Italy v Commission (Judgment) French Text [2020] EUECJ T-437/16 (09 September 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T43716.html
Cite as: [2020] EUECJ T-437/16, EU:T:2020:410, ECLI:EU:T:2020:410

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ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

9 septembre 2020 (*)

« Régime linguistique – Avis de concours général pour le recrutement d’administrateurs dans le domaine de l’audit – Connaissances linguistiques – Limitation du choix de la deuxième langue du concours à l’allemand, à l’anglais et au français – Langue de communication – Règlement no 1 – Article 1er quinquies, paragraphe 1, article 27 et article 28, sous f), du statut – Discrimination fondée sur la langue – Justification – Intérêt du service – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑437/16,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Gattinara et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’avis de concours général EPSO/AD/322/16, pour la constitution de listes de réserve d’administrateurs dans le domaine de l’audit (AD 5/AD 7) (JO 2016, C 171 A, p. 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 12 mai 2016, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), créé en vertu de la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002 (JO 2002, L 197, p. 53), a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/322/16, pour la constitution de listes de réserve d’administrateurs dans le domaine de l’audit (AD 5/AD 7) (JO 2016, C 171 A, p. 1, ci-après l’« avis attaqué »). Ainsi qu’il est précisé dans cet avis, à partir des listes en question, les institutions de l’Union européenne, « principalement la Commission européenne à Bruxelles et la Cour des comptes européenne à Luxembourg », recruteraient de nouveaux membres de la fonction publique de l’Union.

2        Il est également indiqué dans l’introduction de l’avis attaqué que ce dernier, accompagné des dispositions générales applicables aux concours généraux, publiées au Journal officiel de l’Union européenne du 27 février 2015 (JO 2015, C 70 A, p. 1, ci-après les « dispositions générales »), constitue le cadre juridique contraignant régissant la procédure de sélection concernée. Il y est, cependant, précisé que l’annexe II des dispositions générales, intitulée « Orientation générale du collège des chefs d’administration sur l’utilisation des langues dans le cadre des concours EPSO », ne s’applique pas à la procédure de sélection en question et est remplacée par le texte figurant à l’annexe II de l’avis attaqué.

3        Le point 1.3 des dispositions générales comporte une section intitulée « Connaissances linguistiques », qui indique ce qui suit :

« Selon le concours, il vous sera demandé d’apporter la preuve de vos connaissances des langues officielles de l’Union européenne […] En règle générale, vous devrez disposer de connaissances solides [niveau C1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECR)] dans l’une des langues officielles de l’Union […] et de connaissances satisfaisantes (niveau B2 du CECR) dans une autre. Toutefois, l’avis de concours peut imposer des exigences plus strictes (cela est notamment le cas pour les profils de linguistes). Sauf spécification contraire dans l’avis de concours, le choix de la seconde langue sera normalement limité à l’allemand, à l’anglais ou au français […]

Dans la pratique, les institutions européennes utilisent depuis longtemps l’allemand, l’anglais et le français principalement pour la communication interne, et ce sont également ces langues qui sont le plus souvent nécessaires pour communiquer avec le monde extérieur et gérer les dossiers.

Les options en matière de seconde langue pour les concours ont été définies dans l’intérêt du service et requièrent des nouvelles recrues qu’elles soient immédiatement opérationnelles et capables de communiquer efficacement dans le cadre de leurs tâches quotidiennes, sans quoi le bon fonctionnement des institutions pourrait être gravement compromis.

Pour garantir l’égalité de traitement de tous les candidats, tous – y compris ceux dont la première langue officielle est l’une des trois langues en question – doivent passer certains tests dans leur seconde langue, choisie parmi ces trois langues. Apprécier des compétences spécifiques par ce moyen permet aux institutions d’évaluer dans quelle mesure les candidats sont capables d’être immédiatement opérationnels dans un environnement qui correspond étroitement à ce que serait la réalité de leur travail. Rien de tout ceci n’affecte la possibilité d’une formation linguistique ultérieure pour que le personnel puisse travailler dans une troisième langue, comme l’exige l’article 45, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires […] »

4        Dans la partie de l’avis attaqué intitulée « Puis-je poser ma candidature ? », qui définit les conditions que les personnes intéressées doivent remplir au moment de la validation de leur candidature, il est exigé, au titre des conditions particulières d’admission, un « niveau C1 [du CECR] au minimum dans l’une des 24 langues officielles de l’Union », cette langue étant désignée comme la « langue 1 » du concours, et un « niveau B2 [du CECR] au minimum en allemand, en anglais ou en français ». Cette deuxième langue, désignée comme la « langue 2 » du concours, doit obligatoirement être différente de la langue choisie par le candidat en tant que langue 1.

5        Il y est également précisé que « [l’]acte de candidature […] doit être rempli en allemand, en anglais ou en français ».

6        Dans la même partie de l’avis attaqué, il est indiqué que « [l]a deuxième langue choisie doit être l’allemand, l’anglais ou le français », que « [c]es langues sont les principales langues de travail des institutions de l’Union […] et [qu’]il est indispensable, dans l’intérêt du service, que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans au moins l’une de ces langues dans leur travail quotidien ». Les candidats sont, à cet égard, invités à se rapporter à l’annexe II de l’avis attaqué, intitulée « Justification du régime linguistique applicable à la présente procédure de sélection », « pour plus d’informations sur l’emploi des langues requises pour ce concours ».

7        L’annexe II de l’avis attaqué comporte une partie introductive composée de six alinéas, suivie de trois points, dont le premier s’intitule « Justification du choix des langues pour chaque procédure de sélection », le deuxième « Critères applicables au choix des langues pour chaque procédure de sélection » et le troisième « Langues de communication ».

8        La partie introductive de l’annexe II de l’avis attaqué est libellée ainsi :

« Le présent concours est un concours de spécialistes organisé en vue du recrutement d’administrateurs dans le domaine de l’audit. Les conditions énoncées dans la [partie] “PUIS-JE POSER MA CANDIDATURE ?” du présent avis de concours sont conformes aux exigences principales fixées par les institutions de l’Union […] concernant les compétences, l’expérience et les connaissances spécialisées et à la nécessité que les nouveaux recrutés soient en mesure de travailler efficacement, notamment avec les autres membres du personnel.

Les candidats sont pour cette raison tenus de choisir leur deuxième langue de concours parmi un nombre limité de langues officielles de l’Union […] Cette limitation s’explique également par les contraintes budgétaires et opérationnelles et la nature des méthodes de sélection d’EPSO décrites aux points 1, 2 et 3 ci-dessous. Les exigences linguistiques du présent concours ont été adoptées par le conseil d’administration d’EPSO en tenant compte de ces facteurs et des autres exigences spécifiques liées à la nature des fonctions ou aux besoins particuliers des institutions de l’Union […]

Le présent concours a pour objectif principal de créer une réserve d’administrateurs destinés à être recrutés au sein de la Commission européenne ainsi que d’un nombre limité d’administrateurs destinés à être recrutés au sein de la Cour des comptes européenne. Une fois recrutés, il est essentiel que les administrateurs soient immédiatement opérationnels et puissent communiquer avec leurs collègues et la hiérarchie. À la lumière des critères exposés au point 2 ci-dessous concernant l’utilisation des langues dans les procédures de sélection de l’Union […], les institutions européennes estiment que, pour le présent concours, l’allemand, l’anglais et le français sont les langues les plus indiquées pour être choisies comme deuxième langue.

Compte tenu du fait que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues les plus fréquemment parlées, traduites et utilisées par le personnel des institutions de l’Union […] dans la communication administrative, les candidats doivent proposer au moins l’une d’entre elles parmi leurs deux langues obligatoires.

En outre, une bonne maîtrise de l’allemand, de l’anglais ou du français, tant pour l’analyse de la situation des entités auditées que pour des exposés, des débats et la rédaction de rapports, est jugée indispensable pour garantir l’efficacité de la coopération et des échanges d’informations avec les services audités et les autorités compétentes.

Les candidats sont tenus d’utiliser leur deuxième langue de concours (allemand, anglais ou français) pour remplir les actes de candidature électroniques et EPSO doit utiliser ces langues pour la communication de masse destinée aux candidats ayant présenté une candidature valide et pour certains tests décrits au point 3. »

9        Le point 1 de l’annexe II de l’avis attaqué, intitulé « Justification du choix des langues pour chaque procédure de sélection », énonce ce qui suit :

« Les institutions de l’Union […] estiment que la décision sur le régime linguistique applicable à chaque procédure de sélection, et, notamment, l’éventuelle limitation du choix des langues, doit être prise sur la base des considérations suivantes :

i)      La nécessité de s’assurer que les nouveaux recrutés sont immédiatement opérationnels

Les nouveaux recrutés doivent être immédiatement opérationnels et capables d’exercer les fonctions pour lesquelles ils ont été recrutés. EPSO doit donc veiller à ce que les candidats retenus possèdent une connaissance suffisante d’une combinaison de langues qui leur permettra d’exercer leurs fonctions efficacement et, en particulier, à ce qu’ils soient capables de communiquer efficacement, dans le cadre de leur travail quotidien, avec leurs nouveaux collègues qui sont déjà en service, tels que leurs pairs et leur hiérarchie.

Il peut donc être légitime d’organiser certaines épreuves dans un nombre limité de langues véhiculaires de manière à s’assurer que tous les candidats sont capables de travailler dans au moins l’une de ces langues, quelle que soit leur première langue officielle. L’absence d’une telle limitation comporterait un risque élevé qu’une part importante des lauréats ne soit pas en mesure d’effectuer dans un délai raisonnable les tâches pour lesquelles ils ont été recrutés. En outre, cela reviendrait à nier l’évidence selon laquelle les candidats à des postes au sein de la fonction publique européenne sont disposés à rejoindre une administration internationale qui, pour pouvoir fonctionner correctement et effectuer les tâches qui lui sont confiées par les traités, doit utiliser des langues véhiculaires.

ii)      La nature de la procédure de sélection

Dans certains cas, la limitation du choix des langues des candidats peut également être justifiée par la nature de la procédure de sélection.

Conformément à l’article 27 du statut des fonctionnaires, l’évaluation des candidats à laquelle EPSO procède lors des concours généraux sert à évaluer leurs compétences et à pouvoir mieux anticiper leur capacité à exercer leurs fonctions.

Le centre d’évaluation est une méthode de sélection qui consiste à évaluer les candidats de façon uniforme, sur la base de divers scénarios observés par plusieurs membres du comité de sélection. L’évaluation est effectuée conformément à un cadre de compétences prédéfini par les autorités investies du pouvoir de nomination, selon une méthode de notation commune et une procédure de prise de décision conjointe.

L’appréciation des compétences spécifiques permet ainsi aux institutions de l’Union […] d’évaluer l’aptitude des candidats à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler. De nombreuses recherches scientifiques approfondies démontrent que le recours à des centres d’évaluation qui simulent des situations professionnelles réelles est le meilleur moyen de prévoir les performances. Ces centres d’évaluation sont par conséquent utilisés partout dans le monde. Étant donné la durée des carrières et la mobilité au sein des institutions de l’Union […], une telle évaluation est essentielle, notamment pour sélectionner des fonctionnaires permanents.

Afin de permettre une évaluation des candidats sur un pied d’égalité et la communication directe avec les évaluateurs et les autres candidats également soumis à cet exercice, les candidats sont évalués ensemble, dans un groupe ayant une langue commune. À moins que le centre d’évaluation ne se déroule dans le cadre d’un concours avec une seule langue principale, cela nécessite forcément que le centre d’évaluation soit organisé dans un nombre de langues limité.

iii)      Les contraintes budgétaires et opérationnelles

Le conseil d’administration d’EPSO estime qu’il est impossible, pour plusieurs raisons, d’organiser l’étape du centre d’évaluation de chaque concours dans toutes les langues officielles de l’Union […]

Premièrement, une telle approche aurait de très graves conséquences sur le plan des ressources, de sorte qu’il serait impossible pour les institutions de l’Union […] de répondre à leurs besoins de recrutement dans le cadre budgétaire actuel. Cela ne serait pas non plus une manière raisonnable de gérer l’argent du contribuable européen.

Deuxièmement, mener le centre d’évaluation dans toutes les langues officielles nécessiterait, lors des concours EPSO, la mobilisation d’un grand nombre d’interprètes ainsi que des locaux appropriés, y compris des cabines d’interprétation.

Troisièmement, il faudrait dans ce cas faire appel à un nombre beaucoup plus élevé de membres du jury capables de couvrir les différentes langues utilisées par les candidats. »

10      Aux termes du point 2 de l’annexe II de l’avis attaqué, qui porte le titre « Critères applicables au choix des langues pour chaque procédure de sélection » :

« Si les candidats sont tenus de choisir parmi un nombre limité de langues officielles de l’Union […], le conseil d’administration d’EPSO doit déterminer au cas par cas les langues qui doivent être utilisées pour chaque concours général, en tenant compte des critères suivants :

i)      éventuelles règles internes particulières sur l’utilisation des langues au sein de l’institution ou des institutions, ou des organismes concernés ;

ii)      exigences spécifiques liées à la nature des fonctions et aux besoins particuliers de l’institution ou des institutions concernées ;

iii)      langues les plus fréquemment utilisées au sein de l’institution ou des institutions concernées, déterminées selon les paramètres suivants :

–        la connaissance déclarée et démontrée, chez les fonctionnaires permanents de l’Union […] en activité, des langues officielles de l’Union […], au niveau B2 ou supérieur du [CECR] ;

–        les langues cibles dans lesquelles les documents destinés à une utilisation interne au sein des institutions de l’Union […] sont le plus fréquemment traduits ;

–        les langues sources à partir desquelles les documents produits en interne par les institutions de l’Union […] et destinés à une utilisation externe sont le plus fréquemment traduits ;

iv)      langues utilisées pour la communication administrative au sein de l’institution ou des institutions concernées. »

11      Enfin, le point 3 de l’annexe II de l’avis attaqué, intitulé « Langues de communication », indique ce qui suit :

« Le présent point décrit les dispositions générales relatives à l’utilisation des langues de communication entre EPSO et les candidats potentiels. D’autres exigences spécifiques pourront être précisées dans chaque avis de concours.

EPSO tient dûment compte du droit des candidats, en tant que citoyens de l’Union […], de communiquer dans leur langue maternelle. Il reconnaît également que les candidats qui ont validé leur acte de candidature sont des membres potentiels de la fonction publique européenne qui bénéficient des droits conférés par le statut des fonctionnaires et soumis aux obligations prévues par ce dernier. Les institutions européennes estiment par conséquent qu’EPSO devrait, dans la mesure du possible, communiquer avec les candidats et leur fournir des informations sur leurs candidatures dans toutes les langues officielles de l’Union […] À cette fin, les éléments stables du site web d’EPSO, les avis de concours et les dispositions générales applicables aux concours généraux seront disponibles dans toutes les langues officielles.

Les langues qu’il convient d’utiliser pour remplir les actes de candidature en ligne sont indiquées dans chaque avis de concours. Les instructions sur la manière de remplir l’acte de candidature devront être fournies dans toutes les langues officielles. Ces dispositions s’appliqueront pendant la période de transition nécessaire à la mise en place d’une procédure de candidature initiale en ligne disponible dans toutes les langues officielles.

