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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> BZ v Commission (Staff Regulations of officials and Conditions of Employment of other servants - Judgment) French Text [2020] EUECJ T-336/19 (30 January 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T33619.html Cite as: [2020] EUECJ T-336/19, EU:T:2020:21, ECLI:EU:T:2020:21 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
30 janvier 2020 (*)
« Fonction publique ‐ Agents contractuels ‐ Licenciement pour inaptitude manifeste – Proportionnalité – Article 84 du RAA – Responsabilité »
Dans l’affaire T‑336/19,
BZ, représentée par Me C. Mourato, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. G. Berscheid, B. Mongin et Mme M. Brauhoff, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission du 25 juillet 2018 ayant pour objet le licenciement de la requérante pour inaptitude manifeste à la suite d’un rapport de stage anticipé et, d’autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral que la requérante aurait prétendument subis du fait de cette décision,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. D. Spielmann, président, I. S. Forrester (rapporteur) et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 18 décembre 2019,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 5 novembre 2015, la requérante, BZ, a réussi la procédure de sélection EPSO/CAST/S/13/2015 – Puériculteur/Puéricultrice en crèches (Groupe de fonctions II). Le 12 décembre 2017, elle a été engagée en qualité d’agent contractuel en vertu de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), classée dans le groupe de fonction II, grade 5, échelon 1, à partir du 1er janvier 2018 afin d’exercer les fonctions d’« agent chargé de tâches de bureau, de secrétariat ou tâches équivalentes » et a été affectée à l’Office « Infrastructures et logistique » à Bruxelles (OIB), au sein du centre de la petite enfance, où elle était responsable d’enfants âgés de trois ans au maximum. Le contrat était conclu pour une période déterminée de deux ans, jusqu’au 31 décembre 2019, et la requérante était soumise à un stage de neuf mois conformément à l’article 84, paragraphe 1, du RAA.
2 Du 5 au 30 janvier 2018, la requérante a suivi, en observation, plusieurs sections de la crèche Grand Clovis. Elle a ensuite intégré, en date du 31 janvier 2018, la section « Iris » de la crèche Grand Clovis et a pris ses fonctions en tant que « puéricultrice volante ».
3 Le 2 février 2018, une première réunion a eu lieu entre la gestionnaire de la crèche Grand Clovis et la requérante. Une seconde réunion s’est tenue en date du 12 février 2018, afin d’évaluer les six premières semaines de stage de la requérante.
4 Le 28 février 2018, un incident avec un enfant de la crèche a eu lieu (ci-après l’« incident du 28 février »). Une autre puéricultrice était présente sur les lieux ce jour-là. La requérante a travaillé les 1er et 2 mars 2018 et a ensuite été en congé maladie du 3 au 13 mars 2018.
5 Le 2 mars 2018, les faits liés à l’incident du 28 février ont été portés à la connaissance de la gestionnaire de la crèche Grand Clovis, qui en a informé le chef d’unité par intérim de la requérante (ci-après le « chef d’unité »). Le 5 mars 2018, celui-ci a demandé à la direction générale (DG) des ressources humaines et de la sécurité de la Commission européenne de procéder à une enquête sur les faits liés à l’incident du 28 février, conformément à la décision D(2009)5011 de la Commission, du 31 mars 2009, instituant la procédure à suivre en cas de soupçon ou de plainte de maltraitance grave des enfants au sein des crèches et garderies gérées par l’OIB à Bruxelles (ci-après la « procédure à suivre en cas de soupçon de maltraitance grave »).
6 Le 14 mars 2018, à son retour de congé maladie, la requérante a été entendue par le chef d’unité et a été informée des déclarations de deux puéricultrices à l’égard de l’incident du 28 février, l’une des puéricultrices ayant été présente au moment des faits. Le chef d’unité a informé la requérante de la décision de l’écarter de tout contact avec les enfants à titre de mesure conservatoire et de sécurité et de l’affecter à des tâches administratives. Le même jour, la requérante a été entendue par les services de la DG « Ressources humaines et sécurité ».
