Sescam (Order) French Text [2021] EUECJ C-226/21_CO (13 December 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C22621_CO.html
Cite as: ECLI:EU:C:2021:1010, [2021] EUECJ C-226/21_CO, EU:C:2021:1010

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ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

13 décembre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Notion de “conditions d’emploi” – Dispense de services de garde médicale en raison de l’âge octroyée aux seuls travailleurs à durée indéterminée »

Dans l’affaire C‑226/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo nº 1 de Toledo (tribunal administratif au niveau provincial n° 1 de Tolède, Espagne), par décision du 9 mars 2021, parvenue à la Cour le 8 avril 2021, dans la procédure

KQ

contre

Servicio de Salud de Castilla-La Mancha (Sescam),

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Passer, président de la septième chambre, faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. F. Biltgen (rapporteur) et N. Wahl, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43), ainsi que de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant KQ au Servicio de Salud de Castilla-La Mancha (Sescam) (service de santé de Castille-La Manche, Espagne) au sujet du refus de ce dernier d’accorder à KQ une dispense de services de garde médicale en raison de l’âge.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le considérant 14 de la directive 1999/70 énonce :

« les parties signataires ont souhaité conclure un accord-cadre sur le travail à durée déterminée énonçant les principes généraux et prescriptions minimales relatifs aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée ; elles ont manifesté leur volonté d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non-discrimination [...] ».

4        Aux termes de l’article 1er de cette directive, celle-ci vise « à mettre en œuvre l’accord-cadre [...], conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ».

5        L’article 2, premier alinéa, de ladite directive prévoit :

« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive [et doivent] prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. [...] »

6        Le troisième alinéa du préambule de l’accord-cadre énonce que ce dernier « illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination ».

7        Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet, d’une part, d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination et, d’autre part, d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

8        La clause 2 de l’accord-cadre, intitulée « Champ d’application », prévoit, à son point 1 :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »

9        La clause 3 de l’accord-cadre, intitulée « Définitions », dispose :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.      “travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.      “travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective comparable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales. »

10      La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non‑discrimination », prévoit, aux points 1 et 4 :

« 1.      Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent [ne] soit justifié par des raisons objectives.

[...]

4.      Les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d’ancienneté différents sont justifiés par des raisons objectives. »

 Le droit espagnol

11      Aux termes de l’article 8 de la Ley estatal 55/2003 del Estatuto Marco del personal estatutario de los servicios de salud (loi 55/2003, relative au statut-cadre du personnel statutaire des services de santé), du 16 décembre 2003 (BOE no 301, du 17 décembre 2003, p. 44742), dans sa version applicable à la date des faits au principal (ci-après le « statut-cadre »), « relève du personnel statutaire permanent toute personne qui, après avoir passé avec succès le processus de sélection pertinent, est nommée pour exercer à titre permanent les fonctions couvertes par une telle nomination ».

12      L’article 9 du statut-cadre porte sur la nomination du personnel statutaire temporaire dans le domaine des services de santé. Selon le paragraphe 1 de cet article, les nominations de ce personnel se justifient pour des raisons de nécessité, d’urgence ou pour le développement de programmes de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire. Ledit personnel peut être engagé en tant qu’agent non titulaire (personnel « interino »), agent temporaire occasionnel ou agent de substitution. En vertu du paragraphe 2 dudit article, le personnel « interino » est engagé pour pourvoir temporairement un poste vacant auprès des centres ou des services de santé. L’engagement de ce personnel prend fin lorsqu’il accède à la catégorie du personnel permanent tout en conservant le poste qu’il occupe ou lorsque ce poste est supprimé. Selon le paragraphe 5 du même article, « le régime général du personnel statutaire fixe est applicable au personnel statutaire temporaire dans la mesure où il est approprié à la nature de la situation de ce personnel ».

13      L’article 48 du statut-cadre établit l’obligation du personnel appartenant à certaines catégories ou à certaines unités d’accomplir un temps de travail complémentaire au moyen de gardes ou d’autres systèmes équivalents.

