Simonsen & Weel (Judgment) French Text [2021] EUECJ C-23/20 (17 June 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C2320.html
Cite as: [2021] EUECJ C-23/20, ECLI:EU:C:2021:490, EU:C:2021:490

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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

17 juin 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Accord-cadre – Directive 2014/24/UE – Article 5, paragraphe 5 – Article 18, paragraphe 1 – Articles 33 et 49 – Annexe V, partie C, points 7, 8 et 10 – Règlement d’exécution (UE) 2015/1986 – Annexe II, rubriques II.1.5 et II.2.6 – Procédures de passation des marchés – Obligation d’indiquer, dans l’avis de marché ou le cahier des charges, d’une part, la quantité estimée ou la valeur estimée et, d’autre part, la quantité maximale ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre d’un accord-cadre – Principes de transparence et d’égalité de traitement – Directive 89/665/CEE – Article 2 quinquies, paragraphe 1 – Procédures de recours en matière de passation de marchés publics – Absence d’effets du contrat – Exclusion »

Dans l’affaire C‑23/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Klagenævnet for Udbud (commission de recours en matière de marchés publics, Danemark), par décision du 16 janvier 2020, parvenue à la Cour le 17 janvier 2020, dans la procédure

Simonsen & Weel A/S

contre

Region Nordjylland og Region Syddanmark,

en présence de :

Nutricia A/S,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. N. Piçarra, D. Šváby (rapporteur), S. Rodin et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Simonsen & Weel A/S, par Me S. Troels Poulsen, advokat,

–        pour les Region Nordjylland og Region Syddanmark, par Mes T. Braad et H. Padkjær Sørensen, advokater,

–        pour le gouvernement danois, par MM. J. Nymann-Lindegren et M. Jespersen ainsi que par Mme M. Wolff, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck et M. J.‑C. Halleux, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz ainsi que par Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par Mmes C. Mosser et E. de Moustier, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch et Mme J. Schmoll, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. P. Ondrůšek et H. Støvlbæk ainsi que par Mme L. Haasbeek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, ainsi que des articles 33 et 49 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), ainsi que du point 7 et du point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive et de l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/13/CEE du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO 1992, L 76, p. 14), telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014 (JO 2014, L 94, p. 1) (ci-après la « directive 92/13 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Simonsen & Weel A/S à la Region Nordjylland (région du Jutland du Nord, Danemark) et à la Region Syddanmark (région du Danemark du Sud) (ci–après, ensemble, les « Régions ») au sujet de la décision de ces dernières de conclure un accord-cadre avec Nutricia A/S.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2014/24

3        Les considérants 59 à 62 de la directive 2014/24 énoncent :

« (59)      On observe, dans l’ensemble des marchés publics de l’Union, que les acheteurs publics ont une forte tendance à regrouper leurs demandes afin d’obtenir des économies d’échelle, notamment une réduction des prix et des frais de transaction, et d’améliorer et de professionnaliser la gestion de la passation de marchés. Cette concentration des achats peut se faire en jouant soit sur le nombre de pouvoirs adjudicateurs concernés, soit sur le volume et la valeur des achats dans le temps. Il faudrait cependant surveiller attentivement le regroupement et la centralisation des achats pour éviter une concentration excessive du pouvoir d’achat et le risque de collusion et pour préserver la transparence et la concurrence, ainsi que les possibilités d’accès au marché pour les petites et moyennes entreprises.

(60)      L’accord-cadre est un instrument largement utilisé et considéré comme une technique de passation de marché efficace dans toute l’Europe. Il convient donc de le maintenir en l’état pour l’essentiel. Il est cependant nécessaire d’en clarifier certains aspects, notamment le fait que les pouvoirs adjudicateurs ne devraient pas recourir à un accord-cadre dans lequel ils ne sont pas nommés. À cette fin, les pouvoirs adjudicateurs qui sont, dès le départ, parties à un accord-cadre spécifique, devraient être clairement désignés, soit par leur nom ou par d’autres moyens tels qu’un renvoi à une catégorie donnée de pouvoirs adjudicateurs dans une zone géographique clairement délimitée, de manière que les pouvoirs adjudicateurs concernés puissent être identifiés aisément et sans ambiguïté. De même, une fois conclu, un accord-cadre ne devrait pas être ouvert à de nouveaux opérateurs économiques. [...]

(61)      [...]

Il y a lieu d’octroyer davantage de souplesse aux pouvoirs adjudicateurs passant un marché en vertu d’un accord-cadre qui est conclu avec plusieurs opérateurs économiques et définit toutes les conditions.

[...] Les accords-cadres ne devraient pas être utilisés de façon abusive ou de manière à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence. La présente directive ne devrait pas obliger les pouvoirs adjudicateurs à acquérir, en vertu d’un accord-cadre, des travaux, des fournitures ou des services couverts par celui-ci.

(62)      Il convient également de préciser que, si les marchés fondés sur un accord-cadre doivent être attribués avant la fin de la période de validité de celui-ci, la durée des différents marchés fondés sur un accord-cadre ne doit pas nécessairement coïncider avec celle dudit accord-cadre, mais pourrait, selon le cas, être plus courte ou plus longue. [...]

Il convient aussi de préciser qu’il pourrait exister des cas exceptionnels où la durée des accords-cadres eux-mêmes devrait pouvoir être supérieure à quatre ans. De tels cas, qui devraient être dûment justifiés, en particulier par l’objet de l’accord-cadre, pourraient par exemple se présenter lorsque les opérateurs économiques ont besoin de disposer d’équipements dont la durée d’amortissement est supérieure à quatre ans et qui doivent être disponibles en tout temps pendant toute la durée de l’accord-cadre. »

4        L’article 5 de cette directive, intitulé « Méthodes de calcul de la valeur estimée du marché », dispose, à son paragraphe 5 :

« Pour les accords-cadres et pour les systèmes d’acquisition dynamiques, la valeur à prendre en considération est la valeur maximale estimée hors [taxe sur la valeur ajoutée (TVA)] de l’ensemble des marchés envisagés pendant la durée totale de l’accord-cadre ou du système d’acquisition dynamique. »

5        L’article 18 de ladite directive, qui expose les « [p]rincipes de la passation de marchés », prévoit, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée. »

6        Sous le titre « Accords-cadres », l’article 33 de la directive 2014/24 dispose :

« 1.      Les pouvoirs adjudicateurs peuvent conclure des accords-cadres pour autant qu’ils appliquent les procédures prévues par la présente directive.

