Bundesrepublik Deutschland (Membre de la famille) (Judgment) French Text [2021] EUECJ C-768/19 (09 September 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C76819.html
Cite as: ECLI:EU:C:2021:709, [2021] EUECJ C-768/19, EU:C:2021:709

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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 septembre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire – Directive 2011/95/UE – Article 2, sous j), troisième tiret – Notion de “membre de la famille” – Personne majeure demandant la protection internationale en raison de son lien familial avec un mineur ayant déjà obtenu la protection subsidiaire – Date pertinente pour apprécier la qualité de “mineur” »

Dans l’affaire C‑768/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), par décision du 15 août 2019, parvenue à la Cour le 18 octobre 2019, dans la procédure

Bundesrepublik Deutschland

contre

SE,

en présence de :

Vertreter des Bundesinteresses beim Bundesverwaltungsgericht,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. N. Wahl, F. Biltgen, Mme L. S. Rossi (rapporteure) et M. J. Passer, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour la Bundesrepublik Deutschland, par Mme A. Schumacher, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme K. Szíjjártó ainsi que par M. M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes A. Azéma, M. Condou-Durande et K. Kaiser ainsi que par M. C. Ladenburger, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous j), de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SE, un ressortissant afghan, à la Bundesrepublik Deutschland au sujet du refus du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral des migrations et des réfugiés, Allemagne) de lui accorder le statut de réfugié ou la protection subsidiaire au titre du regroupement familial avec son fils.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2011/95

3        Les considérants 12, 16, 18, 19 et 38 de la directive 2011/95 énoncent :

« (12)      L’objectif principal de la présente directive est, d’une part, d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres.

[...]

(16)      La présente directive respecte les droits fondamentaux, ainsi que les principes reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En particulier, la présente directive vise à garantir le plein respect de la dignité humaine et du droit d’asile des demandeurs d’asile et des membres de leur famille qui les accompagnent et à promouvoir l’application des articles 1er, 7, 11, 14, 15, 16, 18, 21, 24, 34 et 35 de ladite charte, et devrait être mise en œuvre en conséquence.

[...]

(18)      “L’intérêt supérieur de l’enfant” devrait être une considération primordiale des États membres lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, conformément à la convention des Nations unies [...] relative aux droits de l’enfant[, conclue à New York le 20 novembre 1989 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1577, p. 3)]. Lorsqu’ils apprécient l’intérêt supérieur de l’enfant, les États membres devraient en particulier tenir dûment compte du principe de l’unité familiale, du bien-être et du développement social du mineur, de considérations tenant à la sûreté et à la sécurité et de l’avis du mineur en fonction de son âge et de sa maturité.

(19)      Il est nécessaire d’élargir la notion de “membres de la famille”, compte tenu des différentes situations individuelles de dépendance et de l’attention particulière à accorder à l’intérêt supérieur de l’enfant.

[...]

(38)      Lorsqu’ils décident du droit aux avantages prévus dans la présente directive, les États membres devraient tenir dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que des situations individuelles de dépendance, vis-à-vis du bénéficiaire d’une protection internationale, de parents proches qui se trouvent déjà dans l’État membre et ne sont pas des membres de la famille dudit bénéficiaire. [...] »

4        L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

j)      « membres de la famille », dans la mesure où la famille était déjà fondée dans le pays d’origine, les membres ci-après de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale qui sont présents dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale :

[...]

–        le père ou la mère du bénéficiaire d’une protection internationale ou tout autre adulte qui en est responsable de par le droit ou la pratique en vigueur dans l’État membre concerné, lorsque ledit bénéficiaire est mineur et non marié ;

k)      « mineur », un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride âgé de moins de dix-huit ans ;

[...] »

5        L’article 3 de ladite directive, intitulé « Normes plus favorables », dispose :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié ou de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la présente directive. »

6        Aux termes de l’article 20, paragraphes 2 et 5, de la même directive :

« 2.      Le présent chapitre s’applique à la fois aux réfugiés et aux personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, sauf indication contraire.

[...]

5.      L’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale pour les États membres lors de la transposition des dispositions du présent chapitre concernant les mineurs. »

7        L’article 23 de la directive 2011/95, intitulé « Maintien de l’unité familiale », prévoit :

« 1.      Les États membres veillent à ce que l’unité familiale puisse être maintenue.

2.      Les États membres veillent à ce que les membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale qui, individuellement, ne remplissent pas les conditions nécessaires pour obtenir cette protection puissent prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35, conformément aux procédures nationales et dans la mesure où cela est compatible avec le statut juridique personnel du membre de la famille.

3.      Les paragraphes 1 et 2 ne sont pas applicables lorsque le membre de la famille est ou serait exclu du bénéfice de la protection internationale en application des chapitres III et V.

[...] »

8        L’article 24, paragraphe 2, de cette directive est ainsi libellé :

« Dès que possible après qu’une protection internationale a été octroyée, les États membres délivrent aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire et aux membres de leur famille un titre de séjour valable pendant une période d’au moins un an et renouvelable pour une période d’au moins deux ans, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent. »

 La directive 2013/32/UE

La directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60), énonce, à son article 6, intitulé « Accès à la procédure » :

« 1.      Lorsqu’une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l’enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande.

