BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Portugal v Commission (FEAGA - Judgment) French Text [2020] EUECJ T-38/19 (08 July 2020)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T3819.html
Cite as: EU:T:2020:325, ECLI:EU:T:2020:325, [2020] EUECJ T-38/19

[New search] [Contents list] [Help]


DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

8 juillet 2020 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Non-respect des règles de la conditionnalité – Tolérance et clémence en matière de sanctions – Correction financière forfaitaire – Évaluation du préjudice financier pour l’Union – Proportionnalité – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑38/19,

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, Mme P. Barros da Costa, M. J. Saraiva de Almeida et Mme P. Estêvão, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Rechena et A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2018/1841 de la Commission, du 16 novembre 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 298, p. 34),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, L. Truchot et M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Du 19 au 23 octobre 2015, la Commission européenne a effectué une enquête, portant la référence XC/2015/012/PT, afin de vérifier la bonne application par la République portugaise de règles relatives à la conditionnalité dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité prévue par l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549).

2        Par lettre du 19 janvier 2016, la Commission a communiqué à la République portugaise ses conclusions à la suite de son enquête, conformément à l’article 34, paragraphe 2, de son règlement d’exécution (UE) no 908/2014, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59).

3        Dans cette lettre, la Commission a identifié un premier groupe de dysfonctionnements dans le système de contrôle de la conditionnalité portugais concernant le « champ d’application et [la] qualité des contrôles sur place » (ci-après le « premier groupe de dysfonctionnements »). En particulier, la Commission a constaté que la vérification du respect, d’une part, d’un certain nombre d’exigences réglementaires en matière de gestion (ci-après les « ERMG ») et, d’autre part, des normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales des terres concernant la « [r]otation de cultures », n’avait pas été effectuée de manière complète par les autorités de contrôle entre 2013 et 2015.

4        La Commission a identifié un second groupe de dysfonctionnements relatif à l’« application correcte de sanctions administratives et [d’]exclusions » (ci-après le « second groupe de dysfonctionnements »). La Commission a constaté, en substance, que le système de sanctions en cas de violation de certaines ERMG n’avait pas imposé un niveau de réductions approprié entre 2013 et 2016.

5        En particulier, la Commission a constaté six situations dans lesquelles des violations des ERMG no 7 (identification et enregistrement des bovins)  et no 8 (identification et enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine) étaient tolérées, en ce sens qu’elles n’étaient pas considérées comme des cas de non-respect de ces ERMG dans la grille d’analyse des inspecteurs, en violation de l’article 71, paragraphe 1, de son règlement (CE) no 1122/2009, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65).

6        La Commission a également constaté l’existence de défaillances dans la grille d’analyse des inspecteurs qui avaient empêché de sanctionner au taux de 5 % des cas graves de violation des ERMG nos 1 et 5 (oiseaux et habitats), 4 (nitrates), 7 (identification et enregistrement de bovins), 16 (bien-être des veaux), 17 (bien-être des porcs) et 18 (bien-être des animaux). Dans les exemples mentionnés par la Commission, la violation d’un nombre important d’éléments de contrôle (60 %) d’une seule et unique ERMG n’avait pas conduit à l’application d’une sanction excédant le taux normal de 3 %. La Commission s’est également référée aux statistiques de contrôle de la conditionnalité présentées par les autorités portugaises pour les années 2013 et 2014 qui, selon elle, confirmaient que le système de sanctions appliqué au Portugal limitait fortement la possibilité d’appliquer une sanction de 5 %. La Commission a qualifié cette défaillance de « clémence ». Elle a conclu que le système d’évaluation et de sanction ne reflétait pas suffisamment la « gravité », l’« étendue » et la « persistance » des cas de non-respect, tel que cela est prévu notamment par l’article 24 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16).

7        Par lettre du 5 avril 2016, la République portugaise a contesté les conclusions de la Commission.

8        Le 28 juin 2016, une réunion bilatérale entre la Commission et la République portugaise a eu lieu, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014. Le procès-verbal de cette réunion a été transmis par la Commission à la République portugaise par lettre du 22 août 2016.

9        La République portugaise a formulé des observations par lettre du 28 septembre 2016.

10      Le 3 avril 2017, la Commission a communiqué ses conclusions à la République portugaise, conformément à l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014.

11      Étant en désaccord avec les conclusions de la Commission, la République portugaise a adressé, par lettre du 22 mai 2017, une demande de conciliation motivée au secrétariat de l’organe de conciliation, sur la base de l’article 40, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014.

12      Par lettre du 1er août 2017, la Commission s’est prononcée sur la demande de conciliation. Les autorités portugaises ont répondu par lettre du 11 septembre 2017.

