AJFP Sibiu and DGRFP Braşov (Judgment) French Text [2021] EUECJ C-655/19 (20 January 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C65519.html
Cite as: EU:C:2021:40, ECLI:EU:C:2021:40, [2021] EUECJ C-655/19

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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

20 janvier 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2 – Article 9 – Notions d’“activité économique” et d’“assujetti” – Opérations qui visent à retirer d’un bien des recettes ayant un caractère de permanence – Acquisition par un créancier d’immeubles saisis dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée engagée en vue du recouvrement de prêts assortis de garanties hypothécaires et vente de ces immeubles – Simple exercice du droit de propriété par son titulaire »

Dans l’affaire C‑655/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie), par décision du 22 mars 2018, parvenue à la Cour le 30 août 2019, dans la procédure

Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Sibiu,

Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Braşov


contre

LN,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, Mme C. Toader et M. N. Jääskinen (rapporteur), juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour LN, par Me G. Comăniţă, avocat,

–        pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et A. Rotăreanu ainsi que par M. S.-A. Purza, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. R. Lyal, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2 et 9 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Administrația Județeană a Finanțelor Publice Sibiu (AJFP Sibiu) (administration départementale des finances publiques de Sibiu, Roumanie) et la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Brașov (DGRFP Brașov) (direction générale régionale des finances publiques de Brasov, Roumanie) à LN au sujet d’une imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA dispose que les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA.

4        L’article 9, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

 Le droit roumain

5        L’article 125 bis de la Legea nr. 571/2003 privind Codul fiscal (loi no 571/2003 portant code des impôts), du 22 décembre 2003 (M. Of., partie I, no 927/23 décembre 2003), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « code des impôts »), prévoit :

« 1.      Aux fins du présent titre, les termes et expressions ci–après ont la signification suivante :

[...]

18.      constitue un “assujetti” au sens de l’article 127, paragraphe 1, une personne physique, un groupe de personnes, une institution publique, une personne morale, ainsi que toute entité susceptible d’exercer une activité économique ;

[...]

20.      constitue un “non assujetti” une personne qui ne remplit pas les conditions requises à l’article 127, paragraphe 1, pour être considérée comme assujettie ;

21.      constitue une “personne” un assujetti, une personne morale non assujettie ou un non assujetti ;

[...] »

6        L’article 127 de ce code est ainsi libellé :

« 1.      Est considéré comme un assujetti quiconque accomplit, de manière indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique telle que celles visées au paragraphe 2, quels que soient le but ou le résultat de ces activités.

2.      Au sens du présent titre, les activités économiques comprennent les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence.

21.      Les cas dans lesquels les personnes physiques effectuant des livraisons de biens immobiliers deviennent assujetties sont précisés par voie réglementaire.

[...] »

7        L’article 152 dudit code dispose :

« 1.      Un assujetti établi en Roumanie dont le chiffre d’affaires annuel, déclaré ou réalisé, est inférieur au plafond de 35 000 euros, dont l’équivalent en [lei roumains (RON)] est fixé selon le taux de change communiqué par la Banca Națională a României [(Banque de Roumanie)] à la date d’adhésion et arrondi au millième suivant, peut appliquer l’exonération de la taxe, appelée ci–après le “régime spécial d’exonération”, aux opérations visées à l’article 126, paragraphe 1, à l’exception des livraisons intracommunautaires de moyens de transport neufs, exonérées conformément à l’article 143, paragraphe 2, sous b).

