OCU v ECB (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-15/18 (06 October 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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Cite as: [2021] EUECJ T-15/18

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

6 octobre 2021 (*)

« Accès aux documents – Décision 2004/258/CE – Documents afférents à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la confidentialité des informations protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union – Notion d’informations confidentielles – Dérogations à l’obligation de secret professionnel – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑15/18,

Organización de Consumidores y Usuarios (OCU), établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes E. Martínez Martínez et C. López-Mélida de Ramón, avocats,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mme T. Filipova, MM. D. Báez Seara et F. von Lindeiner, en qualité d’agents, assistés de Me M. Kottmann, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier, J. Rius, Mmes C. Ehrbar et A. Steiblytė, en qualité d’agents,

et par

Banco Santander, SA, établie à Santander (Espagne), représentée par Mes J. Rodríguez Cárcamo et A. Rodríguez Conde, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision LS/MD/17/428 de la BCE, du 17 novembre 2017, refusant l’accès à certains documents afférents à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz, Z. Csehi, G. De Baere (rapporteur) et Mme G. Steinfatt, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 février 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Résolution de Banco Popular

1        Banco Popular Español, SA (ci-après « Banco Popular »), était un établissement de crédit établi en Espagne, soumis à la surveillance prudentielle directe de la Banque centrale européenne (BCE) en application du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

2        Le 6 juin 2017, la BCE a réalisé, après consultation du Conseil de résolution unique (CRU), une évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular (ci-après l’« évaluation FOLTF »), conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

3        Le même jour, le conseil d’administration de Banco Popular a informé la BCE qu’il était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.

4        Toujours le même jour, la BCE a communiqué la version finale de l’évaluation FOLTF au CRU et à la Commission européenne, conformément à l’article 18, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 806/2014.

5        Dans l’évaluation FOLTF, la BCE a indiqué que, au cours des derniers mois, Banco Popular avait subi une détérioration importante de sa situation de trésorerie, due principalement à un épuisement significatif de sa base de dépôts.

6        Compte tenu, en particulier, des sorties excessives de dépôts, de la rapidité à laquelle la trésorerie avait été perdue par Banco Popular et de l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, la BCE a considéré qu’il existait des éléments objectifs indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure dans un proche avenir de s’acquitter de ses dettes ou de ses autres engagements à l’échéance. La BCE en a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

7        Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular sur le fondement du règlement no 806/2014 (ci-après le « dispositif de résolution »). Le dispositif de résolution désigne le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne) comme destinataire.

8        Préalablement à l’adoption du dispositif de résolution, une valorisation de Banco Popular a été réalisée conformément à l’article 20 du règlement no 806/2014. Cette valorisation comprend un premier rapport de valorisation daté du 5 juin 2017 et rédigé par le CRU en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 et un deuxième rapport de valorisation daté du 6 juin 2017 et rédigé par un expert indépendant en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. Ces deux rapports de valorisation sont annexés au dispositif de résolution.

9        Estimant que les conditions prévues à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient réunies, le CRU a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution. Ainsi, le CRU a considéré, premièrement, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existait pas d’autres mesures qui pourraient empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire dans l’intérêt public.

10      L’application de l’instrument de cession des activités consistait à transférer des actions de Banco Popular, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, à Banco Santander, SA, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat de 1 euro.

11      Le 7 juin 2017, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p. 15), et l’a notifiée au CRU.

12      Le même jour, le FROB a adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif de résolution, conformément à l’article 29 du règlement no 806/2014.

13      Le CRU a publié sur son site Internet une communication résumant les effets du dispositif de résolution. En outre, le 11 juillet 2017, le dispositif de résolution a fait l’objet d’une communication succincte publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2017, C 222, p. 3). Cette communication mentionne que de plus amples informations sur le dispositif de résolution sont disponibles sur le site Internet du CRU et indique le lien permettant d’accéder à ces informations, en ce compris la version non confidentielle du dispositif de résolution. Le même jour, la décision 2017/1246 de la Commission a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

14      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 7 août 2017 et le 5 octobre 2017, la requérante a introduit deux recours en annulation contre le dispositif de résolution. Ces recours ont été enregistrés, respectivement, sous le numéro d’affaire T‑512/17 et sous le numéro d’affaire T‑701/17.

 Demandes d’accès à des documents introduites par la requérante

15      La requérante, Organización de Consumidores y Usuarios (OCU), est une association de droit privé à but non lucratif ayant comme objet social, notamment, la défense des droits des consommateurs et des usagers auprès de l’administration générale de l’État espagnol.

16      Par courrier adressé à la BCE le 27 juin 2017, la requérante a sollicité, sur le fondement de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de l’article 15 TFUE et du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), l’accès « au dossier complet de la procédure de résolution de Banco Popular […], en particulier au dispositif de résolution approuvé par le [CRU] le 7 juin 2017 (Décision SRB/EES/2017/08) […], ainsi qu’à la valorisation de [Banco Popular] par un expert indépendant […] et à toutes les notifications ou communications échangées entre les différents organismes intervenant dans la procédure de résolution précitée (le CRU, la BCE, la Commission européenne et, le cas échéant, le Conseil et le FROB) » (ci-après la « demande initiale »).

17      Par décision LS/PT/2014/79 du 1er septembre 2017, le directeur général du secrétariat de la BCE a répondu à la demande initiale qu’il avait identifié plusieurs catégories pertinentes de documents, à savoir, premièrement, le dispositif de résolution, deuxièmement, la valorisation de Banco Popular effectuée par un expert indépendant, troisièmement, l’évaluation FOLTF et, quatrièmement, toutes les notifications et communications entre les différents organes impliqués dans la procédure de résolution (à savoir le CRU, la BCE, la Commission et, le cas échéant, le Conseil et le FROB).

18      Tout d’abord, la BCE a indiqué, d’une part, que, s’agissant des deux premières catégories de documents identifiés et des communications échangées entre le CRU, le FROB et la Commission, celles-ci étaient détenues par le CRU dans le cadre de ses compétences et que ce dernier avait déjà examiné une demande d’accès à ces documents introduite par la requérante et y avait répondu. Par ailleurs, la BCE a indiqué le lien vers le site Internet du CRU permettant d’accéder à la version non confidentielle du dispositif de résolution.

19      D’autre part, s’agissant du texte intégral de l’évaluation FOLTF et de la communication de celle-ci par la BCE à la Commission et au CRU, la BCE a refusé d’y donner accès.

20      En ce qui concerne l’évaluation FOLTF, la BCE a indiqué, conformément à l’article 9, paragraphe 2, de sa décision 2004/258/CE, du 4 mars 2004, relative à l’accès du public aux documents de la BCE (JO 2004, L 80, p. 42), telle que modifiée, d’une part, par sa décision 2011/342/UE, du 9 mai 2011 (JO 2011, L 158, p. 37), et, d’autre part, par sa décision (UE) 2015/529, du 21 janvier 2015 (JO 2015, L 84, p. 64), qu’une version non confidentielle de cette évaluation avait été publiée sur son site Internet en indiquant le lien vers le site Internet contenant cette publication.

21      Pour le surplus, la BCE a refusé l’accès aux informations confidentielles de l’évaluation FOLTF ainsi qu’aux échanges relatifs à l’évaluation FOLTF entre elle-même, la Commission et le CRU, au motif que ceux-ci étaient couverts par une présomption générale de confidentialité fondée sur les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, relatif à la protection de la confidentialité des informations qui sont protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union européenne, et à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la même décision, relatif à la protection des intérêts commerciaux d’une personne morale.

22      Ensuite, la BCE a indiqué que la requérante n’avait pas apporté d’arguments qui pouvaient démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des informations concernées.

23      Enfin, la BCE a estimé qu’un accès partiel ne pouvait être accordé sans porter atteinte aux intérêts protégés par la décision 2004/258.

24      Le 14 septembre 2017, la requérante a présenté une demande confirmative d’accès conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la décision 2004/258 (ci-après la « demande confirmative »). Dans cette demande, la requérante, sur le fondement de l’article 42 de la Charte, de l’article 15, paragraphe 3, TFUE et des articles 6 et suivants du règlement no 1049/2001, a demandé à la BCE de reconsidérer sa position initiale et de lui donner accès aux versions intégrales du dispositif de résolution, des rapports de valorisation provisoire et définitif établis par l’expert indépendant, de l’évaluation FOLTF ainsi que des notifications et des communications échangées entre les différents organes impliqués dans la procédure de résolution [le CRU, la Commission, le Conseil, le FROB et Banco d’España (Banque d’Espagne)].