7 Le 23 mars 2018, la DG « Ressources humaines et sécurité » a rendu sa note de dossier (ci-après la « note de la DG “Ressources humaines et sécurité” »), dans laquelle elle concluait que la requérante avait « au moins réprimandé [l’enfant] d’une manière ferme et non adaptée ». La DG « Ressources humaines et sécurité » a dès lors proposé de ne plus laisser la requérante en contact avec des enfants, avant qu’elle n’ait eu une période de suivi intense avec, à l’issue, une évaluation quant à son aptitude à être puéricultrice dans les crèches de la Commission.
8 Le 27 mars 2018, le chef d’unité a établi une note de dossier relatant les faits et l’entretien qu’il avait eu avec la requérante (ci-après la « note du chef d’unité »), laquelle a été transmise à la requérante, qui en a contesté le contenu par une note du 4 avril 2018.
9 Lors d’un dialogue sur l’évaluation de la période de stage ayant eu lieu le 6 juin 2018 avec la requérante, laquelle s’est présentée accompagnée d’un représentant du personnel, le chef d’unité lui a, d’une part, communiqué les conclusions et propositions issues de la note de la DG « Ressources humaines et sécurité » et, d’autre part, annoncé son intention de mettre fin à son contrat sans attendre la fin de la période de stage.
10 Le 25 juin 2018, le chef d’unité a réalisé le rapport d’évaluation de la requérante, dans lequel il recommandait le licenciement de cette dernière avant la fin de la période de stage.
11 Le 27 juin 2018, la requérante a été convoquée pour une audition auprès du comité paritaire des rapports, afin de clarifier les faits mentionnés dans le rapport d’évaluation. L’audition, pendant laquelle la requérante était assistée d’un avocat, a eu lieu le 11 juillet 2018.
12 Le 16 juillet 2018, le comité paritaire des rapports a rendu un avis unanime approuvant la proposition de licencier la requérante avant la fin de la période de stage. La requérante y a répondu par courriel du 20 juillet 2018.
13 Le 25 juillet 2018, le chef de l’unité « Management de la performance » de la DG « Ressources humaines et sécurité », agissant en qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a pris la décision de licencier la requérante pour inaptitude manifeste, sur le fondement de l’article 84, paragraphe 2, du RAA (ci-après la « décision de licenciement »).
14 Le 24 octobre 2018, la requérante a introduit une réclamation contre la décision de licenciement au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, applicable aux agents contractuels en vertu de l’article 117 du RAA, laquelle a été rejetée par décision du 21 février 2019.
Procédure et conclusions des parties
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2019, la requérante a introduit le présent recours.
16 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 juin 2019, la requérante a demandé le bénéfice de l’anonymat, lequel lui a été accordé par le Tribunal, conformément à l’article 66 de son règlement de procédure.
17 La Commission a déposé le mémoire en défense le 25 juillet 2019.
18 Par lettre du 5 septembre 2019, la requérante a renoncé au dépôt de la réplique.
19 Le 15 novembre 2019, le Tribunal a adressé à la Commission une demande de production de documents au titre d’une mesure d’organisation de la procédure, en application de l’article 89 du règlement de procédure. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.
20 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 18 décembre 2019.
21 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision de licenciement ;
– condamner la Commission à la réparation de divers préjudices moraux, évalués à 10 000 euros, du préjudice provoqué par les effets néfastes sur son état de santé, évalué à 10 000 euros, et, dans l’hypothèse où la décision de licenciement ne serait pas annulée, du préjudice matériel, évalué à 58 900 euros, qu’elle aurait subis en raison de son licenciement ;
– condamner la Commission aux dépens.
22 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la demande en annulation
23 À l’appui de sa demande en annulation, la requérante invoque, en substance, quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation des garanties procédurales en matière d’enquêtes administratives et de discipline, d’une violation des droits de la défense et d’une violation de la présomption d’innocence, le deuxième, d’une violation des droits liés au stage au titre de l’article 84, paragraphes 1 et 3, du RAA et d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de l’administration, le troisième, d’une violation de l’article 84, paragraphe 2, du RAA et du principe de proportionnalité et, le quatrième, d’une violation du principe d’égalité de traitement. Il convient d’examiner, d’abord, le troisième moyen.
