Budapest Bank and Others (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-228/18 (02 April 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C22818.html
Cite as: ECLI:EU:C:2020:265, EU:C:2020:265, [2020] EUECJ C-228/18, [2020] 5 CMLR 11, [2021] 1 All ER (Comm) 1011

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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

2 avril 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Ententes – Article 101, paragraphe 1, TFUE – Systèmes de paiement par carte – Accord interbancaire fixant le niveau des commissions d’interchange – Accord restrictif de la concurrence tant par son objet que par son effet – Notion de restriction de la concurrence “par objet” »

Dans l’affaire C‑228/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Cour suprême, Hongrie), par décision du 6 mars 2018, parvenue à la Cour le 3 avril 2018, dans la procédure

Gazdasági Versenyhivatal

contre

Budapest Bank Nyrt.,

ING Bank NV Magyarországi Fióktelepe,

OTP Bank Nyrt.,

Kereskedelmi és Hitelbank Zrt.,

Magyar Külkereskedelmi Bank Zrt.,

ERSTE Bank Hungary Zrt.,

Visa Europe Ltd,

MasterCard Europe SA,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan (rapporteur), président de chambre, MM. I. Jarukaitis, E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 juin 2019,

considérant les observations présentées :

–        pour le Gazdasági Versenyhivatal, par M. A. Kőhalmi et Mme M. Nacsa, en qualité d’agents,

–        pour Budapest Bank Nyrt., initialement par ML. Wallacher, puis par MA. Kékuti,, ügyvédek,

–        pour ING Bank NV Magyarországi Fióktelepe, par Me A. Kőmíves, ügyvéd,

–        pour OTP Bank Nyrt., par Mes L. Réti et P. Mezei, ügyvédek,

–        pour Kereskedelmi és Hitelbank Zrt., par Me Z. Hegymegi-Barakonyi, ügyvéd,

–        pour Magyar Külkereskedelmi Bank Zrt., par Mes S. Szendrő, ügyvéd,

–        pour ERSTE Bank Hungary Zrt., par Me L. Wallacher, ügyvéd,

–        pour Visa Europe Ltd, par Mes Z. Marosi et G. Fejes, ügyvédek,

–        pour MasterCard Europe SA, par Me E. Ritter, ügyvéd,

–        pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér, G. Koós et G. Tornyai, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme F. Castilla Contreras ainsi que par MM. V. Bottka et I. Zaloguin, en qualité d’agents,

–        pour l’Autorité de surveillance AELE, par MM. M. Sánchez Rydelski et C. Zatschler ainsi que par Mmes C. Simpson et C. Howdle, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Gazdasági Versenyhivatal (autorité de la concurrence, Hongrie) à six établissements financiers, à savoir Budapest Bank Nyrt., la filiale hongroise d’ING Bank NV, OTP Bank Nyrt., Kereskedelmi és Hitelbank Zrt., Magyar Külkereskedelmi Bank Zrt. et ERSTE Bank Hungary Zrt., ainsi qu’à deux sociétés qui fournissent des services de paiement par carte, à savoir Visa Europe Ltd. (ci-après « Visa ») et MasterCard Europe SA (ci-après « MasterCard »), au sujet d’une décision de l’autorité de la concurrence par laquelle celle-ci a constaté l’existence d’un accord anticoncurrentiel portant sur les commissions d’interchange.

 Le droit hongrois

3        L’article 11, paragraphe 1, de l’a tisztességtelen piaci magatartás és a versenykorlátozás tilalmáról szóló 1996. évi LVII. törvény (loi no LVII de 1996 portant interdiction des pratiques commerciales déloyales ou restrictives de la concurrence, ci-après la « loi sur les pratiques commerciales déloyales »), dispose :

« Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes pratiques concertées et toutes décisions d’organismes constitués d’entreprises établis en vertu de la liberté d’association, d’organismes de droit public constitués d’entreprises, d’associations d’entreprises et d’autres entités similaires constituées d’entreprises [...], qui ont pour objet ou qui ont ou sont susceptibles d’avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Ne relèvent pas de cette définition les accords conclus entre des entreprises qui ne sont pas indépendantes les unes des autres. » 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

4        Il ressort de la décision de renvoi que, au milieu des années 1990, Visa et MasterCard, ou leurs prédécesseurs en droit respectifs, ont, en vertu de leurs règlements internes, permis que les établissements financiers émetteurs de leurs cartes (ci-après les « banques d’émission »), d’une part, et les établissements financiers fournissant aux commerçants des services leur permettant d’accepter ces cartes en tant que moyen de paiement (ci-après les « banques d’acquisition »), d’autre part, définissent en commun le montant des commissions dites « d’interchange » nationales entre lesdites banques d’émission et banques d’acquisition, c’est-à-dire le montant payé par les secondes aux premières lorsqu’une opération de paiement par carte est effectuée.

5        Au cours des années 1995 et 1996, les banques ayant rejoint le secteur des services de paiement par carte ont institué une coopération multilatérale (ci-après le « forum »), dans le cadre de laquelle ont été discutées, au cas par cas, diverses questions au sujet desquelles il était considéré qu’une coopération s’avérait nécessaire au sein de ce secteur.

6        Dans le cadre du forum, sept banques, dont la majorité avait adhéré aux systèmes de paiement par carte instaurés par Visa et MasterCard et qui représentaient une grande partie du marché national des banques d’émission et d’acquisition, ont, après plusieurs négociations, arrêté, le 24 avril 1996, le texte d’un accord (ci-après l’« accord CSC »), relatif à la détermination, par catégorie de commerçants, du niveau minimal de la commission de service uniforme à acquitter par ces derniers (ci-après la « CSC »). Puis, le 28 août 1996, elles ont conclu un accord, entré en vigueur le 1er octobre 1996, par lequel elles ont uniformisé le montant des frais de commissions d’interchange relatifs aux paiements effectués au moyen des cartes émises par une banque membre du système de paiement par carte proposé par Visa ou par MasterCard (ci-après l’« accord CMI »). Kereskedelmi és Hitelbank a négocié l’accord CMI pour le compte de Visa et de MasterCard et celles-ci l’ont appliqué.