13      Le 2 octobre 2017, l’organe de conciliation a communiqué son rapport.

14      Sur la base d’une suggestion de l’organe de conciliation, la République portugaise a communiqué, par lettre du 17 octobre 2017, des calculs aux fins de l’application d’une correction financière ponctuelle pour l’année 2016 (exercice financier 2017).

15      À la suite de cette communication, la Commission a adressé à la République portugaise, le 9 février 2018, une lettre contenant une nouvelle proposition de correction financière.

16      La République portugaise a envoyé des observations et des informations complémentaires par lettre du 26 mars 2018.

17      La Commission a communiqué à la République portugaise sa position définitive par lettre du 23 août 2018.

18      Les motifs des corrections financières effectuées par la Commission ont été résumés dans le rapport de synthèse du 23 octobre 2018 (ci-après le « rapport de synthèse »).

19      Concernant le premier groupe de dysfonctionnements, la Commission a confirmé l’existence de défaillances dans le champ d’application et la qualité des contrôles effectués sur place concernant les ERMG no 2 (eaux souterraines), no 7, no 8, no 9 (éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles), no 11 (législation alimentaire), no 16, no 17 et no 18 ainsi que les normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales des terres concernant la « [r]otation de cultures ».

20      Concernant le second groupe de dysfonctionnements, relatif aux sanctions, la Commission a confirmé l’existence de tolérances admises en cas de non-respect des ERMG nos 7 et 8 entre 2013 et 2015 et d’un système clément de sanctions concernant les ERMG nos 1, 4, 5, 16 et 17 entre 2013 et 2016.

21      S’agissant de la détermination du montant de la correction financière, la Commission a accepté dans le rapport de synthèse les calculs des autorités portugaises concernant une partie des corrections.

22      D’une part, la Commission a admis le calcul du risque correspondant aux tolérances constatées dans les années 2013 et 2014, estimé par les autorités portugaises à 23 405,16 euros pour 2013 et à 167 943,17 euros pour 2014.

23      D’autre part, la Commission a admis le calcul du risque correspondant à la clémence du système de sanctions constatée au cours de l’année 2016. Selon ce calcul, ce risque s’élevait à 152 766,08 euros.

24      Pour les autres déficiences, la Commission a constaté l’absence de données fiables fournies par les autorités portugaises. Dans ces conditions, elle a proposé d’appliquer une correction forfaitaire sur la base des critères établis, d’une part, à l’article 12, paragraphe 6, de son règlement délégué (UE) no 907/2014, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18), et, d’autre part, dans les lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes, telles qu’elles figurent dans sa communication C(2015) 3675 final, du 8 juin 2015 (ci-après les « lignes directrices de 2015 »).

25      Dans le cadre de l’évaluation de la correction forfaitaire, la Commission a proposé d’appliquer un taux de correction de 5 % au montant correspondant au risque pour les fonds, défini, conformément aux lignes directrices de 2015, comme équivalent à 10 % des paiements totaux directs versés aux bénéficiaires des aides soumises aux règles de conditionnalité concernées dans les années 2013 à 2015 (exercices financiers 2014 à 2016).

26      La Commission a constaté que cette correction forfaitaire visait la même population que celle concernée par les tolérances de contrôle constatées pour les ERMG nos 7 et 8 au cours des années 2013 et 2014. Dans ces conditions, le calcul du risque proposé par les autorités portugaises pour ces tolérances et accepté par la Commission au cours de la procédure a été « absorbé » par la correction forfaitaire.

27      Sur la base de ces éléments, la Commission a écarté du financement de l’Union européenne, au titre de la conditionnalité, un montant total de 8 703 417,29 euros. Ce montant inclut la correction forfaitaire calculée pour les années 2013 à 2015 (exercices financiers 2014 à 2016) et la correction ponctuelle, fondée sur les calculs des autorités portugaises, pour l’année 2016 (exercice financier 2017).

28      Ce montant a été repris dans la décision d’exécution (UE) 2018/1841 de la Commission, du 16 novembre 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 298, p. 34, ci-après la « décision attaquée »). Pour l’évaluation du montant écarté, la Commission a renvoyé dans la décision attaquée au rapport de synthèse.

 Procédure

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2019, la République portugaise a introduit le présent recours.

30      Le 2 avril 2019, la Commission a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

31      La République portugaise n’a pas déposé de réplique dans le délai qui lui était imparti en application de l’article 83, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.

32      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2019, la République portugaise a demandé la tenue d’une audience sur la base de l’article 106 du règlement de procédure.

33      Par décision du 16 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

34      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre avant l’audience. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti

35      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 mars 2020.

36      La République portugaise conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a écarté du financement de l’Union le montant de 8 703 417,29 euros correspondant à des dépenses déclarées par elle dans le cadre de la conditionnalité au cours des exercices financiers 2014 à 2016 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République portugaise aux dépens.