2.      Le chiffre d’affaires qui sert de référence pour l’application du paragraphe 1 est constitué par le montant global, hors TVA, dans le cas prévu aux paragraphes 7 et 7 bis, des livraisons de biens et des prestations de services effectuées par l’assujetti au cours d’une année civile, imposables ou, le cas échéant, qui seraient imposables si elles n’avaient pas été effectuées par une petite entreprise, des opérations résultant d’activités économiques pour lesquelles le lieu de livraison ou de prestation est considéré comme étant à l’étranger, dans le cas où la taxe serait déductible, si ces opérations avaient été effectuées en Roumanie conformément à l’article 145, paragraphe 2, sous b), des opérations exonérées avec droit à déduction et de celles exonérées sans droit à déduction, prévues à l’article 141, paragraphe 2, sous a), b), e) et f), si celles–ci ne sont pas accessoires à l’activité principale, à l’exception des opérations suivantes :

a)      les livraisons d’actifs fixes corporels ou incorporels, telles que définies à l’article 125 bis, paragraphe 1, point 3, effectuées par l’assujetti ;

b)      les livraisons intracommunautaires de moyens de transport neufs, exonérées conformément à l’article 143, paragraphe 2, sous b).

[...]

6.      Un assujetti qui bénéficie du régime spécial d’exonération et dont le chiffre d’affaires, tel que prévu au paragraphe 2, est supérieur ou égal au plafond d’exonération au cours d’une année civile doit s’identifier à la TVA, conformément à l’article 153, dans un délai de dix jours à partir de la date à laquelle ledit plafond est atteint ou dépassé. [...] Le régime spécial d’exonération s’applique jusqu’à la date d’identification à la TVA, conformément à l’article 153. Si l’assujetti en question ne s’identifie pas ou s’identifie tardivement à la TVA, les autorités fiscales compétentes ont le droit de mettre à sa charge des obligations de paiement de la taxe et des accessoires de celle–ci, à partir de la date à laquelle il aurait dû être identifié à la TVA, conformément à l’article 153.

[...] »

8        L’article 153 du même code prévoit :

« 1.      Un assujetti établi en Roumanie, conformément à l’article 125 bis, paragraphe 2, sous b), et qui exerce ou a l’intention d’exercer une activité économique qui implique des opérations imposables et/ou exonérées de TVA avec droit à déduction doit demander son identification à la TVA auprès de l’autorité fiscale compétente, comme suit :

[...]

b)      si, au cours d’une année civile, il atteint ou dépasse le plafond d’exonération prévu à l’article 152, paragraphe 1, dans un délai de 10 jours à compter de la fin du mois au cours duquel il a atteint ou dépassé ce plafond ;

[...]

6.      Les autorités fiscales compétentes procèdent à l’identification à la TVA, conformément au présent article, de toute personne qui, en vertu des dispositions du présent titre, est tenue d’introduire une demande d’identification, conformément aux paragraphes 1, 2, 4 ou 5.

7.      Lorsqu’une personne tenue de s’identifier, conformément aux paragraphes 1, 2, 4 ou 5, n’en fait pas la demande, les autorités fiscales compétentes procèdent d’office à l’identification à la TVA de cette personne.

[...] »

9        Le point 3 de la Hotărârea Guvernului nr. 44/2004 pentru aprobarea Normelor metodologice de aplicare a Legii 571/2003 privind Codul fiscal (décision du gouvernement no 44/2004 approuvant les normes méthodologiques d’application de la loi no 571/2003 portant code des impôts), du 22 janvier 2004 (M. Of., partie I, no 112/6 février 2004), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« 1.      Au sens de l’article 127, paragraphe 2, du code des impôts, l’exploitation de biens corporels ou non corporels, conformément au principe fondamental du système de TVA en vertu duquel la taxe doit être neutre, vise tout type d’opérations, quelle que soit leur forme juridique, comme constaté par la Cour dans les affaires van Tiem, C‑186/89, C‑306/94, Régie dauphinoise, et C‑77/01, Empresa de Desenvolvimento Mineiro SA (EDM).

2.      En application des dispositions du paragraphe 1, les personnes physiques n’exercent pas une activité économique relevant du champ d’application de la taxe lorsqu’elles tirent des revenus de la vente des logements leur appartenant personnellement ou d’autres biens qu’ils ont utilisés à des fins personnelles. La catégorie des biens utilisés à des fins personnelles comprend les constructions et, le cas échéant, le terrain y afférent, appartenant personnellement à des personnes physiques, qui ont été utilisées à des fins d’habitation, y compris les maisons de vacances et tout autre bien utilisé à titre personnel par la personne physique ainsi que les biens de toute nature hérités légalement ou acquis en application des mesures correctives prévues par les lois relatives à la reconstitution du droit de propriété.