Un accord-cadre est un accord conclu entre un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et un ou plusieurs opérateurs économiques ayant pour objet d’établir les conditions régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées.

La durée d’un accord-cadre ne dépasse pas quatre ans, sauf dans des cas exceptionnels dûment justifiés, notamment par l’objet de l’accord-cadre.

2.      Les marchés fondés sur un accord-cadre sont passés selon les procédures prévues au présent paragraphe et aux paragraphes 3 et 4.

[...]

Les marchés fondés sur l’accord-cadre ne peuvent en aucun cas entraîner des modifications substantielles des termes fixés dans ledit accord-cadre, notamment dans le cas visé au paragraphe 3.

3.      Lorsqu’un accord-cadre est conclu avec un seul opérateur économique, les marchés fondés sur cet accord-cadre sont attribués dans les limites des conditions fixées dans l’accord-cadre.

[...] »

7        Aux termes de l’article 49 de cette directive, qui s’intitule « Avis de marché » :

« Les avis de marché sont utilisés comme moyen d’appel à la concurrence pour toutes les procédures, sans préjudice de l’article 26, paragraphe 5, deuxième alinéa, et de l’article 32. Les avis de marché contiennent les informations prévues à l’annexe V, partie C, et sont publiés conformément à l’article 51. »

8        L’article 53 de ladite directive, intitulé « Mise à disposition des documents de marché par voie électronique », prévoit, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Les pouvoirs adjudicateurs offrent, par moyen électronique, un accès gratuit, sans restriction, complet et direct aux documents de marché à partir de la date de publication d’un avis conformément à l’article 51 ou à partir de la date d’envoi de l’invitation à confirmer l’intérêt. Le texte de l’avis ou de l’invitation à confirmer l’intérêt précise l’adresse internet à laquelle les documents de marché sont accessibles. »

9        Sous le titre « Modification de marchés en cours », l’article 72 de la directive 2014/24 dispose :

« 1.      Les marchés et les accords-cadres peuvent être modifiés sans nouvelle procédure de passation de marché conformément à la présente directive dans l’un des cas suivants :

[...]

e)      lorsque les modifications, quelle qu’en soit la valeur, ne sont pas substantielles au sens du paragraphe 4.

Les pouvoirs adjudicateurs qui ont modifié un marché dans les cas mentionnés aux points b) et c) du présent paragraphe publient un avis à cet effet au Journal officiel de l’Union européenne. Cet avis contient les informations prévues à l’annexe V, partie G, et il est publié conformément à l’article 51.

[...]

4.      Une modification d’un marché ou d’un accord-cadre en cours est considérée comme substantielle au sens du paragraphe 1, point e), lorsqu’elle rend le marché ou l’accord-cadre sensiblement différent par nature de celui conclu au départ. En tout état de cause, sans préjudice des paragraphes 1 et 2, une modification est considérée comme substantielle lorsqu’une au moins des conditions suivantes est remplie :

a)      elle introduit des conditions qui, si elles avaient été incluses dans la procédure initiale de passation de marché, auraient permis l’admission d’autres candidats que ceux retenus initialement ou l’acceptation d’une offre autre que celle initialement acceptée ou auraient attiré davantage de participants à la procédure de passation de marché ;

b)      elle modifie l’équilibre économique du marché ou de l’accord-cadre en faveur du contractant d’une manière qui n’était pas prévue dans le marché ou l’accord-cadre initial ;

c)      elle élargit considérablement le champ d’application du marché ou de l’accord-cadre ;

d)      lorsqu’un nouveau contractant remplace celui auquel le pouvoir adjudicateur a initialement attribué le marché dans d’autres cas que ceux prévus au paragraphe 1, point d).

5.      Une nouvelle procédure de passation de marché conformément à la présente directive est requise pour des modifications des dispositions d’un marché public ou d’un accord-cadre en cours autres que celles prévues aux paragraphes 1 et 2. »

10      L’article 91 de cette directive prévoit :

« La directive 2004/18/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114)] est abrogée avec effet au 18 avril 2016.

Les références faites à la directive abrogée s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe XV. »

11      L’annexe V de ladite directive identifie les « [i]nformations qui doivent figurer dans les avis ». La partie B de cette annexe expose les « [i]nformations qui doivent figurer dans les avis de préinformation (visés à l’article 48) ». Le titre II de cette partie énumère les « [i]nformations supplémentaires à fournir lorsque l’avis sert de moyen d’appel à la concurrence (article 48, paragraphe 2) ».

12      Au nombre de ces informations figure celle, mentionnée au point 7 de ce titre II, libellée en ces termes :

« Dans la mesure où il est connu, l’ordre de grandeur total estimé du/des marché(s) : lorsque le marché est divisé en lots, l’information est fournie pour chaque lot. »

13      La partie C de ladite annexe V énumère, au titre des « [i]nformations qui doivent figurer dans les avis de marché (visés à l’article 49) » :

« [...]

2.      Adresse électronique ou internet sur laquelle les documents de marché sont mis à disposition en accès sans restriction, complet, direct et gratuit.

[...]

[...]

5.      Codes CPV ; si le marché est divisé en lots, indiquer cette information pour chaque lot.

[...]

7.      Description du marché : nature et étendue des travaux, nature et quantité ou valeur des fournitures, nature et étendue des services. Si le marché est divisé en lots, indiquer cette information pour chaque lot. Le cas échéant, description des options.

8.      Ordre de grandeur total estimé du/des marché(s) : lorsque le marché est divisé en lots, cette information est fournie pour chaque lot.

[...]

10.      Calendrier de la livraison ou de la fourniture des produits, travaux ou services et, dans la mesure du possible, durée du marché.

a)      En cas d’accord-cadre, indiquer la durée prévue de l’accord-cadre en précisant, si nécessaire, les raisons de toute durée de plus de quatre ans ; dans la mesure du possible, indiquer la valeur ou l’ordre de grandeur et la fréquence des marchés à attribuer, le nombre et, si nécessaire, le nombre maximal envisagé d’opérateurs économiques autorisés à participer.