Dans un souci de communication rapide et efficace, après la validation de la candidature initiale, EPSO assurera sa communication de masse avec des populations importantes de candidats dans un nombre limité de langues officielles de l’Union […] Il s’agira soit de la première, soit de la deuxième langue du candidat, selon ce qui est indiqué dans l’avis de concours correspondant.

Les candidats peuvent s’adresser à EPSO dans toute langue officielle de l’Union […], mais, pour que l’Office puisse traiter plus efficacement leur demande, les candidats sont encouragés à choisir parmi un nombre limité de langues pour lesquelles le personnel d’EPSO est en mesure de fournir une couverture linguistique immédiate sans qu’il soit nécessaire de recourir à la traduction.

Certains tests peuvent également être organisés dans un nombre limité de langues officielles de l’Union […] afin de garantir que les candidats possèdent le niveau de compétences linguistiques requis pour pouvoir participer à la phase d’évaluation des concours généraux. Les langues des différentes épreuves seront précisées dans chaque avis de concours.

Les institutions de l’Union […] estiment que ce régime garantit qu’un équilibre juste et approprié est ainsi respecté entre l’intérêt du service et le principe du multilinguisme et de la non-discrimination fondée sur la langue. L’obligation faite aux candidats de choisir une deuxième langue, différente de leur première langue (normalement la langue maternelle ou équivalente), permet de les comparer sur une base homogène […] »

12      Dans la partie de l’avis attaqué intitulée « Comment serai‑je sélectionné ? », il est indiqué, au point 1, que les tests de type « questionnaire à choix multiple » (QCM) sur ordinateur, à savoir les tests de raisonnement verbal, de raisonnement numérique et de raisonnement abstrait, qui constituent la première étape de la procédure de sélection concernée, sont organisés dans la langue choisie, par chaque candidat, comme première langue du concours.

13      En outre, selon le point 3 de ladite partie, à la suite de la « sélection sur titres », qui constitue la deuxième étape du concours concerné par l’avis attaqué, les candidats ayant obtenu les meilleures notes globales seront invités à passer, dans la langue qu’ils auront choisie comme deuxième langue du concours, les épreuves du centre d’évaluation, dernière étape du concours qui comporte plusieurs tests visant à évaluer différentes compétences des candidats.

II.    Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2016, la République italienne a introduit son recours.

15      Le 15 septembre 2016, le Tribunal a rendu l’arrêt Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). Par cet arrêt, le Tribunal a annulé les avis des concours généraux EPSO/AD/276/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (JO 2014, C 74 A, p. 4), et EPSO/AD/294/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs dans le domaine de la protection des données (JO 2014, C 391 A, p. 1), au motif que la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français, d’une part, du choix de la deuxième langue de ces concours et, d’autre part, des langues de communication entre l’EPSO et les candidats était constitutive d’une discrimination injustifiée en raison de la langue.

16      Le 19 octobre 2016, la Commission européenne a déposé le mémoire en défense.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2016, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne. Par décision du 9 décembre 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le Royaume d’Espagne a déposé son mémoire en intervention le 15 février 2017.

18      Le 25 novembre 2016, la Commission a introduit un pourvoi à l’encontre de l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495), enregistré sous le numéro d’affaire C‑621/16 P.

19      La réplique et la duplique dans la présente affaire ont été déposées respectivement le 5 décembre 2016 et le 20 février 2017.

20      Le 20 janvier 2017, d’une part, le Tribunal a invité les parties à prendre position sur la pertinence de l’affaire pendante devant la Cour et enregistrée sous le numéro C‑621/16 P en ce qui concerne la présente affaire ainsi que sur une éventuelle suspension de la procédure dans la présente affaire, en application de l’article 69 du règlement de procédure du Tribunal, jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire susvisée. D’autre part, le Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une éventuelle jonction de la présente affaire et des affaires T‑401/16, Espagne/Commission, et T‑443/16, Italie/Commission, aux fins de la phase orale de la procédure ou de la décision mettant fin à l’instance, en application de l’article 68 du règlement de procédure. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

21      Par décision du président de la cinquième chambre du Tribunal du 21 février 2017, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire C‑621/16 P.

22      Le 26 mars 2019, la Cour a rendu les arrêts Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249) et Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251). Par le premier de ces arrêts, la Cour a annulé l’appel à manifestation d’intérêt Agents contractuels – Groupe de Fonctions I – Chauffeurs (H/F), EP/CAST/S/16/2016, publié au Journal officiel de l’Union européenne du 14 avril 2016 (JO 2016, C 131 A, p. 1), ainsi que la base de données établie en vertu dudit appel à manifestation d’intérêt, au motif, notamment, que le Parlement européen n’avait pas établi que la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français, d’une part, du choix de la deuxième langue de la procédure de sélection en question et, d’autre part, des langues de communication entre le Parlement et les candidats fût objectivement et raisonnablement justifiée au regard d’un objectif légitime d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel. Par le second arrêt, la Cour a rejeté le pourvoi introduit par la Commission à l’encontre de l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). À la suite du prononcé de ce dernier arrêt, la procédure a repris dans la présente affaire.

23      Le 3 avril 2019, les parties ont été invitées à soumettre au Tribunal leurs observations quant aux conséquences à tirer, pour la présente affaire, du prononcé des arrêts du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), et du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251). Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, d’une part, a invité les parties à déposer certains documents, ce qu’elles ont fait dans le délai imparti, et, d’autre part, leur a posé des questions écrites pour réponse à l’audience.

26      Par décision de la présidente de la neuvième chambre du Tribunal du 6 novembre 2019, la présente affaire et l’affaire T‑443/16, Italie/Commission, ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 décembre 2019.

28      Par ordonnance du 27 janvier 2020, la présidente de la neuvième chambre du Tribunal a rouvert la phase orale de la procédure dans la présente affaire et dans l’affaire T‑443/16, Italie/Commission, en application de l’article 113, paragraphe 2, sous a), du règlement de procédure.

29      Par décision de la présidente de la neuvième chambre du Tribunal du 11 février 2020, les parties ayant été entendues, la présente affaire et l’affaire T‑443/16, Italie/Commission, ont été disjointes conformément à l’article 68, paragraphe 3, du règlement de procédure.

30      Par décision du 8 mars 2020, la présidente de la neuvième chambre du Tribunal a clos la phase orale de la procédure dans la présente affaire.

31      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’avis attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme dénué de fondement ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

33      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’avis attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

III. En droit

34      À l’appui de son recours, la République italienne invoque sept moyens, tirés, le premier, d’une violation des articles 263, 264 et 266 TFUE, le deuxième, d’une violation de l’article 342 TFUE et des articles 1er et 6 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié (ci-après le « règlement no 1 »), le troisième, d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, et de l’article 28, sous f), du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ainsi que de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut, le quatrième, d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE et du principe de protection de la confiance légitime, le cinquième, d’un détournement de pouvoir ainsi que d’une violation des « normes substantielles inhérentes à la nature et la finalité des avis de concours », en particulier de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, de l’article 28, sous f), de l’article 34, paragraphe 3, et de l’article 45, paragraphe 1, du statut ainsi que du principe de proportionnalité, le sixième, d’une violation de l’article 18 et de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la Charte, de l’article 2 du règlement no 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut et, le septième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut et du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ».

35      Il convient de constater que, par ses moyens, la République italienne conteste, en substance, la légalité de deux volets du régime linguistique du concours concerné par l’avis attaqué. Elle conteste, ainsi, d’une part, les dispositions de l’avis attaqué qui limitent à l’allemand, à l’anglais et au français le choix de la deuxième langue de ce concours et, d’autre part, les dispositions de cet avis relatives aux langues pouvant être utilisées dans les échanges entre les candidats à ce concours et l’EPSO.

36      Il importe de relever d’emblée que, dans la mesure où, selon l’avis attaqué, certaines épreuves se dérouleraient dans la langue choisie par les candidats comme deuxième langue du concours en cause, une éventuelle illégalité de la limitation du choix de cette deuxième langue entraînerait, nécessairement, l’illégalité de l’organisation de l’ensemble des épreuves du concours.

37      Dès lors, il y a lieu d’examiner successivement, à la lumière des moyens invoqués et des arguments présentés par les parties, la légalité de ces deux volets de l’avis attaqué.

A.      Sur la légalité de la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix, par les candidats, de la deuxième langue du concours concerné par l’avis attaqué

38      Le volet de l’avis attaqué qui porte sur la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix, par les candidats, de la deuxième langue du concours en cause fait, en substance, l’objet des troisième et septième moyens soulevés par la République italienne.

39      Le troisième moyen est tiré de ce que la limitation du choix de la deuxième langue du concours en cause viole l’article 6, paragraphe 3, TUE, l’article 18 TFUE, l’article 22 de la Charte, les articles 1er et 6 du règlement no 1, l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, l’article 27, deuxième alinéa, et l’article 28, sous f), du statut ainsi que l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut. Dans le cadre de ce moyen, la République italienne estime, notamment, qu’une telle limitation est constitutive d’une discrimination en raison de la langue et que les motifs exposés à cet égard dans l’avis attaqué ne sont pas de nature à établir l’existence des besoins réels la justifiant concrètement.

40      Le septième moyen est tiré d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut et du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ». Dans le cadre de ce moyen, la République italienne allègue, en particulier, un défaut et une insuffisance de motivation de l’avis attaqué, tout en arguant que seules des raisons liées aux exigences spécifiques du service pourraient justifier une discrimination fondée sur la langue.

41      Le Royaume d’Espagne se rallie à l’argumentation de la République italienne.

42      Il résulte de ce qui est exposé aux points 39 et 40 ci-dessus que, par les moyens susmentionnés, qu’il convient d’examiner ensemble, la République italienne allègue, en substance, une violation de l’obligation de motivation et conteste, au regard des différentes dispositions qu’elle invoque, le bien-fondé des motifs retenus dans l’avis attaqué pour la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix, par les candidats, de la deuxième langue du concours en cause.

1.      Sur la motivation de lavis attaqué 

43      S’agissant, tout d’abord, d’un éventuel défaut ou d’une éventuelle insuffisance de motivation de l’avis attaqué, allégués dans le cadre du septième moyen, la Commission réfute l’argumentation de la République italienne. Plus particulièrement, elle fait valoir que la justification de la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix de la deuxième langue du concours en cause a été correctement fournie dans l’annexe II de cet avis et confirmée par les éléments factuels exposés dans les annexes du mémoire en défense. Elle rappelle, d’ailleurs, à cet égard, que, selon la jurisprudence, l’avis attaqué étant un acte de portée générale, sa motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la « situation d’ensemble » qui a conduit à l’adoption de l’acte en question et, d’autre part, « les objectifs généraux » que ce dernier se propose d’atteindre.

44      Il convient, à cet égard, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels il repose. Si ces motifs comportent des erreurs, celles-ci affectent la légalité au fond de l’acte en cause, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 79 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 49 et jurisprudence citée].

45      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérations exposées dans la partie de l’avis attaqué intitulée « Puis-je poser ma candidature ? », ainsi qu’à l’annexe II de cet avis, telles que reproduites aux points 6 à 11 ci-dessus, ledit avis comporte bien une motivation tendant à justifier la limitation du choix de la deuxième langue du concours en cause. Plus précisément, il y est indiqué que cette limitation a été décidée à la lumière des critères définis au point 2 de l’annexe II de cet avis (voir point 10 ci-dessus) et qu’elle repose sur trois motifs, à savoir, premièrement, la nécessité que les personnes nouvellement recrutées soient immédiatement opérationnelles, deuxièmement, la nature de la procédure de sélection et, troisièmement, les contraintes budgétaires et opérationnelles. Ces motifs sont annoncés dans la partie introductive de cette annexe (voir point 8 ci-dessus) et font l’objet d’une description plus ample à son point 1, sous i) à iii) (voir point 9 ci-dessus). Partant, il ne saurait être reproché à l’auteur de cet avis, à savoir l’EPSO, une violation de l’obligation de motivation. La question du bien-fondé de cette motivation est distincte et sera examinée ci-après.

2.      Sur le bien-fondé des motifs retenus dans lavis attaqué pour la limitation à lallemand, à langlais et au français du choix, par les candidats, de la deuxième langue du concours en cause 

a)      Sur lexistence dune discrimination 

46      La République italienne avance que le principe du multilinguisme, protégé par l’article 22 de la Charte, ne permet pas de limiter le choix de la deuxième langue d’un concours à un nombre restreint de langues officielles, mais implique, au contraire, la possibilité pour les candidats de choisir, à ce titre, toute langue officielle. De son avis, s’il résulte, certes, de certaines dispositions du statut, en particulier de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de son annexe III, qu’il serait possible d’apporter des restrictions au choix de cette deuxième langue, ces restrictions ne pourraient jamais constituer la règle pour tous les concours.

47      Pour sa part, la Commission considère, notamment, que, dans la mesure où la limitation linguistique prévue par l’avis attaqué porte uniquement sur la deuxième langue que devraient choisir les candidats au concours en cause pour participer, notamment, aux épreuves du centre d’évaluation, et non sur leur langue maternelle ou sur leur première langue déclarée, celle-ci pouvant être utilisée pour les tests de type QCM sur ordinateur, cette limitation n’entraîne pas de discrimination fondée sur la langue.

48      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 1er du règlement no 1 prévoit ce qui suit :

« Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque. »

49      Il y a lieu de relever, également, que, ainsi qu’il est rappelé au point 67 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), si l’article 1er du règlement no 1 énonce explicitement quelles sont les langues de travail des institutions de l’Union, son article 6 prévoit que celles-ci peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique établi par ce règlement dans leurs règlements intérieurs respectifs. Au même point de cet arrêt, la Cour a, d’ailleurs, constaté que les institutions concernées par les avis de concours en cause dans cette affaire n’avaient pas déterminé, sur le fondement de l’article 6 dudit règlement, les modalités d’application de ce régime linguistique dans leurs règlements intérieurs.

50      À cet égard, il y a lieu de constater d’emblée qu’il ne saurait être établi, sur la base des éléments ressortant du dossier de la présente affaire, que les institutions concernées par l’avis attaqué avaient, jusqu’à la publication dudit avis, adopté des dispositions, dans leurs règlements intérieurs, visant à définir les modalités d’application du régime linguistique général fixé par le règlement no 1, conformément à l’article 6 de ce dernier. Au contraire, selon la Commission, « aucune institution n’a jamais adopté un tel règlement ».

51      Par ailleurs, l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut dispose que, dans l’application de ce dernier, est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée, notamment, sur la langue. Conformément à l’article 1er quinquies, paragraphe 6, première phrase, du statut, « [d]ans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel ».

52      En outre, l’article 28, sous f), du statut prévoit que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Si cette disposition précise que la connaissance satisfaisante d’une autre langue est exigée « dans la mesure nécessaire aux fonctions » que le candidat est appelé à exercer, elle n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi les langues officielles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 85 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 55 et jurisprudence citée].

53      De tels critères ne résultent pas non plus de l’article 27 du statut, dont le premier alinéa dispose, sans faire référence à des connaissances linguistiques, que « [l]e recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union » et qu’« aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé ». Il en va de même du deuxième alinéa de cet article qui se borne à énoncer que « [l]e principe de l’égalité des citoyens de l’Union permet à chaque institution d’adopter des mesures appropriées si elle constate un déséquilibre important entre nationalités parmi les fonctionnaires, qui ne se justifie pas par des critères objectifs », en précisant, notamment, que « [c]es mesures appropriées doivent être justifiées et ne peuvent jamais se traduire par des critères de recrutement autres que ceux fondés sur le mérite ».