3.      La personne physique qui n’est pas déjà devenue un assujetti pour une autre activité réalise une activité économique lorsqu’elle exploite des biens corporels ou incorporels en agissant en tant que tel, de façon indépendante, et que l’activité en cause est exercée en vue d’obtenir des revenus ayant un caractère de permanence, au sens de l’article 127, paragraphe 2, du code des impôts.

4.      En cas de construction de biens immobiliers par des personnes physiques à des fins de vente, l’activité économique est considérée comme ayant commencé au moment où la personne en cause a eu l’intention d’exercer une telle activité, l’intention de la personne en cause étant appréciée sur la base d’éléments objectifs, par exemple le fait qu’elle commence à engager des dépenses et/ou fait des investissements préparatoires en vue de commencer l’activité économique. L’activité économique est considérée comme ayant un caractère de permanence dès son commencement et comprend également la livraison du bien ou des parties du bien immobilier construit, même s’il s’agit d’un seul bien immobilier.

5.      En cas d’acquisition de terrains et/ou de constructions par la personne physique aux fins de vente, la livraison de ces biens est une activité économique à caractère permanent si la personne physique réalise plus qu’une seule transaction au cours d’une année civile. Toutefois, si la personne physique construit déjà un bien immobilier aux fins de vente, conformément au paragraphe 4, l’activité économique étant déjà considérée comme étant commencée et permanente, toute autre transaction effectuée ultérieurement ne pourra plus être considérée comme revêtant un caractère occasionnel. Alors même que la première livraison est considérée comme occasionnelle, dès lors qu’il y a une deuxième livraison au cours de la même année, la première livraison n’est pas imposée, mais est prise en considération pour le calcul du plafond prévu à l’article 152 du code des impôts. Les livraisons de constructions et de terrains, exonérées de la taxe conformément à l’article 141, paragraphe 2, sous f), du code des impôts, sont prises en considération tant pour établir le caractère permanent de l’activité économique que pour le calcul du plafond d’exonération prévu à l’article 152 du code des impôts. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      Au cours de l’année 2009, LN a consenti à un tiers plusieurs prêts, pour un montant total de 80 400 euros, assortis de garanties hypothécaires sur plusieurs immeubles. Les prêts n’ayant pu être remboursés, lesdits immeubles ont été mis aux enchères et trois d’entre eux ont été adjugés à LN.

11      Au cours de l’année 2010, LN a conclu deux contrats de vente, le premier ayant pour objet l’un des trois immeubles mentionnés au point précédent, l’autre portant sur un terrain qui avait été acquis au cours de l’année 2005. Les deux autres immeubles qui avaient été adjugés à LN ont fait l’objet de contrats de vente distincts au cours des années 2011 et 2012.

12      Au cours de l’année 2016, à l’occasion d’un contrôle fiscal, il a été constaté par l’AJFP Sibiu que les opérations effectuées à partir de l’année 2010 avaient produit, au 30 juin 2010, des recettes d’un montant de 611 364 RON (environ 145 000 euros), de sorte que ces opérations ont été qualifiées d’activité économique ayant un caractère de permanence exercée en vue d’obtenir des recettes. L’AJFP Sibiu a, dès lors, considéré que LN aurait dû être identifié à la TVA à partir du 10 juillet 2010 au motif que le plafond de chiffre d’affaires de 35 000 euros en dessous duquel le régime spécial d’exonération, prévu à l’article 152, paragraphes 1 et 2, du code des impôts, s’applique avait été dépassé.

13      Selon l’AJFP Sibiu, les deux immeubles vendus par LN au cours de l’année 2010 n’avaient pas été utilisés à titre personnel, mais acquis dans le but de les revendre pour en tirer des recettes.

