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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> ITH Comercial Timişoara (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-734/19 (12 November 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C73419.html Cite as: EU:C:2020:919, ECLI:EU:C:2020:919, [2020] EUECJ C-734/19 |
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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
12 novembre 2020 (*)
« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Déduction de la taxe payée en amont – Abandon de l’activité initialement envisagée – Régularisation des déductions de la TVA payée en amont – Activité immobilière »
Dans l’affaire C‑734/19,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie), par décision du 27 septembre 2019, parvenue à la Cour le 4 octobre 2019, dans la procédure
ITH Comercial Timișoara SRL
contre
Agenția Națională de Administrare Fiscală – Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice București,
Agenția Națională de Administrare Fiscală – Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice București – Administrația Sector 1 a Finanțelor Publice,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. N. Wahl, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et A. Rotăreanu, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. R. Lyal et Mme A. Armenia, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 28, 167, 168, 184 et 185 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ITH Comercial Timișoara SRL (ci-après « ITH ») à l’Agenția Națională de Administrare Fiscală – Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice București (Agence nationale d’administration fiscale – direction générale régionale des finances publiques de Bucarest, Roumanie) et à l’Agenția Națională de Administrare Fiscală – Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice București – Administrația Sector 1 a Finanțelor Publice (Agence nationale d’administration fiscale – direction générale régionale des finances publiques de Bucarest – administration des finances publiques du 1er arrondissement de Bucarest, Roumanie) au sujet de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) payée en amont sur des dépenses liées à des projets immobiliers finalement abandonnés.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit :
« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.
Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »
4 L’article 28 de la directive TVA dispose :
« Lorsqu’un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question. »
5 L’article 63 de la directive TVA est ainsi libellé :
« Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée. »
6 L’article 167 de la directive TVA énonce :
« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. »
7 Aux termes de l’article 168 de la directive TVA :
« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :
a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;
b) la TVA due pour les opérations assimilées aux livraisons de biens et aux prestations de services conformément à l’article 18, point a), et à l’article 27 ;
c) la TVA due pour les acquisitions intracommunautaires de biens conformément à l’article 2, paragraphe 1, point b) i) ;
d) la TVA due pour les opérations assimilées aux acquisitions intracommunautaires conformément aux articles 21 et 22 ;
e) la TVA due ou acquittée pour les biens importés dans cet État membre. »
8 L’article 184 de la directive TVA prévoit :
« La déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. »
9 L’article 185 de la directive TVA dispose :
« 1. La régularisation a lieu notamment lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de TVA, entre autres en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus.
2. Par dérogation au paragraphe 1, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 16.
En cas d’opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol, les États membres peuvent toutefois exiger la régularisation. »
Le droit roumain
Le code des impôts
10 Conformément à l’article 125bis, paragraphe 1, point 28, de la Legea nr. 571/2003 privind codul fiscal (loi no 571/2003, portant code fiscal, ci‑après le « code des impôts »), la taxe perçue représente « la taxe sur les livraisons de biens et/ou prestations de services taxées, effectuées par un assujetti, ainsi que la taxe sur les opérations pour lesquelles le bénéficiaire est tenu de payer la taxe, conformément aux articles 150 à 151bis ».
11 L’article 126 du code des impôts est ainsi libellé :
« 1. Aux fins de la TVA, sont taxées en Roumanie les opérations qui remplissent cumulativement les conditions suivantes :
a) les opérations qui, au sens des articles 128 à 130, constituent ou sont assimilées à une livraison de biens ou à une prestation de services, relevant de la TVA, effectuées à titre onéreux ;
b) le lieu de la livraison des biens ou de la prestation des services est considéré comme se situant en Roumanie, conformément aux dispositions des articles 132 et 133 ;
c) la livraison des biens ou la prestation des services est effectuée par un assujetti, tel que défini à l’article 127, paragraphe 1, agissant en tant que tel ;
d) la livraison des biens ou la prestation des services découle de l’une des activités économiques prévues à l’article 127, paragraphe 2. »
12 Aux termes de l’article 128, paragraphe 1, du code des impôts, est « considéré comme livraison de biens le transfert du pouvoir de disposer d’un bien comme un propriétaire ».
13 L’article 129 du code des impôts énonce :
« 1. Est considérée comme une prestation de services toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens, telle que définie à l’article 128.