14      L’article 15, paragraphe 1, de la Ley 1/2012 de Castilla-La Mancha, de medidas complementarias para la aplicación del plan de garantias de servicios sociales (loi régionale de Castille-La Manche 1/2012, portant sur des mesures complémentaires pour l’application du plan des garanties des services sociaux), du 21 février 2012, (BOE n° 193, du 13 août 2012, p. 57971, ci-après la « loi régionale »), introduit le droit à une dispense de services de garde dans les termes suivants :

« Les personnes qui remplissent les conditions suivantes ont le droit de bénéficier d’une dispense de services de garde en raison de l’âge, avec participation volontaire à des modules d’activité supplémentaire :

a)      le personnel médical permanent en soins spécialisés ou en soins primaires et le personnel infirmier permanent en soins primaires ;

b)      les personnes âgées de plus de 55 ans ;

c)      les personnes justifiant d’une période minimale d’activité préalable égale ou supérieure à dix ans, qui assurent de manière effective un service de garde dans le cadre du temps de travail complémentaire [...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

15      KQ, âgée de 58 ans, exerce la profession de médecin et travaille, depuis plus de seize ans, pour le compte du Sescam, auprès de différents centres de santé de la Communauté autonome de Castille-La Manche (Espagne).

16      Au sein du Sescam, elle a fait l’objet de 24 nominations en tant que membre du personnel statutaire temporaire, en tant qu’agent de remplacement, agent occasionnel ou agent de substitution.

17      Sa dernière nomination en qualité d’agent non titulaire (personnel « interino ») est datée du 10 février 2011. Elle a donc effectué une période d’activité de plus de dix ans au sein d’un même centre de santé.

18      Le 9 octobre 2019, à l’âge de 56 ans, KQ avait demandé au Sescam, en vertu de l’article 15 de la loi régionale, à bénéficier du droit de dispense de services de garde prévu à titre optionnel pour les personnes âgées de plus de 55 ans.

19      Le 16 octobre 2019, le Sescam a refusé d’accueillir sa demande, au motif que la loi régionale permettrait uniquement d’accorder cette dispense de services de garde au personnel permanent.

20      Le 10 novembre 2019, KQ a déposé, auprès du Sescam, une réclamation dirigée contre ce refus, en invoquant le caractère discriminatoire de celui-ci.

21      La réclamation ayant été rejetée, KQ a introduit un recours devant la juridiction de renvoi, en sollicitant l’octroi de la dispense de services de garde au motif que la loi régionale est incompatible avec le droit de l’Union.

22      La juridiction de renvoi relève, d’abord, qu’un traitement discriminatoire résulte de la loi régionale, dont l’application ne permet pas d’accorder à un membre du personnel « interino », qui occupe le même poste depuis plus de dix ans sans interruption, le droit d’être dispensé des services de garde, alors même qu’une telle dispense serait accordée à un travailleur à durée indéterminée qui occupe le même poste.

23      La juridiction de renvoi précise, ensuite, que la différence de traitement entre les membres du personnel statutaire temporaire et les travailleurs à durée indéterminée est fondée sur le caractère purement temporaire de la nomination des premiers, dès lors que ceux-ci occupent exactement le même poste et exercent les mêmes fonctions que des travailleurs à durée indéterminée comparables. Elle ajoute que le travail est effectué de la même façon, avec des temps de travail et des devoirs de diligence identiques, et que la dispense de services de garde produit les mêmes effets sur la prestation du service, indépendamment du fait qu’elle soit accordée à un travailleur temporaire ou à un travailleur à durée indéterminée.

24      En outre, la juridiction de renvoi souligne que, bien que le poste occupé par KQ soit destiné à un médecin qui est membre du personnel permanent, il aurait toujours été pourvu par du personnel temporaire. Ce poste ne présenterait aucune spécificité justifiant, pour des raisons de nécessité ou d’urgence, que, à la date de sa dernière nomination, KQ y ait été nommée à titre temporaire.