14      En ce qui concerne la vente réalisée au cours de l’année 2011, l’AJFP Sibiu a considéré que celle-ci devait être exonérée de TVA, la livraison du bien correspondant étant intervenue postérieurement au 31 décembre de l’année suivant sa première occupation. Quant à la vente réalisée au cours de l’année 2012, l’autorité fiscale a estimé, en revanche, que cette opération était imposable à la TVA.

15      Dans ces conditions, par un avis du 28 mars 2016, l’AJFP Sibiu a soumis LN à des impositions supplémentaires de TVA ainsi qu’à des intérêts et à des pénalités de retard.

16      La réclamation introduite par LN contre cet avis d’imposition a été rejetée par une décision de la direction générale régionale des finances publiques de Brasov du 8 novembre 2016.

17      LN a saisi le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu, Roumanie) d’un recours contentieux dans le cadre duquel il a contesté, notamment, le pouvoir de l’administration fiscale d’imposer une personne physique qui ne s’est pas volontairement identifiée à la TVA et de qualifier d’activité économique des opérations juridiques de vente d’immeubles, telles que celles en cause au principal.

18      Le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu) a fait droit au recours introduit par LN. Cette juridiction a considéré, en effet, qu’une activité économique réside essentiellement dans l’obtention de revenus ayant un caractère de permanence, de sorte que la simple acquisition et la vente d’un bien immobilier ne sauraient constituer en elles-mêmes une activité économique. De plus, elle a estimé que, en l’occurrence, la vente ultérieure des biens immobiliers acquis aux enchères était simplement une modalité dont disposait le défendeur au principal pour obtenir le recouvrement des prêts qu’il avait consentis au cours de l’année 2009.

19      L’administration fiscale a formé un pourvoi contre ce jugement devant la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie).

20      Selon cette juridiction, la question se pose de savoir si l’opération juridique par laquelle un créancier ayant accordé des prêts assortis de garanties hypothécaires portant sur des immeubles se voit adjuger ces immeubles dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée puis procède à la vente de ceux-ci doit être qualifiée d’activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, soumise comme telle à la TVA conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de cette directive. Dans ce contexte, ladite juridiction s’interroge également sur le point de savoir si la personne qui a effectué cette opération juridique doit être regardée comme étant un assujetti, au sens de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive.

21      C’est dans ces circonstances que la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 2 de la [directive TVA] s’oppose-t-il à ce que l’opération par laquelle un contribuable qui, en qualité de créancier, se voit adjuger un immeuble saisi dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée et, par la suite, le vend en vue du recouvrement du montant prêté soit considérée comme une activité économique consistant dans l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence ?

2)      La personne qui a effectué une telle opération juridique peut-elle être considérée comme un assujetti au sens de l’article 9 de la [directive TVA] ? »

 Sur les questions préjudicielles

22      Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, sous a) et l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que l’opération par laquelle une personne se voit adjuger un immeuble saisi dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée engagée en vue du recouvrement d’un prêt précédemment octroyé et, par la suite, procède à la vente de cet immeuble constitue une activité économique et si ladite personne doit, au titre de cette opération, être considérée comme un assujetti.

23      Il ressort de la décision de renvoi que les opérations juridiques en cause au principal ont consisté en la vente d’immeubles précédemment adjugés à un créancier-prêteur à la suite d’une procédure d’exécution forcée au titre des hypothèques qui garantissaient la créance de ce dernier à l’égard de l’ancien propriétaire des immeubles.

24      À cet égard, il importe de souligner d’emblée que, si la directive TVA assigne un champ d’application très large à la TVA, seules les activités ayant un caractère économique sont visées par cette taxe. Ainsi, en vertu de l’article 2 de cette directive, relatif aux opérations imposables, sont soumises à la TVA, à côté des importations de biens, les acquisitions intracommunautaires de biens, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur d’un État membre par un assujetti (arrêt du 2 juin 2016, Lajvér, C‑263/15, EU:C:2016:392, points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée).

