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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> EKETA v Commission (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-273/19P (22 October 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C27319P.html Cite as: ECLI:EU:C:2020:852, EU:C:2020:852, [2020] EUECJ C-273/19P |
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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
22 octobre 2020 (*)
« Pourvoi – Clause compromissoire – Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 – Article 52 – Règlement (CE) no 2321/2002 – Décision no 1513/2002/CE – Convention de subvention – Projet Sensation – Sixième programme-cadre – Coûts éligibles – Conflit d’intérêts – Charge de la preuve – Relevés de temps de travail – Rapport d’audit – Valeur probatoire – Principe de bonne gestion financière – Principe de proportionnalité »
Dans l’affaire C‑273/19 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 31 mars 2019,
Ethniko Kentro Erevnas kai Technologikis Anaptyxis (EKETA), établi à Thessalonique (Grèce), représenté par Mes V. Christianos et D. Karagkounis, dikigoroi,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par M. O. Verheecke ainsi que Mmes A Katsimerou et A. Kyratsou, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. E. Juhász (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, MM. C. Lycourgos et I. Jarukaitis, juges,
avocat général : M. E. Tanchev,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Ethniko Kentro Erevnas kai Technologikis Anaptyxis (EKETA) (Centre national de recherche et de développement technologique, Grèce) demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 22 janvier 2019, EKETA/Commission (T‑166/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:26), par lequel celui-ci a condamné la Commission européenne à payer à EKETA la somme de 19 522,57 euros, outre les intérêts, et a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la Commission pour le surplus, à savoir la somme de 159 578,77 euros, outre les intérêts.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La décision no 1513/2002/CE
2 La décision no 1513/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002, relative au sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006) (JO 2002, L 232, p. 1), a adopté un sixième programme-cadre (ci-après le « programme FP6 »).
3 En vertu de l’article 2, paragraphe 2, de cette décision, les modalités de la participation financière de l’Union européenne étaient notamment régies par le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1).
Le règlement no 1605/2002
4 L’article 52 du règlement no 1605/2002 dispose :
« 1. Il est interdit à tout acteur financier d’adopter tout acte d’exécution du budget à l’occasion duquel ses propres intérêts pourraient être en conflit avec ceux des Communautés. Si un tel cas se présente, l’acteur concerné a l’obligation de s’abstenir et d’en référer à l’autorité compétente.
2. Il y a conflit d’intérêts lorsque l’exercice impartial et objectif des fonctions d’un acteur de l’exécution du budget ou d’un auditeur interne est compromis pour des motifs familiaux, affectifs, d’affinité politique ou nationale, d’intérêt économique ou pour tout autre motif de communauté d’intérêt avec le bénéficiaire. »
5 Aux termes de l’article 94 de ce règlement :
« Sont exclus de l’attribution d’un marché, les candidats ou les soumissionnaires qui, à l’occasion de la procédure de passation de ce marché :
a) se trouvent en situation de conflit d’intérêts ;
[...] »
Le règlement (CE) no 2321/2002
6 Le règlement (CE) no 2321/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif aux règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités et aux règles de diffusion des résultats de la recherche pour la mise en œuvre du sixième programme-cadre de la Communauté européenne (2002-2006) (JO 2002, L 355, p. 23), énonce, à son article 12, intitulé « Contrats et accords de consortium » :
« 1. La Commission conclut un contrat pour chaque proposition d’action indirecte sélectionnée. Ce contrat est établi conformément aux dispositions du sixième programme-cadre et du présent règlement, en tenant compte des spécificités des différents instruments concernés.
[...]
2. Le contrat fixe les droits et obligations de tous les participants conformément au présent règlement, en particulier les dispositions concernant le suivi scientifique, technologique et financier de l’action indirecte, la mise à jour de ses objectifs, l’évolution de la composition du consortium, le versement de la contribution financière de la Communauté, les conditions d’éligibilité des dépenses nécessaires le cas échéant, ainsi que les règles de diffusion et de valorisation.
[...]
3. Aux fins d’assurer la protection des intérêts financiers de la Communauté, des sanctions appropriées sont prévues dans les contrats, ainsi qu’il en est disposé, entre autres, dans le règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes [(JO 1995, L 312, p. 1)].
4. La conclusion d’un contrat est sans préjudice du droit pour la Commission d’adopter une décision de recouvrement, formant titre exécutoire conformément à l’article 256 du traité, afin d’obtenir d’un participant le remboursement d’une somme due. Avant d’adopter une telle décision, la Commission demande au participant de lui présenter ses observations dans un délai déterminé.
[...] »
7 L’article 14, paragraphe 2, sous a), de ce règlement prévoit que les dépenses éligibles doivent être réelles, économiques et nécessaires à la mise en œuvre de l’action indirecte.
8 L’article 18 dudit règlement, intitulé « Suivi et audits scientifiques, technologiques et financiers », dispose, à ses paragraphes 2 et 3 :
« 2. Conformément au contrat, la Commission prend toutes les mesures utiles en vue d’assurer la réalisation des objectifs de l’action indirecte dans le respect des intérêts financiers de la Communauté. Au nom de ceux-ci, elle peut, si nécessaire, ajuster la contribution financière de la Communauté ou interrompre l’action indirecte en cas de violation du présent règlement ou des stipulations du contrat.
3. La Commission [...] est en droit de procéder à des audits scientifiques, technologiques et financiers auprès des participants, en vue de s’assurer que l’action indirecte est réalisée ou a été réalisée dans les conditions déclarées par eux et conformément aux stipulations du contrat.