54      Enfin, selon l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir. Toutefois, il ne découle pas de cette disposition une autorisation générale pour limiter le choix de la deuxième langue d’un concours à un nombre restreint de langues officielles parmi celles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 86 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 56 et jurisprudence citée].

55      Il ressort de l’ensemble de ces considérations que la limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint de langues, à l’exclusion des autres langues officielles, constitue une discrimination fondée sur la langue, en principe interdite en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 66). Il est, en effet, évident que, par une telle limitation, certains candidats potentiels, à savoir ceux qui possèdent une connaissance satisfaisante d’au moins une des langues désignées, sont favorisés, en ce qu’ils peuvent participer au concours et être, ainsi, recrutés en tant que fonctionnaires ou agents de l’Union, alors que d’autres, qui ne possèdent pas une telle connaissance, en sont exclus [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 91 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 57 et jurisprudence citée].

56      La conclusion qui précède ne saurait être infirmée par les arguments présentés par la Commission.

57      En premier lieu, l’argument selon lequel la limitation du choix de la deuxième langue du concours concerné par l’avis attaqué ne constituerait pas une discrimination fondée sur la langue, « puisque la limitation de l’usage de la langue au concours ne concerne pas la langue maternelle ou la première langue des candidats, mais uniquement la deuxième langue qu’ils doivent choisir », doit être écarté comme inopérant. En effet, la portée de l’interdiction d’une discrimination fondée sur la langue, énoncée à l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut, ne se limite pas à l’utilisation de la langue maternelle des personnes relevant du champ d’application de cette disposition ou de la première langue déclarée dans le cadre d’un concours de recrutement de fonctionnaires ou d’agents de l’Union.

58      En deuxième lieu, est voué au rejet l’argument de la Commission tiré de la possibilité pour les candidats d’utiliser leur langue maternelle pour les tests de type QCM sur ordinateur, la langue des épreuves du centre d’évaluation devant alors être obligatoirement différente. En effet, aucune disposition de l’avis attaqué ne permet de considérer que les candidats seront nécessairement amenés à passer les tests de type QCM sur ordinateur dans leur langue principale (à savoir, en règle générale, leur langue maternelle), et encore moins qu’ils y sont tenus. Ainsi, rien n’empêche un candidat dont la langue maternelle est l’allemand, l’anglais ou le français et qui dispose également d’une connaissance approfondie d’une autre de ces trois langues de déclarer cette dernière langue comme étant sa première langue du concours et, par suite, de passer les autres épreuves prévues par l’avis attaqué dans sa langue principale. Il est, dès lors, évident qu’un candidat dont la langue principale n’est aucune des trois langues susmentionnées ne serait pas en mesure d’effectuer un choix comparable. L’exemple de test de raisonnement verbal produit par la Commission ne saurait remettre en cause cette appréciation, puisqu’il ne saurait être exclu, sur la seule base de ce document, que la connaissance approfondie, voire la maîtrise parfaite, d’une langue autre que la langue principale puisse permettre au candidat concerné de réussir ce type de test.

59      De plus, certes, selon le point 94 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), l’objectif d’assurer aux institutions le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité peut être mieux préservé lorsque les candidats sont autorisés à présenter les épreuves de sélection d’un concours dans leur langue maternelle ou dans la deuxième langue qu’ils considèrent maîtriser le mieux. Toutefois, contrairement à ce qui ressort des écritures de la Commission, il ne saurait être déduit de cet arrêt que toute limitation du choix de la deuxième langue des candidats serait justifiée à condition que les candidats puissent choisir, parmi les langues proposées par l’avis attaqué, celle qu’ils maîtrisent le mieux après leur langue maternelle. En effet, rien n’exclut que la deuxième langue que lesdits candidats « considèrent maîtriser le mieux », au sens du point 94 de l’arrêt susmentionné, soit une langue autre que l’allemand, l’anglais ou le français [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 95 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 62 et jurisprudence citée].

60      Néanmoins, selon la jurisprudence, il ressort de l’ensemble des dispositions susvisées que l’intérêt du service peut constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération. Notamment, si l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut interdit, certes, toute discrimination fondée sur la langue, son paragraphe 6, première phrase, prévoit, toutefois, que des limitations à cette interdiction sont possibles, à condition qu’elles soient « objectivement et raisonnablement justifiée[s] » et qu’elles répondent à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89).

61      Ainsi, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union en ce qui concerne l’organisation de leurs services, de même que l’EPSO, lorsque ce dernier exerce, comme en l’espèce, des pouvoirs qui lui sont dévolus par lesdites institutions, se trouve impérativement encadré par l’article 1er quinquies du statut, de telle sorte que les différences de traitement fondées sur la langue résultant d’une limitation du régime linguistique d’un concours à un nombre restreint de langues officielles ne peuvent être admises que si une telle limitation est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 90 et jurisprudence citée).

62      Au vu de tout ce qui précède, dès lors que la limitation du choix de la deuxième langue du concours concerné par l’avis attaqué constitue une discrimination en raison de la langue, en principe interdite en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut (voir point 55 ci-dessus), il y a lieu d’examiner si, en limitant ce choix à l’allemand, à l’anglais et au français, l’EPSO a violé l’article 1er quinquies du statut, par l’institution d’une discrimination non justifiée.

b)      Sur lexistence dune justification de la discrimination litigieuse

63      La République italienne considère, tout d’abord, que les capacités linguistiques des candidats ne relèvent pas des compétences visées à l’article 27, premier alinéa, du statut, de sorte que l’évaluation de ces dernières dans le cadre des épreuves d’un concours, afin d’être efficace et non discriminatoire, ne devrait pas être influencée de manière décisive par les premières. Ainsi, une limitation du choix de la deuxième langue d’un concours supposerait d’exposer et de motiver de façon adéquate les nécessités particulières qui la justifient concrètement, en ce sens qu’il faudrait établir un lien entre la deuxième langue et la fonction spécifique devant être exercée par les lauréats du concours concerné.

64      En l’occurrence, la diversité des fonctions que les lauréats du concours concerné par l’avis attaqué seraient appelés à exercer impliquerait de recruter des personnes disposant de compétences linguistiques variées. En effet, selon la République italienne, en raison du vaste domaine de l’audit sur la gestion des fonds structurels par les États membres, il est évident que l’accomplissement des fonctions de ce type impose la plus large connaissance possible des langues de l’Union.

65      Or, les motifs figurant dans l’avis attaqué pour justifier la limitation litigieuse ne seraient pas liés aux tâches concrètes à exercer ni aux exigences spécifiques du service.

66      Ainsi, en premier lieu, la République italienne avance que le motif tiré de la nécessité de disposer de lauréats immédiatement opérationnels n’est pas une exigence de nature à justifier une discrimination linguistique d’une telle gravité. En effet, un tel objectif ne saurait être invoqué à titre général et théorique, mais devrait être mis en rapport avec les fonctions spécifiques à exercer. Partant, des restrictions au régime linguistique du concours concerné par l’avis attaqué ne pourraient être admises que s’il était démontré que, sans celles-ci, les fonctionnaires nouvellement recrutés seraient dans l’impossibilité absolue de travailler.

67      Quant à la mention faite dans l’avis attaqué des exigences de communication interne, cet avis ne démontrerait nullement en quoi cette communication serait essentielle à l’exécution des tâches spécifiques dont seraient chargés les lauréats nouvellement recrutés ni pourquoi elle devrait nécessairement se dérouler en allemand, en anglais ou en français. Selon la République italienne, de telles exigences ne sauraient être présentées comme une sorte de valeur universelle préétablie de nature à justifier, toujours et en toute hypothèse, une restriction des droits fondamentaux. En outre, il n’existerait aucune preuve que les trois langues en question soient les langues les plus utilisées dans la communication interne des institutions de l’Union.

68      En deuxième lieu, s’agissant du motif tiré de la nature de la procédure de sélection, la République italienne avance qu’une telle considération n’est pas de nature à justifier, en elle-même, une discrimination linguistique de cette ampleur. De surcroît, l’avis attaqué n’exposerait pas les raisons pour lesquelles l’utilisation de l’allemand, de l’anglais et du français serait seule à même d’assurer l’efficacité maximale de cette procédure.

69      En troisième et dernier lieu, en ce qui concerne le motif lié aux contraintes budgétaires et opérationnelles, la République italienne considère que des exigences de nature financière ne sauraient jamais justifier, à elles seules, une discrimination qui affecte un droit fondamental. En tout état de cause, l’annexe II de l’avis attaqué n’indiquerait pas quels seraient les coûts d’un système différent ni pourquoi seul un système fondé sur les trois langues retenues en l’espèce, et non, par exemple, sur trois autres langues, serait compatible avec les exigences budgétaires.

70      Pour sa part, la Commission souligne que le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union en matière de politique du personnel leur permet de définir l’intérêt du service et les compétences dont doivent disposer les personnes nouvellement recrutées au titre de l’article 27, premier alinéa, du statut, mais également de déterminer les objectifs susceptibles de justifier une limitation linguistique en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, première phrase, du statut.

71      En l’occurrence, selon l’avis attaqué, l’intérêt du service consisterait en la nécessité d’assurer le fonctionnement efficace des institutions concernées par cet avis, à savoir de la Commission et de la Cour des comptes européenne, par le recrutement d’un personnel immédiatement opérationnel qui, grâce à sa connaissance d’une des langues véhiculaires, pourrait plus facilement s’intégrer dans un environnement de travail nouveau et international.

72      Ainsi, selon la Commission, la limitation du choix de la deuxième langue du concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français repose sur des éléments objectifs, à savoir le fait que ces trois langues sont utilisées comme langues véhiculaires au sein des deux institutions mentionnées au point 71 ci-dessus. Au soutien de cette affirmation, la Commission produit, avec son mémoire en défense, une série d’éléments, à savoir, d’une part, divers textes adoptés par elle et par la Cour des comptes ainsi que, d’autre part, des données statistiques attestant du degré de diffusion particulier de ces trois langues parmi le personnel chargé des fonctions d’audit dans ces institutions.

73      Par ailleurs, selon la Commission, il ne saurait être admis que la finalité du concours concerné par l’avis attaqué consisterait uniquement à vérifier les compétences des candidats et que l’objectif d’en évaluer la capacité à s’exprimer dans une langue différente de leur langue maternelle serait totalement secondaire. Au contraire, il serait essentiel de garantir les conditions d’une communication interne efficace, en veillant à ce que tout fonctionnaire possède une connaissance suffisante d’une des trois langues servant de langues véhiculaires au sein des institutions concernées. De ce fait, un candidat qui ne serait pas en mesure de communiquer dans l’une de ces trois langues n’aurait pas vocation à devenir un fonctionnaire « possédant les plus hautes qualités de compétence » au sens de l’article 27 du statut.

74      En outre, la Commission avance que l’approche de la République italienne selon laquelle la deuxième langue du concours en cause devrait pouvoir être choisie parmi toutes les langues officielles entraînerait un coût économique considérable. Or, dans un contexte de travail marqué par une nette prépondérance de l’allemand, de l’anglais et du français, ce coût serait manifestement injustifié.

75      Une telle approche ne tiendrait pas non plus compte de la spécificité des épreuves du centre d’évaluation. Selon la Commission, dans la mesure où il est peu probable que les membres du jury maîtrisent l’ensemble des langues officielles de l’Union, les candidats seraient amenés à s’exprimer à l’aide d’interprètes, ce qui paraîtrait totalement absurde au regard de l’objectif de disposer de lauréats immédiatement opérationnels.

76      En outre, selon la Commission, les trois langues en cause sont les langues étrangères les plus étudiées dans les États membres et les plus connues en Europe, ainsi que celles que les citoyens de l’Union considèrent comme les plus utiles à étudier. Cela résulte, notamment, de différents éléments que cette institution produit avec son mémoire en défense.

77      Dans la réplique, la République italienne réfute, en particulier, la pertinence des éléments produits par la Commission avec son mémoire en défense.

78      Dans la duplique, la Commission maintient son argumentation et souligne, notamment, que les éléments qu’elle a présentés démontrent le bien-fondé de celle-ci.

79      Pour sa part, le Royaume d’Espagne indique, en substance, que le concours en cause a pour objet le recrutement d’administrateurs dans le domaine de l’audit, qui exerceront leurs fonctions, relatives à tous les secteurs d’activité de l’Union, dans les États membres ainsi que dans des pays tiers. Il considère, ainsi, que les lauréats devraient disposer de l’éventail le plus large possible de connaissances linguistiques. En ce qui concerne les éléments fournis par la Commission, le Royaume d’Espagne les qualifie de partiels, dans la mesure où ils ne refléteraient ni la situation de l’ensemble des institutions ni celle des institutions concernées par l’avis attaqué.

1)      Sur les motifs figurant dans l’avis attaqué

80      Il y a lieu de rappeler d’emblée que, dans le cadre d’une procédure de sélection de personnel, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer l’intérêt du service ainsi que les qualifications et les mérites des candidats à prendre en considération. Ainsi, il n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse nécessiter que les personnes recrutées disposent de connaissances linguistiques spécifiques. Partant, la nature particulière des tâches à accomplir peut justifier un recrutement fondé, notamment, sur une connaissance approfondie d’une langue spécifique (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, points 67 et 68 et jurisprudence citée).

81      Cependant, il incombe à l’institution ayant limité le régime linguistique d’une procédure de sélection à un nombre restreint de langues officielles de l’Union d’établir qu’une telle limitation est bien apte à répondre à des besoins réels relatifs aux fonctions que les personnes recrutées seront appelées à exercer. En outre, toute condition relative à des connaissances linguistiques spécifiques doit être proportionnée à cet intérêt et reposer sur des critères clairs, objectifs et prévisibles permettant aux candidats de comprendre les motifs de cette condition et aux juridictions de l’Union d’en contrôler la légalité (voir arrêts du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 69 et jurisprudence citée, et du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 93 et jurisprudence citée).

82      Dans ce cadre, il appartient au juge de l’Union d’effectuer un examen in concreto des règles établissant le régime linguistique des concours tels que celui concerné par l’avis attaqué, dans la mesure où seul un tel examen est susceptible de permettre d’établir les connaissances linguistiques qui peuvent objectivement être exigées, dans l’intérêt du service, par les institutions, dans le cas de fonctions particulières et, partant, si une limitation éventuelle du choix des langues pouvant être utilisées pour participer à ce concours est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 94).

83      Plus particulièrement, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée).

84      Ainsi qu’il ressort du point 8 ci-dessus, l’annexe II de l’avis attaqué indique, dans sa partie introductive, que le concours en cause vise à la constitution d’une réserve d’administrateurs dans le domaine de l’audit destinés à être recrutés par la Commission et, pour un « nombre limité », par la Cour des comptes. Pour ce qui est de la limitation du choix de la deuxième langue du concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français, il y est précisé que celle-ci a été décidée à la lumière des critères définis au point 2 de ladite annexe (voir point 10 ci-dessus) ainsi que sur la base de trois motifs, à savoir, premièrement, la nécessité que les personnes nouvellement recrutées soient immédiatement opérationnelles, deuxièmement, la nature de la procédure de sélection et, troisièmement, les contraintes budgétaires et opérationnelles (voir point 45 ci-dessus).