25      Enfin, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la réponse à apporter dans le litige au principal en raison, notamment, du fait que de nombreuses juridictions espagnoles auraient rendu des décisions dans des cas similaires, sans que la question d’une différence de traitement entre travailleurs temporaires et travailleurs à durée indéterminée ait été soulevée.

26      Dans ces conditions, le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo nº 1 de Toledo (tribunal administratif au niveau provincial n° 1 de Tolède, Espagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La clause 4 de [l’accord-cadre] et l’article 21 de la [Charte] s’opposent-ils à une législation telle que celle applicable [dans l’affaire au principal], à savoir l’article 15 de la [loi régionale], qui, d’une part, subordonne l’octroi du droit d’être dispensé de services de garde à un travailleur ou à une travailleuse âgés de plus de 55 ans, tel que la requérante [au principal], à l’obtention, par l’intéressé, du statut de membre du personnel à durée indéterminée, et, d’autre part, exclut cette possibilité pour les travailleurs à durée déterminée ? »

 Sur la question préjudicielle

27      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

28      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

29      À titre liminaire, il convient de relever que l’interdiction de toute discrimination consacrée par l’article 21 de la Charte, tout comme le principe d’égalité que consacre l’article 20 de la Charte, ont été mis en œuvre notamment, en ce qui concerne les travailleurs à durée déterminée, par la directive 1999/70, et en particulier par la clause 4 de l’accord-cadre. Il en résulte que la situation en cause au principal doit être examinée à la lumière de cette directive et de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 20).

30      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit d’être dispensé de services de garde est octroyé aux travailleurs à durée indéterminée, à l’exclusion des travailleurs à durée déterminée.

31      En premier lieu, conformément à une jurisprudence constante, il ressort de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre que le champ d’application personnel de celui-ci est conçu de manière large, en visant de façon générale les travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail définis par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre (voir, notamment, arrêt du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 39 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 9 février 2017, Rodrigo Sanz, C‑443/16, EU:C:2017:109, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

32      Les prescriptions énoncées dans l’accord-cadre ont donc vocation à s’appliquer aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et les autres entités du secteur public (voir, notamment, arrêt du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 38 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 9 février 2017, Rodrigo Sanz, C‑443/16, EU:C:2017:109, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

33      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que KQ exerce la profession de médecin, depuis plus de seize ans, pour le compte du Sescam, auprès de différents centres de santé de la Communauté autonome de Castille-La Manche. Cette décision fait également état du fait que KQ a, au sein du Sescam, fait l’objet de 24 nominations en tant que membre du personnel statutaire temporaire et que sa dernière nomination, en qualité d’agent non titulaire (personnel « interino ») est datée du 10 février 2011.

34      Dans la mesure où KQ fait partie du personnel statutaire temporaire et qu’elle a fait l’objet de plusieurs nominations à durée déterminée, elle doit être considérée comme ayant la qualité de « travailleur à durée déterminée », au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre. Partant, elle relève du champ d’application de la directive 1999/70 ainsi que de celui de l’accord-cadre.

35      En deuxième lieu, il importe de rappeler que, aux termes de la clause 1, sous a), de l’accord-cadre, celui-ci a notamment pour objet d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination. De même, à son troisième alinéa, le préambule de l’accord-cadre précise que celui-ci « illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination ». Le considérant 14 de la directive 1999/70 indique à cet effet que l’objectif de l’accord-cadre consiste, notamment, à améliorer la qualité du travail à durée déterminée en fixant des prescriptions minimales de nature à garantir l’application du principe de non-discrimination (voir, notamment, ordonnances du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso, C‑631/15, EU:C:2016:725, point 31, et du 9 février 2017, Rodrigo Sanz, C‑443/16, EU:C:2017:109, point 29, ainsi que arrêts du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility, C‑574/16, EU:C:2018:390, point 36 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 21 et jurisprudence citée).