Si la demande de protection internationale est présentée à d’autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes, mais qui ne sont pas, en vertu du droit national, compétentes pour les enregistrer, les États membres veillent à ce que l’enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande.

Les États membres veillent à ce que ces autres autorités qui sont susceptibles de recevoir des demandes de protection internationale, par exemple les services de police, des gardes-frontières, les autorités chargées de l’immigration et les agents des centres de rétention, disposent des informations pertinentes et à ce que leur personnel reçoive le niveau de formation nécessaire à l’accomplissement de leurs tâches et responsabilités, ainsi que des instructions, pour qu’ils puissent fournir aux demandeurs des informations permettant de savoir où et comment la demande de protection internationale peut être introduite.

2.      Les États membres veillent à ce que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale aient la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais. Si les demandeurs n’introduisent pas leur demande, les États membres peuvent appliquer l’article 28 en conséquence.

3.      Sans préjudice du paragraphe 2, les États membres peuvent exiger que les demandes de protection internationale soient introduites en personne et/ou en un lieu désigné.

4.      Nonobstant le paragraphe 3, une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par le demandeur ou, si le droit national le prévoit, un rapport officiel est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné.

[...] »

 Le droit allemand

9        La directive 2011/95 a été transposée dans le droit allemand par l’Asylgesetz (loi relative au droit d’asile, BGBl. 2008 I, p. 1798) (ci-après l’« AsylG »).

10      L’AsylG distingue la sollicitation informelle de l’asile (article 13, paragraphe 1, de l’AsylG) et les demandes formelles d’asile (article 14, paragraphe 1, de l’AsylG).

11      L’article 13, paragraphe 1, de l’AsylG dispose :

« L’asile est demandé lorsqu’il ressort de la volonté que le ressortissant d’un pays tiers a exprimée par écrit, oralement ou d’une autre façon, qu’il recherche sur le territoire fédéral une protection contre des persécutions politiques ou entend être protégé contre une reconduite à la frontière ou tout autre retour forcé dans un État où il risque d’être persécuté, au sens de l’article 3, paragraphe 1, ou de subir une atteinte grave, au sens de l’article 4, paragraphe 1. »

12      L’article 14, paragraphe 1, de l’AsylG prévoit :

« La demande d’asile doit être introduite auprès de l’antenne de l’Office fédéral des migrations et des réfugiés rattachée au centre d’accueil compétent pour l’accueil des ressortissants d’un pays tiers. »

13      L’article 26 de l’AsylG énonce :

« [...]

(2)      L’enfant non marié d’un ressortissant d’un pays tiers bénéficiant du droit d’asile, qui est mineur au moment où il demande l’asile, se voit, à sa demande, octroyer l’asile lorsque le droit d’asile est définitivement octroyé à ce ressortissant d’un pays tiers sans pouvoir être révoqué ni retiré.

(3)      Les parents d’un mineur non marié bénéficiant du droit d’asile ou un autre adulte, visé à l’article 2, sous j), de la directive [2011/95], sont reconnus, sur demande, comme ayant droit à l’asile lorsque :

1.      la reconnaissance du droit d’asile au bénéficiaire est devenue définitive,

2.      la famille, au sens de l’article 2, sous j), de la directive [2011/95], existait déjà dans l’État dans lequel le bénéficiaire est politiquement persécuté,

3.      ils sont entrés sur le territoire allemand avant l’octroi du droit d’asile ou ont introduit leur demande d’asile immédiatement après être entrés sur ce territoire,

4.      le droit d’asile octroyé ne peut être ni révoqué ni retiré et

5.      ils assurent l’entretien de la personne bénéficiant du droit d’asile.

Le premier alinéa, points 1 à 4, s’applique par analogie aux membres de la fratrie non mariés du mineur bénéficiant du droit d’asile, qui étaient mineurs au moment où ils ont présenté leur demande.

[...]

(5)      Les paragraphes 1 à 4 s’appliquent mutatis mutandis aux membres de la famille, au sens des paragraphes 1 à 3, des personnes bénéficiant d’une protection internationale. Le droit d’asile est remplacé par le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. La protection subsidiaire en tant que membre de la famille des personnes bénéficiant d’une protection internationale n’est pas accordée s’il existe un motif d’exclusion conformément à l’article 4, paragraphe 2. »

14      L’article 77, paragraphe 1, de l’AsylG est ainsi libellé :

« Dans les litiges relevant de la présente loi, le tribunal se fonde sur la situation de fait et de droit au moment de la dernière audience ; si la décision est rendue sans audience, le moment auquel la décision juridictionnelle est rendue est déterminant. [...] »

 Les faits au principal et les questions préjudicielles

15      Il ressort du dossier dont dispose la Cour que le fils du requérant au principal, né le 20 avril 1998, est arrivé en Allemagne au cours de l’année 2012 et y a présenté une demande d’asile le 21 août de cette même année. Le 13 mai 2016, à savoir lorsque cet enfant avait déjà atteint l’âge de 18 ans, l’Office fédéral des migrations et des réfugiés a rejeté sa demande d’asile, mais lui a octroyé le statut conféré par la protection subsidiaire.