25      À l’appui de cette demande, la requérante a fait valoir que la décision initiale enfreignait le principe de bonne administration, tel que consacré à l’article 41 de la Charte, étant donné que le refus d’accès complet aux documents demandés l’avait privée de la possibilité de se défendre contre le dispositif de résolution.

26      Par la décision LS/MD/17/428 du 17 novembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la BCE a confirmé son refus de donner accès aux documents demandés.

27      En premier lieu, la BCE a réitéré que le dispositif de résolution, le rapport de valorisation et les communications entre le CRU, le FROB et la Commission étaient détenus par le CRU. Dans la mesure où la requérante avait introduit une demande d’accès concernant ces documents auprès du CRU et avait reçu une réponse à cette demande, la BCE a décidé de limiter son appréciation de la demande confirmative d’accès à la version intégrale de l’évaluation FOLTF, à la correspondance du 6 juin 2017 entre la BCE et le CRU échangée au titre de l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 et à la communication au CRU et à la Commission de l’évaluation FOLTF en vertu de l’article 18, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 806/2014.

28      En second lieu, la BCE a confirmé que l’accès aux documents demandés ne pouvait être octroyé à la requérante dans la mesure où les informations contenues dans ces documents étaient couvertes par une présomption générale de confidentialité fondée sur les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, relatif à la protection de la confidentialité des informations qui sont protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union, et à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la même décision, relatif à la protection des intérêts commerciaux d’une personne morale.

29      D’une part, en ce qui concerne l’atteinte potentielle à la protection de la confidentialité des informations protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union, la BCE a relevé que les documents demandés faisaient partie de dossiers administratifs relatifs à la surveillance prudentielle continue et à la procédure relative à l’évaluation FOLTF. Ces dossiers administratifs seraient l’expression de l’exercice par la BCE, en sa qualité d’autorité de surveillance compétente, des pouvoirs lui ayant été confiés par le règlement no 1024/2013. Les documents demandés seraient ainsi couverts par une obligation de secret professionnel.

30      Selon la BCE, cette obligation de secret professionnel, prévue par l’article 27 du règlement no 1024/2013, par les articles 53 et suivants de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), et par l’article 84 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36 et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), lui interdisait de divulguer les informations reçues des entités supervisées, les analyses prudentielles effectuées sur la base de telles informations ainsi que toute mesure adoptée à l’égard d’une entité. La divulgation d’informations confidentielles relatives à la surveillance prudentielle d’un établissement de crédit déterminé ne serait autorisée que dans des cas expressément prévus par la directive 2013/36 et la directive 2014/59. Toutefois, la BCE a estimé que les dérogations prévues par ces deux directives n’étaient pas applicables en l’espèce. En outre, des informations confidentielles concernant des établissements de crédit n’auraient, en toute hypothèse, pas pu être divulguées, ou alors uniquement sous une forme sommaire ou agrégée de sorte qu’un établissement de crédit individuel ne pourrait être identifié.

31      S’estimant liée par l’obligation de secret professionnel consacrée par les dispositions susmentionnées, la BCE a considéré que la divulgation des informations prudentielles confidentielles causerait préjudice non seulement à l’établissement de crédit directement concerné, mais aussi au système bancaire en général, puisque les banques ne pourraient plus être certaines que les informations qu’elles fournissent à la BCE aux fins d’une surveillance prudentielle restent confidentielles.

32      Par ailleurs, la BCE a relevé que la résolution de Banco Popular n’avait pas modifié le statut de cette dernière en tant qu’établissement sous surveillance et qu’elle continuait donc à être surveillée par la BCE. Partant, le régime de confidentialité continuait de s’appliquer à son égard.

33      D’autre part, en ce qui concerne l’atteinte potentielle à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, la BCE a indiqué que les documents demandés contenaient des informations commercialement sensibles sur la position de Banco Popular sur le marché ainsi que sur ses actifs et ses passifs. La divulgation de ces informations pourrait dès lors causer préjudice à Banco Popular et à sa société mère, Banco Santander.

34      La BCE a estimé, en particulier, que des données comme l’évaluation de l’incidence de la liquidité de Banco Popular sur le financement et la structure opérationnelle de sa filiale Banco Popular Portugal étaient sensibles d’un point de vue commercial et pouvaient donner lieu à une spéculation non fondée sur la situation financière et de liquidité du groupe.

35      De plus, la BCE a indiqué que, selon elle, il n’existait pas d’intérêt public supérieur permettant de renverser l’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258. Elle a estimé que l’intérêt invoqué en l’espèce par la requérante, à savoir ses droits de la défense et son droit de contester le dispositif de résolution, constituait un intérêt privé qui ne pouvait primer l’intérêt public protégé par ladite disposition.

36      Enfin, s’agissant du droit d’accès au dossier tel que consacré à l’article 41 de la Charte, la BCE a indiqué que ce droit, qui est prévu par l’article 22 du règlement no 1024/2013, s’applique à ceux qui font l’objet d’une procédure administrative de surveillance prudentielle. L’évaluation FOLTF serait une évaluation de surveillance adressée au CRU, et non à une personne physique ou morale.

 Faits postérieurs à l’introduction du recours

37      À la suite de divers recours formés par plusieurs anciens actionnaires et créanciers de Banco Popular, ainsi que par la requérante, devant le comité d’appel du CRU, le CRU a publié sur son site Internet certains documents relatifs à la résolution de Banco Popular.

38      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 août 2018, la requérante a introduit un recours en annulation contre la décision du comité d’appel du CRU du 19 juin 2018 rendue dans l’affaire 54/2017. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro d’affaire T‑496/18.

39      Le 14 juin 2018, l’expert indépendant chargé du deuxième rapport de valorisation (voir point 8 ci-dessus) a transmis au CRU le rapport sur la valorisation réalisé afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014 (ci-après la « valorisation 3 »).

40      Le 6 août 2018, le CRU a publié sur son site Internet son avis du 2 août 2018 relatif à sa décision préliminaire SRB/EES/2018/132 sur la nécessité d’accorder ou non un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution concernant Banco Popular et le lancement de la procédure relative au droit d’être entendu ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 3. Le 7 août 2018, une communication concernant l’avis du CRU du 2 août 2018 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2018, C 277 I, p. 1).

41      Le 17 mars 2020, le CRU a adopté la décision SRB/EES/2020/52, déterminant si un dédommagement devait être accordé aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular. Dans cette décision, publiée sur son site Internet, le CRU a considéré que les actionnaires et les créanciers qui avaient été affectés par la résolution de Banco Popular n’avaient pas droit à un dédommagement du Fonds de résolution unique (FRU) en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014. Un communiqué concernant cette décision a été publié le 20 mars 2020 au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 91, p. 2).

 Procédure et conclusions des parties

42      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2018, la requérante a introduit le présent recours.

43      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 12 mars, le 13 mars et le 25 avril 2018, Banco Santander, Banco Popular et la Commission ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la BCE.

44      Par décision du 12 juillet 2018, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Commission. Celle-ci a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

45      Par ordonnances du 27 juillet 2018, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis les interventions de Banco Santander et de Banco Popular. Celles-ci ont déposé leurs mémoires et les parties principales ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

46      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2018, Banco Santander a informé le Tribunal que, avec effet au 28 septembre 2018, elle avait succédé à titre universel à Banco Popular et que l’intervention de cette dernière était retirée.

47      La requérante et la Commission ont déposé leurs observations sur le retrait de l’intervention de Banco Popular dans le délai imparti. La BCE n’a pas déposé d’observations.

48      Par ordonnance du 5 février 2019, le président de la huitième chambre du Tribunal a radié du registre l’intervention de Banco Popular et a décidé que chaque partie supporterait ses propres dépens relatifs à l’intervention de Banco Popular.

49      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue par l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante, la BCE et la Commission ont été invitées à répondre par écrit à des questions posées par le Tribunal.

50      Sur proposition de la huitième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

51      Par ordonnance de mesures d’instruction du 17 mai 2019, le Tribunal a ordonné à la BCE, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous c), ainsi que de l’article 104 du règlement de procédure, de produire la copie intégrale de l’évaluation FOLTF, la correspondance du 6 juin 2017 entre la BCE et le CRU échangée au titre de l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 et la communication au CRU et à la Commission de l’évaluation FOLTF en vertu de l’article 18, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 806/2014.

52      Par décision du président de la huitième chambre élargie du 5 août 2019, les parties entendues, la procédure a été suspendue conformément à l’article 69, sous b), du règlement de procédure jusqu’à l’adoption d’une décision définitive dans l’affaire ayant donné lieu, depuis lors, à l’arrêt du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal) (C‑442/18 P, EU:C:2019:1117).

53      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre. Par conséquent, la présente affaire a été attribuée à la troisième chambre élargie.

