre et, plus particulièrement, si, dans un tel cas de figure, elle est tenue d’écarter l’application de la règle nationale lorsque cette dernière ne peut pas faire l’objet d’une interprétation conforme ou de lui substituer, en l’absence d’autres dispositions de droit national compatibles, la règle figurant dans cette décision-cadre.

37      Dans le cadre de la seconde question, la juridiction de renvoi s’interroge également sur la notion de « personne morale ». À cet égard, elle relève que, selon le droit polonais, la succursale d’une personne morale est mentionnée dans le registre du commerce, sans pour autant disposer d’un siège propre. Malgré son indépendance organisationnelle, la succursale n’aurait pas de personnalité juridique distincte de la société mère et ne pourrait pas ester en justice. En revanche, il semblerait qu’en droit néerlandais les unités organisationnelles d’une personne morale relèvent également de la notion de « personne morale ».

38      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande s’il convient de comprendre la notion de « personne morale », au sens de l’article 1er, sous a), et de l’article 9, paragraphe 3, de la décision-cadre, comme étant une notion autonome du droit de l’Union ou s’il convient de l’interpréter conformément au droit de l’État d’émission ou conformément au droit de l’État d’exécution.

39      De l’avis de la juridiction de renvoi, cette notion devrait être interprétée en conformité avec le droit de l’État d’émission dans la mesure où il revient à cet État d’infliger une sanction pécuniaire selon ses propres règles juridiques.

40      C’est dans ces conditions que le Sąd Rejonowy Gdańsk-Południe w Gdańsku (tribunal d’arrondissement de Gdańsk Sud à Gdańsk) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Faut-il interpréter les dispositions de l’article 1er, sous a), de l’article 9, paragraphe 3, et de l’article 20, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous b), de la décision-cadre [...] en ce sens qu’une décision transmise à des fins d’exécution et infligeant une sanction pécuniaire à une personne morale doit être exécutée dans l’État d’exécution, même si les dispositions nationales qui transposent cette décision-cadre ne prévoient pas la possibilité d’exécuter la décision infligeant une telle sanction à l’encontre d’une personne morale ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, la notion de « personne morale » figurant à l’article 1er, sous a), et à l’article 9, paragraphe 3, de la décision-cadre [...] doit-elle être interprétée :

a.      conformément aux règles de l’État d’émission [article 1er, sous c), de la décision-cadre],

b.      conformément aux règles de l’État d’exécution [article 1er, sous d), de la décision-cadre],

c.      ou comme une notion autonome du droit de l’Union,

et faut-il en tirer la conséquence qu’elle couvre également la succursale d’une personne morale, bien que cette succursale n’ait pas de personnalité juridique dans l’État d’exécution ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la seconde question

41      Par sa seconde question, qu’il convient de traiter en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de « personne morale », figurant notamment à l’article 1er, sous a), et à l’article 9, paragraphe 3, de la décision-cadre, doit être interprétée au regard du droit de l’État d’émission de la décision infligeant une sanction pécuniaire ou de celui de l’État d’exécution, ou encore si elle constitue une notion autonome du droit de l’Union.

42      À cet égard, il y a lieu de constater que, si la décision-cadre ne définit pas la notion de « personne morale », ses dispositions y font référence à plusieurs reprises, notamment dans les libellés de son article 1er, sous a), et de son article 9, paragraphe 3, dont l’interprétation a été demandée par la juridiction de renvoi.

43      En l’absence d’une telle définition, il convient de se référer, aux fins de l’interprétation de ladite notion, à l’économie générale et à la finalité de la décision-cadre.

44      S’agissant de l’économie générale de la décision-cadre, l’article 5 de celle-ci énumère les infractions donnant lieu à la reconnaissance et à l’exécution des décisions, sans contrôle de la double incrimination du fait, et précise que la définition de ces infractions est prévue par le droit de l’État d’émission. Ainsi qu’il a été également relevé par M. l’avocat général aux points 66 et 67 de ses conclusions, il découle de cet article que le droit de l’État d’émission régit les éléments de la responsabilité pénale, notamment la sanction applicable et l’entité visée par cette sanction.