[...] »
La convention Sensation
9 Le projet « Advanced Sensor Development for Attention, Stress, Vigilance and Sleep/Wakefulness Monitoring » (ci-après le « projet Sensation ») était financé en vertu de la convention de subvention no 507231 (ci-après la « convention Sensation »), adoptée le 24 décembre 2003 en exécution du programme FP6. Cette convention comprend la convention principale de financement (ci-après la « convention principale ») ainsi que six annexes. La première annexe décrit le projet et la deuxième annexe contient les conditions générales applicables (ci-après les « conditions générales »).
10 L’article 12 de la convention principale rend applicable le droit belge et l’article 13 de celle-ci contient une clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE.
11 Le point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales, intitulé « Obligations d’exécution », stipule :
« Chaque contractant a l’obligation :
[...]
l) de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des intérêts économiques, des affinités politiques ou nationales, des liens familiaux ou affectifs ou de tout autre type d’intérêt, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet, et d’informer sans délai la Commission de toute situation pouvant conduire à un tel conflit d’intérêts. »
12 Le point II.6 des conditions générales, intitulé « Sous-traitance », stipule :
« 1. Les contractants doivent s’assurer qu’ils sont en mesure d’effectuer les travaux prévus comme indiqué dans l’annexe I. Cependant, lorsqu’il est nécessaire de sous-traiter certains éléments des travaux à effectuer, cela doit être clairement indiqué dans l’annexe I. Au cours de l’exécution du projet, les contractants peuvent sous-traiter des tâches de service secondaires pour des aspects qui ne relèvent pas des travaux essentiels du projet, lorsque ces tâches ne peuvent pas être exécutées directement par eux-mêmes et que le recours à la sous-traitance pour ces tâches s’avère nécessaire à l’exécution de leur part de travail dans le projet.
2. Tout contrat de sous-traitance, dont les coûts doivent être exposés comme un coût éligible, doit être attribué par appel d’offres au sous-traitant ayant soumis l’offre la plus avantageuse (meilleur rapport qualité-prix) dans des conditions de transparence et d’égalité de traitement. Les aspects suivants doivent être pris en compte dans l’attribution des contrats de sous-traitance :
a) ils ne doivent porter que sur l’exécution d’une partie restreinte du projet ;
b) le recours à la sous-traitance doit être justifié eu égard à la nature de l’action et à ce qui est nécessaire à son exécution ;
c) les tâches concernées doivent être mentionnées à l’annexe I ;
[...] »
13 Le point II.19 des conditions générales stipule :
«1. Les coûts [...] encourus pour la réalisation du projet [Sensation], [pour être éligibles], doivent remplir toutes les conditions suivantes :
a) ils doivent être réels, économiques et nécessaires à la réalisation du projet, et
b) ils doivent être déterminés conformément aux principes comptables usuels du contractant, et
c) ils doivent être encourus pendant la durée du projet [...], et
d) ils doivent être enregistrés dans la comptabilité du contractant qui les a encourus [...] Les procédures comptables employées pour enregistrer les coûts et les recettes doivent respecter les règles comptables de l’État d’établissement du contractant ainsi que permettre le rapprochement direct entre les coûts et les recettes encourues pour la mise en œuvre du projet et les déclarations d’ensemble relatives à l’ensemble de l’activité du contractant [...]
[...] »
14 Le point II.20 des conditions générales, relatif aux coûts directs, stipule :
« 1. Les coûts directs sont tous les coûts qui satisfont aux critères établis [au point] II.19 ci-dessus, qui peuvent être identifiés par chaque contractant conformément à son système comptable et qui peuvent être attribués directement au projet.
2. [...] Les coûts directs de personnel doivent être limités aux coûts réels du personnel affecté au projet [...]
[...] »
15 Le point II.21, paragraphe 1, des conditions générales, relatif aux coûts indirects, stipule :
« Les coûts indirects sont tous les coûts qui satisfont aux critères établis par [le point] II.19 qui ne peuvent pas être identifiés par le contractant comme étant directement attribués au projet, mais qui peuvent être identifiés et justifiés par son système de comptabilité comme étant encourus en relation directe avec les coûts directs éligibles attribués au projet.
[...] »
16 Le point II.29 des conditions générales, intitulé « Contrôles et audits », stipule :
« 1. [À t]out moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la Commission peut faire procéder à des audits, soit par des réviseurs ou auditeurs scientifiques ou technologiques externes, soit par les services de la Commission eux-mêmes, y compris l’[Office européen de lutte antifraude (OLAF)]. Ces audits peuvent porter sur des aspects scientifiques, financiers, technologiques et autres (tels que les principes de comptabilité et de gestion) se rapportant à la bonne exécution du projet et du contrat [...]
2. Les contractants mettent directement à la disposition de la Commission toutes les données détaillées qui peuvent être demandées par la Commission en vue de vérifier si le contrat est bien géré et exécuté.
[...]
4. Pour permettre l’exécution de ces audits, les contractants veillent à ce que les services de la Commission et tout organisme extérieur désigné par la Commission puissent, à toute heure raisonnable, se rendre sur place, en particulier dans les bureaux des contractants, pour y recueillir toutes les informations nécessaires à l’exécution de l’audit [...] »
17 Le point II.31, paragraphe 1, des conditions générales stipule :
« Lorsqu’un montant a été payé indûment au contractant ou lorsqu’un recouvrement est justifié dans les conditions du contrat, le contractant s’engage à rembourser à la Commission la somme en question dans les conditions et à la date précisée par elle. »
Le droit belge
18 L’article 1134 du code civil prévoit, à son premier alinéa, que « [l]es conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et, à son deuxième alinéa, qu’« [e]lles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise ».
19 L’article 1134, troisième alinéa, du code civil dispose, en outre, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. L’article 1135 du même code précise que « [l]es conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». Cet article exprime donc également le principe d’exécution de bonne foi des contrats.
20 L’article 1156 du code civil prévoit qu’il doit être recherché, dans les conventions, « quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».
