Associazione GranoSalus v Commission (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-313/19P (28 October 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C31319P.html
Cite as: EU:C:2020:869, ECLI:EU:C:2020:869, [2020] EUECJ C-313/19P

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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

28 octobre 2020 (*)

« Pourvoi – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement (CE) no 1107/2009 – Renouvellement de l’approbation de la substance active glyphosate – Règlement d’exécution (UE) 2017/2324 – Recours en annulation introduit par une association – Recevabilité – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution – Personne concernée directement »

Dans l’affaire C‑313/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 avril 2019,

Associazione Nazionale GranoSalus – Liberi Cerealicoltori & Consumatori (Associazione GranoSalus), établie à Foggia (Italie), représentée par Me G. Dalfino, avvocato,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, D. Bianchi et I. Naglis, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.–C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), Mme C. Toader, MM. M. Safjan et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, l’Associazione Nazionale GranoSalus – Liberi Cerealicoltori & Consumatori (ci-après « GranoSalus ») demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 14 février 2019, Associazione GranoSalus/Commission (T‑125/18, ci–après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:92), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant irrecevable son recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission, du 12 décembre 2017, renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate » conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2017, L 333, p. 10, ci-après le « règlement litigieux »).

 Le cadre juridique

2        L’article 29, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1), dispose :

« Sans préjudice de l’article 50, un produit phytopharmaceutique ne peut être autorisé que si [...] il satisfait aux exigences suivantes :

a)      ses substances actives, phytoprotecteurs et synergistes ont été approuvés ».

3        L’article 33, paragraphes 1 et 3, de ce règlement énonce :

« 1.      Tout demandeur souhaitant mettre un produit phytopharmaceutique sur le marché est tenu d’introduire une demande d’autorisation [...]

[...]

3.      Sont joints à la demande :

a)      pour le produit phytopharmaceutique concerné, un dossier complet et un dossier récapitulatif pour chaque point des exigences en matière de données applicables au produit phytopharmaceutique ;

b)      pour chaque substance active, phytoprotecteur et synergiste contenu dans le produit phytopharmaceutique, un dossier complet et un dossier récapitulatif pour chaque point des exigences en matière de données applicables à la substance active, au phytoprotecteur et au synergiste ;

[...] »

4        L’article 36, paragraphes 1 à 3, dudit règlement prévoit :

« 1.      L’État membre examinant la demande procède à une évaluation indépendante, objective et transparente, à la lumière des connaissances scientifiques et techniques actuelles en utilisant les documents d’orientation disponibles au moment de la demande. Il donne à tous les États membres de la même zone la possibilité de faire part de leurs observations, qui seront examinées lors de l’évaluation.

[...]

L’État membre examinant la demande met son évaluation à la disposition des autres États membres de la zone. [...]

2.      Les États membres concernés accordent ou refusent les autorisations sur la base des conclusions de l’évaluation réalisée par l’État membre examinant la demande [...]

3.      Par dérogation au paragraphe 2 et sous réserve du droit communautaire, des conditions appropriées peuvent être imposées en ce qui concerne les exigences visées à l’article 31, paragraphes 3 et 4, et d’autres mesures d’atténuation des risques découlant de conditions d’utilisation spécifiques.

Lorsque la mise en place de mesures nationales d’atténuation des risques visées au premier alinéa ne [permet] pas de répondre aux préoccupations d’un État membre liées à la santé humaine ou animale ou à l’environnement, un État membre peut refuser l’autorisation du produit phytopharmaceutique sur son territoire si, en raison de ses caractéristiques environnementales ou agricoles particulières, il est fondé à considérer que le produit en question présente toujours un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou l’environnement.

[...] »

5        L’article 43 du même règlement est libellé comme suit :

« 1.      L’autorisation est renouvelée sur demande de son titulaire, pour autant que les conditions fixées à l’article 29 soient toujours remplies.

2.      Dans les trois mois suivant le renouvellement de l’approbation d’une substance active [...] contenu[e] dans le produit phytopharmaceutique, le demandeur fournit les informations suivantes :

a)      une copie de l’autorisation du produit phytopharmaceutique ;

b)      toute nouvelle information devenue nécessaire en raison de modifications apportées aux exigences en matière de données ou aux critères ;

c)      la preuve que les nouvelles données soumises font [suite à] des exigences en matière de données ou à des critères qui n’étaient pas applicables au moment où l’autorisation du produit phytopharmaceutique a été accordée ou sont nécessaires pour modifier les conditions d’approbation ;

d)      toute information nécessaire pour démontrer que le produit phytopharmaceutique satisfait aux exigences énoncées dans le règlement concernant le renouvellement de l’approbation de la substance active, du phytoprotecteur ou du synergiste qu’il contient ;

e)      un rapport sur les informations découlant de la surveillance, si l’autorisation était soumise à une surveillance.