45      En revanche, l’exécution d’une décision imposant une sanction pécuniaire est régie, en vertu de l’article 9 de la décision-cadre, par la loi de l’État d’exécution, ce qui implique, d’une part, que les autorités de cet État sont les seules compétentes pour décider des modalités d’exécution et déterminer toutes les mesures y afférentes, y compris les motifs de cessation de l’exécution, et, d’autre part, qu’une sanction pécuniaire infligée à une personne morale doit être exécutée même si l’État d’exécution ne reconnaît pas le principe de la responsabilité pénale des personnes morales.

46      Il s’ensuit que, selon l’économie générale de la décision-cadre, la notion de « personne morale » doit être interprétée en conformité avec le droit de l’État d’émission de la décision infligeant une sanction pécuniaire.

47      Cette conclusion est confortée par la finalité de la décision-cadre.

48      À cet égard, il convient de rappeler, ainsi que cela ressort en particulier de ses articles 1er et 6 ainsi que de ses considérants 1 et 2, que la décision-cadre a pour objectif de mettre en place un mécanisme efficace de reconnaissance et d’exécution transfrontalière des décisions infligeant à titre définitif une sanction pécuniaire à une personne physique ou à une personne morale à la suite de la commission de l’une des infractions énumérées à l’article 5 de celle-ci [arrêts du 14 novembre 2013, Baláž, C‑60/12, EU:C:2013:733, point 27, et du 5 décembre 2019, Centraal Justitieel Incassobureau (reconnaissance et exécution des sanctions pécuniaires), C‑671/18, EU:C:2019:1054, point 29].

49      En effet, ainsi qu’il a été également relevé par M. l’avocat général au point 68 de ses conclusions, la décision-cadre vise, sans procéder à l’harmonisation des législations des États membres portant sur le droit pénal, à garantir l’exécution des sanctions pécuniaires au sein de ces États grâce au principe de reconnaissance mutuelle.

50      Le principe de reconnaissance mutuelle, qui sous-tend l’économie de la décision-cadre, implique, en vertu de l’article 6 de cette dernière, que les États membres sont en principe tenus de reconnaître une décision infligeant une sanction pécuniaire qui a été transmise conformément à l’article 4 de la décision-cadre, sans qu’aucune autre formalité ne soit requise, et de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour son exécution, les motifs de refus de reconnaissance ou d’exécution d’une telle décision devant être interprétés d’une manière restrictive [arrêts du 14 novembre 2013, Baláž, C‑60/12, EU:C:2013:733, point 29, et du 5 décembre 2019, Centraal Justitieel Incassobureau (reconnaissance et exécution des sanctions pécuniaires), C‑671/18, EU:C:2019:1054, point 31].

51      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la sanction dont l’exécution a été demandée par le CJIB a été formellement infligée à Bank BGŻ BNP Paribas Gdańsk, qui est une succursale de Bank BGŻ BNP Paribas, ayant son siège à Varsovie, et qui, selon le droit polonais, ne dispose pas de la personnalité juridique ni de la capacité juridique d’ester en justice. Selon la juridiction de renvoi, cette circonstance pourrait conduire, en pratique, à l’impossibilité d’exécuter une sanction pécuniaire au titre de la décision-cadre à la demande de l’autorité compétente d’un autre État membre.

52      Il y a cependant lieu de faire observer que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, en droit polonais, une succursale est dépourvue de personnalité juridique distincte de la société à qui elle appartient. Dans ces conditions, sous réserve des vérifications à opérer par la juridiction de renvoi, il apparaît que les actes de Bank BGŻ BNP Paribas Gdańsk seraient imputables à Bank BGŻ BNP Paribas, la sanction pouvant être réputée appliquée à cette dernière. L’exécution de la sanction semble donc pouvoir être engagée, selon le droit de l’État membre d’exécution, auprès de Bank BGŻ BNP Paribas.