2. Lorsqu’un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question.
3. Les prestations de services incluent des opérations telles que :
a. la location ou la mise à disposition de biens dans le cadre d’un contrat de crédit-bail.
[...] »
14 L’article 145, paragraphe 2, du code des impôts prévoit :
« Tout assujetti a le droit de déduire la taxe afférente aux achats si ces derniers sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes :
a) les opérations taxées ;
[...] »
15 L’article 148, paragraphe 1, du code des impôts dispose :
« Dans la mesure où les règles relatives à la livraison à soi-même ou à la fourniture à soi-même ne s’appliquent pas, la déduction initiale est régularisée dans les cas suivants :
a) la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer ;
b) lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, y inclus dans les cas prévus à l’article 138 ;
c) l’assujetti perd le droit de déduire la taxe sur les biens mobiles non livrés et les services non utilisés en cas d’événements tels que des modifications législatives, des modifications de l’objet de l’activité, la répartition des biens ou des services pour des opérations donnant droit à déduction et, ultérieurement, la répartition de ceux-ci pour des opérations ne donnant pas droit à déduction, des biens manquants ».
16 L’article 150, paragraphe 1, du code des impôts est ainsi libellé :
« Le redevable de la [TVA], lorsque celle-ci est due conformément aux dispositions du présent titre, est l’assujetti qui effectue des livraisons de biens ou des prestations de services, à l’exception des cas dans lesquels le bénéficiaire est redevable de la taxe conformément aux paragraphes 2 à 6 et à l’article 160. »
Les modalités d’application du code des impôts
17 Le point 30 des Normele metodologice de aplicare a Legii nr. 227/2015 privind codul fiscal (modalités d’application de la loi no 227/2015, portant code des impôts), du 6 janvier 2016, énonce :
« Lorsque les contrats sont résiliés avant l’échéance, la valeur des immobilisations corporelles ou incorporelles en cours d’exécution laissées inachevées et retirées de l’inventaire en étant mises sur le compte des dépenses, en vertu de l’approbation ou de la décision de cessation, ainsi que la valeur restante des investissements effectués avec les moyens fixes donnés en concession, en location ou en gestion constituent des dépenses non déductibles, si elles n’ont pas été mises à profit par vente ou mise au rebut. »
18 Aux termes du point 45, paragraphe 6, des modalités d’application du code des impôts, du 22 janvier 2004, telles que modifiées, qui met en œuvre l’article 145, paragraphe 2, dudit code :
« Dans le cas des immobilisations en cours laissées inachevées, en vertu d’une décision d’abandon de l’exécution des travaux d’investissement, et qui sont retirées de l’inventaire en étant mises sur le compte des dépenses, l’assujetti peut conserver son droit à déduction exercé sur le fondement de l’article 145, paragraphe 2, du code des impôts, indépendamment du fait de savoir si ces immobilisations sont ou non cédées telles quelles ou après leur mise au rebut, si, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, l’assujetti n’utilise jamais ces biens/services pour son activité économique, comme il résulte de l’arrêt du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal (C‑37/95, EU:C:1998:1). Le droit à déduction peut également être conservé dans d’autres situations où les biens/services acquis pour lesquels ce droit a été exercé conformément à l’article 145, paragraphe 2, du code des impôts ne sont pas utilisés aux fins de l’activité économique de l’assujetti, pour des raisons objectives indépendantes de sa volonté, comme il résulte de l’arrêt du 29 février 1996, INZO (C‑110/94, EU:C:1996:67). Dans le cas de l’achat d’un terrain avec les bâtiments construits sur celui‑ci, l’assujetti a le droit de déduire la [TVA] sur cet achat, y compris sur les bâtiments qui seront démolis, s’il prouve avec des éléments objectifs son intention de continuer à utiliser la superficie sur laquelle les bâtiments étaient construits aux fins de ses opérations taxées, comme, par exemple, la construction d’autres bâtiments destinés à des opérations taxées, comme il résulte de l’arrêt du 29 novembre 2012, Gran Via Moinești (C‑257/11, EU:C:2012:759). »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
19 Au cours des années 2006 et 2007, ITH a conclu des contrats d’achat immobilier ainsi que des accords avec des parties tierces et a démarré deux projets d’investissement impliquant la construction de plusieurs bâtiments pour laquelle certaines autorisations étaient requises.