7        Finalement, l’accord CSC n’a pas été signé par ces sept banques, mais les frais de commissions d’interchange visés par l’accord CMI, en tant qu’élément de coût, ont influé indirectement sur la détermination du montant de la CSC. En particulier, les commissions visées par l’accord CMI ont opéré comme limite inférieure dans la réduction des CSC. Par ailleurs, la poursuite des objectifs fixés dans l’accord CSC projeté a joué un rôle dans la conclusion de l’accord CMI et dans le calcul des barèmes uniformes concernant Visa et MasterCard, même si ces objectifs ne se sont pas réalisés par la suite.

8        Avec le temps, d’autres banques intéressées par le secteur des services de paiement par carte ont adhéré à l’accord CMI et se sont jointes aux activités du forum, de telle sorte que le nombre de banques parties audit accord concernées par l’affaire au principal a atteint 22 au cours de l’année 2006.

9        L’accord CMI était toujours en vigueur le 31 janvier 2008 lorsque l’autorité de la concurrence a engagé une procédure relative à celui‑ci.

10      La résiliation de l’accord CMI a eu lieu avec effet le 30 juillet 2008.

11      Dans une décision rendue le 24 septembre 2009 (ci-après la « décision de l’autorité de la concurrence »), l’autorité de la concurrence a constaté que, premièrement, en ayant défini le niveau et la structure de la commission d’interchange uniformément applicables à Visa et à MasterCard ainsi qu’à toutes les banques, deuxièmement, en ayant prévu un cadre pour un tel accord dans leurs règlements internes et, troisièmement, en l’ayant facilité, les 22 banques parties à l’accord CMI ainsi que Visa et MasterCard ont conclu un accord anticoncurrentiel et non susceptible d’exemption. Par ce comportement, elles auraient, depuis le moment où elles ont adhéré à l’accord CMI – la date de départ du comportement anticoncurrentiel étant celle de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, de la loi sur les pratiques commerciales déloyales, pour les banques ayant conclu l’accord CMI et variant pour les banques y ayant adhéré ultérieurement – jusqu’au 30 juillet 2008, enfreint l’article 11, paragraphe 1, de cette loi et, après le 1er mai 2004, l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Ledit comportement constituerait non seulement une restriction de la concurrence dite « par objet », en ce sens que l’accord CMI aurait pour objet un comportement anticoncurrentiel, mais également une restriction dite « par effet », en ce sens que cet accord induirait un effet restrictif de la concurrence. L’autorité de la concurrence a infligé aux sept banques qui avaient initialement conclu l’accord CMI ainsi qu’à Visa et à MasterCard des amendes de montants divers.

12      Saisi d’un recours introduit contre la décision de l’autorité de la concurrence par Visa et MasterCard ainsi que par six des banques condamnées au paiement d’une amende, le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie) les a déboutées de leur demande.

13      Statuant sur l’appel introduit par ces parties, à l’exception de MasterCard, le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie) a réformé la décision de l’autorité de la concurrence et, pour des motifs procéduraux, a clos la procédure en ce qui concerne la filiale hongroise d’ING Bank. S’agissant des autres parties, il a annulé ladite décision et renvoyé l’affaire à l’autorité de la concurrence afin que celle‑ci statue à nouveau.

14      L’autorité de la concurrence a formé un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi, la Kúria (Cour suprême, Hongrie), contre l’arrêt du Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale).

15      La juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur le point de savoir si un même comportement peut donner lieu à la constatation d’une infraction au regard de l’article 101, paragraphe 1, TFUE en raison à la fois de son objet et de ses effets anticoncurrentiels en tant que fondements autonomes.

16      D’un côté, dans les affaires particulièrement complexes, les autorités de la concurrence nationales et la Commission européenne appuieraient leurs décisions sur un double fondement afin d’éviter qu’une appréciation ultérieure, qui s’avérerait en partie divergente, dans le cadre d’une procédure de contrôle juridictionnel, n’affecte la décision de condamnation sur le fond.

17      De l’autre, il pourrait être déduit de l’utilisation de la conjonction « ou » figurant à l’article 101, paragraphe 1, TFUE qu’il n’est pas possible de regarder un même accord comme impliquant une restriction de la concurrence tant « par objet » que « par effet », dans la mesure où une décision en ce sens revêtirait un caractère incertain et contradictoire.

18      En outre, les conditions d’exemption et les sanctions appelleraient nécessairement une appréciation différente selon que la restriction concernée est qualifiée de restriction « par objet » ou « par effet », de sorte que la qualification de ladite restriction affecterait de toute manière le fond de l’affaire. Selon la juridiction de renvoi, même si, en cas de restriction de la concurrence par objet, l’autorité de la concurrence concernée est tenue, en fonction du contexte factuel, d’effectuer une analyse approfondie des effets de la restriction en question afin de pouvoir décider de sanctions d’un niveau adéquat et de pouvoir apprécier l’existence de conditions d’exemption, cela ne signifie pas pour autant qu’une décision constatant et sanctionnant un comportement anticoncurrentiel puisse reposer sur un double fondement.

19      En deuxième lieu, la juridiction de renvoi se demande si l’accord CMI pouvait être considéré comme une restriction de la concurrence « par objet ». À cet égard, elle souligne que, dans sa pratique décisionnelle, la Commission n’a jamais adopté de position décisive sur le point de savoir si des accords similaires peuvent être considérés comme constituant de telles restrictions. La réponse à cette question ne ressortirait pas non plus clairement de la jurisprudence de la Cour. En outre, l’affaire au principal présenterait des différences par rapport à celles examinées par la Commission et par la Cour jusqu’à présent. L’une de ces différences résiderait dans le fait que, dans les affaires antérieures, il n’aurait pas été vérifié si les commissions d’interchange ont réellement été fixées à un même niveau.