53      Par conséquent, dès lors que la succursale et la société qui la possède constitueraient une seule entité juridique de droit polonais, la notification de la décision infligeant une sanction pécuniaire à la première pourrait être regardée comme valant notification à la seconde, laquelle dispose de la capacité juridique d’ester en justice, y compris dans la phase d’exécution.

54      Par ailleurs, il convient de relever d’une manière plus générale que les dispositions de la directive 2015/413, applicables en cas d’infractions en matière de sécurité routière et notamment en cas d’excès de vitesse, prévoient que les États membres doivent faciliter, dans un esprit de coopération loyale, l’échange transfrontalier d’informations concernant ces infractions afin de faciliter l’application des sanctions, lorsque lesdites infractions ont été commises dans un État membre autre que celui où le véhicule en cause a été immatriculé et de contribuer ainsi à la réalisation de l’objectif poursuivi par cette directive qui est celui d’assurer un niveau élevé de protection de tous les usagers de la route dans l’Union.

55      À ces fins, l’échange transfrontalier d’informations implique, ainsi qu’il a été également relevé par M. l’avocat général au point 73 de ses conclusions, que les données fournies par l’État membre d’immatriculation, en l’occurrence l’État d’exécution, permettent d’identifier non seulement le titulaire de l’immatriculation du véhicule mais également la personne qui en est responsable en droit national en cas d’infraction routière, afin de faciliter l’exécution d’éventuelles sanctions pécuniaires.

56      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que la notion de « personne morale » figurant notamment à l’article 1er, sous a), et à l’article 9, paragraphe 3, de la décision-cadre doit être interprétée au regard du droit de l’État d’émission de la décision infligeant une sanction pécuniaire.

 Sur la première question

57      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la décision-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle impose à une juridiction d’un État membre de laisser inappliquée une disposition du droit national incompatible avec l’article 9, paragraphe 3, de la décision-cadre.

58      Ainsi qu’il ressort des dispositions combinées de la décision-cadre, notamment de l’article 1er, sous a), et de l’article 9, paragraphe 3, de celle-ci, une sanction pécuniaire, au sens de cette décision-cadre, infligée à une personne morale doit être exécutée par l’État d’exécution. La décision-cadre, dont le caractère contraignant a été souligné par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2005, Pupino, C‑105/03, EU:C:2005:386, points 33 et 34), impose, dès lors, aux États membres une obligation d’exécuter une telle sanction pécuniaire indépendamment de la question de savoir si les réglementations nationales connaissent le principe de responsabilité pénale des personnes morales.

59      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si elle est tenue, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, d’écarter l’application d’une disposition de droit national lorsque cette dernière ne peut pas faire l’objet d’une interprétation conforme ou, en l’absence d’autres dispositions de droit national compatibles, de lui substituer les dispositions de la décision-cadre elle-même.

60      À cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, que, afin de garantir l’effectivité de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union, le principe de primauté impose, notamment, aux juridictions nationales d’interpréter, dans toute la mesure du possible, leur droit interne de manière conforme au droit de l’Union (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 57).

61      À défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, tout juge national, saisi dans le cadre de sa compétence a, en tant qu’organe d’un État membre, l’obligation de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire à une disposition de droit de l’Union qui est d’effet direct dans le litige dont il est saisi (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, points 58 et 61 ainsi que jurisprudence citée).

62      En revanche, une disposition du droit de l’Union qui est dépourvue d’effet direct ne peut être invoquée, en tant que telle, dans le cadre d’un litige relevant du droit de l’Union, afin d’écarter l’application d’une disposition de droit national qui y serait contraire (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 62).