20 Plus particulièrement, au cours de l’année 2006, ITH a acheté un terrain et plusieurs anciens bâtiments à un fabricant d’ascenseurs. ITH a effectué cet achat en vue de la réalisation d’un projet de construction d’un immeuble de bureaux et de centres commerciaux qu’elle souhaitait louer ultérieurement (ci-après le « premier projet »). ITH a convenu avec le fabricant d’ascenseurs qu’elle chercherait et aménagerait un espace de production qu’elle lui louerait durant au moins dix ans. Au cours de l’année 2007, ITH a ainsi, d’une part, entamé les démarches relatives à ce projet en vue d’obtenir une autorisation pour la destruction des bâtiments existants ainsi qu’un permis de construire pour l’immeuble de bureaux et de centres commerciaux et, d’autre part, lancé le projet dénommé « Dragomirești Vale », (ci-après le « second projet ») relatif à la construction de l’espace de production destiné au fabricant d’ascenseurs, pour la location duquel ITH a exercé l’option d’imposition, tout en signant des contrats de consultance pour l’obtention du permis de construire et en réalisant déjà des travaux de traçage.
21 Les dépenses liées aux activités exercées ont été enregistrées dans la comptabilité comme « investissement en cours » et ITH a exercé le droit à déduction de la TVA afférente. Par la suite, et notamment sur le fond de la crise économique survenue au cours de l’année 2008, les deux projets ont, dans un premier temps, été suspendus, avant que, dans un second temps, les investissements afférents n’aient été liquidés et enregistrés comme des dépenses pour l’exercice financier 2015.
22 Dans le cadre de deux inspections fiscales qui se sont déroulées au cours des années 2009 et 2013 et qui ont visé la période allant du mois de mars 2006 au mois de juin 2012, l’administration fiscale a constaté que la TVA avait été correctement déduite et collectée pour la période visée et que la situation économique et financière n’avait pas permis la poursuite du projet d’investissement envisagé par ITH.
23 Dans le cadre d’une inspection fiscale qui s’est déroulée au cours de l’année 2016 et qui a visé la période allant du mois de juillet 2012 au mois de juin 2016, l’administration fiscale a considéré que ITH n’avait pas correctement déduit ni collecté la TVA afférente aux deux projets et un supplément de TVA d’un montant de 239 734 lei roumains (RON) (environ 49 316 euros) a été fixé en ce qui concerne cette société.
24 L’administration fiscale a, en particulier, estimé que le droit à déduction de la TVA devait être rejeté car ITH avait connaissance, dès le lancement du premier projet, des éléments susceptibles d’empêcher son achèvement dans la mesure où un plan local d’urbanisme avait déjà été approuvé et qu’ITH assumait les risques découlant du non-respect de ce plan d’urbanisme par son projet.
25 En ce qui concerne le second projet, l’administration fiscale était d’avis que les services avaient été acquis par ITH pour le compte du fabricant d’ascenseurs, requalifiant la transaction de manière à ce que le mécanisme de commissionnaire soit applicable. Ainsi, ITH aurait dû refacturer tous les frais au fabricant d’ascenseurs et percevoir la TVA y afférente.
26 La réclamation administrative contre la décision d’imposition émise sur la base du rapport d’inspection ayant été rejetée, ITH a saisi le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie), faisant valoir que l’avis d’imposition était contraire à la directive TVA.
27 Les défenderesses au principal soutiennent, pour leur part, qu’ITH avait connaissance des éléments qui auraient pu déterminer la non‑finalisation des projets et en avait assumé les risques, et, plus spécifiquement, s’agissant du second projet, la TVA aurait dû être collectée auprès du cocontractant pour le compte duquel les acquisitions avaient été réalisées.
28 Dans ces circonstances, le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) a) Les dispositions de la [directive TVA] et, en particulier, ses articles 167 et 168, [les] principe[s] de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, le principe de non‑discrimination et le principe de neutralité fiscale s’opposent-ils à ce que, en cas d’abandon ultérieur de l’investissement envisagé, un assujetti perde le droit à déduction de la TVA afférente à des dépenses d’investissement qu’il a effectuées en vue de les affecter à la réalisation d’une opération taxée ?
b) Les mêmes dispositions et principes s’opposent-ils à ce que, en cas d’abandon de l’investissement, le droit à déduction soit remis en cause dans des circonstances autres qu’un abus ou une fraude commis par l’assujetti ?