16      Le requérant au principal est arrivé en Allemagne au mois de janvier 2016. Le mois suivant, il a sollicité l’asile et, le 21 avril de la même année, il a introduit une demande formelle de protection internationale. L’Office fédéral des migrations et des réfugiés a rejeté la demande d’asile du requérant au principal, lui a refusé l’octroi du statut de réfugié ainsi que du statut conféré par la protection subsidiaire et a constaté l’absence de motifs s’opposant à sa reconduite à la frontière.

17      Par la décision du 23 mai 2018, le Verwaltungsgericht (tribunal administratif, Allemagne) a fait droit au recours formé par le requérant au principal contre la décision de l’Office fédéral des migrations et des réfugiés, enjoignant à la République fédérale d’Allemagne de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire, au titre de l’article 26, paragraphe 3, premier alinéa, et paragraphe 5, de l’AsylG, en tant que parent d’un enfant mineur non marié bénéficiant de cette protection. Cette juridiction a considéré que le fils du requérant au principal était mineur à la date pertinente à cet effet, à savoir celle de la présentation de sa demande d’asile. Dans ce contexte, ladite juridiction a jugé que le moment où le demandeur sollicite l’asile en Allemagne pour la première fois et où l’autorité compétente en prend connaissance doit être considéré comme étant celui de la présentation de la demande d’asile.

18      La République fédérale d’Allemagne a introduit un recours direct en Revision contre cette décision devant le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), dénonçant une violation de l’article 26, paragraphe 3, premier alinéa, de l’AsylG. Elle fait valoir que, en vertu de l’article 77, paragraphe 1, de l’AsylG, la décision concernant la demande d’asile du requérant au principal devrait se fonder sur la situation en fait et en droit au moment de la dernière audience devant le juge du fait ou, si la décision est rendue sans audience préalable, à la date à laquelle la décision juridictionnelle est rendue. Le fils du requérant au principal n’étant plus mineur à la date pertinente en application de cette disposition, le requérant au principal ne pourrait se prévaloir de l’application de l’article 26, paragraphe 3, de l’AsylG, qui fait référence à l’article 2, sous j), de la directive 2011/95. Seul un enfant qui était encore mineur au moment où l’autorité compétente lui a accordé le statut de la protection subsidiaire pourrait faire naître des droits en faveur de ses parents, en vertu de cet article 2, sous j). Cette conclusion serait corroborée par la finalité de l’article 26, paragraphe 3, de l’AsylG, consistant en la protection des intérêts des mineurs, finalité qui serait sans objet une fois que ces derniers atteignent l’âge de la majorité. En tout état de cause, même si l’existence des conditions d’octroi du droit d’asile dérivé aux parents d’un mineur devrait être appréciée par rapport à la date de la demande d’asile du parent concerné, il y aurait lieu de prendre en compte la date à laquelle celui-ci a formellement introduit une demande d’asile, conformément à l’article 14 de l’AsylG, et non la date à laquelle il a informellement sollicité l’asile pour la première fois, au sens de l’article 13 de l’AsylG.

19      La juridiction de renvoi indique que la demande de protection subsidiaire du requérant au principal en tant que membre de la famille d’une personne bénéficiant d’une protection internationale devrait être accueillie si son fils était « mineur », au sens de l’article 2, sous k), de la directive 2011/95, et s’il en avait la garde à la date pertinente pour l’appréciation des faits. Aux termes de l’article 2, sous j), de la directive 2011/95, parmi les « membres de la famille » du bénéficiaire d’une protection internationale, lorsque ce bénéficiaire est mineur et non marié, figure notamment le père de ce dernier à la condition qu’il soit présent sur le territoire du même État membre en raison de la demande de protection internationale et que la famille de l’intéressé fût déjà fondée dans le pays d’origine. Or, selon cette juridiction, les termes de ladite disposition ne permettent pas de déterminer avec certitude la date à laquelle il convient de se référer pour apprécier si ledit bénéficiaire est mineur et, le cas échéant, si la qualité de père de ce mineur, en tant que membre de la famille, au sens de la même disposition, persiste même après que le même bénéficiaire a atteint l’âge de la majorité.

20      S’agissant de la détermination de cette date, la juridiction de renvoi fait observer que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248), la Cour a affirmé qu’une réglementation nationale qui fait dépendre le droit au regroupement familial du moment où l’autorité nationale compétente adopte formellement la décision reconnaissant la qualité de réfugié à la personne concernée est susceptible de priver une partie importante des réfugiés qui ont introduit leur demande de protection internationale en tant que mineurs non accompagnés de la jouissance de ce droit. Cependant, cette juridiction estime que le raisonnement suivi par la Cour dans cette affaire ne pourrait s’appliquer en l’occurrence, car, contrairement à ce qui était le cas dans ladite affaire, l’enfant du requérant au principal ne bénéficie pas du droit d’asile, mais du statut de la protection subsidiaire, dont l’octroi serait soumis, contrairement au statut de réfugié, à une décision formelle.