Les antécédents du litige
21 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 19 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.
22 Le projet Sensation avait pour objet l’étude des technologies relatives aux microcapteurs et aux nanocapteurs dans le but de pouvoir surveiller, détecter et prévoir, de manière discrète et financièrement rentable, en temps réel et en tout lieu, l’état physiologique des personnes en termes de vigilance, de fatigue et de stress.
23 Le 24 décembre 2003, EKETA, agissant en tant que coordinateur d’un consortium, a signé la convention Sensation. La durée du projet Sensation était de 52 mois, à savoir pour la période allant du 1er janvier 2004 au 30 avril 2008.
24 Suspectant des membres des consortiums attributaires de divers projets subventionnés d’octroyer de manière non transparente des contrats de sous-traitance à des sociétés appartenant au personnel d’autres membres desdits consortiums, l’OLAF a ouvert, au cours de l’année 2010, une enquête visant dix personnes, dont M. B. et Mme E. P. Cette enquête a été close le 21 juin 2012 sans recommandation.
25 Par lettre du 21 décembre 2010, la Commission a informé le requérant de son intention de procéder à un audit financier de cinq projets financés dans le cadre du programme FP6 et, notamment, du projet Sensation.
26 L’audit financier a été effectué du 14 au 18 mars 2011 et les 30 et 31 mars suivants dans les locaux du requérant à Thessalonique (Grèce) ainsi que le 29 mars 2011 dans les locaux de celui-ci à Athènes (Grèce).
27 Le 5 juillet 2012, la Commission a transmis au requérant un rapport d’audit provisoire et l’a invité à présenter ses observations sur ce rapport.
28 Le 25 septembre 2012, le requérant a adressé à la Commission ses observations sur le rapport d’audit provisoire ainsi que des pièces complémentaires.
29 Par lettre du 12 mai 2015, la Commission a communiqué au requérant, d’une part, le rapport d’audit final (ci-après le « rapport d’audit »), en soulignant qu’elle approuvait ses conclusions, et, d’autre part, un addendum concernant les taux des coûts indirects pour l’année 2006.
30 Dans le rapport d’audit, les auditeurs ont relevé des irrégularités relatives aux coûts de personnel et au recours à des sous-traitants.
31 En ce qui concerne les coûts de personnel, les auditeurs ont observé que six personnes affectées au projet Sensation, à savoir Mmes S. V., M. P. et E. P. ainsi que MM. I. T, A. T. et B., chef dudit projet (ci-après les « chercheurs en cause »), travaillaient également sur d’autres projets au même moment ou avaient d’autres occupations professionnelles. Selon les auditeurs, l’importance de ces activités professionnelles parallèles nuisait à la plausibilité des relevés de temps des intéressés. Les auditeurs ont également signalé l’existence d’un conflit d’intérêts et de relations très étroites entre des employés et le chef du projet Sensation, faisant douter non seulement de la réalité de leur participation, mais aussi de la nécessité de leur implication dans le projet. Au vu de ce qui précède, les auditeurs ont considéré que les coûts salariaux des intéressés devaient être considérés comme étant inéligibles et, partant, rejetés.
32 Les auditeurs ont également estimé que le système d’enregistrement des relevés de temps de travail présentait certaines faiblesses. Ils ont aussi déploré le fait qu’ils n’avaient pu rencontrer certains chercheurs ni n’avaient pu s’entretenir téléphoniquement avec eux pour vérifier les heures de travail déclarées. Les auditeurs ont, en outre, fait valoir que, si certains chercheurs avaient pu travailler sur le projet Sensation, les preuves de leurs prestations n’étaient pas conformes aux exigences de la convention Sensation et qu’ils n’étaient pas en mesure d’évaluer ce travail non seulement en raison du caractère non fiable des relevés de temps, mais aussi en raison du caractère technique du projet.
33 Le rapport d’audit détaille, enfin, les problèmes spécifiques posés par les prestations attribuées aux chercheurs en cause.
34 En ce qui concerne les contrats de sous-traitance, les auditeurs ont estimé que le recours aux sociétés ID et M ne satisfaisait pas au critère du meilleur rapport qualité-prix et que la nécessité de recourir à une sous-traitance n’était pas prouvée, car des ressources disponibles au sein du consortium étaient déjà utilisées pour les travaux en question ou même parce que ces travaux avaient parfois déjà été effectués. S’agissant de la société ID, ils ont, en outre, relevé l’existence d’un risque de conflit d’intérêts.
35 Le 29 novembre 2016, la Commission a adressé au requérant la note de débit no 3241615291, réclamant le remboursement d’un montant de 197 799,52 euros (ci-après la « note de débit »).
36 Le 11 mai 2017, la Commission a recouvré ce montant, augmenté des intérêts de retard d’un montant de 2 123,61 euros, par voie de compensation avec des créances dont EKETA était titulaire en vertu d’autres projets subventionnés par l’Union.
37 Le 13 juillet 2017, la Commission a émis une note de crédit afin de rembourser au requérant un montant de 8 988,21 euros résultant d’une erreur de calcul des frais indirects éligibles pour les années 2004 à 2006.
38 Le 19 octobre 2017, la Commission a émis une note de crédit d’un montant de 2 950 euros correspondant au coût d’une mission de sous-traitance confiée à la société M et a versé à cette dernière ce montant le 28 novembre 2017.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
39 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2017, EKETA a introduit une demande tendant à faire constater que la créance figurant sur la note de débit, d’un montant de 197 799,52 euros provenant de la subvention reçue dans le cadre du projet Sensation était dépourvue de fondement à hauteur de 191 039,55 euros et que, de ce fait, il n’était pas tenu de rembourser ce dernier montant.