24 Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés et conclut que le licenciement avant la fin de la période de stage était disproportionné. À cet égard, elle fait valoir que la décision de licenciement pour inaptitude manifeste est fondée sur l’incident du 28 février, lequel n’est pas prouvé et a toujours été contesté, ainsi que sur certaines critiques vagues, en contradiction avec les appréciations positives formulées par la gestionnaire de la crèche les 2 et 12 février 2018. Elle indique également que, si son inaptitude à exercer ses fonctions de puéricultrice était à ce point manifeste, la procédure d’évaluation anticipée du stage n’aurait pas été déclenchée trois mois après l’incident du 28 février et deux mois après la finalisation de l’enquête. Lors de l’audience, la requérante a soutenu que, au vu de l’absence d’inaptitude manifeste, la décision de licenciement était disproportionnée, que l’AHCC aurait dû lui permettre de bénéficier d’un accompagnement en tant que puéricultrice pendant toute la durée de son stage et que celle-ci aurait, au moins, pu suivre la suggestion de la DG « Ressources humaines et sécurité » « de ne plus [la] laisser en contact avec des enfants, avant qu’elle n’ait eu une période de suivi intense avec, à l’issue, une évaluation quant à son aptitude à être puéricultrice dans les crèches de la Commission ».
25 La Commission fait valoir que la décision de licenciement a été prise à la suite d’un examen global des aptitudes de la requérante, en tenant compte, bien que non exclusivement, de l’incident du 28 février. Elle indique également que toutes les mesures ont été prises pour, d’une part, écarter la requérante de tout contact avec les enfants immédiatement après l’incident du 28 février et, d’autre part, prendre toutes les précautions nécessaires avant de se prononcer sur son inaptitude manifeste.
26 Suivant l’article 84, paragraphe 2, premier alinéa, du RAA, « [e]n cas d’inaptitude manifeste de l’agent contractuel, un rapport peut être établi à tout moment avant la fin du stage ». Selon le second alinéa de la même disposition, « [s]ur la base de ce rapport, l’[AHCC] peut décider de licencier l’agent contractuel avant l’expiration de la période de stage ».
27 Un tel constat, eu égard à l’emploi du terme « manifeste », doit présenter un certain caractère d’évidence. Par ailleurs, ce constat entraîne des conséquences importantes sur la situation de l’agent, puisqu’il permet à l’institution, ainsi qu’il vient d’être rappelé au point 26 ci-dessus, de licencier ce dernier à tout moment pendant le déroulement de son stage. Par suite, quand une institution adopte une décision de licenciement en application des dispositions de l’article 84, paragraphe 2, du RAA, elle doit se fonder sur des éléments factuels suffisamment caractérisés et objectivement susceptibles d’être considérés comme constitutifs d’une inaptitude manifeste. Il incombe alors au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation et tout en tenant compte de la marge d’appréciation dont dispose l’administration quant à l’évaluation de l’aptitude de l’agent au cours du stage, de s’assurer de la présence de tels éléments (voir, par analogie, arrêt du 7 octobre 2009, Y/Commission, F‑29/08, EU:F:2009:136, points 70 et 71).
28 Le principe de proportionnalité, quant à lui, exige que les actes des institutions de l’Union européenne ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 décembre 2018, Haeberlen/ENISA, T‑632/16, non publié, EU:T:2018:957, point 145). Or, au vu du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions pour organiser leurs services et affecter le personnel qui se trouve à leur disposition, le Tribunal doit se limiter à vérifier si la mesure arrêtée n’a pas un caractère manifestement inapproprié par rapport à l’objectif poursuivi (arrêt du 13 novembre 2014, De Loecker/SEAE, F‑78/13, EU:F:2014:246, point 79).