85      S’agissant, tout d’abord, du motif tiré des contraintes budgétaires et opérationnelles, il convient de relever que, tel qu’il est formulé au point 1, sous iii), de l’annexe II de l’avis attaqué, ce motif ne pourrait servir, tout au plus, qu’à justifier in abstracto une limitation du nombre de langues pouvant être choisies comme deuxième langue du concours en cause. En revanche, il ne permet pas de déterminer quel doit être précisément le nombre de ces langues ni d’expliquer pourquoi certaines langues devraient être retenues à l’exclusion d’autres.

86      De même, du fait de la généralité des termes utilisés au point 1 de l’annexe II de l’avis attaqué, le motif tiré des contraintes budgétaires et opérationnelles serait susceptible de s’appliquer non seulement à la procédure de concours en cause, mais également à n’importe quelle procédure de concours organisé par l’EPSO. Ainsi, le motif en question ne comporte aucune indication sur les contraintes budgétaires et opérationnelles concrètes auxquelles l’EPSO ou les services concernés par l’avis attaqué feraient face et qui auraient justifié, dans ce cas spécifique, une limitation du choix de la deuxième langue du concours en cause à certaines langues seulement. La Commission n’a pas non plus présenté d’éléments concrets sur les avantages que présenterait, du point de vue des ressources budgétaires et opérationnelles, le régime linguistique prévu par l’avis attaqué et sur les conséquences qu’engendrerait l’application d’un système différent.

87      En tout état de cause, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des considérations d’ordre budgétaire ne sauraient justifier une discrimination (voir arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 66 et jurisprudence citée). Par ailleurs, il ne résulte pas de l’état actuel de la jurisprudence que l’objectif de réduction des coûts des institutions de l’Union peut constituer, en tant que tel, un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union.

88      Dès lors, le motif tiré des contraintes budgétaires et opérationnelles, tel qu’énoncé au point 1, sous iii), de l’annexe II de l’avis attaqué, ne saurait justifier, à lui seul, la discrimination litigieuse.

89      Des considérations analogues s’imposent à l’égard du motif exposé au point 1, sous ii), de l’annexe II de l’avis attaqué, relatif à la nature de la procédure de sélection et, plus particulièrement, à la spécificité des épreuves du centre d’évaluation. En effet, de même que le motif tiré des contraintes budgétaires et opérationnelles, le motif en question, du fait de sa formulation générale, serait susceptible de s’appliquer à n’importe quelle procédure de concours et ne permet pas de justifier le choix des trois langues retenues dans le cadre spécifique du concours en cause. En outre, la Commission n’apporte aucune indication concrète à cet égard. En particulier, les données statistiques qu’elle produit concernant la langue principale choisie par les candidats à des concours qui se sont déroulés entre 2010 et 2012 sont dénuées de pertinence pour l’appréciation des exigences relatives au choix de la deuxième langue dans le cadre du concours en cause. Il en va de même des données relatives à la deuxième langue choisie par les candidats à des concours ayant eu lieu en 2005, à savoir à une date antérieure à la réforme des procédures des concours de l’EPSO qui a eu pour effet d’introduire les épreuves du centre d’évaluation.

90      S’agissant, par ailleurs, de la portée de ce motif, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort clairement du point 1, sous ii), de l’annexe II de l’avis attaqué, l’appréciation des différentes compétences des candidats dans le cadre du centre d’évaluation « permet […] aux institutions de l’Union […] d’évaluer l’aptitude de [ces derniers] à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler ». Il apparaît, ainsi, que, du fait de son libellé, le motif tiré de la nature de la procédure de sélection se rattache, en réalité, à celui tiré de la nécessité que les personnes nouvellement recrutées soient immédiatement opérationnelles. Cette constatation n’est pas contredite par la Commission, qui considère, dans ses écritures, que le motif en question constitue un « élément supplémentaire » reflétant le choix par les institutions d’une méthode de sélection consistant à simuler un véritable environnement de travail et axée sur les capacités d’interaction des candidats dans un contexte international. De même, il y a lieu de constater que le programme de l’EPSO pour la mise en œuvre de la réforme des procédures des concours, du 11 septembre 2008, produit par la Commission, sert avant tout à illustrer le fait que l’objectif de recruter un personnel capable d’être immédiatement opérationnel est directement lié à cette réforme.

91      Il en résulte que ni le motif tiré des contraintes budgétaires et opérationnelles ni celui tiré de la nature de la procédure de sélection ne sont susceptibles, à eux seuls ou pris ensemble, de justifier la limitation apportée par l’avis attaqué au choix, par les candidats, de la deuxième langue du concours en cause, surtout dans la mesure où ces motifs ne permettent pas de démontrer pourquoi ce choix devrait s’effectuer uniquement parmi les trois langues retenues en l’espèce, à savoir l’allemand, l’anglais et le français, à l’exclusion d’autres langues officielles de l’Union. En revanche, le motif tiré de la nécessité que les personnes nouvellement recrutées soient immédiatement opérationnelles serait éventuellement apte à justifier une limitation à ces trois langues précises [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 106 (non publié) et jurisprudence citée].

92      Le caractère primordial de ce motif se trouve, du reste, confirmé par les dispositions générales, dont le point 1.3 indique que « [l]es options en matière de seconde langue pour les concours ont été définies dans l’intérêt du service et requièrent des nouvelles recrues qu’elles soient immédiatement opérationnelles et capables de communiquer efficacement dans le cadre de leurs tâches quotidiennes ».

93      En ce qui concerne le contenu du motif tiré de la nécessité que les personnes nouvellement recrutées soient immédiatement opérationnelles, il résulte de la partie introductive ainsi que du point 1, sous i), de l’annexe II de l’avis attaqué que, afin de pouvoir être considérés comme étant immédiatement opérationnels, les candidats au concours en cause doivent posséder une « connaissance suffisante d’une combinaison de langues qui leur permettra d’exercer leurs fonctions efficacement et, en particulier, […] de communiquer efficacement, dans le cadre de leur travail quotidien, avec leurs nouveaux collègues qui sont déjà en service, tels que leurs pairs et leur hiérarchie » (voir point 9 ci-dessus). Ainsi, « [c]ompte tenu du fait que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues les plus fréquemment parlées, traduites et utilisées par le personnel des institutions de l’Union […] dans la communication administrative, les candidats doivent proposer au moins l’une d’entre elles parmi leurs deux langues obligatoires ». Par ailleurs, « une bonne maîtrise de l’allemand, de l’anglais ou du français, tant pour l’analyse de la situation des entités auditées que pour des exposés, des débats et la rédaction de rapports, est jugée indispensable pour garantir l’efficacité de la coopération et des échanges d’informations avec les services audités et les autorités compétentes » (voir point 8 ci-dessus).

94      À cet égard, il convient de relever que, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 80 et 81 ci-dessus, les considérations exposées au point 93 ci-dessus, bien qu’elles indiquent l’existence d’un intérêt du service à ce que les personnes nouvellement recrutées puissent accomplir leurs tâches et communiquer de manière efficace dès leur prise de fonctions, ne suffisent pas, en elles-mêmes, à établir que les fonctions en cause, à savoir celles d’administrateur dans le domaine de l’audit au sein des institutions concernées par l’avis attaqué, nécessitent concrètement la connaissance de l’allemand, de l’anglais ou du français, à l’exclusion des autres langues officielles de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 72).

95      Cette constatation n’est pas remise en cause par la description des fonctions que les lauréats recrutés seront appelés à exercer, telle qu’elle figure dans l’avis attaqué.

96      En effet, selon l’annexe I de l’avis attaqué, intitulée « Nature des fonctions », ces lauréats auront vocation, notamment, à « favoriser une bonne compréhension et connaissance des procédés opérationnels des entités auditées », à « effectuer des audits de performance, de conformité et d’optimisation des ressources dans un large éventail de domaines d’action de l’Union […] et de processus opérationnels », à « valider les constatations de l’audit avec l’entité auditée », à « communiquer les constatations, risques et recommandations issus de l’audit au moyen de projets de rapports/de rapports finaux clairs et concis » ou encore à « fournir des services de conseil à la demande de l’encadrement ». De même, il résulte de la partie introductive de l’annexe II de l’avis attaqué que les fonctions concernées incluent « l’analyse de la situation des entités auditées », la préparation « des exposés, des débats et la rédaction de rapports » ainsi qu’une « coopération et des échanges d’informations avec les services audités et les autorités compétentes ». Par ailleurs, dans la partie intitulée « Quelles tâches puis-je m’attendre à devoir effectuer ? », l’avis attaqué indique que « [l]es auditeurs peuvent être appelés à effectuer des audits dans différents pays de l’Union […] et pays tiers au cours de leur carrière ».

97      Ainsi que l’a précisé la Commission lors de l’audience, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, par « entité auditée » il conviendrait d’entendre des organismes tels les agences de l’Union, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) ou encore d’autres institutions, alors que par « service audité » il conviendrait d’entendre les services des différentes directions générales de la Commission. En revanche, le terme « autorité compétente » ferait référence aux autorités budgétaires, à savoir le Conseil de l’Union européenne et le Parlement.

98      Toutefois, il n’apparaît pas possible d’établir, à partir de la seule description des fonctions visées par l’avis attaqué, en quoi chacune des trois langues auxquelles a été limité le choix de la deuxième langue du concours en cause permettrait aux lauréats recrutés d’être immédiatement opérationnels. En particulier, aucun élément de cet avis ne permet de démontrer que ces trois langues soient effectivement utilisées dans l’accomplissement des tâches énumérées à l’annexe I de celui-ci ou encore dans la préparation des exposés, le déroulement des débats et la rédaction de rapports auxquels il est fait référence dans la partie introductive de son annexe II. De même, il ne ressort aucunement dudit avis que les trois langues susmentionnées soient effectivement utilisées dans les rapports des administrateurs chargés des fonctions d’audit avec les entités ou les services audités ainsi qu’avec les autorités compétentes.

99      En outre, la pluralité des tâches visées par l’avis attaqué, lesquelles incluent non seulement des opérations d’audit interne, mais également des missions dans différents États membres et des pays tiers, et ce « dans un large éventail de domaines d’action de l’Union […] et de processus opérationnels », tendrait plutôt à indiquer que, sans exclure l’éventualité que la maîtrise d’une langue particulière s’avère indispensable, le recrutement d’un personnel aux profils linguistiques variés présenterait un avantage pour le fonctionnement du service.

100    Il s’ensuit que, même compris à l’aune de la description des fonctions figurant dans l’avis attaqué, le motif tiré de la nécessité que les nouvelles personnes recrutées soient immédiatement opérationnelles ne saurait, compte tenu de sa formulation vague et générale et en l’absence, dans l’avis attaqué, d’indications concrètes de nature à l’étayer, justifier la limitation du choix de la deuxième langue du concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français uniquement.

101    Dans ces conditions, il convient d’examiner si les différents éléments que la Commission a produits s’agissant de ce motif sont susceptibles de démontrer que, eu égard aux spécificités fonctionnelles des emplois à pourvoir, la limitation en cause était objectivement et raisonnablement justifiée par la nécessité que les lauréats du concours en cause soient immédiatement opérationnels.

2)      Sur les éléments produits par la Commission

i)      Observation liminaire

102    La Commission produit une série d’éléments dont une partie est relative à son propre fonctionnement alors qu’une autre porte sur le fonctionnement de la Cour des comptes. Par ces éléments, elle vise à établir que l’allemand, l’anglais et le français occupent une place prépondérante aussi bien au sein de ses services qu’au sein des services de la Cour des comptes, ce qui aurait pour conséquence que, afin d’être immédiatement opérationnelles, les personnes nouvellement recrutées seraient tenues de disposer d’une connaissance satisfaisante d’au moins une de ces trois langues. Par ailleurs, elle fournit certaines données dont il résulterait que les trois langues en question sont les langues étrangères les plus étudiées dans les États membres et les plus connues en Europe.

103    La République italienne estimant que la procédure de sélection en cause concernerait l’ensemble des institutions, il convient d’indiquer, au sujet des éléments relatifs à la Commission et à la Cour des comptes, que, selon l’avis attaqué, la procédure de sélection en cause a pour objectif « principal » la constitution de listes de réserve d’administrateurs dans le domaine de l’audit, à partir desquelles « les institutions de l’Union […], principalement la Commission […] à Bruxelles et la Cour des comptes […] à Luxembourg », recruteraient des nouveaux membres de la fonction publique de l’Union (voir points 1 et 8 ci-dessus).

104    Or, si les termes utilisés dans l’avis attaqué semblent ne pas exclure une possibilité de recrutement dans l’ensemble des institutions de l’Union, il n’en résulte pas moins que les deux institutions principalement concernées par cet avis sont la Commission et la Cour des comptes. Par ailleurs, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a indiqué, lors de l’audience, que, si un recrutement par d’autres institutions était possible, il était néanmoins subordonné à un accord préalable entre l’institution de destination désignée dans l’avis de concours et l’institution ayant l’intention de recruter la personne intéressée. Toutefois, selon les indications de la Commission, une telle hypothèse serait, en l’occurrence, demeurée marginale, seuls 4 lauréats du concours en cause sur 72 ayant été recrutés par d’autres employeurs, à savoir trois par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et un par le SEAE.

105    Eu égard à ce qui vient d’être exposé, il convient de tenir compte des éléments produits par la Commission concernant son propre fonctionnement ainsi que celui de la Cour des comptes et d’en examiner la pertinence pour la résolution du présent litige.

ii)    Sur les éléments relatifs au fonctionnement de la Commission

–       Sur les éléments relatifs à la pratique interne de la Commission en matière linguistique

106    La Commission fournit un ensemble de textes dont il résulterait que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues « véhiculaires » ou les langues de travail utilisées par ses services.

107    Premièrement, il s’agit, de la communication SEC(2000) 2071/6 du président de la Commission, du 29 novembre 2000, relative à la simplification du processus décisionnel de cette institution ainsi que d’un extrait du procès-verbal de la mille cinq cent deuxième réunion de la Commission, du 29 novembre 2000, établi le 6 décembre 2000 sous la référence PV(2002) 1502, et portant approbation, par le collège des membres, de cette communication.

108    Deuxièmement, la Commission produit son règlement intérieur [C(2000) 3614] (JO 2000, L 308, p. 26), dans sa version en vigueur au moment de la publication de l’avis attaqué, ainsi que les modalités d’application de celui-ci, annexées à sa décision C(2010) 1200 final, du 24 février 2010, modifiant son règlement intérieur. En outre, elle fournit un document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », qu’elle qualifie de « règles relatives à l’adoption des décisions de la Commission énoncées par [son] président ». Selon la Commission, il résulte de ces « règles » que « tout projet de décision qui sera soumis au collège pour décision écrite ou orale, ou pour décision par habilitation, doit être rédigé en anglais, en français et en allemand ».

109    Par ailleurs, en réponse à des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a également produit certains documents relatifs à la mise en œuvre des « règles » contenues dans le document mentionné au point 108 ci-dessus ainsi que sa communication SEC(2006) 1489 final, du 20 décembre 2006, relative à « la traduction à la Commission » et assortie d’une annexe exposant les « règles de traduction après 2006 ».

110    La République italienne conteste la pertinence de ces textes en estimant, en substance, qu’ils portent uniquement sur le fonctionnement du collège des membres de la Commission, sans aucunement démontrer une utilisation de l’allemand, de l’anglais et du français comme langues véhiculaires par les services de celle-ci. En outre, lors de l’audience, elle a soutenu que la communication SEC(2006) 1489 final devrait être considérée comme constituant un élément nouveau et, partant, être rejetée pour tardiveté.