21      Par ailleurs, se pose, le cas échéant, dans ce contexte, également la question de savoir si, pour déterminer le moment de la demande de protection internationale, il convient d’avoir en vue le moment où a été émise la sollicitation informelle de l’asile ou bien le moment où la demande d’asile a été introduite en bonne et due forme.

22      En outre, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à l’importance d’une reprise effective de la vie familiale de l’enfant et du parent concernés, au sens de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), dans l’État membre d’accueil, et de l’existence antérieure d’une telle vie familiale dans le pays d’origine, ainsi que de l’intention du requérant au principal d’exercer effectivement son autorité parentale dans l’État membre d’accueil.

23      Enfin, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si un demandeur d’asile cesse d’avoir la qualité de membre de la famille, au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, à la date de la majorité du bénéficiaire de la protection, dans la mesure où cette qualité paraît rattachée à la durée limitée de la minorité du bénéficiaire de la protection.

24      Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Lorsque, avant la majorité de son enfant, avec lequel une famille avait déjà été fondée dans le pays d’origine et qui s’est vu octroyer à la suite d’une demande de protection présentée avant sa majorité le statut conféré par la protection subsidiaire après avoir atteint sa majorité (ci–après le “bénéficiaire de la protection”), un demandeur d’asile est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil du bénéficiaire de la protection et y a également présenté une demande de protection internationale (ci–après le “demandeur d’asile”) et lorsqu’une législation nationale se réfère à l’article 2, sous j), de la directive [2011/95] pour conférer un droit à l’octroi de la protection subsidiaire tiré du bénéficiaire de la protection, faut-il, pour déterminer si le bénéficiaire de la protection est “mineur”, au sens de l’article 2, sous j), de la directive [2011/95], se placer au moment où il est statué sur la demande d’asile du demandeur d’asile ou à un moment antérieur, notamment au moment où

a)      le bénéficiaire de la protection s’est vu octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire,

b)      le demandeur d’asile a présenté sa demande d’asile,

c)      le demandeur d’asile est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil ou

d)      le bénéficiaire de la protection a présenté sa demande d’asile ?

2)      Dans l’hypothèse où

a)      c’est le moment auquel la demande d’asile a été présentée qui compte :

faut-il retenir à cet effet la présentation de la demande de protection par écrit, oralement ou d’une autre façon, qui a été portée à la connaissance de l’autorité nationale habilitée à connaître de la demande d’asile (sollicitation) ou l’introduction de la demande de protection internationale ?

b)      c’est le moment auquel le demandeur d’asile est entré sur le territoire ou le moment auquel celui–ci a présenté la demande d’asile qui compte :

le fait qu’il n’avait pas encore été statué à ce moment-là sur la demande de protection du futur bénéficiaire de la protection doit-il être pris en considération ?

3)      a)            Dans la situation décrite dans la première question, à quelles conditions le demandeur d’asile sera-t-il un “membre de la famille” [article 2, sous j), troisième tiret], de la directive [2011/95] présent “dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale” que celui dans lequel est présent le bénéficiaire d’une protection internationale avec lequel une famille avait “déjà été fondée dans le pays d’origine” ? Cela présuppose-t-il en particulier que la vie familiale visée à l’article 7 de la Charte, ait repris entre le bénéficiaire de la protection et le demandeur d’asile dans l’État membre d’accueil ou la simple présence concomitante du bénéficiaire de la protection et du demandeur d’asile dans l’État membre d’accueil suffit-elle à cet effet ? Un parent est-il également un membre de la famille lorsque, dans les circonstances de l’espèce, l’entrée sur le territoire ne visait pas à assumer effectivement envers une personne bénéficiaire d’une protection internationale encore mineure et non mariée, la responsabilité visée à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive [2011/95] ?

b)      S’il est répondu à la troisième question, sous a), que la vie familiale, au sens de l’article 7 de la Charte, doit avoir repris entre le bénéficiaire de la protection et le demandeur d’asile dans l’État membre d’accueil, le moment auquel la vie familiale a repris doit-il être pris en considération ? Faut-il considérer à cet égard que la vie familiale a repris dans un certain délai après l’entrée du demandeur d’asile sur le territoire, au moment où le demandeur d’asile présente sa demande ou à un moment où le bénéficiaire de la protection était encore mineur ?

4)      Un demandeur d’asile cesse-t-il d’avoir la qualité de membre de la famille, au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive [2011/95,] à la date de la majorité du bénéficiaire de la protection lorsque prend ainsi fin la responsabilité envers une personne qui est mineure et non mariée ? Si cette question devait appeler une réponse négative : cette qualité de membre de la famille (et les droits qui en découlent) persiste-t-elle au–delà de cette date pour une durée illimitée ou devient-elle caduque après un certain délai (le cas échéant lequel ?) ou à la survenance d’un événement déterminé (le cas échéant lequel ?) ? »

 La procédure devant la Cour

25      Par la décision du président de la Cour du 26 mai 2020, la procédure a été suspendue dans la présente affaire, en application de l’article 55, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure de la Cour jusqu’à l’intervention de la décision dans les affaires C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, État belge (regroupement familial – enfant mineur). L’arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), a été signifié à la juridiction de renvoi dans la présente procédure pour vérifier si cette juridiction souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle. Par l’ordonnance du 19 août 2020, parvenue au greffe de la Cour le 26 août suivant, ladite juridiction a informé la Cour qu’elle souhaitait maintenir cette demande de décision préjudicielle. En conséquence, la présente procédure a été reprise sur décision du président de la Cour du 28 août 2020.