25      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans ce contexte, la notion d’« assujetti » doit être définie en relation avec celle d’« activité économique » au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA. Il s’ensuit que c’est l’existence d’une telle activité qui justifie la qualification d’assujetti (voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2011, Słaby e.a., C‑180/10 et C‑181/10, EU:C:2011:589, point 43 ainsi que jurisprudence citée), ce dernier étant, selon l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une telle activité économique.

26      La notion d’« activité économique » est définie à l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive comme englobant toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, cette disposition précisant en outre qu’est considérée comme une telle activité, en particulier, « l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ».

27      S’agissant de la notion d’« exploitation » au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, il est de jurisprudence constante que cette notion se réfère, conformément aux exigences du principe de neutralité du système commun de TVA, à toutes les opérations, quelle que soit leur forme juridique, qui visent à retirer du bien en question des recettes ayant un caractère de permanence (arrêts du 6 octobre 2009, SPÖ Landesorganisation Kärnten, C‑267/08, EU:C:2009:619, point 20 et jurisprudence citée, ainsi que du 2 juin 2016, Lajvér, C‑263/15, EU:C:2016:392, point 24 et jurisprudence citée).

28      En revanche, la simple acquisition et la simple vente d’un bien ne sauraient constituer une exploitation d’un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, l’unique rétribution de ces opérations étant constituée par un éventuel bénéfice lors de la vente dudit bien (arrêt du 15 septembre 2011, Słaby e.a., C‑180/10 et C‑181/10, EU:C:2011:589, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

29      De même, le simple exercice du droit de propriété par son titulaire ne saurait, en lui-même, être considéré comme constituant une activité économique [voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2011, Słaby e.a., C‑180/10 et C‑181/10, EU:C:2011:589, point 36 ; du 9 juillet 2015, Trgovina Prizma, C‑331/14, EU:C:2015:456, point 23, ainsi que du 13 juin 2019, IO (TVA – Activité de membre d’un conseil de surveillance), C‑420/18, EU:C:2019:490, point 29].

30      D’une part, s’agissant des critères susceptibles d’être pris en compte afin de déterminer si une activité constitue une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le nombre et l’ampleur des ventes ne sauraient constituer un critère de distinction entre les activités d’un opérateur agissant à titre privé, qui se situent en dehors du champ d’application de cette directive, et celles d’un opérateur dont les opérations constituent une activité économique (arrêts du 15 septembre 2011, Słaby e.a., C‑180/10 et C‑181/10, EU:C:2011:589, point 37, ainsi que du 17 octobre 2019, Paulo Nascimento Consulting, C‑692/17, EU:C:2019:867, point 25).

31      D’autre part, à propos de la vente d’un terrain à bâtir, la Cour a déjà précisé que constitue un critère d’appréciation pertinent le fait que l’intéressé ait entrepris des démarches actives de commercialisation foncières en mobilisant des moyens similaires à ceux déployés par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services. En effet, de telles initiatives ne s’inscrivent normalement pas dans le cadre de la gestion d’un patrimoine personnel, de sorte que les opérations en résultant ne sauraient être considérées comme le simple exercice du droit de propriété (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Trgovina Prizma, C‑331/14, EU:C:2015:456, point 24 et jurisprudence citée). De telles initiatives s’inscrivent plutôt dans le cadre d’une activité exercée en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence et pouvant ainsi être qualifiée d’économique.

32      C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient de déterminer si l’opération juridique par laquelle un créancier ayant accordé des prêts assortis de garanties hypothécaires portant sur des immeubles et auquel ces immeubles ont été adjugés dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée procède, après un délai déterminé, à la vente de ceux-ci constitue une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, ou si elle relève simplement de l’exercice du droit de propriété par son titulaire.

33      En l’occurrence, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que le défendeur au principal a, au cours de l’année 2009, consenti à une même personne physique plusieurs prêts assortis de garanties hypothécaires sur des immeubles et que, ces prêts n’ayant pas été remboursés, trois de ces immeubles ont été adjugés au créancier dans le cadre d’une procédure d’enchères survenue au cours de cette même année 2009. Par la suite, le créancier a procédé à la vente de ces trois immeubles au cours des années 2010 à 2012.