111    La Commission rétorque que les textes mentionnés aux points 107 à 109 ci-dessus s’appliquent à l’établissement de tout projet d’acte devant être approuvé par elle, ce qui impliquerait nécessairement « que ce sont [s]es services […] qui élaborent ce projet ». En effet, dans la mesure où le président de la Commission aurait, sur la base des modalités d’application du règlement intérieur, établi des règles selon lesquelles les langues véhiculaires, à savoir « les langues dans lesquelles les projets d’actes doivent être soumis au collège pour approbation », sont l’anglais, le français et l’allemand, de telles règles auraient « un impact inévitable sur le travail des services qui doivent rédiger ces documents en utilisant ces langues ». S’agissant, par ailleurs, de la communication mentionnée au point 109 ci-dessus, la Commission a fait valoir, lors de l’audience, que celle-ci permettait de compléter sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure que lui avait adressées le Tribunal, raison pour laquelle elle ne devrait pas être rejetée pour tardiveté.

112    À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que, en ce qui concerne la communication SEC(2000) 2071/6, la Commission se réfère au point 2.2 de ce texte, limitant, selon elle, le nombre des « langues de travail » à trois.

113    Il y a lieu, toutefois, de constater que l’objet de la communication SEC(2000) 2071/6 consiste, en substance, à évaluer les différents types des procédures de prise de décision par le collège des membres de la Commission, tels qu’ils étaient prévus par son règlement intérieur dans sa version en vigueur au moment où ladite communication a été émise, et à en proposer la simplification. C’est dans un tel contexte et en se référant à un type précis de procédure, à savoir la procédure écrite, que le point 2.2 de la communication en question indique que « les documents doivent être diffusés dans les trois langues de travail de la Commission », sans, par ailleurs, les nommer. Or, cette seule référence, quand bien même elle comporte l’expression « langues de travail », ne suffit pas pour établir que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues effectivement utilisées par tous les services de la Commission dans leur travail au quotidien.

114    En outre, la portée de cette référence est nuancée par d’autres passages de la communication SEC(2000) 2071/6.

115    Ainsi, d’une part, il résulte du point 2.2 de la communication SEC(2000) 2071/6 que, dans le cadre de la procédure par habilitation, par le biais de laquelle la Commission peut habiliter un ou plusieurs de ses membres à prendre des décisions en son nom et sous sa responsabilité, le texte de la décision à adopter est « présenté dans une seule langue de travail et/ou dans ses versions qui font foi ».

116    D’autre part, le point 5.2 de la communication SEC(2000) 2071/6, intitulé « Simplifier le régime linguistique », met en évidence le rôle de la direction générale (DG) de la traduction de la Commission, qui est « pleinement impliqué[e] dans le processus » décisionnel. Il y est, notamment, précisé qu’« une des causes majeures de retard dans le lancement ou l’achèvement des procédures écrites et des procédures par habilitation est l’obtention des traductions, y compris des textes révisés par les juristes linguistes », ce qui rendrait indispensable une transmission à temps des documents concernés à la DG de la traduction.

117    Compte tenu de ce qui précède, la communication SEC(2000) 2071/6 ne permet pas de tirer des conclusions utiles sur l’utilisation effective de l’allemand, de l’anglais et du français dans le travail quotidien des services de la Commission, ni a fortiori dans l’exercice des fonctions visées par l’avis attaqué.

118    Cette constatation ne saurait être remise en cause par les autres textes à l’aune desquels la Commission suggère d’analyser la communication SEC(2000) 2071/6, à savoir son règlement intérieur, les modalités d’application de ce dernier ainsi que le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » (voir point 108 ci-dessus).

119    S’agissant du règlement intérieur de la Commission, il importe de relever d’emblée que celui-ci ne comporte pas de dispositions sur les langues devant être utilisées par les organes visés à son chapitre I, à savoir les membres de la Commission agissant en collège ainsi que son président et son secrétaire général, ni sur les langues de travail devant être utilisées par les services de cette institution visés à son chapitre II. Seul l’article 17 du règlement intérieur, relatif à l’authentification des actes adoptés par la Commission, se borne à énoncer que celle-ci se fait « dans la ou les langues dans lesquelles ils font foi », c’est-à-dire, selon le paragraphe 5 de cet article, « toutes les langues officielles de l’Union […] lorsqu’il s’agit d’actes de portée générale et, pour les autres, celles de leurs destinataires ».

120    Selon les indications qu’a fournies la Commission lors de l’audience, il convient néanmoins de tenir compte des articles 6 et 12 à 14 de son règlement intérieur ainsi que des modalités d’application de ces articles. C’est d’ailleurs sur la base de ces modalités qu’a été édicté, selon elle, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption ».

121    L’article 6 du règlement intérieur de la Commission dispose, en son paragraphe 1, que « [l]e président arrête l’ordre du jour de chaque réunion de la Commission » et, en son paragraphe 4, que « l’ordre du jour et les documents nécessaires sont communiqués aux membres de la Commission dans les conditions fixées conformément aux modalités d’application ».

122    En ce qui concerne les articles 12 à 14 du règlement intérieur de la Commission, ceux-ci sont relatifs aux procédures décisionnelles autres que la procédure orale visée à son article 8 et régissent, respectivement, la procédure écrite, la procédure d’habilitation et la procédure de délégation. S’agissant, en particulier, de la procédure écrite, l’article 12, paragraphe 2, du règlement intérieur dispose que « le texte du projet est communiqué par écrit à tous les membres de la Commission, dans les conditions fixées par celle-ci conformément aux modalités d’application ».

123    L’ensemble des dispositions du règlement intérieur de la Commission mentionnées au point 122 ci-dessus sont explicitées par les modalités d’application de ce règlement, du 24 février 2010.

124    Plus précisément, les modalités d’application de l’article 6 du règlement intérieur de la Commission comportent un paragraphe 6-4, intitulé « Dépôt et diffusion des documents et régime linguistique », qui prévoit ce qui suit :

« 6-4.3 Les documents à examiner en réunion de la Commission sont communiqués aux membres de la Commission :

–        dans les langues fixées par le président, compte tenu des besoins minimaux des membres de la Commission

–        ainsi que dans la ou les langue(s) nécessaire(s) en particulier aux fins de l’entrée en vigueur de l’acte et de sa notification à ses destinataires

[…]

6-4.5 La transmission officielle aux autres institutions communautaires et/ou la publication au [Journal officiel]  requièrent la disponibilité des textes dans toutes les langues officielles.

6-4.6 Le président juge de toute situation où les conditions fixées [au paragraphe] […] 6-4.3, premier tiret, précédents ne sont pas remplies. Selon les circonstances, il peut décider de reporter la question à l’ordre du jour d’une réunion suivante.

Le report est de rigueur si la ou les langue(s) nécessaire(s) en particulier aux fins de l’entrée en vigueur de l’acte et de sa notification à ses destinataires n’est/ne sont pas disponible(s) au moment de l’adoption de l’acte. »

125    Par ailleurs, les modalités d’application de l’article 12 du règlement intérieur de la Commission comprennent un paragraphe 12-13, intitulé « Régime linguistique pour les procédures écrites », aux termes duquel :

« 12-13.1 Les documents soumis en procédure écrite sont communiqués aux membres de la Commission :

–        dans les langues fixées par le président, compte tenu des besoins minimaux des membres de la Commission. Le président juge de toute situation exceptionnelle (telle que, notamment, crises majeures, catastrophes naturelles ou autres situations particulières) où celles-ci ne peuvent pas être disponibles pour des raisons dûment justifiées

–        ainsi que dans la ou les langue(s) nécessaire(s) en particulier aux fins de l’entrée en vigueur de l’acte ou de sa notification à ses destinataires

[…]

12-13.3 La transmission officielle aux autres institutions communautaires et/ou la publication au [Journal officiel] requièrent la disponibilité des textes dans toutes les langues officielles. »

126    En outre, en ce qui concerne les modalités d’application communes aux articles 13 et 14 du règlement intérieur de la Commission, le paragraphe 13/14-4, intitulé « Régime linguistique d’une habilitation ou d’une délégation », est libellé ainsi :

« 13/14-4.1 Pour l’exercice des compétences attribuées, les documents doivent être disponibles, selon les cas, dans les versions linguistiques suivantes :

–        la/les langue(s) nécessaire(s) à l’entrée en vigueur de l’acte ;

–        la/les langue(s) nécessaire(s) à la notification de l’acte à ses destinataires ;

–        la/les langue(s) telle(s) que fixée(s) par le président compte tenu des besoins minimaux des membres de la Commission ou répondant aux besoins liés à l’adoption de l’acte pour les autres cas

[…]

13/14-4.3 La transmission officielle aux autres institutions communautaires et/ou la publication au [Journal officiel] requièrent la disponibilité des textes dans toutes les langues officielles. »

127    S’agissant, enfin, du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », celui-ci a, selon la Commission, essentiellement pour objet de détailler les dispositions des modalités d’application de son règlement intérieur reproduites aux points 124 à 126 ci-dessus. Ce document fait, notamment, référence à l’utilisation de « langues procédurales », notion qui, ainsi qu’il ressort de l’argumentation de la Commission, devrait être comprise comme désignant les langues qui servent à la compréhension du contenu d’un projet d’acte en vue de son adoption par le collège de ses membres ou, le cas échéant, par un organe délégué. Il résulte dudit document que les « langues procédurales » sont l’allemand, l’anglais et le français et que leur utilisation varie selon le type de procédure d’adoption.

128    Ainsi, en ce qui concerne les procédures orales et écrites, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » indique qu’un projet d’acte et ses annexes éventuelles sont soumis aux membres de la Commission dans les trois langues procédurales ainsi que, le cas échéant, dans la ou les langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de l’acte concerné. Il y est également précisé que, à la suite de l’adoption d’un tel acte, les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent suivre le plus rapidement possible.

129    S’agissant des procédures d’habilitation ou de délégation, il résulte du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » que l’organe délégué peut accepter d’adopter un acte sur la base d’une seule langue procédurale, mais que, le cas échéant, la ou les autres langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de cet acte doivent également être rendues disponibles. En outre, de même que pour les procédures orales et écrites, le document en question énonce que les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent suivre le plus rapidement possible.

130    Par ailleurs, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » prévoit que le président de la Commission peut, dans certaines conditions, accorder, ponctuellement ou à titre permanent, des dérogations quant au nombre de langues procédurales devant être utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption ou à la fois pour le lancement d’une telle procédure et pour l’adoption de l’acte.

131    En ce qui concerne, en particulier, les dérogations permanentes, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » précise que celles-ci peuvent être accordées pour certains dossiers récurrents par le biais des notes officielles émanant du secrétaire général ou du cabinet du président. À titre d’illustration, le document en question mentionne les dérogations accordées pour des décisions ou des communications adoptées, notamment par voie de procédure écrite, dans une pluralité de domaines, à savoir l’adoption de mesures restrictives sur le fondement de l’article 29 TUE, l’instrument de stabilité, les relations extérieures, les décisions individuelles en matière d’aides d’État, les mesures d’exécution dans les domaines des ententes, des abus de position dominante et des concentrations et, enfin, la signature d’accords-cadres avec des organismes internationaux.

132    À cet égard, il convient de relever que, pris dans leur ensemble, les textes visés aux points 107 et 108 ci-dessus ne sauraient s’analyser comme des modalités d’application, dans le règlement intérieur de la Commission, du régime linguistique général établi par le règlement no 1, au sens de l’article 6 de ce dernier. Ainsi que l’a précisé la Commission dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure que lui a adressées le Tribunal dans le cadre de la présente affaire, ces textes ne font que refléter une pratique administrative longuement établie au sein de cette institution, consistant à utiliser l’allemand, l’anglais et le français comme langues dans lesquelles les documents doivent être rendus disponibles pour être soumis à l’approbation du collège des membres.

133    En ce qui concerne, en particulier, la nature du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », la Commission a précisé que celui-ci était extrait du « Manuel des procédures opérationnelles », à savoir un guide électronique interne élaboré par les services de son secrétariat général et ayant pour objet, notamment, de codifier ladite pratique administrative. S’agissant de la date d’adoption et de l’application dans le temps de ce guide, la Commission s’est bornée à se référer à la note SEC(2003) 153 de son secrétaire général à l’attention des directeurs généraux et des chefs de service, du 11 février 2003, relative à la mise à jour dudit guide et à sa diffusion sur son site Intranet.

134    Or, à supposer même que la version produite par la Commission avec son mémoire en défense fût bien celle existante à la date de la publication de l’avis attaqué, le document extrait du « Manuel des procédures opérationnelles » ne saurait s’analyser comme une décision de son président de fixer les langues de présentation des documents soumis au collège, au sens des paragraphes 6-4.3, premier tiret, 12-13.1, premier tiret et 13/14-4.1, troisième tiret, des modalités d’application du règlement intérieur de la Commission. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de considérer que ce document a été formellement approuvé par le président de la Commission, et encore moins par le collège de ses membres.

135    De manière générale, la Commission a reconnu, dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure que lui a adressées le Tribunal dans le cadre de la présente affaire, qu’il n’existait pas une décision interne fixant les langues de travail en son sein.

136    Ces précisions liminaires étant faites, il convient de constater que, dans la mesure où ils ont pour seul objet de définir les langues nécessaires au déroulement des différentes procédures décisionnelles de la Commission, l’ensemble des textes produits par cette dernière ne sont pas de nature à justifier la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix de la deuxième langue du concours en cause au regard des spécificités fonctionnelles des emplois visés par l’avis attaqué.

137    Plus précisément, il ne ressort pas de ces textes, ni a fortiori des autres éléments du dossier, qu’il existe un lien nécessaire entre les procédures décisionnelles de la Commission, notamment celles se déroulant au sein du collège de ses membres, et les fonctions que les lauréats du concours litigieux seront susceptibles d’exercer, à savoir les fonctions d’audit telles qu’exposées au point 96 ci-dessus. En effet, à supposer même que les membres d’une institution déterminée utilisent exclusivement une ou certaines langues dans leurs délibérations, il ne saurait être présumé, sans davantage d’explications, qu’un fonctionnaire nouvellement recruté, qui ne maîtrise aucune de ces langues, ne serait pas capable de fournir immédiatement un travail utile dans l’institution en question [arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, points 121 et 122 (non publiés)]. Il en va d’autant plus ainsi que, dans la présente affaire, il s’agit de fonctions bien spécifiques qui ne présentent, a priori, aucun lien étroit avec les travaux du collège des membres de la Commission.

138    Il ne ressort pas non plus des textes produits par la Commission que l’ensemble des trois langues qualifiées de « langues procédurales » sont effectivement utilisées par ses services, dans leur travail au quotidien. En outre, il résulte de la communication SEC(2000) 2071/6 (voir point 116 ci-dessus) que le service de traduction de cette institution est « pleinement » impliqué dans le processus décisionnel. Cette communication fait également mention du délai nécessaire pour l’obtention des traductions, y compris des textes révisés par les juristes linguistes, ainsi que de la nécessité d’une transmission à temps des documents concernés au service de traduction. Ces références laissent ainsi entendre que ce n’est pas le service matériellement responsable de la rédaction d’un document, mais bien la DG de la traduction, qui établit les versions de ce document dans les langues procédurales nécessaires en vue de leur transmission au collège des membres, le service responsable se limitant à une tâche de vérification du texte traduit. Il paraît, en effet, difficilement envisageable que, hormis cette direction générale, un service puisse exiger de chaque membre de son personnel de fournir trois versions linguistiques des documents à soumettre pour adoption au collège.