54      Le 19 décembre 2019, la Cour a rendu l’arrêt BCE/Espirito Santo Financial (Portugal) (C-442/18 P, EU:C:2019:1117). Par conséquent, la procédure dans la présente affaire a repris.

55      Les parties principales n’ont pas déposé une demande d’audience de plaidoiries. Toutefois, le Tribunal (troisième chambre élargie), sur proposition du juge rapporteur, a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

56      Par lettre du 28 janvier 2021, Banco Santander a indiqué que, en raison de la crise sanitaire liée à la COVID 19, il lui était impossible de se déplacer à Luxembourg pour l’audience de plaidoiries et a demandé à pouvoir plaider par vidéoconférence. Par décision du 2 février 2021, le président de la troisième chambre élargie a décidé d’accueillir la demande de Banco Santander.

57      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 février 2021.

58      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la BCE à lui remettre les versions intégrales non confidentielles du dispositif de résolution, des rapports de valorisation définitif et provisoire élaborés par l’expert indépendant, de l’évaluation FOLTF ainsi que de toutes les notifications et communications échangées entre les divers institutions et organes étant intervenus au début de la procédure de résolution, au stade du développement et lors de l’exécution de celle-ci ;

–        condamner la BCE aux dépens.

59      En réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante a déclaré renoncer à son deuxième chef de conclusions.

60      La BCE, soutenue par la Commission et Banco Santander, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

61      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen à titre principal et deux moyens à titre subsidiaire. Le moyen soulevé à titre principal est tiré de la violation de l’article 41 de la Charte en ce que le refus d’accès aux documents demandés porterait atteinte au droit à une bonne administration et aux droits de la défense de la requérante. À titre subsidiaire, la requérante soulève, d’une part, un moyen tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 et, d’autre part, un moyen tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258.

62      Avant d’examiner les moyens soulevés par la requérante, il conviendra, d’une part, de constater quels sont les documents faisant l’objet du présent recours et, d’autre part, de vérifier si l’objet du litige et l’intérêt à agir de la requérante persistent.

 Sur les documents faisant l’objet du recours

63      Ainsi qu’il a été exposé au point 24 ci-dessus, la demande confirmative visait les documents suivants : les versions intégrales du dispositif de résolution, des rapports de valorisation provisoire et définitif établis par l’expert indépendant, de l’évaluation FOLTF ainsi que des notifications et des communications échangées entre les différents organes impliqués dans la procédure de résolution (le CRU, la Commission, le Conseil, le FROB et la Banque d’Espagne).

64      Or, aux paragraphes 2 et 3 de la décision attaquée, la BCE a informé la requérante que certains des documents visés par la demande confirmative, à savoir le dispositif de résolution, le rapport de valorisation et les échanges entre le CRU, le FROB et la Commission, étaient détenus par le CRU dans le cadre de ses missions. Dans la mesure où la requérante aurait également adressé une demande d’accès auxdits documents au CRU et où ce dernier aurait répondu à cette demande, la BCE a limité son examen de la demande confirmative aux seuls documents suivants : la version intégrale de l’évaluation FOLTF et la correspondance du 6 juin 2017 entre la BCE, le CRU et la Commission dans le cadre de l’article 18, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, du règlement no 806/2014.

65      Dans ses écrits déposés devant le Tribunal dans le cadre du présent litige, la requérante ne formule aucun argument juridique mettant en cause la légalité du raisonnement de la BCE sous-tendant la limitation de son appréciation de la demande confirmative aux documents identifiés au point 64 ci-dessus.

66      Certes, à la page 11 de la requête, la requérante mentionne, en se référant aux paragraphes 2 et 3 de la décision attaquée, que « [c]e prétexte de la BCE est de nouveau dénué de fondement et constitue une tentative manquée de fuir toute responsabilité pour manquement à son obligation de garantir comme il se faut l’accès aux documents demandés susmentionnés, qu’il s’agisse des documents élaborés par la défenderesse ou de tous les autres documents qui se trouvent nécessairement en sa possession ».

67      Cependant, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir le principe de sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du 27 novembre 2020, PL/Commission, T‑728/19, non publiée, EU:T:2020:575, point 64 et jurisprudence citée).

68      Dans le cas où la partie requérante ne fait valoir aucun moyen au soutien de l’un de ses chefs de conclusions, la condition prévue à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, selon laquelle les moyens invoqués doivent faire l’objet d’un exposé sommaire, n’est pas remplie et ledit chef de conclusions doit être rejeté comme étant irrecevable (voir ordonnance du 13 mars 2020, Jalkh/Parlement, T‑183/19, non publiée, EU:T:2020:111, point 16 et jurisprudence citée).

69      Le passage cité au point 66 ci-dessus ne satisfait manifestement pas aux exigences de la jurisprudence mentionnée aux points 67 et 68 ci-dessus en ce qu’il n’expose pas de façon suffisamment claire les éléments de fait et de droit sur lesquels repose le reproche adressé à la BCE. Il est d’ailleurs révélateur, à cet égard, que ledit passage ne se trouve pas dans la partie intitulée « Moyens » de la requête, mais dans la partie intitulée « Principaux faits de la décision attaquée ».

70      Force est donc de constater que le premier chef de conclusions, en ce qu’il vise à l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité, n’est pas soutenu par des moyens ou des arguments juridiques visant à contester la limitation par la BCE de son examen de la demande confirmative à la version intégrale de l’évaluation FOLTF et à la correspondance du 6 juin 2017 entre la BCE, le CRU et la Commission dans le cadre de l’article 18, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, du règlement no 806/2014. Interrogée à cet égard lors de l’audience, la requérante n’a pas été en mesure d’apporter des éléments permettant d’infirmer ce constat.

71      Compte tenu de ces éléments, il convient de conclure que le recours vise, en réalité, à une annulation partielle de la décision attaquée en ce que celle-ci refuse l’accès, d’une part, à la version intégrale de l’évaluation FOLTF et, d’autre part, à la correspondance du 6 juin 2017 entre la BCE et le CRU échangée au titre de l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 et à la communication au CRU et à la Commission de l’évaluation FOLTF en vertu de l’article 18, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 806/2014.

 Sur le maintien de l’objet du litige et de l’intérêt à agir de la requérante

72      Dans son mémoire en intervention, Banco Santander attire l’attention du Tribunal sur le fait que, depuis l’introduction du présent recours, certains documents ont été publiés en grande partie ou le seront bientôt sur le site Internet du CRU à la suite des décisions du comité d’appel de celui-ci (voir, à cet égard, points 37 et suivants ci-dessus). Banco Santander estime que cette circonstance pourrait priver le recours de son objet.

73      La BCE et la requérante contestent les allégations de Banco Santander.

74      Comme le remarque à juste titre Banco Santander, il a été jugé qu’une partie intervenante n’a pas qualité pour soulever de façon autonome une fin de non-recevoir et que le Tribunal n’est donc pas tenu d’examiner les moyens invoqués exclusivement par celle-ci et qui ne seraient pas d’ordre public (arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 22, et du 13 décembre 2018, Post Bank Iran/Conseil, T‑559/15, EU:T:2018:948, point 63).

75      Toutefois, conformément à l’article 131 du règlement de procédure, si le Tribunal constate que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer, il peut, à tout moment, d’office, sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

76      Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence établie, l’intérêt à agir d’une partie requérante doit, compte tenu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 32 et jurisprudence citée).

77      S’agissant, d’une part, de l’objet du litige, la Cour a rappelé, au point 33 de son arrêt du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement (C‑761/18 P, EU:C:2021:52), que, dans le domaine de l’accès du public aux documents des institutions de l’Union, le litige conserve son objet tant que la décision par laquelle l’institution concernée a refusé l’accès au document demandé n’a pas formellement été retirée par cette institution, même si le document demandé a été divulgué par un tiers.

78      Étant donné que la BCE n’a pas formellement retiré la décision attaquée, le présent recours a conservé son objet.

79      S’agissant, d’autre part, de l’intérêt à agir de la requérante, il convient de relever que les documents relatifs à la procédure de résolution de Banco Popular qui ont fait l’objet d’une publication partielle ou intégrale sur le site Internet du CRU sont les suivants :

–        premièrement, le dispositif de résolution ;

–        deuxièmement, le premier rapport de valorisation, du 5 juin 2017, rédigé par le CRU en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 ;

–        troisièmement, le deuxième rapport de valorisation, du 6 juin 2017, rédigé par l’expert indépendant en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 ;

–        quatrièmement, le plan de résolution de 2016 ;

–        cinquièmement, la lettre de vente du 6 juin 2017 ;

–        sixièmement la décision du CRU, du 3 juin 2017, d’ouvrir la procédure de vente de Banco Popular ;

–        septièmement, la lettre de couverture de la décision du CRU du 3 juin 2017 d’ouvrir la procédure de vente de Banco Popular ;

–        huitièmement, la valorisation 3 ;

–        neuvièmement, l’avis du CRU du 2 août 2018 relatif à sa décision préliminaire quant à la nécessité d’accorder ou non un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution concernant Banco Popular et au lancement de la procédure relative au droit d’être entendu ;

–        dixièmement, le rapport sur les données relatives au passif de 2017 ;

–        onzièmement, le rapport sur les fonctions critiques de 2017 ;

–        douzièmement, certains documents reçus de Banco Popular dans le cadre de la procédure de vente privée.