29 En l’espèce, en premier lieu, il convient de constater que l’AHCC a motivé la décision de licenciement en soulignant que la requérante avait, au cours du mois de février 2018, traité les enfants d’une façon qui « n’était pas toujours appropriée et n’était pas conforme aux principes éducatifs des crèches de l’OIB ». Elle a également indiqué :
« [L’]enquête [de la DG “Ressources humaines et sécurité”] sur l’incident [du 28 février] a permis de constater que [la requérante] a au moins réprimandé [l’enfant] de manière inappropriée. Rien dans le dossier [n’amène l’AHCC] à croire qu’une telle conclusion est invraisemblable. […] [Le] geste [de la requérante] vis-à-vis d[e] [l’enfant], le 28 février 2018, tel qu’il a été défini dans le rapport [de la DG “Ressources humaines et sécurité”], est inacceptable en soi et contraire à l’approche pédagogique. »
30 À cet égard, il convient d’observer que le constat d’une inaptitude manifeste sur lequel se fonde l’AHCC repose sur des éléments mentionnés dans la note du chef d’unité, dans la note de la DG « Ressources humaines et sécurité » ainsi que dans les parties du rapport d’évaluation relatives à l’efficacité, aux compétences et à la conduite de la requérante envers les enfants et leurs parents.
31 S’agissant de l’incident du 28 février, le chef d’unité a indiqué dans sa note avoir demandé à la DG « Ressources humaines et sécurité » d’ouvrir une enquête conformément à la procédure à suivre en cas de soupçon de maltraitance grave et a indiqué que les faits qui sont reprochés à la requérante étaient « particulièrement graves, les gestes brusques envers les enfants totalement inappropriés et inacceptables ». En outre, il ressort de la note de la DG « Ressources humaines et sécurité » que « les faits rapportés […] et les différentes auditions […] démontrent que [la requérante] a au moins réprimandé [l’enfant] d’une manière ferme et non adaptée », et du rapport d’évaluation que « [l]’incident grave du 28 février [… était] plus que préoccupant » et que le « déclenchement de la procédure “maltraitance” et son écartement des enfants, mesure prise dans un premier temps à titre de précaution – qui a été confirmée dans le rapport de la [DG “Ressources humaines et sécurité”] – indique que [la requérante] ne poss[édait] pas les aptitudes suffisantes en tant que puéricultrice dans [les] structures » de la Commission.
32 Cependant, dans ses réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience, la Commission a indiqué que la description des faits relatifs à l’incident du 28 février, telle qu’elle est reprise dans la note du chef d’unité, dans la note de la DG « Ressources humaines et sécurité », dans le rapport d’évaluation et, in fine, dans la décision de licenciement, était exclusivement fondée sur la déclaration de l’autre puéricultrice présente le jour de cet incident.
33 Or, outre les contestations de la requérante quant à la véracité de cette description, le père de l’enfant impliqué lors de l’incident du 28 février n’a exprimé aucune remarque négative, n’a pas souhaité avoir d’entrevue avec la DG « Ressources humaines et sécurité » et a indiqué n’avoir remarqué aucune lésion ni souffrance psychologique chez son enfant.
34 Par ailleurs, il convient de relever que la DG « Ressources humaines et sécurité » a reconnu dans sa note ne pas avoir « été en mesure de récolter des preuves matérielles qui pourraient corroborer la version de [l’autre puéricultrice présente le jour de l’incident du 28 février] ». Lors de l’audience, la Commission a également précisé que la note de la DG « Ressources humaines et sécurité », intitulée « Objet : Coups et blessures – Maltraitance enfant par une puéricultrice à la crèche Clovis », ainsi que la note du chef d’unité, faisant état de l’ouverture d’une enquête conformément à la procédure à suivre en cas de soupçon de maltraitance grave, étaient peut-être alarmistes. Elle a ajouté que l’enquête qui s’en était suivie avait permis de rétablir la réalité des faits, à savoir qu’aucun coup ou acte de maltraitance n’avait été commis contre un enfant le 28 février et qu’il était probable que le risque résultant de l’incident du 28 février ait été surévalué.
35 Par conséquent, force est de constater qu’il subsiste un doute sérieux quant à la réalité et à la gravité des faits reprochés à la requérante lors de l’incident du 28 février, tels qu’ils ont été relatés par l’autre puéricultrice présente le jour de cet incident et repris dans la note du chef d’unité, dans la note de la DG « Ressources humaines et sécurité », dans le rapport d’évaluation et dans la décision de licenciement.
36 Malgré cela, il ressort des éléments du dossier que cet incident a non seulement servi d’élément déclencheur à l’enquête ayant abouti au rapport d’évaluation anticipé, mais également été déterminant pour l’adoption de la décision de licenciement.
