Portugal v Commission (Agriculture and Fisheries - Judgment) French Text [2020] EUECJ T-292/18 (30 January 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T29218.html
Cite as: EU:T:2020:18, ECLI:EU:T:2020:18, [2020] EUECJ T-292/18

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 janvier 2020 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par le Portugal – Articles 32 et 33 du règlement (CE) no 1290/2005 – Article 54 du règlement (UE) no 1306/2013 – Notion de juridiction nationale »

Dans l’affaire T‑292/18,

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, Mme P. Estêvão, M. J. Saraiva de Almeida et Mme P. Barros da Costa, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Rechena et A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2018/304 de la Commission, du 27 février 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 59, p. 3), en ce qu’elle écarte du financement de l’Union un montant de 1 052 101,05 euros relatif à des dépenses déclarées par la République portugaise,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, I. S. Forrester (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Droit de l’Union européenne

1        L’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), dispose ce qui suit :

« Les États membres :

a)      prennent, dans le cadre de la politique agricole commune, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de la Communauté, et en particulier pour :

i)      s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEAGA et le [Feader] ;

ii)      prévenir et poursuivre les irrégularités ;

iii)      récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences. »

2        Aux termes de l’article 32, paragraphe 5, dudit règlement, relatif aux « Dispositions spécifiques au FEAGA » :

« 5.       Lorsque le recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire ou de huit ans, si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget communautaire.

L’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels le recouvrement n’a pas été effectué dans les délais prévus au premier alinéa du présent paragraphe.

La répartition de la charge financière consécutive à l’absence de recouvrement, conformément au premier alinéa, est sans préjudice de l’obligation pour l’État membre concerné de poursuivre les procédures de recouvrement, en application de l’article 9, paragraphe 1, du présent règlement. Les sommes ainsi récupérées sont créditées au FEAGA à raison de 50 %, après application de la retenue prévue au paragraphe 2 du présent article.

Lorsque dans le cadre de la procédure de recouvrement, l’absence d’irrégularité est constatée par un acte administratif ou judiciaire ayant un caractère définitif, l’État membre concerné déclare au FEAGA comme dépense la charge financière supportée par lui en vertu du premier alinéa.

Toutefois, si, pour des raisons non imputables à l’État membre concerné, le recouvrement n’a pas pu être effectué dans les délais indiqués au premier alinéa et si le montant à récupérer est supérieur à 1 million [d’euros], la Commission peut, à la demande de l’État membre, prolonger les délais de 50 % au maximum des délais initialement prévus. »

3        Selon l’article 33, paragraphe 8, dudit règlement, intitulé « Dispositions spécifiques au Feader » :

« 8.       Lorsque le recouvrement n’a pas eu lieu avant la clôture d’un programme de développement rural, les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget communautaire et prises en compte soit à la fin du délai de quatre ans après le premier acte de constat administratif ou judiciaire, ou de huit ans si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, soit lors de la clôture du programme si ces délais expirent avant sa clôture.

Toutefois, si, pour des raisons non imputables à l’État membre concerné, le recouvrement n’a pas pu être effectué dans les délais indiqués au premier alinéa et si le montant à récupérer est supérieur à 1 million [d’euros], la Commission peut, à la demande de l’État membre, prolonger les délais de 50 % au maximum des délais initialement prévus. »

4        Le règlement no 1290/2005 a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 13), applicable à partir du 1er janvier 2014.

5        L’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1290/2005 a été remplacé et repris, en substance, à l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, qui ajoute aux prescriptions de cette disposition, notamment, que les États membres prennent les mesures nécessaires pour engager les procédures judiciaires nécessaires, le cas échéant, aux fins du recouvrement des paiements indus. Les dispositions de l’article 32, paragraphe 5, et de l’article 33, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005 ont été reprises, en substance, à l’article 54, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1306/2013.

 Droit portugais

6        L’article 103 de la Lei Geral Tributária (loi fiscale générale) énonce ce qui suit :

« La procédure d’exécution

1. La procédure d’exécution fiscale est de nature judiciaire, sans préjudice de la participation des organes de l’administration fiscale aux actes qui ne sont pas de nature juridictionnelle.