20      À ce dernier égard, la juridiction de renvoi fait observer que l’accord CMI n’était pas une entente de fixation de prix purement horizontale puisque les parties à cet accord comprenaient sans distinction aussi bien des banques d’émission que des banques d’acquisition. Par ailleurs, à supposer même que Visa et MasterCard aient été directement impliquées dans l’accord CMI, celui‑ci aurait fixé non pas des prix de vente et d’achat, mais bien les conditions de transaction relatives à leurs services respectifs. La juridiction de renvoi souligne également que l’accord CMI concernait un marché concurrentiel atypique et imparfait dont il ne serait possible de remédier aux effets qu’en imposant des règles. Enfin, ladite juridiction met en exergue le fait que, par le passé, le marché était, en grande partie, caractérisé par des prix uniformes. Elle fait observer, plus particulièrement, que ce n’est que si les autres conditions de concurrence entre Visa et MasterCard étaient différentes que le fait d’exiger des commissions d’interchange divergentes ne serait pas anticoncurrentiel, mais qu’il n’y a pas eu d’indication en ce sens en l’occurrence.

21      À l’inverse, la juridiction de renvoi reconnaît l’existence d’arguments permettant de conclure que l’accord CMI induisait une restriction de la concurrence par objet. En particulier, l’une des motivations à la base de l’uniformisation des prix arrêtée par cet accord serait qu’il s’agissait d’une condition nécessaire de l’accord CSC. Toutefois, cet objectif ayant immédiatement disparu, l’accord CSC n’ayant en fait pas vu le jour, il ne pourrait être reconnu à l’accord CMI un quelconque effet. Par ailleurs, si une telle intention subjective de restreindre la concurrence a pu exister sinon chez les banques ayant pris part à cet accord, du moins dans l’esprit de Visa et de Mastercard, les intentions subjectives ne sauraient, à elles seules, permettre de considérer, sur le plan objectif, que l’accord CMI poursuivait un objet restrictif de la concurrence.

22      La juridiction de renvoi estime que la nécessité de tenir compte, outre du contenu même de l’accord prétendument restrictif de la concurrence, du contexte économique et juridique dans lequel il s’insère rend particulièrement obscur le point de savoir où l’examen de l’accord sous l’angle de son objet prend fin et où l’examen de l’accord sous l’angle de ses effets commence.

23      Enfin, dans la mesure où l’autorité de la concurrence a considéré que l’accord CMI était constitutif d’une restriction de la concurrence « par objet » également au motif qu’il impliquait une détermination de prix indirecte portant sur le niveau des commissions de service acquittées par les commerçants, la juridiction de renvoi estime qu’il n’est pas question d’une fixation de prix indirecte.

24      En troisième et dernier lieu, la juridiction de renvoi nourrit des doutes concernant l’implication de Visa dans l’accord CMI et, en particulier, la question de savoir si cette entreprise peut être considérée comme ayant été partie à cet accord, alors qu’elle n’a pas participé directement à la détermination du contenu dudit accord, mais a permis la conclusion de celui‑ci et l’a également accepté et appliqué, ou s’il conviendrait plutôt de conclure à l’existence d’une pratique concertée entre elle et les banques ayant conclu l’accord. Cette juridiction se demande également s’il est nécessaire de faire une telle distinction, tout en observant que la manière de qualifier l’implication de Visa pourrait avoir des conséquences en termes de responsabilité et de sanctions appliquées.

25      Dans ces conditions, la Kúria (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article [101, paragraphe 1, TFUE] peut-il être interprété en ce sens qu’un même comportement est susceptible d’être qualifié d’infraction à cette disposition par son objet anticoncurrentiel et par ses effets anticoncurrentiels simultanément, quoique sur des fondements différents ?

2)      L’article [101, paragraphe 1, TFUE] peut-il être interprété en ce sens que l’accord [CMI] constitue une restriction de la concurrence par son objet dans la mesure où il fixe à un montant uniforme pour [...] Visa et MasterCard la commission d’interchange revenant aux banques d’émission en contrepartie de l’utilisation des cartes desdites entreprises ?

3)      L’article [101, paragraphe 1, TFUE] peut-il être interprété en ce sens que [Visa et Mastercard] sont également considérées comme parties à l’accord [CMI], [alors que ces entreprises] n’ont pas participé directement à la détermination du contenu de cet accord mais ont permis la conclusion dudit accord, et l’ont également accepté et appliqué, ou faut-il conclure à l’existence d’une pratique concertée entre elles et les banques ayant conclu le même accord ?

4)      L’article [101, paragraphe 1, TFUE] peut-il être interprété en ce sens que, pour constater une infraction au droit de la concurrence, il n’est pas nécessaire de faire une distinction entre le point de savoir si l’affaire, vu son objet, concerne une participation en tant que partie à l’accord [CMI] ou une pratique concertée avec les banques qui sont parties à cet accord ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

26      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un même comportement anticoncurrentiel soit considéré comme ayant à la fois pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition.

 Sur la recevabilité

27      Budapest Bank, ERSTE Bank Hungary et MasterCard soutiennent que la première question est irrecevable. En particulier, ces deux banques relèvent que le débat dans l’affaire au principal a porté uniquement sur les critères de la notion d’une restriction « par objet ». Par ailleurs, les juridictions hongroises auraient elles‑mêmes considéré que la qualification d’un comportement de restriction par objet ou par effet nécessitait d’examiner des circonstances différentes, de telle sorte que la question de la possibilité de procéder à une double qualification sur le fondement de faits identiques ne se poserait pas. Selon MasterCard, la première question est hypothétique, dès lors que, d’une part, elle n’a aucune incidence sur l’issue du litige au principal et, d’autre part, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’il est possible pour la juridiction de renvoi de qualifier un même comportement de restriction par objet ou par effet, mais qu’il n’existe aucune obligation de le qualifier sur un double fondement.