[...]

[...] »

 Le règlement d’exécution (UE) 2015/1986

14      Le règlement d’exécution (UE) 2015/1986 de la Commission, du 11 novembre 2015, établissant les formulaires standard pour la publication d’avis dans le cadre de la passation de marchés publics et abrogeant le règlement d’exécution (UE) no 842/2011 (JO 2015, L 296, p. 1), comporte, à son annexe II, un formulaire type qui expose les différentes rubriques que peut ou doit, selon les cas, remplir un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice.

15      La section II de ce formulaire, intitulée « Objet » du marché, distingue entre l’« [é]tendue du marché » et sa « [d]escription ».

16      Au nombre des rubriques relatives à l’étendue du marché figure la rubrique II.1.5), intitulée « Valeur totale estimée ». Cette rubrique renvoie à la note en bas de page no 2 du formulaire mentionnant la seule locution adverbiale « le cas échéant ». Par ladite rubrique, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice doit indiquer la valeur hors TVA du marché et la monnaie employée à cette fin, étant précisé que, « dans le cas d’accords-cadres ou de systèmes d’acquisition dynamiques – [il s’agit d’une] estimation de la valeur totale maximale pour la durée totale de l’accord-cadre ou du système d’acquisition dynamique ».

17      Au nombre des rubriques relatives à la description du marché figure la rubrique II.2.1), dont l’objet est d’indiquer l’« [i]ntitulé » du marché. Cette rubrique comporte une subdivision dénommée « Lot no », à laquelle est également associée une note en bas de page no 2 libellée « le cas échéant ».

18      La rubrique II.2.6), intitulée « Valeur estimée », prévoit que le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice doit indiquer la valeur hors TVA du marché ainsi que la monnaie employée à cette fin et précise que, « dans le cas d’accords-cadres ou de systèmes d’acquisition dynamiques – [il s’agit d’une] estimation de la valeur totale maximale pour la durée totale du présent lot ».

 La directive 89/665/CEE

19      La directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2014/23 (ci-après la « directive 89/665 »), est applicable aux faits en cause au principal dès lors que la date de transposition de cette dernière directive a expiré le 18 avril 2016.

20      La directive 89/665 dans sa version initiale a été antérieurement modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO 2007, L 335, p. 31). Les considérants 13, 14 et 17 de la directive 2007/66 énoncent :

« (13)      Afin de lutter contre la passation illégale de marchés de gré à gré, que la Cour de justice a qualifiée de violation la plus importante du droit [de l’Union] en matière de marchés publics de la part d’un pouvoir adjudicateur ou d’une entité adjudicatrice, il convient de prévoir une sanction effective, proportionnée et dissuasive. Par conséquent, un contrat résultant d’un marché de gré à gré illégal devrait être considéré en principe comme dépourvu d’effets. L’absence d’effets ne devrait pas être automatique mais devrait être établie par une instance de recours indépendante ou découler d’une décision prise par une telle instance.

(14)      L’absence d’effets est la manière la plus efficace de rétablir la concurrence et de créer de nouvelles perspectives commerciales pour les opérateurs économiques qui ont été privés illégalement de la possibilité de participer à la procédure de passation de marché. Les marchés de gré à gré au sens de la présente directive devraient inclure tous les marchés passés sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne au sens de la directive 2004/18/CE. Cela correspond à une procédure sans mise en concurrence préalable au sens de la directive 2004/17/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1)].

[...]

(17)      Une procédure de recours devrait être accessible au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. »

21      Intitulé « Champ d’application et accessibilité des procédures de recours », l’article 1er de la directive 89/665 dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique aux marchés visés par la directive [2014/24], sauf si ces marchés sont exclus en application des articles 7, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 16, 17 et 37 de ladite directive.

[...]

Les contrats au sens de la présente directive incluent les contrats publics, les accords-cadres, les concessions de travaux et de services et les systèmes d’acquisition dynamiques.

Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d’application de la directive [2014/24] ou de la directive [2014/23], les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit. »

22      Sous le titre « Absence d’effets », l’article 2 quinquies de la directive 89/665 prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce qu’un marché soit déclaré dépourvu d’effets par une instance de recours indépendante du pouvoir adjudicateur ou à ce que l’absence d’effets dudit marché résulte d’une décision d’une telle instance dans chacun des cas suivants :

a)      si le pouvoir adjudicateur a attribué un contrat sans avoir préalablement publié un avis de contrat au Journal officiel de l’Union européenne, sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la directive 2014/24/UE ou de la directive 2014/23/UE ;

[...] »

 La directive 92/13

23      Intitulé « Champ d’application et accessibilité des procédures de recours », l’article 1er de la directive 92/13 dispose, à son paragraphe 1, premier et deuxième alinéas :

« La présente directive s’applique aux contrats visés par la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil[, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243)], sauf si ces contrats sont exclus en application des articles 18 à 24, des articles 27 à 30 et des articles 34 ou 55 de ladite directive.

Les marchés au sens de la présente directive incluent les marchés de fournitures, de travaux et de services, les concessions de travaux et de services, les accords-cadres et les systèmes d’acquisition dynamiques. »

24      Le libellé de l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/13 est analogue à celui de l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665.

 Le droit danois

 La loi sur les marchés publics

25      L’Udbudsloven, lov nr. 1564 (loi no 1564 sur les marchés publics), du 15 décembre 2015, dans sa version applicable aux faits de l’affaire au principal (ci-après la « loi sur les marchés publics »), qui transpose la directive 2014/24 en droit danois, comporte un titre I, intitulé « Dispositions générales », qui comprend les articles 1 à 38 de cette loi.

26      L’article 2 de ladite loi, intitulé « Principes généraux », dispose, à son paragraphe 1 :

« En ce qui concerne les marchés publics visés aux titres II à IV, le pouvoir adjudicateur se conforme aux principes d’égalité de traitement, de transparence et de proportionnalité. »

27      L’article 24 de la même loi contient notamment les définitions suivantes :

« [...]

24)      “marchés publics” : des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services ;

[...]