40 À l’appui de son recours, EKETA a soulevé quatre moyens fondés, le premier, sur une violation des points II.3, II.6, II.19 et II.20 des conditions générales, le deuxième, sur une violation des normes internationales d’audit, le troisième sur une violation du devoir d’impartialité des auditeurs et de la Commission, et le quatrième sur une violation du principe de proportionnalité.
41 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a condamné la Commission à payer au requérant la somme de 19 522,57 euros, outre les intérêts, a rejeté le recours pour le surplus et a condamné EKETA à supporter, outre ses propres dépens, neuf dixièmes des dépens de la Commission.
Les conclusions des parties devant la Cour
42 EKETA demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué en ce que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté son recours pour le surplus et qu’il l’a condamné à supporter, outre ses propres dépens, neuf dixièmes des dépens de la Commission ;
– de renvoyer le litige devant le Tribunal pour qu’il statue à nouveau, et
– de condamner la Commission aux dépens.
43 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant non fondé et
– de condamner le requérant aux dépens.
Sur le pourvoi
44 À l’appui de son pourvoi, EKETA soulève quatre moyens.
45 Par son premier moyen, il reproche au Tribunal d’avoir, en substance, omis d’examiner et d’apprécier correctement l’ensemble des preuves, considéré, de manière erronée, que la charge de la preuve pesait sur sa personne, dénaturé certains éléments de preuve et violé son obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré de ce que le rejet des heures déclarées serait fondé sur l’existence d’un simple risque de conflit d’intérêts, alors même que cette existence devrait être avérée. Par son troisième moyen, il reproche au Tribunal d’avoir considéré que la Commission n’était pas tenue par les normes internationales d’audit dans la conduite de l’audit qu’elle a mené. Enfin, le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité qu’aurait commise le Tribunal.
46 La Commission conclut au rejet des quatre moyens soulevés et du pourvoi.
47 À cet égard, il y a lieu de souligner, à titre liminaire, qu’un certain nombre d’arguments développés par le requérant concernent l’interprétation faite par le Tribunal des stipulations de la convention Sensation, ainsi que les appréciations du Tribunal sur les éléments de preuve qui lui étaient soumis par les parties au litige dont il était saisi.
48 Il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, l’examen effectué par le Tribunal d’une disposition contractuelle ne saurait être considéré comme constituant une interprétation du droit et ne saurait être ainsi vérifié dans le cadre d’un pourvoi sans empiéter sur la compétence du Tribunal pour établir les faits (arrêt du 14 mars 2019, Meta Group/Commission, C‑428/17 P, non publié, EU:C:2019:201, point 23 et jurisprudence citée).
49 La Cour a itérativement jugé que le Tribunal est seul compétent pour constater les faits, excepté dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve retenus. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 14 mars 2019, Meta Group/Commission, C‑428/17 P, non publié, EU:C:2019:201, point 24 et jurisprudence citée).
50 Selon une jurisprudence constante de la Cour, une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 86 ainsi que jurisprudence citée).
51 En outre, il convient de rappeler que l’appréciation par le Tribunal de la force probante des pièces du dossier ne peut, sous réserve des cas de méconnaissance des règles en matière de charge et d’administration de la preuve et de dénaturation desdites pièces, être remise en cause devant la Cour (arrêt du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C‑613/13 P, EU:C:2017:49, point 26 ainsi que jurisprudence citée).
Sur le premier moyen
52 Le premier moyen est subdivisé en quatre branches.
53 Par la deuxième branche de son premier moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, EKETA allègue plusieurs dénaturations qu’aurait commises le Tribunal.
54 En l’occurrence, EKETA fait valoir, premièrement, que, en considérant, au point 85 de l’arrêt attaqué, que la conduite d’un audit complémentaire n’était pas une obligation dans le chef de la Commission, le Tribunal a dénaturé les preuves qu’il a versées au dossier.
55 À cet égard, il convient de relever que, audit point 85, le Tribunal s’est limité à affirmer qu’il résultait du point II.29 des conditions générales de la convention Sensation qu’un audit complémentaire n’était qu’une faculté offerte à la Commission. Il s’ensuit que, en procédant à une telle affirmation, le Tribunal n’a pas pu dénaturer les documents, versés au dossier par EKETA, et relatifs aux normes internationales en matière d’audit. Du reste, la Commission n’étant pas le destinataire de ces normes, lesdites normes ne sauraient, en toute hypothèse, imposer à cette institution un comportement déterminé.
56 Par ailleurs, le Tribunal n’a pas davantage dénaturé le rapport d’audit final invoqué par le requérant. En effet, ce document se limite, selon les propres affirmations d’EKETA, à souligner que l’audit a été mené sur la base notamment des normes internationales d’audit. Or, une telle affirmation ne saurait être assimilée à la reconnaissance, par la Commission, de son obligation de procéder à l’audit sur la base desdites normes, lesquelles auraient exigé, selon EKETA, la tenue d’un audit complémentaire.
57 Deuxièmement, EKETA fait valoir que le Tribunal, aux points 112 et 113 de l’arrêt attaqué, a retenu à tort que les relevés de temps de travail de M. B. avaient été signés par le directeur d’EKETA, alors même qu’il s’agissait en réalité du directeur de l’institut des transports d’EKETA, dont dépendait M. B.
58 À cet égard, il convient de relever que, aux points 111 et 112 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission avait pu remettre en cause les relevés de temps de travail de M. B. dans la mesure où, d’une part, il avait signé ses propres relevés en sa double qualité de chercheur et de responsable du projet, ce qui avait amené le requérant à retirer à M. B. ses fonctions de chef de projet, et où, d’autre part, le contreseing litigieux ne constituait pas une garantie suffisante puisque, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement intérieur d’EKETA, indépendamment de l’identité du directeur, les relevés de temps étaient contresignés « à des fins de contrôle final et de confirmation du partage du temps contractuel de travail entre les programmes de recherche ».