63      Ainsi, la Cour a dit pour droit que l’obligation, pour une juridiction nationale, de laisser inappliquée une disposition de son droit interne, contraire à une disposition du droit de l’Union, si elle découle de la primauté reconnue à cette dernière disposition, est néanmoins conditionnée par l’effet direct de ladite disposition dans le litige dont cette juridiction est saisie. Partant, une juridiction nationale n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, de laisser inappliquée une disposition de son droit national contraire à une disposition du droit de l’Union si cette dernière disposition est dépourvue d’effet direct (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 68).

64      S’agissant de la décision-cadre, celle-ci a été adoptée sur le fondement de l’ancien troisième pilier de l’Union, notamment, en application de l’article 31, paragraphe 1, sous a), du traité UE et de l’article 34, paragraphe 2, sous b), du traité UE. Dans la mesure où la décision-cadre n’a pas fait l’objet d’une abrogation, annulation ou modification postérieurement à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il résulte de l’article 9 du protocole (no 36) sur les dispositions transitoires, annexé au traités, que ses effets continuent à être régis par le traité UE et qu’elle est ainsi dépourvue d’effet direct (voir, par analogie, arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, points 69 et 70).

65      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, si les décisions-cadres ne peuvent produire d’effet direct, leur caractère contraignant entraîne néanmoins dans le chef des autorités nationales une obligation d’interprétation conforme de leur droit interne à partir de la date d’expiration du délai de transposition de ces décisions-cadres (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 72 et jurisprudence citée).

66      En appliquant le droit national, ces autorités sont donc tenues d’interpréter celui-ci, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de la décision-cadre et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, points 73 et 77 ainsi que jurisprudence citée).

67      Il y a cependant lieu de rappeler que le principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites tirées, d’une part, de l’impossibilité de déterminer ou d’aggraver, sur le fondement d’une décision-cadre et indépendamment d’une loi prise pour la mise en œuvre de celle-ci, la responsabilité pénale de ceux qui ont commis une infraction (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, points 63 et 64, ainsi que du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 32) et, d’autre part, de l’impossibilité de procéder à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 33 et jurisprudence citée).

68      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé que la juridiction nationale ne saurait valablement considérer qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’interpréter une disposition nationale en conformité avec le droit de l’Union en raison du seul fait que cette disposition a, de manière constante, été interprétée dans un sens qui n’est pas compatible avec ce droit ou est appliquée d’une telle manière par les autorités nationales compétentes (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 79 et jurisprudence citée). Ces considérations valent, a fortiori, s’agissant des positions doctrinales.

69      En l’occurrence, il y a lieu d’observer, en premier lieu, que, si la juridiction de renvoi indique que l’impossibilité d’interpréter le droit polonais en conformité avec les objectifs de la décision-cadre résulte également de la jurisprudence nationale, y compris de celle issue des juridictions d’appel, et de la position d’une partie de la doctrine, cette juridiction ne saurait s’appuyer sur ces seuls éléments pour considérer qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’interpréter ce droit en conformité avec le droit de l’Union.

70      Il convient, en deuxième lieu, de constater que, contrairement à ce qu’a suggéré le gouvernement polonais et la Commission européenne, la juridiction de renvoi est d’avis qu’une interprétation du droit polonais afin d’assurer sa conformité à la décision-cadre reviendrait à opérer une interprétation contra legem de ce droit. Selon cette juridiction, la notion d’« auteur », employée à l’article 611ff, paragraphe 1, du CPP, ne se prête pas à une interprétation large, de nature à inclure également les personnes morales. De plus, aucune autre disposition nationale, y compris la loi sur la responsabilité des entités collectives en matière d’actes illicites qui ne s’appliquerait pas aux contraventions, ne permettrait d’assurer la conformité du droit polonais à la décision-cadre.

71      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en ce qui concerne l’interprétation des dispositions nationales, la Cour est en principe tenue de se fonder sur les énonciations résultant de la décision de renvoi. En effet, selon une jurisprudence constante, la Cour n’est pas compétente pour interpréter le droit interne d’un État membre (arrêt du 10 janvier 2019, ET, C‑97/18, EU:C:2019:7, point 24 et jurisprudence citée).