139    Enfin, étant donné qu’aucun fonctionnaire n’est tenu d’avoir une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues exigées par l’avis attaqué, il est tout aussi difficilement envisageable que l’établissement d’un projet d’acte dans les versions linguistiques requises pour sa transmission à ce collège soit simultanément réparti entre un nombre correspondant de fonctionnaires relevant du service responsable pour la rédaction de ce projet. Cela devient encore plus difficile à envisager dans la mesure où il n’existe aucune garantie que des fonctionnaires disposant d’une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues en cause soient recrutés au sein de chaque service.

140    L’appréciation qui précède ne saurait être remise en cause par les arguments que la Commission tire de la communication SEC(2006) 1489 final. Selon la Commission, il résulte de ce texte, en particulier de son annexe intitulée « Règles de traduction après 2006 », que, s’agissant des documents à usage interne, seule une traduction en anglais, en français et en allemand serait exigée, en sus d’une éventuelle langue faisant foi. Par ailleurs, ladite communication démontrerait que, hormis la DG de la traduction, les autres services de la Commission seraient amenés à produire des traductions en faisant appel aux connaissances linguistiques de leur personnel, connues comme traductions « grises ».

141    À cet égard, d’une part, il convient de relever que le contenu de la communication SEC(2006) 1489 final n’a pas pour effet d’infirmer, mais, bien au contraire, de confirmer l’appréciation exposée aux points 138 et 139 ci-dessus. En effet, les « règles de traduction après 2006 », présentées en annexe à cette communication, ne mentionnent l’allemand, l’anglais et le français que comme langues cibles dans lesquelles doivent être traduites certaines catégories de documents, sans aucunement en définir la langue source. Par ailleurs, pour la grande majorité des catégories de documents visées par cette annexe, une traduction dans toutes les langues officielles est prévue, la traduction vers les seules langues allemande, anglaise et française étant, en réalité, l’exception.

142    D’autre part, s’agissant de l’argument tiré de la réalisation de traductions « grises », celui-ci n’est étayé par aucun élément relatif à la proportion exacte que représenterait ce type de traduction au regard du volume global des traductions produites à la Commission. Si la communication SEC(2006) 1489 final reconnaît, à son point 2.2, qu’il est « extrêmement difficile de quantifier ces traductions par manque d’indicateurs fiables », elle n’en comporte pas moins, à son point 3.1, une estimation pour l’année 2007, selon laquelle les traductions produites par la DG de la traduction représenteraient 1 700 000 pages alors que les traductions « grises » atteindraient 100 000 pages. Toutefois, ce dernier chiffre correspondant à l’ensemble des services de la Commission autres que la DG de la traduction, il est plus qu’évident que les traductions « grises » ne représenteraient qu’une quantité très réduite au regard du volume produit par cette seule DG. Enfin et surtout, aucun élément du dossier ne permet de démontrer que les trois langues susmentionnées soient les langues vers lesquelles seraient effectuées ces traductions « grises ».

143    Dans ces conditions et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette pièce, il convient de considérer que la communication SEC(2006) 1489 final ne présente pas de pertinence pour la résolution du présent litige.

144    En tout état de cause et indépendamment même de l’existence d’un lien entre les procédures décisionnelles de la Commission et les fonctions spécifiques visées par l’avis attaqué, force est de constater que les textes produits par cette institution sont loin d’indiquer une utilisation exclusive des trois langues « procédurales » dans les procédures qu’ils visent.

145    En effet, d’une part, il résulte du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », lu à la lumière des modalités d’application du règlement intérieur de la Commission, que, certes, le lancement d’une procédure d’adoption nécessite, en règle générale et sans préjudice de la possibilité d’utiliser une seule langue dans les procédures d’habilitation et de délégation, la présentation du projet d’acte dans les trois langues procédurales. Il n’en demeure pas moins que l’adoption de ce projet peut rendre ou rend obligatoirement nécessaire, selon les exigences découlant de la nature de l’acte concerné, la disponibilité de celui-ci également dans une ou plusieurs autres versions linguistiques, voire, lorsque l’acte en question est destiné à être publié au Journal officiel de l’Union européenne ou à être transmis à d’autres institutions, dans toutes les langues officielles de l’Union.

146    D’autre part, ainsi qu’il ressort également du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », des dérogations sont possibles quant au nombre des langues procédurales utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption, voire aussi pour l’adoption d’un projet d’acte (voir point 130 ci-dessus).

147    En ce qui concerne, en particulier, les dérogations permanentes dont il a été question au point 131 ci-dessus, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » indique, par exemple, que les décisions individuelles en matière d’aides d’État sont établies dans l’une des langues procédurales, « généralement l’anglais ou le français ». S’agissant des autres domaines visés par ce type de dérogation, des notes émanant du secrétaire général de la Commission que cette dernière a fournies devant le Tribunal en réponse à des mesures d’organisation de la procédure autorisent la présentation de projets d’acte dans une seule langue procédurale. Force est, toutefois, de constater que ces notes n’identifient pas celle des trois langues procédurales qui peut concrètement être utilisée, ce qui ne permet pas d’en tirer des conclusions utiles.

148    Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que, selon le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », il est toujours possible d’accorder une dérogation ponctuelle relative au régime linguistique d’un projet d’acte donné, et ce quel que soit le type de procédure décisionnelle.

149    Eu égard à l’analyse qui précède, il y a lieu de constater que les textes produits par la Commission ne sont pas de nature à démontrer que la limitation du choix de la deuxième langue du concours concerné par l’avis attaqué soit apte à répondre à des besoins réels du service et, partant, à établir l’existence, au regard des spécificités fonctionnelles des emplois visés par cet avis, d’un intérêt du service à ce que les nouvelles personnes recrutées soient immédiatement opérationnelles.

–       Sur les éléments relatifs aux langues utilisées par les membres du personnel de la Commission chargés des fonctions d’audit

150    La Commission produit deux annexes comportant des données statistiques recueillies par la DG du personnel sur les langues utilisées par les fonctionnaires et les agents relevant de ses différents services et chargés des fonctions d’audit. Selon la Commission, ces annexes sont susceptibles de démontrer que l’allemand, l’anglais et le français sont les trois langues utilisées en tant que langues de travail ou langues véhiculaires par les administrateurs exerçant des tâches telles que celles visées par l’avis attaqué.

151    La République italienne avance que les données relatives aux connaissances linguistiques du personnel concerné ne permettent pas de tirer des conclusions sur l’état réel de la communication interne au sein des services intéressés. En revanche, le seul élément pertinent serait de savoir quelles sont la ou les langues véhiculaires principales, c’est-à-dire les langues permettant une communication efficace entre personnes de langue maternelle différente.

152    En premier lieu, il convient de relever que l’annexe intitulée « Données sur l’utilisation de l’anglais, de l’allemand et du français en tant que langues véhiculaires par le personnel de la Commission en activité dans le domaine de l’audit au 30.09.2016 » recense les connaissances déclarées à titre de première, deuxième et troisième langues par des administrateurs relevant des catégories de fonctionnaire et d’agent temporaire et chargés des fonctions d’audit interne, d’audit externe et de gestion de politiques en matière d’audit (policy officers), à savoir un total de 430 administrateurs.

153    En ce qui concerne les données relatives à la « langue 1 », à savoir, à l’évidence, la langue maternelle des personnes concernées [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 134 (non publié)], les trois premières langues déclarées sont le français (68 personnes), le néerlandais (53 personnes) et l’anglais (46 personnes), devançant, notamment, l’espagnol (31 personnes) ainsi que l’allemand (26 personnes) et l’italien (26 personnes).

154    S’agissant des données se rapportant à la « langue 2 », les trois premières langues déclarées sont l’anglais (312 personnes), le français (72 personnes) et l’allemand (14 personnes), suivies, notamment, de l’italien (7 personnes), de l’espagnol (5 personnes) et du néerlandais (4 personnes). Concernant le niveau de connaissance des langues ainsi déclarées, la Commission a précisé, lors de l’audience, qu’il devait être tenu pour acquis que celui-ci correspondait au niveau B2 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECR), attestant ainsi d’une connaissance « satisfaisante ».

155    Enfin, en ce qui concerne les données relatives à la « langue 3 », le français (184 personnes), l’anglais (51 personnes) et l’allemand (49 personnes) constituent les trois premières langues déclarées, les trois suivantes étant l’espagnol (29 personnes), le néerlandais (25 personnes) et l’italien (8 personnes). Lors de l’audience, la Commission, interrogée par le Tribunal, n’a pas été en mesure de fournir des précisions sur le niveau de connaissance des langues déclarées à ce titre.

156    Il importe, par ailleurs, d’indiquer que, ainsi qu’il résulte de l’annexe intitulée « Données sur l’utilisation de l’anglais, de l’allemand et du français en tant que langues véhiculaires par le personnel de la Commission en activité dans le domaine de l’audit au 30.09.2016 », les données y figurant représentent la situation de ces connaissances linguistiques à une date postérieure à celle de la publication de l’avis attaqué, à savoir le 12 mai 2016. Néanmoins, compte tenu du temps limité écoulé entre ces deux dates, ces données peuvent être regardées comme reflétant, globalement, l’état des connaissances linguistiques à la date de cette publication. Par conséquent, il convient d’en tenir compte dans l’appréciation du bien-fondé du motif tiré de la nécessité pour les personnes nouvellement recrutées d’être immédiatement opérationnelles, tel qu’énoncé dans l’avis attaqué.

157    Toutefois, force est de constater que les données en cause ne font que recenser les connaissances linguistiques des administrateurs exerçant des fonctions d’audit au sein de la Commission. Par conséquent, elles ne permettent ni à elles seules ni en combinaison avec les textes examinés aux points 106 à 149 ci-dessus d’établir quelles sont la ou les langues véhiculaires effectivement utilisées par les différents services dont émanent ces données, dans leur travail au quotidien, voire la ou les langues qui seraient indispensables à l’exercice des fonctions visées par l’avis attaqué. Partant, ces données ne permettent pas d’établir quelles sont la ou les langues dont une connaissance satisfaisante ferait des lauréats du concours concerné par l’avis attaqué des administrateurs immédiatement opérationnels.

158    Pour ces mêmes motifs, les éléments complémentaires produits par la Commission concernant les connaissances linguistiques de son personnel travaillant dans le domaine de l’audit et relevant du groupe de fonctions AST et de la catégorie des agents contractuels ne sauraient présenter une pertinence pour la résolution du présent litige.

159    Par ailleurs, il importe de rappeler que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, une limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint des langues officielles ne saurait être considérée comme objectivement justifiée et proportionnée lorsque figurent, parmi ces langues, outre une langue dont la connaissance est souhaitable voire nécessaire, d’autres langues qui ne confèrent aucun avantage particulier aux lauréats potentiels d’un concours par rapport à une autre langue officielle. En effet, s’il est admis, comme alternative à la seule langue dont la connaissance constitue un avantage pour un fonctionnaire nouvellement recruté, d’autres langues dont la connaissance ne constitue pas un atout, il n’existe aucune raison valable de ne pas admettre également toutes les autres langues officielles [arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 140 (non publié)].

160    Ainsi, même s’il devait être considéré que les connaissances linguistiques du personnel en activité peuvent indiquer que, pour être immédiatement opérationnelle sur le plan de la communication interne, une nouvelle personne recrutée devrait maîtriser une langue bénéficiant d’un degré de diffusion particulièrement élevé au sein de ce personnel, les données produites en l’occurrence par la Commission ne sauraient justifier la limitation apportée par l’avis attaqué au choix de la deuxième langue du concours en cause.

161    En effet, il résulte d’une analyse des données relatives aux langues déclarées à titre de « langue 1 » et de « langue 2 » (voir points 153 et 154 ci-dessus) que seule une connaissance satisfaisante de l’anglais pourrait être considérée comme conférant un avantage aux lauréats potentiels du concours en cause. En revanche, ces données ne permettent pas d’expliquer pourquoi un candidat disposant, par exemple, d’une connaissance approfondie de l’italien et d’une connaissance satisfaisante de l’allemand pourrait être immédiatement opérationnel pour ce qui concerne la communication interne, alors qu’un candidat disposant d’une connaissance approfondie de l’italien et d’une connaissance satisfaisante du néerlandais ou de l’espagnol ne le pourrait pas.

162    S’agissant, en outre, des données relatives à la « langue 3 », il y a lieu de préciser que, même si le contenu de celles-ci ne modifie en rien l’appréciation exposée au point 161 ci-dessus, elles ne sauraient, en tout état de cause, être prises en compte. En effet, il résulte de l’article 45, paragraphe 2, du statut que la capacité à travailler dans une troisième langue est une condition préalable à la première promotion après le recrutement d’un fonctionnaire. Or, en l’occurrence, il ne ressort nullement de l’annexe fournie par la Commission que l’ensemble des fonctionnaires qui y sont visés ont déjà fait preuve d’une telle capacité ou bien qu’ils ont obtenu leur première promotion. En outre, ladite annexe ne concerne pas seulement des fonctionnaires, mais également des agents temporaires et des agents contractuels, ces derniers n’étant pas soumis au même régime de promotion figurant au statut (voir, en ce sens, en ce qui concerne les agents contractuels, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 58).

163    Il s’ensuit que les données relatives aux connaissances linguistiques du personnel de la Commission en activité dans le domaine de l’audit ne permettent pas de justifier la limitation du choix de la deuxième langue du concours en cause au regard de l’objectif de disposer de lauréats immédiatement opérationnels.

164    En second lieu, la Commission produit un document comportant des données recueillies auprès de son service d’audit interne, dont il résulterait que les consultations de ce dernier avec d’autres de ses services se déroulent uniquement en anglais et en français, alors que les rapports finaux d’audit sont adoptés dans la seule langue anglaise.

165    Or, dans la mesure où ce document ne contient aucun élément susceptible de démontrer une utilisation de l’allemand en tant que langue de travail ou langue véhiculaire au sein des services concernés, il ne saurait être considéré comme pertinent pour la résolution du présent litige.

iii) Sur les éléments relatifs au fonctionnement de la Cour des comptes

166    La Commission produit trois annexes relatives à la Cour des comptes, dont les deux premières portent sur certaines exigences linguistiques applicables au sein de cette institution et la troisième sur les connaissances linguistiques de son personnel. Ces documents seraient, selon elle, de nature à démontrer que les langues véhiculaires utilisées par les services de la Cour des comptes sont bien l’allemand, l’anglais et le français.

167    La République italienne réfute la pertinence de ces annexes en arguant que les deux premières ne portent que sur la préparation et le déroulement des réunions des membres de la Cour des comptes, alors que la troisième ne permet pas de tirer des conclusions sur les langues servant de langues véhiculaires au sein des services de cette institution.

–       Sur les éléments relatifs à la pratique interne de la Cour des comptes en matière linguistique

168    En premier lieu, la Commission produit la décision 22/2004 de la Cour des comptes, du 25 mai 2004, relative aux règles concernant la traduction des documents en vue des réunions de ses membres, des groupes d’audit et du comité administratif (ci-après la « décision 22/2004 »). En réponse à des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a confirmé, lors de l’audience, que cette décision était bien applicable à la date de la publication de l’avis attaqué et qu’elle demeurait, d’ailleurs, toujours en vigueur, sans toutefois apporter d’éléments supplémentaires à cet égard.