28      Par ailleurs, sans formellement invoquer l’irrecevabilité de la première question, OTP Bank estime qu’il est nécessaire de reformuler celle‑ci, étant donné que, dans sa formulation actuelle, il ne ressort pas clairement en quoi elle serait pertinente au regard du litige au principal, tandis que Magyar Külkereskedelmi Bank et le gouvernement hongrois font valoir que ladite question ne saurait être considérée comme pertinente aux fins de la résolution de ce litige, dès lors que, selon cette banque, l’accord CMI n’est restrictif de la concurrence ni par son objet ni par son effet, et, selon ce gouvernement, une appréciation simultanée de l’objet et de l’effet d’un même comportement n’est problématique que dans le cas où elle violerait le principe « ne bis in idem », ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

29      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le refus de statuer sur une question préjudicielle, posée par une juridiction nationale, n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 27 et jurisprudence citée).

30      En l’occurrence, il est constant que la décision de l’autorité de la concurrence, qui, ainsi qu’il ressort des points 11 à 14 du présent arrêt, est à l’origine du pourvoi en cassation dont la juridiction de renvoi est saisie, qualifie l’accord CMI de restriction tant par son objet que par ses effets. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la première question, par laquelle la juridiction de renvoi vise précisément à savoir si une telle double qualification est compatible avec l’article 101, paragraphe 1, TFUE, n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou est de nature hypothétique.

31      Au demeurant, aucune des circonstances spécifiques soulignées par les parties ayant présenté des observations n’est susceptible de remettre en cause cette constatation. En particulier, le fait que l’une ou l’autre des qualifications retenues à l’égard de l’accord CMI puisse éventuellement ne pas être fondée, le fait qu’il n’existerait aucune obligation incombant à la juridiction de renvoi de qualifier un même comportement sur un double fondement ou bien le fait que la double qualification en cause au principal ne violerait pas le principe « ne bis in idem » concernent non pas la recevabilité de la première question, mais le bien-fondé de la décision de l’autorité de la concurrence.

32      La première question est, partant, recevable.

 Sur le fond

33      Il convient, d’emblée, de rappeler que, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur. Selon une jurisprudence constante de la Cour depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction « ou », conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de l’accord (arrêts du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 16, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 24).

34      Ainsi, lorsque l’objet anticoncurrentiel d’un accord est établi, il n’y a pas lieu de rechercher ses effets sur la concurrence (arrêts du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 17, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 25).

35      En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiés de restriction par objet, de sorte que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire. Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu de la concurrence (arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 184 et 185, ainsi que du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 26).

36      Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51, et du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 19).

37      Au regard de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 35 et 36 du présent arrêt, le critère juridique essentiel pour déterminer si un accord comporte une restriction de concurrence « par objet » réside donc dans la constatation qu’un tel accord présente, en lui‑même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour considérer qu’il n’y a pas lieu d’en rechercher les effets (arrêt du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 20 et jurisprudence citée).

38      Dans l’hypothèse où l’analyse d’un type de coordination entre entreprises ne présenterait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait, en revanche, d’en examiner les effets et, pour l’interdire, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 52 et jurisprudence citée).

39      S’il résulte ainsi de la jurisprudence de la Cour mentionnée aux points 33 à 38 du présent arrêt que, lorsqu’un accord est qualifié de restriction de concurrence « par objet » au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il n’est pas nécessaire de démontrer, en outre, les effets de cet accord aux fins de considérer que celui‑ci est interdit en vertu de cette disposition, la Cour a, par ailleurs, déjà constaté, s’agissant d’un seul et même comportement, que ce dernier avait tant pour objet que pour effet de restreindre la concurrence (voir en ce sens, notamment, arrêts du 1er octobre 1987, van Vlaamse Reisbureaus, 311/85, EU:C:1987:418, point 17 ; du 19 avril 1988, Erauw‑Jacquery, 27/87, EU:C:1988:183, points 14 et 15 ; du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, point 13, ainsi que du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C‑231/14 P, EU:C:2015:451, point 72).

40      Il s’ensuit que le fait qu’une constatation de restriction de concurrence « par objet » dispense l’autorité ou la juridiction compétente de la nécessité d’examiner les effets de celle‑ci n’implique nullement que cette autorité ou juridiction ne puisse procéder à un tel examen lorsqu’elle l’estime opportun.

41      Les considérations figurant au point précédent ne sont aucunement remises en cause par celles auxquelles fait référence la juridiction de renvoi, selon lesquelles, dans le cas d’une restriction de la concurrence « par objet », d’une part, il serait plus difficile de justifier une exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE que dans le cas d’une restriction « par effet » et, d’autre part, une restriction « par objet » serait plus sévèrement sanctionnée qu’une restriction « par effet ».

42      À cet égard, il convient de relever que le fait que, le cas échéant, les considérations sous-tendant la qualification d’un comportement de restriction de la concurrence « par objet » revêtent également une pertinence dans le cadre de l’examen du point de savoir si cette restriction peut être exemptée au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE ou de l’examen de la sanction qu’il y a lieu d’imposer en rapport avec ladite restriction n’a aucune incidence sur la possibilité, pour l’autorité de concurrence compétente, de qualifier un comportement d’entreprise de restrictif de la concurrence au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE en raison tant de l’objet de celui‑ci que de ses effets.

43      Enfin, il y a lieu d’ajouter que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 29 et 30 de ses conclusions, la possibilité ouverte à l’autorité ou à la juridiction compétentes de qualifier un même comportement anticoncurrentiel de restriction tant « par objet » que « par effet » n’enlève rien à l’obligation qui incombe à cette autorité ou à cette juridiction, d’une part, d’étayer ses constatations à ces fins par les preuves nécessaires et, d’autre part, de préciser dans quelle mesure lesdites preuves se rapportent à l’un ou à l’autre type de restriction ainsi constatée.

44      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un même comportement anticoncurrentiel soit considéré comme ayant à la fois pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition.