59 Dans la mesure où le requérant n’a pas contesté, dans le cadre du présent pourvoi, l’appréciation du Tribunal selon laquelle les deux éléments mentionnés au point précédent étaient, indépendamment de l’identité du contresignataire des relevés de temps, de nature à remettre en cause la crédibilité de ces relevés, force est de constater que l’argument tiré d’une erreur commise par le Tribunal quant à l’identité du contresignataire de ces relevés doit être rejeté comme étant inopérant.
60 Troisièmement, EKETA allègue que le Tribunal affirme à tort, au point 108 de l’arrêt attaqué, que M. B. a été employé en dehors d’EKETA entre l’année 2004 et l’année 2010, alors que le projet Sensation s’est achevé au mois d’avril 2008.
61 À cet égard, il convient de constater que cette affirmation ne révèle aucune dénaturation des faits, étant donné que cette période englobe entièrement la durée du projet en cause qui, ainsi qu’il ressort du point 3 de l’arrêt attaqué, s’étend du 1er janvier 2004 au 30 avril 2008.
62 Quatrièmement, EKETA allègue que le Tribunal affirme à tort que M. B. était actionnaire à hauteur de 72 % de la société I, alors même que, dans l’arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission (T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27), le Tribunal a relevé que M. B. avait quitté la société I dès l’année 2001.
63 Cette affirmation du Tribunal ne révèle pas non plus une dénaturation des faits. En effet, la circonstance que M. B. avait cessé de travailler au sein de la société I ne signifie pas qu’il « avait quitté cette société » et qu’il n’y exerçait aucune responsabilité. En effet, le Tribunal a constaté, au point 108 de l’arrêt attaqué, que M. B. était l’un des deux actionnaires de cette société et que celle-ci, qui n’employait pas de personnel et devait compter sur le travail de ses détenteurs, réalisait un chiffre d’affaires conséquent.
64 Cinquièmement, le requérant fait valoir que, au point 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a admis que M. B. n’avait exercé aucune activité professionnelle parallèle, ce qui aurait dû l’amener à admettre les coûts de M. B. au titre de cette année, comme il l’a d’ailleurs fait pour M. T., aux points 142 et 143 de l’arrêt attaqué.
65 S’agissant de cette critique, il convient de souligner que, à ce point de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a nullement retenu que M. B. « n’avait exercé aucune activité professionnelle parallèle », dans la mesure où il s’est contenté de rapporter un argument du requérant, sans pour autant le faire sien.
66 Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
67 Par la première branche de son premier moyen, EKETA reproche au Tribunal d’avoir, dans l’arrêt attaqué, omis d’examiner et d’apprécier l’ensemble des éléments de preuve dont il se prévalait.
68 À cet effet, il fait valoir que, aux points 61, 62, 74, 166 et 170 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, à tort, que le rapport d’audit de la Commission et les relevés de temps de travail étaient à eux seuls suffisants pour rejeter l’ensemble des coûts sans tenir compte des éléments de preuve complémentaires que cette partie avait versés au dossier et qui démontreraient la réalité de la majeure partie des heures de travail déclarées.
69 À cet égard, il convient de constater que, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation des preuves, le Tribunal est en droit de pondérer les preuves et d’attribuer à une catégorie de preuves un poids déterminant, mais d’attribuer à d’autres preuves une valeur probante limitée ou de n’attribuer aucune valeur probante, en respectant les règles applicables en matière d’administration et de charge de la preuve, cette dernière question faisant l’objet de la troisième branche du premier moyen.
70 En l’occurrence, le Tribunal a examiné l’ensemble des preuves, y compris, aux points 84 à 89 et 124 de l’arrêt attaqué, toutes les preuves complémentaires présentées par le requérant. Il était en droit d’attribuer une valeur déterminante au rapport d’audit ainsi qu’à l’absence de fiabilité des relevés de temps de travail et de n’attribuer aucune valeur probante à ces preuves complémentaires.
71 Dès lors, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.
72 Dans le cadre de la troisième branche, EKETA allègue une erreur de droit concernant la répartition de la charge de la preuve qu’aurait commise le Tribunal au point 61 de l’arrêt attaqué, en considérant qu’une simple présomption de risque que les relevés de temps de travail ne reflètent pas la réalité était suffisante pour renverser la charge de la preuve sur la personne du bénéficiaire du contrat.
73 À cet égard, il convient de constater que le Tribunal a correctement identifié la jurisprudence pertinente en se référant au point 106 de l’arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission (T‑644/14, EU:T:2017:533).
74 En effet, la présence d’indices concrets de l’existence d’un risque que les conditions d’éligibilité des dépenses ne sont pas remplies suffit pour que la preuve pèse sur le bénéficiaire du contrat.
75 La circonstance soulevée par EKETA que, dans la situation ayant donné lieu à l’arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission (T‑644/14, EU:T:2017:533), le bénéficiaire n’a présenté aucune preuve pour justifier l’éligibilité des dépenses n’est pas pertinente.
76 Certes, EKETA allègue qu’il a présenté de telles preuves. Toutefois, si ces preuves avaient eu une valeur probante, elles auraient pu conduire à ce que la charge de la preuve soit transférée à la Commission, comme il est indiqué au point 60 de l’arrêt attaqué. Or, tel n’était pas le cas.
77 En effet, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 59 de l’arrêt attaqué, que les coûts invoqués par EKETA ne pouvaient lui être remboursés qu’à la condition, d’une part, qu’il ait démontré leur réalité en fournissant des informations fiables et, d’autre part, qu’il ait établi que ces coûts avaient été exposés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné. Or, aux points 61 et 62 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission pouvait considérer, sur le fondement du rapport d’audit dont elle disposait, que le temps de travail des chercheurs concernés déclaré par EKETA n’était pas fiable, de sorte que celui-ci continuait à supporter la charge de la preuve de la réalité des coûts qu’il invoquait et que, ainsi que le Tribunal l’a souligné au point 64 de l’arrêt attaqué, il lui appartenait dès lors de démontrer, au moyen d’éléments probants, que les conditions d’éligibilité de ces coûts avaient été respectées.
