Union syndicale Solidaires des SDIS de France and DOM/TOM v Commission (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-152/21 (01 December 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T15221.html
Cite as: EU:T:2021:847, [2021] EUECJ T-152/21, ECLI:EU:T:2021:847

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ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

1er décembre 2021 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Dépôt d’une plainte auprès de la Commission en matière d’application du droit de l’Union – Délai de réponse – Droit à une bonne administration – Obligation de diligence – Délai raisonnable – Absence de violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑152/21,

Union syndicale Solidaires des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de France et DOM/TOM, établie à Nîmes (France), représentée par Me O. Coudray, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Ehrbar et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait subi en raison de l’inaction fautive de la Commission dans le traitement de sa plainte, enregistrée le 27 juin 2019 sous la référence CHAP(2019)01840, pour manquement supposé de la République française au droit de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. C. Iliopoulos (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 juin 2019, la requérante, l’Union syndicale Solidaires des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de France et DOM/TOM, a adressé à la Commission européenne une plainte, enregistrée sous la référence CHAP(2019)01840, concernant des prétendus manquements de la République française au droit de l’Union européenne (ci-après la « plainte litigieuse »).

2        Au titre des mesures nationales suspectées d’enfreindre la législation de l’Union, la plainte litigieuse précisait, dans le formulaire prévu à cet effet, que « [la République française] ne considère pas les sapeurs-pompiers volontaires comme des travailleurs, y compris ceux qui réalisent des volumes horaires très importants, à l’inverse des sapeurs-pompiers professionnels, alors qu’ils exercent strictement les mêmes missions ».

3        Le 28 juin 2019, les services de la Commission ont accusé réception de la plainte litigieuse. L’accusé de réception comportait, en annexe, des explications d’ordre général sur les modalités de la procédure d’infraction ouverte pour violation du droit de l’Union (ci-après les « explications sur la procédure d’infraction »).

4        Au point 3 des explications sur la procédure d’infraction, intitulé « Procédures administratives applicables au traitement de [la] plainte », il était indiqué, en particulier, que, « [a]près avoir reçu [la] plainte, la Commission l’examine en vue de parvenir à une décision de mise en demeure ou de classement dans un délai maxim[al] d’un an ». En outre, dans ce même point, il était précisé que « [l]orsque ce délai est dépassé, la Commission […] informe [le plaignant] par écrit de l’état du dossier ».

5        Le 14 novembre 2019, la Commission a adressé un courrier à la requérante, dans lequel le signataire indiquait ce qui suit :

« Je suis désolé de vous informer qu’en raison d’un nombre élevé de dossiers à traiter et de la nécessité de procéder à un examen détaillé de [la] plainte [litigieuse], nous ne pouvons vous fournir une réponse à celle-ci immédiatement.

Nous vous enverrons une réponse détaillée dès que nous aurons achevé l’examen de [la] plainte [litigieuse] […] »

6        Le 4 juin 2020, le secrétaire national de la requérante, agissant à titre personnel, en qualité de sapeur-pompier volontaire, s’est adressé par courrier à la Commission afin, en substance, de connaître les intentions de celle-ci face à la position de la République française.

7        Par courrier du 18 septembre 2020, la requérante a contacté la Commission pour s’enquérir de l’état d’avancement du traitement de ladite plainte et de la suite que celle-ci entendait y réserver. La requérante a précisé que, en l’absence de réponse dans un délai de deux mois, elle se réservait le droit de saisir le Tribunal d’un recours.

8        La Commission n’a répondu ni au courrier du 4 juin 2020 ni à celui du 18 septembre 2020.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 mars 2021, la requérante a introduit le présent recours.

10      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 2 juin 2021.

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison de l’inaction fautive de cette institution dans le traitement de la plainte litigieuse, cette somme portant intérêt au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante soutient, en substance, que son droit à une bonne administration, tel que défini par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a été méconnu par la Commission dans le traitement de la plainte litigieuse. D’une part, cette institution ne l’aurait pas informée de manière diligente de l’état d’avancement de l’examen engagé à ce titre et, d’autre part, elle n’aurait pas pris position sur l’objet de ladite plainte dans un délai raisonnable.