 Sur la deuxième question

45      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’un accord interbancaire qui fixe à un même montant la commission d’interchange revenant, lorsqu’une opération de paiement par carte est effectuée, aux banques d’émission de telles cartes proposées par les sociétés de services de paiement par carte actives sur le marché national concerné peut être qualifié d’accord ayant « pour objet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition.

 Sur la recevabilité

46      L’autorité de la concurrence, Magyar Külkereskedelmi Bank, MasterCard et le gouvernement hongrois soutiennent que la deuxième question est irrecevable, au motif qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’application concrète de l’article 101, paragraphe 1, TFUE aux circonstances factuelles de l’affaire au principal.

47      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, lequel est fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le rôle de cette dernière est limité à l’interprétation des dispositions du droit de l’Union sur lesquelles elle est interrogée (arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 29).

48      Toutefois, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans son interprétation (arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 48 et jurisprudence citée). En effet, si la Cour n’a pas compétence, dans le cadre de l’article 267 TFUE, pour appliquer les dispositions de droit de l’Union à des espèces concrètes, elle peut néanmoins fournir à la juridiction nationale les critères d’interprétation nécessaires pour lui permettre de trancher le litige (voir, notamment, arrêts du 26 janvier 1977, Gesellschaft für Überseehandel, 49/76, EU:C:1977:9, point 4, et du 8 juillet 1992, Knoch, C‑102/91, EU:C:1992:303, point 18).

49      En l’occurrence, il ressort des motifs de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, de se prononcer non pas sur l’application concrète de l’article 101, paragraphe 1, TFUE aux circonstances de l’affaire au principal, mais sur la question de savoir si un accord interbancaire qui fixe à un même montant la commission d’interchange revenant, lorsqu’une opération de paiement par carte est effectuée, aux banques d’émission de telles cartes bancaires est susceptible, au regard de cette disposition, d’être qualifié d’accord ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

50      La deuxième question est, partant, recevable.

 Sur le fond

51      Outre les considérations exposées aux points 33 à 40 du présent arrêt, la Cour a déjà jugé qu’il convient, afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence « par objet », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53 et jurisprudence citée).

52      S’agissant de la prise en compte des objectifs poursuivis par une mesure faisant l’objet d’une appréciation au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, la Cour a déjà jugé que le fait qu’une mesure soit considérée comme poursuivant un objectif légitime n’exclut pas que, eu égard à l’existence d’un autre objectif poursuivi par celle-ci et devant être regardé, quant à lui, comme illégitime, compte tenu également de la teneur des dispositions de cette mesure et du contexte dans lequel elle s’inscrit, ladite mesure puisse être considérée comme ayant un objet restrictif de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 70).

53      Par ailleurs, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 54 et jurisprudence citée).

54      De surcroît, la notion de restriction de concurrence « par objet » doit être interprétée de manière restrictive. En effet, sous peine de dispenser la Commission de l’obligation de prouver les effets concrets sur le marché d’accords dont il n’est en rien établi qu’ils sont, par leur nature même, nuisibles au bon fonctionnement du jeu de la concurrence, la notion de restriction de concurrence « par objet » ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire. La circonstance que les types d’accords envisagés à l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne forment pas une liste exhaustive de collusions prohibées est, à cet égard, sans pertinence (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 58 et jurisprudence citée).

55      Dans le cas où l’accord concerné ne saurait être considéré comme ayant un objet anticoncurrentiel, il conviendrait alors d’apprécier si celui‑ci peut être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en constituent l’effet. À cette fin, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, il faut examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il s’exercerait si cet accord n’avait pas existé afin d’apprécier l’incidence de ce dernier sur les paramètres de concurrence, tels que, notamment, le prix, la quantité et la qualité des produits ou des services (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 161 et 164 ainsi que jurisprudence citée).

56      En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que trois marchés distincts dans le domaine des systèmes de cartes bancaires ouverts peuvent être identifiés, à savoir, tout d’abord, le « marché intersystèmes », sur lequel les différents systèmes de cartes se font concurrence, ensuite, le « marché de l’émission », sur lequel les banques d’émission se font concurrence pour capter la clientèle des titulaires de cartes, et, enfin, le « marché de l’acquisition », sur lequel les banques d’acquisition se font concurrence pour capter la clientèle des commerçants.

57      Selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, l’autorité de la concurrence, dans sa décision, a considéré que l’accord CMI était restrictif de la concurrence par son objet, en particulier, dès lors que, premièrement, il a neutralisé l’élément le plus important de la concurrence sur les prix sur le marché intersystèmes en Hongrie, deuxièmement, les banques elles‑mêmes lui ont conféré un rôle restrictif de la concurrence sur le marché de l’acquisition dans cet État membre et, troisièmement, il a nécessairement affecté la concurrence sur ce dernier marché.

58      Devant la Cour, l’autorité de la concurrence, le gouvernement hongrois et la Commission ont fait valoir, en ce sens également, que l’accord CMI constituait une restriction de la concurrence « par objet » en ce qu’il impliquait une détermination indirecte des commissions de service, qui font office de prix sur le marché de l’acquisition en Hongrie. En revanche, les six banques en cause au principal ainsi que Visa et MasterCard contestent que tel ait été le cas.

59      S’agissant du point de savoir si, eu égard aux éléments pertinents caractérisant la situation au principal et au contexte économique et juridique dans lequel celle‑ci s’insère, un accord tel que l’accord CMI peut être qualifié de restriction « par objet », il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort du point 47 du présent arrêt, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier en définitive si cet accord a eu pour objet de restreindre la concurrence. La Cour ne dispose, d’ailleurs, pas de tous les éléments qui pourraient s’avérer pertinents à cet égard.

60      En ce qui concerne les éléments qui ont été effectivement soumis à la Cour, il convient de faire observer, s’agissant, tout d’abord, de la teneur de l’accord CMI, qu’il est constant que ce dernier a uniformisé le montant des commissions d’interchange que les banques d’acquisition payaient aux banques d’émission lorsqu’une opération de paiement était effectuée en utilisant une carte émise par une banque membre du système de paiement par carte proposé par Visa ou par MasterCard.