 En droit

38      Dans la requête, la République portugaise a, en substance, invoqué trois moyens. Par son premier moyen, elle conteste les déficiences du système de sanctions identifiées par la Commission. Par son deuxième moyen, elle conteste la prise en compte, dans le calcul du risque pour les fonds, des aides perçues par l’ensemble des bénéficiaires auxquels s’appliquaient les règles de conditionnalité concernées et pas uniquement par ceux qui faisaient partie des échantillons de contrôle. Par son troisième moyen, avancé à titre subsidiaire, elle dénonce l’imprécision technique des lignes directrices de 2015 ayant conduit à la fixation erronée d’un taux de sanction de 10 % dans le cadre du calcul du risque pour les fonds.

39      Dans sa demande d’audience du 17 juin 2019, la République portugaise souligne que la Commission a omis de mentionner dans la décision attaquée certains calculs qu’elle avait effectués dans le cadre de la détermination du risque pour les fonds.

40      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge des fonds certaines dépenses pour cause de violation des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, il lui appartient non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles-ci, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes des fonds, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, points 8 et 9 et jurisprudence citée).

41      Ainsi, il y a lieu, pour le Tribunal, de vérifier si l’État membre concerné a démontré l’inexactitude des appréciations de la Commission ou l’absence de risque de perte ou d’irrégularité pour les fonds sur la base de l’application d’un système de contrôle fiable et efficace (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, T‑243/05, EU:T:2007:270, point 58 et jurisprudence citée).

 Sur le grief avancé par la République portugaise dans sa demande d’audience

42      Dans sa demande d’audience, la République portugaise rappelle que, au cours de la procédure devant la Commission, elle avait calculé le risque pour les fonds concernant les défaillances relatives à la prétendue tolérance et que ce calcul avait été accepté par la Commission pour les années 2013 à 2015. La République portugaise se pose la question de savoir pourquoi une telle évaluation n’apparaît pas dans la décision attaquée. Selon la République portugaise, la Commission a modifié sa position par rapport à celle qu’elle exprimait dans ses lettres du 3 avril et du 1er août 2017.

43      Ce grief de la République portugaise a été avancé pour la première fois dans la demande d’audience et ne constitue pas l’ampliation d’un des moyens exposés dans la requête. En effet, ces moyens portent sur d’autres aspects de la décision attaquée. Par ailleurs, ce grief ne résulte d’aucun élément de droit ou de fait révélé durant la procédure devant le Tribunal. Par conséquent, il doit être déclaré irrecevable, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure.

44      En tout état de cause, le grief avancé par la République portugaise ne saurait être accueilli au vu des documents du dossier. Certes, il ressort des lettres du 3 avril et du 1er août 2017 que la Commission a accepté les calculs présentés par les autorités portugaises correspondant au risque pour les fonds lié aux tolérances constatées entre 2013 et 2015. Toutefois, la Commission a également indiqué que ces calculs devaient être « absorbés » par la correction forfaitaire, dans la mesure où cette correction concernait la même population de bénéficiaires. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la République portugaise, la Commission n’a pas changé de position lorsqu’elle n’a pas imposé dans la décision attaquée une correction ponctuelle pour les années 2013 à 2015, fondée sur les calculs des autorités portugaises.

 Sur le premier moyen, relatif aux déficiences du système de sanctions identifiées par la Commission

45      Dans le cadre du premier moyen, la République portugaise conteste les conclusions de la Commission concernant les déficiences du système de sanctions. Elle invoque, à ce titre, une violation de l’article 24 du règlement no 73/2009, de l’article 54, paragraphe 1, sous c), second alinéa, du règlement no 1122/2009 et de l’article 71 de ce dernier règlement.

46      En particulier, s’agissant de la « tolérance » identifiée par la Commission concernant les sanctions applicables en cas de non-respect des ERMG nos 7 et 8, la République portugaise rappelle que, conformément à l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 et à l’article 54, paragraphe 1, sous c), second alinéa, du règlement no 1122/2009, les États membres peuvent décider de ne pas appliquer de réduction en cas de non-conformité mineure et qu’ils peuvent, en outre, prévoir une marge de tolérance permettant de ne pas donner suite au cas de non-conformité.

47      S’agissant de la prétendue « clémence » ou « indulgence » dans les sanctions applicables en cas de non-respect des ERMG nos 1, 4, 5, 16 et 17, la République portugaise fait valoir, en substance, que la réglementation de l’Union ne prévoit pas le caractère obligatoire de l’encadrement de la plupart des sanctions appliquées au niveau de 3 %. En effet, l’article 71, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009 prévoit une sanction au taux de 3 % (point de départ indicatif) avec la possibilité de réduire le pourcentage à 1 % ou de l’augmenter à 5 %.