80      Force est de constater que les documents mentionnés au point 79 ci-dessus n’incluent pas les documents faisant l’objet du présent litige tels que définis au point 71 ci-dessus, ce qui a été confirmé par la requérante lors de l’audience.

81      En tout état de cause, la Cour a relevé que, dans une situation où la partie requérante a obtenu uniquement accès au document demandé divulgué par un tiers et où l’institution concernée continue à lui refuser l’accès au document demandé, il ne peut être considéré que la partie requérante a obtenu l’accès à ce dernier document, ni que, partant, elle a perdu son intérêt à demander l’annulation de la décision en cause du seul fait de cette divulgation. Au contraire, dans une telle situation, la partie requérante conserve un intérêt réel à obtenir l’accès à une version authentifiée du document demandé, garantissant que cette institution en est l’auteur et que ce document exprime la position officielle de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 48).

82      Dans la mesure où la BCE a confirmé à l’audience qu’elle n’avait pas divulgué les documents demandés depuis l’introduction du présent recours et qu’elle continuait à refuser d’y donner accès, il y a lieu de conclure que la requérante a conservé son intérêt à agir dans le cadre du présent recours.

 Sur le premier moyen, soulevé à titre principal, tiré de la violation de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte

83      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée enfreint l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte en ce que le refus d’accès que cette décision comporte l’a empêchée de connaître le raisonnement sous-tendant le dispositif de résolution et de contester celui-ci devant le Tribunal. La requérante considère ainsi qu’elle s’est vue contrainte d’introduire un recours en annulation contre le dispositif de résolution auprès du Tribunal « à l’aveugle ». La seule finalité des demandes initiale et confirmative d’accès de la requérante aurait ainsi consisté en la préparation d’un tel recours en annulation.

84      En premier lieu, la requérante estime que les institutions de l’Union qui détiennent des documents auxquels un accès est sollicité doivent tenir compte de l’identité de l’auteur de la demande d’accès. Ainsi, le droit d’accès aurait une intensité différente en fonction des circonstances relatives à la personne du demandeur d’accès.

85      D’une part, les personnes directement lésées par les décisions des institutions et des organes de l’Union devraient pouvoir bénéficier d’un accès accru aux documents demandés sur la base du régime d’accès au dossier, tel que consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, afin de pouvoir exercer leurs droits de la défense à l’encontre desdites décisions devant les juridictions de l’Union.

86      D’autre part, les citoyens de l’Union devraient bénéficier du droit d’accès général prévu à l’article 42 de la Charte, qui peut être limité par des obligations de confidentialité et de secret professionnel s’imposant aux institutions de l’Union.

87      La requérante, qui estime représenter les intérêts de personnes directement lésées par le dispositif de résolution, soutient que la BCE aurait dû lui donner un accès complet aux documents demandés afin de lui permettre d’exercer ses droits de la défense devant le Tribunal.

88      Si la requérante admet avoir fondé ses demandes d’accès sur le régime d’accès aux documents, notamment sur la décision 2004/258, elle estime avoir été contrainte d’agir de cette façon « compte tenu de l’absence d’un mécanisme réglementé de demande d’accès aux documents en vertu de l’article 41 de la Charte similaire à celui constitué […] par l’article 42 de la Charte ». Dans la mesure où la requérante n’avait pas caché, dans ses demandes d’accès, qui elle représentait, ni la qualité de personne lésée de son mandant, et où elle n’a pas tenté de dissimuler son objectif de défendre en justice les milliers de personnes ayant perdu les économies qu’elles avaient placées auprès de Banco Popular, elle considère que sa demande confirmative, qui mentionnait d’ailleurs l’article 41 de la Charte, aurait dû être traitée comme une demande d’accès au dossier et la BCE aurait dû lui accorder un accès complet aux documents demandés.

89      En second lieu, les fondements juridiques invoqués par la BCE dans ses décisions initiale et confirmative relèveraient en réalité de la réglementation relative à l’accès de tout citoyen de l’Union aux documents. Les institutions de l’Union ne sauraient invoquer les obligations de confidentialité et de secret professionnel prévues par ce régime d’accès aux documents comme des « jokers tout puissants » à l’égard de n’importe quel demandeur d’accès, notamment à l’égard de personnes directement lésées par un acte de l’Union, telles que la requérante.

90      La BCE conteste les arguments de la requérante.

91      Il convient de constater que les parties ne s’accordent pas sur la question de savoir de quelle manière il convient d’interpréter la demande confirmative.

92      Selon la BCE, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne suppose la présentation d’une demande spécifique en ce sens. La demande confirmative ne constituerait, à l’évidence, pas une demande d’accès au dossier et il ne saurait donc lui être reproché d’avoir violé l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte.

93      Or, indépendamment de la réponse à la question de savoir comment il convient d’interpréter la demande confirmative, il y a lieu de faire les observations suivantes.

94      En premier lieu, il convient de rappeler, ainsi que la requérante le reconnaît elle-même, qu’une demande d’accès au dossier trouve son fondement dans l’exercice des droits de la défense (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 98 et 99 ; du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑348/14, EU:T:2016:508, point 68, et du 2 décembre 2020, Kalai/Conseil, T‑178/19, non publié, EU:T:2020:580, point 73). Une telle demande n’a pas d’objet en l’absence d’une procédure administrative affectant les intérêts juridiques du demandeur d’accès et, par conséquent, en l’absence de l’existence d’un dossier qui le concerne.

95      Or, d’une part, dans la décision attaquée, la BCE a indiqué que, dans le contexte de la surveillance prudentielle des établissements de crédit, l’article 22 du règlement no 1024/2013 prévoyait que, avant de prendre une décision en matière de surveillance, la BCE donnait accès à son dossier aux personnes faisant l’objet de la procédure administrative de surveillance. Par ailleurs, dans le mémoire en défense, la BCE a précisé que l’article 32 de son règlement (UE) no 468/2014, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1), lu conjointement avec l’article 126, paragraphe 4, du même règlement, prévoyait qu’une entité soumise à la surveillance prudentielle et faisant l’objet d’une enquête bénéficiait d’un droit d’accès au dossier de l’unité d’enquête.

96      D’autre part, la BCE a également relevé, dans la décision attaquée, que l’évaluation FOLTF constituait une évaluation prudentielle adressée au CRU, et non à des personnes physiques ou morales, aux fins de permettre au CRU d’effectuer sa propre évaluation quant à savoir s’il convenait de soumettre un établissement de crédit à une procédure de résolution.

97      À cet égard, il convient de constater que l’évaluation FOLTF est un rapport que la BCE rédige lorsque, dans le cadre de la surveillance prudentielle continue d’un établissement de crédit donné, elle constate que les conditions prévues à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 sont remplies. Une version provisoire de l’évaluation FOLTF est par la suite adressée au CRU, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du même règlement, dans le cadre de la coopération étroite entre autorités de surveillance et autorités de résolution. Les éventuels commentaires du CRU sont ensuite intégrés par la BCE dans la version définitive de l’évaluation FOLTF, qui, conformément à l’article 18, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 806/2014, doit être communiquée à la Commission et au CRU. Cette version définitive de l’évaluation FOLTF permettra alors au CRU d’évaluer si un dispositif de résolution doit ou non être adopté à l’égard de l’établissement de crédit concerné.

98      Ainsi, l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 autorise le CRU à adopter un dispositif de résolution à l’égard d’un établissement de crédit lorsque trois conditions cumulatives sont remplies, à savoir, premièrement, l’établissement de crédit concerné doit se trouver en défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, il ne peut exister aucune perspective raisonnable que des mesures de nature privée ou des mesures prudentielles puissent empêcher la défaillance de l’établissement de crédit concerné dans un délai raisonnable et, troisièmement, une mesure de résolution doit s’avérer nécessaire dans l’intérêt public. L’intervention de la BCE, sous la forme de l’établissement de l’évaluation FOLTF, est requise dans le cadre de l’appréciation de la première condition.