37 S’agissant des critiques relatives au comportement impulsif de la requérante, lequel ne serait pas conforme aux principes éducatifs des crèches de l’OIB, à sa manière de communiquer avec les enfants et leurs parents et à ses réactions brusques, la requérante a reconnu que certaines de ces critiques lui avaient été communiquées, mais a soutenu les avoir trouvées « exagérées ».
38 Il convient de relever que ces critiques proviennent des témoignages de la psychopédagogue, laquelle a observé la requérante lorsqu’elle se déplaçait à la crèche Grand Clovis, ainsi que de deux collègues de la requérante, la première étant l’autre puéricultrice présente le jour de l’incident du 28 février et la seconde étant la puéricultrice ayant informé la gestionnaire de la crèche dudit incident après que la première lui en a parlé.
39 En second lieu, il convient de tenir compte des tâches particulières qui étaient confiées à la requérante. Celle-ci était puéricultrice, responsable d’enfants âgés de 3 ans au maximum. Ses tâches consistaient à « accueillir, éduquer et prendre soin des enfants confiés en suivant les lignes de force d’un projet pédagogique déterminé, dans un cadre relationnel adéquat, en entretenant un partenariat avec les parents et en veillant au respect des normes d’hygiène et de sécurité ».
40 À la lumière des objectifs et des fonctions que la crèche doit remplir, de telles tâches exigent un lien de confiance étroit entre l’institution et l’agent, d’autant plus en raison du jeune âge et de la vulnérabilité particulière de ces enfants.
41 Or, la requérante allègue, sans que cela soit contesté par la Commission, que le compte rendu des réunions des 2 et 12 février 2018 avec la gestionnaire de la crèche Grand Clovis visant à évaluer les premières semaines de son stage dans la section « Iris » de la crèche était positif, et produit des témoignages élogieux de deux collègues ayant travaillé avec elle de 2014 à 2016, en 2017 et en 2018.
42 Les excellents résultats du test de sélection, les évaluations positives issues des réunions des 2 et 12 février et les déclarations positives d’anciennes collègues sont pertinents et cohérents avec les affirmations de la requérante selon lesquelles son stage aurait débuté d’une manière positive. Néanmoins, cela n’exonère pas l’administration de son devoir de prendre une décision en tenant compte de tous les éléments à sa disposition, y compris ceux repris aux points 29 à 38 ci-dessus, et de les mettre en balance.
43 À cet égard, comme cela est indiqué aux points 32 à 35 ci-dessus, de sérieux doutes persistent quant à la réalité de la description de l’incident du 28 février. Bien que n’étant étayé par aucun élément de preuve, celui-ci a pourtant été déterminant dans la décision de licenciement. Par ailleurs, il ressort du point 38 ci-dessus que l’un des trois témoignages repris dans la note de la DG « Ressources humaines et sécurité », et faisant état du comportement brusque de la requérante, provient de la puéricultrice à l’origine de la description de l’incident du 28 février.
44 Par ailleurs, ainsi que la requérante l’indique, si les soupçons de maltraitance grave d’un enfant lors de l’incident du 28 février avaient été avérés, la décision de licenciement serait survenue plus tôt, au vu de la gravité d’un tel comportement et du devoir de la crèche, notamment, de s’assurer de la sécurité des enfants étant sous sa supervision. Or, il ressort des points 32 à 35 ci-dessus que ces soupçons n’ont pas été confirmés. Dès lors, l’administration devait mettre en balance, d’une part, l’intérêt de la requérante à bénéficier de la possibilité d’achever son stage et, d’autre part, l’intérêt et les objectifs particuliers et sensibles de la crèche, afin de prendre la mesure la plus appropriée.
45 À cet égard, il convient de relever que la DG « Ressources humaines et sécurité » avait préconisé que la requérante fasse l’objet d’une période de suivi intense, à l’issue de laquelle une évaluation quant à son aptitude à être puéricultrice dans les crèches de la Commission serait réalisée. Comme le soutient à juste titre la requérante, il aurait été possible pour l’AHCC de mettre ces mesures en œuvre.