48      La République portugaise fait valoir également que, en réponse aux exemples mentionnés par la Commission dans sa lettre du 19 janvier 2016, elle a déjà prouvé au cours de la procédure administrative l’existence de cas dans lesquels, même si le nombre d’éléments non conformes à certaines ERMG représentait moins de 50 % du nombre total d’éléments de contrôle, un taux de sanction de 5 % avait été appliqué. Ainsi, la gravité, l’étendue et la persistance des cas de non-respect auraient été correctement évaluées.

49      Au cours de l’audience, la République portugaise a expliqué qu’elle n’évaluait pas la gravité des cas de non-respect en fonction uniquement du nombre d’éléments en situation de non-respect par rapport au total des éléments exigés. En effet, l’importance de chaque élément était pondérée dans le cadre de l’analyse des inspecteurs, ce qui expliquait pourquoi, dans certains cas, le non-respect de moins de la moitié des éléments avait conduit à l’imposition d’une sanction de 5 %. Les exemples présentés par les autorités portugaises au cours de la procédure administrative en témoigneraient. La République portugaise a indiqué que cette méthode d’évaluation pondérée avait été expliquée en détail à la Commission dans sa lettre du 22 mai 2017. La République portugaise a précisé que cette pondération tenait aussi compte du plafond maximal final de 5 % de sanction pour négligence prévu à l’article 71, paragraphe 4, du règlement no 1122/2009.

50      La Commission conteste les arguments de la République portugaise.

51      En réponse à une question du Tribunal posée au cours de l’audience, la Commission a ajouté que le premier moyen était inopérant car le premier groupe de défaillances identifié dans la décision attaquée, non contesté par la République portugaise, justifierait, à lui seul, l’imposition de la correction financière contestée dans le cadre du présent recours. Ainsi, même si le premier moyen devait être accueilli, la décision attaquée ne serait pas annulée. En réponse à la même question du Tribunal, la République portugaise a affirmé au cours de l’audience qu’elle contestait l’ensemble des défaillances constatées par la Commission.

52      À cet égard, il y a lieu de constater que la République portugaise n’a contesté dans le cadre du présent recours que le second groupe de dysfonctionnements identifié par la Commission, relatif aux sanctions. Toutefois, ni en réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, ni au cours de l’audience, la Commission n’a fourni d’élément permettant d’établir que le niveau de correction imposé pouvait être justifié sur la seule base du premier groupe de dysfonctionnements.

53      Dans ces circonstances, le Tribunal examinera le bien-fondé du premier moyen.

54      S’agissant, en premier lieu, de la « tolérance » identifiée par la Commission dans le cadre des contrôles mis en place pour les ERMG nos 7 et 8, il y a lieu de constater que la République portugaise se limite à rappeler, de manière générale, la possibilité pour les États, dans des cas dûment justifiés, de ne pas appliquer de réductions dans les cas de non-respect mineurs. Toutefois, la République portugaise ne conteste pas que les six situations identifiées par la Commission dans le rapport de synthèse étaient constitutives de violations des ERMG nos 7 et 8, mais n’avaient pas été considérées dans la grille d’analyse des inspecteurs comme étant des cas de non-respect. Ces violations n’étaient donc pas répertoriées ni enregistrées par les autorités de contrôle. Dans ces conditions, c’est à bon droit que la Commission a considéré que la gravité, l’étendue et surtout la persistance de ce type de violations ne pouvaient pas être évaluées conformément à l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 73/2009.

55      S’agissant, en second lieu, du constat de « clémence » dans le cadre des violations des ERMG nos 1, 4, 5, 16 et 17, il convient de relever que, contrairement à ce que la République portugaise fait valoir, la Commission n’a jamais affirmé au cours de la procédure administrative que la majorité des sanctions appliquées devraient être égales à 3 %.

56      En effet, la Commission a constaté en l’espèce l’existence de déficiences dans la grille d’évaluation, qui contenait des limitations en ce qui concerne les options disponibles pour les inspecteurs. Dans les exemples retenus par la Commission, ces déficiences avaient conduit à l’imposition d’une sanction de 3 % aux cas dans lesquels plus de 60 % des éléments de contrôle d’une seule ERMG n’étaient pas respectés.

57      Comme la Commission l’a souligné au cours de l’audience en réponse à une question du Tribunal, ces exemples étaient suffisamment représentatifs, dès lors qu’ils concernaient cinq ERMG relatives à différents domaines, à savoir les ERMG nos 1 et 5 (oiseaux et habitats), 4 (nitrates), 16 (bien-être des veaux) et 17 (bien-être des porcs), sur un total de dix-huit.