99      Une évaluation FOLTF revêt donc le caractère d’un acte préparatoire visant à permettre au CRU de prendre une décision quant à la résolution d’un établissement de crédit (voir, en ce sens, ordonnance du 6 mai 2019, ABLV Bank/BCE, T‑281/18, EU:T:2019:296, point 36).

100    Il s’ensuit que l’évaluation FOLTF n’a pas produit, en tant que telle, d’effet de droit obligatoire de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, seule l’adoption, puis l’entrée en vigueur du dispositif de résolution ainsi que la mise en œuvre d’instruments de résolution, au sens de l’article 22, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, étant susceptibles de modifier cette situation.

101    Or, quand bien même il serait considéré qu’une évaluation FOLTF constitue le résultat d’une « procédure », au sens de l’article 22 du règlement no 1024/2013 et de l’article 32 du règlement no 468/2014, force est de constater que ni la requérante ni ses membres ne peuvent être considérés comme étant titulaires du droit d’accès au dossier dans le cadre d’une telle procédure. En effet, ainsi que la BCE l’a relevé à bon droit (voir point 95 ci-dessus), ce sont uniquement la personne faisant l’objet de la procédure de surveillance et l’entité soumise à la surveillance prudentielle, à savoir, en l’occurrence, Banco Popular, qui bénéficient d’un droit d’accès au dossier dans ce contexte.

102    Compte tenu de ces éléments, et comme le soutient à juste titre la BCE, la requérante ne pouvait se prévaloir des droits de la défense tels qu’ils sont prévus par l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, si bien qu’une demande d’accès au dossier, à supposer que la demande confirmative ait contenu effectivement une telle demande, n’avait, en tout état de cause, pas d’objet.

103    En second lieu, s’il convenait de comprendre le moyen de la requérante en ce sens que le droit d’accès du public aux documents de la BCE, tel qu’il est consacré par la décision 2004/258, a une intensité différente en fonction des circonstances relatives à la personne du demandeur d’accès, cet argument ne saurait prospérer.

104    À cet égard, il importe de rappeler que la décision 2004/258 a pour objet d’ouvrir un droit d’accès du public en général aux documents de la BCE, et non d’édicter des règles destinées à protéger l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à l’un de ceux-ci (voir, par analogie, arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 43, et du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 80).

105    Selon l’article 6, paragraphe 1, de la décision 2004/258, le demandeur d’accès n’est pas tenu de justifier sa demande et n’a donc pas à démontrer un quelconque intérêt pour avoir accès aux documents demandés. Il s’ensuit qu’une demande d’accès qui tombe dans le champ d’application de la décision 2004/258 et qui est présentée par une personne qui se prévaut de certaines circonstances particulières qui la distingueraient de tout autre citoyen de l’Union doit néanmoins être examinée de la même façon que le serait une demande émanant de toute autre personne (voir, par analogie, arrêt du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190, point 82).

106    Partant, à supposer même que les documents demandés s’avèrent nécessaires à la défense de la requérante dans le cadre de ses recours en annulation du dispositif de résolution, question qui relève de l’examen de ces affaires, cette circonstance n’est pas pertinente pour apprécier la validité de la décision attaquée (voir, par analogie, arrêts du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, EU:T:2005:143, point 55, et du 26 mai 2016, International Management Group/Commission, T‑110/15, EU:T:2016:322, point 57).

107    Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

108    Il convient dès lors d’examiner les deuxième et troisième moyens, soulevés à titre subsidiaire.

 Sur le deuxième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258

109    Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante formule, en substance, quatre griefs. Premièrement, la requérante fait valoir que la BCE n’a pas pu valablement invoquer une présomption générale de confidentialité sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258. Deuxièmement, la requérante conteste que la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 juin 2018, Baumeister (C‑15/16, ci-après l’« arrêt Baumeister », EU:C:2018:464), puisse être transposée au cas d’espèce. Troisièmement, la requérante fait valoir, en substance, que certaines des informations contenues dans les documents demandés relèvent du domaine public et que la décision attaquée contient un raisonnement purement hypothétique s’agissant du préjudice que l’accès aux documents demandés causerait aux intérêts protégés. Quatrièmement, la requérante affirme que l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 ne s’applique pas aux documents demandés, puisque cette disposition renvoie à d’autres dispositions qui prévoient expressément des dérogations au devoir de secret professionnel, qui sont applicables en l’espèce.

 Sur le premier grief, tiré de ce qu’une présomption de confidentialité ne peut être appliquée en l’espèce

110    La requérante allègue que la BCE n’aurait pas valablement pu invoquer une présomption générale de confidentialité, car cette dernière viserait tout citoyen de l’Union. Une présomption ne saurait s’appliquer lorsque ce sont les personnes directement lésées par l’acte de l’Union qui demandent à avoir accès aux documents. De surcroît, les exceptions au droit d’accès devraient être interprétées et appliquées de façon stricte au regard des considérants 1 et 4 du règlement no 1049/2001.

111    À cet égard, il convient de constater que la BCE a précisé lors de l’audience, ainsi que cela a été acté au procès-verbal de l’audience, que, même si, à la deuxième page de la décision attaquée, elle a mentionné qu’elle se fondait sur une présomption générale de confidentialité pour refuser l’accès aux documents demandés, il n’en demeure pas moins qu’elle n’a pas appliqué une telle présomption et qu’elle a plutôt procédé à un examen de la question de savoir de quelle manière l’accès aux documents demandés pourrait porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts protégés par les exceptions prévues par l’article 4, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258.

112    La requérante n’a pas contesté cette précision lors de l’audience. Partant, le premier grief est inopérant.

 Sur le deuxième grief, tiré de ce que la jurisprudence issue de l’arrêt Baumeister ne s’applique pas à la présente affaire

113    Par son deuxième grief, la requérante soutient que l’arrêt Baumeister ne saurait être appliqué par analogie au présent litige, dans la mesure où, d’une part, le litige à l’origine de cet arrêt était radicalement différent de celui qui a donné lieu à la présente affaire et où, d’autre part, cet arrêt interprète une règle de droit différente de celle en cause en l’espèce.

114    À cet égard, il convient de constater que, dans la décision attaquée, la BCE a, tout d’abord, relevé que l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 prévoyait qu’elle devait refuser l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de la confidentialité des informations qui étaient protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union.

115    La BCE a, ensuite, indiqué que le régime de secret professionnel applicable en vertu du droit de l’Union était constitué par l’article 27 du règlement no 1024/2013, lu conjointement avec les articles 53 et suivants de la directive 2013/36 et l’article 84 de la directive 2014/59.

116    La BCE a, enfin, précisé que lesdites dispositions imposaient, en principe, une interdiction de divulguer des informations confidentielles obtenues dans le cadre de l’exercice de ses attributions, à moins que ce ne soit sous une forme résumée ou agrégée, de façon à ce que les établissements de crédit concernés ne puissent pas être identifiés.

117    Dans l’arrêt Baumeister, rendu après l’adoption de la décision attaquée, la Cour a eu l’occasion d’interpréter la notion d’informations confidentielles prévue à l’article 54 de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1).

118    Au point 46 de l’arrêt Baumeister, la Cour a jugé que toutes les informations relatives à une entreprise surveillée et communiquées par celle-ci à l’autorité compétente, ainsi que toutes les déclarations de cette autorité de surveillance figurant dans son dossier de surveillance, y compris sa correspondance avec d’autres services, ne constituaient pas, de manière inconditionnelle, des informations confidentielles, couvertes par le secret professionnel prévu à l’article 54 de la directive 2004/39. En revanche, relèvent, selon la Cour, de cette qualification les informations détenues par les autorités compétentes, d’une part, qui n’ont pas de caractère public et, d’autre part, dont la divulgation risquerait de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qui les a fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de contrôle de l’activité des entreprises d’investissement.

119    Selon la BCE, soutenue à cet égard par la Commission et par Banco Santander, il convient d’interpréter la notion d’informations confidentielles, utilisée tant à l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 qu’à l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59, conformément à la définition que la Cour a établie au point 46 de l’arrêt Baumeister.

120    En premier lieu, la requérante allègue que le litige principalement en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Baumeister était radicalement différent de celui qui est à l’origine de la présente affaire, dans la mesure où la personne qui avait demandé accès à des informations confidentielles dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt était un tiers qui, à la différence des membres de la requérante, n’avait pas été affecté par une décision telle que le dispositif de résolution.

121    Or, cette argumentation n’est pas pertinente. À cet égard, force est de constater que, même à supposer que la situation de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Baumeister soit différente de celle des membres de la requérante, la Cour ne s’est pas référée à la situation spécifique de cette partie dans son exercice d’interprétation de la notion d’informations confidentielles.