2. Les intéressés se voient garantir un droit de contestation auprès du juge de l’exécution fiscale des actes matériellement administratifs accomplis par les organes de l’administration fiscale, conformément au paragraphe précédent. »

7        L’article 179 du Código de Procedimento Administrativo (code de procédure administrative) prévoit ce qui suit :

« L’exécution des obligations pécuniaires

1. Lorsque, en vertu d'un acte administratif, des prestations en espèces doivent être versées à une personne morale publique ou sur ordre de cette dernière, il convient de recourir, à défaut de paiement volontaire dans le délai imparti, à la procédure d’exécution fiscale, conformément aux dispositions de la législation relative à la procédure fiscale.

2. Aux fins des dispositions du paragraphe précédent, l’organe compétent délivre, conformément aux dispositions légales, un certificat ayant valeur de titre exécutoire qu’il transmet au service compétent de l’administration fiscale avec le dossier administratif.

3. Dans les cas où, conformément à la loi, l’administration procède, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, à l’exécution forcée de prestations qui sont de fait de nature fongible, il peut toujours être recouru à la procédure prévue au présent article pour obtenir le remboursement des frais exposés. »

8        L’article 148 du Código de Procedimento e de Processo Tributário (code de procédure fiscale) dispose ce qui suit :

« Champ d’application de l’exécution fiscale

1. La procédure d’exécution fiscale inclut le recouvrement forcé des dettes suivantes :

a)      taxes, y compris impôts douaniers, y compris droits d’accise et extra-fiscaux, redevances, autres contributions financières en faveur de l’État, supplémentaires cumulativement perçues, intérêts et autres charges légales ;

b)      amendes et autres sanctions pécuniaires infligées par des décisions, des jugements ou des arrêts en raison de la commission d’infractions fiscales, sauf lorsqu’elles sont infligées par les tribunaux ordinaires ;

c)      amendes et autres sanctions pécuniaires liées à la responsabilité civile établie conformément au régime général des infractions fiscales.

2. Peuvent être également recouvrées par la procédure d’exécution fiscale, dans les cas et dans les termes expressément prévus par la loi :

a)      d’autres dettes à l’égard de l’État et d’autres personnes morales de droit public qui doivent être payées en vertu d’un acte administratif ;

b)      des remboursements ou des répétitions. »

9        L’article 149 code de procédure fiscale prévoit ce qui suit :

« Organe d’exécution fiscale

Aux fins du présent code, est considéré comme organe chargé de l’exécution fiscale le service de l’administration fiscale qui doit légalement procéder à l’exécution ou, lorsqu’elle doit être effectuée devant les tribunaux ordinaires, la juridiction compétente. »

 Antécédents du litige

10      Par lettre du 28 juillet 2015, la Commission européenne a communiqué à la République portugaise ses constatations, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59).

11      En particulier, la Commission contestait la manière dont les autorités portugaises avaient catégorisé certaines dépenses qui avaient été effectuées au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) ou du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et qui devaient être recouvrées. L’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 prévoit que, lorsque le recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire ou de huit ans, si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, les conséquences de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget de l’Union (ci-après la « règle des 50/50 »). La Commission estimait que les dettes envers l’organisme payeur portugais, à savoir l’Instituto de Financiamento da Agricultura e Pescas, I. P. (IFAP, Institut pour le financement de l’agriculture et de la pêche, Portugal), dont le recouvrement faisait l’objet d’une procédure d’exécution par les autorités fiscales portugaises, avaient été erronément catégorisées en tant qu’affaires dont le recouvrement faisait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, au sens de la disposition susmentionnée. Selon elle, la règle des 50/50 devait donc déjà être appliquée à ces dettes en cas d’absence de recouvrement après quatre ans et non uniquement après huit ans, comme le soutenaient les autorités portugaises. Par conséquent, la Commission informait les autorités portugaises qu’elle pourrait proposer d’écarter du financement de l’Union une partie des dépenses déclarées par la République portugaise.