78 Dans la mesure où le Tribunal a estimé que le requérant n’avait pas apporté de preuve fiable des coûts invoqués, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.
79 Partant, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
80 Par la quatrième branche de son premier moyen, EKETA reproche au Tribunal tant des défauts de motivation que l’existence de contradictions dans les motifs de l’arrêt attaqué.
81 S’agissant des griefs tirés d’un défaut de motivation, EKETA critique, premièrement, le fait que le point 76 de l’arrêt attaqué invoque une jurisprudence non pertinente en l’espèce.
82 Il considère, deuxièmement, qu’il n’est pas possible de comprendre quelle serait la méthode raisonnable et fiable dont fait état le Tribunal au point 84 de l’arrêt attaqué.
83 EKETA considère, troisièmement, que le Tribunal n’a pas indiqué, au point 87 de l’arrêt attaqué, la raison pour laquelle le rapprochement entre les éléments de preuve fournis par EKETA et les relevés de temps était aléatoire et difficile.
84 EKETA affirme, quatrièmement, que le point 96 de l’arrêt attaqué se limite à répéter les conclusions de la Commission sans lui permettre de connaître les motifs pour lesquels le Tribunal a estimé que les moyens de preuve pertinents qu’il a produits ne suffisent pas à remettre en cause le constat des auditeurs.
85 Cinquièmement, EKETA fait valoir que, aux points 67 à 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas correctement motivé la raison pour laquelle il a écarté le grief tiré d’un manque d’impartialité de l’audit.
86 S’agissant des griefs tirés d’une contradiction de motifs, EKETA soutient, d’une part, que le Tribunal ne pouvait pas, sans se contredire, indiquer, au point 82 de l’arrêt attaqué, qu’aucune stipulation des conditions générales ne régissait l’exercice d’activités parallèles, pour conclure, au point 96 de cet arrêt, que, eu égard aux activités parallèles des chercheurs, il n’était pas plausible que ces derniers aient pu travailler sur le projet Sensation pendant les heures déclarées dans les relevés de temps de travail.
87 D’autre part, EKETA estime que les points 60 et 61 de l’arrêt attaqué sont également entachés d’une motivation contradictoire qui ne lui permet pas de comprendre les motifs du renversement de la charge de la preuve auquel le Tribunal aurait procédé dans l’arrêt attaqué.
88 Selon une jurisprudence constante, la motivation d’un arrêt du Tribunal doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. La question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 11 juin 2020, China Construction Bank/EUIPO, C‑115/19 P, EU:C:2020:469, point 67 et jurisprudence citée). L’obligation de motivation n’impose toutefois pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 18 juin 2020, Dovgan/EUIPO, C‑142/19 P, non publié, EU:C:2020:487, point 63).
89 Il convient encore d’ajouter que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de cette décision, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien‑fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37).
90 Partant, le grief dirigé contre le prétendu défaut de motivation du point 76 de l’arrêt attaqué doit être rejeté en tant que ce grief vise uniquement à critiquer la pertinence de la jurisprudence invoquée audit point.
91 S’agissant, ensuite, du point 84 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de relever que le Tribunal y a affirmé que les preuves complémentaires présentées par EKETA ne permettent pas d’opérer, conformément aux points II.19 et II.20 des conditions générales de la convention Sensation, un rapprochement direct avec les heures déclarées par les chercheurs en cause selon une méthode raisonnable et fiable.
92 Contrairement à ce que soutient le requérant, le Tribunal a expliqué, au même point, la raison pour laquelle il n’était pas possible d’effectuer un tel rapprochement direct selon une méthode raisonnable et fiable en soulignant que ces documents nécessitaient une évaluation non seulement laborieuse, mais aussi hasardeuse, afin de les faire correspondre à des heures de travail.
93 S’agissant, par ailleurs, du prétendu défaut de motivation du point 87 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient EKETA, le Tribunal a clairement indiqué, audit point, la raison pour laquelle le rapprochement des relevés de temps de travail avec les preuves complémentaires fournies par cette partie était aléatoire et difficile en soulignant, d’une part, que lesdits relevés de temps ne mentionnaient pas les modules de travail sur lesquels les chercheurs en cause avaient travaillé à un moment précis, ce qui ne permettait pas de vérifier le caractère réel des dépenses déclarées par cette partie et accentuait la difficulté de faire le lien entre le travail effectué et ces relevés, et, d’autre part, que, même si les éléments complémentaires présentés par EKETA contenaient une référence à ces modules de travail, l’absence de mention desdits modules dans les relevés de temps ne permettait pas d’établir aisément et avec certitude une correspondance entre les uns et les autres.
94 Il convient encore d’ajouter que les arguments avancés par EKETA selon lesquels le Tribunal aurait mal apprécié, aux points 84 et 87 de l’arrêt attaqué, les preuves complémentaires fournies par cette partie sont dépourvus de pertinence dans le cadre de la présente branche, pour le motif énoncé au point 89 du présent arrêt.
