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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Leonardo v Frontex (Order) French Text [2020] EUECJ T-849/19_CO (20 April 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T84919_CO.html Cite as: ECLI:EU:T:2020:154, EU:T:2020:154, [2020] EUECJ T-849/19_CO |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
20 avril 2020 (*)
« Référé – Marchés publics de services – Demande de mesures provisoires – Défaut d’urgence »
Dans l’affaire T‑849/19 R,
Leonardo SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Me A. Parrella, avocat,
partie requérante,
contre
Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), représentée par par MM. S. Drew, H. Caniard, C. Georgiadis et A. Gras, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Vanderstraeten, F. Biebuyck et V. Ost, avocats,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant à l’octroi de mesures provisoires visant le sursis à l’exécution de l’avis de marché publié le 18 octobre 2019 par Frontex, intitulé « Essai de système d’aéronefs télépilotés (RPAS) pour la surveillance aérienne de longue durée à altitude moyenne des zones maritimes »,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties
1 Le 18 octobre 2019, par avis de marché publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2019/S 0202‑490010), l’Agence européenne de garde‑frontières et de garde‑côtes (Frontex) a lancé la procédure d’appel d’offres FRONTEX/OP/888/2019/JL/CG intitulé « Essai de système d’aéronefs télépilotés (RPAS) pour la surveillance aérienne de longue durée à altitude moyenne des zones maritimes » (ci‑après l’« avis de marché attaqué »), afin d’acquérir des services de surveillance aérienne du domaine maritime au moyen du système d’aéronef télépiloté de moyenne altitude et de longue endurance européen (« MALE RPAS »).
2 L’article II.2.4 de l’avis de marché attaqué précise que « [l]’objet du marché est d’établir un contrat‑cadre multiple pour des services de surveillance aérienne maritime avec des systèmes d’aéronefs télépilotés de longue endurance, la fourniture d’informations via un portail de mission distant et le partage d’images opérationnelles compilées et/ou de données brutes (les exigences de transmission des données seront définies dans les commandes spécifiques). Frontex a l’intention d’attribuer le contrat‑cadre à trois (3) contractants maximum, en les classant en cascade (1er, 2e, 3e), à condition qu’il y ait un nombre suffisant d’opérateurs économiques qui répondent aux critères de sélection et un nombre suffisant d’offres recevables répondant aux critères d’attribution. Néanmoins, si une seule offre satisfait à toutes les exigences minimales, Frontex peut décider d’annuler la procédure ou de signer un contrat‑cadre unique au lieu d’un contrat‑cadre en cascade ».
3 La requérante, Leonardo SpA, société active dans le secteur aérospatial, de la défense et de la sécurité, à qui Frontex avait attribué, en 2017, le lot no 2 de l’appel d’offres précédent consacré aux drones de type « RPAS Small MALE », n’a pas pu participer à la procédure d’appel d’offres, lancée par l’avis de marché attaqué, en raison des spécifications techniques exigées.
4 Le délai de dépôt des offres a été fixé, conformément aux modifications intervenues en cours de procédure, au 13 décembre 2019 et la date d’ouverture des offres au 20 décembre 2019.
5 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2019, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de l’avis de marché attaqué et à obtenir réparation du préjudice prétendument subi et à subir.
6 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– surseoir à l’exécution de l’avis de marché attaqué et des actes qui y sont joints en annexe ;
– condamner Frontex aux dépens.
7 Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 24 janvier 2020, Frontex conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– rejeter la demande en référé ;
– réserver les dépens.
8 En droit
9 Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).
10 L’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».
11 Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).
12 Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].
13 Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.
14 Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.
15 Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27).
16 Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).
17 S’agissant, toutefois, du contentieux de la passation des marchés publics, il convient de tenir compte des particularités de ce contentieux aux fins d’apprécier l’urgence.
18 En effet, il ressort de la jurisprudence que, compte tenu des impératifs découlant de la protection effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, lorsque le soumissionnaire évincé parvient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il ne saurait être exigé de sa part qu’il établisse que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ordonnance du 11 septembre 2019, Sophia Group/Parlement, T‑578/19 R, non publiée, EU:T:2019:583, point 23).
19 Toutefois, cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif, ne s’applique que pendant la phase précontractuelle, pour autant que le délai d’attente résultant de l’article 175 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1) soit respecté. Dès lors que le contrat a été conclu avec l’attributaire après l’écoulement de ce délai et avant l’introduction de la demande en référé, l’assouplissement susmentionné ne se justifie plus (ordonnance du 11 septembre 2019, Sophia Group/Parlement, T‑578/19 R, non publiée, EU:T:2019:583, point 24).