58      S’agissant du système de pondération d’éléments expliqué par la République portugaise lors de l’audience, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la gravité de certains cas de non-respect, sanctionnés pourtant par un taux de 3 %, démontrait que cette pondération ne garantissait pas un niveau de sanction conforme à l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 73/2009. Ainsi que l’a indiqué la Commission dans ses lettres du 19 janvier 2016 et du 1er août 2017, le non-respect de 9 des 10 éléments de contrôle de l’ERMG no 4 n’avait pas conduit à l’imposition d’une sanction de 5 %. De même, des agriculteurs qui ne remplissaient aucun des critères des ERMG nos 16 et 17 se sont vu imposer uniquement des sanctions de 3 %.

59      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, relatif à la prise en compte, aux fins du calcul du risque pour les fonds, des aides perçues par l’ensemble des bénéficiaires auxquels s’appliquaient les règles de conditionnalité concernées

60      Dans le cadre du deuxième moyen, articulé autour de deux branches, la République portugaise fait valoir que la prise en compte par la Commission, aux fins du calcul du risque pour les fonds, des aides perçues par l’ensemble des bénéficiaires soumis aux règles de conditionnalité concernées entraîne plusieurs violations.

61      Selon la première branche de ce moyen, cette prise en compte violerait, premièrement, l’article 52 du règlement no 1306/2013 ; deuxièmement, le document de travail DS/2010/29 REV concernant la conditionnalité, qui vise à clarifier les résultats des contrôles basés sur un échantillon aléatoire ou un échantillon de risque et devant être pris en compte dans la détermination du nombre de contrôles (ci-après le « document de travail DS/2010/29 REV ») ; troisièmement, le chapitre 4 des lignes directrices de 2015 ; quatrièmement, l’article 50 du règlement no 1122/2009 et, cinquièmement, le principe de confiance légitime.

62      Selon la seconde branche, cette prise en compte violerait le principe de proportionnalité.

63      Les deux branches portant sur le même aspect de la décision attaquée, il convient de les regrouper et de les examiner ensemble.

64      La République portugaise fait valoir que, ainsi qu’il ressort des lignes directrices de 2015, les règles relatives à la conditionnalité ne constituent pas des règles d’admissibilité pour l’octroi d’une aide, mais un ensemble d’obligations imposées aux bénéficiaires dont le non-respect est sanctionné. Dès lors, le risque pour les fonds n’est en principe pas évalué sur la base du risque résultant de dépenses non admissibles, mais sur la base du risque de préjudice financier résultant uniquement de la non-application de sanctions. Ainsi, la correction financière ne pourrait pas s’appliquer en l’espèce à l’ensemble des bénéficiaires des aides soumises à la conditionnalité, mais uniquement au pourcentage de bénéficiaires contrôlés dans la mesure où seuls ces derniers peuvent faire l’objet d’une sanction. Conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009, le taux de contrôle minimal par les autorités de contrôle compétentes serait de 1 % des agriculteurs ayant présenté des demandes d’aide.

65      La République portugaise souligne que le non-respect par un agriculteur des exigences en matière de conditionnalité qui a été détecté lors d’un contrôle donne lieu à des sanctions individuelles. Ces sanctions ne feraient l’objet d’aucune extrapolation au-delà de l’échantillon contrôlé. Contrairement à ce que la Commission prétend, ce système serait valable aussi bien pour les systèmes de contrôles parfaits des États que pour ceux qui présentent des déficiences.

66      Pour ces derniers, selon la République portugaise, il pourrait être accepté que, conformément à l’article 50, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009, l’échantillon de contrôle soit revu à la hausse en raison des contrôles considérés comme inadéquats, portant l’échantillon au-delà de 1 %. Cela serait conforme au document de travail DS/2010/29 REV, relatif à l’application de cette disposition. Il ressortirait de ce document que, dans le pire des scénarios, le taux maximal applicable serait de 20 % des agriculteurs relevant de l’ensemble de l’échantillon de contrôle légalement obligatoire (1 %). Le changement de position de la Commission par rapport à ce document de travail violerait le principe de confiance légitime.

67      Enfin, la République portugaise fait valoir que le préjudice réel pour l’Union a été surestimé et est donc disproportionné, en violation de l’article 5 TUE. D’une part, selon cette estimation, ce préjudice serait, à tout le moins, cinq fois supérieur à ce qu’il aurait dû être. D’autre part, pour la grande majorité des bénéficiaires contrôlés, aucune situation de non-respect n’aurait été constatée. Or, partant du postulat que les réductions auraient dû s’appliquer uniquement aux bénéficiaires de l’échantillon de contrôle (1 %), la correction financière appliquée dans la décision attaquée reviendrait à considérer que tous ces bénéficiaires se trouvaient en situation de non-respect et qu’ils ont été sanctionnés à un taux de 50 %.