[...]

6.      Si, pour des raisons indépendantes de la volonté du titulaire de l’autorisation, aucune décision n’est prise sur le renouvellement de l’autorisation avant son expiration, l’État membre concerné prolonge l’autorisation de la durée nécessaire pour mener à bien l’examen et adopter une décision sur le renouvellement. »

 Les antécédents du litige

6        Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 29 de l’ordonnance attaquée.

7        Le glyphosate est une substance active dont l’incorporation dans les produits phytopharmaceutiques a été autorisée, en vertu de directives successives, du 1er juillet 2002 au 14 juin 2011.

8        Le glyphosate a, par la suite, été inscrit sur la liste des substances actives réputées approuvées en vertu du règlement no 1107/2009, figurant à l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission, du 25 mai 2011, portant application du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1). La date d’expiration de la période d’approbation de cette substance active était fixée au 31 décembre 2015.

9        Après l’engagement de la procédure de renouvellement de l’approbation de ladite substance active et en raison de retards dans son évaluation, la Commission européenne a prolongé la période de validité du glyphosate jusqu’au 30 juin 2016, puis jusqu’au 15 décembre 2017.

10      Le 12 décembre 2017, la Commission a adopté le règlement litigieux, lequel renouvelle l’approbation de la substance active glyphosate, sous certaines conditions, jusqu’au 25 décembre 2022.

 Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2018, GranoSalus, une association italienne regroupant des producteurs de blé ainsi que des consommateurs et leurs associations de protection, a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux. À l’appui de ce recours, elle a invoqué un moyen unique, tiré, en substance, de la violation des articles 168, 169 et 191 TFUE, de plusieurs actes de droit dérivé ainsi que des principes de précaution, de proportionnalité et de bonne administration.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 30 mai 2018, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité dudit recours.

13      Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a accueilli cette exception d’irrecevabilité et a rejeté le même recours comme étant irrecevable.

14      Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal, après avoir écarté l’existence d’un intérêt propre de la requérante, a examiné la qualité pour agir, à titre individuel, des membres de GranoSalus, au regard des trois cas de figure prévus à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

15      À cet égard, le Tribunal a, tout d’abord, constaté que ces membres n’étaient pas destinataires du règlement litigieux. Il a, ensuite, jugé que la requérante n’avait pas démontré que lesdits membres étaient individuellement concernés par ce règlement. Il a, enfin, estimé que ledit règlement ne constituait pas un acte réglementaire dépourvu de mesures d’exécution. Il a précisé, sur ce dernier point, que, eu égard aux procédures instaurées par le règlement no 1107/2009, les effets du règlement litigieux ne se déploient, à l’égard des membres de GranoSalus, que par l’intermédiaire du renouvellement, par les autorités compétentes des États membres, des autorisations des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active glyphosate.

 Les conclusions des parties

16      Par son pourvoi, GranoSalus demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        de déclarer recevable son recours de première instance ;

–        de renvoyer l’affaire au Tribunal pour qu’il statue au fond, et

–        le cas échéant, de condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner GranoSalus aux dépens afférents à la présente procédure.

 Sur le pourvoi

 Argumentation des parties

18      À l’appui de son pourvoi, GranoSalus invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

19      Elle fait valoir que le troisième membre de phrase de cette disposition a été ajouté pour permettre l’introduction d’un recours en annulation dans des conditions moins restrictives que celles qui prévalaient auparavant. Les deux conditions cumulatives énoncées à ce membre de phrase, à savoir que l’acte réglementaire attaqué concerne directement l’auteur du recours et ne comporte pas de mesures d’exécution, devraient, dès lors, être interprétées en prenant en considération cet objectif d’assouplissement.

20      En ce qui concerne la condition selon laquelle l’auteur du recours doit être concerné directement, le Tribunal aurait assimilé à tort les membres de GranoSalus à des consommateurs ou à des producteurs de blé quelconques, en oubliant, ainsi, l’objet statutaire de la requérante. Le Tribunal aurait, au demeurant, escompté que ces membres étaient concernés directement en considérant, à tort, que les effets du règlement litigieux se déployaient à leur égard par l’intermédiaire du renouvellement des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active glyphosate.