36      L’accord-cadre, en particulier sa clause 4, vise à faire application dudit principe aux travailleurs à durée déterminée en vue d’empêcher qu’une relation d’emploi de cette nature soit utilisée par un employeur pour priver ces travailleurs de droits qui sont reconnus aux travailleurs à durée indéterminée (voir, notamment, ordonnances du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso, C‑631/15, EU:C:2016:725, point 32, et du 9 février 2017, Rodrigo Sanz, C‑443/16, EU:C:2017:109, point 30, ainsi que arrêts du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility, C‑574/16, EU:C:2018:390, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 22 et jurisprudence citée).

37      En effet, la clause 4, point 1, de l’accord-cadre énonce, en ce qui concerne les conditions d’emploi, une interdiction de traiter les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée se trouvant dans une situation comparable, à moins qu’un traitement différencié entre ces deux catégories de travailleurs ne soit justifié par des raisons objectives (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2016, de Diego Porras, C‑596/14, EU:C:2016:683, point 34, ainsi que ordonnances du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso, C‑631/15, EU:C:2016:725, point 40, et du 9 février 2017, Rodrigo Sanz, C‑443/16, EU:C:2017:109, point 34).

38      Eu égard aux objectifs poursuivis par l’accord-cadre, la clause 4 de celui-ci doit être comprise comme exprimant un principe de droit social de l’Union qui ne saurait être interprété de manière restrictive (voir, notamment, arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 23 et jurisprudence citée).

39      Ainsi, la Cour a jugé que le critère décisif pour déterminer si une mesure relève des « conditions d’emploi », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, est précisément celui de l’emploi, à savoir la relation de travail établie entre un travailleur et son employeur (voir, notamment, arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 27 et jurisprudence citée).

40      À cet égard, la Cour a déjà jugé que relèvent de la notion de « conditions d’emploi », notamment, les primes triennales d’ancienneté (arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 47, ainsi que du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, points 50 à 58), les primes sexennales de formation continue (ordonnance du 9 février 2012, Lorenzo Martínez, C‑556/11, non publiée, EU:C:2012:67, point 38), l’indemnité que l’employeur est tenu de verser à un travailleur en raison de la fixation illicite d’un terme à son contrat (arrêt du 12 décembre 2013, Carratù, C‑361/12, EU:C:2013:830, point 38), la participation à un plan d’évaluation professionnelle et l’incitation financière qui s’ensuit en cas de notation positive (ordonnance du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso, C‑631/15, EU:C:2016:725, point 36), la participation à un régime d’évolution professionnelle horizontale donnant lieu à un complément de rémunération (ordonnance du 22 mars 2018, Centeno Meléndez, C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 47), les règles relatives à la détermination du délai de préavis applicable en cas de résiliation des contrats de travail à durée déterminée (arrêt du 13 mars 2014, Nierodzik, C‑38/13, EU:C:2014:152, point 29), les indemnités allouées au travailleur en raison de cette résiliation (arrêt du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility, C‑574/16, EU:C:2018:390, point 44), le régime de réintégration dont bénéficie le travailleur en cas de licenciement (arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 30) ou encore la réduction de moitié du temps de travail et la régression salariale qui s’ensuit (ordonnance du 9 février 2017, Rodrigo Sanz, C‑443/16, EU:C:2017:109, point 33).

41      En l’occurrence, il ressort de la loi régionale que l’octroi de la dispense de services de garde est accordé aux travailleurs âgés de plus de 55 ans qui justifient d’une période minimale d’activité préalable égale ou supérieure à dix ans et qui assurent de manière effective un service de garde.

42      Une telle mesure de dispense, qui est accordée en raison de la relation de travail existant entre le travailleur et son employeur, doit être considérée comme relevant des « conditions d’emploi », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, sous peine de réduire, au mépris de l’objectif assigné à ladite disposition, le champ d’application de la protection accordée aux travailleurs à durée déterminée contre les discriminations.

43      Il s’ensuit qu’une mesure de dispense de services de garde, telle que celle en cause au principal, relève de la notion de « conditions d’emploi », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

44      En troisième lieu, il convient de rappeler que le principe de non-discrimination, dont la clause 4, point 1, de l’accord-cadre constitue une expression particulière, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility, C‑574/16, EU:C:2018:390, point 46 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 32).