68      La Commission conteste les arguments avancés par la République portugaise. En particulier, la Commission souligne que, dans l’arrêt du 26 septembre 2018, Portugal/Commission (T‑463/16, non publié, EU:T:2018:606), le Tribunal a déjà examiné et rejeté un moyen similaire avancé par la République portugaise dans le cadre d’une affaire concernant également le contrôle de la conditionnalité.

69      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, la Commission observe que l’analyse du Tribunal dans l’arrêt du 26 septembre 2018, Portugal/Commission (T‑463/16, non publié, EU:T:2018:606), a été validée par la Cour dans son arrêt du 20 novembre 2019, Portugal/Commission (Corrections financières dans le cadre du FEAGA et du Feader) (C‑737/18 P, EU:C:2019:991).

70      En réponse à la même mesure d’organisation de la procédure et au cours de l’audience, la République portugaise fait valoir que, dans la présente affaire, elle avance un argument qui n’a pas été examiné par le Tribunal, ni par la Cour, dans le cadre des affaires T‑463/16 et C‑737/18 P. Selon cet argument, la Commission aurait dû prendre en compte pour le calcul du risque pour les fonds 20 % au maximum des paiements aux bénéficiaires soumis à la conditionnalité, dans le respect du document de travail DS/2010/29 REV et du principe de proportionnalité.

71      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 septembre 2018, Portugal/Commission (T‑463/16, non publié, EU:T:2018:606), la République portugaise a avancé un moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l’article 31 du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1) (remplacé par l’article 52 du règlement no 1306/2013). Dans le cadre de ce moyen, la République portugaise faisait valoir que la base de calcul de la correction infligée ne devait pas être l’ensemble des bénéficiaires des aides soumis à la conditionnalité, mais uniquement les bénéficiaires effectivement contrôlés. Au soutien de ce moyen, la République portugaise avançait des arguments semblables à ceux avancés en l’espèce.

72      En réponse à ce moyen, le Tribunal indique que, s’il est vrai que le risque couru par les fonds correspond, en principe, aux sanctions non appliquées pour le non-respect des exigences en matière de conditionnalité et que ce risque est, en principe, limité à l’échantillon de contrôle tel qu’il a été défini notamment aux articles 50 et 51 du règlement no 1122/2009, cela ne vaut que si le système de contrôle des exigences en matière de conditionnalité mis en place par l’État membre est efficace. En effet, seul un tel système permet de contrôler le respect des exigences par les agriculteurs inclus dans l’échantillon de contrôle sur place et d’élargir cet échantillon si nécessaire, dans l’hypothèse où les contrôles auraient fait apparaître des cas significatifs de non-conformité (arrêt du 26 septembre 2018, Portugal/Commission, T‑463/16, non publié, EU:T:2018:606, point 42).

73      En revanche, dans l’hypothèse où le système de contrôle est défaillant, un État membre ne peut garantir le contrôle et le respect des règles établies par les règlements nos 73/2009 et 1122/2009 et il n’est donc pas possible de s’assurer que le risque pour les fonds est limité à l’échantillon de contrôle (arrêt du 26 septembre 2018, Portugal/Commission, T‑463/16, non publié, EU:T:2018:606, point 43).

74      C’est précisément pour tenir compte de cette situation que la Commission a prévu, dans les lignes directrices de 2015, que le risque pour les fonds puisse s’étendre au-delà des agriculteurs ayant été contrôlés (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Portugal/Commission, T‑463/16, non publié, EU:T:2018:606, point 45).

75      Sur cette base notamment, le Tribunal a conclu à l’absence de violation du principe de proportionnalité et de l’article 31 du règlement no 1290/2005.

76      Sur pourvoi, la Cour a confirmé que la notion d’« agriculteurs devant être contrôlés », prévue dans le document AGRI-2005-64043 de la Commission, du 9 juin 2006, et reprise dans les lignes directrices de 2015, ne saurait être entendue comme comprenant seulement les agriculteurs qui ont été effectivement contrôlés par les autorités nationales [arrêt du 20 novembre 2019, Portugal/Commission (Corrections financières dans le cadre du FEAGA et du Feader), C‑737/18 P, EU:C:2019:991, point 50].

77      À la lumière de ces éléments, la Commission pouvait, à bon droit, prendre en compte en l’espèce la totalité des bénéficiaires soumis aux règles de conditionnalité concernées dans le cadre du calcul du risque pour les fonds et pas uniquement ceux inclus dans l’échantillon de contrôle. La décision attaquée ne viole donc sur ce point ni l’article 52 du règlement no 1306/2013, ni le chapitre 4 des lignes directrices de 2015, ni l’article 50 du règlement no 1122/2009, ni le principe de proportionnalité.

78      Les griefs spécifiques avancés par la République portugaise dans le cadre du présent recours, tirés du document de travail DS/2010/29 REV, ne remettent pas en cause cette analyse.