30)      “accord-cadre” : un accord conclu entre un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et un ou plusieurs opérateurs économiques qui établit les conditions régissant des marchés passés au cours d’une période déterminée, notamment en ce qui concerne les prix et les quantités envisagées. »

28      Le titre II de la loi sur les marchés publics, qui se rapporte aux « [m]archés publics dont la valeur est supérieure au seuil », est composé des articles 39 à 185 de celle-ci.

29      L’article 56 de cette loi prévoit : 

« Dans une procédure ouverte, tout opérateur économique peut soumettre une offre en réponse à un avis de marché. L’avis de marché contient les informations prévues à l’annexe V, partie C, de la directive [2014/24]. Le pouvoir adjudicateur utilise le formulaire type visé à l’article 128, paragraphe 3, de la présente loi. »

30      Aux termes de l’article 128 de ladite loi :

« 1.      Un pouvoir adjudicateur utilise les avis de marché comme moyen d’appel à la concurrence pour toutes les procédures à l’exception de la procédure négociée sans avis préalable [...]

2.      Les avis de marché contiennent les informations prévues à l’annexe V, partie C, de la directive [2014/24] [...]

3.      L’avis de marché est rédigé sur le modèle des formulaires types établis par la Commission européenne, est transmis par voie électronique à l’Office des publications de l’Union européenne et est publié conformément à l’annexe VIII de la directive [2014/24] [...]

[...] »

 La loi sur la commission de recours en matière de marchés publics

31      La Lov om Klagenævnet for udbud, lovbekendtgørelse nr. 593 (loi sur la commission de recours en matière de marchés publics, arrêté de codification no 593), du 2 juin 2016 (ci-après la « loi sur la commission de recours en matière de marchés publics »), qui met en œuvre la directive 92/13, dispose, à son article 17, paragraphe 1, point 1 :

« Un marché relevant du titre II ou III de la loi sur les marchés publics ou de la directive [2014/25] est déclaré dépourvu d’effets si :

1)      le pouvoir adjudicateur a, en violation de la loi sur les marchés publics ou des règles de l’Union en matière de passation des marchés, conclu un marché sans avoir préalablement publié un avis au Journal officiel de l’Union européenne, sous réserve toutefois des dispositions de l’article 4,

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

32      Les Régions ont, par un avis de marché du 30 avril 2019, lancé une procédure ouverte de marché public au sens de la directive 2014/24 en vue de la conclusion d’un accord-cadre d’une durée de quatre ans entre la région du Jutland du Nord et un opérateur économique unique pour l’achat d’équipements permettant l’alimentation par sonde destinés à des patients à domicile et à des établissements.

33      L’avis de marché précisait que la région du Danemark du Sud ne participerait que « sur option » et que les candidats étaient tenus de soumissionner pour « tous les postes du marché ».

34      Par ailleurs, cet avis ne contenait pas d’informations sur la valeur estimée du marché de l’accord-cadre pour la région du Jutland du Nord ou de l’option pour la région du Danemark du Sud ni d’informations sur la valeur maximale des accords-cadres ou sur la quantité estimée ou maximale des produits dont l’achat était prévu dans les accords-cadres.

35      En effet, ainsi que cela ressort de l’annexe 3 dudit avis, les « estimations indiquées et [les] volumes de consommation escomptés sont uniquement l’expression des prévisions du pouvoir adjudicateur en ce qui concerne le recours aux fournitures faisant l’objet du marché. Le pouvoir adjudicateur ne s’engage donc pas, en vertu de l’accord-cadre, à prendre livraison d’une certaine quantité de fournitures ou à acheter à concurrence d’un certain montant. En d’autres termes, la consommation effective peut s’avérer supérieure ou inférieure à ce qu’indiquent les estimations. » L’accord-cadre ne devait pas non plus être considéré comme exclusif, de sorte que le pouvoir adjudicateur pouvait acquérir des produits similaires auprès d’autres fournisseurs dans le respect des règles régissant les marchés publics.

36      Par décision du 9 août 2019, les Régions ont considéré que l’offre de Nutricia était la plus avantageuse et que cette société avait remporté le marché. Le 19 août 2019, Simonsen & Weel a formé un recours devant le Klagenævnet for Udbud (commission de recours en matière de marchés publics, Danemark), tendant à l’annulation de cette décision.

37      Cette juridiction n’ayant pas accordé d’effet suspensif à ce recours, la région du Jutland du Nord a conclu un accord-cadre avec l’adjudicataire. La région du Danemark du Sud n’a, pour sa part, pas levé l’option dont elle dispose.

38      À l’appui de son recours, Simonsen & Weel soutient, en premier lieu, que, en n’indiquant pas, dans l’avis de marché, la quantité estimée ou la valeur estimée des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre en cause au principal, les Régions ont notamment méconnu l’article 49 de la directive 2014/24, les principes d’égalité de traitement et de transparence consacrés à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive ainsi que le point 7 de la partie C de l’annexe V de ladite directive.

39      En second lieu, les Régions seraient tenues d’indiquer la quantité maximale des produits pouvant être acquis en exécution de l’accord-cadre ou la valeur totale maximale de celui-ci, à défaut de quoi elles pourraient fractionner de manière artificielle cet accord-cadre pendant toute sa durée, contrairement à la jurisprudence qui résulte de l’arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice (C‑216/17, EU:C:2018:1034).

40      Sur le défaut d’indication de la quantité ou de la valeur estimée, les Régions objectent, notamment, que l’obligation d’indiquer une étendue ou une valeur déterminée dans l’avis de marché ne s’applique pas à l’égard des accords-cadres. Il ressortirait du libellé même de l’article 33, paragraphe 1, de la directive 2014/24 que les quantités envisagées estimées peuvent être indiquées « le cas échéant », impliquant ainsi qu’une telle indication demeure facultative pour le pouvoir adjudicateur.

41      Sur le défaut d’indication de la quantité maximale des produits pouvant être acquis en exécution de l’accord-cadre ou de la valeur totale maximale de celui-ci, les Régions soutiennent que la solution de l’arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice (C‑216/17, EU:C:2018:1034), est limitée aux situations dans lesquelles un pouvoir adjudicateur agit pour le compte d’autres pouvoirs adjudicateurs qui ne sont pas directement parties à l’accord-cadre, ce qui n’était pas le cas en l’occurrence. En outre, il découlerait de cet arrêt que les principes de transparence et d’égalité de traitement sont respectés, dès lors que le volume global des prestations est indiqué dans l’accord-cadre lui-même ou dans un autre document de marché.