45      En l’occurrence, il est constant qu’il existe une différence de traitement entre le personnel statutaire permanent des services de santé et le personnel statutaire temporaire de ces mêmes services, en ce que le premier, en remplissant la condition de l’âge minimal de 55 ans et en justifiant d’une période minimale d’activité égale ou supérieure à dix ans incluant des services de garde, peut être dispensé de tels services, alors que le second ne dispose pas du droit de demander une telle dispense.

46      Eu égard à l’inégalité constatée, il convient de vérifier, d’une part, si le personnel statutaire permanent des services de santé et le personnel statutaire temporaire de ces mêmes services se trouvent dans une situation comparable et, d’autre part, s’il existe une raison objective, au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, justifiant la différence de traitement constatée.

47      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si les personnes intéressées exercent un travail identique ou similaire, au sens de l’accord-cadre, il y a lieu, conformément à la clause 3, point 2, et à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, de rechercher si, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, ces personnes peuvent être considérées comme se trouvant dans une situation comparable (voir, notamment, arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 34 et jurisprudence citée).

48      S’il appartient, en définitive, à la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour apprécier les faits, de déterminer si KQ, qui relevait de la catégorie du personnel temporaire, se trouvait dans une situation comparable à celle du personnel permanent engagé par le même employeur au cours de la même période (voir, notamment, arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 35 et jurisprudence citée), il ressort toutefois clairement des indications contenues dans la décision de renvoi que, pour chacune des deux catégories de personnel médical concerné, les caractéristiques des postes de travail occupés sont identiques, de même que le temps de travail à effectuer et le devoir de diligence leur incombant. En outre, la juridiction de renvoi précise que la dispense de services de garde produit les mêmes effets sur la prestation de service du personnel concerné, indépendamment du fait qu’elle soit accordée à un travailleur temporaire ou à un travailleur à durée indéterminée.

49      Dès lors que les deux catégories de travailleurs concernés se trouvent dans une situation comparable, seule l’existence d’une raison objective est susceptible de justifier la différence de traitement en cause.

50      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de « raisons objectives », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, doit être comprise comme ne permettant pas de justifier une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée par le fait que cette différence est prévue par une norme générale et abstraite, telle une loi ou une convention collective (voir, notamment, arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 38 et jurisprudence citée).

51      Ladite notion requiert que l’inégalité de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Lesdits éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (voir, notamment, arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 39 et jurisprudence citée).

52      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le poste occupé par KQ depuis plus de dix ans, bien qu’étant destiné à un médecin qui est membre du personnel permanent, n’a pas été pourvu par un travailleur relevant de la catégorie du personnel statutaire permanent. En outre, la juridiction de renvoi précise que les fonctions attachées à ce poste ne présentent aucune spécificité justifiant, pour des raisons de nécessité ou d’urgence, que, à la date de la dernière nomination de KQ, celle-ci ait été nommée à titre temporaire sur ledit poste.

53      Par conséquent, ainsi que l’a également relevé expressément la juridiction de renvoi, la différence de traitement constatée au point 45 de la présente ordonnance est fondée sur le seul caractère temporaire de la nomination de KQ et ne saurait donc constituer une raison objective, au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, justifiant la différence de traitement constatée.

54      En dernier lieu, il convient de rappeler que cette clause 4 est inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée à l’encontre de l’État par les particuliers devant un juge national (voir notamment, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, points 78 à 83, ainsi que ordonnance du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso, C‑631/15, EU:C:2016:725, point 59).

55      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit d’être dispensé de services de garde est octroyé aux travailleurs à durée indéterminée, à l’exclusion des travailleurs à durée déterminée.

 Sur les dépens

56      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit d’être dispensé de services de garde est octroyé aux travailleurs à durée indéterminée, à l’exclusion des travailleurs à durée déterminée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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