21      S’agissant de la condition tenant à la nature d’acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution du règlement litigieux, GranoSalus soutient que, pour donner un sens à la distinction entre cette condition et celle tenant à ce que l’auteur du recours doit être concerné directement, il y aurait lieu de ne pas considérer comme des mesures d’exécution les actes des autorités nationales non substantiels ou adoptés dans le cadre d’une compétence liée.

22      Dans ce contexte, plusieurs éléments montreraient que le règlement litigieux ne comporte pas de mesures d’exécution.

23      En premier lieu, les pouvoirs exercés par les États membres porteraient uniquement sur les produits phytopharmaceutiques. Or, le recours de première instance aurait porté sur l’approbation même de la substance active glyphosate, qui relèverait de la compétence exclusive de l’Union européenne. Le caractère cancérogène de cette substance active concernerait directement GranoSalus et n’aurait pas vocation à être réexaminé par les États membres après l’approbation de cette substance.

24      En deuxième lieu, GranoSalus soutient que la République italienne a mis en œuvre le règlement litigieux au moyen d’une communication ministérielle procédant, de manière automatique, au renouvellement de l’agrément du glyphosate et à la prolongation, à titre provisoire, des autorisations accordées aux produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active jusqu’au 15 décembre 2022. Aucune mesure d’exécution du règlement litigieux n’aurait ainsi été adoptée par cet État membre.

25      En troisième lieu, cette communication ministérielle ne pourrait, en application du droit italien, faire l’objet d’un recours devant les juridictions nationales. En tout état de cause, un éventuel recours devant une juridiction nationale ne permettrait pas de formuler les mêmes griefs que ceux présentés devant le Tribunal. De surcroît, si les juridictions italiennes de première instance et d’appel refusaient de saisir la Cour de demandes de décision préjudicielle, cela exclurait, au vu des délais de procédure, tout examen par la Cour du règlement litigieux avant l’expiration de ses effets.

26      À titre subsidiaire, GranoSalus souligne qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’existence de mesures d’exécution doit être appréciée au regard de la situation de la personne qui introduit le recours. Or, étant donné que son objet statutaire serait la mise en valeur de céréales de qualité et la protection des consommateurs, moyennant notamment des actions s’opposant à tout relèvement des seuils de contaminants, GranoSalus n’aurait jamais demandé l’autorisation de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active glyphosate.

27      La Commission conclut au rejet du moyen unique présenté par GranoSalus.

 Appréciation de la Cour

28      Il y a lieu de rappeler, d’emblée, que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19, et du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑244/16 P, EU:C:2018:177, point 39).

29      Dans le cadre de l’examen du second cas de figure, effectué aux points 65 à 98 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a relevé, au point 67 de cette ordonnance, que le règlement litigieux constitue un acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, ce qui n’est pas contesté par les parties dans le cadre du présent pourvoi.

30      Partant, il convient de déterminer si, comme le soutient GranoSalus, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 85 et 96 de l’ordonnance attaquée, que le règlement litigieux comporte des mesures d’exécution.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’expression « qui ne comportent pas de mesures d’exécution », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition, qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir des mesures d’exécution, cette dernière risquerait d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne disposait pas d’une voie de recours devant le juge de l’Union aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre des procédures ouvertes à son égard devant les juridictions nationales (arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 27, ainsi que du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 58).

32      En revanche, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte (arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 28, ainsi que du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 59).

33      À cet égard, d’une part, si la mise en œuvre d’un tel acte appartient aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union, les personnes physiques ou morales peuvent introduire un recours direct devant les juridictions de l’Union contre les actes d’application dans les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et invoquer au soutien de ce recours, en application de l’article 277 TFUE, l’illégalité de l’acte de base en cause. D’autre part, lorsque cette mise en œuvre incombe aux États membres, ces personnes peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de base en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, sur le fondement de l’article 267 TFUE, la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 29, ainsi que du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 60).

34      Aux points 81 à 83 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a estimé qu’un règlement de la Commission renouvelant l’approbation d’une substance active n’entraîne pas, en lui-même, en vertu du règlement no 1107/2009, la confirmation, la prolongation ou le renouvellement des autorisations de mise sur le marché octroyées par les États membres pour un produit phytopharmaceutique contenant cette substance active.

35      À cet égard, il y a lieu de relever que ce règlement institue deux procédures étroitement liées, relatives, respectivement, à l’approbation des substances actives et à l’autorisation des produits phytopharmaceutiques (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, points 63 et 64).