26      Le 10 novembre 2020, le gouvernement allemand a été invité à préciser, dans une réponse écrite, les différences, notamment en termes de procédure, de délais et de conditions, existant dans le droit allemand, entre la sollicitation informelle de l’asile, au sens de l’article 13, paragraphe 1, de l’AsylG, et la demande formelle d’asile, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de celui-ci. Le 14 décembre suivant, le gouvernement allemand a répondu à cette question.

27      Le 10 novembre 2020, les parties au principal et autres intéressés ont été invités au titre de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne à se prononcer sur les conséquences éventuelles à tirer de l’arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), aux fins de la réponse à apporter notamment à la première question posée. Le gouvernement hongrois et la Commission européenne ont présenté leurs observations à cet égard.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

28      Par ses première et deuxième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir, dans une situation où un demandeur d’asile qui est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil sur lequel se trouve son enfant mineur non marié et qui entend tirer du statut conféré par la protection subsidiaire obtenu par cet enfant un droit d’asile au titre de la législation de cet État membre, accordant un tel droit aux personnes relevant de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, quelle est la date pertinente pour apprécier si le bénéficiaire de la protection internationale est un « mineur », au sens de cette disposition, afin de statuer sur la demande de protection internationale introduite par ce demandeur d’asile.

29      En particulier, la juridiction de renvoi cherche à savoir s’il y a lieu de se référer au moment où il est statué sur la demande d’asile introduite par ledit demandeur d’asile ou à un moment antérieur.

30      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler que la directive 2011/95, adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 78, paragraphe 2, sous b), TFUE, vise, notamment, à instaurer un régime uniforme de protection subsidiaire. À cet égard, il ressort du considérant 12 de cette directive que l’un des objectifs principaux de celle-ci est d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin d’une protection internationale (arrêt du 23 mai 2019, Bilali, C‑720/17, EU:C:2019:448, point 35 et jurisprudence citée).

31      Dans ce contexte, l’article 23, paragraphes 1 et 2, de cette directive impose aux États membres de veiller au maintien de l’unité familiale et à ce que les membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale qui, individuellement, ne remplissent pas les conditions nécessaires pour obtenir cette protection puissent prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35 de ladite directive, conformément aux procédures nationales et dans la mesure où cela est compatible avec le statut juridique personnel du membre de la famille concerné.

32      Au nombre des membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale, qui sont présents dans le même État membre en raison d’une demande de protection internationale et dans la mesure où la famille était déjà fondée dans le pays d’origine, figurent, conformément à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, le père ou la mère de ce bénéficiaire ou tout autre adulte qui en est responsable par le droit ou la pratique en vigueur dans l’État membre concerné, lorsque ledit bénéficiaire est mineur et non marié.

33      À cet égard, il y a lieu de relever que, alors que l’article 2, sous k), de la directive 2011/95 dispose qu’un mineur doit être âgé de moins de 18 ans, cette disposition ne précise pas le moment auquel il convient de se référer pour apprécier si une telle condition est satisfaite ni n’opère de renvoi au droit des États membres à cet égard.

34      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le législateur de l’Union a accordé aux États membres une marge d’appréciation quant à la fixation du moment auquel il convient de se référer pour apprécier si le bénéficiaire d’une protection internationale est un « mineur », au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95.

35      En effet, il y a lieu de rappeler que, conformément aux exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité, une disposition de ce droit qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doit normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte, notamment, du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation concernée [arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur), C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577, point 30 ainsi que jurisprudence citée].

36      En outre, aux termes du considérant 16 de la directive 2011/95, cette dernière respecte les droits fondamentaux ainsi que les principes consacrés dans la Charte et vise à promouvoir l’application, notamment, des articles 7 et 24 de celle-ci.

37      En particulier, l’article 7 de la Charte, qui consacre des droits correspondant à ceux garantis à l’article 8, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, reconnaît le droit au respect de la vie privée ou familiale. Cet article 7 doit être lu, conformément à une jurisprudence constante, en combinaison avec l’obligation de prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, et en tenant compte de la nécessité pour un enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents, exprimée à l’article 24, paragraphe 3, de celle-ci [arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur), C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577, point 34 ainsi que jurisprudence citée].

38      Il s’ensuit que les dispositions de la directive 2011/95 doivent être interprétées et appliquées notamment à la lumière de l’article 7 et de l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la Charte, ainsi qu’il ressort d’ailleurs également des termes des considérants 18, 19 et 38 ainsi que de l’article 20, paragraphe 5, de cette directive, selon lesquels, lorsque les États membres mettent en œuvre ladite directive, l’intérêt supérieur de l’enfant doit constituer pour ceux-ci une considération primordiale à laquelle ils accordent une attention particulière et dans l’appréciation de laquelle ils devraient tenir dûment compte notamment du principe de l’unité familiale, du bien-être et du développement social du mineur.