42      De surcroît, en cas d’appel d’offres portant sur un accord-cadre, le point de savoir s’il est aussi effectué pour le compte d’autres pouvoirs adjudicateurs serait déterminant, ce qui découlerait également des considérants 59 à 62 de la directive 2014/24. L’exigence de l’indication d’un volume maximal ou d’une valeur maximale, mentionnée au point 61 de l’arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice (C‑216/17, EU:C:2018:1034), ne pourrait pas être étendue à des cas non comparables à celui en cause dans cette affaire. Or, en l’occurrence, les Régions prétendent avoir mis en adjudication un accord-cadre non exclusif et non synallagmatique, et ne pas avoir eu connaissance, au moment de l’appel d’offres, de l’étendue des besoins d’achat concrets ou du niveau de prix pour les « marchés individuels ». Par conséquent, elles n’auraient pas été en mesure d’effectuer une estimation fiable de la valeur de l’accord-cadre.

43      Par conséquent, le Klagenævnet for Udbud (commission de recours en matière de marchés publics) s’interroge quant à la possibilité d’appliquer par analogie la solution de l’arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice (C‑216/17, EU:C:2018:1034), au litige au principal, compte tenu de la particularité des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et du fait que la directive 2014/24 comporte, en ce qui concerne l’accord-cadre, des modifications, certes mineures, par rapport au libellé de la directive 2004/18 qui était applicable à ladite affaire. Ses doutes portent notamment sur le point de savoir si une limite maximale devrait spécifier à la fois les quantités maximales et les valeurs maximales des produits qui pourront être achetés en vertu de l’accord-cadre et si un tel maximum devrait, le cas échéant, être fixé « dès l’origine », à savoir dans l’avis de marché – où il serait donc identique à la valeur estimée – et/ou dans le cahier des charges, ou s’il suffit qu’un maximum soit fixé, pour la première fois, dans l’accord-cadre lui-même, c’est-à-dire à l’achèvement de la procédure de mise en concurrence. Enfin, dans l’hypothèse où cette limite maximale n’aurait pas été correctement mentionnée par le pouvoir adjudicateur, la juridiction de renvoi se demande si, en application de l’article 2 quinquies de la directive 92/13, l’accord-cadre conclu sur cette base doit être assimilé à la situation où aucun avis de marché n’a été publié et, partant, doit être considéré comme dépourvu d’effets.

44      C’est dans ce contexte que le Klagenævnet for Udbud (commission de recours en matière de marchés publics) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      a)      Les principes d’égalité de traitement et de transparence consacrés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive [2014/24], ainsi que l’article 49 de cette directive, considéré conjointement avec le point 7 et le point 10, sous a), figurant à la partie C de l’annexe V de celle–ci, doivent-ils être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit, dans une situation telle que celle du cas d’espèce, contenir des informations sur la quantité estimée et/ou la valeur estimée des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre objet du marché ?

b)      Dans l’affirmative, lesdites dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens que les informations doivent, en ce qui concerne l’accord-cadre, être données, premièrement, de manière globale et/ou, deuxièmement, en ce qu’elles portent sur les attentes du pouvoir adjudicateur originaire qui a manifesté son intention de conclure un accord dans le cadre de la procédure de marché (en l’espèce la région du Jutland du Nord) et/ou, troisièmement, en ce qu’elles portent sur les attentes du pouvoir adjudicateur originaire qui a seulement manifesté son intention de participer de manière optionnelle (en l’espèce la région du Danemark du Sud).

2)      a)      Les principes d’égalité de traitement et de transparence consacrés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive [2014/24], ainsi que les articles 33 et 49 de la même directive, lus ensemble avec le point 7 et le point 10, sous a), figurant à la partie C de l’annexe V de celle–ci, doivent-ils être interprétés en ce sens que l’avis de marché ou le cahier des charges doit indiquer une quantité maximale et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre objet du marché, de sorte que l’accord-cadre en question aura épuisé ses effets lorsque cette limite sera atteinte ?

b)      Dans l’affirmative, lesdites dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens que la limite maximale en question doit, en ce qui concerne l’accord-cadre, être indiquée, premièrement, de manière globale et/ou, deuxièmement, en ce qu’elles portent sur les attentes du pouvoir adjudicateur originaire qui a manifesté son intention de conclure un accord dans le cadre de la procédure de marché (en l’espèce la région du Jutland du Nord) et/ou, troisièmement, en ce qu’elles portent sur les attentes du pouvoir adjudicateur originaire qui a seulement manifesté son intention de participer de manière optionnelle (en l’espèce la région du Danemark du Sud).

3)      Dans l’hypothèse où la Cour répond par l’affirmative aux première et/ou deuxième questions et dans la mesure où une réponse à la troisième question est nécessaire, l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive [92/13], considéré conjointement avec les articles 33 et 49 de la directive [2014/24] ainsi que le point 7 et le point 10, sous a), figurant à la partie C de l’annexe V de cette dernière directive, doit-il être interprété en ce sens que la condition que “l’entité adjudicatrice a attribué un contrat sans avoir préalablement publié un avis au Journal officiel de l’Union européenne” comprend un cas où, comme en l’espèce, le pouvoir adjudicateur a bien publié un avis de marché au Journal officiel pour l’accord-cadre projeté, mais où

a)      l’avis ne respecte pas l’exigence consistant à informer sur la quantité estimée et/ou la valeur estimée des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre objet du marché, sachant, cependant, qu’une estimation à cet égard ressort du cahier des charges, et

b)      le pouvoir adjudicateur n’a pas respecté l’obligation de fixer, soit dans l’avis de marché, soit dans le cahier des charges, une quantité maximale et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre objet du marché ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question, sous a), et la deuxième question, sous a)

45      Par sa première question, sous a), et sa deuxième question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 de la directive 2014/24, les points 7 et 8 ainsi que le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, lus en combinaison avec l’article 33 de ladite directive et les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette dernière, doivent être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre et qu’une fois que cette limite aura été atteinte, ledit accord aura épuisé ses effets.