95 S’agissant du supposé défaut de motivation du point 96 de l’arrêt attaqué, il suffit de constater que ce point constitue la conclusion de la démonstration du Tribunal et qu’il renvoie expressément aux explications qui précèdent, y compris aux points 84 et 87 de l’arrêt attaqué, afin de rejeter les arguments d’EKETA destinés à remettre en cause le constat selon lequel il n’était pas plausible que les chercheurs en cause aient travaillé sur le projet Sensation pendant les heures déclarées dans les relevés de leur temps de travail. Il s’ensuit que le Tribunal s’est expressément appuyé sur les constatations effectuées aux points précédant ce point 96 pour justifier la raison pour laquelle, selon lui, il convenait d’aboutir à une telle conclusion. En outre, la circonstance que le Tribunal a fait sien le raisonnement de la Commission à cet égard, à la supposer établie, n’est pas davantage de nature à aboutir à un constat de violation de son obligation de motivation.
96 En ce qui concerne la critique des points 67 à 69 de l’arrêt attaqué, il convient de souligner que, contrairement à ce que soutient EKETA, le Tribunal a motivé, à suffisance de droit, au point 68 de l’arrêt attaqué, la raison pour laquelle la déclaration du fonctionnaire responsable de l’audit, dont il est question au point 67 de cet arrêt, à la supposer établie, ne pouvait aboutir, selon lui, à constater une violation du principe d’objectivité et d’impartialité de l’audit, en faisant valoir le caractère collégial et objectif du travail des auditeurs ainsi que l’absence d’éléments de nature à établir que le fonctionnaire concerné ait été en mesure d’exercer une influence déterminante sur les appréciations de l’ensemble des auditeurs et de la Commission.
97 Pour le surplus, dans la mesure où le requérant critique l’appréciation du Tribunal en estimant qu’il s’agit d’une violation manifeste des principes d’impartialité et d’objectivité, il convient de rappeler qu’un tel argument relève de l’appréciation du bien-fondé de l’arrêt attaqué et non de sa motivation et qu’il est donc dépourvu de pertinence dans le cadre de la présente branche.
98 En ce qui concerne la contradiction alléguée par EKETA entre le point 82 et le point 96 de l’arrêt attaqué, il convient de constater qu’elle découle d’une lecture erronée de ces points.
99 En effet, le fait que les conditions générales de la convention Sensation ne régissent pas l’exercice des activités parallèles des chercheurs n’exclut nullement que les auditeurs puissent constater dans des circonstances concrètes que, en raison de l’activité parallèle de ces chercheurs, il n’était pas plausible que ces derniers aient travaillé sur le projet Sensation pendant les heures déclarées dans les relevés de leur temps de travail.
100 S’agissant, enfin, de la supposée contradiction des motifs contenus aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, il suffit de relever que, ainsi que mentionné au point 74 du présent arrêt, le Tribunal a considéré que le rapport d’audit de la Commission contenait des indices concrets de nature à remettre en cause l’éligibilité des coûts d’EKETA, sans que ce dernier soit en mesure de rapporter la preuve contraire.
101 Par conséquent, la quatrième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
102 Le premier moyen doit, en conséquence, être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur le deuxième moyen
103 Par son deuxième moyen, EKETA reproche au Tribunal d’avoir, aux points 100 à 103 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit dans la mesure où l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1605/2002 exige que, pour être constituée, la situation de conflit d’intérêts demande que ce conflit soit réel et non hypothétique. EKETA est d’avis qu’il ressort de cette définition qu’il ne suffit pas que ce conflit soit éventuel, mais qu’il doit compromettre effectivement la bonne exécution de la convention.
104 Il ajoute que cette analyse est confirmée à l’article 94 du règlement no 1605/2002.
105 EKETA invoque, en se référant au point 100 de l’arrêt attaqué, également le point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales de la convention Sensation, qui mentionne uniquement le risque de conflit d’intérêts et estime qu’un tel risque doit être effectivement constaté à la suite d’une appréciation concrète.
106 La Commission conclut au rejet de ce moyen.
107 S’agissant de la prétendue violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1605/2002, force est de constater que, à aucun moment de la procédure devant le Tribunal, le requérant ne s’est prévalu de cette disposition. Le Tribunal a fondé son analyse quant à l’existence d’une situation de conflit d’intérêts sur le fondement du point II. 3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales de la convention Sensation.
108 L’invocation de cette disposition par le requérant doit, en conséquence, s’analyser comme constituant un moyen nouveau qui étend l’objet du litige et qui, de ce fait, ne saurait être articulé pour la première fois au stade du pourvoi (arrêt du 18 novembre 2010, ArchiMEDES/Commission, C‑317/09 P, non publié, EU:C:2010:700, point 90 et jurisprudence citée).
109 Quant à l’invocation de la violation de l’article 94 de ce règlement, force est de constater que cet article a vocation à s’appliquer à la situation particulière de l’attribution de marchés publics, ce qui est sans lien avec le problème d’exécution contractuelle dont était saisi le Tribunal et qui justifie que cet argument soit rejeté comme étant non fondé.
110 En ce qui concerne l’application du point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales de la convention Sensation, il convient de constater qu’il s’agit d’une clause contractuelle dont l’interprétation par le Tribunal, en vertu de la jurisprudence exposée au point 48 du présent arrêt, ne peut pas être remise en cause dans le cadre d’un pourvoi, hormis l’hypothèse d’une dénaturation commise par le Tribunal qui, en l’occurrence, n’a pas été invoquée par le requérant.
111 Enfin, contrairement à ce que soutient encore EKETA à l’appui de son deuxième moyen, le Tribunal n’a pas recouru à une motivation contradictoire lorsque, au point 100 de l’arrêt attaqué, il a souligné, d’une part, que les éléments constitutifs du conflit d’intérêts devaient être constatés à la suite d’une appréciation concrète et, d’autre part, qu’il n’était toutefois pas exigé que soit apportée la preuve que ce conflit a ou a eu, de manière avérée, une influence sur l’exécution du contrat ou sur ses coûts. En effet, il suffit de relever que la première affirmation vise à prouver l’existence d’un conflit d’intérêts, alors que la seconde concerne les conséquences qu’un tel conflit, une fois avéré, peut produire sur l’exécution ou les coûts du contrat concerné.