14      La requérante fait ainsi valoir que de tels manquements révèlent l’inaction fautive de la Commission et sont de nature à engager la responsabilité de l’Union à son égard. Elle affirme qu’il existe un lien de causalité direct entre de telles illégalités fautives et le préjudice moral dont elle demande réparation. La requérante soutient également qu’un tel préjudice est constitué de façon réelle et certaine, dès lors que l’inaction fautive de la Commission l’aurait placée dans un situation d’inquiétude qui aurait porté « frontalement » atteinte à sa mission de défendre les intérêts de l’ensemble des personnels des services d’incendie et de secours français et de hâter l’aboutissement de ses revendications.

15      La Commission conclut au rejet de l’ensemble de l’argumentation de la requérante et fait valoir, en particulier, qu’aucun des griefs invoqués par celle-ci n’est susceptible de constituer une violation suffisamment caractérisée des droits qui sont conférés en vertu du droit à une bonne administration et de l’obligation de diligence.

 Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union

16      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêts du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, EU:C:2006:708, point 26 et jurisprudence citée, et du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 40 et jurisprudence citée).

17      Le caractère cumulatif de ces conditions implique que, dès lors que l’une d’entre elles n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêts du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C‑122/01 P, EU:C:2003:259, point 30, et du 28 avril 2016, Sharif University of Technology/Conseil, T‑52/15, EU:T:2016:254, point 121).

18      S’agissant de la condition relative à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers [arrêts du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 47, et du 6 septembre 2018, Klein/Commission, C‑346/17 P, EU:C:2018:679, point 61].

19      En ce qui concerne l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le régime dégagé par la Cour en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union prend notamment en compte la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes et, plus particulièrement, la marge d’appréciation dont dispose l’auteur de l’acte mis en cause [voir arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 50 et jurisprudence citée].

20      Ainsi, le critère décisif permettant de considérer qu’une violation du droit de l’Union est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Nikolaou/Cour des comptes, C‑220/13 P, EU:C:2014:2057, point 53 et jurisprudence citée). Lorsque cette institution, cet organe ou cet organisme ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêt du 20 juillet 2016, Oikonomopoulos/Commission, T‑483/13, EU:T:2016:421, point 41 et jurisprudence citée).

 Sur l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers

21      En l’espèce, ainsi qu’il a été précisé au point 13 ci-dessus, la requérante se prévaut d’un moyen unique tiré de la méconnaissance du droit à une bonne administration.

22      L’article 41, intitulé « Droit à une bonne administration », paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux dispose que « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ».

23      À cet égard, il a été jugé que le droit à une bonne administration ne conférait pas, par lui-même, de droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission, T‑196/99, EU:T:2001:281, point 43), sauf lorsqu’il constituait l’expression de droits spécifiques comme le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable (arrêt du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, point 127).

24      En premier lieu, s’agissant de la méconnaissance alléguée du principe de diligence, la requérante se prévaut de la jurisprudence selon laquelle, parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives figure l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).

25      L’obligation de diligence, qui est inhérente au principe de bonne administration, s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union dans ses relations avec le public et exige de celle-ci qu’elle agisse avec soin et prudence (voir arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 34 et jurisprudence citée). Une telle obligation doit donc être observée par l’administration de l’Union dans ses relations et ses prises de position à l’égard d’une personne morale [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 92].

26      La jurisprudence a ainsi reconnu que l’administration de l’Union pouvait engager sa responsabilité non contractuelle pour comportement illicite lorsqu’elle n’agissait pas avec toute la diligence requise et causait, de ce fait, un préjudice [voir arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 91 et jurisprudence citée].

27      La méconnaissance de l’obligation de diligence, dans un cas concret, ne saurait toutefois permettre de considérer que les conditions susceptibles d’entraîner la responsabilité non contractuelle de l’Union sur la base d’une violation de cette obligation seraient réunies sans prendre en considération ni le domaine, ni les conditions, ni le contexte dans lesquels ladite obligation pèse sur l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union concerné par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, points 39 et 40).

28      Dès lors, afin de conclure à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de diligence s’imposant à la Commission dans l’examen de la plainte litigieuse, il revenait à la requérante d’établir que, en n’agissant pas avec tout le soin et toute la prudence requis, cette institution aurait méconnu de manière grave et manifeste les limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation dans le contexte de l’exercice des pouvoirs dont elle dispose pour instruire une plainte introduite contre un État membre pour manquement au droit de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 41).