12      Les autorités portugaises ont répondu aux constatations de la Commission par lettre du 30 novembre 2015. En particulier, elles expliquaient que la voie de l’exécution forcée qui devait être appliquée pour le recouvrement des dettes en question était l’exécution fiscale et estimaient que cette dernière procédure devait être considérée comme étant de nature judiciaire. Selon elles, la règle des 50/50 devait donc n’être appliquée qu’en l’absence de recouvrement après huit ans.

13      Par lettre du 22 décembre 2015, la Commission a invité les autorités portugaises à une réunion bilatérale, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014.

14      Par lettre du 9 septembre 2016, la Commission a communiqué ses conclusions à la République portugaise, conformément à l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014. La Commission considérait que, si un recouvrement n’avait pas fait l’objet d’une action exercée devant les tribunaux nationaux, la règle des 50/50 devait être appliquée après quatre ans et non après huit. Elle proposait donc une correction d’un montant de 1 272 594,35 euros.

15      Par lettre du 21 octobre 2016, la République portugaise a demandé l’ouverture d’une procédure devant l’organe de conciliation, conformément à l’article 40 du règlement d’exécution no 908/2014.

16      Le 21 mars 2017, l’organe de conciliation a conclu à l’impossibilité de concilier les points de vue des deux parties. Dans son rapport final, l’organe de conciliation a relevé que, « la procédure utilisée au Portugal, qui [était] considérée comme une procédure administrative par les services, mais qui [était] considérée comme une procédure similaire à une procédure judiciaire par les autorités [portugaises], permet[tait] à un certain point l’implication des tribunaux (administratifs) » et a conclu que « les affaires portées devant ces tribunaux [étaient] susceptibles de bénéficier de la période de huit ans prévue par la législation européenne ».

17      Par lettre du 20 octobre 2017, la Commission a maintenu dans sa position finale que la procédure d’exécution fiscale constituait une procédure administrative qui ne satisfaisait pas aux conditions prévues par l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005. Par ailleurs, elle relevait que seules 19 des 604 affaires faisant l’objet de la proposition de correction financière avaient été portées devant un tribunal. Elle a réduit le montant de la correction financière à 1 052 101,05 euros pour tenir compte des montants récupérés ou déjà soumis à la règle des 50/50 au cours des exercices financiers précédents.

18      Par la décision d’exécution (UE) 2018/304, du 27 février 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 59, p. 3, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a, notamment, écarté du financement de l’Union des dépenses déclarées par la République du Portugal d’un montant de 1 052 101,05 euros, en raison de « [d]ettes erronément mentionnées dans les tableaux de l’annexe III, après avoir échappé à l’application de la règle des 50/50 ».

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2018, la République portugaise a introduit le présent recours.

20      Le 11 juillet 2018, la Commission a déposé le mémoire en défense.

21      Le 28 septembre 2018, la République portugaise a fait parvenir la réplique.

22      Le 19 novembre 2018, la Commission a produit la duplique.

23      Le 8 juillet 2019, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 décembre 2019.

25      La République portugaise conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle écarte du financement de l’Union un montant de 1 052 101,05 euros relatif à des dépenses déclarées par la République portugaise, au motif qu’elles constituent des « dettes erronément mentionnées dans les tableaux de l’annexe III, après avoir échappé à l’application de la règle des 50/50 » ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République portugaise aux dépens.

 En droit

27      À l’appui du recours, la République portugaise soulève un moyen unique, tiré de la violation des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 et de l’article 54 du règlement no 1306/2013, en ce que la Commission aurait erronément considéré que les dettes envers l’IFAP, dont le recouvrement faisait l’objet d’une procédure d’exécution par les autorités fiscales, ne constituaient pas des affaires dont le recouvrement faisait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, au sens desdits articles.