39      Or, il y a lieu de relever que retenir, ainsi que notamment le gouvernement allemand le suggère, la date à laquelle l’autorité compétente de l’État membre concerné statue sur la demande d’asile présentée par le parent concerné, qui entend tirer du statut de protection subsidiaire obtenu par son enfant un droit à une protection subsidiaire, comme étant celle à laquelle il convient de se référer pour apprécier si le bénéficiaire de la protection internationale est un « mineur », au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, ne serait conforme ni aux objectifs poursuivis par cette directive, ni aux exigences découlant de l’article 7 de la Charte, visant la promotion de la vie familiale, et de l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, qui exige que, dans tous les actes relatifs aux enfants, notamment ceux accomplis par les États membres lors de l’application de ladite directive, l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale [voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur), C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577, point 36].

40      En effet, les autorités et juridictions nationales compétentes ne seraient pas incitées à traiter prioritairement les requêtes présentées par les parents de mineurs avec l’urgence nécessaire pour tenir compte de la vulnérabilité de ces mineurs et pourraient ainsi agir d’une manière qui mettrait en péril le droit à la vie familiale tant d’un parent avec son enfant mineur que de ce dernier avec un membre de sa famille [voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur), C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577, point 37 ainsi que jurisprudence citée].

41      En outre, une telle interprétation ne permettrait pas non plus de garantir, conformément aux principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique, un traitement identique et prévisible à tous les demandeurs se trouvant chronologiquement dans la même situation, dans la mesure où elle conduirait à faire dépendre le succès de la demande de protection internationale principalement de circonstances imputables à l’administration ou aux juridictions nationales, en particulier de la plus ou moins grande célérité avec laquelle la demande est traitée ou avec laquelle il est statué sur le recours dirigé contre la décision de rejet d’une telle demande, et non pas de circonstances imputables au demandeur d’asile [voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur), C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577, point 42 ainsi que jurisprudence citée].

42      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, ainsi que l’a relevé en substance, M. l’avocat général aux points 73 et 74 de ses conclusions, lorsqu’un demandeur d’asile, qui est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil sur lequel se trouve son enfant mineur non marié, entend tirer du statut conféré par la protection subsidiaire obtenu par cet enfant le droit aux avantages visés aux articles 24 à 35 de la directive 2011/95 et, le cas échéant, le droit d’asile lorsque, conformément à l’article 3 de celle-ci, cela est prévu par le droit national, la date pertinente pour apprécier si le bénéficiaire de la protection internationale est un « mineur », au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, afin de statuer sur la demande d’asile introduite par son père, est la date à laquelle ce dernier a présenté une telle demande.

43      Le droit du membre de la famille à ces avantages, y compris, le cas échéant, le droit d’asile lorsque celui-ci est prévu par le droit national, doit ainsi être invoqué par le parent concerné lorsque son enfant, bénéficiaire de la protection internationale, est toujours mineur. En outre, il découle du libellé de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 que la famille doit déjà avoir été fondée dans le pays d’origine et que les membres de la famille concernés doivent avoir été présents sur le territoire du même État membre en raison de la demande de protection internationale, avant que ce bénéficiaire atteigne l’âge de la majorité, ce qui implique également que ledit bénéficiaire ait demandé cette protection avant d’avoir atteint l’âge de la majorité.

44      Une telle interprétation est conforme tant aux finalités de la directive 2011/95 qu’aux droits fondamentaux protégés dans l’ordre juridique de l’Union, qui, ainsi qu’il a été relevé aux points 36 à 38 du présent arrêt, impliquent d’accorder une attention particulière à l’intérêt supérieur de l’enfant, en tant que considération primordiale des États membres, et dans l’appréciation de laquelle il importe de tenir dûment compte notamment du principe de l’unité familiale, du bien-être et du développement social du mineur.

45      Dans l’hypothèse où la date de la demande par le parent concerné est jugée déterminante, la juridiction de renvoi cherche à savoir s’il y a lieu de considérer que cette date est celle à laquelle ce parent a informellement sollicité l’asile pour la première fois et où l’autorité compétente en a pris connaissance, ou celle à laquelle ledit parent a formellement introduit une demande d’asile.

46      En l’occurrence, ainsi qu’il résulte du dossier dont dispose la Cour, le droit allemand applicable distinguerait la sollicitation informelle de l’asile, conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’AsylG, et la présentation formelle des demandes d’asile, conformément à l’article 14, paragraphe 1, de l’AsylG. Cette distinction reflète celle visée à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2013/32 entre, d’une part, la présentation et, d’autre part, l’introduction d’une demande de protection internationale.

47      À cet égard, il y a lieu de préciser que, ainsi qu’il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi, alors que la présentation de la demande informelle d’asile, au sens de l’article 13, paragraphe 1, de l’AsylG, ne requiert pas de formes particulières et dépend principalement de circonstances imputables au demandeur de protection internationale, l’introduction d’une demande formelle d’asile, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de l’AsylG, est, en revanche, soumise à l’accomplissement de certaines formalités par l’administration nationale compétente.