29      Or, pour établir qu’une telle obligation aurait été méconnue par la Commission dans le traitement de la plainte litigieuse, force est de constater que la requérante n’a pas apporté d’éléments de nature à démontrer que cette institution aurait manqué à son obligation d’agir avec soin et prudence ni, a fortiori, que celle-ci aurait commis une violation suffisamment caractérisée d’une telle obligation pour avoir méconnu, de manière grave et manifeste, les limites de son pouvoir d’appréciation.

30      La seule circonstance que la Commission n’a pas informé la requérante plus d’un an et demi après le dépôt de la plainte litigieuse de l’état d’avancement de l’affaire ne saurait, en effet, suffire à établir que les éléments pertinents du cas d’espèce n’auraient pas été ou ne seraient pas susceptibles d’être examinés avec soin et impartialité ni que, pour ce seul motif, la Commission aurait méconnu de manière grave et manifeste les limites de son pouvoir d’appréciation dans l’instruction de la plainte litigieuse. Il en va d’autant plus ainsi que le contrôle que la Commission est appelée à exercer, en l’espèce, relève d’une fonction administrative dans le cadre de laquelle elle dispose d’un large pouvoir discrétionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2011, LPN/Commission, T‑29/08, EU:T:2011:448, point 126).

31      Au demeurant, et alors que la requérante ne se prévaut explicitement d’aucun texte susceptible de venir en soutien à son argument tiré du défaut d’information quant à l’état d’avancement de l’examen de sa plainte, il peut être précisé qu’il a déjà été jugé que, dans le cadre d’une procédure engagée au titre de l’article 258 TFUE, les personnes ayant déposé une plainte ne bénéficient pas de droits procéduraux leur permettant d’exiger que la Commission les informe et les entende (ordonnances du 17 juillet 1998, Sateba/Commission, C‑422/97 P, EU:C:1998:395, point 42 ; du 14 janvier 2004, Makedoniko Metro et Michaniki/Commission, T‑202/02, EU:T:2004:5, point 46, et du 27 février 2019, ND et OE/Commission, T‑581/18, non publiée, EU:T:2019:133, point 15).

32      À supposer, au surplus, que la requérante ait implicitement entendu se prévaloir, au soutien de son grief, des explications sur la procédure d’infraction présentées au point 4 ci-dessus, de telles explications n’ont pas, en tout état de cause, de valeur contraignante et ne sont données qu’à titre purement informatif.

33      Si le point 3 des explications sur la procédure d’infraction précise que le plaignant est informé de l’état de son dossier dans le cas où la Commission ne statue pas dans un délai maximal d’un an, le respect et la mise en œuvre de telles informations générales, au regard de l’obligation de diligence, ne sauraient, en tout état de cause, s’apprécier sans tenir compte de la marge d’appréciation laissée à la Commission dans ce domaine ainsi que des circonstances particulières du dossier à instruire, en particulier de sa complexité.

34      À cet égard, la requérante se borne à affirmer, sans aucun élément précis au soutien de son argumentation, que la question soumise dans la plainte litigieuse n’était pas complexe et ne soulevait pas, en substance, d’enjeu particulier justifiant l’inaction de la Commission. Dans ces conditions, et alors que la Commission s’est, notamment, prévalue de la charge de travail de ses services durant la période d’instruction concernée et des circonstances particulières d’organisation en raison de la crise sanitaire liée à la COVID-19, l’absence de réponse sur l’état d’avancement de la plainte litigieuse, plus d’un an et demi après son introduction auprès de la Commission, ne saurait suffire à établir une méconnaissance de l’obligation de diligence de la Commission envers la requérante dans l’instruction de son dossier ni, a fortiori, une violation suffisamment caractérisée d’une telle obligation. Il en est ainsi, et de manière évidente, dès lors qu’un plaignant, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, ne bénéficie pas du droit d’être informé en cours de procédure.

35      Dès lors, le grief tiré de l’existence d’une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la Commission pour violation de l’obligation de diligence dans le traitement de la plainte litigieuse doit être écarté comme non fondé.