122    D’une part, la Cour s’est essentiellement limitée à constater le besoin de donner une interprétation autonome et uniforme de cette notion dans toute l’Union (arrêt Baumeister, points 22 à 24). D’autre part, dans le prolongement de cette constatation, elle a examiné le libellé de l’article 54 de la directive 2004/39, le contexte dans lequel cette disposition s’inscrivait et l’objectif poursuivi par celle-ci (arrêt Baumeister, points 25 à 33).

123    En outre, selon une jurisprudence constante, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union [voir arrêt du 11 mars 2020, X (Recouvrement de droits additionnels à l’importation), C‑160/18, EU:C:2020:190, point 34 et jurisprudence citée, et ordonnance du 24 octobre 2019, Liaño Reig/CRU, T‑557/17, non publiée, EU:T:2019:771, point 59 et jurisprudence citée].

124    Or, premièrement, il y a lieu de constater que la disposition faisant l’objet de l’arrêt Baumeister, à savoir l’article 54 de la directive 2004/39, est libellée de façon très semblable à l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 et à l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59. En effet, à l’instar de ces dernières dispositions, l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39 impose aux autorités de surveillance des marchés d’instruments financiers une interdiction de divulguer des informations confidentielles qu’elles détiennent, sauf sous une forme résumée ou agrégée empêchant toute identification des entités concernées.

125    Deuxièmement, ainsi que la Cour l’a énoncé au point 24 de l’arrêt Baumeister, il découle de l’exigence d’une application uniforme du droit de l’Union que, dans la mesure où une disposition de celui-ci ne renvoie pas au droit des États membres en ce qui concerne une notion particulière, cette dernière doit normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme [voir arrêt du 11 mars 2020, X (Recouvrement de droits additionnels à l’importation), C‑160/18, EU:C:2020:190, point 34 et jurisprudence citée].

126    Dans la mesure où ni la directive 2013/36 ni la directive 2014/59 n’opèrent un renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne la détermination du sens et de la portée de la notion d’informations confidentielles détenues par une autorité de surveillance, il convient de donner une interprétation autonome et uniforme à cette notion, à savoir la même que celle retenue par la Cour au point 46 de l’arrêt Baumeister.

127    Troisièmement, s’agissant de la directive 2013/36, il importe de relever que son adoption repose sur des considérations similaires à celles ayant justifié l’adoption de la directive 2004/39, en cause dans l’arrêt Baumeister. Cela a été confirmé par la Cour dans son arrêt du 13 septembre 2018, Buccioni (C‑594/16, EU:C:2018:717), dans lequel elle a interprété certains aspects de l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36.

128    Même si l’arrêt du 13 septembre 2018, Buccioni (C‑594/16, EU:C:2018:717), concernait l’application, par une autorité de surveillance prudentielle nationale, d’une dérogation au principe de secret professionnel et que la Cour n’y a pas répété l’exercice d’interprétation de la notion d’informations confidentielles, il ne saurait être nié que, par les maints renvois opérés par analogie à l’arrêt Baumeister [arrêt du 13 septembre 2018, Buccioni (C‑594/16, EU:C:2018:717), points 29 et 30], la Cour a, implicitement, mais certainement, indiqué que la même définition que celle retenue dans l’arrêt Baumeister s’appliquait dans le contexte de l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36.

129    En deuxième lieu, la requérante soutient que l’arrêt Baumeister concerne l’application de l’article 54 de la directive 2013/36, alors que la disposition en cause dans la présente affaire est l’article 41, paragraphe 2, de la Charte.

130    Or, pour les raisons développées aux points 83 à 107 ci-dessus, la requérante ne pouvait se prévaloir des droits de la défense tels qu’ils sont prévus par l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la BCE d’avoir violé cette disposition. La présente affaire concerne dès lors uniquement l’application du régime d’accès du public aux documents de la BCE, tel que consacré par la décision 2004/258.

131    En troisième lieu, la requérante affirme que l’article 54 de la directive 2004/39, faisant l’objet de l’arrêt Baumeister, se situe dans un contexte différent de celui dans lequel se situe le règlement no 1049/2001, invoqué par la BCE et les intervenantes.

132    À cet égard, il suffit de relever que, s’agissant en l’espèce de documents détenus par la BCE, le règlement no 1049/2001 n’est pas applicable (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, De Masi et Varoufakis/BCE, C‑342/19 P, EU:C:2020:1035, point 48, et conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire De Masi et Varoufakis/BCE, C‑342/19 P, EU:C:2020:549, points 27 à 33). En effet, aux termes de l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE, la BCE n’est soumise au régime d’accès aux documents des institutions, visé au premier alinéa de la même disposition, que lorsqu’elle exerce des fonctions administratives. Il s’ensuit que les conditions régissant l’accès aux documents détenus par cette institution qui se rapportent à la surveillance prudentielle ne peuvent pas être établies par des règlements adoptés en vertu de l’article 15, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE.

133    La décision 2004/258, en revanche, est applicable et prévoit que « la protection […] de la confidentialité des informations protégées en tant que tel[les] », ainsi que consacrée à son article 4, paragraphe 1, sous c), constitue une exception absolue au droit d’accès, cette exception renvoyant, à cet effet, au droit de l’Union, dont font partie, notamment, l’article 53 de la directive 2013/36 et l’article 84 de la directive 2014/59. Au lieu de s’exclure mutuellement, le régime d’accès aux documents et le régime de secret professionnel, tels qu’ils s’appliquent en l’espèce, se complètent donc plutôt.

134    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième grief de la requérante, selon lequel la définition de la notion d’informations confidentielles établie par la Cour au point 46 de l’arrêt Baumeister ne s’applique pas par analogie à cette même notion contenue à l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 et à l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59.

 Sur le troisième grief, tiré de ce que les documents demandés ne contiennent pas des informations confidentielles

135    Dans le cadre de son troisième grief, d’une part, la requérante reproche à la BCE d’avoir refusé l’accès à des informations qui relèvent ou devraient relever du domaine public. D’autre part, la requérante fait valoir que la BCE a procédé à une appréciation purement hypothétique du préjudice que l’accès aux documents demandés pourrait causer tant aux intérêts commerciaux de Banco Popular et de Banco Santander qu’au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle.

136    Ces arguments soulèvent, en substance, la question de savoir si les documents demandés contiennent des informations confidentielles au sens de l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 et de l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59.

137    Il convient donc d’examiner si les documents demandés contiennent des informations, d’une part, qui n’ont pas de caractère public et, d’autre part, dont la divulgation risquerait de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qui les a fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle (voir, par analogie, arrêt Baumeister, point 46).

–       Sur le caractère public des informations contenues dans les documents demandés

138    La première condition pour reconnaître le caractère confidentiel de certaines informations requiert de vérifier si ces informations n’ont pas de caractère public. À cet égard, il y a lieu de considérer que des informations n’ont pas de caractère public lorsqu’elles ne sont connues que par un nombre restreint de personnes (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, EU:T:2006:136, point 71).

139    La requérante affirme que, en ayant refusé de divulguer des données relatives à l’actif et au passif de Banco Popular, la BCE a méconnu le fait qu’il s’agit d’informations qu’une banque est, en tout état de cause, tenue de refléter dans son bilan et qui relèvent ainsi du domaine public. Lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle souhaitait comprendre quels actifs et quels passifs pourraient être considérés comme étant confidentiels, puisque ce sont des données qui devraient être publiques.

140    Or, force est de constater que, malgré la précision apportée lors de l’audience, les allégations de la requérante sont peu étayées en ce qu’elles n’apportent pas la moindre indication s’agissant du caractère public de certaines informations contenues dans les documents demandés. En effet, le reproche selon lequel les « données relatives à l’actif et au passif » de Banco Popular constituent des informations « qui donnent forme à son bilan » ne saurait suffire pour valablement jeter le doute sur la nature confidentielle des données concernées.

141    Au demeurant, d’une part, il convient de constater que la lecture de la version intégrale de l’évaluation FOLTF permet de constater que les extraits auxquels l’accès a été refusé contiennent essentiellement des informations financières relatives à la situation de capital et de liquidité de Banco Popular dans les semaines ayant précédé la rédaction de l’évaluation FOLTF. Comme l’a confirmé la BCE lors de l’audience, il s’agit de données qui ne sont pas régulièrement ou habituellement publiées par l’établissement de crédit concerné, ni par la banque centrale nationale ou la BCE, mais plutôt d’informations qui ont été spécifiquement recherchées afin d’apprécier si l’établissement de crédit sous surveillance continuait à satisfaire aux conditions d’agrément prévues par la directive 2013/36.