46      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 33, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, un accord-cadre est un accord conclu entre un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et un ou plusieurs opérateurs économiques ayant pour objet d’établir les conditions régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées. Le premier alinéa de ce paragraphe prévoit que les pouvoirs adjudicateurs peuvent conclure des accords-cadres pour autant qu’ils appliquent les procédures prévues par ladite directive.

47      L’article 49 de la directive 2014/24 prévoit que les avis de marché sont utilisés comme moyen d’appel à la concurrence pour toutes les procédures, sans préjudice de l’article 26, paragraphe 5, deuxième alinéa, et de l’article 32 de cette directive. Ils contiennent les informations prévues à la partie C de l’annexe V de ladite directive et sont publiés conformément à l’article 51 de la même directive.

48      Il s’ensuit que l’article 49 de la directive 2014/24 et, partant, la partie C de l’annexe V de celle-ci s’appliquent aux accords-cadres.

49      À cet égard, certaines dispositions de la directive 2014/24, prises isolément, peuvent laisser entendre que le pouvoir adjudicateur dispose d’une marge d’appréciation quant à l’opportunité d’indiquer, dans l’avis de marché, une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre.

50      Le point 8 de la partie C de l’annexe V de la directive 2014/24 prévoit que, au titre des informations devant figurer dans les avis de marché, le pouvoir adjudicateur doit mentionner l’ordre de grandeur total estimé du ou des marché(s), cette information devant être fournie pour chaque lot lorsque le marché est divisé en lots. La référence à un simple « ordre de grandeur » plutôt qu’à une valeur précisément définie, suggère que l’évaluation réclamée au pouvoir adjudicateur peut être approximative.

51      Le point 10 de cette partie C, relatif aux informations portant sur le calendrier de la livraison ou de la fourniture des produits, des travaux ou des services et, dans la mesure du possible, sur la durée du marché, dispose, à son point a) consacré spécifiquement aux accords-cadres, que le pouvoir adjudicateur doit indiquer, dans la mesure du possible, la valeur ou l’ordre de grandeur et la fréquence des marchés à attribuer. Il en résulte que, conformément à cette disposition, l’indication par le pouvoir adjudicateur de la valeur ou de l’ordre de grandeur et de la fréquence des marchés à attribuer n’est pas exigée en toutes circonstances.

52      De même, l’article 33, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2014/24 dispose qu’un accord-cadre a pour objet d’établir, « le cas échéant », les quantités envisagées. En se référant à la locution adverbiale « le cas échéant », cette disposition précise, en ce qui concerne spécifiquement les quantités des produits à fournir, que celles‑ci doivent, autant que possible, être établies dans un accord-cadre. Il ressort également du formulaire type qui figure à l’annexe II du règlement d’exécution 2015/1986 que le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de remplir la rubrique II.1.5), intitulée « Valeur totale estimée », cette valeur pouvant être précisée « le cas échéant », ainsi que cela résulte du renvoi opéré dans cette rubrique à la note en bas de page no 2 de ce formulaire.

53      Il résulte de ce qui précède que la seule interprétation littérale desdites dispositions n’est pas concluante aux fins de déterminer si un avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre.

54      Toutefois, au regard des principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24 ainsi que de l’économie générale de cette directive, il ne saurait être admis que le pouvoir adjudicateur s’abstienne d’indiquer, dans l’avis de marché, une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre.

55      Il résulte en effet d’autres dispositions de la directive 2014/24 que le pouvoir adjudicateur doit déterminer le contenu de l’accord-cadre qu’il envisage de conclure.

56      Premièrement, l’article 5 de cette directive, relatif aux méthodes de calcul de la valeur estimée du marché, prévoit, à son paragraphe 5, que, pour les accords-cadres, la valeur à prendre en considération est la valeur maximale estimée hors TVA de l’ensemble des marchés publics envisagés pendant la durée totale de l’accord-cadre.

57      Or, dès lors que le pouvoir adjudicateur est amené à évaluer la valeur maximale estimée hors TVA de l’ensemble des marchés envisagés pendant la durée totale de l’accord-cadre, il peut communiquer cette valeur aux soumissionnaires.

58      La Cour s’est d’ailleurs notamment fondée sur l’article 9, paragraphe 9, de la directive 2004/18, libellé en des termes identiques à ceux de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2014/24, pour considérer, au point 60 de l’arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice (C‑216/17, EU:C:2018:1034), que, s’il n’est assujetti qu’à une obligation de moyens lorsqu’il s’agit de préciser la valeur et la fréquence de chacun des marchés subséquents à passer, le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre doit, en revanche, impérativement préciser, quant à l’accord-cadre lui-même, le volume global, et donc la quantité et/ou la valeur maximale, dans lequel pourront s’inscrire les marchés subséquents.

59      Deuxièmement, en application du point 7 de la partie C de l’annexe V de la directive 2014/24, le pouvoir adjudicateur doit, au titre des informations devant figurer dans les avis de marché, décrire le marché et, à ce titre, indiquer la quantité ou la valeur des fournitures qui seront couvertes par l’accord-cadre pris dans sa globalité. En effet, il ne peut se conformer à cette obligation sans indiquer, à tout le moins, une quantité et/ou une valeur maximale de ces fournitures.

60      Par ailleurs, lorsqu’un pouvoir adjudicateur doit remplir le formulaire figurant à l’annexe II du règlement d’exécution 2015/1986, il est tenu de faire figurer, à la rubrique II.2.6) de ce formulaire, relative à la valeur estimée, la valeur totale maximale pour la durée totale de chacun des lots.

61      De surcroît, il importe de souligner que les principes fondamentaux du droit de l’Union, tels que l’égalité de traitement et la transparence sont applicables lors de la conclusion d’un accord-cadre, ainsi que cela résulte de l’article 33, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/24. Or, tant les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination que le principe de transparence qui en découle impliquent que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, premièrement, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, deuxièmement, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, C‑216/17, EU:C:2018:1034, point 63).

62      En effet, les principes de transparence et d’égalité de traitement des opérateurs économiques intéressés par la conclusion de l’accord-cadre, énoncés notamment à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, seraient affectés si le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre n’indiquait pas la valeur ou la quantité maximale sur laquelle porte un tel accord (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, C‑216/17, EU:C:2018:1034, point 64).