28      Premièrement, elle expose que l’ordre juridique portugais exige que les recouvrements forcés de sommes dues dans le cadre de relations administratives soient mis en œuvre par le biais de la procédure d’exécution fiscale. À cette fin, le créancier public émet un certificat de dette qu’il remet au service compétent de l’administration fiscale en vue d’engager l’exécution fiscale, dans le cadre de laquelle le titre exécutoire est constitué par le certificat de dette en question, le créancier public saisissant pouvant intervenir en qualité de partie. Or, selon la République portugaise, la législation portugaise et la jurisprudence des tribunaux supérieurs portugais reconnaîtraient unanimement que la procédure d’exécution fiscale a une nature judiciaire et est présidée par un juge. Ainsi, l’article 103, paragraphe 1, de la loi fiscale générale disposerait expressément que « [l]a procédure d’exécution fiscale a nature judiciaire ». Le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal) aurait également considéré, dans son arrêt du 8 août 2012 rendu dans l’affaire 0803/12, que « la “procédure” d’exécution fiscale [était] totalement de nature judiciaire ». De même, le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Portugal) aurait considéré dans son arrêt 80/2003, rendu dans l’affaire 151/02, que « [sa] loi fondamentale n’impos[ait] pas que tous les actes par lesquels se déroul[ai]ent la procédure d’exécution fiscale soient obligatoirement réalisés par le juge, bien que la jurisprudence fiscale et, actuellement et clairement, la loi fiscale générale (article 103, paragraphe 1) […] attribu[ai]ent une “nature judiciaire” à la procédure d’exécution fiscale ». Dans le même arrêt, le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle) aurait conclu que « l’acte introductif de l’exécution fiscale […] correspond[ait] simplement à la présentation dans la répartition des finances, du titre exécutoire correspondant […] et sa nature n’[était] pas différente de celle de l’acte introductif de l’action en exécution de la procédure civile engagée par le créancier ». De plus, la juridiction administrative et fiscale aurait toutes les caractéristiques d’un organe juridictionnel au sens de l’article 267 TFUE : origine légale, permanence, caractère obligatoire de la juridiction, nature contradictoire de la procédure, application des règles de droit et indépendance. Au soutien de sa thèse, la République portugaise invoque également les arrêts du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754), et du 17 septembre 2014, Cruz & Companhia (C‑341/13, EU:C:2014:2230).

29      Deuxièmement, la République portugaise soutient que l’expression « tribunais nacionais » utilisée dans la version portugaise de l’article 54, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1306/2013 est équivalente à l’expression « jurisdições nacionais » utilisée dans la version portugaise des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 et doit être comprise comme faisant référence aux « juridictions nationales ».

30      Troisièmement, la République portugaise soutient que l’économie et la raison d’être des dispositions concernées est de viser les sommes qui ont été perdues en raison d’irrégularités et qui n’ont pas été récupérées dans un délai raisonnable. Or, il reviendrait aux États membres de s’organiser au mieux sur le plan intérieur, compte tenu des moyens dont ils disposent et selon la forme qui leur semble la plus adéquate, pour poursuivre et atteindre l’objectif du respect des obligations qui leur incombent en vertu du droit de l’Union.

31      Quatrièmement, dans la réplique, la République portugaise ajoute que, si elle était maintenue, la décision attaquée constituerait une violation des principes d’équité, de proportionnalité et de justice en raison du caractère obligatoire de la procédure d’exécution fiscale dans l’ordre juridique portugais.

32      La Commission conteste l’argumentation de la République portugaise.

33      En premier lieu, il convient de soulever que, comme le soulève à juste titre la République portugaise, les expressions portugaises « tribunais nacionais » et « jurisdições nacionais » doivent être comprises comme faisant référence à la notion de « juridictions nationales », et ce d’autant plus que les termes employés à l’article 32, paragraphe 5, premier alinéa, et à l’article 33, paragraphe 8, premier alinéa, du règlement no 1290/2005 et à l’article 54, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1306/2013 ne présentent aucune différence dans les versions de ces textes rédigées dans d’autres langues de l’Union, telles que, notamment, l’allemand, l’anglais, le français et l’italien.

34      En deuxième lieu, il convient de préciser que la notion de « juridiction nationale » ne saurait être laissée exclusivement à l’appréciation de chaque État membre. En effet, il découle de l’exigence d’application uniforme du droit de l’Union que, dans la mesure où les règlements no 1290/2005 et no 1306/2013 ne renvoient pas au droit des États membres en ce qui concerne la notion de « juridiction nationale », cette notion, décisive pour déterminer le champ d’application de la règle des 50/50 requiert, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte des dispositions dans lesquelles elle s’insère et de l’objectif poursuivi par ces règlements (voir, par analogie, arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée, et du 14 novembre 2013, Baláž, C‑60/12, EU:C:2013:733, points 25 et 26).