c) Les mêmes dispositions et principes s’opposent-ils à une interprétation en ce sens que les circonstances dans lesquelles le droit à déduction peut être remis en question en cas d’abandon de l’investissement incluent :
– la matérialisation ultérieure d’un risque de non‑réalisation de l’investissement connu de l’assujetti lors de la réalisation des dépenses d’investissement, tel que la non‑approbation, par une autorité publique, d’un plan d’occupation des sols nécessaire pour réaliser l’investissement en question ;
– une évolution des circonstances économiques telle que l’investissement envisagé perd la rentabilité qu’il avait au moment de son lancement ?
d) La [directive TVA] et les principes généraux du droit de l’Union doivent-ils être interprétés en ce sens que, en cas d’abandon de l’investissement :
– l’abus ou la fraude justifiant la remise en cause du droit à déduction sont présumés ou doivent être prouvés par les autorités fiscales ;
– la preuve de l’abus ou de la fraude peut être apportée au moyen de présomptions simples ou nécessite des moyens de preuve objectifs ?
e) La [directive TVA] et les principes généraux du droit de l’Union permettent-ils ou non que, en cas d’abandon de l’investissement, l’abus ou la fraude justifiant la remise en cause du droit à déduction soient constatés lorsque l’assujetti ne peut utiliser les biens et services pour lesquels il a déduit la TVA à aucune fin, pas même donc à des fins purement privées ?
f) La [directive TVA] et les principes généraux du droit de l’Union doivent-ils être interprétés en ce sens que, en cas d’abandon de l’investissement, des circonstances postérieures à la réalisation des dépenses d’investissement par l’assujetti, telles que i) la survenance d’une crise économique ou ii) la matérialisation d’un risque de non‑réalisation de l’investissement existant à la date de la réalisation de dépenses d’investissement (par exemple, la non‑approbation, par une autorité publique, d’un plan d’occupation des sols nécessaire pour réaliser l’investissement en question) ou iii) la modification des estimations de la rentabilité de l’investissement constituent des circonstances étrangères à la volonté de l’assujetti pouvant être prises en compte pour établir sa bonne foi ?
g) Les dispositions de la [directive TVA] et, en particulier, ses articles 184 et 185, [les] principe[s] de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, le principe de non‑discrimination et le principe de neutralité fiscale doivent-ils être interprétés en ce sens que l’abandon de l’investissement constitue un cas de régularisation de la TVA ?
En d’autres termes, en cas d’abandon ultérieur de l’investissement, le droit à déduction de la TVA afférente à des dépenses d’investissement effectuées par l’assujetti dans l’intention de les affecter à une opération taxée est-il remis en cause au moyen du mécanisme de régularisation de la TVA ?
h) La [directive TVA] s’oppose-t-elle à une réglementation nationale prévoyant le maintien du droit à déduction de la TVA afférente aux investissements abandonnés exclusivement dans deux hypothèses, identifiées par le renvoi sommaire à deux arrêts de la Cour, à savoir i) lorsque, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, l’assujetti n’a jamais fait usage des biens ou des services pour son activité économique, comme il résulte de l’arrêt du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal (C‑37/95, EU:C:1998:1), ainsi que ii) dans d’autres cas, dans lesquels les biens ou les services acquis pour lesquels le droit à déduction a été exercé n’ont pas été utilisés aux fins de l’activité économique de l’assujetti, pour des raisons objectives indépendantes de sa volonté, comme il résulte de l’arrêt du 29 février 1996, INZO (C‑110/94, EU:C:1996:67) ?
i) La [directive TVA] et [les] principe[s] de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent-ils à ce que les autorités fiscales reviennent sur des constatations contenues dans des rapports de contrôle fiscal antérieurs ou des décisions antérieures se prononçant sur des réclamations administratives :
– selon lesquelles le particulier a acquis des biens et des services dans l’intention de les affecter à la réalisation d’une opération taxée ;
– selon lesquelles la suspension ou l’abandon d’un projet d’investissement ont été causés par une circonstance étrangère à la volonté de l’assujetti ?