48      Or, ainsi que M. l’avocat général l’a observé au point 76 de ses conclusions, la Cour a jugé qu’un ressortissant d’un pays tiers acquiert la qualité de demandeur de protection internationale, au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2013/32, dès le moment où il « présente » une telle demande. À cet égard, alors que l’enregistrement de la demande de protection internationale incombe à l’État membre concerné, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, de cette directive, et que l’introduction de cette demande exige, en principe, du demandeur de protection internationale qu’il remplisse un formulaire prévu à cet effet, conformément à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de ladite directive, le fait de « présenter » une demande de protection internationale ne requiert l’accomplissement d’aucune formalité administrative, de telles formalités devant être accomplies lors de l’« introduction » de cette demande [arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C‑36/20 PPU, EU:C:2020:495, points 92 et 93].

49      Par conséquent, d’une part, l’acquisition de la qualité de demandeur de protection internationale ne saurait être subordonnée ni à l’introduction de ladite demande ni à l’enregistrement de celle-ci et, d’autre part, le fait, pour un ressortissant d’un pays tiers, de manifester sa volonté de demander la protection internationale devant une « autre autorité », au sens de l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/32, suffit à lui conférer la qualité de demandeur de protection internationale et, partant, à faire courir le délai de six jours ouvrables dans lequel l’État membre concerné doit enregistrer la même demande [arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C‑36/20 PPU, EU:C:2020:495, point 94].

50      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le parent demandant la protection internationale est entré sur le territoire allemand au mois de janvier 2016. Au cours du mois suivant, il a sollicité l’asile et, le 21 avril 2016, il a introduit une demande formelle d’asile, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de l’AsylG. L’Office fédéral des migrations et des réfugiés a rejeté la demande d’asile du requérant au principal au motif que le fils de ce dernier était devenu majeur le 20 avril 2016.

51      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, dans l’hypothèse où le demandeur d’asile a présenté informellement sa demande alors que son fils était encore mineur, au sens de l’article 2, sous k), de la directive 2011/95, un tel demandeur doit, en principe, être considéré comme étant à cette date un membre de la famille du bénéficiaire de la protection subsidiaire, aux fins de cette dernière disposition.

52      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions posées que l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un demandeur d’asile, qui est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil sur lequel se trouve son enfant mineur non marié, entend tirer du statut conféré par la protection subsidiaire obtenu par cet enfant un droit d’asile au titre de la législation de cet État membre accordant un tel droit aux personnes relevant de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, la date pertinente pour apprécier si le bénéficiaire de cette protection est un « mineur », au sens de cette disposition, afin de statuer sur la demande de protection internationale introduite par ce demandeur d’asile, est la date à laquelle ce dernier a déposé, le cas échéant de manière informelle, sa demande d’asile.

 Sur la troisième question

53      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 2, de celle-ci et l’article 7 de la Charte, doit être interprété en ce sens que la notion de « membre de la famille » n’exige pas une reprise effective de la vie familiale entre le parent du bénéficiaire de la protection internationale et son enfant. Cette juridiction demande également si un parent doit être considéré comme étant un « membre de la famille » lorsque l’entrée sur le territoire de l’État membre concerné ne visait pas à assumer effectivement la responsabilité parentale, au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, à l’égard de l’enfant concerné.

54      Afin de répondre à cette question, il importe de rappeler que, s’agissant du père d’un enfant bénéficiaire de la protection subsidiaire, l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 fait dépendre la notion de « membre de la famille » uniquement des trois conditions mentionnées à cette disposition, à savoir que la famille soit déjà fondée dans le pays d’origine, que les membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale soient présents dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale et que le bénéficiaire de la protection internationale soit un mineur non marié. En revanche, la reprise effective de la vie familiale sur le territoire de l’État membre d’accueil ne figure pas parmi ces conditions.

55      Par ailleurs, l’article 23 de cette directive ne fait pas référence non plus à une reprise effective de la vie familiale. L’article 23, paragraphe 1, de celle-ci dispose que les États membres veillent à ce que l’unité familiale soit maintenue et l’article 23, paragraphe 2, de ladite directive précise que les États membres sont tenus de veiller à ce que les membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale puissent, en principe, prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35 de la même directive.

56      De même, l’article 7 de la Charte se limite à prévoir le droit de toute personne au respect de sa vie familiale et, à l’instar de l’article 2, sous j), troisième tiret, et de l’article 23 de la directive 2011/95, n’impose aucune exigence spécifique en ce qui concerne tant les modalités d’exercice de ce droit que l’intensité des relations familiales concernées.

57      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la notion de « membre de la famille », au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, dépend de la reprise effective de la vie familiale entre le bénéficiaire de la protection internationale et le parent qui entend tirer du statut de protection subsidiaire obtenu par son enfant un droit à une protection subsidiaire.

58      En d’autres termes, la reprise effective de la vie familiale ne constitue pas une condition pour obtenir les avantages qui sont accordés aux membres de la famille du bénéficiaire de la protection subsidiaire. Ainsi, si les dispositions pertinentes de la directive 2011/95 et de la Charte protègent le droit à une vie familiale et promeuvent le maintien de celle-ci, elles laissent, en principe, aux détenteurs de ce droit le soin de décider des modalités selon lesquelles ils souhaitent mener leur vie familiale et n’imposent, en particulier, aucune exigence en ce qui concerne l’intensité de leur relation familiale.