169    Pour autant que la décision 22/2004 fût effectivement applicable à cette date, il convient de relever que selon son article 1er, « [l]es langues de rédaction/langues pivots de la Cour sont l’anglais et le français ».

170    En vertu de l’article 2 de la décision 22/2004, « [t]outes les demandes de traduction sont transmises au moyen du système informatisé de demande de traduction (Artemis) ».

171    L’article 4 de la décision 22/2004 précise ce qui suit :

« Tous les documents originaux seront élaborés dans l’une des langues de rédaction. Seules des parties importantes de documents à la rédaction desquelles auront contribué plus d’un service auteur pourront faire exception à cette règle […] Une fois que la première traduction aura été fournie, le document deviendra unilingue. »

172    Force est de constater, tout d’abord, que, ainsi que l’observe à juste titre la République italienne, la décision 22/2004 ne saurait présenter de pertinence en l’espèce, dans la mesure où elle ne comporte aucun élément relatif à l’utilisation de l’allemand en tant que langue de travail ou langue véhiculaire au sein des services de la Cour des comptes.

173    En tout état de cause, il convient de relever que le champ d’application matériel de la décision 22/2004 se limite à la « traduction des documents en vue des réunions de la Cour [des comptes], des groupes d’audit et du comité administratif ». Partant, contrairement à ce qu’affirme la Commission, la décision en question ne permet pas de tirer des conclusions utiles sur les langues de travail ou les langues véhiculaires utilisées par l’ensemble des services de la Cour des comptes.

174    Enfin, s’il résulte, notamment, des articles 2 et 4 de la décision 22/2004 que tous les documents originaux sont élaborés dans l’une des langues de rédaction pour être ensuite transmis pour traduction au service compétent de la Cour des comptes, il n’apparaît pas possible d’en déduire l’étendue concrète de l’implication du service de traduction de cette institution. Notamment, la décision en question ne précise pas si l’élaboration d’un document dans la deuxième langue de rédaction est assurée par le service responsable de l’élaboration de ce document dans la première langue de rédaction ou par le service de traduction. Ainsi, aucune conclusion utile ne saurait être dégagée de cette décision concernant les langues de travail ou les langues véhiculaires utilisées par les services de la Cour des comptes et, plus spécifiquement, par les services au sein desquels seraient, le cas échéant, embauchés les lauréats du concours concerné par l’avis attaqué (voir point 138 ci-dessus).

175    En second lieu, la Commission produit une note d’un ancien président de la Cour des comptes à l’attention des membres, du 11 novembre 1983, relative à l’interprétation simultanée lors des réunions de la Cour des comptes. Sont annexés à cette note, d’une part, un compte rendu de la séance restreinte du 12 octobre 1982, au sujet du régime d’interprétation pour les séances de la Cour des comptes, et, d’autre part, une note à l’attention des membres, également signée par ce président et datée du même jour, relative à l’interprétariat et à l’organisation matérielle des séances de la Cour des comptes.

176    La note du 12 octobre 1982 décrirait le « système de droit commun » pour l’interprétation simultanée lors des réunions de la Cour des comptes. Selon ce système, chaque membre aurait la possibilité de s’exprimer dans sa propre langue, l’interprétation étant alors assurée dans la totalité des langues des membres participant à la réunion concernée. Ledit système aurait été assoupli, lors de la séance du même jour à laquelle se réfère le compte rendu cité au point 175 ci-dessus, par l’introduction d’un dispositif « semi-léger », adopté à l’unanimité. En vertu de ce dispositif, qui aurait vocation à demeurer applicable, en lieu et place du « système de droit commun », aussi longtemps qu’il recueillerait l’unanimité des membres de la Cour des comptes, l’interprétation serait assurée vers « un nombre suffisant de langues comprises de chacun des [m]embres ». Enfin, ainsi qu’il résulte de la note du 11 novembre 1983, ledit dispositif aurait été simplifié davantage, d’un commun accord des membres de la Cour des comptes, afin de permettre à chaque membre de s’exprimer, au choix, en allemand, en anglais ou en français avec interprétation simultanée vers les deux autres langues. Ce système d’interprétation « léger » aurait été adopté dans l’« unique objectif de répondre à la situation de fait qui exist[ait] [à] ce moment[-là] au sein de la Cour, compte tenu des diverses aptitudes linguistiques qui [étaient] celles des membres [de l’époque], et de la bonne volonté de chacun ». Ainsi que l’a précisé la Commission lors de l’audience, ce système « léger » continuerait toujours à s’appliquer.

177    Force est de constater que les documents mentionnés aux points 175 et 176 ci-dessus ne permettent pas de déterminer quelles sont la ou les langues de travail ou les langues véhiculaires utilisées dans les services au sein desquels seraient recrutés les lauréats du concours concerné par l’avis attaqué, mais ils portent simplement sur le régime d’interprétation lors des réunions des membres de la Cour des comptes.

178    Par ailleurs, il convient de relever que l’objet de ces documents, relatifs au régime d’interprétation lors des réunions des membres de la Cour des comptes, se distingue nettement de celui de la décision 22/2004, tel qu’il a été exposé au point 173 ci-dessus. Partant, ne saurait prospérer l’argument de la Commission par lequel celle-ci tend, en substance, à établir que, par l’effet, notamment, de la note du 11 novembre 1983, l’allemand se serait ajouté aux deux « langues de rédaction/langues pivot » que constituent, selon cette décision postérieure, l’anglais et le français.

179    De surcroît, à supposer même que la note du 11 novembre 1983 reflète une pratique qui est toujours d’actualité en ce qui concerne l’interprétation lors des réunions des membres de la Cour des comptes, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il résulte du texte même de cette note, une telle situation factuelle repose sur un accord commun de ces membres ainsi que sur la « bonne volonté » de chacun d’entre eux, à savoir sur des éléments susceptibles de changer à tout moment.

180    Il ressort de tout ce qui précède que les documents produits par la Commission sur la pratique linguistique interne à la Cour des comptes ne présentent pas de pertinence pour la résolution du présent litige.

–       Sur les éléments relatifs aux langues utilisées par les membres du personnel de la Cour des comptes

181    En outre, la Commission produit un tableau intitulé « Langues parlées par le personnel de la Cour des comptes en activité au 30.09.2016 » dont il résulterait, selon elle, que l’allemand, l’anglais et le français représentent les langues les plus parlées, en tant que deuxième et troisième langues, par ce personnel.

182    La République italienne conteste la pertinence de ce document en avançant, notamment, que celui-ci ne fait que recenser les connaissances linguistiques du personnel de la Cour des comptes et que, de surcroît, la façon dont il a été élaboré le rend totalement incompréhensible.

183    À cet égard, il convient de relever que ce tableau comporte des données sur les connaissances déclarées à titre de première, deuxième et troisième langues par les « auditeurs », les fonctionnaires relevant du groupe de fonctions AD ainsi que l’ensemble des fonctionnaires de la Cour des comptes.

184    Indépendamment du fait que ces données se rapportent à la date du 30 septembre 2016 (voir point 156 ci-dessus), il convient de relever que, en ce qui concerne la partie de ce tableau relative aux « auditeurs » (303 personnes), à savoir des administrateurs dont il peut être présumé que les fonctions correspondent à celles visées par l’avis attaqué, et à l’exclusion des données relatives à la « langue 3 » (voir point 162 ci-dessus), l’anglais est déclaré comme « langue 1 » par 14 personnes et comme « langue 2 » par 228 personnes, le français respectivement par 39 et 45 personnes et l’allemand respectivement par 30 et 19 personnes. Suivent, notamment, l’espagnol (24 et 3 personnes) et l’italien (22 et 3 personnes), alors que le polonais est déclaré comme « langue 1 » par 30 personnes.

185    Toutefois, force est de constater que, tout comme les données produites par la Commission en ce qui concerne son propre personnel (voir point 157 ci-dessus), celles figurant dans ledit tableau ne font que recenser les connaissances linguistiques de différentes catégories de fonctionnaires de la Cour des comptes. Par conséquent, elles ne permettent ni à elles seules ni en combinaison avec les textes examinés aux points 168 à 180 ci-dessus d’établir quelles sont la ou les langues véhiculaires effectivement utilisées par les services dont émanent ces données, dans leur travail au quotidien, voire la ou les langues qui seraient indispensables à l’exercice des fonctions visées par l’avis attaqué. Partant, ces données ne permettent pas d’établir quelles sont la ou les langues dont une connaissance satisfaisante ferait des lauréats du concours concerné par l’avis attaqué des personnes immédiatement opérationnelles.

186    En tout état de cause, ces données permettent, tout au plus, de constater que seule une connaissance satisfaisante de l’anglais serait susceptible de conférer aux lauréats potentiels du concours concerné par l’avis attaqué un avantage au sens de la jurisprudence rappelée au point 159 ci-dessus. En revanche, elles ne sauraient expliquer pourquoi un candidat disposant, par exemple, d’une connaissance approfondie de l’italien et d’une connaissance satisfaisante de l’allemand pourrait être considéré comme étant immédiatement opérationnel sur le plan de la communication interne, alors qu’un candidat disposant d’une connaissance approfondie de l’italien et d’une connaissance satisfaisante de l’espagnol ne le pourrait pas.

187    Par conséquent, les données produites par la Commission sur les connaissances linguistiques du personnel de la Cour des comptes ne sauraient justifier la limitation du choix de la deuxième langue du concours en cause au regard de l’objectif de disposer de lauréats immédiatement opérationnels.

188    Eu égard à l’analyse effectuée aux points 106 à 187 ci-dessus, il y a lieu de constater que l’ensemble des éléments produits par la Commission en ce qui concerne ses propres services ainsi que ceux de la Cour des comptes ne sont pas de nature à étayer le motif tiré de la nécessité que les administrateurs recrutés soient immédiatement opérationnels, tel qu’il est formulé dans l’avis attaqué.

iv)    Sur les éléments relatifs à la diffusion de l’allemand, de l’anglais et du français en tant que langues étrangères parlées et étudiées en Europe

189    La Commission avance que, parmi les éléments à prendre en considération lors de la mise en balance des différents intérêts en jeu dans l’organisation d’une procédure de concours, figurent les langues les plus étudiées en tant que deuxième langue par ceux qui se portent candidats à la fonction publique de l’Union, à savoir « les jeunes citoyens de l’Union ».

190    À l’appui de son argumentation, premièrement, la Commission produit un rapport de l’office statistique de l’Union européenne (Eurostat), publié dans Statistics in Focus no 49/2010. Il résulte de ce rapport, d’une part, que l’anglais est « de loin la langue étrangère la plus étudiée [en Europe] à tous les niveaux d’éducation suivie du français, de l’allemand, du russe et, [à] un moindre degré, de l’espagnol » et, d’autre part, que « la langue étrangère la mieux connue de loin[, en Europe,] est perçue comme étant l’anglais, suivie de l’allemand, du russe, du français et de l’espagnol ».

191    Deuxièmement, la Commission fournit le rapport spécial Eurobaromètre no 386 de juin 2012, dont elle déduit que l’allemand serait la langue la plus parlée en Europe, « puisqu’elle est utilisée par 16 % de l’ensemble de la population de l’Union […] et que les trois langues étrangères les plus étudiées et parlées en Europe comme deuxième langue sont, dans l’ordre, l’anglais, le français et l’allemand, parlés respectivement par 38 %, 12 % et 11 % de la population de l’Union ».

192    Enfin, troisièmement, la Commission joint à ses écritures le communiqué de presse no 144/2014 d’Eurostat, du 25 septembre 2014, relatif aux langues les plus étudiées en 2012 au niveau de l’enseignement secondaire inférieur, en en inférant que les trois langues en cause « apparaissent […] comme les langues les plus étudiées en Europe par les citoyens européens, c’est-à-dire par ceux qui se portent candidats aux procédures de concours au sens de l’article 28, [sous] a), du statut ».

193    À cet égard, il convient de relever que les données statistiques en question se réfèrent à l’ensemble des citoyens de l’Union, y compris des personnes n’ayant pas atteint l’âge de la majorité, si bien qu’il ne saurait être présumé qu’elles reflètent correctement les connaissances linguistiques des candidats potentiels au concours concerné par l’avis attaqué [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 142 (non publié)].

194    Par ailleurs, la seule chose que ces statistiques pourraient démontrer est que le nombre de candidats potentiels dont la situation est affectée par la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français des langues pouvant être choisies en tant que deuxième langue du concours concerné par l’avis attaqué est moins important qu’il ne le serait si ce choix était limité à d’autres langues. Or, cette circonstance ne suffit pas pour conclure que la limitation en question n’est pas discriminatoire, le nombre éventuellement restreint de personnes dont la situation serait potentiellement affectée ne pouvant pas constituer un argument valable à cet égard [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 143 (non publié)].

195    Tout au plus, ces données seraient éventuellement susceptibles de démontrer le caractère proportionné de la limitation en question, s’il était avéré que celle-ci répondait à la nécessité pour les services concernés par l’avis attaqué de disposer de lauréats immédiatement opérationnels [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 144 (non publié)], voire qu’elle répondait à des exigences liées à des contraintes budgétaires et opérationnelles ou à la nature de la procédure de sélection. Or, ainsi qu’il a été constaté, notamment, aux points 91 et 188 ci-dessus, la Commission est restée en défaut de démontrer que cette limitation était effectivement justifiée par de telles considérations.

196    Partant, pour ces raisons, les données statistiques mentionnées aux points 190 à 192 ci-dessus ne sont pas susceptibles, ni à elles seules ni prises conjointement avec d’autres éléments du dossier, dont notamment ceux visés au point 89 ci-dessus, de justifier la limitation du choix de la deuxième langue du concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français.

197    Il convient dès lors de conclure que, pour l’ensemble des motifs indiqués ci-dessus, la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix, par les candidats, de la deuxième langue du concours concerné par l’avis attaqué ne se révèle ni objectivement justifiée ni proportionnée à l’objectif primordial escompté, qui consiste à recruter des administrateurs qui seraient immédiatement opérationnels. Par ailleurs, et dans le prolongement des considérations exposées aux points 85 à 91 ci-dessus, les motifs tirés des contraintes budgétaires et opérationnelles ainsi que de la nature de la procédure de sélection, quand bien même ils seraient pris conjointement avec le motif tiré de la nécessité de recruter des administrateurs immédiatement opérationnels, ne sauraient non plus justifier la limitation en question.

198    En effet, il ne suffit pas de défendre le principe d’une telle limitation en faisant référence au grand nombre de langues reconnues à l’article 1er du règlement no 1 comme langues officielles et de travail de l’Union et à la nécessité qui en découle de choisir un nombre plus restreint de langues, voire une seule, comme langues de communication interne ou « langues véhiculaires ». Encore faut-il, au regard de l’article 1er quinquies, paragraphe 1 et paragraphe 6, première phrase, du statut, objectivement justifier le choix d’une ou de plusieurs langues spécifiques, à l’exclusion de toutes les autres [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 156 (non publié) et jurisprudence citée].

199    C’est précisément cela que tant l’EPSO, auteur de l’avis attaqué, que la Commission, partie défenderesse devant le Tribunal, sont restés en défaut de faire.

200    Par conséquent, il convient de faire droit aux troisième et septième moyens présentés par la République italienne et d’annuler l’avis attaqué en ce qu’il limite le choix de la deuxième langue du concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français.