36      Dans ce contexte, l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique ou le renouvellement d’une telle autorisation procèdent nécessairement, conformément aux articles 36 et 43 dudit règlement, d’une décision adoptée par un État membre et ne résultent donc pas directement du renouvellement, par la Commission, de l’approbation d’une substance active.

37      Dès lors, les effets du renouvellement de l’approbation d’une substance active ne se déploieront, à l’égard d’une personne produisant ou commercialisant un produit phytopharmaceutique contenant cette substance active, qu’à travers l’adoption d’actes subséquents par un État membre au titre des procédures d’autorisation de tels produits ou de renouvellement d’une telle autorisation. De tels actes sont donc susceptibles de constituer des mesures d’exécution que comporte le renouvellement de cette approbation (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑244/16 P, EU:C:2018:177, points 65 et 68 à 70).

38      Cependant, la Cour a itérativement jugé que, aux fins d’apprécier si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables. En outre, dans le cadre de cette appréciation, il convient de se référer exclusivement à l’objet du recours (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, points 30 et 31, ainsi que du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 61).

39      Or, le raisonnement exposé au point 37 du présent arrêt n’est pas transposable à la situation de consommateurs et d’agriculteurs qui, à l’instar des membres de GranoSalus, sont désireux de mettre en valeur une céréaliculture de qualité afin de protéger les consommateurs, dès lors que leur situation se distingue, au regard du règlement no 1107/2009, de celles de personnes produisant ou commercialisant des produits phytopharmaceutiques (voir, par analogie, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 65).

40      En effet, il ressort de l’article 33, paragraphe 1, de ce règlement qu’une demande d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique doit être introduite par une personne souhaitant mettre sur le marché un tel produit. L’article 43, paragraphe 1, dudit règlement réserve, quant à lui, l’introduction d’une demande de renouvellement d’une telle autorisation à la personne qui est titulaire de cette autorisation.

41      Dans ces conditions, il serait artificiel d’obliger un consommateur ou un agriculteur qui n’a pas l’intention de commercialiser des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active glyphosate d’introduire une demande d’autorisation d’un tel produit ou de renouvellement d’une telle autorisation et de contester l’acte refusant de faire droit à cette demande devant une juridiction nationale, afin d’amener celle-ci à interroger la Cour sur la validité du règlement approuvant la substance active glyphosate (voir, par analogie, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 66).

42      Imposer une telle obligation serait d’ailleurs d’autant plus artificiel qu’il ressort de l’article 33, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009 qu’une demande d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique doit être accompagnée d’un dossier complet comprenant des essais, des études et des analyses (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, points 55 et 78), dont ne peuvent normalement pas disposer des consommateurs et des agriculteurs. De tels éléments techniques doivent également, en application de l’article 43, paragraphe 2, de ce règlement, accompagner une demande de renouvellement d’une telle autorisation.

43      Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 85 de l’ordonnance attaquée, que les renouvellements des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques constituent, à l’égard des membres de GranoSalus, des mesures d’exécution du règlement litigieux, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE. Partant, c’est également à tort que le Tribunal a conclu, au point 96 de l’ordonnance attaquée, que le règlement litigieux ne constitue pas un acte réglementaire dépourvu de mesures d’exécution, au sens de cette disposition.

44      Toutefois, selon une jurisprudence constante, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, alors que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (arrêts du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 58, et du 7 juin 2018, Ori Martin/Cour de justice de l’Union européenne, C‑463/17 P, EU:C:2018:411, point 24).

45      Tel est le cas en l’espèce.

46      À cet égard, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 43 de l’ordonnance attaquée, une association chargée de défendre des intérêts collectifs n’est en principe recevable à introduire un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que si elle peut faire valoir un intérêt propre ou si les personnes qu’elle représente ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 87 et jurisprudence citée).

47      Le constat effectué par le Tribunal, au point 46 de l’ordonnance attaquée, selon lequel GranoSalus ne présente pas d’intérêt propre lui permettant d’introduire un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux n’est pas contesté.

48      Quant aux membres de GranoSalus, dès lors qu’il est constant qu’ils ne sont pas destinataires du règlement litigieux, leur qualité pour agir est subordonnée aux conditions rappelées au point 28 du présent arrêt.

49      Certes, l’appréciation à laquelle s’est livré le Tribunal au point 62 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle ces membres ne sont pas individuellement concernés par le règlement litigieux n’est pas contestée.