142    D’autre part, s’agissant des échanges entre la BCE, le CRU et la Commission en vertu de l’article 18, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, du règlement no 806/2014, la lecture de ces documents mène à la constatation que ces échanges appartiennent à un espace de réflexion entre ces services, permettant un échange de vues confidentiel dans le cadre de consultations préliminaires. Rien dans l’argumentaire de la requérante ne permet de conclure que ces documents ou les informations qu’ils contiennent ont un caractère public.

143    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les informations concernant l’actif et le passif de Banco Popular qui sont contenues dans les documents demandés relèvent du domaine public.

–       Sur l’atteinte aux intérêts de la personne ayant fourni les informations confidentielles ou de tiers, ou au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution

144    La seconde condition pour reconnaître le caractère confidentiel de certaines informations requiert de vérifier si la divulgation de ces informations risque de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qui les a fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution (arrêt Baumeister, point 46).

145    À cet égard, la requérante reproche, en substance, à la BCE de s’être contentée d’un raisonnement purement hypothétique, tant en ce qui concerne le préjudice qu’une divulgation des documents demandés risquerait de causer aux intérêts commerciaux de Banco Santander et de Banco Popular qu’en ce qui concerne l’atteinte qu’une telle divulgation pourrait avoir sur le bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle.

146    D’une part, la BCE, dans la décision attaquée, a mentionné le fait que certaines informations, à savoir en particulier l’évaluation de l’incidence de la liquidité de Banco Popular sur le financement et la structure opérationnelle de sa filiale, Banco Popular Portugal, étaient sensibles d’un point de vue commercial et pouvaient donner lieu à une spéculation non fondée sur la situation financière et de liquidité du groupe. La BCE en a conclu que la protection des intérêts commerciaux de Banco Popular et de sa société mère, Banco Santander, justifiait de refuser l’accès aux documents demandés.

147    D’autre part, s’agissant de l’atteinte au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution, il ressort de la décision attaquée que la BCE a fait état de ce que la version intégrale de l’évaluation FOLTF, ainsi que les informations fournies par Banco Popular sur lesquelles cette évaluation se fonde, relevait de dossiers administratifs relatifs à la surveillance prudentielle continue et à la procédure concernant l’évaluation FOLTF. Selon la BCE, cela valait également en ce qui concernait les échanges entre les institutions et les entités impliquées dans les différentes étapes de développement et d’exécution de la procédure de résolution. D’après la BCE, ces dossiers administratifs relevaient de l’exercice de ses missions en tant qu’autorité de surveillance compétente, qui émanent du règlement no 1024/2013. La BCE a en outre expliqué que, dans l’exercice des missions qui lui sont confiées par le règlement no 1024/2013, elle est liée par des obligations de secret professionnel. La BCE en a conclu que la divulgation d’informations confidentielles issues d’une surveillance prudentielle pouvait porter atteinte tant à l’établissement de crédit directement concerné qu’au système bancaire en général, puisque les banques ne pourraient plus se fier au fait que les informations qu’elles avaient fournies à la BCE dans le cadre de la surveillance prudentielle conservent leur caractère confidentiel. La BCE s’est référée, dans ce contexte, aux arrêts du 11 décembre 1985, Hillenius (110/84, EU:C:1985:495, point 27), et du 12 novembre 2014, Altmann e.a., (C‑140/13, EU:C:2014:2362, points 31 à 33).

148    Il est constant entre les parties que le raisonnement de la décision attaquée quant au préjudice qu’un accès aux documents demandés présente revêt, effectivement, un caractère hypothétique.

149    Or, il a été jugé que, en vertu des règles prévues par l’article 4 de la décision 2004/258, la BCE est tenue de comparer, d’une part, la situation existante, dans laquelle l’accès aux documents n’est pas (encore) accordé, et, d’autre part, une situation hypothétique, dans laquelle l’accès aux documents serait accordé. Selon cette jurisprudence, la seule circonstance que la BCE a pris en compte la situation hypothétique dans laquelle elle donnerait accès aux documents demandés n’est pas, en elle-même, susceptible de remettre en cause le bien-fondé de son raisonnement (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2015, Versorgungswerk der Zahnärztekammer Schleswig-Holstein/BCE, T‑376/13, EU:T:2015:361, point 75).

150    Au point 46 de l’arrêt Baumeister, la Cour a confirmé le caractère hypothétique de cet exercice lorsqu’elle a indiqué que l’institution devait vérifier si la divulgation des documents demandés « risqu[ait] » de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qui les avait fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de contrôle de l’activité des entreprises d’investissement.

151    En l’occurrence, la BCE a fourni une explication relative au besoin de protection invoqué en faisant valoir que la divulgation des documents demandés porterait atteinte tant aux intérêts commerciaux de Banco Popular et de Banco Santander qu’au système bancaire en général. Le raisonnement concernant le risque d’atteinte à ces intérêts, tel qu’exposé aux points 146 et 147 ci-dessus, est suffisamment concret pour permettre à la requérante d’en contester le bien-fondé. De surcroît, ce risque d’atteinte présente un caractère raisonnablement prévisible.

152    Or, comme le soutient à juste titre la BCE, la requérante ne fait valoir aucun argument substantiel qui permettrait de remettre en cause le bien-fondé du raisonnement de la BCE.

153    Partant, il convient de considérer que les documents demandés contiennent des informations confidentielles couvertes par le secret professionnel et que, dès lors, la BCE a, à bon droit, considéré que celles-ci étaient couvertes par l’exception au droit d’accès visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258. Il convient donc de rejeter le troisième grief.

 Sur le quatrième grief, tiré de ce que les dérogations prévues par l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 et l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59 s’appliquent

154    Dans le cadre de son quatrième grief, la requérante fait valoir, en substance, que l’exception au droit d’accès prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, qui vise à protéger la confidentialité des informations qui sont protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union, n’est pas applicable en l’espèce, puisque cette disposition renvoie à d’autres dispositions qui prévoient expressément des limites à la confidentialité. Ainsi, l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59, l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 et l’article 88, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 contiendraient tous la même dérogation au principe de confidentialité, à savoir l’existence d’une procédure judiciaire.

155    La BCE, soutenue par la Commission, conteste les arguments de la requérante.

156    À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que la Cour a indiqué, au point 30 de l’arrêt du 13 septembre 2018, Buccioni (C‑594/16, EU:C:2018:717), que les cas spécifiques dans lesquels le principe général d’interdiction de divulgation des informations confidentielles détenues par les autorités compétentes, posé à l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2013/36, ne faisait, exceptionnellement, pas obstacle à leur transmission ou à leur utilisation étaient énoncés de manière exhaustive dans cette directive. En outre, la Cour a précisé, au point 37 du même arrêt, que les dérogations prévues par la directive 2013/36 à l’interdiction générale de divulguer des informations confidentielles devaient être interprétées de manière stricte.

157    Ces mêmes considérations s’appliquent, par analogie, à l’exception à l’interdiction de divulgation posée à l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59.

158    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier les arguments de la requérante.

159    D’une part, s’agissant de l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36, cette disposition prévoit que, lorsqu’un établissement de crédit a été déclaré en faillite ou que sa liquidation forcée a été ordonnée, les informations confidentielles qui ne concernent pas les tiers impliqués dans les tentatives de sauvetage de cet établissement de crédit peuvent être divulguées dans le cadre de procédures civiles ou commerciales.

160    Or, en l’espèce, comme le fait valoir à juste titre la BCE, Banco Popular n’a pas été déclarée en faillite, pas plus que sa liquidation forcée n’a été ordonnée. Il ressort au contraire du dispositif de résolution que celui-ci visait notamment à une cession des activités de Banco Popular à Banco Santander. Cette cession a permis à Banco Popular de continuer à fonctionner sous des conditions de marché normales en tant que membre du groupe Santander jusqu’au 28 avril 2018, date à laquelle elle a fait l’objet d’une fusion par absorption avec Banco Santander.

161    Par ailleurs, il ressort du règlement no 806/2014 que c’est précisément dans le but d’éviter une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité que celui-ci prévoit l’application d’un instrument de résolution à une entité défaillante.

162    Ainsi, avant l’adoption d’une mesure de résolution, dans le contexte de l’évaluation de la condition tenant à ce que la résolution soit dans l’intérêt public, prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014, le CRU doit notamment évaluer si la résolution d’une entité insolvable n’est pas préférable à sa liquidation. À cet égard, au considérant 58 du règlement no 806/2014, il est indiqué que, dans le cas où la liquidation d’une entité défaillante selon une procédure normale d’insolvabilité pourrait compromettre la stabilité financière, interrompre la fourniture de services essentiels et menacer la protection des déposants, il est d’intérêt public d’appliquer des instruments de résolution.