35      Ainsi que cela ressort en particulier du considérant 26 du règlement no 1290/2005 et du considérant 37 du règlement no 1306/2013, la règle des 50/50 a pour objectif de mettre en place un régime de répartition équitable de la charge financière entre l’Union et les États membres relatif aux conséquences financières résultant du non recouvrement dans un délai raisonnable de sommes versées au titre du FEAGA et du Feader, en raison d’irrégularités ou de négligences. Ce délai est de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire, devenue la date de la demande de recouvrement en vertu du règlement no 1306/2013, ou de huit ans si le recouvrement est porté devant les juridictions nationales.

36      Dans ce contexte, aux fins d’interpréter la notion de « juridiction nationale » mentionnée à l’article 32, paragraphe 5, et à l’article 33, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005 ainsi qu’à l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, il convient de s’appuyer sur les critères dégagés par la Cour pour apprécier si un organisme de renvoi possède le caractère d’une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 14 novembre 2013, Baláž, C‑60/12, EU:C:2013:733, point 32).

37      En ce sens, selon une jurisprudence constante, il convient de tenir compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de l’organe, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par l’organe, des règles de droit ainsi que son indépendance (voir, par analogie, arrêt du 16 février 2017, Margarit Panicello, C‑503/15, EU:C:2017:126, point 27 et jurisprudence citée). En outre, même si, en vertu de la loi d’un État membre, l’organe concerné est considéré comme un organe administratif, ce fait n’est pas, en soi, déterminant aux fins de l’appréciation de sa qualité de « juridiction » (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 septembre 2018, Montte, C‑546/16, EU:C:2018:752, point 25, et conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Montte, C‑546/16, EU:C:2018:493, point 22).

38      En l’espèce, sur la base des éléments dont dispose le Tribunal, il y a lieu de relever que, en l’absence de paiement volontaire dans un délai imparti et dans l’impossibilité de procéder au recouvrement par le biais d’une compensation de créances, l’IFAP, organisme payeur portugais en charge du recouvrement des sommes indûment versées au titre du FEAGA et du Feader, délivre un certificat ayant valeur de titre exécutoire qu’il transmet au service compétent de l’administration fiscale afin de poursuivre une procédure d’exécution fiscale (article 103 de la loi fiscale générale, article 179 du code de procédure administrative et articles 148 et 149 du code de procédure fiscale).

39      Cette procédure d’exécution fiscale vise à garantir le recouvrement rapide, notamment, des dettes au profit de l’État et autres personnes morales de droit public, tels que l’IFAP [article 148, paragraphe 2, sous a), du code de procédure fiscale].

40      À cet égard, il ressort de la législation portugaise, ainsi que de la jurisprudence du Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême) et du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle), que le service compétent de l’administration fiscale est chargé de réaliser uniquement des actes matériellement administratifs (article 103, paragraphe 2, de la loi fiscale générale portugaise), lesquels conduisent in fine à la saisie des biens du débiteur et à la vente de ceux-ci (articles 214 à 236 et 248 à 258 du code de procédure fiscale).

41      Si, comme le soulève la République portugaise, les juridictions supérieures portugaises soutiennent que la procédure d’exécution fiscale a une nature judiciaire, elles le font dans le but, d’une part, de confirmer la constitutionnalité de ladite procédure et de la possibilité pour l’administration fiscale d’accomplir des actes non juridictionnels dans le contexte d’une procédure d’exécution fiscale [arrêt 80/2003 du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle)] et, d’autre part, de souligner l’application des règles de la procédure civile à la procédure d’exécution fiscale [arrêt 0803/12 du Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême)]. Les juridictions supérieures portugaises insistent néanmoins sur le fait que l’administration fiscale est uniquement chargée de réaliser des actes non judiciaires et que l’acte introductif de la procédure d’exécution fiscale n’est rien d’autre que la présentation d’un titre exécutoire à un bureau d’impôt.