61      À cet égard, il convient de constater que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, en substance, au point 53 de ses conclusions, que ce soit du point de vue de la concurrence entre les deux systèmes de paiement par carte ou de celui de la concurrence entre les banques d’acquisition en ce qui concerne les commissions de service, un accord tel que l’accord CMI ne fixe pas directement les prix d’achat ou de vente, mais uniformise un aspect du coût auquel font face les banques d’acquisition au profit des banques d’émission en contrepartie des services activés par l’utilisation en tant que moyen de paiement de cartes émises par ces dernières banques.

62      Nonobstant cette considération, il ressort du libellé même de l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE qu’un accord qui fixe « de façon [...] indirecte les prix d’achat ou de vente » est également susceptible d’être considéré comme ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur. Se pose donc la question de savoir si un accord tel que l’accord CMI peut être considéré comme relevant de la fixation indirecte de prix, au sens de cette disposition, en ce qu’il déterminait indirectement les commissions de service.

63      En outre, il ressort également du libellé de l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE et, en particulier, du terme « notamment » que, ainsi qu’il a été relevé au point 54 du présent arrêt, les types d’accords envisagés à l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne forment pas une liste exhaustive de collusions prohibées, d’autres types d’accords pouvant ainsi se voir reconnaître la qualification de restriction « par objet » lorsqu’une telle qualification s’effectue conformément aux exigences découlant de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 33 à 39, 47 et 51 à 55 du présent arrêt. Partant, il ne saurait pas non plus être exclu d’emblée qu’un accord tel que l’accord CMI soit qualifié de restriction « par objet » en ce qu’il neutralisait un élément de concurrence entre deux systèmes de paiement par carte.

64      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que des niveaux uniformes de commissions d’interchange avaient été fixés dans l’accord CMI pour diverses opérations de paiement effectuées au moyen des cartes proposées par Visa et par Mastercard. Par ailleurs, une partie des frais uniformes antérieurs avait augmenté, mais une autre partie de ceux-ci avait été maintenue au même niveau qu’auparavant. Au cours de la période durant laquelle l’accord CMI était en vigueur, à savoir du 1er octobre 1996 au 30 juillet 2008, les niveaux des commissions d’interchange ont diminué à plusieurs reprises.

65      S’il ressort du dossier soumis à la Cour que des pourcentages et des montants spécifiques ont été retenus dans l’accord CMI aux fins de la fixation des commissions d’interchange, la teneur de cet accord n’est toutefois pas nécessairement révélatrice d’une restriction « par objet », à défaut de caractère nocif avéré pour la concurrence des dispositions de celui‑ci.

66      Ensuite, en ce qui concerne les objectifs poursuivis par l’accord CMI, la Cour a déjà jugé que, s’agissant des systèmes de paiement par carte de nature biface tels que ceux proposés par Visa et par MasterCard, il incombe à l’autorité ou à la juridiction compétente d’analyser les exigences d’équilibre entre les activités d’émission et celles d’acquisition au sein du système de paiement concerné pour déterminer si la teneur d’un accord ou d’une décision d’association d’entreprises révèle l’existence d’une restriction de la concurrence « par objet », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 76 et 77).

67      En effet, pour apprécier si une coordination entre entreprises est par nature nuisible au bon fonctionnement du jeu de la concurrence, il convient de prendre en compte tout élément pertinent, compte tenu, notamment, de la nature des services en cause ainsi que des conditions réelles de fonctionnement et de la structure des marchés, relatif au contexte économique ou juridique dans lequel ladite coordination s’insère, sans qu’il importe qu’un tel élément relève ou non du marché pertinent (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 78).

68      Tel doit être le cas, en particulier, lorsque cet élément consiste précisément dans la prise en compte de l’existence d’interactions entre le marché pertinent et un marché connexe distinct et, à plus forte raison, lorsqu’il existe des interactions entre les deux volets d’un système biface (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 79).

69      En l’occurrence, si les éléments figurant dans le dossier soumis à la Cour suggèrent que l’accord CMI poursuivait plusieurs objectifs, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer lequel voire lesquels de ces objectifs sont effectivement établis.

70      À cet égard, la juridiction de renvoi relève que la poursuite des objectifs fixés dans l’accord CSC, même si celui‑ci n’est pas entré en vigueur, a joué un rôle dans la conclusion de l’accord CMI et dans le calcul des barèmes uniformes y prévus. Or, l’accord CSC avait précisément pour objet de déterminer, par catégorie de commerçants, le niveau minimal de la commission de service uniforme à acquitter par ces derniers.

71      Cela étant, certains éléments qui figurent dans le dossier soumis à la Cour tendent à indiquer qu’un objectif de l’accord CMI était d’assurer un certain équilibre entre les activités d’émission et celles d’acquisition au sein du système de paiement par carte en cause au principal.

72      En particulier, d’une part, les commissions d’interchange avaient été uniformisées au moyen non pas de limites minimales ou maximales, mais de montants fixes. Si l’objectif de l’accord CMI n’avait consisté qu’à veiller à ce que les commerçants s’acquittent de commissions de service atteignant un certain niveau, il aurait été possible, pour les parties à cet accord, de ne prévoir que des limites minimales pour les commissions d’interchange. D’autre part, alors que la commission d’interchange est versée aux banques d’émission en contrepartie des services activés par l’utilisation d’une carte de paiement, il ressort du dossier soumis à la Cour que, au cours des années 2006 et 2007, les banques ont été informées par MasterCard et par Visa que des études de coûts que ces deux dernières avaient chacune réalisées révélaient que les niveaux des coûts fixés dans l’accord CMI n’étaient pas suffisants pour couvrir l’ensemble de ceux supportés par les banques d’émission.