2) a) La [directive TVA], en particulier son article 28, s’oppose‑t‑elle à ce que le mécanisme de commissionnaire s’applique même en l’absence de contrat de mandat sans représentation ?
b) Les dispositions de la [directive TVA], en particulier son article 28, doivent-elles être interprétées en ce sens que le mécanisme de commissionnaire est applicable lorsqu’un assujetti réalise une construction conformément aux besoins et aux exigences de l’activité d’une autre personne morale, en vue d’en conserver la propriété et de se contenter de la louer, une fois achevée, à ladite personne ?
c) Ces mêmes dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens que, dans la situation susvisée, le constructeur est tenu de refacturer les dépenses d’investissement afférentes à la réalisation de la construction à la personne morale à laquelle il entend louer sa construction une fois achevée et de percevoir la TVA y afférente auprès de cette personne ?
d) Ces mêmes dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens que, dans la situation susvisée, le constructeur est tenu de refacturer les dépenses d’investissement et de percevoir la TVA y afférente lorsqu’il met définitivement fin aux travaux de construction en raison d’une diminution drastique de l’activité économique de la personne à laquelle la construction devait être louée, diminution causée par l’insolvabilité imminente de cette dernière ?
e) La [directive TVA] et les principes généraux du droit de l’Union doivent-ils être interprétés en ce sens que les autorités fiscales peuvent requalifier les opérations effectuées par les assujettis en ignorant les clauses des contrats qu’ils ont conclus, même si ces contrats n’ont pas été simulés ?
f) La [directive TVA] et, en particulier, [les] principe[s] de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent-ils à ce que les autorités fiscales reviennent sur des constatations reconnaissant le droit à déduction de la TVA de l’assujetti, contenues dans des rapports de contrôle fiscal antérieurs ou des décisions antérieures se prononçant sur des réclamations administratives ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question, sous a) à i)
29 Par sa première question, sous a) à i), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 167, 168, 184 et 185 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que le droit à déduction de la TVA en amont sur des biens, en l’occurrence sur des biens immeubles, et des services acquis en vue d’effectuer des opérations taxées est maintenu lorsque les projets d’investissement initialement prévus ont été abandonnés ou s’il faut, dans un tel cas, procéder à une régularisation de cette TVA.
30 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, afin qu’un intéressé puisse accéder au droit à la déduction, il faut, d’une part, qu’il soit un « assujetti », au sens de la directive TVA, et, d’autre part, que les biens et les services en question soient utilisés pour les besoins de ses opérations taxées (arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, point 33 et jurisprudence citée). Force est de constater que, dans l’affaire au principal, la qualité d’assujetti d’ITH n’apparaît pas contestée.
31 En outre, en vertu de l’article 167 de la directive TVA, le droit à déduction prend naissance à la date à laquelle la taxe déductible devient exigible. Par conséquent, seule la qualité en laquelle un particulier agit à cette date peut déterminer l’existence d’un droit à déduction (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, point 35 et jurisprudence citée).
32 Conformément à la jurisprudence de la Cour, à partir du moment où l’administration fiscale a accepté, sur la base des données transmises par une entreprise, que la qualité d’assujetti soit accordée à cette dernière, ce statut ne peut plus, en principe, lui être retiré par la suite avec effet rétroactif en raison de la survenance ou de la non-survenance de certains événements, excepté en cas de fraude ou d’abus (arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, point 36 et jurisprudence citée).
33 Ainsi, c’est l’acquisition des biens ou des services par un assujetti agissant en tant que tel qui détermine l’application du système de TVA et, partant, du mécanisme de déduction. L’utilisation qui est faite des biens ou des services, ou qui est envisagée pour ceux-ci, ne détermine que l’étendue de la déduction initiale à laquelle l’assujetti a droit en vertu de l’article 168 de la directive TVA et l’étendue des éventuelles régularisations au cours des périodes suivantes, mais n’affecte pas la naissance du droit à déduction (arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, point 39 et jurisprudence citée).
34 À cet égard, la Cour a itérativement jugé que le droit à déduction reste, en principe, acquis, notamment, même si, ultérieurement, en raison de circonstances étrangères à sa volonté, l’assujetti ne fait pas usage desdits biens et services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxées (arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, point 40 et jurisprudence citée).
35 S’agissant des circonstances étrangères à la volonté de l’assujetti, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’il n’appartient pas à l’administration fiscale d’apprécier le bien-fondé des motifs qui ont amené un assujetti à renoncer à l’activité économique initialement envisagée, dès lors que le système commun de TVA garantit la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir, notamment, arrêts du 14 février 1985, Rompelman, 268/83, EU:C:1985:74, point 19, et du 17 octobre 2018, Ryanair, C‑249/17, EU:C:2018:834, point 23).