42      La « nature judiciaire » de la procédure d’exécution fiscale dans l’ordre juridique portugais provient du contrôle potentiel que les juridictions administratives et fiscales peuvent à tout moment être amenées à exercer en cas de conflit d’intérêts résultant de l’action de l’une des parties, d’un tiers à la procédure, ou d’une décision prise par l’administration fiscale [arrêt 80/2003 du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle)]. Il n’est alors pas contesté que l’intervention des juridictions administratives et fiscales corresponde à une action devant les « juridictions nationales » au sens de l’article 32, paragraphe 5, et de l’article 33, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005 ainsi que de l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013.

43      Par ailleurs, s’il est vrai que le débiteur a la possibilité de former opposition à l’exécution du paiement forcé (articles 203 à 213 du code de procédure fiscale) et de déposer une réclamation contre les actes du service compétent de l’administration fiscale (articles 276 à 278 du code de procédure fiscale), il n’en reste pas moins que l’examen, par ce service, de la demande de recouvrement forcé sur le fondement d’un titre exécutoire n’est pas contradictoire.

44      En effet, en cas de conflit, qu’il résulte de l’action de l’une des parties, d’un tiers à la procédure, ou d’une décision prise par l’administration fiscale, le service de l’administration fiscale a l’obligation d’envoyer le dossier au juge compétent du tribunal administratif et fiscal afin que celui-ci puisse procéder à un contrôle juridictionnel (articles 203, 208, 237 et 276 à 278 du code de procédure fiscale).

45      Par conséquent, le service compétent de l’administration fiscale n’exerce que des fonctions de nature administrative et n’a pas pour mission de trancher un litige, ni de contrôler la légalité du certificat de dette émis par l’IFAP. Ce n’est qu’en cas de contestation, quelle qu’elle soit, de la part d’une des parties à la procédure ou d’un tiers, que les juridictions administratives et fiscales, ainsi saisies, exerceront une fonction de nature juridictionnelle ayant pour objet le contrôle de la légalité d’un acte établissant une dette à l’encontre d’un débiteur, et que celui-ci pourra faire valoir ses droits.

46      Par ailleurs, il importe de relever que le service compétent de l’administration fiscale ne répond pas non plus au critère d’indépendance énoncé au point 37 ci-dessus.

47      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’exigence d’indépendance comporte deux aspects. Le premier aspect, d’ordre externe, suppose que l’instance concernée exerce ses fonctions en toute autonomie, sans être soumise à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, étant ainsi protégée contre les interventions ou les pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses membres et d’influencer leurs décisions (voir arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117, point 44 et jurisprudence citée).

48      Le second aspect, d’ordre interne, rejoint la notion d’impartialité et vise l’égale distance par rapport aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs au regard de l’objet de celui-ci. Cet aspect exige le respect de l’objectivité et l’absence de tout intérêt dans la solution du litige en dehors de la stricte application de la règle de droit (voir arrêt du 16 février 2017, Margarit Panicello, C‑503/15, EU:C:2017:126, point 38 et jurisprudence citée).

49      Ces garanties d’indépendance et d’impartialité postulent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’instance, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de ladite instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent [arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 66].

50      En l’occurrence, comme cela est indiqué aux points 44 et 45 ci-dessus, en l’absence de toute contestation, les juridictions administratives et fiscales n’interviennent pas dans la procédure d’exécution fiscale.

51      S’agissant du service compétent de l’administration fiscale, il résulte des dispositions de droit national, et notamment des articles 55 et 58 de la loi fiscale générale, que l’administration fiscale se doit d’être impartiale et ne peut être subordonnée à l’initiative de l’auteur de la demande.

52      Lorsqu’elle procède à l’examen des procédures d’exécution fiscale, l’administration fiscale satisfait donc à l’exigence d’indépendance considérée sous son aspect interne, en ce qu’elle s’acquitte de ses tâches en toute objectivité et impartialité quant aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs dans celui‑ci.

53      Toutefois, il convient de constater que l’administration fiscale ne satisfait pas à cette exigence considérée sous son aspect externe, qui requiert l’absence de lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de toute entité pouvant lui donner des ordres ou des instructions. En effet, l’article 182 de la Constitution de la République portugaise dispose que le gouvernement est l’organe supérieur de l’administration. Par ailleurs, il ressort de l’article 199, sous d), de la Constitution de la République portugaise qu’il appartient au gouvernement, dans l’exercice de ses fonctions administratives, de diriger les services et l’activité de l’administration civile et militaire dépendant directement de l’État, de superviser l’administration indirecte et d’exercer sa tutelle sur cette dernière ainsi que sur les services autonomes.