73      Or, il ne saurait être exclu que de tels éléments soient indicatifs du fait que l’accord CMI poursuivait un objectif consistant non pas à assurer un seuil plancher pour les commissions de service, mais à instaurer un certain équilibre entre les activités d’« émission » et celles d’« acquisition » au sein de chacun des systèmes de paiement par carte en cause au principal afin de garantir que certains coûts engendrés par l’utilisation de cartes dans le cadre d’opérations de paiement soient couverts, tout en protégeant ces systèmes des effets indésirables qui découleraient d’un niveau trop élevé de commissions d’interchange et ainsi, le cas échéant, de commissions de service.

74      La juridiction de renvoi indique également que l’accord CMI, en neutralisant la concurrence entre les deux systèmes de paiement par carte en cause au principal en ce qui concerne l’aspect du coût que représentent les commissions d’interchange, a pu avoir pour conséquence d’intensifier la concurrence entre ces systèmes à d’autres égards. En particulier, cette juridiction fait observer que tant la décision de l’autorité de la concurrence que le pourvoi en cassation dont elle est saisie reposent sur la prémisse selon laquelle les caractéristiques des produits proposés par Visa et par MasterCard sont substantiellement les mêmes. Or, ladite juridiction souligne que ces caractéristiques sont susceptibles d’avoir varié au cours de la période où le comportement anticoncurrentiel reproché en l’occurrence aurait eu lieu. Selon cette même juridiction, l’uniformisation des commissions d’interchange a pu être génératrice de concurrence en ce qui concerne les autres caractéristiques, conditions de transaction et prix de ces produits.

75      Si tel a effectivement été le cas, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, une restriction de la concurrence sur le marché des systèmes de paiement en Hongrie, contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, ne saurait être constatée qu’au terme d’une appréciation du jeu de la concurrence qui aurait existé sur ce marché si l’accord CMI n’avait pas existé, appréciation qui, ainsi qu’il ressort du point 55 du présent arrêt, relève d’un examen des effets de cet accord.

76      En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 54 et 63 à 73 de ses conclusions, afin de justifier qu’un accord soit qualifié de restriction « par objet » de la concurrence, sans que s’impose une analyse de ses effets, il doit exister une expérience suffisamment solide et fiable pour qu’il puisse être considéré que cet accord est, par sa nature même, nuisible au bon fonctionnement du jeu de la concurrence.

77      Or, en l’occurrence, en ce qui concerne, d’une part, la concurrence entre les deux systèmes de paiement par carte, les éléments dont dispose la Cour ne permettent pas de déterminer si le fait de supprimer la concurrence entre Visa et MasterCard quant à l’aspect du coût que représentent les commissions d’interchange révèle, en soi, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de ses effets n’est pas nécessaire. À cet égard, outre les considérations exposées aux points 74 et 75 du présent arrêt, il convient de faire observer que les arguments présentés devant la Cour visant à démontrer l’existence, en l’occurrence, d’une restriction « par objet » consistent, pour l’essentiel, à soutenir que l’existence d’un même niveau de commission d’interchange entre ces deux systèmes a renforcé les effets anticoncurrentiels découlant de l’uniformisation de ces commissions au sein de chacun de ceux-ci.

78      D’autre part, quant au marché de l’acquisition en Hongrie, à supposer même que l’accord CMI ait eu notamment pour objectif de fixer un seuil plancher applicable aux commissions de service, la Cour n’a pas été saisie de suffisamment d’éléments permettant d’établir que cet accord présentait un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence sur ce marché pour qu’une restriction de la concurrence « par objet » puisse être constatée. Il incombe toutefois à la juridiction de renvoi d’effectuer les vérifications nécessaires à cet égard.

79      En particulier, en l’occurrence, sous réserve de ces mêmes vérifications, les éléments avancés à cette fin ne permettent pas de conclure qu’il existe une expérience suffisamment générale et constante pour qu’il puisse être considéré que le caractère nocif à l’égard de la concurrence d’un accord tel que celui en cause au principal justifie de se dispenser de tout examen des effets concrets de cet accord sur le jeu de la concurrence. Les éléments sur lesquels s’appuient l’autorité de la concurrence, le gouvernement hongrois et la Commission à cet égard, à savoir, pour l’essentiel, la pratique décisionnelle de cette autorité ainsi que la jurisprudence des juridictions de l’Union, démontrent, en l’état actuel, précisément la nécessité de procéder à un examen approfondi des effets d’un tel accord afin de vérifier si celui‑ci a effectivement eu pour effet d’instaurer un seuil plancher applicable aux commissions de service et si, eu égard à la situation qui aurait prévalu si cet accord n’avait pas existé, celui‑ci a été restrictif de la concurrence par ses effets.

80      Enfin, quant au contexte dans lequel l’accord CMI s’insérait, en premier lieu, il est vrai que, ainsi que le soutient la Commission, ni la complexité des systèmes de paiement par carte du type de celui en cause au principal, ni la nature bilatérale de ces systèmes en tant que telle, ni l’existence de relations verticales entre les différents types d’opérateurs économiques concernés ne sont, en elles-mêmes, susceptibles de faire obstacle à la qualification de restriction « par objet » de l’accord CMI (voir, par analogie, arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 43 et jurisprudence citée). Cela étant, il n’en reste pas moins qu’un tel objet anticoncurrentiel doit être établi.

81      En deuxième lieu, il a été avancé devant la Cour que la concurrence entre les systèmes de paiement par carte en Hongrie a entraîné non pas une baisse, mais une hausse des commissions d’interchange, contrairement à l’effet de discipline sur les prix que la concurrence exerce habituellement dans une économie de marché. Selon ces éléments, cela serait dû, notamment, au fait que les commerçants ne peuvent exercer qu’une pression limitée sur la détermination des commissions d’interchange, alors que les banques d’émission ont intérêt à tirer des revenus de commissions plus élevés.