36 L’hypothèse selon laquelle la preuve de l’existence de circonstances étrangères à la volonté de l’assujetti ne pourrait être rapportée dans une situation dans laquelle cet assujetti savait qu’il existait un risque, lié à la non-approbation, par une autorité publique, d’un plan d’occupation des sols nécessaire pour réaliser l’investissement en question ou à la perte de rentabilité du projet d’investissement en raison d’une évolution des circonstances économiques, que l’activité envisagée puisse ne pas pouvoir être réalisée ne saurait être retenue dès lors qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une telle interprétation de la directive TVA serait contraire au principe de neutralité de la TVA quant à la charge fiscale des entreprises. En effet, elle serait susceptible de créer, lors du traitement fiscal d’activités d’investissement semblables, des différences non justifiées entre des entreprises réalisant déjà des opérations imposables et d’autres qui cherchent, par des investissements, à commencer des activités qui seront sources d’opérations taxables. De même, des différences arbitraires seraient établies entre ces dernières entreprises en ce que l’acceptation définitive des déductions dépendrait de la question de savoir si de tels investissements aboutissent ou non à des opérations taxées (voir, notamment, arrêts du 29 février 1996, INZO, C‑110/94, EU:C:1996:67, point 22 ; du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, point 43, et du 17 octobre 2018, Ryanair, C‑249/17, EU:C:2018:834, point 25).
37 Ainsi, il suffit que l’assujetti ait effectivement eu l’intention d’utiliser les biens et/ou les services en question pour réaliser les activités économiques au titre desquelles il a exercé son droit à déduction (voir, notamment, arrêts du 14 février 1985, Rompelman, 268/83, EU:C:1985:74, point 24 ; du 29 février 1996, INZO, C‑110/94, EU:C:1996:67, point 17 ; du 8 juin 2000, Breitsohl, C‑400/98, EU:C:2000:304, point 39, et du 17 octobre 2018, Ryanair, C‑249/17, EU:C:2018:834, point 18).
38 Certes, l’administration fiscale peut demander à l’assujetti d’établir que son intention est confirmée par des éléments objectifs et peut, dans les situations frauduleuses ou abusives dans lesquelles l’assujetti a feint de vouloir déployer une activité économique particulière, mais a cherché en réalité à faire entrer dans son patrimoine privé des biens pouvant faire l’objet d’une déduction, demander, avec effet rétroactif, le remboursement des sommes déduites puisque ces déductions ont été accordées sur la base de fausses déclarations (voir, notamment, arrêts du 14 février 1985, Rompelman, 268/83, EU:C:1985:74, point 24 ; du 29 février 1996, INZO, C‑110/94, EU:C:1996:67, points 23 et 24, ainsi que du 8 juin 2000, Breitsohl, C‑400/98, EU:C:2000:304, point 39 et jurisprudence citée).
39 Toutefois, et alors même que la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels constitue un objectif reconnu et encouragé par la directive TVA (voir, notamment, arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, point 51), cette possibilité ne saurait conduire l’administration fiscale à établir, en cas d’abandon de l’investissement, des modalités de preuve, telles que la présomption de l’existence d’un abus ou d’une fraude, dont l’effet serait de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à la déduction de la TVA par les assujettis, lequel est un principe fondamental du système commun de la TVA.
40 En l’occurrence, et sous réserve d’un contrôle par la juridiction de renvoi, seule compétente pour apprécier les faits de l’affaire au principal, force est de constater, d’une part, qu’il ne ressort pas de la demande de décision préjudicielle qu’il y ait eu un comportement frauduleux ou un risque d’abus de la part d’ITH. D’autre part, il n’apparaît pas davantage contesté que l’intention initiale d’ITH d’utiliser les biens et les services en cause au principal pour ses opérations taxées soit confirmée par des éléments objectifs.
41 S’agissant du point de savoir s’il convient, dans une situation telle que celle en cause au principal, de procéder à une régularisation de la TVA déduite en amont, il importe de rappeler que le mécanisme de régularisation prévu aux articles 184 à 187 de la directive TVA fait partie intégrante du régime de déduction de la TVA établi par cette directive. Il vise à accroître la précision des déductions de manière à assurer la neutralité de la TVA, de telle sorte que les opérations effectuées au stade antérieur continuent à donner lieu au droit à déduction dans la seule mesure où elles servent à fournir des prestations soumises à une telle taxe. Ce mécanisme a ainsi pour objectif d’établir une relation étroite et directe entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et l’utilisation des biens ou des services concernés pour des opérations taxées en aval (arrêt du 9 juillet 2020, Finanzamt Bad Neuenahr-Ahrweiler, C‑374/19, EU:C:2020:546, point 20).