54      En outre, il convient de relever que les fonctionnaires faisant partie du service compétent de l’administration fiscale sont des fonctionnaires de l’administration fiscale et que le chef des Finances supervise ledit service, lequel est intégré au sein du ministère des Finances. Il existe donc un lien de subordination hiérarchique entre l’administration fiscale et le gouvernement.

55      Il découle de ces considérations que, en l’absence de toute intervention des juridictions administratives et fiscales, il ne saurait être considéré que le service compétent de l’administration fiscale exerce une fonction juridictionnelle. Dès lors, une action devant le service compétent de l’administration fiscale ne s’apparente pas à une action devant une « juridiction nationale » au sens de l’article 32, paragraphe 5, et de l’article 33, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005 ainsi que de l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013. Il n’en irait autrement qu’en cas d’intervention des juridictions administratives et fiscales.

56      Partant, à considérer même que la procédure d’exécution fiscale soit présidée par un juge et que le débiteur dispose à tout moment de la possibilité de contester devant les juridictions administratives et fiscales les décisions prises par le service compétent de l’administration fiscale, il n’en reste pas moins que, en l’absence de toute contestation, ladite procédure sera intégralement gérée par un service de l’administration, lequel ne répond pas à l’intégralité des critères pour se voir reconnaître la qualification de « juridiction nationale ».

57      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la jurisprudence soulevée par la République Portugaise en l’espèce.

58      En effet, il ressort des arrêts du 2 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754, point 34), et du 17 septembre 2014, Cruz & Companhia (C‑341/13, EU:C:2014:2230), que les juridictions administratives et fiscales, telles que le Tribunal Arbitral Tributário (tribunal arbitral en matière fiscale, Portugal) et le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême), ont été considérées comme des « juridictions d’un État membre » au sens de l’article 267 TFUE. Cependant, il n’était nullement question de la qualification des services de l’administration fiscale.

59      En troisième lieu, il importe de rappeler que le système de coresponsabilité financière établi par l’article 32, paragraphe 5, et par l’article 33, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005, devenus en substance l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, vise à protéger les intérêts financiers du budget de l’Union en imputant à l’État membre concerné une partie des sommes perdues en raison d’irrégularités ou de négligences et qui n’ont pas été récupérées dans un délai raisonnable. Dans de telles situations particulières, les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget de l’Union.

60      En ce qui concerne les obligations incombant aux États membres dans ce contexte, l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1290/2005, repris en substance à l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, impose aux États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union et récupérer les sommes indûment versées.

61      Ces articles sont l’expression, en ce qui concerne le financement de la politique agricole commune, de l’obligation de diligence générale prévue à l’article 4, paragraphe 3, TUE (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 1991, Allemagne/Commission, C‑28/89, EU:C:1991:67, point 31 ; du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission, C‑54/95, EU:C:1999:11, points 66 et 177, et du 13 novembre 2001, France/Commission, C‑277/98, EU:C:2001:603, point 40).

62      Toutefois, ces dispositions ne précisent pas les mesures spécifiques devant être adoptées à cette fin, notamment les procédures devant être engagées en vue de la récupération desdites sommes.

63      La gestion du financement du FEAGA et du Feader reposant principalement sur les administrations nationales, qui sont chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union et qui jouissent de la proximité géographique nécessaire à cette fin, les États membres sont les mieux placés pour récupérer les sommes indûment versées ou perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences et déterminer les mesures les plus appropriées à prendre à cet égard (arrêt du 30 janvier 2019, Belgique/Commission, C‑587/17 P, EU:C:2019:75, point 69).

64      Ainsi, en particulier, il appartient aux autorités nationales, sous réserve de respecter l’obligation de diligence visée au point 61 ci-dessus, de choisir les voies de recours qu’elles estiment les plus appropriées en vue de la récupération des sommes en cause, en fonction des circonstances particulières de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑370/03, non publié, EU:C:2005:489, point 44).