112 Par conséquent, ce moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.
Sur le troisième moyen
113 Par son troisième moyen, EKETA fait valoir que le Tribunal, aux points 49, 50 et 85 de l’arrêt attaqué, a commis une dénaturation et une erreur d’appréciation en écartant l’obligation pour les auditeurs d’appliquer les normes internationales d’audit, malgré le fait que le rapport d’audit énonce lui-même que cet audit s’est déroulé conformément aux normes internationales d’audit. Ainsi, selon EKETA, la Commission s’est engagée elle-même à respecter ces normes.
114 La Commission conclut au rejet de ce moyen.
115 À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que la partie requérante n’expose pas les raisons pour lesquelles elle considérerait que le constat, posé au point 49 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’application des normes internationales d’audit ne ressort pas des principes généraux du droit serait erroné en droit.
116 En outre, à supposer que la Commission ait estimé, comme l’allègue EKETA, que l’audit s’était déroulé sur la base des normes internationales en matière d’audit, il n’en demeure pas moins que, comme il a été souligné au point 56 du présent arrêt, une telle affirmation ne saurait être assimilée à la reconnaissance, par la Commission, de son obligation de procéder à l’audit sur la base de ces normes, lesquelles auraient exigé en l’occurrence, selon EKETA, la tenue d’un audit complémentaire.
117 Au contraire, il convient de rappeler que le Tribunal a considéré, au point 85 de l’arrêt attaqué, que le point II.29 des conditions générales n’imposait pas la tenue d’un tel audit complémentaire.
118 Or, en vertu de la jurisprudence exposée au point 48 du présent arrêt, l’interprétation d’une clause contractuelle ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi, excepté dans l’hypothèse d’une dénaturation de cette clause par le Tribunal. En l’occurrence, une telle dénaturation n’a pas été invoquée par le requérant.
119 Par conséquent, le troisième moyen est rejeté comme étant, en partie, non fondé et, en partie, irrecevable.
Sur le quatrième moyen
120 Par son quatrième moyen, EKETA soutient, en substance, que, en rejetant, aux points 165 et 166 de l’arrêt attaqué, la totalité des coûts de certains chercheurs, alors même qu’il n’était pas contesté que ces chercheurs avaient participé à l’exécution du projet Sensation, le Tribunal a violé le principe de proportionnalité.
121 Dans son mémoire en réplique, EKETA fait valoir que, en confondant, au point 52 de l’arrêt attaqué, le principe de proportionnalité, qui a valeur constitutionnelle, et l’exécution de bonne foi des obligations contractuelles, le Tribunal a commis une erreur de droit.
122 La Commission conclut au rejet de ce moyen comme étant irrecevable.
123 Contrairement à ce qu’affirme la Commission, le moyen exposé au point 120 du présent arrêt n’est pas la simple répétition d’un moyen avancé en première instance devant le Tribunal. Il suffit, en effet, de constater que ce moyen indique de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique la demande tendant à l’annulation de celui-ci. En outre, le présent moyen porte sur une question de droit en ce que le requérant estime que, en ayant, aux points 165 à 167 de l’arrêt attaqué, rejeté les frais comme étant inéligibles au motif que le requérant avait commis des manquements essentiels à ses obligations contractuelles, alors même que les travaux en cause avaient été correctement exécutés, le Tribunal a violé le principe de proportionnalité.
124 L’exception d’irrecevabilité invoquée par la Commission doit donc être rejetée.
125 En revanche, dans la mesure où l’argument d’EKETA, résumé au point 121 du présent arrêt, a été formulé pour la première fois dans son mémoire en réplique, qu’il ne repose pas sur des éléments qui se sont révélés après l’introduction du recours et qu’il ne constitue pas l’ampliation d’un moyen énoncé dans la requête, il doit être considéré, en raison de sa tardiveté, comme irrecevable, conformément à l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.
126 Quant au fond, il convient de souligner que, aux points 165 à 167 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, rejeté les frais, dont le requérant se prévalait, comme étant inéligibles, notamment au motif qu’ils n’étaient pas justifiés par des relevés de temps de travail fiables, ce qui impliquait que ces frais soient rejetés, dans la mesure où, ainsi qu’il est mentionné au point 167 de l’arrêt attaqué, « il ne suffit pas que les projets aient été bien exécutés pour que le cocontractant acquiert un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union si les conditions financières n’ont pas été correctement respectées ».
127 Or, il a déjà été jugé par la Cour que, dans le contexte d’une convention de subvention, lorsque les coûts ne sont pas déclarés éligibles au titre de cette convention parce qu’ils ont été jugés non vérifiables ou non fiables, le respect du principe de bonne gestion financière obligeait la Commission, conformément à l’article 317 TFUE, de recouvrer la subvention à concurrence des montants non justifiés, dans la mesure où cette institution n’est autorisée à liquider, à charge du budget de l’Union, que des sommes dûment justifiées, peu important le fait que le bénéficiaire a mené ou non à bien le projet visé par la convention de subvention (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, points 65 à 68).
128 Il en résulte qu’il ne peut, en l’espèce, être reproché au Tribunal d’avoir violé le principe de proportionnalité en déclarant inéligibles les heures qui n’étaient pas établies par le requérant, dans la mesure où le principe de bonne gestion financière l’obligeait, conformément à l’article 317 TFUE, à les rejeter dans leur totalité, indépendamment du fait que le bénéficiaire a mené ou non à bien le projet visé par la convention Sensation.
129 Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
130 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
131 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
132 La Commission ayant conclu à la condamnation d’EKETA aux dépens et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Ethniko Kentro Erevnas kai Technologikis Anaptyxis (EKETA) est condamné aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure : le grec.
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