42 En effet, dans le système commun de TVA, seules les taxes ayant grevé en amont les biens ou les services utilisés par les assujettis aux fins de leurs opérations taxées peuvent être déduites. La déduction des taxes en amont est liée à la perception des taxes en aval. Lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti sont utilisés pour les besoins d’opérations exonérées ou ne relevant pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de la taxe en aval ni déduction de la taxe en amont (arrêt du 9 juillet 2020, Finanzamt Bad Neuenahr-Ahrweiler, C‑374/19, EU:C:2020:546, point 21).
43 La Cour a, en outre, précisé que, lorsque, en raison de circonstances étrangères à sa volonté, l’assujetti ne fait pas usage desdits biens et services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxées, il ne suffit pas, pour établir l’existence de « modifications », au sens de l’article 185 de ladite directive, qu’un immeuble soit resté vide, après la résiliation d’un contrat de bail dont il était l’objet, pour des circonstances indépendantes de la volonté de son propriétaire, alors même qu’il est prouvé que ce dernier a toujours l’intention de l’exploiter aux fins d’une activité taxée et entreprend les démarches nécessaires à cet effet, car cela reviendrait à restreindre le droit à déduction au moyen des dispositions applicables en matière de régularisations (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C‑672/16, EU:C:2018:134, point 47).
44 Ce ne serait que, si l’assujetti n’envisageait plus d’utiliser les biens et les services en question pour réaliser des opérations taxées en aval ou les utilisait pour effectuer des opérations exonérées que la relation étroite et directe, au sens de la jurisprudence rappelée au point 41 du présent arrêt, devant exister entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et la réalisation d’opérations taxées envisagées serait rompue.
45 Il s’ensuit que si, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, l’assujetti a toujours l’intention, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier, d’utiliser les biens et les services acquis pour réaliser des opérations taxées, il ne saurait être considéré qu’il y a une modification postérieure des éléments pris en considération pour la détermination du montant de la déduction de la TVA, au sens de l’article 185 de la directive TVA. Une situation telle que celle en cause au principal n’est donc pas susceptible de relever des articles 184 et 185 de cette directive, en ce qui concerne la régularisation de la TVA déduite en amont.
46 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question, sous a) à i), que les articles 167, 168, 184 et 185 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que le droit à déduction de la TVA en amont sur des biens, en l’occurrence sur des biens immeubles, et des services acquis en vue d’effectuer des opérations taxées est maintenu lorsque les projets d’investissement initialement prévus ont été abandonnés en raison de circonstances étrangères à la volonté de l’assujetti et qu’il n’y a pas lieu de procéder à une régularisation de cette TVA si l’assujetti a toujours l’intention d’exploiter lesdits biens aux fins d’une activité taxée.
Sur la seconde question, sous a) à f)
47 Par sa seconde question, sous a) à f), la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive TVA, en particulier son article 28, doit être interprétée en ce sens que, en l’absence d’un contrat de mandat sans représentation, le mécanisme de commissionnaire est applicable lorsqu’un assujetti réalise une construction conformément aux besoins et aux exigences d’une autre personne supposée prendre ladite construction en location.
48 Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler, d’abord, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la prise en compte de la réalité économique et commerciale constitue un critère fondamental pour l’application du système commun de TVA (arrêt du 22 novembre 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia, C‑295/17, EU:C:2018:942, point 43 et jurisprudence citée).
49 Ensuite, l’article 28 de la directive TVA, aux termes duquel un assujetti qui, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question, crée la fiction juridique de deux prestations de services identiques fournies consécutivement. En vertu de cette fiction, l’opérateur qui s’entremet dans la prestation de services et qui constitue le commissionnaire est réputé avoir, dans un premier temps, reçu les services en question de l’opérateur pour le compte duquel il agit, qui constitue le commettant, avant de fournir, dans un second temps, personnellement ces services au client (arrêt du 4 mai 2017, Commission/Luxembourg, C‑274/15, EU:C:2017:333, points 85 et 86 ainsi que jurisprudence citée).