201    Il convient, par ailleurs, d’observer que l’illégalité constatée implique également et nécessairement l’illégalité de la limitation de la langue devant être utilisée pour certaines épreuves de l’ultime stade du concours concerné par l’avis attaqué (voir point 13 ci-dessus).

B.      Sur la légalité de la limitation du choix des langues pouvant être utilisées dans les communications entre les candidats au concours concerné par l’avis attaqué et l’EPSO

202    Le volet de l’avis attaqué qui porte sur la limitation du choix des langues pouvant être utilisées dans les communications entre les candidats au concours en cause et l’EPSO fait l’objet du sixième moyen invoqué par la République italienne. Ce moyen est tiré d’une violation de l’article 18 et de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la Charte, de l’article 2 du règlement no 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut.

203    Selon la République italienne, ces dispositions consacreraient le droit pour tout citoyen de l’Union de s’adresser aux institutions dans n’importe quelle langue de l’Union et de recevoir une réponse dans cette même langue, droit qui, en l’espèce, serait violé par la limitation en cause. En invoquant l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), elle avance que la langue utilisée dans le cadre d’une procédure de concours, loin d’être une simple question d’organisation interne, se présente comme un élément constitutif d’un rapport de nature constitutionnelle entre le citoyen intéressé et l’Union. Par conséquent, la langue d’un concours devrait être celle du citoyen, à savoir du candidat, qui ne fait pas encore partie de la fonction publique de l’Union.

204    La République italienne relève, par ailleurs, un défaut de motivation manifeste de l’avis attaqué, dans la mesure où ce dernier reste totalement silencieux sur les raisons justifiant la limitation du choix des langues de rédaction de l’acte de candidature.

205    Le Royaume d’Espagne adhère à l’argumentation présentée par la République italienne.

206    Pour sa part, la Commission relève que les points de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), invoqués par la République italienne, ne sont pas pertinents en l’espèce, dans la mesure où ils abordent la seule question de la langue de publication des avis de concours.

207    En tout état de cause, la Commission indique que, en ce qui concerne le concours visé par l’avis attaqué, il convient de distinguer selon que la communication porte sur des questions générales et abstraites ou présente une nature spécifique en ce qu’elle vise à faire connaître l’intérêt du candidat à obtenir un poste au sein de la fonction publique de l’Union, ce qui inclut, notamment, la présentation de l’acte de candidature.

208    Dans la première hypothèse, les candidats auraient la possibilité d’indiquer au moins deux langues parmi toutes les langues de l’Union dans lesquelles ils souhaitent recevoir les réponses de l’EPSO. Ainsi, les arguments tirés d’une violation des dispositions du règlement no 1 ne sauraient prospérer à cet égard. La Commission produit, à cette fin, le formulaire de contact que l’EPSO aurait mis à la disposition des candidats sur son site Internet ainsi que des données relatives aux langues dans lesquelles ce service aurait fourni des réponses à des questions ou à des demandes formulées dans le cadre du concours concerné par l’avis attaqué.

209    Dans le deuxième cas, les candidats seraient tenus d’utiliser leur deuxième langue de concours, à choisir uniquement parmi l’allemand, l’anglais ou le français. Une telle limitation se justifierait par l’article 28, sous f), du statut, qui fait de la connaissance de deux langues de l’Union une condition de recrutement des fonctionnaires, mais également par l’impératif d’égalité de traitement entre les candidats. Par ailleurs, cette limitation répondrait à l’intérêt du service à ce que les communications de ce type se déroulent de manière rapide et efficace, qu’elles soient gérées sur un pied d’égalité par le jury du concours, dont les membres ont toujours pour langues de travail les trois langues susmentionnées, ainsi que par l’EPSO et, enfin, qu’elles n’entraînent pas une charge considérable en termes de gestion des ressources par l’EPSO.

210    En ce qui concerne, tout d’abord, le défaut de motivation allégué par la République italienne, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte du point 3 de l’annexe II de l’avis attaqué, la limitation du choix des langues de communication, y compris des langues de présentation de l’acte de candidature, est motivée, en substance, par « un souci de communication rapide et efficace » ainsi que par la nécessité de « comparer [les candidats] sur une base homogène » (voir point 11 ci-dessus). Partant, l’argument de la République italienne tiré d’un défaut de motivation doit être écarté.

211    S’agissant, ensuite, de l’existence d’une discrimination ainsi que de la justification éventuelle de celle-ci, il convient de rappeler que, conformément à l’article 2 du règlement no 1, qui correspond, en substance, à l’article 24, quatrième alinéa, TFUE et à l’article 41, paragraphe 4, de la Charte, les textes adressés aux institutions de l’Union par une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés, au choix de l’expéditeur, dans l’une des langues officielles, visées à l’article 1er de ce règlement, et la réponse de l’institution doit être rédigée dans la même langue. En tant que composante essentielle du respect de la diversité linguistique de l’Union, dont l’importance est rappelée à l’article 3, paragraphe 3, quatrième alinéa, TUE ainsi qu’à l’article 22 de la Charte, le droit réservé à ces personnes de choisir, parmi les langues officielles de l’Union, la langue à utiliser dans les échanges avec les institutions revêt un caractère fondamental (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 36).

212    Toutefois, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour, il ne saurait être inféré de l’obligation incombant à l’Union de respecter la diversité linguistique qu’il existe un principe général de droit assurant à chaque personne le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances et selon lequel les institutions seraient tenues, sans qu’aucune dérogation y soit autorisée, à utiliser l’ensemble des langues officielles dans toute situation (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 37 et jurisprudence citée).

213    En particulier, dans le cadre spécifique des procédures de sélection du personnel de l’Union, la Cour a jugé que les institutions ne sauraient se voir imposer des obligations allant au-delà des exigences prévues à l’article 1er quinquies du statut (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 39 et jurisprudence citée).

214    Il découle de l’article 1er quinquies, paragraphe 1 et paragraphe 6, première phrase, du statut que, s’il n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse justifier la limitation du choix de la deuxième langue d’un concours, y compris de la ou des langues de communication entre les candidats et l’EPSO, à un nombre restreint de langues officielles dont la connaissance est la plus répandue dans l’Union, une telle limitation doit néanmoins impérativement reposer sur des éléments objectivement vérifiables, tant par les candidats au concours que par les juridictions de l’Union, de nature à justifier les connaissances linguistiques exigées, qui doivent être proportionnées aux besoins réels du service (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 124 et jurisprudence citée).

215    À cet égard, il convient de relever que, selon la partie introductive de l’annexe II de l’avis attaqué, « [l]es candidats sont tenus d’utiliser leur deuxième langue de concours (allemand, anglais ou français) pour remplir les actes de candidature électroniques et EPSO doit utiliser ces langues pour la communication de masse destinée aux candidats ayant présenté une candidature valide » (voir point 8 ci-dessus).

216    Par ailleurs, au point 3 de l’annexe II de l’avis attaqué, il est indiqué que « [l]es candidats peuvent s’adresser à [l’]EPSO dans toute langue officielle de l’[Union], mais, pour que l’[EPSO] puisse traiter plus efficacement leur demande, les candidats sont encouragés à choisir parmi un nombre limité de langues pour lesquelles le personnel d[e l]’EPSO est en mesure de fournir une couverture linguistique immédiate sans qu’il soit nécessaire de recourir à la traduction » (voir point 11 ci-dessus).

217    Si, s’agissant des communications de ce dernier type, il n’apparaît pas, au regard des éléments avancés par la Commission et mentionnés au point 208 ci-dessus, que les candidats ne pouvaient pas communiquer avec l’EPSO dans la langue officielle de leur choix, force est de constater qu’aussi bien la présentation de l’acte de candidature que la « communication de masse destinée aux candidats ayant présenté une candidature valide » devaient s’effectuer uniquement en allemand, en anglais ou en français. Ainsi et par identité de motifs avec ceux figurant aux points 51 à 55 ci-dessus s’agissant de la deuxième langue des épreuves du concours concerné par l’avis attaqué, une telle limitation est constitutive d’une discrimination en raison de la langue, en principe interdite par l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut.

218    En outre, cette limitation ne peut être compensée par la possibilité évoquée au point 217 ci-dessus, dont disposaient les candidats pour communiquer avec l’EPSO dans la langue officielle de leur choix à propos d’autres aspects relatifs à la procédure de sélection en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 48).

219    En ce qui concerne le bien-fondé des motifs invoqués à l’appui de ladite limitation, tirés, en substance, de la nécessité d’assurer une communication rapide et efficace et de procéder à une comparaison homogène des candidats (voir point 210 ci-dessus), il y a lieu de relever que ceux-ci ne pourraient, à eux seuls, fonder qu’une limitation in abstracto du nombre des langues pouvant être utilisées pour la rédaction de l’acte de candidature et pour la « communication de masse » de l’EPSO avec les candidats admissibles. En revanche, et ainsi que la Commission le reconnaît elle-même, en substance, au point 148 du mémoire en défense, lesdits motifs ne seraient susceptibles de justifier une limitation des langues de communication à l’allemand, à l’anglais et au français que si la connaissance satisfaisante de ces langues permettait aux candidats, eu égard à la nature des fonctions à exercer et aux besoins réels du service, d’être immédiatement opérationnels.

220    Or, ainsi qu’il a été constaté au point 197 ci-dessus, tel n’est pas le cas en l’espèce.

221    En outre, s’agissant de l’argument que la Commission tire de l’existence de contraintes budgétaires, il convient de l’écarter pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 85 à 88 ci-dessus. De même, doit être rejeté, compte tenu de l’analyse effectuée aux points 106 à 188 ci-dessus, relative aux éléments produits par la Commission concernant son propre fonctionnement ainsi que celui de la Cour des comptes, l’argument de celle-ci selon lequel les langues de travail des fonctionnaires composant le jury du concours sont « toujours » l’allemand, l’anglais ou le français.

222    Au vu de ce qui vient d’être exposé, il convient d’accueillir le sixième moyen présenté par la République italienne et, par conséquent, d’annuler l’avis attaqué en ce qu’il limite le choix des langues de communication entre les candidats et l’EPSO à l’allemand, à l’anglais et au français uniquement.

223    Partant et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués par la République italienne, il convient d’accueillir le présent recours et d’annuler l’avis attaqué dans son ensemble.

224    En effet, il importe de relever que, eu égard à ce qui a été exposé au point 36 ci-dessus, les illégalités constatées quant au régime linguistique prévu par l’avis attaqué affectent la procédure de sélection en cause dans son ensemble et impliquent, dès lors, l’annulation de cet avis dans son intégralité (voir, en ce sens, ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 130).

225    S’agissant des effets de l’annulation de l’avis attaqué, il y a lieu d’indiquer que, lors de l’audience, la République italienne, interrogée sur ce point par le Tribunal, a considéré qu’il conviendrait d’en tirer les conséquences en annulant également les listes de réserve établies à l’issue du concours en cause. En effet, eu égard à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal intervenue depuis 2012, aucune confiance légitime ne saurait être placée dans le maintien de ces listes. Le Royaume d’Espagne s’est rallié à la position de la République italienne.

226    En réponse, la Commission a soutenu que, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), dans laquelle le Royaume d’Espagne aurait expressément conclu à l’annulation de la base de données établie à l’issue de l’appel à manifestation d’intérêt annulé par cet arrêt, dans la présente affaire, la République italienne ne serait pas recevable à demander l’annulation des listes de réserve établies à l’issue du concours en cause faute d’avoir formulé de chef de conclusions en ce sens dans sa requête. Par ailleurs, selon la Commission, la procédure de sélection en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt susmentionné aurait été beaucoup plus souple que celle visée par la présente affaire, de sorte que l’annulation de l’ensemble des résultats de cette dernière paraîtrait totalement injustifiée.

227    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seules les conclusions exposées dans la requête introductive d’instance peuvent être prises en considération et que le bien-fondé du recours doit être examiné uniquement au regard de telles conclusions (voir arrêt du 25 février 2016, Musso/Parlement, T‑589/14 et T‑772/14, non publié, EU:T:2016:101, point 30 et jurisprudence citée). Ainsi, par principe, la partie requérante ne saurait, en cours de procédure, présenter de nouvelles conclusions ou étendre l’objet de conclusions existantes, ce qui entraînerait une modification de l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1965, Krawczynski/Commission, 83/63, EU:C:1965:70, p. 785), à moins que les conditions d’application de l’article 86 du règlement de procédure, relatif à l’adaptation de la requête, soient réunies. Or, ainsi qu’il résulte du dossier de la présente affaire, tel n’est pas le cas en l’espèce.

228    En conséquence, pour autant que la prise de position de la République italienne lors de l’audience soit susceptible de s’analyser comme tendant à l’annulation des listes de réserve établies à l’issue du concours en cause, une telle demande, dans la mesure où elle n’est pas conforme aux exigences rappelées au point 227 ci-dessus, devrait être rejetée comme irrecevable.

229    En toute hypothèse, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 266 TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant prononcé l’annulation de cet acte. La Cour a jugé à cet égard que, pour se conformer à un tel arrêt et lui donner pleine exécution, l’institution concernée était tenue de respecter non seulement le dispositif de cet arrêt, mais également les motifs qui avaient amené à celui-ci et qui en constituaient le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils étaient indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui avait été jugé dans le dispositif (voir arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 35 et jurisprudence citée).

230    Cependant, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 83 à 87 de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249, point 85), l’annulation de l’avis attaqué ne saurait avoir d’incidence sur d’éventuels recrutements déjà effectués sur la base des listes de réserve établies à l’issue de la procédure de sélection en cause, au regard de la confiance légitime dont bénéficient les candidats qui se sont d’ores et déjà vu offrir un poste sur le fondement de leur inscription sur lesdites listes (voir, en ce sens, ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 131).

 Sur les dépens

231    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République italienne.

232    Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’avis de concours général EPSO/AD/322/16, pour la constitution de listes de réserve d’administrateurs dans le domaine de l’audit (AD 5/AD 7), est annulé.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens et est condamnée à supporter ceux exposés par la République italienne.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2020.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la légalité de la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix, par les candidats, de la deuxième langue du concours concerné par l’avis attaqué

1. Sur la motivation de l’avis attaqué

2. Sur le bien-fondé des motifs retenus dans l’avis attaqué pour la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix, par les candidats, de la deuxième langue du concours en cause

a) Sur l’existence d’une discrimination

b) Sur l’existence d’une justification de la discrimination litigieuse

1) Sur les motifs figurant dans l’avis attaqué

2) Sur les éléments produits par la Commission

i) Observation liminaire

ii) Sur les éléments relatifs au fonctionnement de la Commission

– Sur les éléments relatifs à la pratique interne de la Commission en matière linguistique

– Sur les éléments relatifs aux langues utilisées par les membres du personnel de la Commission chargés des fonctions d’audit

iii) Sur les éléments relatifs au fonctionnement de la Cour des comptes

– Sur les éléments relatifs à la pratique interne de la Cour des comptes en matière linguistique

– Sur les éléments relatifs aux langues utilisées par les membres du personnel de la Cour des comptes

iv) Sur les éléments relatifs à la diffusion de l’allemand, de l’anglais et du français en tant que langues étrangères parlées et étudiées en Europe

B. Sur la légalité de la limitation du choix des langues pouvant être utilisées dans les communications entre les candidats au concours concerné par l’avis attaqué et l’EPSO

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’italien.

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