163    Par ailleurs, à la suite de l’adoption d’une mesure de résolution, conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous g), à l’article 20, paragraphe 16, et à l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014, une évaluation par un expert indépendant doit comparer le traitement réel dont les actionnaires et les créanciers ont fait l’objet dans le cadre de la résolution et le traitement dont ils auraient bénéficié si l’entité avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision sur la mesure de résolution a été prise. S’il est constaté que les actionnaires et les créanciers ont reçu, en paiement de leurs créances dans le cadre de la résolution, moins que ce qu’ils auraient reçu dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité, ils devraient, en principe, avoir droit à un dédommagement.

164    Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de conclure qu’une faillite a une nature et des objectifs essentiellement différents de ceux d’une résolution et qu’une application par analogie de l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 à une entité soumise à une procédure de résolution est donc exclue.

165    Une telle application par analogie de ladite disposition serait d’ailleurs contraire aux principes rappelés au point 156 ci-dessus, selon lesquels les dérogations prévues par la directive 2013/36 à l’interdiction générale de divulguer des informations confidentielles sont prévues de manière exhaustive et doivent être interprétées de manière stricte.

166    Il s’ensuit que la dérogation prévue à l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.

167    D’autre part, s’agissant de l’exception au principe de secret professionnel prévue à l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59, cette disposition prévoit qu’elle s’applique sans préjudice du droit national concernant la divulgation d’informations aux fins de procédures judiciaires dans le cadre d’affaires pénales ou civiles.

168    Or, comme l’avance à bon droit la BCE, la requérante n’a invoqué aucune disposition de droit national qui requerrait la divulgation des documents demandés.

169    En outre, l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59 vise la divulgation exceptionnelle d’informations confidentielles dans le cadre de procédures nationales. Or, la requérante ne nie pas que ses demandes d’accès ont été motivées par son intention d’introduire un recours devant le Tribunal.

170    Partant, la dérogation prévue à l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59 n’est pas applicable en l’espèce.

171    Ces conclusions ne sauraient être remises en cause par les autres arguments de la requérante.

172    D’une part, la requérante se réfère, dans la réplique, à l’article 88, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, qui prévoit que les informations couvertes par le secret professionnel ne peuvent être divulguées à une autre entité publique ou privée, sauf lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires.

173    Sans préjudice de la question de savoir si cet argument est recevable en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, il convient de relever que cette disposition n’est, en toute hypothèse, pas pertinente en l’espèce. En effet, comme le fait valoir à juste titre la BCE, le champ d’application personnel de ladite disposition inclut les membres du CRU, son vice-président, le personnel du CRU et le personnel des États membres participants qui fait l’objet d’un échange ou d’un détachement et exerce des fonctions de résolution. Cette disposition ne vise donc pas le personnel de la BCE, si bien qu’elle n’offre pas de base juridique pour la divulgation par la BCE de documents confidentiels tels que ceux qui font l’objet du présent recours.

174    D’autre part, l’argument de la requérante selon lequel les dérogations prévues par l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 et l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59 démontrent que les obligations de confidentialité et de secret professionnel incombant aux institutions et aux organes de l’Union ne prévalent pas lorsqu’elles se heurtent au principe du respect des droits de la défense et du droit fondamental à une bonne administration tel qu’il est prévu à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte ne saurait prospérer non plus.

175    À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever, à l’instar de la BCE, que lesdites dérogations au principe de confidentialité doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, tel que cela a été rappelé au point 156 ci-dessus. Il s’ensuit que ces dérogations ne sauraient être généralisées, comme le suggère la requérante, dans le sens où, chaque fois qu’il existerait une procédure judiciaire ou l’intention d’en introduire une, il y aurait lieu de divulguer des informations confidentielles. Cela reviendrait à contourner le régime de secret professionnel par le biais du régime d’accès aux documents et priverait dès lors le principe de base, à savoir la confidentialité, de son effet utile.

176    Deuxièmement, il ressort du libellé de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte que le droit d’accès au dossier n’a pas de valeur absolue, mais s’inscrit dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel des affaires. Cette disposition n’instaure donc pas de primauté du droit à une bonne administration de la justice sur le principe de secret professionnel, tel que le suggère la requérante. Il convient plutôt de mettre en balance ces deux intérêts, tel que cela est prévu par les directives 2013/36 et 2014/59, en ce que celles-ci prévoient explicitement les cas dans lesquels le respect des droits de la défense prévaut sur l’obligation de secret professionnel. Dans la mesure où le refus d’accès aux documents couverts par l’obligation de secret professionnel incombant à la BCE est prévu par ces deux instruments juridiques, une atteinte éventuelle au droit d’accès au dossier constituerait une limitation répondant aux critères de l’article 52 paragraphe 1, de la Charte, énonçant que toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par la Charte doit être prévue par la loi.

177    Troisièmement, comme le font valoir à juste titre la BCE et les intervenantes, force est de constater que le règlement de procédure, et plus particulièrement ses articles 88 à 104, prévoit un régime spécial de présentation et d’utilisation d’informations détenues par une des parties dans le cadre de procédures juridictionnelles devant le Tribunal.

178    En effet, d’une part, les articles 89 et suivants du règlement de procédure prévoient que le Tribunal peut demander ou ordonner, dans le cadre de litiges tels ceux en cause dans les affaires T‑512/17 et T‑701/17, la production d’un document par une des parties au litige. La jurisprudence a développé cette faculté en ajoutant que, pour permettre au Tribunal de déterminer s’il est utile au bon déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la demande doit identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 93, et du 20 mars 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑766/16, EU:T:2019:173, point 29 et jurisprudence citée).

179    D’autre part, dans le cadre des mesures d’instruction qui peuvent être adoptées par le Tribunal, l’article 103, paragraphe 2, du règlement de procédure prévoit de façon explicite que, lorsqu’une partie principale fait valoir la confidentialité de certains renseignements ou pièces produits devant le Tribunal à l’égard d’une autre partie principale, celui-ci doit procéder à un examen qui implique une mise en balance de leur caractère confidentiel et des exigences liées au droit à une protection juridictionnelle effective, en particulier au respect du principe du contradictoire.

180    Au terme de cette mise en balance, le Tribunal peut décider de porter à la connaissance de l’autre partie principale les renseignements ou les pièces confidentiels, le cas échéant en subordonnant leur divulgation à la souscription d’engagements spécifiques, ou de ne pas les communiquer, en précisant, par voie d’ordonnance motivée, les modalités permettant à cette autre partie principale, dans la plus large mesure possible, de faire valoir ses observations, notamment en ordonnant la production d’une version non confidentielle ou d’un résumé non confidentiel des renseignements ou des pièces, comportant leur contenu essentiel.

181    Aux points 38 et 39 de l’arrêt du 13 septembre 2018, Buccioni (C‑594/16, EU:C:2018:717), la Cour a indiqué, d’une part, qu’une demande de divulgation de documents qui sont couverts par le secret professionnel doit porter sur des informations à l’égard desquelles le demandeur avance des indices précis et concordants laissant supposer de manière plausible que ces documents s’avèrent pertinents pour les besoins d’une procédure civile ou commerciale et, d’autre part, qu’il incombe aux autorités et aux juridictions compétentes de mettre en balance l’intérêt du demandeur à disposer des informations en cause et les intérêts liés au maintien de la confidentialité des informations couvertes par le secret professionnel, avant de procéder à la divulgation des documents sollicités.

182    En conséquence, les dérogations au principe de confidentialité, telles que celles instaurées à l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 et à l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59, ne modifient pas les règles spécifiques en matière d’accès aux documents. En effet, elles renforcent plutôt l’idée qu’il appartient au juge saisi du fond de l’affaire, à savoir, en l’espèce, s’agissant des recours en annulation contre le dispositif de résolution introduits par la requérante, le Tribunal, d’utiliser les mesures d’organisation de la procédure et d’instruction à sa disposition.

183    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième grief et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité.

184    Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé du troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258.

185    En effet, la décision attaquée étant déjà légalement fondée par les motifs qu’elle comporte et qui sont relatifs à l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, le troisième moyen, même à le supposer fondé, doit être écarté comme étant en toute hypothèse inopérant (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Bronckers/Commission, T‑166/19, EU:T:2020:557, point 78 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

186    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BCE.

187    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la Commission supportera ses propres dépens.

188    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que Banco Santander, intervenue au soutien des conclusions de la BCE, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Organización de Consumidores y Usuarios (OCU) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Banque centrale européenne (BCE).

3)      La Commission européenne et Banco Santander, SA supporteront leurs propres dépens.

Collins

Kreuschitz

Csehi

De Baere

 

      Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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