63      À cet égard, l’indication par le pouvoir adjudicateur de la quantité et/ou de la valeur estimée ainsi que d’une quantité et/ou d’une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre revêt une importance considérable pour un soumissionnaire, dès lors que c’est sur la base de cette estimation que celui-ci sera en mesure d’apprécier sa capacité à exécuter les obligations découlant de cet accord-cadre.

64      Par ailleurs, si la valeur ou la quantité maximale estimée sur laquelle porte un tel accord n’était pas indiquée ou si une telle indication ne présentait pas un caractère juridiquement contraignant, le pouvoir adjudicateur pourrait s’affranchir de cette quantité maximale. Par suite, la responsabilité contractuelle de l’adjudicataire pourrait être recherchée pour défaut d’exécution de l’accord-cadre s’il ne parvenait pas à fournir les quantités demandées par le pouvoir adjudicateur, quand bien même celles-ci excéderaient la quantité maximale dans l’avis de marché. Or, une telle situation serait contraire au principe de transparence énoncé à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24.

65      En outre, le principe de transparence pourrait être méconnu de manière durable, dès lors que, ainsi que cela découle de l’article 33, paragraphe 1, troisième alinéa, de cette directive, un accord-cadre peut être conclu pour une durée qui peut aller jusqu’à quatre ans, voire davantage dans des cas exceptionnels dûment justifiés, notamment par l’objet de l’accord-cadre. De surcroît, ainsi que l’énonce le considérant 62 de ladite directive, si les marchés fondés sur un accord-cadre doivent être attribués avant la fin de la période de validité de celui-ci, la durée des différents marchés fondés sur un accord-cadre ne doit pas nécessairement coïncider avec celle dudit accord-cadre, mais peut parfois être plus courte ou plus longue.

66      Enfin, une interprétation extensive de l’obligation de définir la valeur ou la quantité maximale estimée couverte par l’accord-cadre serait également susceptible, d’une part, de priver d’effet utile la règle posée à l’article 33, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 2014/24, selon laquelle les marchés fondés sur l’accord-cadre ne peuvent en aucun cas entraîner des modifications substantielles des termes fixés dans ledit accord-cadre, et, d’autre part, de caractériser une utilisation abusive ou une utilisation visant à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence, telle que visée au considérant 61 de ladite directive.

67      Il s’ensuit que le fait d’exiger du pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre qu’il indique dans l’accord-cadre la quantité ou la valeur maximale des prestations que couvrira cet accord concrétise l’interdiction de recourir aux accords-cadres de façon abusive ou de manière à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, C‑216/17, EU:C:2018:1034, point 69).

68      Il découle des considérations qui précèdent que le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre ne saurait s’engager, pour son propre compte et pour celui des pouvoirs adjudicateurs potentiels qui sont clairement désignés dans cet accord, que dans la limite d’une quantité et/ou d’une valeur maximale et qu’une fois que cette limite atteinte, ledit accord aura épuisé ses effets (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, C‑216/17, EU:C:2018:1034, point 61).

69      Il convient toutefois d’apporter deux précisions complémentaires.

70      D’une part, sont admises, conformément à l’article 33, paragraphe 2, troisième alinéa, et à l’article 72 de la directive 2014/24, les modifications de l’accord-cadre qui ne revêtent pas un caractère substantiel, étant entendu que, par principe, une telle modification revêt un caractère consensuel de sorte que l’accord de l’adjudicataire est requis.

71      D’autre part, l’indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, dès lors que, à l’égard d’un accord-cadre, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus d’offrir, conformément à l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2014/24, par moyen électronique, un accès gratuit, sans restriction, complet et direct aux documents de marché à partir de la date de publication d’un avis conformément à l’article 51 de cette directive.

72      La satisfaction de telles conditions est ainsi de nature à assurer le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24.

73      En revanche, ces principes ne seraient pas satisfaits dans l’hypothèse où un opérateur économique désirant accéder audit cahier des charges afin d’évaluer l’opportunité de soumissionner serait contraint d’exprimer, au préalable, un quelconque intérêt auprès du pouvoir adjudicateur.

74      Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question, sous a), et à la deuxième question, sous a), que l’article 49 de la directive 2014/24, les points 7 et 8 ainsi que le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, lus en combinaison avec l’article 33 de ladite directive et les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette dernière, doivent être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre et qu’une fois que cette limite aura été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets.

 Sur la première question, sous b), et la deuxième question, sous b)

75      Par sa première question, sous b), et sa deuxième question, sous b), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 de la directive 2014/24 ainsi que le point 7 et le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, lus en combinaison avec l’article 33 de ladite directive et les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette dernière, doivent être interprétés en ce sens que la quantité ou la valeur estimée des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre ainsi que la quantité ou la valeur maximale de ces produits doivent être indiquées dans l’avis de marché de manière globale.

76      Dès lors que, comme cela résulte de la réponse apportée à la première question, sous a), et à la deuxième question, sous a), l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre, les principes de transparence et d’égalité de traitement énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24 s’opposent à ce qu’un pouvoir adjudicateur se limite à communiquer des informations partielles sur l’objet et l’étendue, envisagée sur le plan quantitatif et/ou financier, d’un accord-cadre.

77      Cette indication pourrait apparaître de manière globale dans l’avis de marché, une telle mention suffisant à assurer le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive.

78      Néanmoins, rien ne s’oppose à ce qu’un pouvoir adjudicateur, pour parfaire l’information des soumissionnaires et leur permettre d’apprécier au mieux l’opportunité de présenter une offre, fixe des exigences supplémentaires et subdivise la quantité ou la valeur estimée globale des produits à fournir au titre de l’accord-cadre afin de caractériser les besoins du pouvoir adjudicateur originaire qui entend conclure un accord-cadre et ceux du ou des pouvoir(s) adjudicateur(s) originaire(s) qui ont émis le souhait de participer à cet accord-cadre de manière optionnelle.

79      De même, un pouvoir adjudicateur peut présenter distinctement, dans l’avis de marché, la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre pour chacun des pouvoirs adjudicateurs que ceux-ci aient l’intention de conclure l’accord-cadre ou qu’ils disposent d’une option à cet effet. Tel pourrait notamment être le cas lorsque, eu égard aux conditions d’exécution des marchés publics subséquents, les opérateurs économiques sont invités à soumissionner pour l’ensemble des lots ou pour tous les postes mentionnés dans l’avis de marché ou encore lorsque les marchés subséquents doivent être exécutés en des lieux éloignés.