79      En effet, le document de travail DS/2010/29 REV se limite à préciser la manière dont l’échantillon de contrôle doit être augmenté par les autorités nationales en application de l’article 50 du règlement no 1122/2009.

80      Or, ainsi que la Cour l’a rappelé, l’article 50 du règlement no 1122/2009 ne régit pas le calcul du taux de correction que la Commission impose aux États membres, notamment à ceux dont les systèmes de contrôles sont défaillants [arrêt du 20 novembre 2019, Portugal/Commission (Corrections financières dans le cadre du FEAGA et du Feader), C‑737/18 P, EU:C:2019:991, point 47]. En effet, cette disposition définit uniquement la manière dont les autorités nationales compétentes doivent effectuer des contrôles sur place concernant la conditionnalité sur la base d’un échantillon. Le paragraphe 1 de cette disposition prévoit que cet échantillon porte « sur au moins 1 % » de l’ensemble des agriculteurs ayant présenté des demandes d’aide. Le paragraphe 3 impose des ajustements à la hausse de cet échantillon lorsqu’un niveau significatif de non-conformité des agriculteurs est constaté.

81      L’argument soulevé par la République portugaise, dénonçant, sur la base du document de travail DS/2010/29 REV, une violation du principe de confiance légitime et du principe de proportionnalité, ne saurait donc être accueilli.

82      Sur la base des considérations qui précèdent, le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, relatif à l’imprécision technique des lignes directrices de 2015 qui aurait conduit à la fixation erronée d’un taux de sanction de 10 %

83      Dans le cadre du troisième moyen, tiré d’une erreur de droit et de la violation du principe de proportionnalité, la République portugaise dénonce l’existence de certaines imprécisions techniques dans les lignes directrices de 2015 qui auraient conduit la Commission à déterminer, à tort, un taux de sanction de 10 % dans le cadre du calcul du risque pour les fonds.

84      La République portugaise rappelle que ce taux est fixé dans les lignes directrices de 2015 et correspond à la moyenne arithmétique entre les sanctions administratives applicables aux bénéficiaires en cas de négligence (réductions de 3 %, 9 %, 15 %), qui est de 9 %. Le taux est ramené à 10 % dans les lignes directrices de 2015 pour prendre en compte une part minimale de non-conformité intentionnelle, sanctionnée avec une réduction de 20 %.

85      La République portugaise considère que les prémisses qui conduisent à l’application d’un taux de 10 % dans le cadre de la conditionnalité ne sont pas proportionnelles car elles ne correspondent en rien à la réalité.

86      Au soutien de son affirmation, la République portugaise présente deux graphiques, constitués sur la base des données statistiques transmises à la Commission pour les années 2013 à 2017.

87      Le premier graphique illustrerait le type de sanctions qui ont été imposées aux cas de non-conformité qui ont été identifiés entre 2013 et 2017. Il ressortirait de ces données que plus de 85 % des cas de non-conformité ont été sanctionnés par les autorités portugaises avec un taux de 3 %. Il en ressortirait également que les cas de non-conformité répétée, qui peuvent impliquer un taux de sanction allant de 9 % à 15 %, ne dépasseraient pas 13 % et que les cas de non-conformité intentionnelle, qui donnent lieu à des sanctions égales ou supérieures à un taux de 20 %, ne représenteraient pas plus de 1 % des cas de non-conformité. À la lecture de ces valeurs, le taux moyen de la conditionnalité qui en résulte se situerait sous les 5 % (moins de 4,4 %) au lieu des 10 %.

88      Le second graphique présenté par la République portugaise illustrerait la tendance « linéaire » résultant de l’application de la moyenne arithmétique imposée par la Commission dans la décision attaquée sur la base des lignes directrices de 2015. Cette moyenne, non pondérée, conduit à considérer que le nombre de bénéficiaires contrôlés et se trouvant en situation de non-conformité est identique pour chaque type de sanction (3 %, 9 %, 15 % et 20 %), ce qui ne correspondrait pas à la réalité.

89      La République portugaise en conclut que l’application du taux imposée dans la décision attaquée est surévaluée de plus du double, en violation du principe de proportionnalité.

90      La Commission rejette les arguments avancés par la République portugaise.

91      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, la Commission ajoute que ni les graphiques ni l’analyse faite par la République portugaise dans la requête n’ont été présentés pendant la procédure administrative. Or, les États membres sont tenus de communiquer les moyens pertinents à la Commission jusqu’à l’adoption de la décision au plus tard, mais ne peuvent le faire après la clôture de la procédure administrative.