50 Enfin, la Cour a jugé que le même raisonnement s’impose pour ce qui concerne l’acquisition des biens en vertu d’un contrat de commission à l’achat, conformément à l’article 14, paragraphe 2, sous c), de la directive TVA, qui relève également du titre IV de celle-ci, intitulé « Opérations imposables ». Cette disposition crée donc la fiction juridique de deux livraisons de biens identiques effectuées consécutivement, lesquelles relèvent du champ d’application de la TVA (arrêt du 4 mai 2017, Commission/Luxembourg, C‑274/15, EU:C:2017:333, point 88).
51 Il s’ensuit que deux conditions doivent être remplies pour que ces dispositions puissent trouver à s’appliquer, à savoir, d’une part, qu’il existe un mandat en exécution duquel le commissionnaire intervient, pour le compte du commettant, dans la livraison de bien et/ou la prestation de services ainsi que, d’autre part, qu’il y ait une identité entre les livraisons des biens et/ou des prestations des services acquis par le commissionnaire et les livraisons des biens et/ou des prestations des services vendus ou cédés au commettant.
52 S’agissant de la première de ces conditions, qui est celle plus particulièrement visée par la juridiction de renvoi, force est de constater que la directive TVA ne prévoit certes pas sous quelle forme, écrite ou orale, le mandat en question doit avoir été donné. Toutefois, dès lors que l’article 14, paragraphe 2, sous c), de cette directive utilise expressément le terme « contrat » et qu’il est précisé, à l’article 28 de ladite directive, que l’assujetti doit agir « pour le compte d’autrui », il convient de conclure qu’il doit exister, entre le commissionnaire et le commettant, un accord ayant pour objet l’attribution du mandat concerné.
53 Or, il ne ressort pas des éléments du dossier soumis à la Cour qu’un tel accord ait existé dans l’affaire au principal. Toutefois, il appartient, en définitive, à la juridiction de renvoi, seule compétente pour apprécier les faits de l’affaire dont elle est saisie, de vérifier si tel est effectivement le cas.
54 En ce qui concerne la seconde condition, relative à l’identité des opérations en cause, il suffit de constater que tant l’article 14, paragraphe 2, sous c), que l’article 28 de la directive TVA prévoient que les biens reçus par le commissionnaire et/ou les services fournis à ce dernier soient transmis au commettant. Cela implique non seulement, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, qu’il y ait identité entre les opérations en cause, mais aussi qu’il y ait, le cas échéant, un transfert du droit de propriété qui y est rattaché.
55 Or, dans une situation telle que celle en cause au principal, qui se caractérise par le fait qu’un assujetti acquiert des biens et des services en son nom ainsi que pour son propre compte, et non pas pour le compte d’autrui, afin de pouvoir fournir des prestations de services adaptées aux besoins particuliers d’un client donné, la seconde condition identifiée au point 48 du présent arrêt n’est manifestement pas remplie dès lors qu’il n’y a pas de transfert du droit de propriété entre le prétendu commissionnaire et le prétendu commettant.
56 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question, sous a) à f), que la directive TVA, en particulier son article 28, doit être interprétée en ce sens que, en l’absence d’un contrat de mandat sans représentation, le mécanisme de commissionnaire n’est pas applicable lorsqu’un assujetti réalise une construction conformément aux besoins et aux exigences d’une autre personne supposée prendre ladite construction en location.
Sur les dépens
57 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
1) Les articles 167, 168, 184 et 185 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en amont sur des biens, en l’occurrence sur des biens immeubles, et des services acquis en vue d’effectuer des opérations taxées est maintenu lorsque les projets d’investissement initialement prévus ont été abandonnés en raison de circonstances étrangères à la volonté de l’assujetti et qu’il n’y a pas lieu de procéder à une régularisation de cette TVA si l’assujetti a toujours l’intention d’exploiter lesdits biens aux fins d’une activité taxée.
2) La directive 2006/112, en particulier son article 28, doit être interprétée en ce sens que, en l’absence d’un contrat de mandat sans représentation, le mécanisme de commissionnaire n’est pas applicable lorsqu’un assujetti réalise une construction conformément aux besoins et aux exigences d’une autre personne supposée prendre ladite construction en location.
Signatures
* Langue de procédure : le roumain.
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