65      Cette obligation de diligence, qui s’applique tout au long de la procédure de recouvrement, implique également que les États membres doivent procéder au recouvrement et prendre les mesures destinées à remédier aux irrégularités avec promptitude et en temps utile. En effet, après l’écoulement d’un certain délai, la récupération des sommes indûment payées risque d’être compliquée ou de devenir impossible, en raison de certaines circonstances, telles que, notamment, la cessation d’activités ou la perte de documents comptables (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2018, Commission/Italie, C‑433/15, EU:C:2018:31, point 42).

66      En outre, les autorités nationales ne sauraient justifier le manquement à cette obligation en faisant état des longueurs des procédures administratives ou judiciaires engagées par l’opérateur économique (arrêt du 21 février 1991, Allemagne/Commission, C‑28/89, EU:C:1991:67, point 32).

67      Il y a lieu d’ajouter que le respect des procédures et des délais applicables en matière de recouvrement en vertu du droit national constitue une obligation minimale nécessaire, mais qui ne suffit pas à démontrer la diligence de l’État membre au sens de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1290/2005, devenu en substance l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 (arrêt du 12 septembre 2012, Italie/Commission, T‑394/06, non publié, EU:T:2012:417, points 90 et 91).

68      En l’espèce, la République portugaise fait valoir que la procédure établie en droit portugais visant à récupérer les sommes indûment versées au titre du FEAGA et du Feader est contraignante et efficace, de sorte que le délai de huit ans est justifiable. Or, il convient de souligner que l’économie du système établi par l’article 32, paragraphe 5, et par l’article 33, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005, devenus en substance l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, se fonde sur une autre question, celle de savoir si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les « juridictions nationales » au sens de la réglementation de l’Union. L’existence d’un litige porté devant les juridictions nationales est le critère déterminant dont la réalisation est susceptible d’être vérifiée de manière objective.

69      À cet égard, il résulte des points 55 et 56 ci-dessus que la procédure d’exécution fiscale portée devant le service compétent de l’administration fiscale ne peut être qualifiée de recouvrement porté devant les « juridictions nationales » au sens des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 et de l’article 54 du règlement no 1306/2013, à tout le moins en l’absence d’intervention des juridictions administratives et fiscales.

70      Cela impose à la République portugaise de conclure fructueusement la procédure d’exécution fiscale devant le service compétent de l’administration fiscale dans le délai péremptoire de quatre ans visé aux articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 et à l’article 54 du règlement no 1306/2013.

71      Le délai de huit ans ne peut être invoqué en tant que délai raisonnable applicable à la procédure d’exécution fiscale que dans les cas où un conflit survient et que le juge fiscal est saisi de la procédure à une date située avant la fin du délai de quatre ans.

72      En décider autrement reviendrait à reconnaître un délai de huit ans à toutes les procédures d’exécution fiscale, y compris dans les affaires où le service compétent de l’administration fiscale met fin à la procédure, en l’absence de tout conflit et d’intervention d’un juge, ce qui ne serait pas cohérent avec l’objectif de protection des intérêts financiers du budget de l’Union poursuivi par le législateur et la mise en place de mécanismes destinés à encourager un recouvrement efficace et en temps utile des sommes indûment versées au titre du FEAGA et du Feader.

73      En quatrième lieu, il y a lieu de relever que la réplique contient des références explicites aux griefs tirés de la violation des principes de proportionnalité, d’équité et de justice. Toutefois, aucune argumentation spécifique, claire et cohérente permettant de démontrer pour quelles raisons ces principes auraient été violés n’est développée au soutien de ces griefs. En conséquence, ces griefs doivent être rejetés comme étant irrecevables, en application de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

74      Par conséquent, la Commission a pu valablement écarter certaines dépenses du financement de l’Union au motif qu’elles faisaient l’objet d’une procédure d’exécution fiscale devant le service compétent de l’administration fiscale depuis plus de quatre ans, lequel ne peut être qualifié de « juridiction nationale » au sens des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 et de l’article 54 du règlement no 1306/2013.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

76      La République portugaise ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République Portugaise est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

Dean Spielmann

Forrester

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 janvier 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.

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