20 En l’espèce, le délai de dépôt des offres a expiré le 13 décembre 2019 et l’ouverture des offres a eu lieu le 20 décembre 2019.
21 Par conséquent, à supposer même que la jurisprudence relative à l’assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence soit applicable en l’espèce, il importe de constater que la conclusion du marché ou du contrat‑cadre avec l’attributaire n’est pas imminente. Au contraire, par la présente demande en référé, la requérante vise à obtenir la suspension de la procédure d’appel d’offres à son stade initial.
22 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’urgence en matière de marchés publics ne saurait être appliqué en l’espèce.
23 Partant, il convient d’analyser si la requérante a établi à suffisance de droit que l’exécution de l’avis de marché attaqué engendrerait pour elle un préjudice grave et irréparable au sens de la jurisprudence rappelée au point 16 ci‑dessus.
24 En l’espèce, en premier lieu, afin de démontrer l’urgence, la requérante soutient que les entraves à la participation à la procédure d’appel d’offres ont une incidence directe sur son patrimoine, ce qui a contrevenu à l’attente légitime que le marché lui soit attribué.
25 À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 53 et jurisprudence citée).
26 Enfin, il est de jurisprudence constante que le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit, en principe, produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir ordonnance du 10 juillet 2018, Synergy Hellas/Commission, T‑244/18 R, non publiée, EU:T:2018:422, point 27 et jurisprudence citée).
27 À cet égard, il importe de constater que la requérante n’a fourni aucune indication concrète et précise, étayée par des preuves documentaires détaillées et certifiées, conformément aux exigences de la jurisprudence citée au point 26 ci‑dessus, qui démontre sa situation financière et permette d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Elle se borne à formuler des allégations vagues et non quantifiées.
28 En deuxième lieu, la requérante soutient que les entraves à sa participation à la procédure d’appel d’offres ont une incidence directe sur ses droits absolus de participer à tous les marchés publics et qu’un équivalent pécuniaire ne saurait remplacer intégralement la participation à l’appel d’offres et encore moins l’attribution du marché.
29 Toutefois, comme le fait observer, à juste titre, Frontex, la requérante ne détient pas un droit absolu de participation à tous les marchés publics. Le pouvoir adjudicateur peut, dans certaines limites, faire usage de la possibilité, prévue au point 17 de l’annexe I du règlement 2018/1046, de formuler des spécifications techniques en termes notamment de niveaux de qualité ou de performances ou d’exigences fonctionnelles.
30 En troisième lieu, la requérante allègue que le droit de participer à tous les marchés publics est une composante essentielle de sa dignité, de son image et de sa crédibilité, particulièrement eu égard tant aux rapports déjà établis avec les institutions de l’Union qu’aux autres rapports qu’elle établira dans l’avenir.
31 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les éléments essentiels et principaux d’un contrat conclu à l’issue d’une procédure d’appel d’offres pour l’attribution d’un marché public sont, d’une part, l’exécution du marché par l’entreprise attributaire et, d’autre part, le paiement de la somme prévue contractuellement par le pouvoir adjudicateur. En revanche, des considérations relatives à la réputation du soumissionnaire retenu et à la possibilité pour lui d’utiliser l’attribution d’un marché public prestigieux comme référence dans le cadre d’un futur appel d’offres ou dans d’autres contextes concurrentiels ne concernent que des éléments accidentels et accessoires dudit contrat. Or, si le fait pour un soumissionnaire écarté de subir un manque à gagner grave en n’obtenant pas la somme prévue contractuellement, élément essentiel et principal du marché public en cause, ne saurait justifier l’octroi d’une mesure provisoire, il doit en aller de même, à plus forte raison, en ce qui concerne la perte desdits éléments accidentels et accessoires (voir ordonnance du 30 mai 2017, Enrico Colombo et Corinti Giacomo/Commission, T‑690/16 R, non publiée, EU:T:2017:370, point 55 et jurisprudence citée).
32 En outre, il convient de constater, comme le fait observer Frontex, que, lorsque cette dernière lancera dans le futur des appels d’offres dans le domaine spécifique des « Small RPAS », la requérante pourra y participer librement.
33 Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, à défaut, pour la requérante, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité de ladite demande, de se prononcer sur le fumus boni juris ou de procéder à la mise en balance des intérêts.
34 En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 20 avril 2020.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | M. van der Woude |
* Langue de procédure : l’italien.
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