46 Lors de l’audience, la Commission a par ailleurs reconnu ne pas pouvoir affirmer que, en l’absence de l’incident du 28 février, la requérante aurait fait l’objet d’un licenciement avant la fin de la période de stage pour inaptitude manifeste. Dès lors, il ne saurait être considéré que l’AHCC a fondé la décision de licenciement sur des éléments factuels suffisamment caractérisés et objectivement susceptibles d’être considérés comme constitutifs d’une inaptitude manifeste, au sens de la jurisprudence rappelée au point 27 ci-dessus.
47 Au vu de ce qui précède, des doutes entourant la réalité de l’incident du 28 février et de la possibilité pour l’AHCC de mettre en œuvre d’autres mesures moins contraignantes, telle qu’une période de suivi intense avec, à l’issue, une nouvelle évaluation des aptitudes de la requérante à exercer la fonction de puéricultrice au sein des crèches de la Commission, il convient de conclure que, au regard de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, la décision de licenciement de la requérante avant la fin de sa période de stage dépassait les limites de ce qui était approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, qu’il existait d’autres mesures appropriées moins contraignantes et ne présentant pas des inconvénients démesurés par rapport aux buts visés et que, par suite, la décision de licenciement présente un caractère manifestement inapproprié par rapport à l’objectif poursuivi.
48 Il en résulte que la décision de licenciement est entachée d’une violation du principe de proportionnalité, de sorte qu’il y a lieu de l’annuler, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens.
Sur les demandes en indemnité
49 À l’appui de ses conclusions indemnitaires, la requérante fait valoir qu’elle a subi un préjudice moral du fait de la décision de licenciement, lequel préjudice ne serait pas intégralement réparé par l’annulation de la décision attaquée. Elle aurait notamment été exposée à un état de stress et revendique, pour ce motif, un montant de 5 000 euros.
50 La requérante revendique également un montant de 5 000 euros en raison du préjudice moral résultant de l’atteinte à sa réputation et à son honorabilité ainsi qu’un montant de 10 000 euros en raison du préjudice résultant de la détérioration de son état de santé.
51 Par ailleurs, la requérante revendique, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait que l’annulation de la décision de licenciement ne serait pas la meilleure façon de sanctionner les manquements de la Commission, un montant de 58 900 euros en raison du préjudice matériel correspondant à la perte de revenu qu’elle pouvait raisonnablement attendre sur une période de deux ans, moins les revenus perçus dans l’intervalle.
52 La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires.
53 Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de l’administration suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42 et jurisprudence citée).
54 S’agissant du préjudice moral, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité, tel que la décision de licenciement, constitue, en elle-même, la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé. Tel ne saurait toutefois être le cas lorsque le requérant démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131 ; du 19 mai 2015, Brune/Commission, F‑59/14, EU:F:2015:50, point 80, et du 16 juillet 2015, Murariu/AEAPP, F‑116/14, EU:F:2015:89, point 150).
55 Or, en l’espèce, il convient de constater que les préjudices moraux dont se prévaut la requérante, ainsi que le préjudice résultant de la détérioration de son état de santé, sont directement liés à l’illégalité de la décision de licenciement, laquelle était entachée d’une violation du principe de proportionnalité. La requérante ne démontre pas en quoi lesdits préjudices seraient insusceptibles d’être intégralement réparés par l’annulation de la décision de licenciement dans laquelle ils trouveraient leur cause.
56 Dans ces conditions, et au vu de la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus, le Tribunal estime que lesdits préjudices sont réparés de manière adéquate et suffisante par l’annulation de la décision de licenciement. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à la réparation de ces préjudices.
57 S’agissant du préjudice matériel, force est de constater que la requérante en demande l’indemnisation uniquement à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal n’aurait pas annulé la décision de licenciement. Dès lors qu’il a été fait droit à une telle demande d’annulation, il n’y a pas lieu de statuer sur ledit préjudice.
Sur les dépens
58 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
59 En l’espèce, la Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Commission européenne du 25 juillet 2018 ayant pour objet le licenciement de BZ est annulée.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission est condamnée aux dépens.
Spielmann | Forrester | Spineanu-Matei |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 janvier 2020.
Signatures
* Langue de procédure : le français.
© European Union
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