82      Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi devrait également constater l’existence, a priori, d’indications sérieuses de nature à démontrer que l’accord CMI a entraîné une telle pression à la hausse ou, à tout le moins, d’éléments contradictoires ou ambivalents à cet égard, ces indications ou éléments ne sauraient être ignorés par ladite juridiction dans le cadre de son examen portant sur l’existence, en l’occurrence, d’une restriction « par objet ». En effet, contrairement à ce qui semble pouvoir être déduit des observations écrites de la Commission à cet égard, le fait que, en l’absence de l’accord CMI, le niveau des commissions d’interchange résultant du jeu de la concurrence aurait été plus élevé est pertinent aux fins de l’examen de l’existence d’une restriction résultant de cet accord, une telle circonstance ayant précisément trait à l’objet anticoncurrentiel reproché audit accord s’agissant du marché de l’acquisition en Hongrie, à savoir que ce même accord a limité la réduction des commissions d’interchange et, par voie de conséquence, la pression à la baisse que les commerçants auraient pu exercer sur les banques d’acquisition afin d’obtenir une réduction des commissions de service.

83      Qui plus est, s’il devait exister des indications sérieuses que, si l’accord CMI n’avait pas été conclu, il s’en serait suivi une pression à la hausse sur les commissions d’interchange, de telle sorte qu’il ne saurait être soutenu que cet accord a été constitutif d’une restriction « par objet » de la concurrence sur le marché de l’acquisition en Hongrie, il conviendrait de procéder à un examen approfondi des effets dudit accord, dans le cadre duquel, conformément à la jurisprudence rappelée au point 55 du présent arrêt, il y aurait lieu d’examiner le jeu de la concurrence si cet accord n’avait pas existé afin d’apprécier l’incidence de ce dernier sur les paramètres de concurrence et de vérifier ainsi si celui‑ci a effectivement entraîné des effets restrictifs de la concurrence.

84      En troisième et dernier lieu, il convient de relever que s’avère également pertinente dans le cadre de l’examen du point de savoir si l’accord CMI peut être qualifié de restriction « par objet » la circonstance soulignée par la juridiction de renvoi que les banques qui étaient parties à cet accord comprenaient, sans distinction, les opérateurs directement concernés par les commissions d’interchange, à savoir aussi bien des banques d’émission que des banques d’acquisition, qualités qui coïncident souvent d’ailleurs.

85      En particulier, si une telle circonstance n’empêche nullement, en elle‑même, la constatation d’une restriction de la concurrence « par objet » à l’égard d’un accord tel que celui en cause au principal, elle est susceptible de revêtir une certaine pertinence dans le cadre de la vérification du point de savoir si l’accord CMI avait pour objectif d’assurer un certain équilibre au sein de chacun des systèmes de paiement par carte concernés en l’occurrence. En effet, non seulement les banques d’émission et les banques d’acquisition ont pu chercher, par cet accord, à trouver une manière de concilier leurs intérêts éventuellement divergents, mais les banques qui étaient présentes tant sur le marché de l’émission que sur celui de l’acquisition ont peut‑être aussi voulu parvenir à un niveau de commission d’interchange qui permettait de protéger au mieux leurs activités sur ces deux marchés.

86      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’un accord interbancaire qui fixe à un même montant la commission d’interchange revenant, lorsqu’une opération de paiement par carte est effectuée, aux banques d’émission de telles cartes proposées par les sociétés de services de paiement par carte actives sur le marché national concerné ne saurait être qualifié d’accord ayant « pour objet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition, à moins que cet accord, eu égard à ses termes, à ses objectifs et à son contexte, ne puisse être considéré comme présentant le degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence pour être ainsi qualifié, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les troisième et quatrième questions

87      Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il est nécessaire de préciser la nature de l’implication de sociétés qui fournissent des services de paiement par carte qui n’ont pas participé directement à la détermination du contenu d’un accord interbancaire considéré comme anticoncurrentiel au regard de cette disposition, mais qui ont permis la conclusion de cet accord et l’ont également accepté et appliqué et, dans l’affirmative, si de telles sociétés doivent être considérées comme parties audit accord ou comme parties à une pratique concertée avec les banques ayant conclu ce même accord au titre de ladite disposition. 

88      Il ressort de la décision de renvoi que les troisième et quatrième questions sont posées pour le cas où la juridiction de renvoi serait amenée, pour une procédure ultérieure, à donner des orientations conformes au droit de l’Union. En particulier, cette juridiction relève que, dans l’arrêt faisant l’objet du pourvoi en cassation dont elle est saisie, le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale) n’a pas abordé la question de l’implication de Visa dans l’accord CMI au regard du droit de l’Union et Visa n’a pas introduit de pourvoi incident en cassation auprès de la juridiction de renvoi sur cette question.

89      En outre, lors de l’audience devant la Cour, MasterCard a relevé que le litige au principal n’a aucune incidence sur sa situation juridique, dès lors que, ainsi qu’il ressort également de la décision de renvoi, MasterCard n’a pas fait appel du jugement rendu en première instance par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest‑Capitale) devant le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale).

90      Il s’ensuit que, ainsi que la juridiction de renvoi le reconnaît expressément, l’interprétation du droit de l’Union qu’elle cherche à obtenir par ses troisième et quatrième questions n’est pas nécessaire pour lui permettre de trancher le litige dont elle est actuellement saisie, mais pourrait être utile dans le cadre d’une éventuelle future procédure nationale.

91      Dans ces conditions, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 29 du présent arrêt, les troisième et quatrième questions doivent être considérées, en raison de leur caractère hypothétique, comme étant irrecevables.

 Sur les dépens

92      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un même comportement anticoncurrentiel soit considéré comme ayant à la fois pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition.

2)      L’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’un accord interbancaire qui fixe à un même montant la commission d’interchange revenant, lorsqu’une opération de paiement par carte est effectuée, aux banques d’émission de telles cartes proposées par les sociétés de services de paiement par carte actives sur le marché national concerné ne saurait être qualifié d’accord ayant « pour objet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition, à moins que cet accord, eu égard à ses termes, à ses objectifs et à son contexte, ne puisse être considéré comme présentant le degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence pour être ainsi qualifié, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.

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