50      Néanmoins, dès lors qu’il résulte du point 43 du présent arrêt que le règlement litigieux ne comporte pas de mesures d’exécution à l’égard desdits membres, ceux-ci auraient qualité pour demander l’annulation de ce règlement s’il était établi qu’ils sont concernés directement par ce dernier.

51      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert que deux critères soient cumulativement réunis, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir, en ce sens, arrêts du 5 mai 1998, Glencore Grain/Commission, C‑404/96 P, EU:C:1998:196, point 41, ainsi que du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 42).

52      Or, il convient de constater que le second de ces critères n’est pas rempli en l’espèce.

53      En effet, il ressort du règlement no 1107/2009 que, avant de faire droit à une demande d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique, les États membres sont tenus de procéder à une évaluation indépendante, objective et transparente de cette demande, en vue, notamment, d’établir l’absence de nocivité du produit concerné, à la lumière des données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, points 66 et 94).

54      Dans ce contexte, l’approbation préalable, par la Commission, des substances actives contenues dans le produit concerné ne constitue, conformément à l’article 29, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1107/2009, que l’une des conditions cumulatives devant être vérifiée, par l’État membre saisi d’une demande d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique, avant de faire droit à cette demande. Il en va de même, en application de l’article 43, paragraphe 1, de ce règlement, lorsqu’un État membre est saisi d’une demande de renouvellement d’une autorisation déjà accordée.

55      S’il est exact, ainsi que le souligne GranoSalus, que l’approbation, par la Commission, de la substance active glyphosate ne peut être réexaminée par l’État membre concerné, il n’en demeure pas moins qu’il appartient à cet État membre, avant d’accorder une telle autorisation ou de renouveler celle-ci, d’apprécier si les autres conditions énoncées à l’article 29, paragraphe 1, de ce règlement sont satisfaites.

56      En outre, les États membres concernés, au sens de l’article 36, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009, qui disposent d’une évaluation d’un autre État membre en vertu de l’article 36, paragraphe 1, de ce règlement, sont autorisés dans certains cas, en application de l’article 36, paragraphe 3, dudit règlement, à imposer des mesures nationales d’atténuation, voire à refuser l’autorisation d’un tel produit sur leur territoire, en vue d’écarter un risque inacceptable pour la santé humaine ou l’environnement.

57      Par ailleurs, si l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique doit être prolongée, conformément à l’article 43, paragraphe 6, du règlement no 1107/2009, pour mener à son terme cette procédure de renouvellement, cette prolongation suppose non seulement que la mise sur le marché d’un tel produit ait déjà été autorisée, mais également qu’une demande de renouvellement de cette autorisation ait été introduite et que l’examen de cette demande ait pris du retard pour des raisons indépendantes de la volonté du titulaire de l’autorisation.

58      Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique et le renouvellement ou la prolongation d’une telle autorisation ne sauraient être considérés comme constituant une mise en œuvre purement automatique de l’approbation, par la Commission, d’une substance active contenue dans ce produit.

59      En outre, la circonstance, invoquée par GranoSalus, que les autorités italiennes auraient procédé à une prolongation systématique des autorisations des produits contenant du glyphosate, sans se conformer aux exigences énoncées par le règlement no 1107/2009, à la supposer établie, ne résulterait pas du règlement litigieux, mais procéderait, au contraire, d’une décision purement nationale. Partant, il ne saurait être déduit de cette circonstance que le renouvellement de ces autorisations découle, de manière purement automatique, de la seule réglementation de l’Union.

60      De même, l’absence alléguée, dans le droit italien, de voies de recours effectives contre des actes nationaux ayant procédé au renouvellement des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active glyphosate n’est pas de nature à établir la recevabilité du recours en annulation introduit par GranoSalus.

61      En effet, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il appartient à chaque État membre de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 49).

62      Dans ces conditions, la protection conférée par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’exige pas qu’un justiciable puisse, de manière inconditionnelle, intenter un recours en annulation, directement devant la juridiction de l’Union, contre des actes de l’Union. Ainsi, les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter les conditions expressément prévues par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 98 et 105, ainsi que du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, points 43 et 44).

63      Il résulte de ce qui précède que les membres de GranoSalus ne sont pas directement concernés par le règlement litigieux et que le recours introduit par GranoSalus en première instance doit être considéré comme irrecevable. Il s’ensuit que le moyen unique invoqué à l’appui du pourvoi doit être écarté comme inopérant et que le pourvoi doit, par conséquent, être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

64      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

65      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

66      La Commission ayant conclu à la condamnation de GranoSalus et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      L’Associazione Nazionale GranoSalus – Liberi Cerealicoltori & Consumatori est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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