36      En second lieu, s’agissant du principe du respect d’un délai raisonnable, la requérante estime que, dans la mesure où la Commission ne disposerait d’aucune marge d’appréciation quant au respect de ce principe, la circonstance que cette institution se serait abstenue de prendre position pendant plus d’un an et demi constituerait, par elle-même, une violation suffisamment caractérisée de son droit à une bonne administration.

37      Il convient, à cet égard, de rappeler que, selon la jurisprudence, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que l’institution a suivies, de la complexité ainsi que de l’enjeu du litige pour les différentes parties intéressées (voir arrêt du 27 juin 2012, Bolloré/Commission, T‑372/10, EU:T:2012:325, point 104 et jurisprudence citée).

38      Or, la requérante se borne, ainsi qu’il a été exposé au point 36 ci-dessus, à soutenir, en substance, que la Commission n’aurait pas agi suffisamment rapidement en ne prenant pas position dans un délai d’un an et demi après l’introduction de la plainte litigieuse, en alléguant qu’un tel délai serait, par lui-même, déraisonnable. Elle affirme, ainsi qu’il a été indiqué au point 34 ci-dessus, que la question soumise à la Commission dans la plainte litigieuse n’était pas complexe et ne soulevait pas d’enjeu particulier. Elle n’a, cependant, apporté aucun élément précis susceptible d’étayer son argumentation et n’a pas expliqué en quoi le délai d’instruction de la plainte litigieuse aurait été, compte tenu des circonstances de l’espèce, déraisonnable et aurait eu une incidence sur la manière de traiter cette plainte. À cet égard, la requérante ne conteste pas, au surplus, les éléments d’explication, tels qu’ils figurent dans le courrier qui lui a été adressé par la Commission le 14 novembre 2019, envoyé un peu moins de cinq mois après le dépôt de la plainte litigieuse, et par lequel, ainsi qu’il a été précisé au point 5 ci-dessus, la Commission a informé la requérante de son impossibilité de lui répondre immédiatement compte tenu de l’examen détaillé qu’exigeait cette plainte et du nombre élevé de dossiers à traiter.

39      Dans ces conditions, et à supposer même que la requérante ait entendu, à l’appui de son grief, se prévaloir du fait que la Commission a méconnu le délai d’un an indiqué au point 3 des explications sur la procédure d’infraction, annexées à l’accusé de réception de la plainte litigieuse, cette seule circonstance ne saurait manifestement suffire à établir que l’absence de réponse à la plainte litigieuse, plus d’un an et demi après le dépôt de celle-ci, constituerait une méconnaissance de son droit à ce que la plainte litigieuse puisse être traitée dans un délai raisonnable.

40      À cet égard, il ressort du dossier, en l’absence d’éléments contraires de la requérante sur ce point, laquelle ne se prévaut d’aucun texte à l’appui de son grief, qu’un tel délai d’un an a été donné par la Commission à titre purement indicatif dès lors qu’il peut être dépassé, la Commission en informant dans ce cas le plaignant, ainsi qu’il ressort du point 3 des explications sur la procédure d’infraction, tel que repris au point 4 ci-dessus. Ainsi, le dépassement d’un délai d’un an pour prendre position sur la plainte litigieuse ne saurait, par lui-même, être regardé comme constitutif d’une méconnaissance du principe du respect du délai raisonnable dans le traitement d’une plainte pour infraction au droit de l’Union.

41      Dès lors, en l’absence d’éléments précis, tant juridiques que factuels, de nature à démontrer le bien-fondé des prétentions de la requérante, et compte tenu des circonstances actuelles très particulières liées à la crise sanitaire en raison de la COVID-19, dont a dû nécessairement tenir compte la Commission dans son organisation, le grief, tiré de l’existence d’une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la Commission pour violation du principe du respect d’un délai raisonnable dans le traitement de la plainte litigieuse, doit être écarté comme non fondé.

42      Compte tenu de tout ce qui précède, la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’est pas remplie.

43      Par conséquent, en application de la jurisprudence mentionnée au point 17 ci-dessus, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée dans le présent litige, sans qu’il soit besoin d’examiner les conditions de l’engagement d’une telle responsabilité relatives à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué.

44      Dans ces conditions, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Union syndicale Solidaires des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de France et DOM/TOM est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Iliopoulos

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er décembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.

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