59      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question posée que l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 2, de celle-ci et l’article 7 de la Charte, doit être interprété en ce sens que la notion de « membre de la famille » n’exige pas une reprise effective de la vie familiale entre le parent du bénéficiaire de la protection internationale et son enfant.

 Sur la quatrième question

60      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous j), de la directive 2011/95 doit être interprété en ce sens que la qualité d’un parent en tant que membre de la famille, au sens de cette disposition, prend fin lorsque l’enfant bénéficiaire de la protection subsidiaire atteint l’âge de la majorité et, par conséquent, lorsque la responsabilité parentale pour cet enfant s’achève. En cas de réponse négative à cette question, la juridiction de renvoi demande en outre si la qualité de ce parent en tant que membre de la famille et les droits qui y sont attachés sont maintenus indéfiniment, au-delà de la date à laquelle l’enfant concerné atteint l’âge de la majorité ou si ces droits cessent d’exister à un certain moment ou sous certaines conditions.

61      Afin de répondre à cette question, il importe de relever que, conformément à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 2, de celle-ci, le père ou la mère du bénéficiaire de la protection ou tout autre adulte qui en est responsable par le droit ou la pratique en vigueur dans l’État membre concerné ne doit pas être considéré comme membre de la famille, au sens de cet article 2, sous j), et bénéficier ainsi des avantages visés aux articles 24 à 35 de cette directive, relatifs, notamment, aux droits à un titre de séjour ainsi qu’à l’accès à un emploi et au logement, pendant une durée illimitée.

62      En outre, conformément à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2011/95, les États membres sont tenus de délivrer aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire et aux membres de leur famille, dès que possible après que la protection internationale leur a été octroyée, un titre de séjour valable pendant une période d’au moins un an et renouvelable pour une période d’au moins deux ans, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent.

63      Or, il y a lieu de considérer que, en vertu de ces dispositions, l’octroi de la protection internationale à un parent en tant que « membre de la famille » du bénéficiaire de la protection subsidiaire, au sens de l’article 2, sous j), de la directive 2011/95, constitue un droit dérivé du statut conféré par la protection subsidiaire à son enfant, en raison du maintien de l’unité familiale des intéressés. Dans ces conditions, la protection accordée à un tel parent ne saurait, en toutes circonstances, prendre fin immédiatement du seul fait que l’enfant bénéficiaire de la protection subsidiaire atteint l’âge de la majorité ou, en tout état de cause, ne saurait conduire à retirer automatiquement au parent concerné le titre de séjour encore valable pendant une période déterminée.

64      En effet, si les « membres de la famille » du bénéficiaire de la protection subsidiaire ont, à un moment donné, rempli les conditions de cette définition, le droit subjectif aux avantages prévus aux articles 24 à 35 de cette directive qui leur a été accordé doit persister également après l’âge de la majorité dudit bénéficiaire, pendant la durée de validité du titre de séjour qui leur est accordé conformément à l’article 24 de ladite directive.

65      À cet égard, ainsi que la Commission le fait observer, les États membres peuvent tenir compte, au moment de définir la durée du titre de séjour, du fait que le bénéficiaire de la protection internationale atteindra l’âge de la majorité après la survenance du droit subjectif des membres de sa famille. En effet, le libellé de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2011/95 n’exclut notamment pas de différencier la durée de validité du titre de séjour du bénéficiaire de cette protection et celle du titre de séjour des membres de sa famille. Toutefois, le titre de séjour de ces derniers doit être valable pendant au moins un an.

66      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question posée que l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 2, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que les droits que les membres de la famille d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire tirent du statut de protection subsidiaire obtenu par leur enfant, notamment les avantages visés aux articles 24 à 35 de celle-ci, persistent après que ce bénéficiaire atteint l’âge de la majorité, pour la durée de validité du titre de séjour qui leur est accordé conformément à l’article 24, paragraphe 2, de cette directive.

 Sur les dépens

67      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un demandeur d’asile, qui est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil sur lequel se trouve son enfant mineur non marié, entend tirer du statut conféré par la protection subsidiaire obtenu par cet enfant le droit d’asile au titre de la législation de cet État membre accordant un tel droit aux personnes relevant de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, la date pertinente pour apprécier si le bénéficiaire de cette protection est un « mineur », au sens de cette disposition, afin de statuer sur la demande de protection internationale introduite par ce demandeur d’asile, est la date à laquelle ce dernier a déposé, le cas échéant de manière informelle, sa demande d’asile.

2)      L’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 2, de celle-ci et l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que la notion de « membre de la famille » n’exige pas une reprise effective de la vie familiale entre le parent du bénéficiaire de la protection internationale et son enfant.

3)      L’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 2, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que les droits que les membres de la famille d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire tirent du statut de protection subsidiaire obtenu par leur enfant, notamment les avantages visés aux articles 24 à 35 de celle-ci, persistent après que ce bénéficiaire atteint l’âge de la majorité, pour la durée de validité du titre de séjour qui leur est accordé, conformément à l’article 24, paragraphe 2, de cette directive.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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