34      Il ressort également des informations dont dispose la Cour que, en premier lieu, les opérations juridiques en cause au principal ont été effectuées par le défendeur au principal en vue de la reconstitution de son patrimoine et du recouvrement de ses créances, à la suite du non-remboursement des prêts octroyés. En second lieu, ayant comme objectif le recouvrement de ses créances et la reconstitution du patrimoine, le défendeur au principal n’a pas entrepris de démarches actives de commercialisation foncière et, notamment, n’a pas mobilisé des moyens similaires à ceux déployés par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA.

35      Or, sous réserve de vérification de la part de la juridiction de renvoi, ces circonstances semblent établir que les ventes des immeubles en cause au principal ont relevé en réalité du simple exercice du droit de propriété ainsi que de la bonne gestion du patrimoine privé, et, par suite, ne rentrent pas dans le cadre de l’exercice d’une activité économique.

36      De même, aucun des autres éléments communiqués par la juridiction de renvoi n’est de nature à démontrer le caractère économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, de l’activité effectuée par le défendeur au principal.

37      Partant, ne saurait être retenue la position du gouvernement roumain, selon laquelle la circonstance que le défendeur au principal s’est lui-même présenté à la procédure d’enchères et a acquis, dans le cadre de cette procédure, les biens immobiliers sur lesquels portaient les garanties hypothécaires, sans attendre le recouvrement des sommes prêtées par l’exécution forcée des garanties de son débiteur, confirmerait qu’il y a eu exploitation d’un bien corporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence et, par conséquent, le défendeur au principal devrait être qualifié d’assujetti à la TVA.

38      En effet, cette dernière circonstance semble plutôt de nature à établir que les ventes des immeubles en cause au principal, compte tenu des particularités de ces opérations, telles qu’exposées aux points précédents du présent arrêt, s’est inscrite dans le cadre de la gestion du patrimoine personnel du défendeur au principal.

39      Dans ces conditions, les opérations juridiques effectuées par le défendeur doivent être considérées comme relevant de la gestion d’un patrimoine privé dès lors que, ainsi qu’il ressort des informations dont dispose la Cour et qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, premièrement, l’intéressé avait comme objectif le recouvrement de ses créances et la reconstitution de son patrimoine et que, deuxièmement, il n’a pas entrepris de démarches actives de commercialisation foncière. Il s’ensuit que l’intéressé ne saurait être considéré comme étant assujetti à la TVA, au sens de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive TVA, au titre des ventes des immeubles en cause au principal, de sorte que ces opérations n’auraient pas dû être soumises à ladite taxe.

40      À toutes fins utiles, il convient de préciser que le litige au principal tel qu’exposé par la juridiction de renvoi ainsi que ses questions préjudicielles ne portent pas sur des ventes immobilières considérées comme s’inscrivant dans le prolongement direct d’une activité économique d’octroi de prêt qui serait exercée par LN.

41      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 2, paragraphe 1, sous a) et l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que l’opération par laquelle une personne se voit adjuger un immeuble saisi dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée engagée en vue du recouvrement d’un prêt précédemment octroyé et, par la suite, procède à la vente de cet immeuble ne constitue pas, en soi, une activité économique lorsque cette opération relève du simple exercice du droit de propriété ainsi que de la bonne gestion du patrimoine privé, de sorte que ladite personne ne saurait, au titre de ladite opération, être considérée comme un assujetti.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

L’article 2, paragraphe 1, sous a) et l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que l’opération par laquelle une personne se voit adjuger un immeuble saisi dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée engagée en vue du recouvrement d’un prêt précédemment octroyé et, par la suite, procède à la vente de cet immeuble ne constitue pas, en soi, une activité économique lorsque cette opération relève du simple exercice du droit de propriété ainsi que de la bonne gestion du patrimoine privé, de sorte que ladite personne ne saurait, au titre de ladite opération, être considérée comme un assujetti.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.

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