92      En réponse à la même mesure d’organisation de la procédure, la République portugaise indique que, par l’analyse des données de base qui ont servi à l’élaboration des statistiques de contrôle de la conditionnalité transmises à la Commission, les autorités portugaises ont recueilli et traité les informations nécessaires au calcul d’un taux moyen de sanction pondéré en matière de conditionnalité ne dépassant pas 5 %, dont les résultats sont exprimés dans les graphiques présentés dans la requête. Toutefois, les documents qui présentent le calcul de ce taux n’ont pas été transmis par les autorités portugaises au cours de l’enquête. La République portugaise estime cependant que la Commission aurait pu et dû demander aux États membres les données de base sous‑jacentes à l’élaboration des statistiques de contrôle de la conditionnalité, ce qui lui aurait permis de déterminer un taux moyen de sanction pondéré conforme à l’évaluation réelle du risque pour les fonds, au lieu de fonder l’évaluation de ce risque sur un taux de sanction résultant d’une moyenne arithmétique.

93      À cet égard, il convient de rappeler la nature de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. Préalablement à la décision finale de la Commission sur l’évaluation des montants à écarter, l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014 prévoit un système complexe et détaillé devant être respecté par l’État membre et par la Commission. La communication par la Commission des résultats des vérifications et des mesures correctives à considérer sert de base pour la procédure administrative et en fixe le cadre. L’État membre a l’occasion de faire valoir ses commentaires dans la réponse écrite et lors de la réunion bilatérale prévues dans cette disposition avant que la Commission ne communique formellement ses conclusions. Ensuite, l’État membre peut encore présenter ses arguments devant l’organe de conciliation. Ce n’est qu’après l’examen du rapport de l’organe de conciliation que la Commission se prononce sur un éventuel refus de financement. Pendant la procédure administrative, l’État membre doit disposer de toutes les garanties requises pour présenter son point de vue. La procédure administrative est donc de nature complexe et est complète et, de ce fait, assure que la Commission est en mesure de prendre la décision finale sur la base de toutes les informations disponibles (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2008, Espagne/Commission, T‑60/07, non publié, EU:T:2008:485, point 99 et jurisprudence citée).

94      La légalité de cette décision doit dès lors être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Grèce/Commission, T‑46/09, EU:T:2013:32, point 149 et jurisprudence citée).

95      En l’espèce, dans sa lettre datée du 3 avril 2017, la Commission avait déjà indiqué aux autorités portugaises qu’elle envisageait d’appliquer le taux de 10 %, conformément aux lignes directrices de 2015. Les autorités portugaises n’ont cependant pas contesté ce taux dans le cadre de la procédure administrative. La République portugaise a remis en cause ce taux pour la première fois devant le Tribunal, en s’appuyant sur des éléments factuels qui n’ont pas été présentés à la Commission dans le cadre de la procédure administrative. En effet, ainsi que la République portugaise l’a reconnu, les graphiques figurant dans la requête ont été élaborés à partir des données qui ont été transmises chaque année à la Commission dans le respect de l’article 84 du règlement no 1122/2009 et non dans le cadre de la procédure ayant précédé l’adoption de la décision attaquée.

96      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir appliqué dans la décision attaquée le taux de sanction de 10 % mentionné dans les lignes directrices de 2015.

97      En tout état de cause, l’estimation que fait la République portugaise du risque pour les fonds, évaluée sur la base d’un taux de sanction inférieur à 5 %, ne saurait être admise pour deux raisons.

98      D’une part, cette estimation se fonde sur les cas de non-conformité constatés par les autorités portugaises dans le cadre de l’échantillon de contrôle prévu par l’article 50 du règlement no 1122/2009. Or, comme cela a été indiqué dans l’analyse du deuxième moyen, dans l’hypothèse où le système de contrôle est défaillant, il n’est pas possible de s’assurer que le risque pour les fonds est limité à cet échantillon.

99      D’autre part, en raison des déficiences du système de contrôle, les données présentées dans les graphiques ne représentent pas le niveau de sanction réel qui aurait dû être imposé aux agriculteurs contrôlés dans le cadre de l’échantillon pendant ces années. En effet, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier moyen, il existe plusieurs cas dans lesquels les autorités portugaises n’ont pas sanctionné la première occurrence d’une non-conformité pour des raisons de tolérance. En conséquence, les inspecteurs n’ont pas pu détecter des cas de non-conformité répétés qui méritent une sanction plus élevée, ni augmenter la taille de l’échantillon de contrôle sur la base des non-conformités constatées. De même, certaines infractions graves ont été sanctionnées uniquement sur la base d’un taux de 3 %, et non de 5 %.

100    La République portugaise n’a donc pas démontré que le risque pour les fonds avait été surévalué, en violation du principe de proportionnalité.

101    À la lumière de ce qui précède, le troisième moyen et, partant, le recours dans son intégralité doivent être rejetés.

  Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

103    La République portugaise ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République portugaise est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Truchot

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T3819.html