80      Il convient donc de répondre à la première question, sous b), et à la deuxième question, sous b), que l’article 49 de la directive 2014/24 ainsi que le point 7 et le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, lus en combinaison avec l’article 33 de ladite directive et les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette dernière, doivent être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre de manière globale et que cet avis peut fixer des exigences supplémentaires que le pouvoir adjudicateur déciderait d’y ajouter.

 Sur la troisième question

81      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le fait que la juridiction de renvoi a formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions seulement du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, notamment, arrêts du 27 octobre 2009, ČEZ, C‑115/08, EU:C:2009:660, point 81 ; du 22 mars 2012, Nilaş e.a., C‑248/11, EU:C:2012:166, point 31, ainsi que du 20 décembre 2017, Impresa di Costruzioni Ing. E. Mantovani et Guerrato, C‑178/16, EU:C:2017:1000, point 28).

82      En l’occurrence, la directive 92/13, dont l’interprétation d’une disposition est demandée par la juridiction de renvoi, concerne les règles relatives aux procédures de passation des marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. Or, de tels services ne sont pas en cause dans l’affaire au principal, laquelle porte sur les recours relatifs aux procédures de passation de marchés fondées sur la directive 2014/24 qui sont régis par la directive 89/665, dont l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), est libellé en des termes analogues à ceux de la disposition correspondante de la directive 92/13.

83      Dans ces conditions, il convient de considérer que, par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665 doit être interprété en ce sens qu’il est applicable dans l’hypothèse où un avis de marché a été publié au Journal officiel de l’Union européenne, même si, d’une part, la quantité estimée et/ou la valeur estimée des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre envisagé ressort non pas de cet avis de marché, mais du cahier des charges et, d’autre part, ni ledit avis de marché ni ce cahier des charges ne mentionnent une quantité maximale et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu dudit accord-cadre.

84      L’article 2 quinquies, paragraphe 1, de la directive 89/665 prévoit que l’absence de publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la directive 2014/24, prive d’effets le marché concerné, ou comme en l’occurrence, l’accord-cadre concerné.

85      Cet article 2 quinquies a été inséré dans la version initiale de la directive 89/665 par la directive 2007/66. Le législateur de l’Union a explicité les modifications apportées en indiquant, au considérant 13 de la directive 2007/66 que, afin de lutter contre la passation illégale de marchés de gré à gré que la Cour de justice a qualifié, dans son arrêt du 11 janvier 2005, Stadt Halle et RPL Lochau (C‑26/03, EU:C:2005:5, points 36 et 37), de violation la plus importante du droit de l’Union en matière de marchés publics de la part d’un pouvoir adjudicateur ou d’une entité adjudicatrice, il convenait de prévoir une sanction effective, proportionnée et dissuasive et de considérer à ce titre qu’un contrat résultant d’un marché de gré à gré illégal devrait être en principe dépourvu d’effets. Au considérant 14 de cette directive, il a précisé que l’absence d’effets est la manière la plus efficace de rétablir la concurrence et de créer de nouvelles perspectives commerciales pour les opérateurs économiques qui ont été privés illégalement de la possibilité de participer à la procédure de passation de marché et que les marchés de gré à gré, au sens de la présente directive, devraient inclure tous les marchés passés sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne au sens de la directive 2004/18.

86      Il résulte ainsi de l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665, lu à la lumière des considérants 13 et 14 de la directive 2007/66, que, lors de l’adoption de la directive 2007/66, le législateur de l’Union a entendu introduire dans le droit applicable une sanction sévère dont l’application devrait toutefois être cantonnée aux hypothèses les plus graves de violations du droit de l’Union des marchés publics, à savoir celles dans lesquelles un marché est passé de gré à gré sans avoir fait l’objet d’aucune publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne.

87      Il s’ensuit qu’il serait disproportionné d’étendre l’application de cette disposition à une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle les Régions ont publié un avis de marché et rendu accessible le cahier des charges sans mentionner, dans cet avis ou ce cahier des charges, la quantité estimée et/ou la valeur estimée, et la quantité maximale et/ou la valeur maximale des produits à fournir en vertu de cet accord-cadre.

88      Dans une telle situation, la violation de l’article 49 de la directive 2014/24, lu en combinaison avec les points 7 et 8 ainsi qu’avec le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, n’atteint pas le degré de gravité requis pour entraîner l’application de la sanction prévue à l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665.

89      En effet, le manquement du pouvoir adjudicateur à son obligation de mentionner l’étendue d’un accord-cadre est, dans un tel cas, suffisamment perceptible pour pouvoir être décelé par un opérateur économique qui entendait soumissionner et qui devait, de ce fait, être considéré comme étant averti.

90      Il convient donc de répondre à la troisième question que l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665 doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable dans l’hypothèse où un avis de marché a été publié au Journal officiel de l’Union européenne, même si, d’une part, la quantité estimée et/ou la valeur estimée des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre envisagé ressort non pas de cet avis de marché, mais du cahier des charges et, d’autre part, ni ledit avis de marché ni ce cahier des charges ne mentionnent une quantité maximale et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu dudit accord-cadre.

 Sur les dépens

91      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 49 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, les points 7 et 8 ainsi que le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, lus en combinaison avec l’article 33 de ladite directive et les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette dernière, doivent être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre et qu’une fois que cette limite aura été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets.

2)      L’article 49 de la directive 2014/24 ainsi que le point 7 et le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, lus en combinaison avec l’article 33 de ladite directive et les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette dernière, doivent être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre de manière globale et que cet avis peut fixer des exigences supplémentaires que le pouvoir adjudicateur déciderait d’y ajouter.

3)      L’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable dans l’hypothèse où un avis de marché a été publié au Journal officiel de l’Union européenne, même si, d’une part, la quantité estimée et/ou la valeur estimée des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre envisagé ressort non pas de cet avis de marché, mais du cahier des charges et, d’autre part, ni ledit avis de marché ni ce cahier des charges ne mentionnent une quantité maximale et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu dudit accord-cadre.

Signatures


*      Langue de procédure : le danois.

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