72      Partant, il appartient à la seule juridiction de renvoi d’apprécier si le droit polonais peut être interprété en ce sens qu’il permet de procéder à l’exécution des sanctions pécuniaires infligées aux personnes morales, en conformité avec l’exigence imposée à l’article 9, paragraphe 3, de la décision-cadre.

73      Toutefois, la Cour, appelée à fournir au juge national des réponses utiles dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, est compétente pour donner des indications, tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations qui lui ont été soumises, de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer (arrêt du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 40 et jurisprudence citée).

74      En l’occurrence, il y a lieu de relever, que, selon les observations du gouvernement polonais et de la Commission, les dispositions du chapitre 66b du CPP constitueraient un fondement juridique approprié en vue de procéder à la reconnaissance et à l’exécution des décisions infligeant des sanctions pécuniaires aux personnes morales en raison de la commission d’une contravention, dans la mesure où rien ne s’opposerait à une interprétation large de la notion d’« auteur ». En particulier, le gouvernement polonais estime que l’absence de référence au siège statutaire dans les dispositions de ce chapitre ne serait pas un obstacle insurmontable à une telle interprétation. À cet égard, il avance que l’article 611ff, paragraphe 1, du CPP établit la compétence pour procéder à l’exécution d’une sanction pécuniaire également en faveur du tribunal dans le ressort duquel l’« auteur » possède des biens ou des revenus, ce critère étant pleinement applicable aux personnes morales.

75      À l’instar du gouvernement polonais et de la Commission, M. l’avocat général a relevé, au point 54 de ses conclusions, que, pour interpréter la notion d’« auteur » au sens des dispositions du CPP relatives à l’exécution des sanctions pécuniaires, il n’y a pas lieu de se référer à cette notion au sens du droit pénal substantiel et que cette notion est susceptible d’être interprétée comme renvoyant à l’entité visée par une sanction pécuniaire définitive, qu’il s’agisse d’une personne morale ou d’une personne physique.

76      D’ailleurs, il ressort du dossier dont dispose la Cour que plusieurs juridictions polonaises ont déjà accueilli des demandes d’exécution de sanctions pécuniaires infligées aux Pays-Bas à des personnes morales pour des infractions routières.

77      Ainsi, il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, au regard des considérations qui précèdent, si une telle interprétation de la notion d’« auteur » est possible dans le contexte du chapitre 66b du CCP.

78      Il y a lieu de relever, enfin, qu’une telle interprétation ne conduirait pas à une éventuelle aggravation de la responsabilité des personnes morales, l’étendue de cette responsabilité étant déterminée par le droit de l’État d’émission.

79      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que la décision-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle n’impose pas à une juridiction d’un État membre de laisser inappliquée une disposition du droit national incompatible avec l’article 9, paragraphe 3, de la décision-cadre, cette disposition étant dépourvue d’effet direct. Néanmoins, la juridiction de renvoi est tenue de procéder, dans toute la mesure du possible, à une interprétation conforme du droit national afin d’assurer un résultat compatible avec la finalité poursuivie par cette décision-cadre.

 Sur les dépens

80      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      La notion de « personne morale » figurant notamment à l’article 1er, sous a), et à l’article 9, paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprétée au regard du droit de l’État d’émission de la décision infligeant une sanction pécuniaire.

2)      La décision-cadre 2005/214, telle que modifiée par la décision–cadre 2009/299, doit être interprétée en ce sens qu’elle n’impose pas à une juridiction d’un État membre de laisser inappliquée une disposition du droit national incompatible avec l’article 9, paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, cette disposition étant dépourvue d’effet direct. Néanmoins, la juridiction de renvoi est tenue de procéder, dans toute la mesure du possible, à une interprétation conforme du droit national afin d’assurer un résultat compatible avec la finalité poursuivie par la décision-cadre 2005/214, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.

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